Mitochondrie
Une mitochondrie est un organite, possĂ©dant toutes les caractĂ©ristiques d'un organisme procaryote, entourĂ©e d'une double membrane composĂ©e chacune d'une double couche phospholipidique, et retrouvĂ©e chez la plupart des cellules eucaryotes[1] (absente dans les Ă©rythrocytes matures et chez certains parasites). Leur diamĂštre varie gĂ©nĂ©ralement entre 0,75 et 3 ”m tandis que leur forme gĂ©nĂ©rale et leur structure sont extrĂȘmement variables[2]. On en retrouve jusqu'Ă 2 000 par cellule, et elles sont localisĂ©es prĂ©fĂ©rentiellement au niveau des zones cellulaires consommatrices d'adĂ©nosine triphosphate (ATP). Elles permettent la production d'ATP, de divers cofacteurs mĂ©taboliques (NADH, FADH2) et sont impliquĂ©es dans diffĂ©rents processus tels que la communication, la diffĂ©renciation, l'apoptose et la rĂ©gulation du cycle cellulaire[3]. Les mitochondries sont aussi liĂ©es Ă certaines maladies humaines telles que des retards mentaux[4], des problĂšmes cardiaques[5] et jouent un rĂŽle important dans le processus de vieillissement.
Les mitochondries sont invisibles en microscopie optique lorsqu'elles ne sont pas teintées par des colorants biologiques (rhodamine 123 et vert Janus B). Leur étude détaillée fait appel au microscope électronique qui possÚde une bien meilleure résolution.
La théorie endosymbiotique explique[6] la présence de mitochondries dans les cellules eucaryotes par l'incorporation ou endocytose d'une α-protéobactérie dans une cellule hÎte, il y a plusieurs milliards d'années. L'ADN des mitochondries est ainsi différent de celui du noyau, et transmis généralement par la mÚre.
Ătymologie
Le terme mitochondrie provient du grec ancien ÎŒÎŻÏÎżÏ (mitos) qui veut dire « fil » et ÏÏΜΎÏÎżÏ (chondros) qui signifie « granule ».
Fonction
Les mitochondries sont souvent dĂ©crites comme les « centrales Ă©nergĂ©tiques » des cellules, dans la mesure oĂč elles contribuent Ă l'essentiel de la production d'ATP cellulaire Ă travers la ÎČ-oxydation, le cycle de Krebs et la chaĂźne respiratoire dans le cadre de la phosphorylation oxydative, l'ATP Ă©tant la molĂ©cule Ă©nergĂ©tique ubiquitaire utilisĂ©e dans un trĂšs grand nombre de rĂ©actions chimiques du mĂ©tabolisme, et notamment de l'anabolisme (biosynthĂšses). Outre leur rĂŽle dans le mĂ©tabolisme Ă©nergĂ©tique cellulaire, les mitochondries interviennent Ă©galement dans la signalisation, la diffĂ©renciation et la mort des cellules, ainsi que dans le contrĂŽle du cycle cellulaire et de la croissance de la cellule[7]. Ces processus influencent en retour la biogenĂšse des mitochondries[8] - [9]. Elles ont par ailleurs Ă©tĂ© associĂ©es Ă plusieurs maladies humaines, comme des maladies mitochondriales[10] et diverses cardiopathies[5] - [11].
Plusieurs propriétés des mitochondries en font des organites particuliers. Leur nombre par cellule varie considérablement par espÚce, par tissu et par type cellulaire (l'ensemble des mitochondries est appelé le chondriome). Ainsi, les globules rouges du sang (hématies) sont totalement dépourvus de mitochondries. Les plaquettes en contiennent trÚs peu, tandis que les cellules du foie et les cellules musculaires peuvent en contenir plus de 2 000. Cet organite est composé de plusieurs compartiments spécialisés dans plusieurs fonctions physiologiques : la membrane mitochondriale externe, l'espace intermembranaire mitochondrial, la membrane mitochondriale interne, et la matrice mitochondriale. Les protéines mitochondriales dépendent des espÚces et des tissus considérés. Chez l'homme, les mitochondries cardiaques contiennent au moins 615 types de protéines différents[12], tandis qu'on en a identifié 940 chez le rat[13] ; le protéome mitochondrial est régulé de façon vraisemblablement dynamique[14].
Enfin, les mitochondries possÚdent leur propre génome, dit génome mitochondrial, dont l'ADN présente de nombreuses analogies avec le génome des bactéries[15].
Structure
1 : membrane interne,
2 : membrane externe,
3 : espace intermembranaire,
4 : matrice.
