Humanité
LâhumanitĂ© peut dĂ©signer Ă la fois : l'ensemble des individus appartenant Ă l'espĂšce humaine ; les caractĂ©ristiques cognitives et comportementales spĂ©cifiques Ă cet ensemble ; des traits de personnalitĂ© d'un individu qui, dans une perspective humaniste et altruiste, sont considĂ©rĂ©es comme des qualitĂ©s ou des valeurs Ă promouvoir, telles que la bontĂ©, l'Ă©quitĂ© et la gĂ©nĂ©rositĂ©.
Le concept d'humanitĂ© se situe entre les notions de nature humaine qui souligne l'idĂ©e que les ĂȘtres humains ont en commun certaines caractĂ©ristiques essentielles, une nature manifestĂ©e par des comportements spĂ©cifiques, jugĂ©s « humains » (par opposition Ă ce qui est jugĂ© « inhumain ») et qui les diffĂ©rencie plus ou moins des autres espĂšces animales, et de condition humaine qui souligne l'idĂ©e d'une « communautĂ© de destin » face aux « Ă©vĂ©nements majeurs et situations qui composent l'essentiel de l'existence humaine, tels que la naissance, la croissance, l'aptitude Ă ressentir des Ă©motions ou Ă former des aspirations, le conflit, la mortalitĂ© ».
Deux réflexions en découlent. D'une part, ce qu'est le « propre de l'homme » : quelles sont les particularités de la physiologie et du comportement humain que l'on ne retrouve pas dans le reste du rÚgne du vivant ? D'autre part, la question de l'unité de l'homme : dans quelle mesure ces particularités sont véritablement partagées par tous les membres de l'espÚce humaine ? Cette deuxiÚme considération se heurte à l'ethnocentrisme, qui essentialise des caractéristiques (par exemple, la couleur de la peau) ou des comportements propres à un groupe humain ou à une tradition culturelle et qui, par conséquent, peut refuser le statut d'humain à des individus d'un autre groupe, d'une autre ethnie.
Historiquement, ces questions furent d'abord abordĂ©es sous les angles de la philosophie (notamment dans l'AntiquitĂ©) et de la religion (notamment durant le Moyen Ăge). Une illustration de ces dĂ©bats fut la controverse de Valladolid qui, en 1550, posa la question du statut des AmĂ©rindiens. Par la suite, notamment Ă partir du XVIIIe siĂšcle, ces questions furent reprises dans une perspective de plus en plus scientifique croisant les approches de la zoologie, de l'Ă©thologie, de l'anthropologie, de la gĂ©nĂ©tique et de la palĂ©oanthropologie. Bien que reposant sur une dĂ©marche scientifique, ces Ă©tudes ont pu et peuvent ĂȘtre critiquĂ©es dans la mesure oĂč elles restent influencĂ©es, voire biaisĂ©es, par les idĂ©ologies politiques, religieuses, philosophiques des sociĂ©tĂ©s passĂ©es ou prĂ©sentes[1]. De nos jours, les diffĂ©rentes conceptions de l'humanitĂ© ont des implications morales, Ă©thiques, scientifiques, juridiques et environnementales qui s'expriment, par exemple, dans les dĂ©bats sur les castes et les sĂ©grĂ©gations traditionnelles, les statuts serviles et ceux des personnes handicapĂ©es, l'Ă©galitĂ© des sexes ou des orientations sexuelles, la personnalitĂ© juridique de l'embryon humain, les diffĂ©rents types de familles ou le statut des grands singes.
Quelques définitions
Le terme humanité a plusieurs sens.
- Dans un premier sens, parfois Ă©crit avec une majuscule[2], il dĂ©signe l'ensemble des ĂȘtres humains : elle a une dimension principalement biologique et descriptive en rapport avec l'Ă©volution des espĂšces. C'est un synonyme de Homo sapiens.
- Dans un deuxiÚme sens, évaluatif, il insiste sur l'unité constitutive du groupe humain et prend une dimension morale à prétention normative sur les visions tendant à créer une distinction entre ses membres. La source de cette unité constitutive est problématique : le patrimoine génétique, le partage d'une rationalité idéologique, d'un rapport à l'existence, ou encore la reconnaissance mutuelle : dans cette acception, l'humanité dispose d'une force expressive qui dépasse le débat du fondement conceptuel. Cette définition est celle qui donne sens au crime contre l'humanité et trouve un écho dans les questions de discriminations.
- Enfin, dans un troisiÚme sens, également évaluatif, il désigne une prescription proprement comportementale, pour certains relevant d'un modÚle existant mais qui, pour d'autres, représente une idée vers laquelle tend notre espÚce. Cette définition exprime son sens lorsque les actes réalisés par les genres sont relevés comme manquant d'humanité, ou encore qualifiés d'« inhumains ». C'est dans cette unique acception que prennent également sens les jugements populaires selon lesquels certains animaux ont plus d'humanité que certains humains.
Le propre de l'ĂȘtre humain
L'humain et l'animal
« Le rire est le propre de l'homme » écrit Rabelais[3] reprenant Aristote[4], lequel dit aussi que l'homme est un animal social et raisonnable.
Dans son dernier ouvrage, L'Animal que donc je suis, le philosophe français Jacques Derrida conçoit la question de l'« animal » comme une rĂ©ponse Ă la question du « propre de l'« Homme » », et met en doute la capacitĂ© Ă ce dernier d'ĂȘtre en droit de se faire valoir toujours aux dĂ©pens de l'« animal », alors qu'il semble bien que ce rĂ©flexe conceptuel soit, par essence, un prĂ©jugĂ©, et non le fruit d'un raisonnement philosophique garant de ce droit :
« Il ne s'agit pas seulement de demander si on a le droit de refuser tel ou tel pouvoir Ă l'animal (parole, raison, expĂ©rience de la mort, deuil, culture, institution, technique, vĂȘtement, mensonge, feinte de la feinte, effacement de la trace, don, rire, pleur, respect, etc. â la liste est nĂ©cessairement indĂ©finie, et la plus puissante tradition philosophique dans laquelle nous vivons a refusĂ© tout cela Ă l'« animal »), il s'agit aussi de se demander si ce qui s'appelle l'Homme a le droit d'attribuer en toute rigueur Ă l'Homme, de s'attribuer, donc, ce qu'il refuse Ă l'animal, et s'il en a jamais le concept pur, rigoureux, indivisible, en tant que tel. »
â Jacques Derrida, L'animal que donc je suis, p. 185.
Ainsi, depuis l'AntiquitĂ©, mais surtout pendant le Moyen Ăge chrĂ©tien, des humains (essentiellement en Europe, des philosophes ou thĂ©ologiens) se sont interrogĂ©s sur le « propre de l'homme », se demandant en quoi ils se distinguaient essentiellement des autres animaux.
Pour le catholicisme (mais pas le catharisme, du fait de la rĂ©incarnation), dans lequel l'homme, sommet de la CrĂ©ation, a Ă©tĂ© fait Ă l'image de Dieu, cette distinction vis-Ă -vis des animaux est nette et se caractĂ©rise par l'« Ăąme », vue comme « l'esprit employant le Verbe » des Ăvangiles, et non « Ăąme » vue comme le principe vital de toutes les crĂ©atures (le terme Ăąme vient d'ailleurs de « souffle »), comme dans les religions animistes. LâĂąme spirituelle est perçue comme le principe de vie du corps humain tout entier[5].
