Malédiction de la neuvième symphonie
La malédiction de la neuvième symphonie est une superstition selon laquelle chaque compositeur, après Beethoven (disparu en 1827), mourra après avoir composé sa neuvième symphonie. Les exemples les plus souvent cités de cette « malédiction », en plus de Beethoven[1], sont Franz Schubert, Antonín Dvořák, Anton Bruckner et Gustav Mahler.
Heitor Villa-Lobos, en 1952, fut le premier à faire mentir cette superstition en composant sa dixième symphonie cette année-là, sur un total de douze, suivi de près par Dmitri Chostakovitch, qui composa sa dixième symphonie l'année suivante.
Gustav Mahler
Le plus célèbre exemple de superstition de ce type se trouve chez Gustav Mahler, qui, après avoir composé sa Symphonie no 8 en Mi bémol majeur (1906–1907), craignit de s'attaquer à une Neuvième, et composa Das Lied von der Erde (Le Chant de la terre, 1908–1909), qualifiée en sous-titre de « symphonie pour contralto, ténor et grand orchestre ». Après avoir achevé cette œuvre symphonique sans que celle-ci fût comptabilisée en tant que symphonie, il composa sa Symphonie no 9 en Ré majeur (1909–1910) — en fait sa dixième — considérant avoir trompé le sort. Cette symphonie fut cependant la dernière qu'il put achever, puisqu'il mourut durant la composition de la Symphonie no 10 en Fa dièse majeur (1909–1910)[2].
Antécédents célèbres
Du point de vue de Mahler, les seules victimes de la « malédiction » avaient été Beethoven, Bruckner, et peut-être Louis Spohr. La Grande Symphonie en ut majeur (1825–1828) de Schubert, aujourd'hui numérotée 9, ou plus rarement 8, portait à l'époque le no 7. Dvořák, lui aussi auteur d'un corpus de neuf symphonies, considérait la partition de sa Symphonie no 1 en ut mineur « Les Cloches de Zlonice » (1865) comme perdue. Bruckner nourrissait également des inquiétudes au sujet de sa Symphonie no 9 en ré mineur (1887–1896), mais c'était à cause de la comparaison inévitable avec celle de Beethoven, à plus forte raison parce qu'elle était écrite dans la même tonalité ; il s'agissait, d'ailleurs, de sa onzième symphonie, puisque la numérotation ne commence qu'après sa Symphonie d'études en fa mineur (parfois dite « no 00 », 1863) et la Symphonie en ré mineur dite no 0 (1869, en fait la troisième, « annulée » par Bruckner et renumérotée a posteriori). Elle est d'ailleurs inachevée, le Finale restant à l'état d'esquisses et de fragments[3].
Après Mahler
Dans un essai sur Mahler, Arnold Schönberg écrit : « Il semble que la neuvième soit une limite. Qui veut la franchir doit trépasser. Comme si la Dixième contenait quelque chose que nous ne devrions pas encore connaître, pour quoi nous ne serions pas prêts. Ceux qui ont écrit une Neuvième s'étaient trop approchés de l'au-delà. »[4].
Abel Gance réalise en 1918 un film intitulé La Dixième Symphonie, au titre largement inspiré de ce mythe.
Après Mahler, la « malédiction » sembla s'appliquer à Malcolm Arnold, Blaž Arnič, Kurt Atterberg, Irwin Bazelon, Bjarne Brustad, Andreï Eschpaï, Kurt Graunke, Alun Hoddinott, László Lajtha, Torbjörn Lundquist, Vincent Persichetti, Antanas Rekašius, Harald Sæverud, Roger Sessions, Ādolfs Skulte, Alberto Williams, Ralph Vaughan Williams et Egon Wellesz. Alexandre Glazounov composa le premier mouvement d'une Symphonie no 9 en ré mineur entre 1904 et 1910, mais l'abandonna. Il vécut jusqu'en 1936.
Contre-exemples
Des nombreux contre-exemples existent cependant, comme Menachem Avidom, Max Butting, Philippe Chamouard, Peter Maxwell Davies, Jacobo Ficher, Don Gillis, Hans Werner Henze, Zhu Jian'er, Jan Kapr, John Kinsella, Tauno Marttinen, David Maslanka, Andrzej Panufnik, Nikolaï Peïko, Marcel Rubin, William Schuman, Alfred Schnittke et Emil Tabakov (dix symphonies), David Diamond, Philip Glass, Maurice Karkoff, Aubert Lemeland, Alexandre Lokchine, Gian Francesco Malipiero, Sulkhan Nasidze, Edmund Rubbra, Joachim Raff, Robert Simpson, Yuri Ter-Osipov et Eduard Tubin (onze), Daniel Börtz, Shahin Farhat, John Fernström, Alfred Hill, Robert Kyr, Levko Kolodub, Aubert Lemeland, George Lloyd, Darius Milhaud, Alexander Moyzes, Ib Nørholm et Heitor Villa-Lobos (douze), Roy Harris, Vagn Holmboe, Daniel Jones et Gustaf Paulson (treize), Henk Badings, Glenn Branca et Cláudio Santoro (quatorze), Dmitri Chostakovitch[5], Ernst Levy, Arthur Meulemans (quinze), Gloria Coates, Rued Langgaard (seize), Kalevi Aho, Allan Pettersson et Joseph Touchemoulin (dix-sept), Dimitrie Cuclin (vingt), Henry Cowell, Jānis Ivanovs, et Jiří Válek (vingt et une), Mieczysław Weinberg (vingt-deux), Niels Viggo Bentzon, Alemdár Karamánov et Julius Röntgen (vingt-quatre), Alemdar Karamanov (vingt-cinq), Nikolaï Miaskovski (vingt-sept), Havergal Brian (trente-deux), Sergueï Slonimski (trente-trois), Alan Hovhaness (soixante-sept) et Leif Segerstam (trois-cent-cinquante, série en cours). Les Neuvièmes de Atterberg, Henze, Rubbra et Robert Kyr sont toutes des symphonies chorales, comme celle de Beethoven.
Haydn (avec cent six symphonies, la dernière portant le numéro 104) et Mozart (avec une cinquantaine de symphonies, la dernière portant le numéro 41) ne sont pas concernés par cette « malédiction », ayant vécu avant Beethoven. On pourrait mentionner également que Beethoven transforma et étendit tant la forme symphonique que ce n'est qu'après lui que la composition d'une symphonie devint une entreprise difficile et de longue haleine, comme en témoignent les difficultés qu'eut Brahms à commencer et à terminer sa Symphonie no 1 en ut mineur (1862–1878) — surnommée, malgré tout, la « Dixième Symphonie de Beethoven », par Hans von Bülow.
Notes et références
- paricilestartines, « Les maudits de la 9ème Symphonie », sur accueil, (consulté le )
- « La malédiction de la Neuvième... », sur medici.tv (consulté le )
- Clémence Lengagne, « La malédiction de la neuvième symphonie », sur France Musique, (consulté le )
- Alice Boccara, « Gustav Mahler : 10 (petites) choses que vous ne saviez (peut-être) pas sur le compositeur », sur France Musique, (consulté le )
- « INTRODUCTION A LA MUSIQUE CLASSIQUE - Le post-romantisme en Allemagne », sur classic-intro.net (consulté le )