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Cirrhose

La cirrhose (du grec ancien : ÎșÎčρρός / kirrhĂłs « roux ») est une maladie grave du foie, rĂ©sultant d’agressions biochimiques rĂ©pĂ©tĂ©es, le plus souvent par la consommation chronique d’alcool ou par des virus hĂ©patotropes mais pouvant aussi rĂ©sulter de l’accumulation de graisses dans le foie, de maladies auto-immunes, de dĂ©ficits enzymatiques ou autres. Elle est dĂ©finie selon des critĂšres morphologiques de fibrose et de transformation de l’architecture normale du foie en nodules structurellement anormaux dont la couleur roussĂątre a inspirĂ© le nom actuel de la maladie Ă  RenĂ© Laennec[1]. Ces anomalies structurelles s’accompagnent de surcroĂźt de bouleversements de la fonction hĂ©patique.

Cirrhose
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Cirrhose dĂ©compensĂ©e avec formation d’ascite dĂ©formant l’abdomen, circulation collatĂ©rale abdominale en forme de « tĂȘte de MĂ©duse » et lĂ©sions cutanĂ©es

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Les modifications provoquĂ©es par la fibrose entraĂźnent en outre une Ă©lĂ©vation de la pression sanguine dans la veine-porte avec, dans les stades avancĂ©s de la cirrhose, un Ă©panchement de liquide dans l’abdomen susceptible de s’infecter. Par ailleurs, la circulation sanguine tente de contourner l’obstacle en se redirigeant vers les veines abdominales et Ɠsophagiennes. Ces derniĂšres peuvent devenir des varices Ɠsophagiennes dont la rupture est cause d’hĂ©morragies potentiellement mortelles.

La perte des fonctions hĂ©patiques peut quant Ă  elle se manifester tant au niveau de la synthĂšse de molĂ©cules indispensables au bon fonctionnement du corps, avec hypoglycĂ©mie, baisse des niveaux sanguins d’albumine et tendance aux saignements, que de l’élimination de substances toxiques avec accumulation de celles-ci (en particulier l’ammonium produit par la flore intestinale) entraĂźnant l’encĂ©phalopathie hĂ©patique qui peut aller jusqu’au coma et Ă  la mort.

GĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme irrĂ©versible, la cirrhose peut toutefois rĂ©gresser lorsque l’agent causal a Ă©tĂ© Ă©liminĂ© mais le foie ne revient pas nĂ©cessairement Ă  son activitĂ© antĂ©rieure. Le traitement a le plus souvent pour but de freiner la progression de la maladie et d’allĂ©ger ses complications. Dans les stades avancĂ©s, la principale, sinon la seule, option demeure la transplantation hĂ©patique.

PathogenĂšse

La cirrhose est l’aboutissement d’un processus d’inflammation chronique du foie par divers agents et toxiques. Elle a classiquement Ă©tĂ© associĂ©e Ă  la consommation chronique d’alcool[2] mais si cela semble encore le cas en France, la cause la plus frĂ©quente est, aux États-Unis et dans le tiers monde, l’hĂ©patite C, suivie de la synergie entre hĂ©patite C et alcool, de la stĂ©atose hĂ©patique non alcoolique, de l’hĂ©patite B (avec Ă©ventuelle coinfection par le virus de l’hĂ©patite D) et de causes diverses : hĂ©patite auto-immune, cholangite biliaire primitive (anciennement : cirrhose biliaire primaire), cholangite sclĂ©rosante primitive, maladies de stockages dont l’hĂ©mochromatose et la maladie de Wilson, dĂ©ficit en alpha 1-antitrypsine, granulomatoses, effets secondaires de diverses mĂ©dications, maladies veineuses, cirrhose cardiaque, etc.

