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Antonio Vivaldi

Antonio Lucio Vivaldi [anˈtɔːnjo ˈluːtʃo viˈvaldi][1] , nĂ© le Ă  Venise et mort le Ă  Vienne, est un violoniste et compositeur de musique classique italien[2]. Il Ă©tait Ă©galement prĂȘtre de l'Église catholique.

Antonio VivaldiAntonio Lucio Vivaldi
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Portrait de Vivaldi en 1725 (gravure sur cuivre de François Morellon de La Cave).
Surnom Il Prete Rosso (Le PrĂȘtre Roux)
Nom de naissance Antonio Lucio Vivaldi
Naissance
Venise
Drapeau de la RĂ©publique de Venise RĂ©publique de Venise
DĂ©cĂšs (Ă  63 ans)
Vienne
Drapeau de l'Autriche Archiduché d'Autriche
Drapeau du Saint-Empire Saint-Empire
Activité principale Compositeur
Style Musique baroque
Activités annexes Violoniste
PrĂȘtre catholique
Élùves Johann Georg Pisendel
Ascendants Giovanni Battista Vivaldi (pĂšre)
Camilla Calicchio (mĂšre)

ƒuvres principales

Les Quatre Saisons : le Printemps
Allegro
Largo
Allegro
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Vivaldi a Ă©tĂ© l’un des virtuoses du violon les plus cĂ©lĂšbres et les plus admirĂ©s de son temps (« incomparable virtuose du violon » selon un tĂ©moignage contemporain)[R 1] ; il est Ă©galement reconnu comme l’un des plus importants compositeurs de la pĂ©riode baroque, en tant qu'initiateur principal du concerto de soliste, genre dĂ©rivĂ© du concerto grosso. Son influence, en Italie comme dans toute l’Europe, a Ă©tĂ© considĂ©rable, et peut se mesurer au fait que Bach a adaptĂ© et transcrit plus d’Ɠuvres de Vivaldi que de n'importe quel autre musicien.

Son activitĂ© s’est exercĂ©e dans les domaines de la musique instrumentale, particuliĂšrement au violon mais Ă©galement dĂ©diĂ©e Ă  une exceptionnelle variĂ©tĂ© d'instruments, de la musique religieuse et de la musique lyrique ; elle a donnĂ© lieu Ă  la crĂ©ation d’un nombre considĂ©rable de concertos, sonates, opĂ©ras, piĂšces religieuses : il se targuait de pouvoir composer un concerto plus vite que le copiste ne pouvait le transcrire[3].

PrĂȘtre catholique, sa chevelure rousse le fit surnommer il Prete rosso, « Le PrĂȘtre roux », sobriquet peut-ĂȘtre plus connu Ă  Venise que son vĂ©ritable nom, ainsi que le rapporte Goldoni dans ses MĂ©moires[C 1]. Comme ce fut le cas pour de nombreux compositeurs du XVIIIe siĂšcle, sa musique, de mĂȘme que son nom, fut vite oubliĂ©e aprĂšs sa mort. Elle ne devait retrouver un certain intĂ©rĂȘt auprĂšs des Ă©rudits qu’au XIXe siĂšcle, Ă  la faveur de la redĂ©couverte de Jean-SĂ©bastien Bach ; cependant, sa vĂ©ritable reconnaissance eut lieu pendant la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, grĂące aux travaux d'Ă©rudits ou musicologues tels Arnold Schering ou Alberto Gentili, Ă  l'implication de musiciens tels Marc Pincherle, Olga Rudge, Angelo Ephrikian, Gian Francesco Malipiero ou Alfredo Casella, et Ă  l'enthousiasme d'amateurs Ă©clairĂ©s comme Ezra Pound.

Aujourd’hui, certaines de ses Ɠuvres instrumentales, notamment les quatre concertos connus sous le titre Les Quatre Saisons, comptent parmi les plus populaires du rĂ©pertoire classique.

Biographie

La vie de Vivaldi est mal connue, car aucun biographe sĂ©rieux, avant le XXe siĂšcle, ne s’est prĂ©occupĂ© de la retracer. On s’appuie donc sur de rares tĂ©moignages directs, ceux du prĂ©sident de Brosses, du dramaturge Carlo Goldoni, de l’architecte allemand Johann Friedrich von Uffenbach, qui rencontrĂšrent le musicien, sur les quelques Ă©crits de sa main et sur les documents de toutes natures retrouvĂ©s dans divers fonds d’archives en Italie et Ă  l’étranger. Pour donner deux exemples concrets, ce n’est qu’en 1938 que Rodolfo Gallo a pu dĂ©terminer avec exactitude la date de son dĂ©cĂšs, portĂ©e sur l’acte retrouvĂ© Ă  Vienne[T 1], et en 1962, Éric Paul celle de sa naissance par l'identification de son acte de baptĂȘme. La date de 1678 qu'on supposait auparavant n’était jusqu'alors qu’une estimation de Marc Pincherle[P 1], basĂ©e sur les Ă©tapes connues de son parcours ecclĂ©siastique[T 2].

Il en rĂ©sulte que de nombreuses lacunes et imprĂ©cisions entachent encore sa biographie, et que se poursuivent les travaux de recherche. Certaines pĂ©riodes de sa vie demeurent complĂštement obscures, de mĂȘme que ses nombreux voyages entrepris ou supposĂ©s dans la pĂ©ninsule italienne et Ă  l’étranger. Cela est Ă©galement vrai pour la connaissance de son Ɠuvre, et l’on continue encore Ă  retrouver des ouvrages de sa composition que l’on croyait perdus ou qui demeuraient inconnus, tel l'opĂ©ra Argippo, retrouvĂ© en 2006 Ă  Ratisbonne[4].

Jeunesse

L’église San Giovanni Battista in Bragora oĂč fut baptisĂ© Vivaldi.

Antonio Vivaldi nait Ă  Venise le vendredi [T 3]; ce mĂȘme jour, se produit dans la rĂ©gion un tremblement de terre. Il est immĂ©diatement ondoyĂ©, dĂšs sa naissance, par la sage-femme et nourrice, Margarita Veronese, probablement en raison du sĂ©isme, ou parce que sa naissance s’était dĂ©roulĂ©e dans de mauvaises conditions qui pouvaient faire craindre la mort du nouveau-nĂ©[R 2]. L’hypothĂšse selon laquelle il Ă©tait chĂ©tif et fragile dĂšs sa naissance est plausible, car il devait plus tard toujours se plaindre d’une santĂ© dĂ©ficiente, rĂ©sultant d’un « resserrement de poitrine » (strettezza di petto) que l’on imagine ĂȘtre une forme d’asthme[C 2]. Le baptĂȘme fut administrĂ© deux mois plus tard, le [T 2], Ă  l’église paroissiale San Giovanni in Bragora dont dĂ©pendait le domicile de ses parents, Ă  la Ca’ Salomon, Campo Grande[C 3] dans le sestiere del Castello, un des six quartiers de Venise.

Son pĂšre, Giovanni Battista Vivaldi (vers 1655[T 4]-1736), fils d'un tailleur de Brescia, Ă©tait barbier, jouant du violon pour distraire les clients, puis devint violoniste professionnel ; sa mĂšre, Camilla Calicchio, fille Ă©galement d’un tailleur, Ă©tait venue de la Basilicate. Ils s’étaient mariĂ©s en 1676 dans cette mĂȘme Ă©glise[T 4] et eurent huit autres enfants, dont deux moururent en bas Ăąge, successivement : Margherita Gabriella (1680-?), Cecilia Maria (1683-?), Bonaventura Tommaso (1685-?), Zanetta Anna (1687-1762), Francesco Gaetano (1690-1752), Iseppo Santo (1692-1696), Gerolama Michaela (1694-1696), enfin Iseppo Gaetano (1697-?)[C 4]. Antonio, l'aĂźnĂ©, devait ĂȘtre le seul musicien parmi les enfants ; cependant, deux de ses neveux furent copistes de musique[T 3]. On avait les cheveux roux de façon hĂ©rĂ©ditaire dans la famille Vivaldi, et Giovanni Battista Ă©tait nommĂ© Rossi dans les registres de la Chapelle ducale ; Antonio allait hĂ©riter de ce trait physique, qui lui valut son surnom de "PrĂȘtre roux" pour la postĂ©ritĂ©.

La place Saint-Marc et la Basilique au temps de Vivaldi (tableau de Canaletto (1697-1768), collection Thyssen-Bornemisza, Madrid).

Le pĂšre avait probablement plus de goĂ»t pour la musique que pour son mĂ©tier de barbier, car on le vit engagĂ© dĂšs 1685 comme violoniste de la basilique Saint-Marc[T 4], haut lieu de la musique religieuse en Italie oĂč s’étaient illustrĂ©s plusieurs grands noms de la musique, notamment Adrien Willaert, Claudio Merulo, les Giovanni Gabrieli, Claudio Monteverdi, Francesco Cavalli. Sa cĂ©lĂšbre maĂźtrise fut confiĂ©e la mĂȘme annĂ©e Ă  Giovanni Legrenzi. Il fut, tout comme celui-ci et comme son collĂšgue Antonio Lotti, parmi les fondateurs du Sovvegno dei musicisti di Santa Cecilia, confrĂ©rie de musiciens vĂ©nitiens[T 5]. À son engagement Ă  la Chapelle ducale, il ajouta Ă  partir de 1689 ceux de violoniste au teatro San Giovanni Grisostomo et Ă  l’Ospedale dei Mendicanti.

Antonio apprit le violon auprĂšs de son pĂšre, et il se rĂ©vĂ©la prĂ©coce et extrĂȘmement douĂ©. TĂŽt admis Ă  la Chapelle ducale, il reçut peut-ĂȘtre, aucune preuve n’ayant Ă©tĂ© retrouvĂ©e, des leçons de la part de Legrenzi lui-mĂȘme[C 5]. Ce ne put ĂȘtre cependant que de courte durĂ©e, et l’influence reçue minime, car celui-ci mourut en 1690. Il est certain nĂ©anmoins qu'Antonio Vivaldi bĂ©nĂ©ficia pleinement de l’intense vie musicale qui animait la basilique Saint-Marc et ses institutions, oĂč de temps Ă  autre il prenait la place de son pĂšre.

L’église San Geminiano, aujourd’hui disparue, Ă©tait situĂ©e sur la place Saint-Marc, Ă  l’opposĂ© de la basilique (tableau de Francesco Guardi (1712-1793), Kunsthistorisches Museum, Vienne).

Celui-ci le destina trĂšs tĂŽt Ă  l’état ecclĂ©siastique : ce fut probablement la recherche, pour son fils, d’une belle carriĂšre qui le guida et fut la raison principale du choix de cette orientation, plus qu’une vocation du jeune garçon pour l’état sacerdotal, auquel il n'allait se consacrer que trĂšs peu durant sa vie grĂące Ă  des dispenses de l'Église, ce qui allait lui permettre de dĂ©velopper toutes ses aptitudes pour la musique et la composition ; cependant il porta la soutane sa vie durant et lisait son brĂ©viaire tous les jours.

Il commença donc, Ă  partir de l'Ăąge de dix ans, Ă  suivre les cours nĂ©cessaires Ă  l’école de la paroisse San Geminiano et, le , ayant atteint l’ñge minimum requis de quinze ans, il reçut la tonsure ecclĂ©siastique des mains du patriarche de Venise, le cardinal Badoaro. Il n’abandonna pas pour autant ses activitĂ©s musicales et fut d’ailleurs nommĂ©, en 1696, musicien surnumĂ©raire Ă  la Chapelle ducale, et reçu membre de l’Arte dei sonadori, guilde de musiciens[R 3]. Il reçut les ordres mineurs Ă  la paroisse San Giovanni in Oleo, sous-diaconat le , Ă  l'Ăąge de vingt-et-un ans, puis le diaconat le . Enfin, ĂągĂ© de vingt-cinq ans, il fut ordonnĂ© prĂȘtre le [T 6]. Il a pu continuer Ă  vivre dans sa famille, avec ses parents, jusqu'Ă  leur dĂ©cĂšs, le pĂšre et son fils continuant d’ailleurs Ă  travailler en Ă©troite collaboration.

Bien que mal connu, le rĂŽle qu’a jouĂ© Giovanni Battista Vivaldi dans la vie et le dĂ©veloppement de la carriĂšre de son fils Antonio semble d’une importance primordiale et prolongĂ©e, puisqu’il dĂ©cĂ©da cinq ans seulement avant lui. Il semble qu'il lui ait ouvert bien des portes, notamment dans le milieu de l’opĂ©ra[T 7], et qu'il l’ait accompagnĂ© dans de nombreux voyages.

MaĂźtre de violon au Pio Ospedale della PietĂ 

À la mĂȘme Ă©poque, le jeune homme avait Ă©tĂ© choisi comme maĂźtre de violon par les autoritĂ©s du Pio Ospedale della PietĂ  (hospice, orphelinat et conservatoire de musique de haut niveau) et engagĂ© Ă  cet effet en aoĂ»t 1703[T 8], aux appointements annuels de 60 ducats[C 6]. En italien, le mot PietĂ  ne signifie pas PiĂ©tĂ© mais PitiĂ©.

Le Pio Ospedale della Pietà (gravure de A. Portio et A. Dalla Via, musée Correr, Venise).

FondĂ©e en 1346, cette institution religieuse Ă©tait le plus prestigieux des quatre hospices financĂ©s par la SĂ©rĂ©nissime RĂ©publique[T 9] et destinĂ©s Ă  recueillir les jeunes enfants abandonnĂ©s, orphelins, naturels, ou de famille indigente — les autres Ă©tablissements avaient pour nom : Ospedale dei Mendicanti, Ospedale degli Incurabili, Ospedale dei SS. Giovanni e Paolo. Les garçons y sĂ©journaient jusqu'Ă  l’adolescence, puis partaient en apprentissage, mais la PietĂ  n'abritait que des filles[T 9]. CloĂźtrĂ©es presque comme des religieuses, certaines d'entre elles recevaient une Ă©ducation musicale poussĂ©e, ce qui en faisait des chanteuses et des musiciennes de valeur : quelques-unes pouvaient chanter les parties de tĂ©nor et de basse des chƓurs et jouer de tous les instruments. Une hiĂ©rarchie distinguait les jeunes filles, selon leur talent : Ă  la base se trouvaient les figlie di coro ; plus expĂ©rimentĂ©es Ă©taient les privilegiate di coro qui pouvaient prĂ©tendre Ă  ĂȘtre demandĂ©es en mariage et pouvaient se produire Ă  l’extĂ©rieur ; au sommet Ă©taient les maestre di coro qui pouvaient instruire leurs compagnes[C 7]. Des concerts publics et payants Ă©taient organisĂ©s et trĂšs courus des mĂ©lomanes et des amateurs d’aventures galantes. Chaque ospedale avait un maĂźtre de chƓur, maestro di coro, responsable de l’enseignement de la musique (le terme s’applique Ă  la musique vocale, mais aussi instrumentale), un organiste, un professeur d’instruments, maestro di strumenti, et d’autres professeurs spĂ©cialisĂ©s[T 10]. Dans sa lettre du adressĂ©e Ă  M. de Blancey, Charles de Brosses Ă©crivit[PB 1] :

« La musique transcendante ici est celle des hĂŽpitaux. Il y en a quatre, tous composĂ©s de filles bĂątardes ou orphelines, et de celles que leurs parents ne sont pas en Ă©tat d’élever. Elles sont Ă©levĂ©es aux dĂ©pens de l’État, et on les exerce uniquement Ă  exceller dans la musique. Aussi chantent-elles comme des anges, et jouent du violon, de la flĂ»te, de l’orgue, du hautbois, du violoncelle, du basson ; bref, il n’y a si gros instrument qui puisse leur faire peur. Elles sont cloĂźtrĂ©es en façon de religieuses. Ce sont elles seules qui exĂ©cutent, et chaque concert est composĂ© d’une quarantaine de filles. Je vous jure qu’il n’y a rien de si plaisant que de voir une jeune et jolie religieuse, en habit blanc, avec un bouquet de grenades sur l’oreille, conduire l’orchestre et battre la mesure avec toute la grĂące et la prĂ©cision imaginables. Leurs voix sont adorables pour la tournure et la lĂ©gĂšretĂ© ; car on ne sait ici ce que c’est que rondeur et sons filĂ©s Ă  la française. (
) Celui des quatre hĂŽpitaux oĂč je vais le plus souvent et oĂč je m’amuse le mieux, c’est l’hĂŽpital de la PiĂ©tĂ© ; c’est aussi le premier pour la perfection des symphonies. »

Dans ses Confessions, Jean-Jacques Rousseau donna un autre tĂ©moignage de la qualitĂ© de ces orchestres de jeunes filles qu’il put apprĂ©cier pendant son sĂ©jour Ă  Venise de 1743 Ă  1744 oĂč il fut secrĂ©taire de l’ambassadeur de France Ă  Venise ; on sait qu'il fut d'ailleurs par la suite un sectateur inconditionnel de la musique italienne, comme en fait foi sa fameuse Lettre sur la musique française[5].

Concert donnĂ© dans la salle des Filarmonici par les pensionnaires (en tribune, Ă  gauche) d’un Ospedale vĂ©nitien (tableau de Francesco Guardi (1712-1793), Alte Pinakothek, Munich).

Disposer Ă  volontĂ© de ces musiciennes chevronnĂ©es, sans souci du nombre ni du temps passĂ© ou du coĂ»t Ă©tait un avantage considĂ©rable pour un compositeur, qui pouvait ainsi donner libre cours Ă  sa crĂ©ativitĂ© et mettre Ă  l’essai toutes sortes de combinaisons musicales. Or, dĂšs cette Ă©poque, le jeune maĂźtre de violon avait certainement commencĂ© sa carriĂšre de compositeur et commencĂ© Ă  se faire remarquer par ses Ɠuvres diffusĂ©es en manuscrits, sa renommĂ©e naissante a pu justifier son choix pour ce poste important.

