GĂ©nome mitochondrial humain
Le génome mitochondrial humain désigne le matériel génétique des mitochondries, propre à l'espÚce humaine.
En génétique des populations et en théorie de l'évolution, ce génome est particuliÚrement étudié, car il permet de remonter des lignées féminines puisqu'il n'est transmis que par la mÚre (contrairement au chromosome Y humain qui n'est transmis que par les pÚres)
Ce génome est particuliÚrement étudié en médecine, notamment dans le cadre des maladies génétiques, car il permet de retracer l'origine familiale d'une maladie.
Caractéristiques
LâADN mitochondrial est prĂ©sent dans la matrice des mitochondries. Câest une molĂ©cule qui peut ĂȘtre circulaire (Ă©pisome), linĂ©aire, branchĂ©e, gĂ©nĂ©ralement sans intron (il existe cependant quelques rares introns autoĂ©pissables chez les champignons et les levures). Sa taille et son contenu en gĂšnes varient d'une espĂšce Ă l'autre. Chez les animaux supĂ©rieurs, cette taille varie habituellement entre 15 000 et 24 000 paires de bases, mais peut ĂȘtre 10 Ă 100 fois plus grande chez les champignons et les plantes. Bien que la taille de l'ADN mitochondrial soit extrĂȘmement variable, il ne contient rĂ©ellement que peu de gĂšnes codant des protĂ©ines. Chez l'ĂȘtre humain, elle est formĂ©e de 2 brins. ConstituĂ©e de 16 569 paires de bases, sa masse est de 107 daltons. Câest un ADN trĂšs petit par rapport aux 3 milliards de paires de bases de lâADN nuclĂ©aire des cellules humaines. Sa quantitĂ© chez un ĂȘtre humain est non nĂ©gligeable car une cellule possĂšde environ 2 000 mitochondries et une mitochondrie contient environ 2 Ă 4 molĂ©cules dâADN mt. Au total, on dĂ©nombre environ 4 000 molĂ©cules dâADN mt par cellule. L'ADN mitochondrial Ă©volue extrĂȘmement rapidement, mĂȘme au sein d'une mĂȘme espĂšce grĂące Ă ses mĂ©canismes de recombinaison homologue.
GÚnes portés par cet ADN
L'ADN mitochondrial est occupé par des séquences codantes et quelques introns et ne contient aucune séquence répétée. Il est transcrit initialement sous la forme de 2 ARN qui sont ensuite clivés au niveau des ARNt. Toutes les protéines impliquées dans la protéosynthÚse sont codées par des gÚnes nucléaires. L'ADN mitochondrial (37 gÚnes) code 22 ARNt, 2 ARNr et 13 protéines membranaires impliquées dans la production d'énergie par la mitochondrie :
lâADN mitochondrial dispose un systĂšme de rĂ©paration mais qui est incomplet . Ăgalement, la moitiĂ© des protĂ©ines mitochondriales codĂ©es par le gĂ©nome nuclĂ©aire seraient spĂ©cifiques d'un tissu.
GÚne | Type | Produit | Positions dans le mitogénome |
Brin |
---|---|---|---|---|
MT-ATP8 | Code une protéine | ATP synthase, Fo sous-unité 8 (complexe V) | 08 366 - 08 572 (chevauchement avec MT-ATP6) | H |
MT-ATP6 | Code une protéine | ATP synthase, Fo sous-unité 6 (complexe V) | 08 527 - 09 207 (chevauchement avec MT-ATP8) | H |
MT-CO1 | Code une protéine | Cytochrome c oxydase, sous-unité 1 (complexe IV) | 05 904 - 07 445 | H |
MT-CO2 | Code une protéine | Cytochrome c oxydase, sous-unité 2 (complexe IV) | 07 586 - 08 269 | H |
MT-CO3 | Code une protéine | Cytochrome c oxydase, sous-unité 3 (complexe IV) | 09 207 - 09 990 | H |
MT-CYB | Code une protéine | Cytochrome b (complexe III) | 14 747 - 15 887 | H |
MT-ND1 | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 1 (complexe I) | 03 307 - 04 262 | H |
MT-ND2 | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 2 (complexe I) | 04 470 - 05 511 | H |
MT-ND3 | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 3 (complexe I) | 10 059 - 10 404 | H |
MT-ND4L | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 4L (complexe I) | 10 470 - 10 766 | H |