La cirrhose due Ă  l’alcool est causĂ©e par le principal dĂ©rivĂ© mĂ©tabolique de ce dernier, l’éthanal (ou acĂ©taldĂ©hyde), ainsi que par les stress oxydatif et inflammatoire que sa consommation chronique engendre. Il peut en outre aggraver des maladies prĂ©existantes dont la stĂ©atose hĂ©patique non alcoolique, l’hĂ©patite C ou l’hĂ©mochromatose.
Une cirrhose se dĂ©veloppe Ă©galement chez environ 15 Ă  25 % des sujets infectĂ©s par le virus de l’hĂ©patite C et 1 % des sujets infectĂ©s par le virus de l’hĂ©patite B. Les dommages sont vraisemblablement causĂ©s par les dĂ©fenses immunitaires, ces virus ne causant pas de tort aux cellules hĂ©patiques par eux-mĂȘmes.
Les mĂ©canismes menant Ă  la cirrhose secondaire Ă  la stĂ©atose hĂ©patique non alcoolique ne sont pas connus avec certitude mais il semble Ă©tabli qu’elle explique la plupart des cas de « cirrhose cryptogĂ©nique ».
Les cirrhoses peuvent encore ĂȘtre dues Ă  une rĂ©tention de la bile.

Dans la majoritĂ© des cas et indĂ©pendamment de la cause, le processus menant Ă  la cirrhose passe d’abord par des stades plus ou moins longs d’accumulation anormale de graisses (stĂ©atose) puis d’hĂ©patite. Les lĂ©sions sont alors totalement rĂ©versibles lorsque l’agent causal est Ă©liminĂ© ou neutralisĂ©. S’il ne l’est pas, elles progressent et donnent lieu Ă  la production de tissu fibreux. Celle-ci se fait selon deux mĂ©canismes, la fibrose pĂ©ri-cellulaire et la formation de travĂ©es fibreuses. Ces deux mĂ©canismes ne sont pas identiques, bien qu’étroitement apparentĂ©s.

Fibrose péri-cellulaire

Organisation naturelle d’une unitĂ© fonctionnelle du foie. Dans la cirrhose, la production de tissu fibreux conduit Ă  l’épaississement de l’espace de Disse qui sĂ©pare les hĂ©patocytes de l’apport sanguin et contient les cellules stellaires. Cet Ă©paississement entraĂźne Ă  la fois une diminution de la circulation sanguine et de l’apport de nutriments aux hĂ©patocytes

La production de tissu fibreux par diverses populations de cellules dont les plus importantes (mais non les seules) semblent ĂȘtre les cellules stellaires prĂ©sentes dans l’espace de Disse. Ces cellules, responsables dans le foie sain, du stockage de la vitamine A et de graisses, sont activĂ©es en rĂ©ponse Ă  des lĂ©sions cellulaires et rĂ©agissent de façon Ă  limiter ces lĂ©sions. Elles acquiĂšrent pour ce faire des propriĂ©tĂ©s sĂ©crĂ©toires et contractiles, favorisant la prolifĂ©ration des cellules fibrogĂ©niques, leur contractilitĂ© et la production de tissu fibreux ; d’autre part, elles s’opposent Ă  la dĂ©gradation du tissu fibreux nouvellement formĂ© par la production d’inhibiteurs des mĂ©talloprotĂ©inases[3]. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© dans un modĂšle animal que ce phĂ©nomĂšne est auto-rĂ©gulĂ© car les cellules stellaires activĂ©es entrent dans un processus de vieillissement cellulaire, produisent moins de tissu fibreux et sont plus facilement reconnues par les cellules tueuses naturelles[4].

Par ailleurs, elles obstruent le flux sanguin (chez l’individu sain, le sang provenant du tube digestif est emmenĂ© au foie par la veine porte jusqu'aux cellules hĂ©patiques ; le sang revient dans la circulation gĂ©nĂ©rale par les veines sus-hĂ©patiques qui se dĂ©versent dans la veine cave infĂ©rieure). Comme le sang ne peut plus circuler, il stagne dans le systĂšme porte, ce qui entraĂźne une augmentation de la pression dans ce dernier[5].