Cet engagement n’était pas perpĂ©tuel, mais soumis au vote rĂ©gulier des administrateurs. L’esprit d’indĂ©pendance de Vivaldi lui a valu Ă  plusieurs reprises un vote dĂ©favorable et un Ă©loignement temporaire. En 1704, il se vit confier l’enseignement de la viola all’ inglese avec un salaire portĂ© Ă  cent ducats, et en 1705 celui de la composition et de l’exĂ©cution des concertos, son salaire Ă©tant augmentĂ© Ă  cent cinquante ducats annuels, somme minime Ă  laquelle s’ajoutait la rĂ©munĂ©ration des messes quotidiennes dites pour la PietĂ  ou pour de riches familles patriciennes Ă©galement acheteuses de concertos.

La direction musicale de la PietĂ  Ă©tait assurĂ©e depuis 1701 par Francesco Gasparini, « maestro di coro ». Celui-ci, musicien de talent et extrĂȘmement fĂ©cond (il composa plus de soixante opĂ©ras), consacrait cependant une part prĂ©pondĂ©rante de son activitĂ© Ă  monter des opĂ©ras au thĂ©Ăątre Sant'Angelo[6]. Il se dĂ©chargea donc sur Vivaldi d’un nombre croissant de tĂąches, lui permettant de devenir, de fait, le principal animateur de musique de l’établissement.

Édition des premiùres Ɠuvres

Frontispice de l’Opus I.

Puisque Vivaldi avait Ă©tĂ© chargĂ© d’enseigner la composition des concertos aux jeunes filles de la PietĂ  en 1705, il faut supposer qu’il avait dĂ©jĂ , Ă  cette Ă©poque, une solide rĂ©putation de compositeur. Ses Ɠuvres avaient dĂ©jĂ  circulĂ© sous la forme de copies manuscrites, pratique courante Ă  cette Ă©poque, quand il dĂ©cida, en 1705, de faire imprimer son Opus I (douze Sonates en trio, op. 1, conclues par son Ɠuvre La Follia, la plus connue) par l’éditeur de musique le plus connu de Venise, Giuseppe Sala.

Vivaldi donna plusieurs concerts chez l’abbĂ© de Pomponne, ambassadeur de France.

Ce recueil comprenait douze sonates da camera a tre dédiées au comte Annibale Gambara, un noble vénitien, originaire comme lui de Brescia en Lombardie. Ces sonates en trio de facture assez traditionnelle se démarquaient encore peu de celles de Arcangelo Corelli.

Cette mĂȘme annĂ©e, Vivaldi prit part Ă  un concert chez l’abbĂ© de Pomponne, alors ambassadeur de France[C 8] : il resta, en quelque sorte, le musicien officiel de la reprĂ©sentation diplomatique française Ă  Venise. Lui et ses parents habitĂšrent dĂšs lors dans un appartement du campo dei SS. Filippo e Giacomo, situĂ© derriĂšre la basilique Saint-Marc[C 9].

En 1706, les Vivaldi, pÚre et fils, furent désignés dans un guide destiné aux étrangers (Guida dei forestieri en Venezia) comme les meilleurs musiciens de la ville[R 3].

Renoncement Ă  dire la messe

Il se consacra alors exclusivement Ă  la musique, car Ă  l’automne 1706, il cessa dĂ©finitivement de dire la messe. François-Joseph FĂ©tis, qui, par ailleurs, ne consacra Ă  Vivaldi qu’une demi-page dans sa monumentale Biographie universelle des musiciens et biographie gĂ©nĂ©rale de la musique publiĂ©e en 1835, rapporta une explication[7], dĂ©mentie par les Ă©crits de l’intĂ©ressĂ© lui-mĂȘme, redĂ©couverts depuis lors, mais qui fit florĂšs :

« On rapporte sur Vivaldi cette anecdote singuliĂšre : disant un jour sa messe quotidienne, il lui vint une idĂ©e musicale dont il fut charmĂ© ; dans l’émotion qu’elle lui donnait, il quitta sur-le-champ l’autel et se rendit Ă  la sacristie pour Ă©crire son thĂšme puis il revint achever sa messe. DĂ©fĂ©rĂ© Ă  l’inquisition, il fut heureusement considĂ©rĂ© comme un homme dont la tĂȘte n’était pas saine, et l’arrĂȘt prononcĂ© contre lui se borna Ă  lui interdire la cĂ©lĂ©bration de la messe. »

Dans une lettre Ă©crite en 1737, Vivaldi exposa une raison diffĂ©rente et plausible, Ă  savoir que la difficultĂ© respiratoire, cette oppression de poitrine, qu’il avait toujours Ă©prouvĂ©e, l’aurait obligĂ© Ă  plusieurs reprises Ă  quitter l’autel sans pouvoir terminer son office (la messe impliquant de lever les bras haut pour louer) ; il avait ainsi volontairement renoncĂ© Ă  cet acte essentiel de la vie d’un prĂȘtre catholique[8]. Pour autant, il ne renonça pas Ă  l’état ecclĂ©siastique, continuant sa vie durant Ă  en porter l’habit et Ă  lire son brĂ©viaire ; il Ă©tait d’ailleurs extrĂȘmement dĂ©vot. Dans son Historisch-biographisches Lexikon der TonkĂŒnstler en deux volumes (1790/1792), le compositeur et musicographe Ernst Ludwig Gerber affirme mĂȘme qu’il Ă©tait « extraordinairement bigot »[9] — ce qui ne l’empĂȘcha pas de se consacrer pendant toute sa carriĂšre Ă  des activitĂ©s sĂ©culiĂšres bien loin des prĂ©occupations normales et habituelles d’un prĂȘtre.

DĂ©but d’une renommĂ©e europĂ©enne

Par sa virtuositĂ© et la diffusion croissante de ses compositions, Vivaldi sut s’introduire efficacement dans les milieux les plus aristocratiques. Il frĂ©quentait le palais Ottoboni. En 1707, lors d’une fĂȘte donnĂ©e par le prince Ercolani, ambassadeur de l’empereur d’Autriche, il participa Ă  une joute musicale qui l’opposa Ă  un autre prĂȘtre violoniste, don Giovanni Rueta, musicien bien oubliĂ© aujourd’hui, mais protĂ©gĂ© de l’Empereur lui-mĂȘme : un tel honneur ne pouvait ĂȘtre accordĂ© qu’à un musicien jouissant dĂ©jĂ  de la plus haute considĂ©ration.

Dans la mĂȘme pĂ©riode, plusieurs musiciens Ă©trangers vinrent sĂ©journer Ă  Venise. Pendant le carnaval de 1707, Alessandro Scarlatti fit reprĂ©senter au thĂ©Ăątre San Giovanni Grisostomo (celui-lĂ  mĂȘme oĂč le pĂšre Vivaldi Ă©tait violoniste) deux de ses opĂ©ras de facture napolitaine : Mitridate Eupatore et Il trionfo della libertĂ . L’annĂ©e suivante, son fils Domenico Scarlatti, le fameux claveciniste, vint Ă©tudier auprĂšs de Gasparini auquel s’était liĂ© d’amitiĂ© son pĂšre. Enfin, Georg Friedrich Haendel, sur la fin de son sĂ©jour italien, vint aussi dans la ville des lagunes et y fit reprĂ©senter triomphalement, le , son opĂ©ra Agrippina dans le mĂȘme thĂ©Ăątre San Giovanni Grisostomo. MĂȘme si l’on n’en a pas de preuve certaine, tout — les lieux frĂ©quentĂ©s comme les personnes cĂŽtoyĂ©es — laisse penser que Vivaldi ne put pas manquer de rencontrer ces confrĂšres, qui lui donnĂšrent peut-ĂȘtre l’envie de s'essayer Ă  l’opĂ©ra. Cependant, aucune influence stylistique ne peut se dĂ©celer dans leurs productions respectives[C 10].

Frédéric IV de Danemark fut dédicataire de l'opus 2 de Vivaldi.

Vivaldi eut encore l’occasion d’accroĂźtre le cercle de ses relations de haut rang avec la venue Ă  Venise, en voyage privĂ© de Ă  , du roi FrĂ©dĂ©ric IV de Danemark. Celui-ci arrivait Ă  Venise avec l’intention de profiter du cĂ©lĂšbre carnaval vĂ©nitien. DĂ©barquĂ© le , il assista dĂšs le lendemain Ă  la PietĂ  Ă  un concert dirigĂ© par Vivaldi. Il devait pendant son sĂ©jour entendre plusieurs fois d’autres concerts des jeunes filles sous la direction de leur maestro di violino qui finalement dĂ©dia Ă  Sa MajestĂ©, avant son dĂ©part le , son opus 2 consistant en douze sonates pour violon et basse continue, juste sorti des presses de l’imprimeur vĂ©nitien Antonio Bortoli. Le souverain, amateur de musique italienne et de belles femmes, emportait Ă©galement douze portraits de jolies VĂ©nitiennes peints en miniature Ă  son intention par Rosalba Carriera.

L’empressement de Vivaldi Ă  l’égard du roi du Danemark Ă©tait peut-ĂȘtre liĂ© Ă  l’évolution de ses rapports avec les gouverneurs de la PietĂ  dont le vote, en fĂ©vrier, avait mis fin Ă  ses fonctions. De cette date Ă  , un flou complet entoure ses activitĂ©s. Cependant, son pĂšre fut engagĂ© en 1710 comme violoniste au thĂ©Ăątre Sant’Angelo, l’un des nombreux thĂ©Ăątres vĂ©nitiens produisant des opĂ©ras[10]. C’est peut-ĂȘtre par son entremise qu’Antonio approfondit ses relations avec Francesco Santurini, douteux impresario de ce thĂ©Ăątre qui y Ă©tait Ă©galement l’associĂ© de Gasparini.

On sait en tout cas qu’il Ă©tait prĂ©sent Ă  Brescia en , et l’hypothĂšse d’un voyage Ă  Amsterdam est Ă©voquĂ©e[R 4].

L'estro armonico

Le Grand-Duc de Toscane Ferdinand III, dĂ©dicataire de L'estro armonico (tableau de NiccolĂČ Cassani, galerie des Offices, Florence).

C’est en effet Ă  Amsterdam que Vivaldi devait dorĂ©navant confier l’édition de ses Ɠuvres au cĂ©lĂšbre Ă©diteur de musique Étienne Roger et Ă  ses successeurs, insatisfait de ses premiers imprimeurs vĂ©nitiens.

Son opus 3, recueil de douze concertos pour instruments Ă  cordes intitulĂ© L'estro armonico, sortit des presses d’Estienne Roger en 1711. Il Ă©tait dĂ©diĂ© Ă  l’hĂ©ritier du Grand-duchĂ© de Toscane, Ferdinand de Medicis, prince de Florence (1663-1713), et marqua une date capitale dans l’histoire de la musique europĂ©enne : de cet ouvrage date en effet la transition entre le concerto grosso et le concerto de soliste moderne.

Ouvrages contemporains et posthumes, les recueils de Giuseppe Torelli (opus 8 Ă©ditĂ© en 1709) et de Arcangelo Corelli (opus 6 Ă©ditĂ© en 1714) restaient fidĂšles Ă  la forme du concerto grosso ; Vivaldi proposait de façon inĂ©dite dans son recueil des concertos grossos de facture traditionnelle, gĂ©nĂ©ralement en quatre mouvements (lent-vif-lent-vif) avec opposition concertino-ripieno (les numĂ©ros 1, 2, 4, 7, 10 et 11) et des concertos solistes dont la structure en trois mouvements (vif-lent-vif) est celle de l'ouverture Ă  l'italienne. Le soliste virtuose y est confrontĂ© seul Ă  l’orchestre (numĂ©ros 3, 6, 9, 12 ; les numĂ©ros 5 et 8, avec deux solistes, sont Ă  classer dans cette seconde catĂ©gorie).

Choisir le trĂšs rĂ©putĂ© Ă©diteur hollandais Ă©tait un moyen privilĂ©giĂ© d’accĂ©der Ă  la cĂ©lĂ©britĂ© europĂ©enne : L'estro armonico parvint, sous forme de copie manuscrite, au fond de la Thuringe, entre les mains de Johann Gottfried Walther, grand amateur de musique italienne, cousin et ami de Johann Sebastian Bach. Ce dernier, alors en poste Ă  Weimar, fut si enthousiasmĂ© par les concertos de Vivaldi qu’il en transcrivit plusieurs pour le clavier : exercice de style impressionnant — tant les caractĂ©ristiques musicales du violon et du clavecin sont diffĂ©rentes —, mais diversement apprĂ©ciĂ©. Ainsi, Roland de CandĂ© remarque : « Pour habile que soit le magnifique travail de J.S. Bach, ces transcriptions n’ajoutent rien Ă  sa gloire. J’avouerai mĂȘme, au risque de blasphĂ©mer, que les concertos vivaldiens, d’essence violonistique, me paraissent tout Ă  fait dĂ©naturĂ©s par l’exĂ©cution au clavecin ou Ă  l’orgue[C 11]. »

On retrouve la trace de Vivaldi Ă  partir de : il fut, ce mois-lĂ , Ă  nouveau investi de ses fonctions Ă  la PietĂ . L’annĂ©e 1712 voit la crĂ©ation Ă  Brescia de l’un de ses grands chefs-d’Ɠuvre de musique religieuse, le Stabat Mater pour alto, composition poignante et d’une haute inspiration.

Compositeur d’opĂ©ras

Les 4 saisons : l'ÉtĂ©
Allegro non molto
Adagio
Presto
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C’est seulement en 1713 — il avait trente-cinq ans — que Vivaldi aborda pour la premiĂšre fois l’opĂ©ra, la grande affaire de tout compositeur de renom dans cette Italie du dĂ©but du XVIIIe siĂšcle.

Son statut d’ecclĂ©siastique, dĂ©jĂ  bien compromis de rĂ©putation par son comportement inhabituel, le fit peut-ĂȘtre hĂ©siter Ă  prendre ce tournant plus tĂŽt. Si l’on admirait le virtuose et le compositeur, sa personnalitĂ© fantasque et le caractĂšre ambigu de son entourage fĂ©minin sentaient le scandale. Or, Ɠuvrer dans le milieu interlope de l’opĂ©ra n’était pas le gage de la meilleure moralitĂ©, Ă  bien des points de vue ; cette activitĂ© jouissait d’un tel succĂšs populaire qu’elle devait nĂ©cessairement intĂ©resser les aigrefins ou tourner la tĂȘte des chanteurs les plus talentueux, dont les caprices, les excentricitĂ©s et les aventures dĂ©frayaient la chronique.

Les mĂ©thodes des impresarios Ă©taient parfois d’une honnĂȘtetĂ© toute relative. Ainsi, Gasparini et Santurini s’étaient retrouvĂ©s au tribunal pour avoir enlevĂ© et rossĂ© deux cantatrices mĂ©contentes de n’avoir pas reçu le salaire convenu — l’une d’elles Ă©tait mĂȘme trĂšs malencontreusement tombĂ©e dans un canal ; la bienveillance des juges avait pu ĂȘtre obtenue grĂące Ă  l’intervention de relations influentes.

Venise s’étourdissait dans les fĂȘtes[11] comme pour exorciser son irrĂ©versible dĂ©clin politique, dont le contrepoint Ă©tait une floraison artistique sans prĂ©cĂ©dent. La folie de l’opĂ©ra en faisait partie : Marc Pincherle a chiffrĂ© Ă  quatre cent trente-deux le nombre d’Ɠuvres reprĂ©sentĂ©es Ă  Venise entre 1700 et 1743. Comment un musicien de gĂ©nie et ambitieux pouvait-il rester Ă  l’écart de ce mouvement qui pouvait amener la cĂ©lĂ©britĂ© et les plus grands succĂšs ?

Le livret du premier opĂ©ra de Vivaldi, Ottone in villa fut Ă©crit par Domenico Lalli, en fait le pseudonyme de Sebastiano Biancardi, poĂšte napolitain et escroc Ă  ses heures qui, recherchĂ© par la police de Naples, Ă©tait venu se rĂ©fugier Ă  Venise. Les deux hommes s’étaient liĂ©s d’amitiĂ©. Le nouvel opĂ©ra fut crĂ©Ă© non Ă  Venise, mais pour une raison inconnue, le Ă  Vicence oĂč Vivaldi s’était rendu, avec son pĂšre, aprĂšs avoir obtenu un congĂ© temporaire des autoritĂ©s de la PietĂ . Pendant son sĂ©jour Ă  Vicence, il participa Ă  l’exĂ©cution de son oratorio la Vittoria navale predetta dal santo pontefice Pio V Ghisilieri (dont la musique a Ă©tĂ© perdue) Ă  l’occasion de la canonisation du pape Pie V.

AprĂšs Ottone in villa, Vivaldi devait composer un ou plusieurs opĂ©ras presque chaque annĂ©e jusqu’en 1739 : Ă  l’en croire, il en aurait Ă©crit 94. Cependant, le nombre de titres identifiĂ©s reste infĂ©rieur Ă  50 et moins de 20 ont Ă©tĂ© conservĂ©s, complĂštement ou partiellement en ce qui concerne la musique qui, contrairement aux livrets, n’était jamais imprimĂ©e.

Impresario du teatro Sant’Angelo

L’étrange PrĂȘtre Roux ne devait pas se contenter de composer de la musique d’opĂ©ras et d’en diriger, avec son violon, l’interprĂ©tation. DĂšs la fin de l’annĂ©e 1713, il assura, sinon en titre, du moins en fait, la fonction d’« impresario » du Teatro Sant'Angelo — ce terme d’impresario devant s’entendre comme « entrepreneur » en succession de Santurini, douteux homme d’affaires dĂ©jĂ  citĂ© plus haut. L’impresario cumulait toutes les responsabilitĂ©s : administration, Ă©tablissement des programmes, engagement des musiciens et chanteurs, financement, etc. MalgrĂ© ses incommoditĂ©s physiques — rĂ©elles ou prĂ©tendues — Vivaldi assuma toutes ces tĂąches prenantes en y incluant la composition des opĂ©ras, sans pour autant renoncer Ă  ses fonctions moins rĂ©munĂ©ratrices, mais plus nobles Ă  la PietĂ  ou Ă  composer sonates et concertos pour l’édition ou le compte de divers commanditaires (institutions religieuses, riches et nobles amateurs) : en 1714 il composa pour la PietĂ  son premier oratorio, Moyses Deux Pharaonis — dont la musique est perdue — et fit Ă©diter Ă  Amsterdam son opus 4 intitulĂ© La Stravaganza. Ce recueil de 12 concertos pour violon dĂ©diĂ©s Ă  un jeune noble vĂ©nitien de ses Ă©lĂšves, Vettor Dolfin[12], fixait de façon quasi dĂ©finitive la forme du concerto de soliste en trois mouvements : Allegro - Adagio - Allegro.