On rencontre environ 300 Ă 2 000 mitochondries par cellule[16]. Les mitochondries y ont un diamĂštre de 0,75 Ă 3 ÎŒm et une longueur pouvant atteindre 10 ”m. Elles se composent de deux membranes, une membrane mitochondriale externe et une membrane mitochondriale interne, qui dĂ©limitent trois milieux : le milieu extra-mitochondrial (cytoplasme de la cellule), l'espace intermembranaire mitochondrial, et la matrice mitochondriale.
Membrane externe
La membrane mitochondriale externe contient l'ensemble de l'organite et a une épaisseur d'environ 6 à 7,5 nm. Son rapport massique protéines/phospholipides est semblable à celui des membranes plasmiques des cellules d'eucaryotes, généralement voisin de 1:1.
Elle contient un grand nombre de protĂ©ines membranaires intĂ©grales appelĂ©es porines et formant des canaux aqueux permettant aux molĂ©cules hydrophiles de moins de 5 kDa de diffuser librement Ă travers la bicouche lipidique[17] : anions, cations, acides gras, nuclĂ©otides. La membrane est cependant impermĂ©able aux ions Hâș.
Des protéines, plus massives, peuvent pénétrer dans la mitochondrie lorsqu'une séquence signal est attachée à leur extrémité N-terminale, permettant à ces protéines de se lier à une translocase de la membrane externe, laquelle assure leur transport actif à travers cette membrane[18].
La membrane externe contient également des enzymes impliquées dans des activités aussi diverses que la biosynthÚse des acides gras (entrant notamment dans la constitution de la plupart des lipides), l'oxydation de l'adrénaline (une hormone et un neurotransmetteur) et la dégradation du tryptophane (un acide aminé protéinogÚne). Il s'agit notamment de la monoamine oxydase, de la NADH-cytochrome c réductase insensible à la roténone, de la kynurénine 7,8-hydroxylase et de l'acyl-CoA synthétase.
La rupture de la membrane externe permet aux protéines de l'espace intermembranaire mitochondrial de se répandre dans le cytosol, conduisant à la mort cellulaire[19]. Il s'agit notamment du cytochrome C.
La membrane mitochondriale externe peut s'associer à la membrane du réticulum endoplasmique en une structure désignée par l'abréviation MAM (mitochondria-associated ER-membrane). Cette structure joue un rÎle important dans certaines voies de signalisation cellulaire du calcium et intervient dans le transfert de lipides entre le réticulum endoplasmique et les mitochondries[20].
Espace intermembranaire
L'espace intermembranaire mitochondrial, parfois appelĂ© espace pĂ©rimitochondrial, est dĂ©limitĂ© par les membranes mitochondriales externes et internes. Dans la mesure oĂč la membrane externe est permĂ©able aux petites molĂ©cules, la concentration d'espĂšces chimiques telles que les oses et certains ions est essentiellement la mĂȘme dans l'espace intermembranaire que dans le cytosol.
Du fait de l'impermĂ©abilitĂ© de la membrane externe aux ions Hâș, l'espace inter-membranaire est saturĂ© de protons provenant des processus mĂ©taboliques ayant lieu dans la matrice. Des procaspases et des cytochromes c[19], impliquĂ©s dans l'apoptose, sont prĂ©sents en quantitĂ© notable dans l'espace inter-membranaire.
Les protĂ©ines qui portent une sĂ©quence spĂ©cifique de signalisation peuvent ĂȘtre transportĂ©es Ă travers la membrane externe, de sorte que la composition en protĂ©ines diffĂšre dans l'espace intermembranaire par rapport Ă celle du cytosol.
Morphologie et composition
La membrane mitochondriale interne est structurĂ©e en crĂȘtes caractĂ©ristiques de la mitochondrie, invaginations lamellaires et tubulaires dirigĂ©es vers l'intĂ©rieur de la matrice et observables en microscopie Ă©lectronique ou en microscopie par hybridation in situ en fluorescence[21].
Elles abritent les enzymes de la chaßne respiratoire, l'ATP synthase, des perméases, et les chaßnes du transport des électrons[22].
La morphologie des crĂȘtes est sensiblement dĂ©pendante de la prĂ©sence d'ATP synthase, laquelle assure l'approvisionnement en ATP de la cellule ; le nombre et la forme des crĂȘtes varie selon l'activitĂ© de la mitochondrie (besoins Ă©nergĂ©tiques importants, oxydation des acides gras)[23] - [24].
Elle est constituĂ©e de 3/4 de protĂ©ines et 1/4 de lipides. Sa surface est jusqu'Ă 3 fois plus grande que celle de la membrane externe, du fait des crĂȘtes. La membrane interne contient plus de 151 polypeptides diffĂ©rents, elle hĂ©berge environ 1â8 de toutes les protĂ©ines de la mitochondrie. De ce fait, la concentration en lipides est moindre que celle de la bicouche externe et sa permĂ©abilitĂ© est moindre[25] - [26].