MT-ND4 | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 4 (complexe I) | 10 760 - 12 137 (chevauchement avec MT-ND4L) | H |
MT-ND5 | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 5 (complexe I) | 12 337 - 14 148 | H |
MT-ND6 | Code une protéine | NADH déshydrogénase, sous-unité 6 (complexe I) | 14 149 - 14 673 | L |
MT-RNR2 | Code une protĂ©ine | Humanine | â | â |
MT-TA | ARN de transfert | ARNt-Alanine (Ala ou A) | 05 587 - 05 655 | L |
MT-TR | ARN de transfert | ARNt-Arginine (Arg ou R) | 10 405 - 10 469 | H |
MT-TN | ARN de transfert | ARNt-Asparagine (Asn ou N) | 05 657 - 05 729 | L |
MT-TD | ARN de transfert | ARNt-Acide aspartique (Asp ou D) | 07 518 - 07 585 | H |
MT-TC | ARN de transfert | ARNt-Cystéine (Cys ou C) | 05 761 - 05 826 | L |
MT-TE | ARN de transfert | ARNt-Acide glutamique (Glu ou E) | 14 674 - 14 742 | L |
MT-TQ | ARN de transfert | ARNt-Glutamine (Gln ou Q) | 04 329 - 04 400 | L |
MT-TG | ARN de transfert | ARNt-Glycine (Gly ou G) | 09 991 - 10 058 | H |
MT-TH | ARN de transfert | ARNt-Histidine (His ou H) | 12 138 - 12 206 | H |
MT-TI | ARN de transfert | ARNt-Isoleucine (Ile ou I) | 04 263 - 04 331 | H |
MT-TL1 | ARN de transfert | ARNt-Leucine (Leu-UUR ou L) | 03 230 - 03 304 | H |
MT-TL2 | ARN de transfert | ARNt-Leucine (Leu-CUN ou L) | 12 266 - 12 336 | H |
MT-TK | ARN de transfert | ARNt-Lysine (Lys ou K) | 08 295 - 08 364 | H |
MT-TM | ARN de transfert | ARNt-MĂ©thionine (Met ou M) | 04 402 - 04 469 | H |
MT-TF | ARN de transfert | ARNt-Phenylalanine (Phe ou F) | 00 577 - 00 647 | H |
MT-TP | ARN de transfert | ARNt-Proline (Pro ou P) | 15 956 - 16 023 | L |
MT-TS1 | ARN de transfert | ARNt-SĂ©rine (Ser-UCN ou S) | 07 446 - 07 514 | L |
MT-TS2 | ARN de transfert | ARNt-SĂ©rine (Ser-AGY ou S) | 12 207 - 12 265 | H |
MT-TT | ARN de transfert | ARNt-Thréonine (Thr ou T) | 15 888 - 15 953 | H |
MT-TW | ARN de transfert | ARNt-Tryptophane (Trp ou W) | 05 512 - 05 579 | H |
MT-TY | ARN de transfert | ARNt-Tyrosine (Tyr ou Y) | 05 826 - 05 891 | L |
MT-TV | ARN de transfert | ARNt-Valine (Val ou V) | 01 602 - 01 670 | H |
MT-RNR1 | ARN ribosomique | Petite sous-unité : SSU (12S) | 00 648 - 01 601 | H |
MT-RNR2 | ARN ribosomique | Grande sous-unité : LSU (16S) | 01 671 - 03 229 | H |
Des mutations dans ces gÚnes sont à l'origine de maladies génétiques rares, dont la transmission est maternelle.
Utilisations
L'avantage d'utiliser l'ADN mitochondrial pour l'analyse de filiation, réside dans le fait que les mitochondries sont transmises uniquement par la mÚre, par hérédité cytoplasmique. à chaque génération il n'y a donc pas de recombinaison génétique. Cela permet donc de suivre des populations en comparant le degré de similarité de leur ADN mitochondrial.
De plus, chez lâhumain, il ne compte que 37 gĂšnes (alors que lâADN humain en compte quelque 25 000). Il est en gĂ©nĂ©ral mieux conservĂ© et Ă©videmment, beaucoup plus vite dĂ©codĂ©. En effet, contrairement Ă lâADN humain qui est un assemblage de la moitiĂ© des gĂšnes de la mĂšre et de la moitiĂ© des gĂšnes du pĂšre (donc du quart de chaque grand-parent ou encore du huitiĂšme de chaque arriĂšre-grand-parent, etc.) rendant trĂšs difficile lâĂ©tablissement de la filiation au-delĂ de quelques gĂ©nĂ©rations, lâADN mitochondrial nâest normalement transmis que par la mĂšre, qui le tient elle-mĂȘme de sa mĂšre qui le tient de la sienne, etc. Cela simplifie donc Ă©normĂ©ment lâĂ©tude des filiations mĂšre-enfant et la datation des lignĂ©es. LâADN mitochondrial des mĂąles provient de leur mĂšre et nâest normalement pas transmis Ă la gĂ©nĂ©ration suivante.