Le palais Corner-Spinelli prĂšs duquel se trouvait le thĂ©Ăątre Sant’Angelo.

Le Sant’Angelo, bien situĂ© sur le Grand Canal prĂšs du palazzo Corner-Spinelli, ne jouissait pas d’une situation juridique trĂšs claire. FondĂ© par Santurini en 1676 sur un terrain appartenant aux familles patriciennes alliĂ©es des Marcello et Capello, il ne leur avait pas Ă©tĂ© restituĂ© au terme de la concession, Santurini continuant Ă  l’exploiter sans titre comme si de rien n’était et malgrĂ© les dĂ©marches effectuĂ©es par les propriĂ©taires. Cet Ă©tat de fait devait perdurer au profit de Vivaldi opĂ©rant de façon officielle de l’automne 1713 au Carnaval 1715, mais aussi, le plus souvent, par l’intermĂ©diaire de prĂȘte-noms (Modotto, Mauro, Santelli, Orsato), parmi lesquels nous retrouvons Ă©galement son pĂšre. Quant Ă  Santurini, il devait dĂ©cĂ©der en 1719. L’opacitĂ© des opĂ©rations de gestion laissait planer le doute sur l’honnĂȘtetĂ© de l’impresario et de ses comparses et des bruits coururent sur des dĂ©tournements de fonds, des abus de confiance
 Il est en outre possible que la position de Vivaldi Ă  la PietĂ  permĂźt Ă©galement des arrangements favorables en matiĂšre de prestations musicales ou d’autre nature. C’est dans ce thĂ©Ăątre Sant’Angelo que Vivaldi produisit Ă  l’automne 1714 son second opĂ©ra, Orlando finto pazzo. Il annota en marge du manuscrit « Se questa non piace, non voglio piĂč scrivere di musica » (« si celui-ci [cet opĂ©ra] ne plaĂźt pas, je ne veux plus Ă©crire de musique »)[R 5]. De fait, et bien qu’on n’ait pas d’échos du succĂšs de ce second opĂ©ra, il continua Ă  en Ă©crire et pendant les quelques annĂ©es qui suivirent, ses diverses activitĂ©s de compositeur, Maestro dei Concerti, virtuose du violon, impresario se poursuivirent Ă  un rythme soutenu.

En 1715, il composa et produisit au Sant’Angelo le pasticcio Nerone fatto Cesare ; en visite Ă  Venise, l’architecte mĂ©lomane Johann Friedrich Armand von Uffenbach venu de Francfort assista Ă  trois de ses reprĂ©sentations. Il lui commanda des concertos : trois jours plus tard Vivaldi lui en apporta dix, qu’il prĂ©tendit avoir composĂ©s tout spĂ©cialement. Il se fit Ă©galement enseigner sa technique violonistique et tĂ©moigna dans une lettre de l’extraordinaire virtuositĂ© de Vivaldi :

« 
 vers la fin Vivaldi interprĂ©ta un accompagnement en solo admirable, qu’il enchaĂźna avec une cadence qui m’épouvanta vraiment, car on ne saurait jamais jouer quelque chose d’aussi impossible, ses doigts arrivaient Ă  un fĂ©tu de paille du chevalet, laissant Ă  peine la place pour le parcours de l’archet et ceci sur les quatre cordes, avec des fugues et une rapiditĂ© incroyable, ceci Ă©tonna tout le monde ; je dois cependant avouer que je ne peux dire avoir Ă©tĂ© charmĂ©, parce que ce n’était pas aussi agrĂ©able Ă  entendre que ce n’était fait avec art[13]. »

Pendant les saisons qui suivirent, Vivaldi composa et prĂ©senta au Sant’Angelo successivement en 1716, Arsilda, regina di Ponto et en 1717 l’Incoronazione di Dario. Arsilda fut la cause de la rupture avec Domenico Lalli, auteur du livret. En effet, celui-ci fut tout d’abord censurĂ© et Lalli rendit responsable Vivaldi du fait des modifications que ce dernier avait demandĂ©es. Cette brouille dĂ©finitive devait par la suite interdire Ă  Vivaldi de se produire aux thĂ©Ăątres San Samuele et San Giovanni Grisostomo dont Lalli allait devenir l’imprĂ©sario attitrĂ©[R 6].

Mais son activité de compositeur put se développer au San MoisÚ, pour lequel il composa en 1716 la Costanza trionfante, en 1717 Tieteberga et en 1718 Armida al campo d'Egitto.

Johann Georg Pisendel, Ă©lĂšve et ami de Vivaldi.

La mĂȘme pĂ©riode vit la publication, Ă  Amsterdam chez Jeanne Roger, de l’Opus 5 (six sonates pour un ou deux violons avec basse continue) et la crĂ©ation pour la PietĂ , en , du seul oratorio qui nous soit parvenu, chef-d’Ɠuvre de la musique religieuse : Juditha triumphans qui Ă©tait aussi une piĂšce de circonstance destinĂ©e Ă  commĂ©morer la victoire du Prince EugĂšne sur les Turcs Ă  Petrovaradin : l’allĂ©gorie oppose la chrĂ©tientĂ©, personnifiĂ©e par Judith Ă  la puissance turque reprĂ©sentĂ©e par Holopherne[14].

Violoniste Ă  la Chapelle de la Cour ducale de Saxe Ă  Dresde, Johann Georg Pisendel vint en 1717 passer une annĂ©e Ă  Venise aux frais de son prince pour se former auprĂšs du maĂźtre vĂ©nitien ; Ă  l’exception des jeunes filles de la PietĂ , Pisendel devint ainsi l’un de ses seuls disciples connus (les deux autres sont les violonistes Giovanni Battista Somis et Daniel Gottlieb Treu (de)[C 12]). Les deux hommes se liĂšrent d’une profonde amitiĂ©. Lorsque Pisendel retourna en Saxe, il emporta avec lui une collection importante d’Ɠuvres instrumentales de Vivaldi, parmi lesquelles ce dernier lui dĂ©dia personnellement six sonates, une sinfonia et cinq concertos portant la dĂ©dicace « fatte p. Mr. Pisendel ». Ces piĂšces se trouvent aujourd’hui Ă  la Landesbibliothek de Dresde.

Les opus 6 (six concertos pour violon) et 7 (douze concertos pour violon ou hautbois) furent publiés à Amsterdam chez Jeanne Roger entre 1716-1721, apparemment sans la supervision personnelle du compositeur et, en tous cas, sans dédicace.

Voyages et séjours hors de Venise

Les opĂ©ras de Vivaldi sortirent bientĂŽt des frontiĂšres de la RĂ©publique de Venise. Scanderbeg, sur un texte d’Antonio Salvi, fut crĂ©Ă© au thĂ©Ăątre de la Pergola Ă  Florence en .

Pendant deux ans Ă  partir du printemps 1718, Vivaldi sĂ©journa Ă  Mantoue en tant que maĂźtre de chapelle du landgrave Philippe de Hesse-Darmstadt[15]. Les circonstances de cet engagement ne sont pas Ă©claircies ni celles de son retour Ă  Venise. Toujours est-il que c’est au thĂ©Ăątre archiducal de Mantoue que sont crĂ©Ă©s les opĂ©ras Teuzzone en 1718, Tito Manlio en 1719 et La Candace en 1720. Par la suite, Vivaldi continua Ă  faire Ă©tat, non sans fiertĂ©, de son titre de Maestro di Cappella di Camera di SAS il sig. Principe Filippo Langravio d’Hassia Darmistadt.

Vivaldi ne faisait rien pour passer inaperçu. Arguant de son handicap physique qui ne l’empĂȘchait ni de mener une vie trĂ©pidante d’activitĂ©, ni d’entreprendre de longs et pĂ©nibles voyages, il ne se dĂ©plaçait « qu’en gondole ou en carrosse », accompagnĂ© dĂšs cette Ă©poque d’une Ă©tonnante cohorte fĂ©minine. Ces dames, disait-il, connaissaient bien ses infirmitĂ©s et lui Ă©taient d’un grand secours. Leur prĂ©sence Ă  ses cĂŽtĂ©s alimentait aussi les rumeurs


La couverture du pamphlet Il teatro alla moda.

En 1720 parut Ă  Venise un petit livre satirique intitulĂ© Il teatro alla moda dont l’auteur restait anonyme. Cet ouvrage, prĂ©sentant les travers du monde de l’opĂ©ra sur le mode de conseils Ă  rebours destinĂ©s Ă  ses diffĂ©rents acteurs, visait Vivaldi comme cible principale sous le pseudonyme d’Aldiviva, anagramme transparente d’« A.Vivaldi ». Plus que tout autre Ă  cette Ă©poque en effet, celui-ci personnifiait ce genre musical. La dĂ©rision s’exerçait Ă  l’encontre de tous les personnages et de leurs pratiques ; la critique Ă©tait d’autant plus blessante qu’elle ridiculisait des dĂ©fauts bien rĂ©els et visibles : le librettiste pliant son texte non aux nĂ©cessitĂ©s de l’action, mais, par exemple, aux dĂ©sirs des machinistes, le compositeur Ă©crivant ses airs non selon les exigences du livret, mais selon celles des chanteurs ou selon des rĂšgles stĂ©rĂ©otypĂ©es, ces derniers faisant fi des indications du musicien, les chanteuses donnant libre cours Ă  leurs propres caprices, l’impresario rognant sur le coĂ»t des instrumentistes au dĂ©triment de la qualitĂ© musicale, etc.

Sur la couverture figurait une amusante caricature de trois personnages-clefs du Sant’Angelo et du San MoisĂš, naviguant sur une pĂ©otte, barque en usage dans la lagune. À l’avant, un ours en perruque (l’impresario Orsatto, assis sur les provisions faites grĂące au produit de ses manigances) ; aux rames, l’impresario Modotto, ancien patron de pĂ©otte dĂ©fĂ©rant au service du prĂ©cĂ©dent ; Ă  l’arriĂšre un petit ange (Vivaldi) avec son violon, coiffĂ© d’un chapeau de prĂȘtre et marquant le rythme par sa musique pour donner l’allure.

L’auteur Ă©tait en rĂ©alitĂ© Benedetto Marcello, musicien et lettrĂ© dilettante, qu’opposaient Ă  Vivaldi sa conception de l’existence, sa qualitĂ© de membre de la famille propriĂ©taire en titre du Sant’Angelo, alors en litige avec le PrĂȘtre Roux et peut-ĂȘtre une certaine jalousie envers ce rival de gĂ©nie, issu de la plĂšbe.

Vivaldi produisit Ă  la fin de l’annĂ©e 1720 deux nouveaux opĂ©ras au Sant’Angelo : La veritĂ  in cimento et le pasticcio Filippo, Re di Macedonia. Mais le succĂšs du pamphlet de Marcello suscita peut-ĂȘtre chez lui le dĂ©sir de « prendre l’air » et de multiplier les voyages pour s’éloigner de temps Ă  autre de sa ville natale. Il partit de Venise Ă  l’automne 1722 pour Rome, muni — de surprenante façon — d’une lettre de recommandation Ă  la princesse BorghĂšse Ă©crite par Alessandro Marcello, le propre frĂšre de Benedetto.

C’est probablement le nouveau pape Benoüt XIII qui reçut en audience Vivaldi au printemps 1724

Vivaldi fut reçu « comme un prince »[R 7] par la haute sociĂ©tĂ© romaine, donnant des concerts et crĂ©a son opĂ©ra Ercole sul Termodonte au Teatro Capranica en . L’excellent accueil reçu et le succĂšs obtenu lors de ce sĂ©jour romain l’incitĂšrent Ă  revenir Ă  Rome pendant le carnaval de l’annĂ©e suivante ; il y crĂ©a, toujours au Capranica, Il Giustino et le pasticcio La VirtĂč trionfante dell’amore e dell’odio dont il avait composĂ© seulement l’acte II.

Portrait de Vivaldi (esquisse de Pier Leone Ghezzi, bibliothÚque Apostolique Vaticane, Cité du Vatican).

C’est au cours de ce second sĂ©jour qu’il fut reçu avec bienveillance par le nouveau pape BenoĂźt XIII[16], dĂ©sireux d’entendre sa musique et apparemment peu prĂ©occupĂ© de la rĂ©putation douteuse que ce prĂȘtre si peu conventionnel traĂźnait aprĂšs lui.

C’est Ă©galement de l’un de ses sĂ©jours romains que date le seul portrait considĂ©rĂ© comme authentique, car dessinĂ© sur le vif par le peintre et caricaturiste Pier Leone Ghezzi.

Quelques annĂ©es plus tard, dans une lettre au marquis Bentivoglio, l’un de ses protecteurs, Vivaldi devait Ă©voquer trois sĂ©jours Ă  Rome pendant la pĂ©riode de Carnaval ; cependant aucun autre document ne vient Ă©tayer la rĂ©alitĂ© de ce troisiĂšme sĂ©jour et l’on pense, d’aprĂšs d’autres Ă©lĂ©ments, que le tĂ©moignage du musicien n’était pas toujours des plus fiables.

Pendant les annĂ©es 1723 Ă  1725, sa prĂ©sence Ă  la PietĂ  fut Ă©pisodique comme en tĂ©moignent les paiements effectuĂ©s en sa faveur. Son engagement prĂ©voyait la fourniture de deux concertos par mois ainsi que sa prĂ©sence nĂ©cessaire — trois ou quatre fois par concerto — pour en diriger les rĂ©pĂ©titions par les jeunes musiciennes. AprĂšs 1725, et pour plusieurs annĂ©es, il disparut des registres de l’établissement.

Portrait d’un violoniste vĂ©nitien du XVIIIe siĂšcle, gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme Ă©tant celui de Vivaldi (museo Bibliografico Musicale, Bologne).

C’est pendant cette pĂ©riode, en 1724 ou 1725[17] que parut Ă  Amsterdam chez Michel-Charles Le CĂšne, le gendre et successeur d’Estienne Roger, l’opus 8, intitulĂ© Il Cimento dell’armonia et dell’invenzione (« La confrontation de l’harmonie et de l’invention ») et consistant en douze concertos pour violon dont les quatre premiers sont les cĂ©lĂ©brissimes Quatre Saisons. Dans sa dĂ©dicace Ă  un noble vĂ©nitien, le comte de Morzin, Vivaldi nous apprend que ces quatre chefs-d’Ɠuvre Ă©taient dĂ©jĂ  composĂ©s bien avant leur impression et avaient largement circulĂ© en copies manuscrites (ils devaient remporter les plus grands succĂšs Ă  l’étranger, notamment Ă  Londres et Ă  Paris oĂč ils furent interprĂ©tĂ©s au dĂ©but de l’annĂ©e 1728 au Concert Spirituel[18]).

On n’a pas de preuve d’un hypothĂ©tique sĂ©jour de Vivaldi Ă  Amsterdam Ă  l’occasion de cette publication. Cependant, son portrait gravĂ© par François Morellon de La Cave, huguenot Ă©tabli aux Pays-Bas Ă  la suite de la rĂ©vocation de l’Édit de Nantes plaiderait en faveur de cette Ă©ventualitĂ©. Un artiste anonyme a Ă©galement rĂ©alisĂ© le portrait d’un violoniste qui passe pour ĂȘtre le PrĂȘtre Roux. Sans ĂȘtre certaine, car le modĂšle n'est pas nommĂ©, l'identification Ă  Vivaldi est communĂ©ment admise : ce portrait, conservĂ© au Liceo Musicale de Bologne[T 11], est repris en couverture, de plusieurs ouvrages citĂ©s en rĂ©fĂ©rence (livres de Marcel Marnat, Roland de CandĂ©, de Claude et Jean-François Labie, de Sophie Roughol, de Michael Talbot
).

De mĂȘme, l’éventualitĂ© d’un sĂ©jour Ă  Paris en 1724-1725 semble improbable, mĂȘme si la cantate Gloria e Himeneo a Ă©tĂ© composĂ©e pour cĂ©lĂ©brer le mariage de Louis XV et de Marie Leszczynska le (une Ɠuvre prĂ©cĂ©dente, la sĂ©rĂ©nade La Sena festeggiante, avait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© composĂ©e Ă  l’occasion du couronnement du roi de France en 1723). Mais les rapports exacts de Vivaldi avec la monarchie française restent inconnus.

Anna GirĂł

En 1726, Vivaldi monta son opĂ©ra Dorilla in Tempe au thĂ©Ăątre Sant’Angelo. Ce fut une de ses jeunes Ă©lĂšves de la PietĂ  ĂągĂ©e de seize ans, Anna GirĂČ, qui tint le rĂŽle d’Eudamia.

Cette Anna GirĂł ou Giraud, d’ascendance française[19], avait dĂ©butĂ© deux ans auparavant au thĂ©Ăątre San Samuele dans l’opĂ©ra Laodice d’Albinoni. Elle allait bientĂŽt se voir attribuer le surnom de l’ Annina del Prete Rosso et jouer dans la vie du compositeur un rĂŽle assez ambigu de cantatrice fĂ©tiche, de secrĂ©taire et, en mĂȘme temps que sa demi-sƓur Paolina de vingt ans plus ĂągĂ©e, d’accompagnatrice dans ses voyages, plus ou moins de gouvernante[20]. Bien sĂ»r, la relation particuliĂšre entre le prĂȘtre quinquagĂ©naire si peu conformiste et cette jeune personne ne pouvait que susciter les racontars et commentaires chargĂ©s de sous-entendus, mĂȘme si elle n’habita jamais chez lui (elle demeurait avec sa demi-sƓur et sa mĂšre tout prĂšs du thĂ©Ăątre Sant’Angelo, dans une maison jouxtant le palais Corner-Spinelli sur le Grand Canal)[C 13].

Carlo Goldoni rencontra Anna GirĂł chez Vivaldi : son tĂ©moignage permet de savoir qu’elle Ă©tait, sinon jolie, du moins mignonne et avenante.