Formation de travées fibreuses

Agrandissement de septa fibreux chez un patient atteint de cirrhose d'origine alcoolique

La perte localisĂ©e du parenchyme hĂ©patique, Ă  la suite de l’obstruction en cet endroit de la circulation se jetant dans la veine hĂ©patique et dans la veine-porte. Si l’occlusion de l’un des deux vaisseaux ne provoque qu’une atrophie, une double obstruction entraĂźne une diminution de l’apport sanguin et aboutit Ă  la formation de cloisons fibreuses se dĂ©veloppant sur le trajet des vaisseaux obstruĂ©s. Ces cloisons comprennent, outre le tissu fibreux, des dĂ©bris cellulaires, de petites fistules artĂ©rioveineuses et des vaisseaux sanguins nouvellement formĂ©s. Il s’agit donc d’un tissu cicatriciel se dĂ©veloppant le long de vaisseaux sanguins ayant cessĂ© d’alimenter la portion de tissu hĂ©patique qu’ils desservaient.
Dans la cirrhose alcoolique, ces deux mĂ©canismes se font l’un Ă  la suite de l’autre. Dans la plupart des autres causes de cirrhose, ils se produisent simultanĂ©ment sur un tissu prĂ©alablement sain (ou Ă  tout le moins non fibrosĂ©)[6].

La fibrose empĂȘchant la reconstitution de lobules hĂ©patiques normaux, la rĂ©gĂ©nĂ©ration des hĂ©patocytes s’effectue de maniĂšre anarchique et aboutit Ă  la constitution de « nodules de rĂ©gĂ©nĂ©ration » ayant perdu les connexions vasculaires et biliaires, avec stagnation de la bile dans les canaux biliaires intrahĂ©patiques. Par ailleurs, l’hypertension portale rĂ©sultant de la fibrose induit la formation de dĂ©rivations que constitue la circulation veineuse collatĂ©rale abdominale et les varices Ɠsophagiennes. Enfin, la perte des cellules hĂ©patiques entraĂźne une diminution des diffĂ©rentes fonctions de cet organe et se traduit par une insuffisance hĂ©pato-cellulaire. Cet Ă©tat d’insuffisance persiste tant que les cellules ne se sont pas correctement renouvelĂ©es et rĂ©organisĂ©es, et ce mĂȘme si la cirrhose rĂ©gresse[6].

Hypertension portale

L’hypertension portale est dĂ©finie par une diffĂ©rence de pressions hydrostatiques de plus de 5 mmHg entre circulation infrahĂ©patique et suprahĂ©patique (bien que cette mesure ne soit jamais rĂ©alisĂ©e en pratique clinique avant la pose de TIPS). Elle rĂ©sulte, dans le cas de la cirrhose (Ă  quelques rares exceptions dont la cirrhose cardiaque et le syndrome de Budd-Chiari), de l’obstruction des sinusoĂŻdes hĂ©patiques et de l’engorgement sanguin dans les vaisseaux provenant des organes dĂ©pendant pour leur drainage de la veine porte (soit l’estomac, les intestins, la rate, le pancrĂ©as et la vĂ©sicule biliaire) Ă  la suite de la vasodilatation artĂ©rielle.

Elle est donc intrahépatique et a pour conséquence la dérivation du flux sanguin vers des vaisseaux collatéraux de plus faible pression afin de permettre le désengorgement.

Le dĂ©veloppement de la circulation collatĂ©rale qui se produit dans l’ensemble de l’arbre circulatoire dĂ©pendant de la veine-porte donne classiquement lieu au signe clinique de la caput medusae (« tĂȘte de MĂ©duse ») par rĂ©activation de la circulation pĂ©riombilicale.
Il s’accompagne en outre d’un Ă©tirement des veines et d’un amincissement de leurs parois jusqu’à la formation de varices Ɠsophagiennes, gastriques, duodĂ©nales ou rectales, lesquelles peuvent facilement se rompre et entraĂźner des hĂ©morragies plus ou moins importantes, depuis le saignement asymptomatique dĂ©tectĂ© par ses sĂ©quelles lors de l’exploration du tube digestif par endoscopie jusqu’à l’urgence vitale voire le dĂ©cĂšs. La formation de varices Ɠsophagiennes se produit chez environ 5-15 % de cirrhotiques par an.