Ainsi, l'encyclique Laudato'si[6] souligne que chaque « crĂ©ature » (terme qui suppose un CrĂ©ateur) a une fonction et qu'aucune est superflue, celles-ci vivant dans une inter-dĂ©pendance, aucune ne se suffisant Ă elle-mĂȘme. En consĂ©quence, la disparition d'une espĂšce animale est grave, elles doivent Ă ce titre ĂȘtre protĂ©gĂ©es. D'autant plus que la misĂšre qui porte Ă maltraiter un animal se manifeste dans la relation aux autres. Cette encyclique fustige aussi l'anthropocentrisme moderne qui conduit l'homme Ă ne plus considĂ©rer la nature comme une norme valable mais comme un espace ou une matiĂšre pour une Ćuvre oĂč l'on jette tout, peu importe ce qu'il en rĂ©sultera.
Les religions « animistes » (africaines, asiatiques, amĂ©rindiennesâŠ), chinoises (confucianisme, taoĂŻsme), indiennes (hindouisme, bouddhisme, jaĂŻnisme) entre-autres, intĂšgrent complĂštement les animaux et les humains dans l'univers, sans rupture de continuitĂ©, tous les ĂȘtres Ă©tant dotĂ©s d'une mĂȘme Ăąme, d'un mĂȘme principe vital (d'un mĂȘme « vouloir-vivre » selon le philosophe Schopenhauer), ce qui est renforcĂ© par la rĂ©incarnation (selon la tradition hindoue, aprĂšs une vie humaine, si celle-ci ne se conclut pas par le moksha, la libĂ©ration du cycle des rĂ©incarnations, cette vie humaine se rĂ©incarnera des millions de fois sous d'autres naissances non humaines (minĂ©rale, vĂ©gĂ©tale, animale), avant de pouvoir reprendre Ă nouveau naissance sous une forme humaine[7]).
Dans l'hindouisme, le jaĂŻnisme et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale dans les religions et philosophies indiennes (bouddhisme, ayyavazhi, sikhisme), la sĂ©paration entre humanitĂ© et animalitĂ© n'est pas une sĂ©paration de nature mais une diffĂ©rence de degrĂ©. Selon l'hindouisme, les animaux possĂšdent le sourire, le rire, les pleurs, etc., mais ont plus de tamas (« inconscience ») que l'ĂȘtre humain, d'oĂč leur innocence. Cependant, tous les philosophes hindous sâaccordent Ă reconnaĂźtre Ă lâanimal les mĂȘmes capacitĂ©s de perception et de raisonnement par infĂ©rence quâĂ lâĂȘtre humain : câest essentiellement lâinaptitude au rite vĂ©dique ou Ă transcender le rite (karma) qui fait de lâanimal un ĂȘtre non-humain, rĂ©sultat de ses actes antĂ©rieurs (fautes commises dans une vie humaine) : du point de vue hindou, il n'y a donc pas de sĂ©paration nette entre humanitĂ© et animalitĂ© ; d'ailleurs, les « derniĂšres des crĂ©atures » ne sont ni les vĂ©gĂ©taux ni les animaux selon les lois de Manu, mais les hommes cruels, rudes, appelĂ©s « dĂ©mons »[8].
Si l'on tient compte de la Bible hĂ©braĂŻque originelle, dĂ©nuĂ©e d'interprĂ©tations chrĂ©tiennes anthropocentristes (selon lesquelles « Dieu s'est fait homme » pour les seuls hommes[9] appelĂ©s Ă protĂ©ger et respecter tout ĂȘtre vivant, Ćuvre de Dieu), interprĂ©tations influencĂ©es par les PĂšres de l'Ăglise combattant la croyance en la mĂ©tempsycose[9] (liĂ© au manichĂ©isme, au pythagorisme, Ă EmpĂ©docle, au pharisaĂŻsme[10]), par l'influence du nĂ©oplatonisme qui instille une rupture entre l'homme et les autres crĂ©atures[11], et par les rapprochements mĂ©taphoriques entre les dĂ©mons et les bĂȘtes[11] (le serpent du pĂ©chĂ© originel fut assez tardivement identifiĂ© au diable, ce que la GenĂšse ne faisait pas[12]), on remarquera, alors, que, dans le judaĂŻsme primitif, la domination sur les poissons et les oiseaux par un Adam vĂ©gĂ©tarien et ses successeurs n'est que de l'ordre du concept et non de la pratique[11] - [13], le titre de souverain des animaux n'Ă©tant qu'honorifique, la GenĂšse n'indiquant nulle part qu'ils ont besoin d'ĂȘtre dirigĂ©s ou qu'ils doivent l'ĂȘtre pour accomplir leur destinĂ©es, eux qui d'ailleurs louent Ă leur maniĂšre Dieu (Psaumes, CXLVIII:10)[11].
Selon certains penseurs, de mĂȘme que le judaĂŻsme, mais Ă la diffĂ©rence du catholicisme, l'islam met pratiquement sur le mĂȘme plan l'animalitĂ© et l'humanitĂ©[11] :
« De nombreux hadßths, propos attribués au ProphÚte, insistent sur la douceur et la mansuétude que l'on doit observer à l'égard des animaux : l'homme qui donne à boire à un chien assoiffé, un animal impur pourtant, est assuré de la grùce divine. (...) Selon certains exégÚtes du verset VI, 38, il se pourrait en effet que les animaux puissent connaßtre eux aussi une forme de révélation qui leur soit propre, avec la promesse de la Résurrection et du Jugement. (...) L'absence d'incarnation en islam (Dieu ne s'est pas fait homme, Dieu est radicalement autre), rapproche l'homme de l'animal, rassemblés dans une condition commune[11]. »
â Catherine Mayeur-Jaouen, L'Animal dans l'islam[11].