Sa voix n’avait rien d’exceptionnel et elle n’aimait pas l’aria cantabile, le chant langoureux ou pathĂ©tique (et Goldoni ajoute : « autant dire qu’elle ne savait pas les chanter »). En revanche, elle avait un bon jeu de scĂšne et chantait bien les airs d’expression, d’agitation, avec de l’action, du mouvement. Cette apprĂ©ciation est confirmĂ©e par l’abbĂ© Conti qui Ă©crivit dans une lettre Ă  Madame de Caylus, Ă  propos de l’opĂ©ra Farnace de Vivaldi : « son Ă©lĂšve y fait des merveilles quoique sa voix ne soit pas des plus belles
 »[C 14].

Elle devait, jusqu’en 1739, chanter dans au moins seize opĂ©ras de Vivaldi (sur les quelque vingt-trois que celui-ci allait composer), souvent dans les rĂŽles principaux.

La lumiùre puis l’ombre

Arrivée à Venise du comte de Gergy, ambassadeur de France (tableau de Canaletto (1697-1768), Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg).

Vivaldi dĂ©ploya pendant ces annĂ©es une activitĂ© prodigieuse, produisant pas moins de quatre nouveaux opĂ©ras en 1726 (Cunegonda puis La Fede tradita e vendicata Ă  Venise, La Tirannia castigata Ă  Prague, enfin Dorilla in Tempe dĂ©jĂ  citĂ©) et en 1727 (Ipermestra Ă  Florence, Farnace Ă  Venise, SiroĂš Re di Persia Ă  Reggio d'Émilie, Orlando furioso Ă  Venise). En 1727 fut Ă©galement Ă©ditĂ© Ă  Amsterdam l’opus 9, nouveau recueil de douze concertos pour violon intitulĂ© La Cetra. Ces diverses crĂ©ations supposent de nombreux voyages, car il ne dĂ©lĂ©guait Ă  personne le soin de monter ses opĂ©ras, qu’il finançait d’ailleurs sur ses deniers personnels. Le , un important concert de ses Ɠuvres (la sĂ©rĂ©nade L’Unione della Pace et di Marte et un Te Deum dont les partitions sont perdues) fut organisĂ© chez l’ambassadeur de France Ă  Venise, le comte de Gergy, Ă  l’occasion de la naissance des filles jumelles du roi de France Louis XV, Élisabeth et Henriette.

Seuls deux opĂ©ras marquent l’annĂ©e 1728 (Rosilena ed Oronta Ă  Venise puis L'Atenaide Ă  Florence). Mais cette annĂ©e fut ponctuĂ©e par d’autres Ă©vĂ©nements importants : publication Ă  Amsterdam de l’opus 10 consistant en six concertos pour flĂ»te, les premiers jamais consacrĂ©s Ă  cet instrument[21] ; dĂ©cĂšs de sa mĂšre le ; en septembre, le musicien est prĂ©sentĂ© Ă  l’empereur Charles VI du Saint-Empire, fervent mĂ©lomane, faisant peut-ĂȘtre Ă  la suite de la dĂ©dicace Ă  ce souverain de l’opus 9.

L’empereur Charles VI (1685-1740), tableau de Martin van Mytens le jeune.

L’empereur avait en vue de faire du port franc de Trieste, possession autrichienne au fond de l’Adriatique, la porte des territoires autrichiens et de l’Europe centrale vers la MĂ©diterranĂ©e, et donc de concurrencer directement Venise qui jouait ce rĂŽle depuis des siĂšcles. Il Ă©tait venu sur place pour Ă©tablir les bases de ce projet, et rencontra le compositeur Ă  cette occasion — on ne sait oĂč exactement. Le sĂ©jour de Vivaldi auprĂšs du souverain aurait pu durer deux semaines, selon une lettre de l’abbĂ© Conti Ă  Madame de Caylus, qui rapporte : « l’empereur a entretenu longtemps Vivaldi sur la musique ; on dit qu’il lui a plus parlĂ© Ă  lui seul en quinze jours qu’il ne parle Ă  ses ministres en deux ans ». L’empereur fut certainement enchantĂ© de cette rencontre : il donna Ă  Vivaldi « beaucoup d’argent »[22], ainsi qu’une chaĂźne et une mĂ©daille d’or, et il le fit chevalier. On ne sait pas, toutefois, si cette rencontre fut suivie d’un possible sĂ©jour Ă  Vienne voire Ă  Prague, d’un engagement officiel ou d’une promesse de poste dans la capitale impĂ©riale[23].

Le palazzo Bembo prĂšs duquel habita Vivaldi Ă  partir de 1730

Ces annĂ©es d’intense activitĂ© furent suivies d’une nouvelle pĂ©riode oĂč les faits et gestes de Vivaldi sont pratiquement inconnus, Ă  part son dĂ©mĂ©nagement en mai 1730 dans une maison prĂšs du Palazzo Bembo, dont les fenĂȘtres donnaient sur le Grand Canal[24] ; pĂ©riode pendant laquelle le compositeur voyagea probablement Ă  travers l’Europe, ne reparaissant Ă  Venise qu’à partir de 1733. Peu d’Ɠuvres sont datables de maniĂšre sĂ»re des annĂ©es 1729 et 1730. Les quelques opĂ©ras composĂ©s jusqu’en 1732 furent montĂ©s hors de Venise (Alvilda, Regine dei Goti Ă  Prague et Semiramide Ă  Mantoue en 1731, La fida ninfa Ă  VĂ©rone et Doriclea[25] Ă  Prague en 1732).

DerniÚres années à Venise

C’est en que Vivaldi fit un retour remarquĂ© — au moins par sa musique — Ă  Venise Ă  l’occasion du transfert Ă  la basilique Saint-Marc des reliques du doge Saint Pietro Orseolo : on y exĂ©cuta un Laudate Dominum solennel de sa composition, sans qu’on sache d’ailleurs s’il en dirigea l’interprĂ©tation. En fĂ©vrier de la mĂȘme annĂ©e fut reprĂ©sentĂ©e Ă  AncĂŽne une adaptation du SiroĂ© de 1727, puis en novembre au Sant’Angelo fut montĂ© Montezuma et trois mois plus tard, L’Olimpiade, l’un de ses plus beaux opĂ©ras repris presque aussitĂŽt Ă  GĂȘnes[C 15]. C’est cette mĂȘme annĂ©e qu’il rencontra le voyageur anglais Edward Holdsworth auquel il expliqua qu’il ne voulait plus faire Ă©diter ses Ɠuvres, trouvant un meilleur profit Ă  les vendre Ă  l’unitĂ© aux amateurs. Le mĂȘme Holdsworth devait, en 1742, acquĂ©rir douze sonates de Vivaldi pour le compte de son ami Charles Jennens, librettiste de Haendel[26].

1735 fut Ă  nouveau une annĂ©e « record » en matiĂšre d’opĂ©ras avec deux ouvrages montĂ©s au teatro filarmonico de VĂ©rone pendant le carnaval : L’Adelaide et Il Tamerlano[27] et deux autres produits pour la premiĂšre fois au thĂ©Ăątre San Samuele de Venise : La Griselda et Aristide. Ce furent les deux seules Ɠuvres de Vivaldi composĂ©es pour ce thĂ©Ăątre, propriĂ©tĂ© de la riche famille Grimani qui possĂ©dait aussi le prestigieux thĂ©Ăątre San Giovanni Grisostomo et un fastueux palais situĂ© sur le Grand Canal. Elles mirent Vivaldi en contact avec l’un des grands Ă©crivains italiens de son temps, le jeune Carlo Goldoni alors ĂągĂ© de vingt-huit ans.

La rencontre avec Goldoni est importante, car celui-ci l’a racontĂ©e dans deux de ses Ă©crits[28], tĂ©moignages prĂ©cieux sur la personnalitĂ© et le comportement du musicien vieillissant, et, on l’a vu, sur la personne d’Anna GirĂł.

Carlo Goldoni (1707-1793) (portrait par Alessandro Longhi (1733–1813), Casa di Carlo Goldoni, Venise).

Goldoni, revenu depuis peu Ă  Venise, venait de connaĂźtre le succĂšs, pour lui inattendu, de sa premiĂšre piĂšce, Belisario, et avait Ă©tĂ© chargĂ© par les Grimani d’adapter[29] le livret d’Apostolo Zeno pour La Griselda qui devait ĂȘtre mise en musique par Vivaldi. Ce faisant, il prenait la place de Domenico Lalli, l’ancien ami rancunier qui avait barrĂ© la route de Vivaldi Ă  l’entrĂ©e des thĂ©Ăątres Grimani. L’accueil du compositeur envers le jeune Ă©crivain qui lui avait Ă©tĂ© envoyĂ© fut tout d’abord peu amĂšne et empreint Ă  la fois de condescendance et d’une certaine impatience. La scĂšne dĂ©crite par Goldoni donne l’impression chez le compositeur d’une agitation fĂ©brile, et de la rapiditĂ© avec laquelle la suspicion et la mĂ©fiance pouvaient chez lui se transformer en enthousiasme. D’abord rabrouĂ© par Vivaldi pour avoir lĂ©gĂšrement critiquĂ© Anna GirĂł, il se rattrapa en Ă©crivant sur-le-champ huit vers conformes au type de chant expressif que le musicien voulait introduire dans le livret et faire chanter par sa jeune Ă©lĂšve. Il n’en fallut pas plus pour changer l’opinion de Vivaldi Ă  son Ă©gard ; celui-ci, dĂ©laissant son brĂ©viaire qu’il n’avait pas lĂąchĂ© depuis le dĂ©but de l’entrevue, tenant d'une main le brĂ©viaire et de l'autre le texte de Goldoni Ă©crit par celui-ci, appela la GirĂł :

« — Ah, lui dit-il, voilĂ  un homme rare, voilĂ  un poĂšte excellent ; lisez cet air ; c’est Monsieur qui l’a fait ici, sans bouger, en moins d’un quart d’heure. »

puis s’adressant à Goldoni :

« — Ah, Monsieur, je vous demande pardon. »

et il l’embrassa, protestant qu’il n’aurait jamais d’autre poĂšte que lui. AprĂšs Griselda, Goldoni Ă©crivit encore pour Vivaldi le livret d’Aristide[30] Ă©galement reprĂ©sentĂ© au San Samuele Ă  l’automne 1735, mais leur collaboration ne se prolongea pas au-delĂ .

En 1736 fut crĂ©Ă© un seul opĂ©ra, Ginevra, principesse di Scozia au teatro della Pergola de Florence. Entretemps, Vivaldi reprit ses fonctions Ă  la PietĂ , en tant que maestro dei concerti, aux appointements de cent ducats annuels assortis du souhait qu’il ne partĂźt plus de Venise, « comme les annĂ©es passĂ©es » ce qui indique assez ses absences rĂ©pĂ©tĂ©es, et confirme la haute considĂ©ration qu’on avait pour ses qualitĂ©s professionnelles. 1736 fut Ă©galement l’annĂ©e oĂč Vivaldi perdit celui qui aura orientĂ©, guidĂ© et accompagnĂ© toute sa carriĂšre : son pĂšre mourut le , ĂągĂ© de plus de quatre-vingts ans.

MĂ©tastase, librettiste de l’Olimpiade et de Catone in Utica

Vivaldi monta Catone in Utica Ă  VĂ©rone au printemps de 1737, le livret de MĂ©tastase ayant Ă©tĂ© jugĂ© politiquement subversif par la sourcilleuse censure vĂ©nitienne ; il s’apprĂȘtait Ă  organiser une saison d’opĂ©ras Ă  Ferrare. Son protecteur local Ă©tait le marquis Guido Bentivoglio, auquel le compositeur Ă©crivit plusieurs lettres qui ont Ă©tĂ© heureusement conservĂ©es[31]. Ces lettres sont un prĂ©cieux tĂ©moignage sur les conditions difficiles dans lesquelles le musicien se dĂ©battait de façon continuelle, les patrons du thĂ©Ăątre de Ferrare ne parvenant pas — entre autres — Ă  se mettre d’accord avec lui sur le programme. Cependant l’affaire commençait Ă  bien se prĂ©ciser lorsqu’une difficultĂ© inattendue et insurmontable se prĂ©senta. Quelques jours avant de partir en novembre pour Ferrare, Vivaldi fut convoquĂ© par le nonce apostolique qui lui signifia l’interdiction de s’y rendre prise Ă  son Ă©gard par Mgr Tommaso Ruffo, cardinal-archevĂȘque de la ville. Cette dĂ©cision catastrophique, compte tenu de l’avancement du projet et des engagements financiers dĂ©jĂ  consentis, Ă©tait motivĂ©e[32] par le fait qu’il ne disait pas la messe et avait l’amitiĂ© de la GirĂł. Dans la lettre, Vivaldi exposait la raison pour laquelle il ne disait plus la messe, et protestait de la parfaite honnĂȘtetĂ© de ses relations avec les dames qui l’accompagnaient depuis des annĂ©es dans ses dĂ©placements, lesquelles faisaient « leurs dĂ©votions tous les huit jours comme on pouvait s’en assurer par des actes jurĂ©s et authentiques »  Il semble bien que rien n’y fit et qu’il dut renoncer Ă  son projet. Le suivant, il crĂ©ait au Sant’Angelo L’oracolo in Messenia.

Charles de Brosses (gravure de Charles-Nicolas Cochin).

MalgrĂ© les dĂ©boires de 1737, Vivaldi eut une double satisfaction l’annĂ©e suivante : ce fut l’un de ses concertos (RV 562a) qui servit d’ouverture au grand spectacle organisĂ© le Ă  l’occasion du centenaire du thĂ©Ăątre Schouwburg d’Amsterdam ; selon M.T. Bouquet Boyer, Vivaldi serait allĂ© Ă  Amsterdam et aurait dirigĂ© l'exĂ©cution[BB 1], mais le fait est conjectural[T 12] ; puis il dirigea lui-mĂȘme l’interprĂ©tation de sa cantate Il Mopso (dont la musique est perdue) devant Ferdinand de BaviĂšre, frĂšre du prince-Ă©lecteur Charles-Albert. Il produisit le pasticcio Rosmira fedele[33] au thĂ©Ăątre Sant’Angelo[T 12].

Parti de Dijon au mois de , le PrĂ©sident de Brosses Ă©tait Ă  Venise le mois d’aoĂ»t suivant ; il Ă©crivit le Ă  son ami M. de Blancey, une lettre qui reste l'un des tĂ©moignages directs sur le PrĂȘtre roux[T 13] - [PB 2] :

« Vivaldi s’est fait de mes amis intimes pour me vendre des concertos bien cher. Il y a en partie rĂ©ussi, et moi, Ă  ce que je dĂ©sirais, qui Ă©tait de l’entendre et d’avoir souvent de bonnes rĂ©crĂ©ations musicales : c’est un vecchio, qui a une furie de composition prodigieuse. Je l’ai ouĂŻ se faire fort de composer un concerto, avec toutes ses parties, plus promptement qu’un copiste ne le pourrait copier. J’ai trouvĂ© Ă  mon grand Ă©tonnement, qu’il n’est pas aussi estimĂ© qu’il le mĂ©rite en ce pays-ci, oĂč tout est de mode, oĂč l’on entend ses ouvrages depuis trop longtemps, et oĂč la musique de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente n’est plus de recette. Le fameux Saxon[34] est aujourd’hui l’homme fĂȘtĂ©. »

FrĂ©dĂ©ric-Christian, Électeur de Saxe (portrait par Anton Raphael Mengs, chĂąteau de Weesenstein, Saxe).
Couverture du Concerto de Vivaldi dédié à Frédéric-Christian.

Depuis des annĂ©es dĂ©jĂ , l’opĂ©ra napolitain[35] tendait Ă  supplanter Ă  Venise la tradition opĂ©ratique locale personnifiĂ©e par Vivaldi. Ce dernier, malgrĂ© certaines concessions au goĂ»t nouveau dans ses Ɠuvres rĂ©centes, symbolisait le passĂ© pour un public toujours avide de nouveautĂ©s. Son temps Ă©tait passĂ©, certainement en avait-il conscience et cette constatation allait peser dans sa dĂ©cision de s’éloigner de Venise, qu’Anna GirĂł avait elle-mĂȘme quittĂ© quelque temps plus tĂŽt pour se joindre Ă  une troupe thĂ©Ăątrale en sĂ©jour dans l’empire des Habsbourg. Pour l’heure, il composait son dernier opĂ©ra, Feraspe, prĂ©sentĂ© au Sant’Angelo en novembre. L’annĂ©e 1740 fut la derniĂšre pendant laquelle Vivaldi fut prĂ©sent Ă  Venise. Au mois de mars, un grand concert fut donnĂ© Ă  la PietĂ , au cours d’une fĂȘte somptueuse, en l’honneur du prince-Ă©lecteur de Saxe FrĂ©dĂ©ric-Christian, comprenant une sĂ©rĂ©nade du maestro di coro Gennaro d’Alessandro et plusieurs compositions de Vivaldi dont l’admirable concerto pour luth et viole d’amour RV540.

Départ de Venise et décÚs à Vienne

Ce devait ĂȘtre le dernier concert de prestige auquel il participa. Quelques semaines plus tard, au mois de mai, aprĂšs avoir vendu Ă  la PietĂ  un lot de concertos, Vivaldi quittait Venise oĂč il ne devait plus revenir. S’il n’en avait pas conscience, tout au moins prĂ©voyait-il une assez longue absence, car il prit soin de rĂ©gler certaines affaires.

On ne sait pas quelle Ă©tait la destination prĂ©vue au dĂ©part de Venise, et plusieurs hypothĂšses ont Ă©tĂ© proposĂ©es : Graz, oĂč il aurait pu retrouver Anna GirĂł ; Dresde, oĂč il jouissait d’une grande rĂ©putation, oĂč travaillait son ami Pisendel et oĂč il aurait pu trouver la protection du prince-Ă©lecteur rencontrĂ© rĂ©cemment Ă  Venise ; Prague, oĂč avaient Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©s plusieurs de ses opĂ©ras ; Vienne Ă©videmment, oĂč l’attendait peut-ĂȘtre l’Empereur Charles VI. Quelle que dĂ»t ĂȘtre sa destination finale, il semble que Vivaldi avait l’intention de participer Ă  une saison d’opĂ©ras au Theater am KĂ€rntnertor de Vienne et c’est prĂšs de cet Ă©tablissement qu’il logeait[C 16].