L’hypertension portale entraĂźne Ă©galement de façon frĂ©quente une congestion de la rate qui se manifeste par une augmentation de son volume (avec, Ă©ventuellement, une gĂȘne voire une douleur abdominales) ainsi qu’une sĂ©questration des globules blancs et, surtout, des plaquettes.

Diagnostic

La cirrhose du foie est une maladie frĂ©quente dont l'incidence est probablement sous-estimĂ©e, car elle peut ne prĂ©senter aucun signe Ă  ses dĂ©buts et les premiĂšres plaintes sont gĂ©nĂ©ralement peu spĂ©cifiques : fatigue, nausĂ©es, vagues douleurs dans l'hypocondre droit, perte d’appĂ©tit, amaigrissement, etc. Il a Ă©tĂ© estimĂ© en 2008 qu’elle serait responsable de plus de 25 000 dĂ©cĂšs par an aux États-Unis et que sa prĂ©valence serait proche de 1 % de la population gĂ©nĂ©rale[2].

La suspicion d'une cirrhose est fondée sur l'ensemble des arguments cliniques et biologiques retrouvés chez un patient. Le diagnostic de certitude est fait par l'analyse anatomopathologique du tissu hépatique. Le matériel à analyser est le plus souvent fourni par la biopsie hépatique. La biopsie hépatique est utile pour affirmer le diagnostic de cirrhose et contribue à la recherche de la cause de celle-ci.

Les signes positifs de cirrhose sont :

  • cliniques : consistance dure et bord tranchant du bord infĂ©rieur du foie et signes cliniques d'insuffisance hĂ©pato-cellulaire (angiomes stellaires, etc.) ;
  • biologiques : chute des facteurs de coagulation (taux de prothrombine, facteur V) et hypoalbuminĂ©mie, bloc bĂ©ta-gamma Ă  l'Ă©lectrophorĂšse des protĂ©ines sĂ©riques. Le bloc est gĂ©nĂ©rĂ© par l'accumulation sĂ©rique d'immunoglobulines A polyclonales [7] - [8], Ă  cause notamment du dĂ©faut de leur catabolisme lors de la cirrhose. En effet, normalement, les immunoglobulines A sont catabolisĂ©es principalement par le foie[9].

En France, la Haute autorité de santé (HAS) recommande, dans certaines circonstances, l'utilisation des tests diagnostiques non invasifs pour le diagnostic de fibrose hépatique dont la cirrhose en 1re intention : examen physique (Fibroscan) et tests sanguins (FibroTest, FibroMÚtre, Hepascore). Ces examens sont remboursés depuis juin 2011 (JO 19/5/11[10]) dans l'hépatite C sans comorbidité et dans la limite d'un test par an et par patient. Il existe aussi un test sanguin spécifique à la cirrhose (CirrhoMÚtre), mais il n'est ni validé, ni remboursé.

AnamnĂšse

Les causes principales de cirrhose se trouvant actuellement ĂȘtre les hĂ©patites virales, l’hĂ©patopathie alcoolique et la stĂ©atose hĂ©patique non-alcoolique (plus couramment appelĂ©e NASH du fait de son acronyme anglo-saxon), la prise de renseignements mĂ©dicaux se focalise plus prĂ©cisĂ©ment sur les comportements Ă  risque associĂ©s Ă  ces maladies : sĂ©jours en zones endĂ©miques, rapports sexuels multiples et/ou non protĂ©gĂ©s, usage de drogues intraveineuses ou intranasales, rĂ©alisation de tatouages ou de piercings, travail en milieu hospitalier ou apparentĂ©, antĂ©cĂ©dents de transfusions sanguines (Ă  l’époque oĂč le virus de l’hĂ©patite C n’était pas connu), consommation d’alcool, son Ă©ventuel degrĂ© et son Ă©ventuelle durĂ©e, habitudes alimentaires, antĂ©cĂ©dents d’obĂ©sitĂ©, de diabĂšte etc. Sont Ă©galement investiguĂ©s les antĂ©cĂ©dents personnels de maladies mĂ©taboliques et familiaux de maladies du foie.