Selon d'autres, il existe bien une différence, ce qui n'exclut pas la douceur vis-à -vis des animaux[14]:
« Au final, le point essentiel de la diffĂ©rence entre humains et animaux rĂ©side plutĂŽt en ceci selon IbnâArabĂź : les hommes, nous lâavons vu Ă plusieurs reprises, sont appelĂ©s Ă se transformer. [...] La finalitĂ© ultime de cette transformation culmine dans la forme de lâHomme Parfait. »
â Pierre Lory, Mystique musulmane. ConfĂ©rences de lâannĂ©e 2011-2012
Comme les autres religions monothĂ©istes, la foi bahĂĄ'Ăe considĂšre que l'homme, mĂȘme s'il partage avec l'animal la caractĂ©ristique de possĂ©der un corps, s'en distingue par une intelligence supĂ©rieure et sa capacitĂ© Ă reconnaĂźtre Dieu[15]:
« Le minĂ©ral ne peut imaginer le pouvoir de croissance de la plante. L'arbre ne peut comprendre la facultĂ© de locomotion de l'animal ni ce que peut signifier voir, entendre ou sentir. Tout ceci fait partie de la crĂ©ation physique. L'homme en fait Ă©galement partie, mais il est impossible Ă n'importe lequel des rĂšgnes infĂ©rieurs de comprendre ce qui se passe dans l'esprit d'un ĂȘtre humain. L'animal ne peut se faire une idĂ©e de l'intelligence de l'homme; il ne connaĂźt que ce que perçoivent ses sens et ne peut rien se figurer d'abstrait. »
â Abdu'l-BahĂĄ, Causeries d'Adbu'l-BahĂĄ Ă Paris
Dans le monde chinois, selon les perspectives du taoïsme et du confucianisme[16], il n'y a pas de séparation nette entre humanité et animalité, pas de séparation de nature, mais différence de degré, animaux et humains étant en réalité interdépendants ; ainsi les ouvrages confucianiste de l'antiquité déclarent :
« Qu'il n'y a pas de diffĂ©rence entre l'homme ordinaire et l'animal, que tous sont des enfants de la Nature, et cela implique une sorte de fraternitĂ©. Mais les mĂȘmes textes prĂ©cisent aussi que seul l'homme Ă©clairĂ© se distingue de la bĂȘte. »
â Danielle Elisseeff[17]
Le confucianisme, que le communisme remplaça de 1949 à 1991 dans la société chinoise continentale[11], met aussi en cause une certaine perception chinoise du sens de la vie pour toute créature, et considÚre comme une « erreur » le fait de donner une définition d'un « propre de l'Homme » pour l'humanité :
« Dans les faits, la position confucĂ©enne encourage l'Ă©tablissement d'une sorte de correspondance entre la maniĂšre dont une civilisation considĂšre les animaux, et celle dont ses Ă©lites traitent les hommes rĂ©putĂ©s ordinaires, ceux qui n'ont ni la primautĂ© du savoir, ni la primautĂ© du pouvoir. C'est pourquoi, et quoi qu'en disent certains observateurs de la sociĂ©tĂ© chinoise qui tendent Ă considĂ©rer les rapports homme-animal comme un « non-sujet », rien n'est, en fait, plus rĂ©vĂ©lateur de ce qui peut arriver Ă l'homme simple dont l'Ătat aura besoin demain, comme en prince en appĂ©tit rĂ©clame un ragoĂ»t. Si l'animal en Chine est un « non-sujet », c'est peut-ĂȘtre que le mĂȘme danger menace le citoyen ordinaire. »
â Danielle Elisseeff[17]
Ce que les traditions religieuses appellent « capacitĂ© Ă reconnaĂźtre Dieu » (expression qui suppose que Dieu prĂ©existe)[18] est considĂ©rĂ©, dans une perspective agnostique ou athĂ©e, comme une caractĂ©ristique propre Ă l'humanitĂ© : celle de concevoir des divinitĂ©s et d'Ă©laborer des mythologies pour s'expliquer le sens du monde[19]; dans cette perspective, c'est donc l'humain qui prĂ©existe[20] et il n'y a de divinitĂ©s que lĂ oĂč il y a des humains[21].
En traçant une continuitĂ© phylogĂ©nĂ©tique de l'animal Ă l'humain et en relativisant la notion de divinitĂ©, ce nouveau paradigme a mis Ă mal les convictions millĂ©naires sur l'unicitĂ© et la supĂ©rioritĂ© des ĂȘtres humains, obligeant l'ancestral anthropocentrisme narcissique Ă s'adapter et Ă prendre une autre forme idĂ©ologique : de « sommet de la crĂ©ation », l'ĂȘtre humain est devenu « sommet de l'Ă©volution ». Cela s'est notamment traduit dans la terminologie utilisĂ©e dans classifications cladistiques : le terme primates dĂ©signe Ă©tymologiquement « les premiers » et notre taxon autrefois dĂ©signĂ© sous le nom d'Archonta signifiait « les chefs ».
Critique du « propre de l'homme » par Claude Lévi-Strauss
Cette séparation radicale entre humanité et animalité a été vigoureusement critiquée (correspondant de maniÚre plus large à celle du « posthumanisme », qui a connu un développement certain avec les sciences sociales qui puisent leur source dans la pensée rousseauiste) par Claude Lévi-Strauss :
« C'est maintenant (âŠ) qu'exposant les tares d'un humanisme dĂ©cidĂ©ment incapable de fonder chez l'homme l'exercice de la vertu, la pensĂ©e de Rousseau peut nous aider Ă rejeter l'illusion dont nous sommes, hĂ©las ! en mesure d'observer en nous-mĂȘmes et sur nous-mĂȘmes les funestes effets. Car n'est-ce-pas le mythe de la dignitĂ© exclusive de la nature humaine qui a fait essuyer Ă la nature elle-mĂȘme une premiĂšre mutilation, dont devrait inĂ©vitablement s'ensuivre d'autres mutilations ? On a commencĂ© par couper l'homme de la nature, et par le constituer en rĂšgne souverain ; on a cru ainsi effacer son caractĂšre le plus irrĂ©cusable, Ă savoir qu'il est d'abord un ĂȘtre vivant. Et en restant aveugle Ă cette propriĂ©tĂ© commune, on a donnĂ© champ libre Ă tous les abus. Jamais mieux qu'au terme des quatre derniers siĂšcles de son histoire l'homme occidental ne put-il comprendre qu'en s'arrogeant le droit de sĂ©parer radicalement l'humanitĂ© de l'animalitĂ©, en accordant Ă l'une tout ce qu'il refusait Ă l'autre, il ouvrait un cercle maudit, et que la mĂȘme frontiĂšre, constamment reculĂ©e, servirait Ă Ă©carter des hommes d'autres hommes, et Ă revendiquer au profit de minoritĂ©s toujours plus restreintes le privilĂšge d'un humanisme corrompu aussitĂŽt nĂ© pour avoir empruntĂ© Ă l'amour-propre son principe et sa notion. »
â Claude LĂ©vi-Strauss, Anthropologie structurale, 1973.
Le « propre de l'homme » dans les sciences contemporaines
D'un point de vue biologique, l'espĂšce humaine est en continuitĂ© Ă©volutive avec les autres espĂšces animales et notamment les grands singes. Ainsi, pour le philosophe Jean-Marie Schaeffer, « L'âHommeâ n'est pas une ânatureâ ou une âessenceâ. Il est la cristallisation gĂ©nĂ©alogique provisoire et instable dâune forme de vie en Ă©volution (...) »[22] - [23]. Mais bien avant la dĂ©couverte des autres primates et la classification d'Homo sapiens au sein de cet ordre, philosophes et scientifiques se sont penchĂ©s sur le statut de notre espĂšce par comparaison avec les autres animaux et sur ce qui faisait le « propre de l'homme ». Parmi les aspects qui ont Ă©tĂ© mis en avant par les philosophes et les scientifiques, parfois Ă tort, comme caractĂ©ristiques de la spĂ©cificitĂ© humaine, on peut recenser :
Spécificités de la biologie humaine
- L'encéphalisation et le grand développement du cerveau[24] ;
- la néoténie, c'est-à -dire la conservation tout au long de la vie de caractÚres juvéniles (innovants, immatures ou puérils selon que la sélection naturelle les favorise, les tolÚre ou les élimine)[25] - [26] ;
- la capacitĂ© Ă ĂȘtre omnivore (rĂ©gime alimentaire allant du vĂ©gĂ©talisme, vĂ©gĂ©tarisme, Ă la zoophagie, cannibalisme)[27] ;
- la bipédie, c'est-à -dire la marche habituelle en station verticale[28] ;
- la main avec pouce opposable : longtemps vue comme un attribut spécifique à l'homme, ce qui expliquerait ses capacités de préhension et donc son habileté singuliÚre, cette derniÚre est en réalité commune à tous les primates. En revanche, parmi ceux-ci, seuls les humains ont perdu le gros orteil opposable du pied, en raison de la bipédie[29].