Seule une plaque posĂ©e en 1978 rappelle la prĂ©sence et la mort Ă  Vienne de Vivaldi, sur le lieu oĂč il fut enterrĂ©.
L'ancien Theater am KĂ€rntertor prĂšs duquel Ă©tait la maison oĂč mourut Vivaldi.

Mais le , l’empereur mourait : son deuil interdisait toute reprĂ©sentation et Vivaldi n’avait plus de protecteur ni de ressources assurĂ©es. Le mystĂšre plane sur les conditions prĂ©caires dans lesquelles il vĂ©cut ses derniers mois. Le dernier de ses Ă©crits qu’on ait retrouvĂ© est un reçu de douze florins, en date du , pour la vente de concertos Ă  un certain comte Vinciguerra di Collalto. Vivaldi dĂ©cĂ©da d’une « inflammation interne », pauvre et dans la solitude, le 27 ou le [36] dans la « maison Sattler » appartenant Ă  une certaine veuve Wahler[C 17]. Cette maison, non loin du Theater am KĂ€rntnertor et du Burgerspital, fut dĂ©truite en 1858[T 14]. Le , le service funĂšbre fut cĂ©lĂ©brĂ© Ă  l’église Saint-Étienne suivant le cĂ©rĂ©monial rĂ©servĂ© aux indigents. On a longtemps imaginĂ© que parmi les enfants de chƓur prĂ©sents Ă  l’office figurait un jeune garçon du nom de Joseph Haydn[M 1]. Le cimetiĂšre du Burgerspital oĂč fut reçue sa dĂ©pouille a aujourd’hui, lui aussi, disparu[C 17]. Une simple plaque rappelle son souvenir.

La mort du musicien fut connue Ă  Venise au mois de septembre suivant dans l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale. « Il avait gagnĂ© en un temps plus de 50 000 ducats, mais sa prodigalitĂ© dĂ©sordonnĂ©e l’a fait mourir pauvre Ă  Vienne » : telle est l’épitaphe anonyme retrouvĂ©e dans des archives vĂ©nitiennes, les Commemoriali Gradenigo[C 17].

Personnalité

Portrait de Vivaldi considéré comme inauthentique (gravure de James Caldwall (1739-aprÚs 1789)).
Les 4 saisons : l'Automne
Allegro
Adagio molto
Allegro
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Un des signes particuliers de Vivaldi Ă©tait sa chevelure rousse, Ă  laquelle il devait son surnom, il Prete rosso. On sait aussi, par l’esquisse de Ghezzi, qu’il avait un long nez aquilin, des yeux vifs et la tĂȘte enfoncĂ©e dans les Ă©paules. Bien qu’ayant tĂŽt cessĂ© de dire la messe, il continua sa vie durant Ă  porter l’habit ecclĂ©siastique, Ă  lire assidĂ»ment son brĂ©viaire et Ă  faire preuve d’une grande dĂ©votion. La description de Goldoni laisse l’impression d’une agitation fĂ©brile et d’une grande nervositĂ©.

Le handicap physique dont il se plaignait Ă©tait une sorte d’asthme peut-ĂȘtre liĂ©e Ă  sa nervositĂ©, Ă  une angoisse chronique. Sans aller jusqu’à parler d’une maladie imaginaire, les biographes s’étonnent de ce que cette infirmitĂ© lui ait interdit de dire la messe, mais aucunement de dĂ©ployer pendant toute sa carriĂšre une activitĂ© dĂ©bordante et d’entreprendre de nombreux voyages, fort fatigants Ă  l’époque, en Italie et dans toute l’Europe centrale : violoniste virtuose, professeur, chef d’orchestre, musicien animĂ© d’une furie de composition comme le note le PrĂ©sident de Brosses[PB 2], impresario d’opĂ©ras, le rythme semble ne jamais se ralentir et ferait penser Ă  celui de Haendel qui, lui, jouissait d’une santĂ© Ă  toute Ă©preuve.

La nature exacte de ses rapports avec les femmes de sa compagnie reste mystĂ©rieuse, mĂȘme s’il a toujours protestĂ© de leur parfaite honnĂȘtetĂ© : il n’aurait Ă©prouvĂ© pour Anna GirĂł et sa sƓur aĂźnĂ©e Paulina qu’une amitiĂ© voire une sorte d’affection paternelle. Les historiens acceptent ses explications, faute de preuves tangibles du contraire, mais les contemporains ne se privaient pas d’imaginer bien des choses, ce qui lui valut quelques problĂšmes avec les autoritĂ©s ecclĂ©siastiques (annulation d’une saison d’opĂ©ras Ă  Ferrare notamment).

Son rapport Ă  l’argent est mieux connu et transparaĂźt dans ses Ă©crits : Vivaldi Ă©tait trĂšs attachĂ© Ă  la dĂ©fense de son intĂ©rĂȘt financier, sans le mettre toutefois au-dessus de son amour de la musique. Ses gages Ă  la PietĂ  Ă©taient fort modestes, mais avaient pour contrepartie de pouvoir disposer d’un laboratoire de qualitĂ© et d’une couverture d’honorabilitĂ©. Il est probable qu’il ait gagnĂ© Ă  certains moments des sommes importantes, mais sans jamais bĂ©nĂ©ficier d’une position stable qui lui permĂźt de rendre rĂ©guliĂšres ses rentrĂ©es financiĂšres et au prix d’une certaine prise de risques personnels dans le montage de ses opĂ©ras. Il traĂźnait avec lui une rĂ©putation de prodigalitĂ©, qui se comprend quand il affirmait, avec une certaine affectation, ne se dĂ©placer qu’en voiture ou en gondole, et avoir besoin de disposer en permanence de personnes connaissant ses problĂšmes de santĂ©.

Il Ă©tait animĂ© d’une certaine vanitĂ© voire vantardise, entretenant soigneusement la lĂ©gende de sa rapiditĂ© de composition (il nota sur le manuscrit de l’opĂ©ra Tito Manlio : musique faite par Vivaldi en cinq jours) ainsi que sa familiaritĂ© avec les Grands : dans une lettre au marquis Bentivoglio, il indiquait non sans fiertĂ© qu’il correspondait avec neuf altesses


Un compositeur universel

S'il est un compositeur dont l'existence influa sur la nature de sa crĂ©ativitĂ© musicale, c'est Antonio Vivaldi. Parce qu'il Ă©tait nĂ© Ă  Venise en 1678, il grandit dans une sociĂ©tĂ© oĂč rĂ©gnait une rĂ©publique, elle n’avait pas de cour, mais son statut de destination touristique privilĂ©giĂ©e permettait Ă  ses artistes de cĂŽtoyer les tĂȘtes couronnĂ©es et la noblesse de toute l'Europe. Vivaldi Ă©tait l'aĂźnĂ© d'une famille pauvre et souffrait de problĂšmes de santĂ© chroniques (il Ă©tait asthmatique) ; il avait choisi la prĂȘtrise car il bĂ©nĂ©ficiait de la dispense spĂ©ciale du pape permettant aux VĂ©nitiens d'ĂȘtre admis sous les ordres « par leur travail », et la tolĂ©rance typiquement vĂ©nitienne envers les prĂȘtres-musiciens lui permit de se produire en public, et mĂȘme Ă  l'opĂ©ra. Son pĂšre, un barbier devenu violoniste, lui transmit ses connaissances musicales et ses compĂ©tences professionnelles.

Tous ces facteurs se conjuguĂšrent en , lorsque peu aprĂšs son ordination, Vivaldi fut engagĂ© Ă  la Pio Ospedale della PietĂ , le foyer d'orphelins pour les enfants trouvĂ©s de Venise, en qualitĂ© de professeur de violon et de compositeur de musique instrumentale. La PietĂ  entretenait un grand orchestre et un chƓur Ă  la renommĂ©e internationale dont les membres Ă©taient exclusivement recrutĂ©s parmi ses pensionnaires fĂ©minines et Vivaldi Ă©tait chargĂ© de leur fournir rĂ©guliĂšrement de nouvelles compositions.

Comme l'orchestre disposait d'une abondante quantitĂ© de musiciennes et d’instruments de tous types (y compris des raretĂ©s comme la viole de gambe, la viola d'amore, la mandoline, le chalumeau et la clarinette), cela l'encourageait Ă  Ă©crire des parties pour solistes multiples, Ă  explorer des combinaisons d'instruments inhabituelles, et plus gĂ©nĂ©ralement, Ă  employer une instrumentation inventive exploitant des Ă©lĂ©ments de nouveautĂ© et de surprise.

La relation de Vivaldi avec la PietĂ  varia avec les annĂ©es — il lui arrivait de ne pas y ĂȘtre employĂ© directement et de lui fournir de nouvelles compositions par arrangement spĂ©cial —, mais elle constitue un fil conducteur presque jusqu’à la fin de sa carriĂšre[37].

L'horizon de Vivaldi

Estro Armonico ou L'Invention harmonique, (Amsterdam Edition), dédié à Ferdinand III de Médicis, prince de Florence, grand-duc héritier de Toscane.

DĂšs le dĂ©part, l'horizon de Vivaldi s'Ă©tendit bien au-delĂ  des limites de sa ville natale. Il Ă©tait soucieux de conserver sa libertĂ© de mouvement (une pĂ©riode au service de la cour de Mantoue s'avĂ©ra dĂ©cevante), et un peu Ă  la maniĂšre de Georg Friedrich Haendel en Angleterre, il prĂ©fĂ©ra se mettre par intermittences au service d'un grand nombre de mĂ©cĂšnes et de clients plutĂŽt que d'ĂȘtre employĂ© par un seul protecteur de façon continue.

Afin de se faire mieux connaĂźtre et de nouer de nouveaux contacts, il fit publier sa musique — d'abord Ă  Venise et plus tard Ă  Amsterdam. Dans certains cas, c'Ă©tait un mĂ©cĂšne qui finançait le recueil, mais d'autres opus furent commandĂ©s directement par l'Ă©diteur — tĂ©moignage de la grande popularitĂ© dont jouissait Vivaldi auprĂšs du public.

Au moins trois de ces recueils marquĂšrent l’histoire de la musique : L'estro armonico op. 3, premier recueil de concertos de Vivaldi publiĂ©, Ă©tablit les principes normatifs structurels et le style du concerto en tant que genre qui perdurent encore aujourd'hui ; Il cimento dell'armonia e dell'inventione, op. 8, introduisit le concept novateur des concertos « Ă  programme », dont l'exemple le plus marquant fut Le quattro stagioni, qui ouvre le recueil ; L'Opus 10 fut le tout premier recueil de concertos solistes pour la flĂ»te traversiĂšre, qui au milieu du XVIIIe siĂšcle en vint Ă  concurrencer le violon en tant que seul instrument digne d'un gentilhomme.

Vivaldi fit Ă©galement imprimer plusieurs sonates, type de musique de chambre qui dans le sillage de son illustre prĂ©dĂ©cesseur romain Arcangelo Corelli, suscitait un engouement extraordinaire partout en Europe. En l’occurrence il se contenta de suivre des modĂšles prĂ©Ă©tablis, mais son langage musical demeure caractĂ©ristique.

Seules la musique pour cordes ou pour instruments Ă  vent particuliĂšrement prisĂ©s, comme la flĂ»te et le hautbois, Ă©tait suffisamment demandĂ©e par le public pour ĂȘtre publiĂ©e. Les interprĂštes d'instruments moins courants, tels que la flĂ»te Ă  bec sopranino ou le basson, devaient utiliser les pages manuscrites en circulation. Certains des concertos de Vivaldi pour ces autres instruments furent crĂ©Ă©s Ă  la PietĂ , mais de nombreux autres furent commandĂ©s par des instrumentistes ou leurs mĂ©cĂšnes. Leur quantitĂ© est stupĂ©fiante : nul ne sait encore de façon certaine Ă  qui Ă©taient destinĂ©s la plupart des trente-neuf concertos pour basson produits par Vivaldi[38].

Compositeur universel

Couverture du livret pour la premiÚre représentation de Vivaldi, 1735. Griselda.

À l'instar de Haendel, Vivaldi a Ă©tĂ© un compositeur universel : plutĂŽt que de se contenter d'Ă©crire pour son seul instrument Ă  la maniĂšre d'un Arcangelo Corelli ou d'un Giuseppe Tartini. Il composa de la musique de chambre dĂšs la premiĂšre dĂ©cennie du XVIIIe siĂšcle et de la musique vocale sacrĂ©e au moins dĂšs 1712, date de son Stabat Mater. S'il se mit Ă  produire de la musique sacrĂ©e Ă  profusion, c'est parce que, pendant six ans (1713-1719), la PietĂ  se trouva temporairement privĂ©e de chef de chƓur et dut lui demander de supplĂ©er Ă  ce poste. Au cours de cette pĂ©riode, ces compositions lui gagnĂšrent les faveurs du public, et par la suite, il continua d'Ă©crire des Ɠuvres similaires de façon indĂ©pendante.

Il se mit Ă  composer des opĂ©ras en 1713 et, peu Ă  peu, ses diverses activitĂ©s de compositeur et d'imprĂ©sario devinrent le pivot de sa carriĂšre. Il commença d'Ă©crire des cantates de chambre pendant le bref sĂ©jour Ă  Mantoue et continua ensuite Ă  en composer de façon sporadique. La dĂ©cennie des annĂ©es 1720 fut celle oĂč Vivaldi parvint le mieux Ă  faire alterner la composition de musique instrumentale et vocale : avant cela, ce sont les concertos et sonates qui dominent ; ensuite, c'est la musique vocale.

Vivaldi fut un compositeur si prolifique — le catalogue de ses compositions atteint en 2011 le nombre de 817 Ɠuvres — que mĂȘme l'abondante sĂ©lection musicale laisse de nombreux domaines inexplorĂ©s, comme le concerto de chambre. NĂ©anmoins, elle est suffisamment variĂ©e pour convaincre quiconque que les catĂ©gorisations simples et gĂ©nĂ©ralement dĂ©favorables dont Vivaldi a pu souffrir par le passĂ© — on l'a accusĂ© de composer le mĂȘme concerto encore et encore, d'Ă©viter la complexitĂ© contrapuntique, d'Ă©crire une musique creuse et dĂ©monstrative, etc. — sont complĂštement infondĂ©es.

Vivaldi est redevenu Ă  la mode au cours de ces derniĂšres dĂ©cennies, Ă  tel point que ses opĂ©ras qui nous sont parvenus, longtemps considĂ©rĂ©s comme peu dignes d'ĂȘtre tirĂ©s de l'oubli, ont dĂ©sormais tous Ă©tĂ© montĂ©s et enregistrĂ©s. Ce travail de redĂ©couverte et de rĂ©habilitation, menĂ© par des artistes d'envergure, est aujourd'hui presque achevĂ©[39].

Postérité

Plaque commĂ©morative Ă  Venise : « En ce lieu s’élevait la chapelle musicale du conservatoire de la PietĂ  oĂč le gĂ©nie d’Antonio Vivaldi, Ă  l’époque encore mal compris, s’exerça en tant que maestro de concerti de 1703 Ă  1740, donnant Ă  Venise et au monde l’incomparable richesse de sa musique, dont les Quatre Saisons sont la fleur et le sceau. Son temps est maintenant venu. ».

Influence

L’influence de Vivaldi peut s’analyser selon trois axes :

  • Vivaldi Ă©tait, selon tous les tĂ©moignages contemporains, un virtuose incontestĂ© du violon. Il a promu une technique de jeu originale (bariolage, grand staccato, doubles cordes
), parfois dĂ©criĂ©e pour son aspect spectaculaire et excessif, mais qui a Ă©tĂ© suivie par ses disciples et Ă©mules directs et indirects : Pisendel, Tessarini, Somis, Leclair, Guignon, Guillemain[V 1], etc. ; on peut le reconnaĂźtre comme le lointain prĂ©curseur de NiccolĂČ Paganini ;
  • principal initiateur et promoteur du concerto soliste, ce crĂ©ateur de formes tient une place essentielle dans le dĂ©veloppement de la musique classique : le concerto et la symphonie lui doivent l’impulsion initiale qui en a fait les formes orchestrales majeures pendant la pĂ©riode classique, le XIXe siĂšcle et au-delĂ  ;
  • le compositeur a parfois Ă©tĂ© critiquĂ© pour certaines de ses (prĂ©tendues) faiblesses. Celles-ci doivent ĂȘtre examinĂ©es au regard des trĂšs nombreux compositeurs qui ont suivi son exemple et se sont inspirĂ©s de son style d’écriture : italiens comme Marcello, Tartini, Galuppi, Geminiani, Locatelli, Veracini, Sammartini, français, tels Bodin de Boismortier, Leclair, Aubert ou allemands, notamment Telemann, Haydn et Bach, qui fut « envoĂ»tĂ© »[40] par ses concertos et qui en transcrivit au minimum dix dont six pour le seul recueil de L'estro armonico (opus 3)[T 15].
Concerto de Vivaldi Opus / No RV Transcription de Bach No BWV
Concerto en sol majeur pour violon Opus 3 no 3 / RV 310 Transcription en fa majeur pour clavecin BWV 978
Concerto en la mineur pour deux violons Opus 3 no 8 / RV 522 Transcription en la mineur pour orgue BWV 593
Concerto en ré majeur pour violon Opus 3 no 9 / RV 230 Transcription en ré majeur pour clavecin BWV 972
Concerto en si mineur pour quatre violons et violoncelle Opus 3 no 10 / RV 580 Concerto en la mineur pour quatre clavecins BWV 1065
Concerto en ré mineur pour deux violons et violoncelle Opus 3 no 11 / RV 565 Transcription en ré mineur pour orgue BWV 596
Concerto en mi majeur pour violon Opus 3 no 12 / RV 265 Transcription en ut majeur pour clavecin BWV 976
Concerto en si bémol majeur pour violon RV 381, variante de l'opus 4 no 1 / RV 383a Transcription en sol majeur pour clavecin BWV 980
Concerto en sol mineur pour violon RV 316, variante de l'opus 4 no 6 / RV 316a Transcription en sol mineur pour clavecin BWV 975
Concerto en sol majeur pour violon Opus 7 no 8 / RV 299 Transcription en sol majeur pour clavecin BWV 973
Concerto en ré majeur pour violon RV 208, variante de l'opus 7 no 11 / RV 208a Transcription en ut majeur pour orgue BWV 594

Bach ne s’est pas contentĂ© de transcrire des Ɠuvres qu’il admirait particuliĂšrement ; il a fait sienne la structure tripartite « Allegro-Andante-Allegro » et le style d’écriture de Vivaldi. Cette influence se manifeste par exemple dans les concertos pour violon BWV 1041 Ă  1043 de mĂȘme que dans le « Concerto italien » pour clavecin solo BWV 971 et dans les concertos pour un ou plusieurs clavecins et orchestre BWV 1052 Ă  1065.