La membrane interne possÚde notamment un phospholipide double, la cardiolipine[27], substituée par quatre acides gras. La cardiolipine est généralement caractéristique des membranes mitochondriales et des membranes plasmiques bactériennes. Dans le corps humain, elle est présente majoritairement dans les régions à haute activité métabolique ou à haute activité énergétique, comme les cardiomyocytes contractiles, dans le myocarde[28] - [21].
D'une bicouche de composition différente, majoritairement protéique, les molécules, les ions et les complexes protéiques passent majoritairement au travers de transporteurs membranaires. Ainsi, des protéines sont transportées par les complexes translocase de la membrane interne (en) (TIM) ou par la protéine Oxa1[18] - [29].
Fonction et métabolisme
Au contraire de la membrane externe, elle ne contient pas de porines, mais des perméases, assurant le co-transport des ions H+ et des molécules.
Ainsi, des protéines sont transportées par les complexes translocase de la membrane interne (en) (TIM) ou par la protéine Oxa1[18]. Ainsi, le complexe TIM 23 permet l'entrée de protéines situées dans l'espace intra-membranaire dans la membrane interne et dans la matrice mitochondriale. Le complexe TIM 22 permet l'insertion des protéines dans la membrane interne et notamment des protéines à plusieurs domaines transmembranaires. Les protéines Oxa permettent la sortie de la matrice pour certaines protéines d'origine mitochondriale.
Les protéines de la membrane mitochondriale interne assurent de nombreuses fonctions physiologiques :
- L'antiport ANT (Adenine Nucleotide Translocase), il fait passer l'ATP de la matrice vers l'espace inter-membranaire et l'ADP de l'espace inter-membranaire vers la matrice ;
- Le transporteur pyruvate-protons. Ces deux Ă©lĂ©ments diffusent dans le mĂȘme sens, il s'agit donc d'un symport ;
- Le symport phosphate-protons ;
- Le symport acide gras-protons ;
- La Fo-F1 ATPase faisant passer les protons de l'espace inter-membranaire Ă la matrice. Ce passage permet la production d'ATP ;
- Le transporteur UCP-1 venant s'ajouter en complĂ©ment de la Fo-F1 dans les cellules de la graisse brune. UCP-1 amĂšne les protons de l'espace inter-membranaire Ă la matrice tout comme la Fo-F1. Cependant le passage de protons produira de la chaleur au lieu d'ATP. En effet, l'adipocyte brun produit de la chaleur, il est surtout prĂ©sent chez les animaux qui hibernent. Le nouveau-nĂ© humain en possĂšde Ă©galement, il perdra ces cellules avec la croissance. Finalement, Ă lâage adulte, il ne restera que quelques adipocytes bruns au niveau cervical ;
- réactions d'oxydoréduction de la phosphorylation oxydative ;
- production d'ATP Ă partir d'ADP par l'ATP synthase ;
- transporteurs membranaires assurant et régulant la circulation des métabolites de et vers la matrice mitochondriale ;
- systÚme d'importation des protéines ;
- dynamique mitochondriale : fusion (en) et fission des mitochondries (en), l'équilibre entre ces deux processus étant probablement un déterminant majeur du nombre de mitochondries, de leur longueur et de l'importance de leurs interconnexions[30].
Matrice
La matrice mitochondriale est l'espace inclus dans la membrane mitochondriale interne. Elle renferme environ les deux tiers du total des protéines de la mitochondrie. Elle joue un rÎle déterminant dans la production d'ATP avec l'aide de l'ATP synthase incluse dans la membrane interne. Elle contient un mélange trÚs concentré de centaines d'enzymes différentes (principalement impliquées dans la dégradation des acides gras et du pyruvate), de ribosomes spécifiques aux mitochondries, d'ARN de transfert et plusieurs copies de l'ADN du génome mitochondrial.
Les mitochondries possÚdent leur propre génome ainsi que l'équipement enzymatique nécessaire pour réaliser leur propre biosynthÚse des protéines. La séquence du génome mitochondrial humain se compose de 16 569 paires de bases encodant 37 gÚnes[31] : 22 ARN de transfert, 2 ARN ribosomique et 13 polypeptides. Les 13 peptides mitochondriaux humains sont intégrées à la membrane mitochondriale interne avec des protéines encodées par des gÚnes situés dans le noyau de la cellule.