La majoritĂ©, voire toutes ces caractĂ©ristiques biologiques, peuvent ĂȘtre retrouvĂ©es sous diverses formes chez d'autres espĂšces animales. Par exemple, certains oiseaux sont capables d'utiliser des outils rudimentaires faits de brindilles pour atteindre une noix[30] et les chimpanzĂ©s bonobos sont connus pour pratiquer une sexualitĂ© non-reproductive homo- et hĂ©tĂ©rosexuelle qui favorise la cohĂ©sion sociale. De nombreux cĂ©tacĂ©s possĂšdent un cerveau trĂšs volumineux en comparaison de leur taille, et l'homme ne possĂšde pas le plus gros cerveau du genre animal (les baleines bleues ou les Ă©lĂ©phants le dĂ©passent). La bipĂ©die est partagĂ©e par tous les oiseaux, qui l'ont hĂ©ritĂ©e des dinosaures thĂ©ropodes bien avant que l'homme n'existe, et elle est en partie pratiquĂ©e par les bonobos. Ces caractĂ©ristiques ne constituent donc pas des critĂšres de distinction absolus, d'autant que certaines caractĂ©ristiques comme le vol (sans technologie), la respiration sous l'eau sont les caractĂ©ristiques de nombreuses autres espĂšces distinctes, toutes aussi particuliĂšres. D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ce qui caractĂ©rise une espĂšce animale n'est pas seulement sa capacitĂ© Ă se reproduire exclusivement avec des membres de son espĂšce, mais ce sont Ă©galement ses distinctions d'avec d'autres espĂšces partageant des caractĂšres phĂ©notypiques communs. L'Homme n'est donc en rien biologiquement plus particulier qu'une autre espĂšce n'est particuliĂšre.
Psychologie, Ă©thologie, sciences cognitives et anthropologie
- Le langage articulé et l'écriture.
- La capacité à l'abstraction et à manipuler des représentations abstraites
- La technologie créée par et pour l'homme, et en particulier la fabrication d'outils spécifiques, plus ou moins complexes et réutilisables, dont la conception se transmet entre individus et entre générations, et dont certains servent à fabriquer d'autres outils. Si certaines espÚces animales sont réputées utiliser des "outils" rudimentaires, ceux-ci ne font l'objet d'aucune conception préalable (ie mobilisant des concepts comme la forme reproductible d'un silex ou les propriétés reproductibles d'un objet et une connaissance de relations fonctionnelles comme l'effet résultant du frottement entre deux objets ou de la percussion d'un objet contre un autre) et résultent le plus souvent d'un usage opportuniste (on parle de proto-outil, l'objet étant préexistant dans l'environnement dans sa forme finale), et en ce sens ne constituent pas un systÚme technique[31].
- La confection de vĂȘtements.
- La maĂźtrise du feu et la cuisine
- L'agriculture et l'Ă©levage. La spĂ©cificitĂ© humaine de ces pratiques est parfois remise en cause par des formes analogues de comportement chez certains insectes (fourmis, termites, scolytes) dĂ©veloppant des relations de collaboration symbiotique ou mutualiste avec des champignons ou d'autres insectes (pucerons)[32]. MĂȘme si sur le plan strictement fonctionnel ces collaborations s'apparentent aux activitĂ©s humaines d'agriculture et d'Ă©levage, leur assimilation est abusive et le terme scientifique appropriĂ© pour dĂ©signer ces collaborations est la trophobiose.
- L'enseignement et la culture
- L'art et le plaisir esthétique
- La création d'institutions : la science, la philosophie,
- La spiritualité, les religions et les croyances
- La morale, l'Ă©thique, les tabous et les interdits sexuels
- La torture et le plaisir sadique
- Le questionnement métaphysique, le besoin de trouver un sens à l'existence
- La conscience de soi. Si un consensus scientifique est Ă©tabli pour argumenter positivement l'existence d'une conscience animale[33], celle de la conscience de soi chez les animaux n'est pas Ă©tablie. En effet, le test du miroir met en Ă©vidence l'existence d'une reconnaissance ou perception de soi chez certains animaux (chimpanzĂ©, orang-outang, bonobo, grand dauphin, Ă©lĂ©phant d'Asie, pie bavarde, labre nettoyeur), mais cela n'implique pas une conscience de soi du point de vue rĂ©flexif, au sens du retour de la cognition sur elle-mĂȘme. En particulier l'interprĂ©tation de ce test est incertaine et celui-ci pourrait ne mesurer qu'une capacitĂ© d'apprentissage perceptuel - et non conceptuel - de l'animal, Ă travers la conjonction d'une simple perception des mouvements de son propre corps, de la capacitĂ© de faire correspondre ces mouvements avec une image, et de la capacitĂ© Ă comprendre la rĂ©ciprocitĂ© dâun miroir.[34] Cependant d'autres Ă©tudes tendent Ă montrer que certaines espĂšces de primates, de volailles et de corvidĂ©s sont capables de dĂ©velopper des compĂ©tences mĂ©ta-cognitives, c'est-Ă -dire le fait de distinguer fonctionnellement leur propre degrĂ© de connaissance, de prĂ©vision ou d'ignorance d'un Ă©tat de leur environnement (la prĂ©sence d'un aliment cachĂ© par exemple), ce qui prouve au moins la conscience non pas de soi, mais de son propre Ă©tat cognitif[33].
- La conscience de sa propre mort et de celle de ses congénÚres, se manifestant sur le plan social par les rites funéraires. Contrairement à une idée reçue véhiculée par certaines croyances comme celle en l'existence de cimetiÚres d'éléphants ou par certaines expressions romanesques comme Les oiseaux se cachent pour mourir, qui relÚvent de l'interprétation anthropomorphique, il n'existe aucune observation avérée d'attitude animale spécifique face à la mort de congénÚres[35].
- La séparation consciente du plaisir sexuel et de la fonction reproductive, se manifestant par des pratiques sexuelles diverses (masturbation, caresses etc.) ainsi que par les pratiques anticonceptionnelles (retrait, contraception masculine et féminine). C'est l'aspect conscient - c'est-à -dire impliquant une connaissance claire du lien de cause à effet entre le coït et la conception - de cette séparation qui distingue ici les pratiques humaines de celles de certains grands primates comme les singes bonobo.