Signes cliniques

Les signes et symptĂŽmes de la cirrhose ou de ses complications sont nombreux et variĂ©s. Nombre d’entre eux ne sont pas spĂ©cifiques et peuvent se produire en l’absence de cirrhose. RĂ©ciproquement, leur absence ne permet pas d’exclure dĂ©finitivement le diagnostic.

Pendant une pĂ©riode plus ou moins longue, dite non compliquĂ©e, seul un examen clinique ou biologique peut mettre en Ă©vidence les stigmates. À un stade plus avancĂ©, les signes rĂ©vĂ©lateurs peuvent ĂȘtre une asthĂ©nie et amaigrissement, une ascite (prĂ©sence de liquide Ă  l'intĂ©rieur de la cavitĂ© pĂ©ritonĂ©ale), un ictĂšre (coloration jaune de la peau et des muqueuses). La cirrhose peut Ă©galement se rĂ©vĂ©ler par une complication : hĂ©morragie digestive (le plus souvent par rupture de varices Ɠsophagiennes), encĂ©phalopathie avec troubles de conscience et flapping, dont le mĂ©canisme est multifactoriel (notamment par le biais d'une augmentation de l'ammoniaque sanguine : hyperammoniĂ©mie).

Signes généraux

AltĂ©ration de l'Ă©tat gĂ©nĂ©ral avec perte d’appĂ©tit, amaigrissement et fatigue. Aux stades avancĂ©s de la maladie, la cachexie se manifeste par une fonte des muscles temporaux et un jaunissement de la sclĂ©rotique.

  • Le dĂ©veloppement rapide ou soudain d’un Ă©tat de choc avec hypotension, pĂąleur, accĂ©lĂ©ration du rythme cardiaque traduit une perte de sang rapide, le plus souvent due dans la cirrhose Ă  une rupture de varices Ɠsophagiennes.