Origine
1. Nucléole ;
2. Noyau ;
3. Ribosomes ;
4. VĂ©sicule ;
5. RĂ©ticulum endoplasmique rugueux (ou granuleux) (REG) ;
6. Appareil de Golgi ;
7. Cytosquelette ;
8. RĂ©ticulum endoplasmique lisse ;
9. Mitochondries ;
10. Vacuole ;
11. Cytosol ;
12. Lysosome ;
13. Centrosome (constitué de deux centrioles) ;
14. Membrane plasmique.
Une étude suggÚre qu'une symbiose entre Asgardarchaeota, hétérotrophes et rejetant de l'hydrogÚne ainsi que d'autres composés réduits, et α-protéobactéries spécialisées dans le métabolisme de l'hydrogÚne aurait précédée l'endosymbiose[33].
GĂ©nome mitochondrial
Selon la thĂ©orie endosymbiotique, les mitochondries possĂšderaient une origine monophylĂ©tique unique. Une cellule de procaryote primitive aurait intĂ©grĂ© un endosymbiote il y a environ 1,5 Ă 2 milliards dâannĂ©es, lorsque lâatmosphĂšre primitive sâest enrichie en oxygĂšne[34] - [35]. Les Ă©tudes phylogĂ©nĂ©tiques indiquent que cet endosymbiote est apparentĂ© aux alphaprotĂ©obactĂ©ries, le plus proche parent de la mitochondrie connu actuellement Ă©tant Rickettsia prowazekii, un parasite intracellulaire obligatoire[34] (c'est-Ă -dire une bactĂ©rie ne pouvant survivre, se dĂ©velopper et se reproduire qu'Ă l'intĂ©rieur des cellules de son hĂŽte, en utilisant les ressources de ces derniĂšres). Au cours de lâĂ©volution, la majoritĂ© des gĂšnes de lâendosymbiote originel auraient Ă©tĂ© perdus ou bien transfĂ©rĂ©s vers le noyau de la cellule d'eucaryote hĂŽte[35] - [36]. En effet, les nombreux pseudogĂšnes mitochondriaux prĂ©sents dans le gĂ©nome attestent dâun processus de transfert tout au long de lâĂ©volution[37] - [38].
Le matériel génétique (ADN mitochondrial) de la mitochondrie (qui est la seule partie des cellules animales à posséder son propre ADN, en plus du noyau) est souvent utilisé dans les recherches phylogénétiques. Le génome mitochondrial (ADNmt) humain est circulaire, ne possÚde pas d'introns, et est composé de 16 569 paires de bases (génome de petite taille), dont 13 cistrons codant des ARN messagers, 22 gÚnes codant des ARN de transfert, et 2 gÚnes codant des ARN ribosomiques.
Le gĂ©nome mitochondrial peut ĂȘtre trĂšs diffĂ©rent d'une espĂšce Ă l'autre, il est extrĂȘmement dynamique, et est souvent hĂ©tĂ©roplasmique, c'est-Ă -dire que diffĂ©rentes formes coexistent au sein de la mĂȘme cellule. Il peut ĂȘtre trouvĂ© sous forme circulaire ou linĂ©aire, double ou simple brin. Ce gĂ©nome prĂ©sente 5 Ă 10 copies dans la mitochondrie. Ces diffĂ©rentes formes sont, entre autres, les produits de la rĂ©plication du gĂ©nome mitochondrial par un mĂ©canisme de cercle roulant, mais aussi d'un mĂ©canisme de rĂ©plication recombinaison-dĂ©pendant, similaire Ă la rĂ©plication du phage T4. Les gĂ©nomes mitochondriaux sont habituellement reprĂ©sentĂ©s sous forme circulaire, le « cercle maĂźtre » qui correspond Ă la molĂ©cule dĂ©crivant le mieux le gĂ©nome.
Les ribosomes mitochondriaux ou mitoribosomes sont différents des ribosomes de la cellule : ils sont plus petits (70S au lieu de 80S).
Le code gĂ©nĂ©tique employĂ© pour la synthĂšse des protĂ©ines peut ĂȘtre diffĂ©rent de celui utilisĂ© dans les synthĂšses cytosoliques. Chez les vĂ©rtĂ©brĂ©s 4 codons sur 64 ont une signification diffĂ©rente, dont le codon UGA qui est transcrit dans le cytosol en codon stop mais dans la matrice UGA est transcrit en tryptophane (Trp/W), AGG et AGA codent un codon STOP au lieu d'une arginine (Arg/R) et AUA code la mĂ©thionine (Met/M) au lieu de l'isoleucine (Ile/I). L'ADN mitochondrial peut aussi se rĂ©pliquer.