- Le rire en tant que réaction communicative à une situation perçue à la fois comme inattendue et inoffensive - dans l'ordre des choses, des évÚnements ou des symboles - dans un cadre social (sans rapport avec par exemple les cris de la hyÚne ou de la mouette qui sont de purs signaux d'alerte, appelés « rire » par anthropomorphisme). Au-delà de l'aphorisme de Rabelais selon lequel le rire est le propre de l'Homme[36], le philosophe Henri Bergson en donne l'interprétation suivante :
« Il n'y a pas de comique en dehors de ce qui est humain. Un paysage pourra ĂȘtre beau, gracieux, sublime, insignifiant ou laid ; il ne sera jamais risible. On rira d'un animal, mais parce qu'on aura surpris chez lui une attitude d'homme ou une expression humaine. On rira d'un chapeau mais ce qu'on raille alors, ce n'est pas le morceau de feutre ou de paille, c'est la forme que les hommes lui ont donnĂ©e, c'est le caprice humain dont il a pris le moule. Comment un fait aussi important, dans sa simplicitĂ©, n'a-t-il pas fixĂ© davantage l'attention des philosophes ? Plusieurs ont dĂ©fini l'homme un animal qui sait rire. Ils auraient aussi bien pu le dĂ©finir âun animal qui fait rireâ, car si quelque animal y parvient, ou quelque objet inanimĂ©, câest par une ressemblance avec l'homme, par la marque que l'homme y imprime ou par l'usage que l'homme en fait. »[37]
Spécificités propres à la culture humaine
En science, deux grands domaines tentent d'apporter des réponses à cette question: les sciences de la nature et les sciences sociales. Les sciences de la nature, incluant la biologie, usent de méthodes scientifiques et des théories de l'évolution des espÚces, tandis que les sciences sociales s'orientent vers le paradigme de l'évolution culturelle humaine, proposé par l'histoire et la paléoanthropologie.
L'aspect le plus frappant et évident nous distinguant du reste du rÚgne animal est sans aucun doute la place que prennent les représentations culturelles dans l'organisation sociale de la vie de notre espÚce en général, et ce, depuis des milliers d'années, comme l'attestent les manifestations d'art préhistorique.
Cependant, la conscience humaine et la connaissance humaine ne retrouvent pas leurs Ă©quivalents dans le reste du rĂšgne animal. La place de la culture dans le dĂ©veloppement de notre espĂšce n'a pas le mĂȘme sens dans notre vie que peut avoir la culture dans le reste des groupements sociaux animaux, si faible soit-elle pour cette derniĂšre, qui plus est n'est pas prĂ©sente au sein de toutes espĂšces animales. Par exemple :
- la foi et la pratique d'une religion ou d'une philosophie de vie ;
- l'importance accordée aux innovations humaines dans le domaine technologique ;
- l'expression artistique telle que les Ćuvres littĂ©raires ou architecturales ;
- la connaissance humaine et les savoirs rendus sous formes écrite, verbale, numérique, etc.;
- l'activité philosophique et les idéaux visés ;
- l'activité humaine et la pollution de l'environnement ;
- l'humanité et la prétention de pouvoir agir sur le reste du monde ;
- la recherche sur sa propre existence et d'un sens Ă la vie.
Bien entendu, il est probable - si peu - que la culture et les sociétés se retrouvent chez plusieurs espÚces animales, mais il n'y a que l'espÚce humaine qui a fondé des institutions sociales telles que l'école, les banques, ou le mariage, sur la base de ses croyances et de ses connaissances.
RĂŽle de la culture chez notre espĂšce sociale
Le fait que l'ĂȘtre humain ne puisse que difficielement survivre seul et qu'il ait besoin de l'aide des autres en fait un « ĂȘtre douĂ© de sociabilitĂ©, de communautĂ© ». Les communautĂ©s humaines sont en gĂ©nĂ©ral tissĂ©es d'un rĂ©seau complexe de relations sociales, de rites, d'usages, de croyances, de coutumes, de traditions, de normes sociales et de lois. Ce fait a Ă©tĂ© trĂšs tĂŽt remarquĂ© par les penseurs, en Orient comme en Occident : Aristote a dĂ©fini l'humain comme un « animal social » ; Confucius dĂ©clare que, personne ne pouvant vivre avec les bĂȘtes sauvages et les oiseaux, chacun se doit de participer Ă la sociĂ©tĂ©. La plupart des grandes crĂ©ations humaines sont le produit d'une gĂ©nĂ©alogie complexe d'influences culturelles et des efforts conjuguĂ©s d'un groupe ou d'un peuple. Des pyramides aux haĂŻku, des didgeridoo aux navettes spatiales, c'est Ă l'aspect social des humains que l'on peut relier la crĂ©ativitĂ© et l'inventivitĂ© qui marque nos cultures.
Le rÎle de la culture chez l'espÚce humaine dépasse grandement celui qu'elle joue chez les autres espÚces. Bien que l'on puisse douter de la culture présente chez les autres espÚces animales, deux définitions de la notion de culture cohabitent aujourd'hui en science. Dans sa définition faible, la culture englobe tous les comportements culturels du rÚgne animal :
« Ensemble de signes et de conduites constituant des distinctions dans le comportement de deux communautĂ©s appartenant Ă une mĂȘme espĂšce. Pour faire culture, ces signes et conduites doivent ĂȘtre partagĂ©s par les membres du groupe, ĂȘtre transmis socialement et individuellement, manifester des variations dans le temps et dans l'espace telles que ces variations appartiennent toutes finalement Ă un mĂȘme ensemble[38] »
Cependant, dans sa définition forte, la culture moderne n'admet que la culture humaine:
« Ensemble des principes, des reprĂ©sentations et des valeurs partagĂ©es par les membres d'une mĂȘme sociĂ©tĂ© (ou de plusieurs sociĂ©tĂ©s) et qui organisent leur façon d'agir sur eux-mĂȘmes, c'est-Ă -dire d'organiser leurs rapports sociaux, la sociĂ©tĂ©. Par valeurs on dĂ©signe les normes, positives ou nĂ©gatives, qui s'attachent dans une sociĂ©tĂ© Ă des maniĂšres d'agir, de vivre, ou de penser ; les unes Ă©tant proscrites, les autres prescrites[39] »
AdaptabilitĂ© de l'ĂȘtre humain
Si l'on considĂšre son aire de distribution, la diversitĂ© des climats et des habitats qu'il peuple, l'ĂȘtre humain, grĂące Ă son dynamisme et Ă sa capacitĂ© d'utiliser la matiĂšre s'adapte aux Ă©cosystĂšmes en les transformant. C'est l'une des espĂšces vivantes les plus polyvalentes pour modifier son environnement et apprivoiser les changements engendrĂ©s. Contrairement Ă de nombreuses autres espĂšces chez qui les capacitĂ©s d'adaptation sont dues Ă la morphologie, le degrĂ© d'adaptabilitĂ© tient d'abord Ă sa flexibilitĂ© comportementale due en particulier Ă son cerveau dĂ©veloppĂ©.
La plupart des espĂšces existantes (de la fourmi, au singe en passant par les reptiles ou les bactĂ©ries) ont une capacitĂ© d'adaptation en relation avec leurs biomes. L'ĂȘtre humain, comme les animaux domestiques par exemple, ne dispose pas d'attributs morphologiques lui permettant de se dĂ©fendre contre les prĂ©dateurs (cornes, crocs, griffes...) ou de survivre dans des conditions climatiques difficiles (pas de fourrure). Cela ne l'a cependant pas empĂȘchĂ© d'occuper la plupart des milieux terrestres, d'une part en sachant exploiter les ressources, en ignorant les consĂ©quences de ses actes, mais aussi en transformant le biome.