Il y a 2 régions hyper-variables HV1 et HV2 dans les séquences d-loop. Leur comparaison entre différents individus est intéressante du point de vue de l'évolution trÚs récente des humains, mais aussi pour distinguer des lignées différentes, et résoudre des problÚmes de filiation ou en identification de restes humains et d'auteur de crimes. Ces études nécessitent un séquençage de ces régions.
Dans l'étude des migrations et des origines de 'Homo sapiens', certaines caractéristiques de l'ADN mitochondrial en font un matériel de choix pour essayer de comprendre l'origine des populations humaines :
- C'est un ADN abondant dans les cellules, puisqu'il se retrouve à des milliers d'exemplaires par cellule, alors que chaque gÚne du noyau n'est présent, lui, qu'en 2 exemplaires (non identiques) par cellule. Ainsi, pour étudier des restes fossiles, en ciblant spécifiquement l'ADN mitochondrial, les paléogénéticiens multiplient les chances de réussir à mettre la main sur un bout d'information encore conservée[1].
- La vitesse de mutation est plus importante que dans le génome nucléaire, ce qui permet d'étudier des évolutions récentes comme c'est le cas pour la récente origine de Homo sapiens.
Origine des humains modernes
Ainsi des Ă©tudes rĂ©centes ont montrĂ© que toutes les mitochondries humaines dans le monde ont une origine commune datĂ©e d'environ â150 000 ans, en Afrique. C'est la thĂ©orie de l'Ăve mitochondriale.
Relation entre les humains et les Hommes de NĂ©anderthal
De plus, de l'ADNmt vieux de plus de 30 000 ans analysĂ© dans les os de l'homme de NĂ©anderthal et comparĂ© avec de l'ADNmt humain, a permis de montrer que cette espĂšce n'est pas un ancĂȘtre des humains actuels par la lignĂ©e fĂ©minine. Il est maintenant prouvĂ© par le palĂ©obiologiste Svante PÀÀbo qu'entre 1 % et 4 % du gĂ©nome des europĂ©ens et asiatiques actuels provient de mĂ©tissages avec NĂ©anderthal[2]. Les mĂ©tissages semblent aussi avoir eu lieu Ă diffĂ©rentes Ă©poques[3]. Comme ce mĂ©tissage n'a pas Ă©tĂ© trouvĂ© pour le moment dans le gĂ©nome mitochondrial, on peut donc en dĂ©duire que les ancĂȘtres nĂ©andertaliens sont Ă priori des hommes et pas des femmes... ou qu'une Ă©ventuelle lignĂ©e des femmes porteuses d'ADN mitochondrial nĂ©andertalien ait Ă©tĂ© interrompue par une absence de fille, autrement dit seulement des fils.
IntĂ©rĂȘt historique et recherche de filiation
- Les restes du Tsar Nicolas II et de sa famille ont Ă©tĂ© identifiĂ©s en comparant l'ADNmt des restes trouvĂ©s Ă Iekaterinbourg avec celui du Prince Philip (dont la grand-mĂšre maternelle Ă©tait la sĆur de la tsarine Alexandra). L'identification est sĂ»re Ă 99 %.
- Confirmation de l'authenticité de la relique appartenant au jeune Louis XVII.
ADNmt et enquĂȘte policiĂšre
Il existe plusieurs copies d'ADNmt par mitochondries, et le nombre de mitochondries est important dans une cellule. Donc l'ADNmt est en quantité suffisante pour faire des investigations en médecine légale ou en paléontologie. Mais comme la fréquence des différents allÚles mitochondriaux est importante dans les populations (un grand nombre d'individus portent des séquences identiques), il ne permet que d'exclure un suspect, mais jamais d'en identifier un. Par contre, il est utilisé pour établir l'identité d'une personne décédée, en comparant son ADNmt avec celui de la mÚre présumée de la victime.
Notes et références
- « Ce Neandertal qui vit en nous », Books, no 61,â , p. 24-39 (ISSN 1967-7375)
- François savatier, « Un mĂ©tissage tardif entre sapiens et nĂ©andertal en Europe », Pour la Science,â (lire en ligne)