Chez les animaux, lors de la reproduction sexuĂ©e, les mitochondries du spermatozoĂŻde pourraient passer dans l'ovocyte, mais le nombre de mitochondries ainsi transfĂ©rĂ©es reste trĂšs faible en comparaison de celles dĂ©jĂ prĂ©sentes dans l'ovocyte. Les mitochondries du spermatozoĂŻde restent localisĂ©es sur le flagelle qui sera dĂ©truit par autophagie lorsque le spermatozoĂŻde sera dans l'ovocyte. Autrement dit, la quasi-totalitĂ© des mitochondries de la cellule-Ćuf provient du gamĂšte femelle. L'Ă©tude de l'ADN mitochondrial humain permet donc de retracer les relations gĂ©nĂ©alogiques entre les individus seulement selon la voie maternelle. Certaines Ă©tudes ont ainsi pu dĂ©crire un gĂ©nome mitochondrial ancestral duquel descendraient tous les gĂ©nomes mitochondriaux de l'humanitĂ©. L'individu femelle supposĂ© qui portait ce gĂ©nome a Ă©tĂ© dĂ©nommĂ© Ăve mitochondriale. Ce terme biblique reste toutefois trompeur, il est en effet trĂšs peu probable que l'humanitĂ© ait un unique ancĂȘtre fĂ©minin et de rĂ©centes Ă©tudes, prouvant le transfert de mitochondries provenant des spermatozoĂŻdes lors de la fĂ©condation, remettent en cause cette thĂ©orie[39] - [40].
Le code gĂ©nĂ©tique de la mitochondrie est diffĂ©rent de celui du noyau. En effet, le codon AUA code une isoleucine dans le noyau et une mĂ©thionine dans la mitochondrie. Le codon UGA est un codon stop (qui arrĂȘte la traduction) mais code du tryptophane dans la mitochondrie.
Chez les plantes vertes, l'ADN mitochondrial est bien plus grand et de taille trĂšs variable, il code une soixantaine de protĂ©ines connues, mĂȘme si, chez les plantes comme chez les animaux, la vaste majoritĂ© des protĂ©ines mitochondriales est codĂ©e dans le gĂ©nome nuclĂ©aire. Le gĂ©nome mitochondrial ainsi que le gĂ©nome chloroplastique contiennent des introns de type II (group-II introns). Les introns de type-II possĂšdent une origine Ă©volutive commune[41] avec le splicĂ©osome. Ces introns de type-II possĂšdent une sĂ©quence qui a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© au cours de lâĂ©volution et beaucoup ont perdu la facultĂ© de s'auto-Ă©pisser de maniĂšre indĂ©pendante. Ils ont besoin de facteurs codĂ©s dans le noyau pour ĂȘtre Ă©pissĂ©s et parfois Ă©galement de facteurs codĂ©s Ă lâintĂ©rieur de ces organites (appelĂ©s les maturases).
Protéome mitochondrial
Le protĂ©ome mitochondrial est l'ensemble des protĂ©ines prĂ©sentes dans les mitochondries d'une cellule eucaryote Ă un moment donnĂ©. Le protĂ©ome est un ensemble dynamique dĂ©fini dans le temps (moment considĂ©rĂ© : stade de dĂ©veloppement, matin ou soir) et dans l'espace (Ă©chantillon considĂ©rĂ© : cellule, tissu, organisme). Pour dĂ©crire l'ensemble des protĂ©ines pouvant ĂȘtre prĂ©sentes dans une mitochondrie Ă un moment quelconque de la vie de l'organisme, on utilisera le terme de protĂ©ome total.
Le protéome mitochondrial est composé de protéines produites dans les mitochondries et codées dans le génome mitochondrial, et de protéines produites dans le cytoplasme et codées dans le génome nucléaire. La plupart des complexes enzymatiques (exemple : ATP-synthase) sont formés par la juxtaposition de polypeptides synthétisés dans la mitochondrie et dans le cytosol (le fluide interne de la cellule).
Bien que les mitochondries soient les descendantes de bactĂ©ries, les protĂ©ines de leur protĂ©ome ne sont pas toutes d'origine bactĂ©rienne. Ainsi, chez la levure 50 Ă 60 % des protĂ©ines mitochondriales ont des homologues chez les procaryotes alors que 40 Ă 50 % nâen ont pas[35].
Il est intéressant de noter que c'est grùce à des associations des protéines de kinésine et de dynéine à des microtubules que la mitochondrie est capable de mouvement.
Protéines mitochondriales codées par le génome mitochondrial
Suivant les organismes 1 à 10 % des protéines mitochondriales sont directement synthétisées dans la matrice par les mitoribosomes, à partir de l'ADN mitochondrial.