MĂȘme si la plupart des espĂšces transforment leur environnement (en construisant des nids, par exemple) et parfois de maniĂšre assez imposante comme les barrages construits par les castors, l'espĂšce humaine peut produire des transformations beaucoup plus radicales dans une Ă©valuation des modifications Ă©cologiques de l'habitat. Les pertes de la biodiversitĂ© planĂ©taire liĂ©es aux activitĂ©s humaines en sont un exemple d'actualitĂ©. GrĂące Ă leurs capacitĂ©s cognitives et grĂące aux connaissances technologiques acquises dans leur rĂ©seau social, les ĂȘtres humains sont capables de dĂ©truire leur environnement. Cette orientation de l'Ă©volution culturelle de l'espĂšce permet de dĂ©truire et de s'adapter de façon particuliĂšrement rapide par rapport aux autres espĂšces animales, pour lesquelles les capacitĂ©s d'adaptation sont principalement dĂ©terminĂ©es par les lois de l'Ă©volution biologique.
L'évolution biologique d'une espÚce, qui n'est ni de l'adaptation ni de l'évolution culturelle, est le fruit de mutation par la reproduction. Les espÚces avec un cycle reproducteur fréquent, les virus par exemple, évoluent rapidement, si l'on compare les temps de gestation avec les humains. La capacité de réagir de l'espÚce humaine à un changement environnemental est parfois rapide. Ce n'est toutefois pas une capacité d'adaptation physiologique ou organique qui est sollicitée mais plutÎt une adaptation comportementale ou technique, issue d'habitudes développées culturellement, inventées ou imitées.
L'évolution technique et culturelle a entraßné l'expansion de la population humaine, la modification de l'environnement terrestre et la civilisation des sociétés humaines au cours des derniÚres centaines de milliers d'années. Certains chercheurs soutiennent que l'évolution génétique a précédé l'évolution culturelle humaine. Par conséquent, la culture cognitive plus que la nature humaine a déterminé les transformations de l'environnement biophysique et sociale de l'espÚce humaine, ce qui a engendré une perte d'habitat et de biodiversité[40]. à ce sujet, le paléoanthropologue Yves Coppens soutient que « Le développement technique et culturel dépasse le développement biologique ».
Place du langage articulé
MĂȘme si plusieurs espĂšces ont des moyens de communication, rien de comparable aux Ă©laborations humaines et Ă la place que prend le langage articulĂ© n'a Ă©tĂ© observĂ© jusqu'Ă prĂ©sent. Les grammaires complexes ou les concepts abstraits que chaque humain utilise tous les jours ne se retrouvent nullement Ă l'Ă©tat naturel chez les autres espĂšces. Il est actuellement avancĂ© en zoologie que les Ă©paulards ont des accents linguistiques et des langues selon leur appartenance culturelle. Selon le linguiste Noam Chomsky, un trait des humains serait l'instinct du langage, un mĂ©canisme innĂ© du cerveau capable d'acquĂ©rir un langage par l'observation de notre entourage.
On peut Ă©mettre l'hypothĂšse selon laquelle il existe des traits dĂ©coulant d'un processus mental moins accessible, et peut-ĂȘtre propre Ă l'ĂȘtre humain : l'aptitude Ă crĂ©er des idĂ©aux et Ă y aspirer. Les ĂȘtres humains peuvent penser dans l'abstraction, manipuler des concepts, des idĂ©es. Ils peuvent se remettre en question, utiliser des raisonnements logiques, Ă©laborer des rĂšgles morales, planifier consciemment des actions Ă long terme, tout cela dans une dimension qu'on ne connaĂźt chez aucune autre espĂšce animale, mĂȘme si certaines ont montrĂ© des facultĂ©s dans ces domaines. Homo sapiens signifie d'ailleurs « homme sage », « homme qui pense ».
Il existe peu d'Ă©lĂ©ments pour apprĂ©hender les capacitĂ©s cognitives des autres espĂšces du genre Homo, comme Homo erectus, ou Homo neanderthalensis maintenant Ă©teintes. Leurs aptitudes au langage font encore l'objet de dĂ©bats passionnĂ©s, mĂȘme si Homo neanderthalensis prĂ©sentait les caractĂ©ristiques anatomiques indispensables Ă la parole. Il fabriquait Ă©galement des outils comparables Ă ceux des premiers Homo sapiens, et la supĂ©rioritĂ© de celui-ci sur son contemporain palĂ©olithique NĂ©andertal n'a rien de certain. L'Homme de NĂ©andertal avait notamment un cerveau plus volumineux.
Apprentissage et socialisation : les enfants sauvages
Si la gĂ©nĂ©tique n'est pas suffisante et que le rĂŽle du langage et de la culture sont des aspects essentiels de la nature humaine, l'humanitĂ© rentre dans le champ des dĂ©bats sur l'innĂ© et l'acquis, « nature et culture ». Ces questions se sont notamment posĂ©es au XIXe siĂšcle avec les Ă©tudes sur l'apprentissage et la socialisation des enfants sauvages et la question : quels apports culturels sont nĂ©cessaires aux enfants pour devenir des ĂȘtres humains ?
Approche de l'évolution culturelle en paléoanthropologie
Cette perspective, développée d'abord par Yves Coppens et Pascal Picq se fonde sur l'étude des premiers hominidés. Elle soutient que l'humanité est apparue aprÚs l'avÚnement de l'Homo sapiens.
Pour les palĂ©oanthropologues et une bonne partie des chercheurs dans le domaine en sciences sociales, l'Ă©volution biologique a prĂ©cĂ©dĂ© l'Ă©volution culturelle, mais cette derniĂšre a surpassĂ© les effets de l'Ă©volution biologique ; c'est-Ă -dire que, selon ce paradigme, la culture est plus Ă mĂȘme d'expliquer les transformations sociales et les diffĂ©rences entre les Hommes que la gĂ©nĂ©tique. Les palĂ©oanthropologues sont en accord avec l'approche biologique, jusqu'Ă un certain point ; ils conçoivent eux aussi que la culture est effectivement une donnĂ©e anthropologique (de l'ordre de la nature). Cependant ils ajoutent une nuance particuliĂšre, la place de la culture dans la vie de notre espĂšce animale :
« Les origines de notre espĂšce Homo sapiens sont certainement africaines et remontent Ă plus de 200 000 ans. Mais une rĂ©volution considĂ©rable arrive, portĂ©e par certaines populations d'Homo sapiens : la rĂ©volution symbolique, avec l'art qui apparaĂźt sous toutes ses formes â musique, gravure, peinture, sculpture, sans oublier les parures et mobilier funĂ©raire[41]. »
Afin de pouvoir comprendre dans quelle mesure l'Homo sapiens n'a pas Ă©tĂ© toujours un ĂȘtre humain, les palĂ©oanthropologues ont dĂ» chercher Ă comprendre ce phĂ©nomĂšne particulier. Ils en sont venus Ă la conclusion provisoire mais actuelle que l'humanitĂ© est en fait notre invention :
« C'est une construction de notre psychisme qui s'appuie nĂ©cessairement sur un substrat cognitif dont les origines remontent au-delĂ du dernier ancĂȘtre commun que nous partageons avec le chimpanzĂ©. Au cours de leur Ă©volution, les chimpanzĂ©s ne sont pas devenus des hommes ; quant aux hommes, il n'est pas certain qu'ils soient devenus humains[41]. »
En ce sens, ces chercheurs affirment que l'ĂȘtre humain est loin d'ĂȘtre une notion qui va de soi et qu'il faut parvenir Ă distinguer l'espĂšce de l'idĂ©al afin de saisir le propre de notre espĂšce. Sous cet angle d'analyse, l'ĂȘtre humain devient une crĂ©ation dans l'esprit de notre espĂšce. Le palĂ©oanthropologue Pascal Picq pose ainsi la question :
« Le propre de l'humain n'est-il pas justement de se poser cette question : « Qu'est ce que l'humain ? » Et est-ce ce sens propre à notre espÚce Homo sapiens ? Dans ce cas, les autres hommes, dits préhistoriques, étaient-ils des humains[42] ? »
Pour résumer, selon cette approche, la culture humaine, comprenant l'histoire, la connaissance humaine et le fait « humain » constituent la création de ce qui ressemble au propre de notre espÚce.