En revanche, un fait étrange est à signaler : le soin que semble prendre Haendel à éviter la structure du concerto vivaldien, que ce soit dans ses concertos pour hautbois ou dans ceux pour orgue, bien postérieurs.

Par une surprenante coïncidence, Bach devait décéder un , tout comme Vivaldi.

Oubli et redécouverte

DĂšs sa disparition, le nom et la musique de Vivaldi tombĂšrent dans un oubli complet dans sa patrie, cependant que certaines de ses piĂšces instrumentales continuaient Ă  ĂȘtre apprĂ©ciĂ©es dans diverses contrĂ©es europĂ©ennes pendant plusieurs dizaines d’annĂ©es (notamment en France, en Saxe et en Angleterre oĂč les Ă©ditions de ses Ɠuvres furent particuliĂšrement nombreuses[BB 2]
) Ses Ɠuvres Ă©taient dispersĂ©es sous forme imprimĂ©e ou de copies manuscrites dans de trĂšs nombreuses collections et bibliothĂšques europĂ©ennes (Ă  GĂȘnes, Dresde, Berlin, Manchester, Paris, Naples, Vienne, etc.) oĂč elles devaient rester ensevelies et oubliĂ©es pendant prĂšs de deux siĂšcles ou plus.

L’influence de Vivaldi a Ă©tĂ© dĂ©terminante dans l’évolution du style de J.S. Bach

Johann Nikolaus Forkel, s’appuyant sur les tĂ©moignages directs des fils de Bach — qui Ă©taient d’ailleurs critiques Ă  l’égard de Vivaldi (le Bach dont parle Charles Burney est Carl-Philipp Emanuel)[R 8] — savait quelle part importante le vĂ©nitien avait eue dans la maturation de son style.

Au XIXe siĂšcle seuls quelques Ă©rudits et historiens, Allemands pour la plupart, notamment Aloys Fuchs (de)[R 8], Julius RĂŒhlmann[BB 3] et Wilhelm Joseph von Wasielewski (de)[T 16] conservĂšrent le souvenir du PrĂȘtre Roux. La redĂ©couverte de Bach projeta quelque lumiĂšre sur ce compositeur dont il avait pris la peine d’étudier et de transcrire certaines Ɠuvres. Il apparaissait d’ailleurs difficile Ă  comprendre, pour ces pionniers, que le maĂźtre pĂ»t s’intĂ©resser Ă  ce musicien obscur et de second ordre : ils se sortirent du dilemme en dĂ©crĂ©tant que les transcriptions de Bach Ă©taient bien supĂ©rieures aux Ɠuvres originales de Vivaldi[C 11] ou en minimisant son influence[BB 3].

En 1871 furent dĂ©couvertes et publiĂ©es les lettres de Vivaldi au marquis Guido Bentivoglio[R 9], rare collection d’autographes tĂ©moignant de sa vie de musicien et d’entrepreneur, jetant aussi quelque lumiĂšre sur sa personnalitĂ©.

À l’orĂ©e du XXe siĂšcle Arnold Schering, ayant eu connaissance de piĂšces conservĂ©es Ă  Dresde — oĂč elles avaient probablement Ă©tĂ© apportĂ©es par Pisendel — prit conscience de l’importance dĂ©terminante de Vivaldi dans la naissance et le dĂ©veloppement du concerto soliste[T 17]. En 1905, le cĂ©lĂšbre violoniste Fritz Kreisler fit passer un pastiche de sa composition pour une Ɠuvre de Vivaldi[T 18]. En 1913, Marc Pincherle dĂ©cida de consacrer sa thĂšse de doctorat Ă  ce musicien alors totalement inconnu du grand public. Le travail fut interrompu par la PremiĂšre Guerre mondiale[R 10].

Cependant, la dĂ©couverte fortuite des manuscrits de Turin (voir ci-dessous) pendant les annĂ©es 1920-1930 vint opportunĂ©ment sortir de l’oubli un lot Ă©norme de partitions tant instrumentales que religieuses et lyriques[R 11]. BientĂŽt Ă©rudits et musiciens commencĂšrent Ă  s’intĂ©resser rĂ©ellement Ă  cette Ɠuvre monumentale : Ă©tablissement de catalogues, Ă©dition critique par la maison Ricordi, et interprĂ©tation des Ɠuvres, instrumentales dans un premier temps, puis religieuses. En 1939 fut organisĂ©e Ă  l’Accademia Chigiana de Sienne, sous la direction artistique d’Alfredo Casella et avec la collaboration d'Olga Rudge et Ezra Pound, une Settimana Vivaldi (Semaine Vivaldi) oĂč fut reprĂ©sentĂ© l’opĂ©ra L’Olimpiade : ce fut la premiĂšre reprise d’un dramma per musica de Vivaldi depuis deux siĂšcles. D’autres Ɠuvres dĂ©butĂšrent Ă  cette Ă©poque leur carriĂšre moderne, entre autres le Stabat Mater et le Gloria RV 589. Mais, la Seconde Guerre mondiale survenant, cette initiative n’eut pas de suite immĂ©diate.

Musicologues, historiens, archivistes et interprĂštes reprirent leurs travaux dĂšs la fin du conflit. En 1947 fut fondĂ©, Ă  l’initiative d’Angelo Ephrikian et Antonio Fanna, l’Istituto Italiano Vivaldi[41] qui se fixait comme objectif, en collaboration avec l’éditeur Ricordi, d’assurer l’édition complĂšte des Ɠuvres (le directeur artistique Ă©tant Gian Francesco Malipiero). Cette entreprise fut menĂ©e Ă  bonne fin en 1973 pour les sonates, concertos et sinfonias. En 1948 Marc Pincherle terminait et publiait son Ă©tude[42]. En 1974, paraissait la premiĂšre version du catalogue exhaustif de Peter Ryom, depuis lors complĂ©tĂ© par les nouvelles dĂ©couvertes[R 9].

La musique de Vivaldi (instrumentale et, dans une moindre mesure, religieuse) bĂ©nĂ©ficia Ă  partir des annĂ©es 1950 de trĂšs nombreux concerts et de la diffusion discographique, microsillon puis CD : Les Quatre Saisons sont, en musique classique, les Ɠuvres les plus enregistrĂ©es du rĂ©pertoire[43]. En 1965, un seul opĂ©ra de Vivaldi, La fida ninfa, disposait dĂ©jĂ  d'un enregistrement phonographique[M 2] : c'est enfin Ă  partir des annĂ©es 1970 que s’acheva la « Vivaldi Renaissance » autour de ses opĂ©ras. Il est, aprĂšs Haendel, le compositeur d’opĂ©ras antĂ©rieur Ă  Mozart qui bĂ©nĂ©ficie Ă  prĂ©sent de la plus large discographie[44] - [45].

Les manuscrits de Turin

La BibliothĂšque nationale de Turin possĂšde la plus importante collection de partitions autographes de Vivaldi. L’histoire de son acquisition est elle-mĂȘme si extraordinaire qu’on pourrait la croire tirĂ©e d’un roman[46].

En 1926, le recteur du collĂšge salĂ©sien San Carlo de Borgo San Martino, village situĂ© non loin de Casale Monferrato, voulut entreprendre des travaux de rĂ©paration dans son Ă©tablissement. Il eut l’idĂ©e, pour rassembler les fonds nĂ©cessaires, de mettre en vente de vieux ouvrages de musique (soit des dizaines de manuscrits et livres imprimĂ©s) que possĂ©dait la bibliothĂšque du collĂšge. Afin de connaĂźtre le prix qu’il pourrait en demander aux antiquaires, il soumit leur expertise au musicologue et directeur de la BibliothĂšque nationale universitaire de Turin, Luigi Torri (1863-1932), lequel confia ce travail Ă  Alberto Gentili (1873-1954), professeur d’histoire de la musique de l’UniversitĂ©[T 19].

Il s’avĂ©ra que, parmi les volumes de la collection, 14 rassemblaient des partitions de Vivaldi, musicien alors peu connu du grand public ; il y avait aussi des Ɠuvres d’autres compositeurs, notamment d’Alessandro Stradella. Soucieux de ne pas voir disperser une collection aussi exceptionnelle, ni mĂȘme de la voir prĂ©emptĂ©e par l’État italien — donc, peut-ĂȘtre de la voir attribuĂ©e Ă  quelque autre institution, les experts voulurent trouver une solution pour la faire acquĂ©rir par la BibliothĂšque de Turin, qui ne disposait pas du budget nĂ©cessaire. Une solution finit par ĂȘtre trouvĂ©e par Alberto Gentili : il parvint Ă  persuader un riche agent de change, Roberto FoĂ , d’acquĂ©rir la collection et d’en faire don Ă  la bibliothĂšque en mĂ©moire de son jeune fils Mauro, mort en bas Ăąge quelques mois auparavant et dont le fonds allait porter et perpĂ©tuer le nom (Raccolta Mauro FoĂ )[T 19].

Cependant, ayant examinĂ© les manuscrits vivaldiens, Gentili dĂ©couvrit que, selon toute Ă©vidence, ceux-ci faisaient partie d’une collection plus importante dont il se mit en tĂȘte de dĂ©couvrir la partie manquante. Les ouvrages cĂ©dĂ©s par les salĂ©siens leur avaient Ă©tĂ© lĂ©guĂ©s par un certain Marcello Durazzo (1842-1922) : grĂące Ă  l’aide de gĂ©nĂ©alogistes, on identifia en 1930 le possesseur des autres volumes de la collection initiale — dont 13 nouveaux d’Ɠuvres de Vivaldi, un hĂ©ritier du frĂšre de l’autre propriĂ©taire, Flavio Ignazio (1849-1925), qui habitait Ă  GĂȘnes. Il fallut toute la patience et l’habiletĂ© du marquis gĂ©nois Faustino Curlo (1867-1935) pour obtenir du dĂ©tenteur que cette seconde collection fĂ»t cĂ©dĂ©e afin de reconstituer dĂ©finitivement l’ensemble initial[T 19].

La BibliothĂšque de Turin ne disposant toujours pas du budget pour l’achat, Alberto Gentili dĂ©nicha, dans les mĂȘmes conditions, un nouveau mĂ©cĂšne, l’industriel Filippo Giordano qui accepta aussi, en mĂ©moire de son jeune fils Renzo, mort peu avant Ă  l’ñge de 4 ans, d’acheter la collection et d’en faire don Ă  la BibliothĂšque de Turin en souvenir de son fils (Raccolta Renzo Giordano)[T 19].

Les deux fonds ainsi rassemblĂ©s restĂšrent cependant distincts sous les noms respectifs de Mauro FoĂ  et Renzo Giordano, rassemblant 30 cantates profanes[47], 42 piĂšces sacrĂ©es, 20 opĂ©ras, 307 piĂšces instrumentales et l’oratorio Juditha triumphans[R 9] soit un total de 450 piĂšces dont la quasi-totalitĂ© de la musique d’opĂ©ra.

Selon Michael Talbot, les manuscrits auraient Ă©tĂ©, Ă  l'origine, la propriĂ©tĂ© de Vivaldi lui-mĂȘme[T 20]. Les recherches faites montrent qu'ils ont ensuite appartenu Ă  un collectionneur vĂ©nitien, le comte Jacopo Soranzo (1686-1761)[T 21], qui les aurait peut-ĂȘtre achetĂ©s au frĂšre de Vivaldi aprĂšs la mort de ce dernier[48]. Ils ont ensuite appartenu au comte Giacomo Durazzo, ambassadeur d’Autriche Ă  Venise de 1764 Ă  1784 et parent du dernier doge de GĂȘnes, Girolamo-Luigi Durazzo, et depuis lors ont Ă©tĂ© transmis dans la famille, dans cette ville.

Les musicologues ne purent exploiter rapidement cette dĂ©couverte exceptionnelle, car Alberto Gentili, auquel les droits d’étude et de publication avaient Ă©tĂ© expressĂ©ment rĂ©servĂ©s Ă©tait juif, et, comme tel, interdit d’activitĂ© acadĂ©mique par les lois raciales de l’Italie fasciste (promulguĂ©es en ). C’est seulement aprĂšs la Seconde Guerre mondiale que l’étude et la publication purent en ĂȘtre menĂ©es Ă  leur terme[T 1].

L’art de Vivaldi

Les 4 saisons : l'Hiver
Allegro non molto
Largo
Allegro
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Critiques diverses

Dans sa monographie consacrée à Vivaldi, Roland de Candé écrit que sa musique était « vécue plus que pensée »[C 18]. La spontanéité, le dynamisme et la fraßcheur de cette musique ont sans nul doute été à la base de sa trÚs grande popularité, concrétisée par le nombre pléthorique des exécutions en concert et des enregistrements de ses piÚces les plus connues, notamment Les Quatre Saisons.

Ces qualitĂ©s indiscutables, jointes au volume impressionnant de sa production et Ă  sa surexploitation en tant que musique d'ambiance[L 1], ont aussi Ă©tĂ© la cause d’un malentendu. Comme les autres compositeurs de gĂ©nie, Vivaldi a un style personnel et est immĂ©diatement reconnaissable. Marquant de son empreinte les centaines de concertos qu’il a composĂ©s dans sa vie, ce style peut donner, Ă  qui les Ă©coute d’une oreille distraite, l’impression de la rĂ©pĂ©tition et de la monotonie ; le compositeur lui-mĂȘme a pu accrĂ©diter les arguments faisant croire Ă  une production de sĂ©rie, sans vĂ©ritable valeur artistique, en se vantant de composer plus vite que le copiste ne pouvait recopier la partition. Ceci Ă©tait peut-ĂȘtre vrai, mais dĂ©notait surtout un talent et un mĂ©tier exceptionnels.

Pourtant, Vivaldi Ă©tait davantage considĂ©rĂ©, par certains de ses contemporains, comme un violoniste d’exception — Ă  la virtuositĂ© suspecte — que comme bon compositeur. Goldoni affirmait ainsi qu’il Ă©tait « excellent joueur de violon et compositeur mĂ©diocre » et que d’autre part « les vrais connaisseurs disent qu’il Ă©tait faible en contrepoint et qu’il conduisait mal ses basses »[C 19]. De fait, Vivaldi privilĂ©giait l’aspect mĂ©lodique de la musique sur son aspect contrapuntique au point d’avoir pu ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l’un des fossoyeurs du contrepoint.

On reconnaĂźt Ă  Vivaldi le gĂ©nie de l’orchestration, c’est-Ă -dire de la couleur orchestrale : il choisissait avec soin les timbres et recherchait leur Ă©quilibre, inventa des associations d’instruments inĂ©dites, utilisa l’un des premiers les effets de crescendo : c’est, Ă  ce titre, un prĂ©curseur[R 12].

Igor Stravinsky[49], auteur de l’affirmation sous forme de boutade selon laquelle Vivaldi aurait composĂ© non cinq cents concertos, mais cinq cents fois le mĂȘme concerto a portĂ© le plus grand tort Ă  cette Ɠuvre remarquable, en couvrant de son autoritĂ© une accusation injuste parce que fondĂ©e plutĂŽt sur une impression que sur l’analyse objective. Le fait que Les Quatre Saisons ou tel concerto pour mandolines soient parmi les rares piĂšces du rĂ©pertoire classique Ă  ĂȘtre identifiĂ©s avec sĂ»retĂ© par un public non averti tend, en effet, Ă  en rabaisser la valeur dans l’esprit des mĂ©lomanes « connaisseurs » ou prĂ©tendus tels[C 20].

Non que Vivaldi ne se soit parfois laissĂ© aller Ă  la facilitĂ©[C 18], Ă  la virtuositĂ© gratuite et Ă  l’auto-plagiat (cette derniĂšre pratique Ă©tait monnaie courante Ă  son Ă©poque, et peut ĂȘtre reprochĂ©e aux plus grands de ses contemporains). Le compositeur, travaillant souvent Ă  la hĂąte, pour ces Ɠuvres de commande aussitĂŽt oubliĂ©es que composĂ©es et jouĂ©es, pouvait bien ĂȘtre tentĂ© de rĂ©utiliser des thĂšmes ou d’user de procĂ©dĂ©s tout faits. Il demeure que dans ses compositions les plus originales et les plus accomplies, y compris dans celles qui sont rabĂąchĂ©es Ă  l’excĂšs, Vivaldi atteint une vĂ©ritable grandeur.

Les exemples de son gĂ©nie musical sont nombreux et se laissent reconnaĂźtre sans peine quand on y prĂȘte attention : Les Quatre Saisons, bien sĂ»r, piĂšces si novatrices lorsqu’on les replace dans leur contexte musical des annĂ©es 1720, mais nombre de concertos justement rĂ©putĂ©s pour leur lyrisme, leur mĂ©lodie attachante, leur rythmique irrĂ©sistible, leur parfaite adĂ©quation Ă  l’instrument auquel ils sont destinĂ©s. À dĂ©faut d’ĂȘtre d’accord avec Stravinsky, on peut suivre l’opinion de Bach qui s’est donnĂ© la peine de transcrire nombre de concertos vivaldiens. Ce gĂ©nie, reconnu depuis longtemps dans les plus belles de ses piĂšces religieuses, n’est plus discutĂ© dans ses opĂ©ras, derniĂšre partie de sa production Ă  profiter d’une remise Ă  l’honneur par les musiciens et le public.