Protéines mitochondriales codées par le génome nucléaire
Les protĂ©ines mitochondriales possĂ©dant un homologue procaryote rĂ©sultent probablement du transfert des gĂšnes de lâendosymbiote vers le nuclĂ©aire tandis que les protĂ©ines non homologues Ă des protĂ©ines procaryotes rĂ©sultent dâun phĂ©nomĂšne « dâenrichissement » du protĂ©ome mitochondrial par de nouvelles protĂ©ines et donc de nouvelles fonctions[34].
Les protéines mitochondriales codées par le génome nucléaire (ou protéines mitochondriales nucléaires) sont importées à l'intérieur de la matrice mitochondriale par différents mécanismes possibles :
- des complexes d'importation (3 sur la membrane interne, 2 sur la membrane externe) ; TOM (Transporter Outer Membrane) est le complexe d'importation situé sur la membrane externe et TIM (Transporter Inner Membrane) est le complexe d'importation situé sur la membrane interne ;
- un peptide signal (environ 15 à 30 acides aminés) de la protéine qui permet sa reconnaissance et son importation dans la mitochondrie[42] - [43] ; il existe des signal-peptidase qui clivent certains peptides signaux, particuliÚrement ceux situés sur le cÎté N-terminal ;
- grùce à un apport énergétique.
La différence de potentiel de part et d'autre de la membrane peut provoquer le passage des protéines dans la matrice.
Chez l'homme
La taille du protĂ©ome mitochondrial humain est estimĂ©e Ă plus dâun millier de protĂ©ines, dont environ 1 % codĂ©es par le gĂ©nome mitochondrial (13 protĂ©ines)[44], dont actuellement la moitiĂ© est identifiĂ©e[45] - [46]. Seules 13 protĂ©ines sont codĂ©es par lâADN mitochondrial, vestige du gĂ©nome de lâendosymbionte. Toutes les autres protĂ©ines sont codĂ©es par le gĂ©nome nuclĂ©aire.
Fonctionnement
Elle est considérée comme la « centrale énergétique » de la cellule, car c'est là que se déroulent les derniÚres étapes du cycle respiratoire qui convertit l'énergie des molécules organiques issues de la digestion (glucose) en énergie directement utilisable par la cellule (l'ATP). En cas d'absence d'oxygÚne la cellule utilise la fermentation dans le cytoplasme pour produire l'énergie nécessaire à son fonctionnement, mais c'est un systÚme bien moins efficace, qui dégrade le substrat de façon incomplÚte. L'augmentation de la concentration en ions H+ dans les cellules musculaires est une des raisons de la fatigue aprÚs une activité intense. En effet, ces ions H+ changent le pH intracellulaire et modifient de fait les conditions de fonctionnement enzymatiques de la cellule qui ne peut plus travailler correctement.
C'est dans la mitochondrie que se déroulent les deux derniÚres phases de la respiration cellulaire : le cycle de Krebs (dans la matrice) et la chaßne de transport d'électrons (au niveau de la membrane interne). En effet, la production d'ATP comporte 3 principales étapes :
- La glycolyse est la premiÚre étape. Elle se déroule dans le cytoplasme cellulaire.
- La deuxiÚme étape est la production d'Acétyl-CoA dans la mitochondrie.
- La troisiĂšme et derniĂšre Ă©tape est la phosphorylation oxydative.
Au cours de ces 3 Ă©tapes, via le cycle de Krebs (donc en condition d'aĂ©robiose), la mitochondrie permet, Ă partir d'une molĂ©cule de glucose, la production thĂ©orique de 36 ou 38 molĂ©cules d'ATP (cela dĂ©pend de la navette utilisĂ©e pour transporter le NAD de la glycolyse) â en pratique, le rendement est un peu moins Ă©levĂ©, voisin d'une trentaine de molĂ©cules d'ATP par molĂ©cule de glucose oxydĂ©e, certaines Ă©tudes donnant la valeur de 29,85 ATP/glucose[47].
L'AcĂ©tyl-CoA peut aussi ĂȘtre obtenues par transformation de l'acĂ©toacĂ©tyl-CoA issu de la transformation de corps cĂ©toniques produits par le foie Ă partir d'acides gras (jeĂ»ne, rĂ©gime cĂ©tonique). Dans le cas du cerveau, cette filiĂšre d'apport Ă©nergĂ©tique prĂ©sente l'avantage de passer la barriĂšre hĂ©mato-encĂ©phalique sans adjuvant (insuline ou protĂ©ines spĂ©cifiques) pouvant la modifier Ă terme et pourrait Ă©viter des mĂ©canismes d'inflammations consĂ©cutifs Ă la mauvaise qualitĂ© de l'alimentation [48]. De plus, l'apport en Ă©nergie est plus rapide et plus efficace (meilleur disponibilitĂ©, pas de glycolyse)[49].