En opposition à cette approche se pose celle d'Edward Osborne Wilson et son approche sociobiologique qui sous-tend que la culture modifie la génétique et que les facteurs explicatifs des comportements et de la spécificité humaine sont d'ordre purement biologique. L'enjeu autour de la question demeure important et ladite réponse, non résolue, malgré les ressources de l'espÚce.
RĂ©sumĂ© sur le propre de l'ĂȘtre humain
En fin de compte, la question « quel est le propre de l'ĂȘtre humain ? » relĂšve sans doute d'abord de la biologie et de la philosophie. C'est aussi une question posĂ©e en science, comme c'est le cas en palĂ©oanthropologie et en sociobiologie.
Du point de vue de la biologie, cette question peut sembler peu pertinente pour les chercheurs et les éducateurs en sciences humaines. La paléoanthropologie apporte une réponse intéressante à la question, tout en se concentrant sur les aspects biologiques d'Homo sapiens. Une citation de Pascal Picq résume cette position scientifique :
« L'humain est bien une invention des hommes, qui repose sur notre héritage historique partagé, mais n'est pas une évidence pour autant. Homo sapiens n'est pas humain de fait[43]. »
Pour la philosophie et la religion les débats abstraits se poursuivent encore actuellement autour de la question de l'essence de la « nature humaine ».
La philosophe française Ălisabeth de Fontenay, dans Le Silence des bĂȘtes, la philosophie Ă l'Ă©preuve de l'animalitĂ©, considĂšre que toute dĂ©finition d'un « propre de l'homme » ou d'une « nature ou essence humaine », est dangereuse (et d'origine uniquement europĂ©enne), excluant ceux qui ne correspondent pas Ă cette dĂ©finition Ă ĂȘtre relĂ©guĂ© Ă une moindre humanitĂ©, les rapprochant du sort â souvent peu enviable â de l'« animal », terme trop gĂ©nĂ©ral pour ĂȘtre valable d'une point de vue philosophique.
Autre approche pour « le Propre de l'Homme » : l'espĂšce humaine est la seule Ă ne plus avoir d'altĂ©ritĂ© spĂ©cifique (cette altĂ©ritĂ© est nĂ©cessaire Ă la survie d'une espĂšce en matiĂšre d'adaptabilitĂ©/hybridation ). Toutes les espĂšces sociales ont une rigiditĂ© comportementale trans-historique intra-spĂ©cifique stricte, alors qu'elles sont extrĂȘmement mallĂ©ables en termes de comportemental avec l'environnement. Seule l'espĂšce humaine a un certain jeu (JE) dans les chaĂźnes de cette rigiditĂ© comportementale. Mon hypothĂšse est que ce « jeu » latent mais imperceptible chez les autres espĂšces s'est accru du fait du manque d'altĂ©ritĂ© spĂ©cifique (pas d'espĂšces voisines). Cette altĂ©ritĂ© comportementale (comme la polygamie des chefs citĂ©e par LĂ©vi Strauss) induit par itĂ©ration, une altĂ©ritĂ© culturelle qui peut se substituer Ă l'altĂ©ritĂ© spĂ©cifique (KERCOZ).
Approche de l'évolution culturelle : apprentissage social et mimétisme
Kevin Laland, biologiste évolutionniste de l'université de St. Andrews (Royaume-Uni), intéressé par l'évolution de la culture humaine, avec l'aide de ses collÚgues a examiné l'importance relative de l'apprentissage social et de l'acquisition de comportements à partir de l'observation des autres comparativement à l'innovation individuelle.
Le constat tiré de ses expériences est que la stratégie gagnante est l'imitation plutÎt que l'innovation. Ainsi, une implication globale de ce résultat concernant l'évolution culturelle de l'espÚce humaine est que notre succÚs évolutif pourrait résider dans la capacité de créer des réseaux sociaux et de savoir qui, quoi et quand copier[44] - [45].
L'unité de l'humanité
Antiquité
L'idée d'une unité de l'humanité est apparue dans les temps les plus anciens, avec beaucoup d'exceptions comme les esclaves, les barbares, les femmes, les autres...
En Chine, Confucius (551-479 av. J.-C.), contemporain des prĂ©socratiques, proposa, dans le climat de dĂ©cadence du pouvoir central de cette Ă©poque, un idĂ©al Ă©thique de l'homme oĂč la vertu est centrale, ainsi qu'un idĂ©al politique (les Entretiens).
Le ren ou jen est la vertu d'« humanitĂ© », de dignitĂ© de l'homme, sens de l'humain et de la sagesse. La Voie Dao (ou Tao) est, Ă cĂŽtĂ© du ren, le chemin des anciens. Mais cette « humanitĂ© » acquise par l'homme n'est pas celle de l'homme du commun, ordinaire, sans pouvoir ou sans sagesse, homme ordinaire semblable aux autres animaux, mis sur le mĂȘme plan dans l'Ă©chelle du CrĂ©Ă©[17].
Moyen Ăge
Il faut noter au Moyen Ăge l'intĂ©gration des concepts de mĂ©taphysique en occident (Thomas d'Aquin), Ă partir des Ă©changes qui eurent lieu avec le monde arabe. Cette possibilitĂ© a rĂ©sultĂ© d'une similitude d'approche entre les grandes religions sur des concepts fondamentaux de la philosophie antique, celle-ci Ă©tant reprĂ©sentĂ©e principalement par Aristote sur les questions mĂ©taphysiques : substance, ĂȘtre, essence, existence.
LumiĂšres
Cette notion de destin collectif a été développée au XVIIIe siÚcle par les philosophes, à travers les notions de droit naturel[46].
XIXe siĂšcle
L'idée de destin collectif est contestée au XIXe siÚcle par Arthur Schopenhauer et Friedrich Nietzsche.
Auguste Comte reprit l'idĂ©e d'humanitĂ© Ă travers ce qu'il appela le Grand-Ătre et la religion de l'HumanitĂ© (voir Positivisme religieux) : cette idĂ©ologie proposait en rĂ©alitĂ© une religion sans Dieu[47]. Elle fut rapidement dĂ©formĂ©e par certains de ses successeurs. Par exemple, Charles Maurras s'inspira de la synthĂšse subjective d'Auguste Comte (1854), et rĂ©duisit le Grand-Ătre Ă la nation. Il introduisit les formes modernes de nationalisme en France, et inspira de nombreux mouvements politiques, quelquefois extrĂ©mistes.
XXe siĂšcle
Henri de Lubac critiqua les humanismes athées du XIXe siÚcle (outre Auguste Comte, Feuerbach, Marx et Nietzsche)[48].