Signes liĂ©s Ă  l’hypertension portale

  • Ascite, c’est-Ă -dire accumulation de fluide dans la cavitĂ© pĂ©ritonĂ©ale, donnant lieu, lorsqu’elle atteint un volume de 1 500 mL, au signe typique de matitĂ© des flancs lors de la percussion abdominale.
  • Fetor hepaticus - odeur typique et nausĂ©abonde due Ă  des thiols (en particulier le dimĂ©thyl sulfide) dans l’haleine, Ă  la suite de leur passage dans les poumons via les communications entre le systĂšme porte et la circulation systĂ©mique. Ce signe, survenant tard dans l’évolution de la maladie, est gĂ©nĂ©ralement associĂ© Ă  l’encĂ©phalopathie hĂ©patique.
  • HĂ©patomĂ©galie (augmentation du volume du foie) survenant dans les stades prĂ©coces de la cirrhose ; dans les stades plus avancĂ©s, le remodelage cicatriciel du foie diminue son volume qui revient Ă  la « norme » voire devient « plus petit ». L’hĂ©patomĂ©galie est recherchĂ©e sur un(e) patient(e) allongĂ© sur le dos, abdomen relĂąchĂ© et jambes repliĂ©es ; en inspiration, le bord infĂ©rieur du foie peut apparaĂźtre Ă  la palpation comme une masse dure et rĂ©guliĂšre dans l’hypocondre droit voire dans l’épigastre. Son bord supĂ©rieur peut ĂȘtre repĂ©rĂ© par percussion de la cage thoracique (le bord supĂ©rieur du lobe droit du foie, identifiĂ© par le son mat que produit sa percussion, se trouve chez le sujet sain Ă  hauteur de la cinquiĂšme cĂŽte, en dedans d’une ligne descendant perpendiculairement depuis le milieu de la clavicule)[11].
  • Hypogonadisme se manifestant par l’impuissance sexuelle, l’infertilitĂ©, la perte de libido. Il a pour causes principales la suppression de l’axe hypothalamo-hypophysaire et la baisse des niveaux d’IGF-1 (qui se produisent concurremment Ă  la cirrhose mais indĂ©pendamment d’elle) mais les communications entre le systĂšme-porte et la circulation gĂ©nĂ©rale pourraient Ă©galement jouer un rĂŽle, vu qu’elles entraĂźnent dans les modĂšles animaux une atrophie testiculaire ainsi qu’une production accrue d’ƓstrogĂšnes[12].
  • Souffle de Cruveilhier-Baumgarten, Ă©ventuellement audible Ă  l’auscultation de la rĂ©gion Ă©pigastrique du fait des collatĂ©rales entre le systĂšme porte et les veines pĂ©ri-ombilicales.
  • SplĂ©nomĂ©galie (augmentation du volume de la rate dont le bord infĂ©rieur peut devenir palpable) causĂ©e par reflux du sang dans la pulpe rouge de la rate[11]. Elle entraĂźne Ă  son tour une sĂ©questration accrue des plaquettes avec thrombocytopĂ©nie et, Ă©ventuellement, des globules blancs avec leucopĂ©nie ainsi qu’une destruction des globules rouges avec anĂ©mie[13].
LiĂ©s Ă  une rĂ©duction de l’élimination hĂ©patique
Liés à une réduction de la synthÚse hépatique
  • HypoaldostĂ©ronisme hyporĂ©ninĂ©mique causĂ© par la diminution de production d’angiotensine II. En rĂ©sultent une diminution d’excrĂ©tion du potassium dans les urines avec hyperkaliĂ©mie, et une diminution de rĂ©cupĂ©ration du sodium dans les urines avec hyponatrĂ©mie, hypovolĂ©mie et hypotension artĂ©rielle.
  • Modifications des ongles avec blanchiment ou Ă©lĂ©vation de leur lit, leukonychia striata (stries de Muehrcke) ou disparition de la lunule (ongles de Terry), dues Ă  la diminution du taux d’albumine dans le sang. L’hypoalbuminĂ©mie a pour autre consĂ©quence une perte de la pression oncotique dans les vaisseaux avec extravasation importante de liquides menant Ă  des ƓdĂšmes des membres infĂ©rieurs prenant typiquement le godet (le doigt y marque et y laisse une empreinte), des Ă©panchements pleuraux (prĂ©sence de liquide dans la cavitĂ© pleurale)

  • Tendance aux blessures et saignements liĂ©e au dĂ©ficit de synthĂšse des facteurs de coagulation normalement produits par le foie.

Autres

  • Contractures de Dupuytren rĂ©sultant d’un Ă©paississement et raccourcissement du fascia palmaire avec dĂ©formations en flexion des doigts. ConsĂ©quence probable de la prolifĂ©ration des fibroblastes avec dĂ©position anarchique de collagĂšne, elle semble davantage associĂ©e Ă  la consommation excessive d’alcool qu’à la cirrhose proprement dite[14].

Signes biologiques

On constate une diminution du taux de prothrombine (par diminution de certains facteurs de coagulation, notamment le facteur V), une hypoalbuminemie, éventuellement une augmentation modérée des transaminases ainsi que des signes de cholestase (augmentation des phosphatases alcalines et des γ-GT, parfois de la bilirubine conjuguée).

Imagerie

Échographie montrant un parenchyme hĂ©patique hĂ©tĂ©rogĂšne et nodulaire.

Elle est peu spécifique et sert essentiellement à détecter certaines causes rares ou des complications (cancer du foie).

L'échographie abdominale montre un parenchyme hépatique hétérogÚne et nodulaire, contours bosselés, avec une hypertrophie du segment I ou lobe caudé, des signes d'hypertension portale avec augmentation de la taille de la rate (splénomégalie)


Scanner montrant une hépatomégalie sur un foie cirrhotique.

Le scanner et l'IRM sont meilleurs que l'Ă©chographie pour dĂ©tecter un cancer du foie[2]. L'IRM est Ă©galement fiable pour dĂ©tecter certaines causes, notamment l'hĂ©mochromatose, par la mesure de la concentration en fer des tissus[15]. La fibroscopie Ɠsogastrique peut retrouver des varices Ɠsophagiennes, signe d'hypertension portale.