Musique instrumentale

C’est Ă  sa musique instrumentale - et principalement Ă  ses concertos - que Vivaldi doit la place Ă©minente qu’il occupe dans la musique europĂ©enne.

Sonates

Petit concert (tableau de Pietro Longhi (1741), Gallerie dell'Accademia de Venise).

On conserve de Vivaldi 98 sonates, dont 36 imprimĂ©es sous les numĂ©ros d’opus 1, 2, 5 et 14.

  • 42 sonates pour violon et basse continue.
  • 25 sonates pour deux violons et basse continue.
  • 10 sonates pour violoncelle et basse continue.
  • 21 sonates (y compris trios) pour divers ou plusieurs instruments.

Ses premiĂšres Ɠuvres imprimĂ©es (les opus 1 et 2) tĂ©moignent de cette forme musicale, susceptible d’une exĂ©cution facile dans le milieu familial et amical par le jeune musicien et son violoniste de pĂšre. Les formules instrumentales les plus utilisĂ©es sont : un violon (une quarantaine de piĂšces), deux violons (une vingtaine), un violoncelle (neuf piĂšces, dont les six de l’opus 14 longtemps considĂ©rĂ©es d’attribution douteuse), une flĂ»te.

Dans ses sonates, Vivaldi se conforme Ă  la structure traditionnelle de la sonata da camera — magistralement illustrĂ©e par Corelli ; ce sont en fait des suites respectant sans grande rigueur la structure « allemande - courante - sarabande - gigue ». Ses premiĂšres sonates sont des Ɠuvres soignĂ©es, mais de peu d’originalitĂ© (Ă  l’exemple de Corelli, il termine son premier recueil par une suite de variations sur La Folia). Celle-ci se fait jour dans les piĂšces plus tardives et notamment les magnifiques sonates pour violoncelle de l’opus 14 qui appartiennent au grand rĂ©pertoire de l’instrument.

Concertos

Le concerto est la forme musicale dans laquelle s’inscrit la plus grande partie de son Ɠuvre instrumentale, qui a fondĂ© sa renommĂ©e europĂ©enne et qui le place au rang des plus grands compositeurs. S’il n’en est pas l’unique crĂ©ateur[50], c’est lui qui en a fait une des formes les plus importantes de la musique classique occidentale.

Signature de Vivaldi

L’ensemble des concertos composĂ©s par Vivaldi est d’une extraordinaire variĂ©tĂ©.

Concerto pour violoncelle en sol majeur, RV 413
Allegro
Largo
Allegro
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Cette variĂ©tĂ© rĂ©side tout d’abord dans celle des formules instrumentales mises en Ɠuvre, consistant en tous les possibles avatars du concerto grosso et, plus prĂ©cisĂ©ment, du concertino. Ce dernier peut en effet revĂȘtir la forme classique (le modĂšle de Corelli, qu'il abandonne d'ailleurs aprĂšs l'Opus 3[BB 4]), ĂȘtre remplacĂ© par un ou plusieurs solistes (on a alors le concerto soliste), demeurer seul (concerto da camera sans ripieno, assimilable Ă  la sonate pour plusieurs instruments), disparaĂźtre complĂštement (concerto ripieno, parfois intitulĂ© sinfonia, prĂ©figuration de la symphonie classique), jouer Ă  Ă©galitĂ© avec le ripieno (concertos pour deux orchestres). Vivaldi a aussi laissĂ© des Ɠuvres pour des formations originales et inĂ©dites, tel le Concerto en sol mineur pour 2 violons, 2 flĂ»tes Ă  bec, 2 hautbois, basson, cordes et basse continue Per l’Orchestra di Dresda RV 577 et de nombreux autres concertos per molti stromenti.

La variĂ©tĂ© rĂ©side ensuite dans les instruments utilisĂ©s. Vivaldi composa le plus grand nombre de ses concertos pour le violon, afin de les interprĂ©ter lui-mĂȘme. Mais il a, plus que tout autre compositeur, fait appel Ă  presque tous les instruments en usage Ă  son Ă©poque : violoncelle, viole d'amour, hautbois, basson, flĂ»te Ă  bec (alto et notamment sopranino), flĂ»te traversiĂšre, salmoĂš, cor, trompette, luth, mandoline, orgue, clarinette (il est le premier compositeur Ă  utiliser cet instrument, dans les concertos grosso RV 559 et 560). En tant qu'instrument soliste, il ignore cependant le clavecin, auquel il ne confie, Ă©ventuellement, que la rĂ©alisation de la basse continue. Les concertos pour des instruments plus rares ont Ă©tĂ© Ă©crits Ă  l’intention de jeunes instrumentistes virtuoses de la PietĂ  ou de riches amateurs (on peut citer le comte Wenzel von Morzin (basson), le comte Johann von Wrtby (luth), le comte Eberwein (violoncelle), le marquis Bentivoglio d'Aragona (mandoline), etc[BB 5].

La variĂ©tĂ© rĂ©side encore dans l’inspiration des thĂšmes : musique pure Ă  prĂ©dominance mĂ©lodique — oĂč Vivaldi brille de façon particuliĂšre — ou contrapuntique[51], musique imitative voire impressionniste souvent inspirĂ©e par la nature (Les Quatre saisons bien sĂ»r, mais aussi d’autres portant des noms Ă©vocateurs : La tempesta di mare, La Notte, Il Gardellino, Il Rosignuolo, etc.).

Le fil conducteur participant Ă  l’unitĂ© de cette Ɠuvre immense est la structure en trois mouvements Allegro — Andante — Allegro empruntĂ©e Ă  l'ouverture Ă  l'italienne et parvenue Ă  son parfait Ă©quilibre. MĂȘme si Vivaldi la transgressa parfois, il l’imposa par la vigueur de son interprĂ©tation personnelle et par sa large diffusion imprimĂ©e ou en copies dans toute l’Europe. Les premier et troisiĂšme mouvements sont gĂ©nĂ©ralement des piĂšces de virtuositĂ© ; le mouvement central, lent, est plutĂŽt de caractĂšre lyrique, Ă©lĂ©giaque ; dans de nombreux cas, le soliste y joue seul ou avec la basse continue rĂ©alisant la marche harmonique.

L’élĂ©ment de base du mouvement de concerto est le ritornello, courte cellule thĂ©matique que se partagent et se renvoient, au travers de modulations et de variations ornementales, le soliste et le ripieno (procĂ©dĂ© apparentĂ© Ă  celui du rondo). Il participe de façon prĂ©pondĂ©rante au style vivaldien et diffuse Ă©galement dans ses opĂ©ras et ses Ɠuvres religieuses.

La pratique de Vivaldi dans ses deux principaux domaines d’activitĂ©, le concerto et l’opĂ©ra, a dĂ©terminĂ© une « auto-influence » rĂ©ciproque : le rĂŽle du soliste est, dans le concerto, tout Ă  fait comparable Ă  celui du chanteur d’opĂ©ra dans sa confrontation dramatique avec l’orchestre et dans la mise en avant de sa virtuositĂ©.

Vivaldi aurait produit 507 concertos (approximativement[52]), répartis comme suit :

  • 1, 2, 3 ou 4 violons : 255
  • 1 ou 2 violoncelles : 30
  • combinaisons diverses de violon(s) et violoncelle(s) : 11
  • violon et orgue : 5
  • viole d’amour : 7
  • orchestre Ă  cordes sans soliste : 61
  • 1 ou 2 mandolines : 2
  • luth et viole d’amour : 1
  • flĂ»te (traversiĂšre, Ă  bec, flautino) : 19
  • 1 ou 2 hautbois : 23
  • basson : 39
  • 2 trompettes : 2
  • 2 cors : 2
  • concertos grossos : 26
  • concertos da camĂ©ra : 24

Les Ɠuvres publiĂ©es sous n° d’opus

Moins de 20 % des Ɠuvres composĂ©es par Vivaldi ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©es et publiĂ©es de son vivant et sous son contrĂŽle (Ă  Venise puis Ă  Amsterdam), soit 114 au total (30 sonates et 84 concertos), de l'Opus 1 Ă  l'Opus 12.

Mis à part l'Opus 10 consacré à la flûte, toutes ces piÚces sont dédiées au violon ou à des formations principalement composées de violons.

Un Opus 13 apocryphe fut publiĂ© Ă  Paris en 1740, regroupant des Ɠuvres alors attribuĂ©es Ă  Vivaldi et dont l'auteur vĂ©ritable Ă©tait Nicolas ChĂ©deville. Celui-ci avait d'ailleurs utilisĂ© du matĂ©riel thĂ©matique de Vivaldi.

Enfin, on reconnaßt aujourd'hui comme « Opus 14 » un recueil de six sonates pour le violoncelle également édité à Paris, dont la source manuscrite était une collection ayant appartenu à l'ambassadeur de France à Venise, le comte de Gergy.

Opéras

Vivaldi prĂ©tendait avoir composĂ© 94 opĂ©ras. En fait, moins de 50 titres ont Ă©tĂ© identifiĂ©s, et sur ce nombre, seule une vingtaine d’Ɠuvres nous est parvenue, certaines incomplĂštes (la source principale est le fonds FoĂ -Giordano de la BibliothĂšque nationale universitaire de Turin). Par ailleurs, la pratique des reprises sous un titre diffĂ©rent et du pasticcio, rassemblant Ă  la hĂąte des morceaux provenant d’opĂ©ras antĂ©rieurs voire d’autres compositeurs brouille un peu plus les comptes des musicologues (la pratique du pasticcio Ă©tait courante et en rien une spĂ©cialitĂ© de Vivaldi).

Le rythme effréné de la production d'opéras en Italie au XVIIIe siÚcle explique la perte de nombreuses partitions : celles-ci n'étaient jamais imprimées, pour des raisons de coût, à la différence des livrets qui étaient vendus au public.

Les habitudes prises Ă  l’époque ne favorisaient guĂšre la vraisemblance des livrets ou la logique de l’intrigue ; d’ailleurs, le public ne venait pas Ă©couter une histoire, mais les prouesses vocales des prime donne et des castrats, sur les exigences desquelles Ă©taient Ă©tablis les opĂ©ras. Ces travers avaient Ă©tĂ© stigmatisĂ©s par Marcello dans son pamphlet Il teatro alla moda, mais Vivaldi ne faisait que se conformer Ă  l’usage, tout en essayant de rĂ©sister Ă  la mode de l’opĂ©ra napolitain — tout au moins au dĂ©but de sa carriĂšre. La prĂ©sence dans de nombreuses bibliothĂšques europĂ©ennes de copies d'airs d'opĂ©ras de Vivaldi montre que ceux-ci Ă©taient apprĂ©ciĂ©s, Ă  l'Ă©tranger comme en Italie, contrairement aux assertions de certains et notamment de Giuseppe Tartini[P 2]. Ses opĂ©ras valent essentiellement pour la beautĂ© de la musique : c’est depuis une dizaine d’annĂ©es un domaine que dĂ©couvrent musiciens et amateurs d’opĂ©ra. CommencĂ©e timidement dans les annĂ©es 1970, la discographie s’enrichit Ă  prĂ©sent chaque annĂ©e[45].

LĂ©gende :

musique perdue en totalité
musique conservée au moins en partie[53]
Titre RV Librettiste Création : Lieu Date Remarque
Ottone in villa[54] 729 D. Lalli Vicence — teatro di Piazza 1713
Orlando finto pazzo[54] 727 G. Braccioli Venise — teatro Sant'Angelo 1714
Nerone fatto Cesare 724 M. Noris Venise — teatro Sant’Angelo 1715 pasticcio (Gasparini, Orlandini, Pollarolo, Vivaldi)
La costanza trionfante[54] 706 A. Marchi Venise — teatro San Moisù 1716 repris comme Artabano, re dei Parti (RV 701)
en 1718 puis Doriclea (RV 708) en 1732
Arsilda, regina di Ponto[54] 700 D. Lalli Venise — teatro Sant'Angelo 1716
L’incoronazione di Dario 719 A. Morselli Venise — teatro Sant’Angelo 1717
Tieteberga[54] 737 A.M. Lucchini Venise — teatro San Moisù 1717
Artabano, re dei Parti[54] 701 A. Marchi Venise — teatro San Moisù 1718 reprise de La costanza trionfante (RV 706)
Armida al campo d'Egitto[54] 699 G. Palazzi Venise — teatro San MoisĂš 1718 rĂ©visĂ© comme Gl’inganni per vendetta (RV 720) en 1720
Scanderbeg 732 A. Salvi Florence — Teatro della Pergola 1718
Teuzzone 736 A. Zeno Mantoue — teatro arciducale 1718
Tito Manlio 738 M. Noris Mantoue — teatro arciducale 1719
La Candace
ossiano Li veri amici
704 F. Silvani et
D. Lalli
Mantoue — teatro arciducale 1720
Gl’inganni per vendetta[54] 720 G. Palazzi Venise — teatro San MoisĂš 1718 rĂ©visĂ© d’Armida al campo d'Egitto (RV 699)
La verità in cimento[54] 739 G.Palazzi Venise — teatro Sant’Angelo 1720
Filippo, re di Macedonia 715 D. Lalli Venise — teatro Sant’Angelo 1720 pasticcio
La Silvia 734 E. Bissari Milan — Reggio ducale 1721
Ercole sul Termodonte 710 G.F. Bussani Rome — Teatro Capranica 1723
Il Giustino 717 N. Beregan/P. Pariati Rome — Teatro Capranica 1724
La VirtĂč trionfante
dell’amore e dell’odio
740 F. Silvani Rome — Teatro Capranica 1724 pasticcio (acte II seul de Vivaldi)
L’Inganno trionfante in amore[54] 721 M. Noris Venise — teatro Sant’Angelo 1725
Cunegonda[54] 707 A. Piovene Venise — teatro Sant’Angelo 1726
La Fede tradita e vendicata[54] 712 F. Silvani Venise — teatro Sant’Angelo 1726
La Tirannia castigata Anh 55 F. Silvani Prague — thĂ©Ăątre Sporck 1726
Dorilla in Tempe[54] 709 A. M. Lucchini Venise — teatro Sant’Angelo 1726 pasticcio (Vivaldi, qq airs de Hasse, Giacomelli, Leo)
Ipermestra 722 A. Salvi Florence — Teatro della Pergola 1727
Farnace[54] 711 A. M. Lucchini Venise — teatro Sant’Angelo 1727
SiroĂš, Re di Persia[54] 735 MĂ©tastase Reggio — teatro pubblico 1727
Orlando furioso[54] 728 G. Braccioli Venise — teatro Sant’Angelo 1727
Rosilena ed Oronta[54] 730 G. Palazzi Venise — teatro Sant’Angelo 1728
L'Atenaide 702 A. Zeno Florence — Teatro della Pergola 1728 (29/12)
Argippo[55]. 697 D. Lalli Prague — thĂ©Ăątre Sporck 1730
Alvilda, Regina dei Goti 696 G.C. Corradi Prague — thĂ©Ăątre Sporck 1731 seulement les airs
Semiramide[54] 733 F. Silvani et
D. Lalli
Mantoue — teatro arciducale 1731
La fida ninfa[54] 714 S. Maffei VĂ©rone — Teatro Filarmonico 1732
Doriclea 708 A. Marchi Prague — thĂ©Ăątre Sporck 1732 reprise de La costanza trionfante (RV 706)
Montezuma[54] 723 G.A. Giusti Venise — teatro Sant’Angelo 1733
L’Olimpiade[54] 725 MĂ©tastase Venise — teatro Sant’Angelo 1734
L’Adelaide 695 A. Salvi VĂ©rone — Teatro Filarmonico 1735
Il Tamerlano (Bajazet)[54] 703 A. Piovene VĂ©rone — Teatro Filarmonico 1735 pasticcio (Vivaldi, qq airs de Hasse, Giacomelli, Riccardo Broschi)
La Griselda[54] 718 A. Zeno /
C. Goldoni
Venise — teatro San Samuele 1735 (18/05)
Aristide 698 C. Goldoni Venise — teatro San Samuele 1735
Ginevra, Principessa di Scozia[54] 716 A. Salvi Florence — Teatro della Pergola 1736
Catone in Utica[54] 705 MĂ©tastase VĂ©rone — Teatro Filarmonico 1737 (26/05)
L’Oracolo in Messenia[54] 726 A. Zeno Venise — teatro Sant’Angelo 1737
Rosmira fedele 731 S. Stampiglia Venise — teatro Sant’Angelo 1738 (27/01) pasticcio (Vivaldi, Hasse, Pergolùse, Haendel, etc.)
Feraspe[54] 713 F. Silvani Venise — teatro Sant’Angelo 1739

Cantates

PiĂšce de musique intimiste par rapport Ă  l’opĂ©ra, la cantate est destinĂ©e Ă  une chanteuse soliste (soprano, contralto) : ces Ɠuvres Ă©taient interprĂ©tĂ©es par les pensionnaires de la PietĂ . Elles dĂ©peignent, non une action, mais un sentiment, une situation psychologique en deux arias sĂ©parĂ©s par un rĂ©citatif (un rĂ©citatif initial peut servir d’introduction).

On a retrouvé de Vivaldi :

  • 22 cantates pour soprano et basse continue,
  • 8 pour contralto et basse continue,
  • 5 pour soprano, orchestre Ă  cordes et basse continue
  • 4 pour contralto, orchestre Ă  cordes et basse continue

Comparable Ă  la cantate en ce qu’elle ne donnait gĂ©nĂ©ralement pas lieu Ă  une action scĂ©nique, la sĂ©rĂ©nade Ă©tait une Ɠuvre de commande de dimension plus importante, avec ouverture orchestrale, arias solistes, rĂ©citatifs et parfois chƓurs. Plusieurs ont Ă©tĂ© perdues, et trois nous sont conservĂ©es : la serenata a tre RV 690, Gloria e Himeneo (La Gloire et HymĂ©nĂ©e) RV 687 composĂ©e pour le mariage de Louis XV et surtout La Sena festeggiante (La Seine en fĂȘte) RV 693 composĂ©e pour la naissance du Dauphin.