Les mitochondries participent Ă l'apoptose (mort cellulaire) avec le cytochrome c. De plus, elles ont aussi une fonction de concentration et de stockage des ions calcium, sodium et potassium oĂč ils sont stockĂ©s sous forme de granules opaques. On trouve Ă©galement de l'or, du fer et de l'osmium.
Température
Les rĂ©sultats d'une Ă©tude de chercheurs de l'INSERM publiĂ©e en 2018[50] - [51] suggĂšrent que les mitochondries peuvent approcher une tempĂ©rature de 50 °C[52], soit au moins 10° de plus que la tempĂ©rature de l'organisme, ce qui pourrait ouvrir des pistes prometteuses pour lutter contre certaines maladies[53]. Cependant, les hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©s de tempĂ©rature Ă l'intĂ©rieur de la cellule sont habituellement considĂ©rĂ©es comme impossibles, de prĂ©cĂ©dentes Ă©tudes ayant suggĂ©rĂ© un Ă©cart de tempĂ©rature entre la cellule et les mitochondries dâĂ peine un milliĂšme de degrĂ©[54]. Une lecture critique de l'Ă©tude de l'INSERM suggĂšre que l'existence d'une diffĂ©rence de tempĂ©rature de 10 °C Ă travers quelques microns entrainerait une consommation d'Ă©nergie dĂ©raisonnable pour la cellule[55]. Enfin, ces rĂ©sultats controversĂ©s pourraient ĂȘtre dus Ă une mauvaise interprĂ©tation de la sonde molĂ©culaire fluorescente dont le degrĂ© de fluorescence dĂ©pend de la tempĂ©rature mais aussi d'un mouvement[56].
Poisons mitochondriaux
Cibles des poisons | Poisons |
---|---|
Complexe I | roténone, barbituriques, dérivés mercuriels |
Complexe II | malonate (acide malonique), SDHI (pesticide) |
Complexe III | antimycine, strobilurine (pesticide) |
Complexe IV | monoxyde d'azote, cyanure, monoxyde de carbone |
Complexe V (F0/F1ATPase) | oligomycine, aurovertine |
Ăchangeur ATP/ADP | atractyloside, acide bongkrĂ©kique (en) |
Perméabilité de la membrane interne | dinitrophénol, valinomycine |
Dans l'agriculture, la mitochondrie est la cible prĂ©fĂ©rĂ©e des pesticides, la rotĂ©none tout d'abord, utilisĂ©e puis interdite car elle est reliĂ©e Ă la maladie de Parkinson. Actuellement ce sont les SDHI, des inhibiteurs de la succinate dĂ©shydrogĂ©nase qui sont trĂšs utilisĂ©s dans le but d'Ă©liminer les moisissures. Certains poisons ont pour rĂŽle non pas d'empĂȘcher les diffĂ©rents complexes de fonctionner, c'est-Ă -dire que les transferts d'Ă©lectron de la chaĂźne respiratoire sont effectuĂ©s mais ces protĂ©ines, les dĂ©couplants ou UCP vont court-circuiter le complexe V (ATP synthase) en crĂ©ant un canal Ă travers la membrane interne. Ce pore permet aux protons de passer de l'espace intermembranaire vers la matrice dans le sens de leur gradient, ce qui se traduit par un dĂ©gagement de chaleur mais aucune production d'ATP. On peut citer ici l'exemple du dinitrophĂ©nol.
Maladies mitochondriales
Les mitochondries, dĂšs le stade fĆtal ont rĂŽle essentiel (notamment pour le mĂ©tabolisme intermĂ©diaire, le dĂ©veloppement neurologique pĂ©rinatal, l'immunitĂ©, la bioĂ©nergĂ©tique, le mĂ©tabolisme des neurotransmetteurs). Tout dysfonctionnement mitochondrial (DM) peut donc avoir des effets dĂ©lĂ©tĂšres pouvant notamment induire des maladies neurologiques (ou y contribuer) ou pouvant aggraver les consĂ©quences et la morbiditĂ© d'autres anomalies (autisme ou schizophrĂ©nie par exemple)[57].
En outre, au cours de la vie, lâaccumulation de dommages mitochondriaux contribue au vieillissement et aux maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives[57].