Méthodes de biopsie hépatique

La biopsie est la méthode de référence pour le diagnostic de cirrhose. Elle n'est toutefois pas indispensable si la maladie est évidente ainsi que sa cause.

Elle peut ĂȘtre faite par voie trans-jugulaire : le cathĂ©ter est introduit dans la veine jugulaire interne au niveau du cou, descendue sous contrĂŽle d'une radioscopie dans la veine cave supĂ©rieure, puis l'oreillette droite du cƓur, la veine cave infĂ©rieure jusque dans les veines sus-hĂ©patiques.

La voie trans-pariĂ©tale (intercostale) est Ă©galement utilisĂ©e. Elle peut ĂȘtre Ă©galement faite au cours d'une intervention chirurgicale (biopsie laparoscopique).

Ces techniques présentent des difficultés et des avantages propres à chacune. La principale complication reste les saignements, survenant le plus souvent avant la vingt-quatriÚme heure et pouvant conduire exceptionnellement à un décÚs[16].

Les prĂ©lĂšvements subissent plusieurs colorations : Ă©osine-safran, trichrome de Masson, de Perls et le PAS. Une mesure du poids en fer et la recherche d'antigĂšnes viraux peuvent ĂȘtre faites.

Anatomopathologie

L'histologie de la cirrhose montre une fibrose en pont délimitant des nodules de régénération, fait de travées bicellulaires d'hépatocytes parfois dysplasiques.

Le foie peut ĂȘtre atrophiĂ© (diminuĂ© de volume) ou inversement hypertrophiĂ© (augmentĂ© de volume) en fonction de la prĂ©dominance de lĂ©sions de destructions ou de rĂ©gĂ©nĂ©rations.

D'autres lésions sont visibles, elles sont caractéristiques des mécanismes à l'origine de la cirrhose. Lors d'une cirrhose alcoolique, il existe une stéatose macrovésiculaire hépatique, des signes d'inflammation avec une infiltration de lymphocytes et de macrophages, la présence de corps de Mallory, une nécrose des cellules hépatiques, des mitochondries géantes, une hépatosidérose. La maladie de Wilson se caractérise par un dépÎts de cuivre dans les hépatocytes, l'hémochromatose par des dépÎts d'hémosidérine, la cirrhose biliaire primitive par une modification des travées des canaux biliaires.

Recherche de la cause

Un bilan à la recherche d'une cause est fait de maniÚre systématique :

Scores de gravité

On utilise les scores de Child et Child-Pugh pour permettre la classification en 3 groupes de gravité croissante selon le degré d'insuffisance hépato-cellulaire[17]. Le pronostic est fortement lié à la poursuite de l'intoxication.

Score de Child-Pugh

un point deux points trois points
TP (%) >50 40-50 <40
Albumine (g/l) >35 28-35 <28
Bilirubine (micromol/l) <35 35-50 >50
Ascite Absente Facile Ă  contrĂŽler SĂ©vĂšre
Encéphalopathie (classification de Trey) Absente Moyenne (I et II) SévÚre (III et IV)

Points attribués :

  • Classe A: 5 Ă  6
  • Classe B: 7 Ă  9
  • Classe C: 10 Ă  15.

Complications et répercussions

La cirrhose est une maladie grave qui diminue significativement la durée de vie[18].

Le stade de cirrhose est classiquement irrĂ©versible, mĂȘme si des cas exceptionnels de rĂ©gression ont pu ĂȘtre dĂ©crits[19].

Le risque de saignement est plus élevé (c'est le foie qui synthétise les facteurs de coagulation).

Il peut survenir une insuffisance hépatique, signant une évolution importante de la maladie : le taux de décÚs est alors proche de 85 % à 5 ans si le patient n'est pas transplanté[2].

Des hĂ©morragies digestives, surtout par rupture de varices Ɠsophagiennes, compliquent le cours de la maladie.

Le cancer du foie (hépatocarcinome) est une complication classique et grave et survient avec un taux de 2 à 7 % par an[2]. Il est particuliÚrement fréquent dans les cirrhoses post-hépatites virales.