Musique sacrée

Nulla in mundo
Motet pour soprano RV630
Larghetto
Recitativo
Allegro
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On conserve une cinquantaine d’Ɠuvres de musique religieuse de diffĂ©rents types : Ă©lĂ©ments de la messe tridentine et leur introduction sur texte libre (Kyrie, Gloria, Credo), psaumes, hymnes, antiennes, motets, dont ses Nisi Dominus, RV 608, et Filiae maestae Jerusalem RV 638, composĂ©s probablement vers 1716.

Les formules vocales sont Ă©galement diverses : chant soliste (cas gĂ©nĂ©ral des motets, qui ne sont autres que des cantates sacrĂ©es), chƓur, solistes et chƓur, double chƓur. Elles dĂ©pendaient de l’institution pour laquelle elles furent composĂ©es, soit l’église de la PietĂ , oĂč elles Ă©taient interprĂ©tĂ©es pour un public payant sa place comme pour un concert[R 13], soit pour la basilique Saint-Marc dont les tribunes se faisant face avaient donnĂ© naissance Ă  la tradition des compositions en double chƓur, soit enfin pour des commanditaires tel le Cardinal Ottoboni.

C’est pour les besoins de la religion que Vivaldi put donner libre cours Ă  son gĂ©nie exceptionnel[C 21] en matiĂšre de musique chorale, dont l’emploi Ă  l’opĂ©ra Ă©tait parcimonieux. C’est Ă©galement dans ce domaine qu’il pouvait utiliser des voix autres que les voix fĂ©minines de soprano et de contralto. Ceci distingue cette musique dans sa production : ce sont des Ɠuvres de grande qualitĂ© dans lesquelles se marient la tradition polyphonique et le caractĂšre festif et enjouĂ© qui lui est propre. Cependant il n’y fait pas autant figure de novateur que dans ses concertos.

Les compositions Ă  double chƓur sont au nombre de sept (Kyrie, Domine ad adjuvandum me, Dixit Dominus, Beatus vir, Lauda Jerusalem, Magnificat et Salve regina) : elles constituent, avec le Gloria RV 589 et le Stabat Mater le fonds de ce rĂ©pertoire, qui jouit depuis les dĂ©buts de la « Vivaldi Renaissance » des annĂ©es 1950, de la faveur des musiciens et du public.

Quant Ă  l’oratorio Juditha Triumphans, son caractĂšre et sa destination le rapprochent plus de l’opĂ©ra, malgrĂ© un argument tirĂ© des livres saints. C'est le seul oratorio conservĂ© parmi les quatre qu’aurait composĂ©s Vivaldi ; les autres avaient pour titre : La Vittoria navale, Moyses Deus Pharaonis et L'Adorazione delli tre re Magi[56].

Inventaire de ses Ɠuvres

Le legs de Vivaldi comprend plus de 811 Ć“uvres. Plusieurs musicologues du XXe siĂšcle ont Ă©tabli des catalogues des compositions du PrĂȘtre Roux, de façon plus ou moins indĂ©pendante l’une de l’autre et sur la base des Ɠuvres identifiĂ©es Ă  l’époque de leurs travaux, rangĂ©es selon diffĂ©rents critĂšres. Il s’ensuit une certaine difficultĂ© Ă  reconnaĂźtre leurs correspondances, les plus anciens Ă©tant aussi les moins complets[T 22]. Les rĂ©fĂ©rences qui peuvent se trouver sont codifiĂ©es comme suit :

  • RN catalogue de Mario Rinaldi (1945),
  • P catalogue de Marc Pincherle (1948),
  • RC catalogue des Ă©ditions Ricordi (Ă©tabli par Gian Francesco Malipiero),
  • F catalogue d’Antonio Fanna (1968),
  • RV catalogue de Peter Ryom (signifie : « Ryom Verzeichnis » et non « RĂ©pertoire Vivaldien »).

Établi en 1973 et complĂ©tĂ© depuis lors Ă  l’occasion de la dĂ©couverte de nouvelles Ɠuvres (par exemple la dĂ©couverte d'un recueil de sonates pour violon Ă  Manchester ou celle de l'opĂ©ra Argippo Ă  Ratisbonne), ce dernier est le plus complet et tend Ă  ĂȘtre utilisĂ© de façon universelle, notamment par les maisons de disques.

Au cinéma

Hommages

Sont nommés en l'honneur d'Antonio Vivaldi plusieurs odonymes, dont l'allée Vivaldi à Paris[58], et toponymes, à l'instar du glacier Vivaldi sur l'ßle Alexandre-Ier en Antarctique[59].

En astronomie, sont aussi nommés en son honneur (4330) Vivaldi, un astéroïde de la ceinture principale d'astéroïdes[60], et Vivaldi, un cratÚre de la planÚte Mercure[61].

Notes et références

  1. Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
  2. Il est souvent qualifiĂ© d'italien par simplification, mais la rĂ©publique de Venise Ă©tait Ă  son Ă©poque un État indĂ©pendant et l'Italie ne devait ĂȘtre unifiĂ©e qu'au XIXe siĂšcle.
  3. « Je l’ai ouĂŻ se faire fort de composer un concerto, avec toutes ses parties, plus promptement qu’un copiste ne le pourrait copier. » : propos rapportĂ©s par Charles de Brosses dans sa lettre du 29 aoĂ»t 1739 adressĂ©e Ă  M. de Blancey, l’une des Lettres familiĂšres Ă©crites d’Italie en 1739 et 1740.
  4. cf. article sur www.radio.cz.
  5. « Une musique Ă  mon grĂ© bien supĂ©rieure Ă  celle des opĂ©ras, et qui n’a pas sa semblable en Italie, ni dans le reste du monde, est celle des scuole. Les scuole sont des maisons de charitĂ© Ă©tablies pour donner l’éducation Ă  des jeunes filles sans bien, et que la rĂ©publique dote ensuite soit pour le mariage, soit pour le cloĂźtre. Parmi les talents qu’on cultive dans ces jeunes filles, la musique est au premier rang. Tous les dimanches Ă  l’église de ces quatre scuole, on a durant les vĂȘpres des motets Ă  grand chƓur et en grand orchestre, composĂ©s et dirigĂ©s par les plus grands maĂźtres de l’Italie, exĂ©cutĂ©s dans des tribunes grillĂ©es, uniquement par des filles dont la plus vieille n’a pas vingt ans. Je n’ai l’idĂ©e de rien d’aussi voluptueux, d’aussi touchant que cette musique : les richesses de l’art, le goĂ»t exquis des chants, la beautĂ© des voix, la justesse de l’exĂ©cution, tout dans ces dĂ©licieux concerts concourt Ă  produire une impression qui n’est assurĂ©ment pas du bon costume, mais dont je doute qu’aucun cƓur d’homme soit Ă  l’abri. Jamais Carrio ni moi ne manquions ces vĂȘpres aux Mendicanti (C’est-Ă -dire l’hospice oĂč avait exercĂ© le pĂšre de notre compositeur), et nous n’étions pas les seuls. L’église Ă©tait toujours pleine d’amateurs ; les acteurs mĂȘmes de l’OpĂ©ra venaient se former au vrai goĂ»t du chant sur ces excellents modĂšles. Ce qui me dĂ©solait Ă©tait ces maudites grilles qui ne laissaient passer que des sons, et me cachaient les anges de beautĂ© dont ils Ă©taient dignes. ».
  6. Soit huit opéras nouveaux pendant la saison 1704-1705.
  7. La mention s’en trouve auparavant dans l'Essai sur la musique en Italie depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours par le comte GrĂ©goire Wladimir Orloff (1777-1826), sĂ©nateur russe qui habita Ă  Paris sous la Restauration (Paris, Dufart Ă©diteur, 1822) - cf. C. et J.F. Labie, op. cit. page 128.
  8. « Sono venticinque anni ch’io non dico messa nĂ© mai piĂč la dirĂČ, non per divieto o comando, come si puĂČ informare Sua Eminenza, ma per mia elezione, e ciĂČ stante un male che io patisco a nativitate, pel quale io sto oppresso. Appena ordinato sacerdote, un anno o poco piĂč ho detto messa, e poi l’ho lasciata avendo dovuto tre volte partir dall’altare senza terminarla a causa dello stesso mio male. Ecco la ragione per la quale non celebro messa. ».
  9. « Dans sa vieillesse, vers 1730, il Ă©tait extraordinairement bigot, au point de ne lĂącher le chapelet que pour prendre la plume, au moment oĂč il Ă©crivait un opĂ©ra, chose qui arrivait encore frĂ©quemment. », citĂ© par Labie, op.cit. page 125.
  10. Selon Roland de CandĂ© (op.cit. page 20), ils Ă©taient au nombre de sept : le San Cassiano, le SS. Giovanni e Paolo, le San MoysĂš, le San Salvatore, le San Samuele, le Sant’Angelo et le San Giovanni Grisostomo. Ils portaient les noms des quartiers oĂč ils Ă©taient situĂ©s.
  11. « Au XVIIIe siĂšcle, Venise est en fĂȘte pendant plus de la moitiĂ© de l’annĂ©e. » — R. de CandĂ©, op.cit., page 9.
  12. La famille Dolfin, qui faisait partie des case vecchie, était de la plus ancienne noblesse vénitienne.
  13. « 
 gegen das ende spielte der Vivaldi ein accompagnement solo, admirabel, woran er zuletzt eine phantasie anhing die mich recht erschrecket, denn dergleichen ohnmöglich so jehmahls ist gespielt werden, denn er kahm mit den Fingern nur einen strohhalm breit an den steg dass der bogen keinen plazt hatte, und das auf allen 4 saiten mit Fugen und einer geschwindigkeit die unglaublich ist, er suprenierte damit jedermann, allein daß ich sagen soll daß es mich charmirt das kan ich nicht thun weil es nicht so angenehm zu hören, als es kĂŒnstlich gemachet war. (Johann Friedrich Armand von Uffenbach, agenda du 4 fĂ©vrier 1715) » citĂ© par S. Roughol, op. cit., page 47.
  14. Il faut toutefois noter que le Traité de Passarowitz qui mettra fin aux hostilités avec l'Empire ottoman, s'il est favorable aux Habsbourg, consacrera de notables pertes territoriales pour Venise.
  15. Le duchĂ© de Mantoue avait Ă©tĂ© cĂ©dĂ© Ă  la Maison d’Autriche par le traitĂ© d’Utrecht en 1713 : le landgrave y faisait office de gouverneur au nom de l’empereur.
  16. R. de CandĂ© suppose que ce ne peut ĂȘtre Innocent XIII, malade depuis de nombreux mois, qui ait reçu Vivaldi.
  17. C’est l’annĂ©e 1725 qui est indiquĂ©e par R. de CandĂ©.
  18. On sait qu'ils furent appréciés par La PoupliniÚre, le mécÚne et protecteur de Jean-Philippe Rameau cf Labie, op.cit. p. 104.
  19. Elle Ă©tait nĂ©e Ă  Mantoue, probablement en 1710, d’un pĂšre français qui Ă©tait perruquier.
  20. Cependant, selon Roland de CandĂ© (op. cit page 81), « elle ne demeurait pas chez le Prete Rosso et leurs relations n’étaient pas coupables ».
  21. Parmi ces concertos figurent plusieurs chefs-d’Ɠuvre favoris du rĂ©pertoire : La Tempesta di Mare, La Notte, Il Gardellino.
  22. D’aprĂšs la lettre susmentionnĂ©e.
  23. La musique italienne y Ă©tait particuliĂšrement apprĂ©ciĂ©e et reprĂ©sentĂ©e aux fonctions les plus officielles par le VĂ©nitien Antonio Caldara (1670-1736), aĂźnĂ© de Vivaldi et ancien choriste de la basilique Saint-Marc et par le vieux Johann Joseph Fux (1660-1741) formĂ© Ă  l’école de Carissimi.
  24. Avec lui vivaient son pĂšre ainsi que ses deux sƓurs restĂ©es cĂ©libataires, Margherita et Zanetta.
  25. Reprise de La Costanza trionfante de 1716.
  26. Fortuitement retrouvées et identifiées en 1973 par le musicologue Michael Talbot, ces sonates sont en possession de la bibliothÚque centrale de Manchester.
  27. Aussi connu sous le titre de Bajazet.
  28. Le récit le moins connu figure dans la préface au tome XIII des Commedie et le second, plus tardif, dans ses Mémoires.
  29. L’habitude Ă©tant alors d’adapter les opĂ©ras aux capacitĂ©s et prĂ©fĂ©rences des chanteurs, et non de recruter ceux-ci en fonction des exigences d’une Ɠuvre dĂ©jĂ  composĂ©e.
  30. L’Ɠuvre parut sous les pseudonymes en forme d’anagramme de Calindo Grolo (Goldoni) et Lotavio Vandini (Vivaldi).
  31. Elles ont été retrouvées et publiées en 1871.
  32. C’est tout au moins ce qui ressort de la lettre envoyĂ©e par Vivaldi Ă  Bentivoglio pour essayer d’avoir son appui pour obtenir la levĂ©e de l’interdiction.
  33. Rosmira fedele comprend des airs de plusieurs musiciens célÚbres, dont Haendel, Hasse, Pergolese.
  34. Il s’agit de Johann Adolf Hasse surnommĂ© par les VĂ©nitiens Il caro Sassone.
  35. Dont les deux hérauts avaient pour noms Hasse et Porpora.
  36. Par une Ă©tonnante coĂŻncidence, J.S. Bach qu'il avait tant influencĂ©, mourut lui-mĂȘme neuf ans plus tard, le 28 juillet 1750.
  37. Traduction de la note introductive, 2011, Decca Music, Michael Talbot, trad. David Ylla-Somers. Ouvrage : Michael Talbot, Antonio Vivaldi, 1998 (ISBN 978-3458339175).
  38. (en), Michael Talbot, Vivaldi, Édition : 2New Ed, 2000, (ISBN 978-0198164975).
  39. (en) Michael Talbo, The Vivaldi Compendium, The Boydell Press, 2011, (ISBN 978-1843836704).
  40. cf. Luc-AndrĂ© Marcel in « Bach »(Collection SolfĂšges, Éditions du Seuil) page 54.
  41. Voir Ă  ce sujet : Istituto Italiano Vivaldi (en italien).
  42. S. Roughol op.cit. page 75, qui évoque aussi « l'ouvrage exhaustif et enthousiaste de Roland de Candé », principale source utilisée pour la rédaction du présent article.
  43. Istituto Italiano Vivaldi page 2 du texte en PDF.
  44. Istituto Italiano Vivaldi page 3 du texte en PDF.
  45. Le label indĂ©pendant NaĂŻve rĂ©alise actuellement l'enregistrement intĂ©gral des quelque 450 Ɠuvres du fonds turinois, qui devrait s'achever en 2015. Plusieurs opĂ©ras sont dĂ©jĂ  produits.
  46. Voir Ă  ce sujet : Notes d'Alberto Basso (en italien).
  47. Le nombre de 80 cité par Sophie Roughol est erroné et incohérent avec la numérotation du catalogue de Peter Ryom.
  48. voir ce site.
  49. Ou Luigi Dallapiccola, selon Marc Pincherle (op.cit., page 55) qui ajoute plus loin : « Pour ce qui est de la boutade de Dallapiccola, on n'en peut imaginer de plus souverainement injuste. ».
  50. On s’accorde Ă  reconnaĂźtre l’antĂ©rioritĂ© de Torelli et le rĂŽle important d’Albinoni : cf. Roland de CandĂ© in Dictionnaire de musique, article « Concerto » (Collection Microcosme, Éditions du Seuil).
  51. Il savait composer d’admirables fugues, que Bach Ă©tait loin de nĂ©gliger — exemple : le largo du concerto en Mi majeur pour violon, n°12 de l'opus 3 (RV265) transcrit pour clavecin (BWV 976).
  52. Des Ɠuvres sont d’attribution douteuse, d’autres sont incomplùtes, et certaines sont des variantes ou des sortes de patchwork de mouvements issus d’autres piùces.
  53. Il peut exister plusieurs sources manuscrites, autographes ou non, correspondant Ă  des versions distinctes : le critĂšre est donc indicatif.
  54. signalĂ© dans la Drammaturgia d’Allaci (1755) citĂ©e par FĂ©tis.
  55. On pensait la musique de cet opĂ©ra perdue mais le chef d'orchestre tchĂšque Ondƙej Macek en a retrouvĂ© rĂ©cemment 7 arias dans une collection privĂ©e Ă  Ratisbonne. PremiĂšre audition Ă  Prague le 3 mai 2008.
  56. Sponsorisé par la Congrégation mariale l'oratorio fut exécuté pour la premiÚre fois en 1722 dans l'église San Fedele de Milan.
  57. [vidéo] 007 Spectre - Nisi Dominus Cum Dederit sur YouTube.
  58. « Allée Vivaldi - 12e arrondissement », sur Les rues de Paris (consulté le ).
  59. « Antarctica Detail », sur Institut d'Ă©tudes gĂ©ologiques des États-Unis (consultĂ© le ).
  60. « IAU Minor Planet Center: (4330) Vivaldi », sur minorplanetcenter.net (consulté le ).
  61. « Planetary Names: Crater, craters: Vivaldi on Mercury », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le ).

Références

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  2. p. 179.
  • AndrĂ© Verchaly, article Vivaldi (Antonio) dans la Grande EncyclopĂ©die Larousse en 20 volumes — 1974.
    1. voir l'article.
    1. p. 37.
    2. p. 44.
    3. p. 43.
    4. p. 35.
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    12. p. 186.
    13. p. 81.
    14. p. 79.
    15. p. 91.
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    • Sophie Roughol, Antonio Vivaldi, Arles, Actes Sud, coll. « Classica », , 140 p. (ISBN 978-2-7427-5652-0, BNF 40046524).
    1. p. 15.
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    Voir aussi

    Catalogues

    Bibliographie

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    • Peter Ryom, Verzeichnis der Werke Antonio Vivaldis (Ryom-Verzeichnis). VEB Deutscher Verlag fĂŒr Musik, Leipzig 1974.
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    • Michael Talbot, Antonio Vivaldi. A Guide to Research. Garland Press, New York 1988 (ISBN 0-8240-8386-5).
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    • (en) Michael Talbot, The Vivaldi Compendium, Woodbridge, The Boydell Press, , 258 p. (ISBN 978-1-84383-670-4, BNF 42433722).

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