Ăve mitochondriale
L'Ăve mitochondriale, ou plus rĂ©cente ancĂȘtre matrilinĂ©aire commune, est le nom donnĂ© Ă la femme Ă©tant la plus rĂ©cente ancĂȘtre commune par lignĂ©e maternelle de l'humanitĂ©. En premiĂšre approximation, elle est la derniĂšre femme dont les mitochondries ont engendrĂ© les mitochondries de tout humain actuel : les mitochondries sont des organites cellulaires qui ne sont transmis que par l'ovule de la mĂšre ; seuls de trĂšs rares cas de transmission d'ADN mitochondrial par le pĂšre ont Ă©tĂ© rapportĂ©s. L'Ăve mitochondriale est l'Ă©quivalent fĂ©minin de l'Adam Chromosome-Y, l'ancĂȘtre commun le plus rĂ©cent par lignĂ©e paternelle.
En tenant compte de la vitesse de mutation (concept de l'horloge molĂ©culaire), dans cet ADN mitochondrial, les calculs laissent penser que l'Ăve mitochondriale a vĂ©cu il y a quelque 150 000 ans. La phylogĂ©nie suggĂšre qu'elle a vĂ©cu en Afrique orientale[1] (aujourd'hui Ăthiopie, Kenya ou Tanzanie).
Ăclaircissement
Bien que le nom biblique d'Ăve lui ait Ă©tĂ© donnĂ©, l'Ăve mitochondriale n'Ă©tait pas forcĂ©ment la seule femme vivant Ă son Ă©poque, ni la seule femme ayant eu une descendance jusqu'Ă nos jours. Ce qui caractĂ©rise l'Ăve mitochondriale, avec toutes ses ancĂȘtres par lignĂ©e maternelle, est qu'elle est l'ancĂȘtre de l'humanitĂ© actuelle par lignĂ©e maternelle uniquement : de sa gĂ©nĂ©ration, seule l'Ăve mitochondriale a produit une chaĂźne ininterrompue de filles jusqu'Ă aujourd'hui, et elle fut la seule de laquelle tous les humains vivants descendent en ligne maternelle. Ătant transmises de mĂšre en fille et en fils, seules les mitochondries de cette femme (parmi celles de son Ă©poque) sont Ă l'origine des mitochondries que possĂšdent n'importe quel humain actuel.
Si le critĂšre de matrilinĂ©aritĂ© est abandonnĂ©, il existe des ancĂȘtres communes Ă l'humanitĂ© actuelle qui sont plus rĂ©centes que l'Ăve mitochondriale, et qui ont pu transmettre jusqu'Ă nos jours une partie de leur ADN nuclĂ©aire : par exemple, quelque ancĂȘtre commune plus rĂ©cente doit avoir transmis un gĂšne qui spĂ©cifie une sous-unitĂ© d'ARN dans les ribosomes. Cependant, puisque la reproduction mĂȘle l'ADN nuclĂ©aire des chromosomes transmis par les deux parents, une ancĂȘtre commune plus rĂ©cente que l'Ăve mitochondriale est difficile Ă dĂ©finir d'une maniĂšre non arbitraire, et la plus rĂ©cente est difficile Ă identifier.
Analogie avec l'Adam Y-chromosomique
Il a existĂ© par ailleurs un homme, l'Adam Y-chromosomique, ayant engendrĂ© une lignĂ©e ininterrompue de garçons jusqu'Ă nos jours, et qui est l'aĂŻeul patrilinĂ©aire de tous les humains actuels. On date cet « Adam » d'environ 142 000 annĂ©es[2]. Si l'on tient compte des marges d'incertitudes de leurs Ă©tudes respectives, l'Ăve mitochondriale a pu ĂȘtre contemporaine de l'Adam Y-chromosomique, de sorte que, bien que ce soit trĂšs improbable, ils auraient en effet pu former un couple. S'ils ne sont pas les premiers Homo sapiens, seuls leurs gĂȘnes ont en effet Ă©tĂ© transmis jusqu'Ă nos jours, les autres lignĂ©es humaines s'Ă©tant Ă©teintes sans descendance Ă des Ă©poques ultĂ©rieures.
Cependant, les estimations du temps jusqu'Ă l'ancĂȘtre commun le plus rĂ©cent ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement plus faibles pour le chromosome Y (il y a âŒ60â140 mille ans) que pour l'ADNmt (il y a âŒ140-240 mille ans)[3] - [4].
L'idée d'un couple entre l'Adam chromosomique et l'Eve mitochondriale est indémontrable en l'état et n'a que peu de chance d'avoir une réalité paléoanthropologique.
Transmission paternelle de mitochondries ?
à l'heure actuelle, une transmission paternelle de mitochondries n'a été observée que dans de trÚs rares cas, chez des espÚces de moules[5] - [6]. Il s'agit donc d'une hypothÚse audacieuse. Si elle s'avérait, les mitochondries ne seraient pas un marqueur matrilinéaire aussi exclusif qu'on l'avait considéré.
Origine africaine
On parle parfois de l'Ăve mitochondriale comme d'une Ăve africaine. L'hypothĂšse africaine est Ă©tablie sur l'examen des fossiles aussi bien que sur l'analyse de l'ADN mitochondrial. Les « arbres gĂ©nĂ©alogiques » (ou « phylogĂ©nies ») Ă©difiĂ©s sur la base des comparaisons des ADN mitochondriaux montrent que les humains vivants dont les lignages mitochondriaux constituent les premiĂšres branches de l'arbre sont les populations indigĂšnes d'Afrique, tandis que les lignages des peuples indigĂšnes des autres continents naissent tous de lignĂ©es africaines.