Dans un cinquiÚme des cas, on observe un syndrome hépato-pulmonaire avec une baisse d'oxygénation du sang (hypoxémie) en raison d'ouvertures de mini-shunt dans la circulation pulmonaire par hypersensibilité des récepteurs à l'endothéline[20].

Causes

Cirrhose alcoolique

La cirrhose associĂ©e Ă  l’alcoolisme est typiquement qualifiĂ©e de « micronodulaire » car les nodules font moins de trois millimĂštres. Ces nodules peuvent fusionner lors de pĂ©riodes d’abstinence et rĂ©sulter en une cirrhose mixte, comprenant des macro- et des micronodules. L'alcoolisme est la premiĂšre cause en frĂ©quence en France, particuliĂšrement pour les hommes (la situation est diffĂ©rente pour des pays comme les États-Unis oĂč les cirrhoses alcooliques sont minoritaires pour les malades des deux sexes). La quantitĂ© et la durĂ©e de l'intoxication par l'alcool dĂ©terminent la survenue de la cirrhose. Il existe des variations de susceptibilitĂ© individuelle face Ă  la consommation d'alcool, cette quantitĂ© moyenne Ă©tant seulement indicative.

Autres causes

Les autres causes sont les hépatites virales surtout B et C, dans leur forme chronique.

La cholestase extra hépatique prolongée peut entraßner une véritable cirrhose dite cirrhose biliaire secondaire.

L'insuffisance cardiaque prolongée entraßnant un foie cardiaque peut également se compliquer, mais rarement, de cirrhose cardiaque.

Le syndrome métabolique[21].

Parmi les causes rares, on peut citer :

ÉpidĂ©miologie

En 2015 en France, la consommation d'alcool reprĂ©sente 88 % des cas de cirrhose nĂ©cessitant une hospitalisation et tue 8 000 personnes par an[22].

Traitement

Le pronostic Ă©tant sombre lorsque les premiers signes surviennent, il est important de prendre en charge le cirrhotique le plus tĂŽt possible.

Traitement de la cause

L'arrĂȘt total de l'alcool est indispensable, mais le risque de mort reste prĂ©sent.

Lors d'une cirrhose post-hépatite C, un traitement par interféron permet de freiner l'évolution[23].

En cas d'hépatite B, la lamivudine est également efficace[24].

Autres traitements

Le traitement est symptomatique : diurĂ©tiques, ponctions d'ascite, prĂ©vention de la rupture de varices Ɠsophagiennes par des bĂȘta-bloquants non cardiosĂ©lectifs[25], qui permet Ă©galement de diminuer le risque de survenue d'une ascite[26], ou ligatures endoscopiques selon les cas (il n'y a pas de bĂ©nĂ©fice prouvĂ© d'associer les deux).

Une greffe de foie peut ĂȘtre envisagĂ©e dans des indications sĂ©lectionnĂ©es et en l'absence de contre-indication.

Le dĂ©pistage du cancer du foie (carcinome hĂ©patocellulaire) par Ă©chographie et dosage de l'alpha-fƓtoprotĂ©ine doit ĂȘtre systĂ©matique.

Il faut ĂȘtre prudent dans l'administration de mĂ©dicaments, un grand nombre Ă©tant mĂ©tabolisĂ©s par le foie, avec un risque de surdosage si ce dernier est malade.

Recherche

Des agents anti-fibrosants, susceptibles de faire régresser la cirrhose, seraient à l'étude, comme le zinc, la vitamine E associé à la pentoxifylline.

Notes et références

  1. Informations lexicographiques et étymologiques de « cirrhose » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. (en) Schuppan D, Afdhal NH, « Liver cirrhosis » Lancet 2008;371:838-851. PMID 18328931
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Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • TraitĂ© de mĂ©decine, dirigĂ© par Jean Hamburger, Flammarion, (ISBN 2-257-10286-X)
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  • Jean-Charles Sournia, Histoire de l’alcoolisme, Paris : Flammarion, 1986, 324 p.
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