- myopathies ;
- maladies neurodégénératives ;
- ataxie de Friedreich : maladie touchant la frataxine (Protéine mitochondriale contribuant à l'imperméabilité des membranes au fer) ;
- neuropathie optique de Leber ;
- atrophie optique type I (maladie de Kjer) ;
- hypotonie musculaire ;
- leucodystrophie ;
- microcéphalie ;
- paraplégie spastique ;
- Leucoencéphalophatie
- Ataxie
- MERRF, MELAS, Kearns-Sayre ;
- Encéphalophatie, Leigh ;
- hypothyroĂŻdie ;
- insuffisance hépatocellulaire, Alpers ;
- neuropathie périphérique ;
- retard de croissance ;
- diabÚte, insuffisance pancréatique ;
- cardiomyopathie hypertrophique ;
- stéatose hépatique ;
- paragangliomes ;
- surdité neurosensorielle ;
- déficit en hormone de croissance ;
- anémie sidéroblastique, syndrome de Pearson ;
- trichothiodystrophie[58].
- Maladie de charcot-Marie tooth
- Chondrosarcome
- Cancer colorectal
- Glioblastome
- Phéochromocytomes
- Cancers du rein
- Syndrome de Cowden
- Leucémie myéloide sévére[59]
- Autisme ? (ou forme plus "sévÚre" de l'autisme dans certains cas d'anomalie de l'ADN mitochondrial)[57]
- Schizophrénie ? (ou forme plus "sévÚre" de schizophrénie dans certains cas d'anomalie de l'ADN mitochondrial)[57].
Historique
En 1857, Kölliker dĂ©crit les aspects de la mitochondrie dans le muscle. En 1890, Altmann dĂ©crit une technique de coloration des mitochondries qu'il appelle bioblastes et postule leur autonomie mĂ©tabolique et gĂ©nĂ©tique. Mais câest le microbiologiste et endocrinologue Carl Benda qui, reprenant ces observations sur des prĂ©parations colorĂ©es au cristal violet, propose en 1898 dâappeler ces structures mitochondria.
En 1937, un scientifique allemand, Hans Adolf Krebs, Ă©labore un modĂšle de voie mĂ©tabolique connu sous le nom de cycle de Krebs qui se dĂ©roule, chez les eucaryotes, dans les mitochondries. En 1940-1943, Claude isole les mitochondries dans des cellules du foie. En 1948-1950, Kennedy et Lehninger (en) montrent que le cycle de Krebs, la ÎČ-oxydation et la phosphorylation oxydative ont tous lieu dans les mitochondries. En 1978, Peter Mitchell obtient le prix Nobel pour sa thĂ©orie chimiosmotique. En 1981, Anderson et son Ă©quipe dĂ©couvrent la structure gĂ©nĂ©tique de lâADN mitochondrial humain. Finalement, Boyer et Walker obtiennent Ă©galement le prix Nobel pour leurs Ă©tudes sur la structure et le fonctionnement de l'ATP synthase.
En 2016, on ne connaissait qu'un seul eucaryote ayant perdu toutes ses mitochondries : Monocercomonoides (en) sp. PA203[60].
Mobilité des mitochondries dans les cellules
Le rĂ©seau de microtubules permet aux mitochondries de se dĂ©placer rapidement lĂ oĂč la cellule a besoin d'Ă©nergie. Dans la cellule du tissu musculaire striĂ© squelettique, elles seront disposĂ©es prĂšs du matĂ©riel contractile.
Les mitochondries sont cependant immobiles dans le spermatozoïde car elles sont disposées autour de l'axonÚme (structure qui compose le flagelle).
Elles le sont Ă©galement dans les cardiomyocytes et lorsque la cellule est en mitose.
Mobilité des mitochondries en dehors des cellules
En 2020, Alain Thierry, directeur de Recherche Inserm Ă lâInstitut de recherche en cancĂ©rologie de Montpellier publie dans la revue scientifique FASEBW[61] les rĂ©sultats de ses recherches concernant la dĂ©couverte de mitochondries extra-cellulaires. Pendant sept ans, il a analysĂ© avec son Ă©quipe une centaine d'Ă©chantillons de plasma sanguin, dans laquelle ils ont dĂ©tectĂ© des mitochondries libres. Cette dĂ©couverte permet d'envisager de nouvelles pistes thĂ©rapeutiques concernant les diagnostics et les rĂ©ponses immunitaires du corps. Une nouvelle hypothĂšse sur la communication entre les cellules est aussi envisagĂ©e grĂące Ă cette dĂ©couverte[62].
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- «Mitochondrie, de lâĂ©nergie plein la cellule», La MĂ©thode scientifique, France Culture, 24 juin 2019
- «La découverte d'un nouveau composant du sang», Le Journal des sciences, La Méthode scientifique, France Culture, 22 janvier 2019
- [vidéo] (27 minutes) : La génétique de la mitochondrie chez les paramécies
- [vidéo] (4 minutes) : Cours : La mitochondrie
- Les mitochondries - eBiologie.fr