Des critiques de ces gĂ©nĂ©alogies ont soutenu la thĂšse d'une Ăve asiatique, et par extension d'une origine asiatique de l'humanitĂ©. Toutefois, le principal soutien que l'ADN mitochondrial apporte Ă l'hypothĂšse d'une Ăve africaine ne dĂ©pend pas des arbres gĂ©nĂ©alogiques mais du constat que c'est parmi les populations africaines que l'on trouve la plus grande diversitĂ© d'ADN mitochondrial, certaines variations ne semblant exister qu'en Afrique. Cette diversitĂ© n'aurait pas pu s'accumuler ainsi si les humains n'avaient pas vĂ©cu bien plus longtemps en Afrique que n'importe oĂč ailleurs. L'analyse des sĂ©quences du chromosome Y a donnĂ© des rĂ©sultats allant dans le sens d'un Adam Y-chromosomique africain Ă©galement.
Culture populaire
- Dans le dernier Ă©pisode de la saison 4 de Battlestar Galactica, lorsque l'humanitĂ© vient s'Ă©tablir sur Terre, l'Ăve Mitochondriale est prĂ©sentĂ©e comme Ă©tant la fille d'un pĂšre humain et d'une mĂšre cylon, un organisme synthĂ©tique.
- La franchise de jeux-vidĂ©o Parasite Eve fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă lâĂve Mitochondriale[7].
Notes et références
- (fr) Richard Dawkins, Il Ă©tait une fois nos ancĂȘtres : une histoire de l'Ă©volution, 2005 (ISBN 978-2-2211-0505-4) ; (en) The Ancestor's Tale: A Pilgrimage to the Dawn of Life, 2004 (ISBN 978-0-7528-7321-3)
- (en) Fulvio Cruciani et al., « A Revised Root for the Human Y Chromosomal Phylogenetic Tree: The Origin of Patrilineal Diversity in Africa », American Journal of Human Genetics, vol. 88, no 6,â (DOI 10.1016/j.ajhg.2011.05.002, lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) D.M. Behar, M. van Oven, S. Rosset, M. Metspalu, E.L. LoogvĂ€li, N.M. Silva, T. Kivisild, A. Torroni, R. Villems, « A âCopernicanâ reassessment of the human mitochondrial DNA tree from its root », The American Journal of Human Genetics, no Volume 90, Issue 5,â , p. 936 (lire en ligne)
- (en) Fernando L. Mendez, Thomas Krahn, Bonnie Schrack, Astrid-Maria Krahn, Krishna R. Veeramah, August E. Woerner, Forka Leypey Mathew Fomine, Neil Bradman, Mark G. Thomas, Tatiana M. Karafet, Michael F. Hammer, « An African American Paternal Lineage Adds an Extremely Ancient Root to the Human Y Chromosome Phylogenetic Tree », The American Journal of Human Genetics, no Volume 92, Issue 4,â , p. 637 (lire en ligne)
- (fr) Sophie Breton et HĂ©lĂšne Doucet BeauprĂ©, « Un systĂšme de transmission de l'ADN mitochondrial sexuellement Ă©quitable », MĂ©decine/Sciences, vol. 23, no 11,â , p. 1038-1040 (lire en ligne)
- (en) Sophie Breton, HĂ©lĂšne Doucet BeauprĂ©, Donald T. Stewart, Walter R. Hoeh et Pierre U. Blier, « The unusual system of doubly uniparental inheritance of mtDNA: isn't one enough? », Trends in Genetics, vol. 23, no 9,â , p. 465-474 (DOI 10.1016/j.tig.2007.05.011)
- (en) « Mitochondria Eve », sur Parasite Eve Wiki (consulté le )
Voir aussi
Arbre phylogénétique des Haplogroupes de l'ADN mitochondrial (ADNmt) humain. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ăve mitochondriale (L) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||
L0 | L1â6 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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M | N | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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C | Z | B | F | R0 | pre-JT | P | U | ||||||||||||||||||||||||||||||
HV | JT | K | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Bibliographie
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- Kaessmann, H., et PÀÀbo, S.: "The genetical history of humans and the great apes". Journal of Internal Medicine 251: 1â18 (2002). pubmed
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- Vigilant, L., Pennington, R., Harpending, H., Kocher, T.D. et Wilson, A.C., 1989, "Mitochondrial DNA Sequences in Single Hairs from a Southern African Population", Proc. Natl. Acad. Sci. USA 86; p. 9350â9354
- Thomas J. Parsons et al., "A High Observed Substitution Rate in the Human Mitochondrial DNA Control Region", Nature Genetics, Vol. , p. 365.
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- A. C. Wilson, R. L. Cann, S. M. Carr, M. George Jr., U. B. Gyllensten, K. Helm- Bychowski, R. G. Higuchi, S. R. Palumbi, E. M. Prager, R. D. Sage, et M. Stoneking (1985) "Mitochondrial DNA and two perspectives on evolutionary genetics". Biological Journal of the Linnean Society 26:375-400
Articles connexes
- Macrohaplogroupe L (ADNmt)
- Adam Y-chromosomique
- Les Sept Filles d'Ăve, une tentative d'explication de l'Ă©volution des principales familles mitochondriales.
- Dernier ancĂȘtre commun universel
Liens externes
- « Animation »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?) illustrant les migrations déduites de l'ADNmt.
- Schéma et explications expliquant cette théorie.