Les progrĂšs techniques vont provoquer des changements imprĂ©visibles dans la dĂ©finition de ce qu'est l'« ĂȘtre humain », notamment des actions sur la gĂ©nĂ©tique et des cyborgs. Par exemple, l'Ă©crivain de science-fiction Isaac Asimov a Ă©noncĂ© les trois lois de la robotique pour encadrer les pouvoirs dĂ©lĂ©guĂ©s aux robots, et s'est interrogĂ© dans plusieurs de ses romans sur ce qui ferait d'un robot un membre de l'humanitĂ©.
Certains courants philosophiques modernes ont niĂ© l'existence d'une nature humaine. C'est le cas, par exemple, du marxisme pour lequel la nature se rĂ©duit à « l'ensemble des rapports sociaux » (Karl Marx). Dans une mĂȘme perspective, pour l'existentialisme français, « l'existence prĂ©cĂšde l'essence » (Jean-Paul Sartre), de sorte que, au sens strict, la nature humaine n'existe pas. Plusieurs autres philosophes contemporains continuent de tenter de dĂ©finir la nature humaine.
La notion d'humanité a donné la notion de solidarité étendue à toute l'espÚce, souvent résumée par le mot « humanitaire ».
L'humanitĂ© est donc l'ensemble des ĂȘtres humains, quelles que soient leurs diffĂ©rences, qu'elles soient culturelles, ethniques, religieuses, philosophiques, sexuelles, gĂ©ographiques ou autres.
Dans le christianisme
L'unitĂ© de l'humanitĂ© revĂȘt deux formes :
Unité de la nature humaine
Au niveau de chaque individu, le corps, l'esprit, et l'Ăąme forment une seule nature, la nature humaine.
Saint Paul affirme en effet :
- « Que le Dieu de paix lui-mĂȘme vous sanctifie tout entier, et que tout ce qui est en vous, l'esprit, l'Ăąme et le corps, se conserve sans reproche jusqu'au jour de l'avĂšnement de notre Seigneur JĂ©sus-Christ[49] ! ».
L'Ăglise catholique romaine l'exprime de la façon suivante :
- « L'unité de l'ùme et du corps est si profonde que l'on doit considérer l'ùme comme la forme du corps ; c'est-à -dire, c'est grùce à l'ùme spirituelle que le corps constitué de matiÚre est un corps humain et vivant ; l'esprit et la matiÚre, dans l'homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature »[50].
Unité de la Création
D'autre part, l'humanitĂ© est incluse, avec tous les ĂȘtres vivants, dans l'unitĂ© de la CrĂ©ation qui a aussi une unitĂ© d'esprit, Ă travers l'Esprit Saint. La priĂšre eucharistique IV mentionne ainsi l'expression de « CrĂ©ation tout entiĂšre » :
- « Ă nous qui sommes tes enfants, accorde, PĂšre trĂšs bon, lâhĂ©ritage de la vie Ă©ternelle auprĂšs de la Vierge Marie, la bienheureuse MĂšre de Dieu, auprĂšs des ApĂŽtres et de tous les saints, dans ton royaume, oĂč nous pourrons, avec la crĂ©ation tout entiĂšre enfin libĂ©rĂ©e du pĂ©chĂ© et de la mort, te glorifier par le Christ, notre Seigneur, par qui tu donnes au monde toute grĂące et tout bien ».
Saint Paul affirme aussi le destin commun des ĂȘtres en disant que le dessein de Dieu est de « ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les ĂȘtres cĂ©lestes comme les terrestres »[51].
Dans l'islam
Dans l'islam, comme dans le christianisme, l'humanitĂ© descend d'Adam et de sa femme (dans la tradition islamique appelĂ©e កawwÄh) qui apparaissent dans le Coran comme le premier homme et la premiĂšre femme[52].
L'humanité est vue comme une seule famille, et sa diversité en fait une occasion de s'enrichir mutuellement[53]:
« Loin dâĂȘtre une malĂ©diction la dissemblance est au contraire posĂ©e comme une misĂ©ricorde divine et que le Coran affirme en Ă©clairant sa finalitĂ© : « Ă hommes ! Nous vous avons crĂ©es dâun mĂąle et dâune femelle, et nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous connaissiez mutuellement». La pluralitĂ© des sociĂ©tĂ©s humaines a donc pour objectif de susciter une dynamique de lâinterconnaissance. »
Droit
En droit international
Le sâest tenu Ă lâUNESCO (Organisation des Nations unies pour l'Ă©ducation, la science et la culture) un colloque ayant pour thĂšme « LâespĂšce humaine peut-elle se domestiquer elle-mĂȘme ? ». Le directeur gĂ©nĂ©ral de lâUNESCO, monsieur Matsuura, avait alors exposĂ© les deux enjeux de cette question : lâenjeu scientifique, mais Ă©galement lâenjeu Ă©thique, et exposa ainsi la problĂ©matique : « Pour la premiĂšre fois de son histoire, lâhumanitĂ© va donc devoir prendre des dĂ©cisions politiques, de nature normative et lĂ©gislative, au sujet de notre espĂšce et de son avenir. Elle ne pourra le faire sans Ă©laborer les principes dâune Ă©thique, qui doit devenir lâaffaire de tous. Car les sciences et les techniques ne sont pas par elles-mĂȘmes porteuses de solutions aux questions quâelles suscitent. Face aux dĂ©rives Ă©ventuelles dâune pseudoscience, nous devons rĂ©affirmer le principe de dignitĂ© humaine. Il nous permet de poser lâexigence de non-instrumentalisation de lâĂȘtre humain ». LâespĂšce humaine ainsi apprĂ©hendĂ©e dans sa vulnĂ©rabilitĂ© gĂ©nĂ©tique pose la question de son statut juridique : est-elle un sujet de droit ? Est-elle protĂ©gĂ©e en elle-mĂȘme ? Comment est-elle protĂ©gĂ©e ?
Paradoxalement, alors que les confĂ©rences insistent de plus en plus sur lâespĂšce humaine et sur son devenir, les textes internationaux ne protĂšgent pas pour le moment lâespĂšce humaine par un dispositif qui lui serait expressĂ©ment rattachĂ©.
Les quelques rares textes qui font mention de lâespĂšce humaine le font dans leur prĂ©ambule, au titre de fondement gĂ©nĂ©ral aux dispositions du corps du texte, qui ne vise donc pas directement Ă protĂ©ger lâespĂšce humaine elle-mĂȘme ; ainsi peut-on lire dans le prĂ©ambule de la DĂ©claration sur la race et les prĂ©jugĂ©s raciaux adoptĂ©e par acclamation le 27 novembre 1978 Ă la vingtiĂšme session de la confĂ©rence gĂ©nĂ©rale de lâUNESCO Ă Paris pour fonder la non-hiĂ©rarchisation de ses membres : alinĂ©a 5 : « PersuadĂ©e que lâunitĂ© intrinsĂšque de lâespĂšce humaine et, par consĂ©quent, lâĂ©galitĂ© fonciĂšre de tous les ĂȘtres humains et de tous les peuples, reconnue par les expressions les plus Ă©levĂ©es de la philosophie, de la morale et de la religion, reflĂšte un idĂ©al vers lequel convergent aujourdâhui lâĂ©thique et la science, ». Il ne faut ici pas confondre la protection de lâespĂšce humaine en tant que telle, et lâinterdiction de la hiĂ©rarchisation de ses membres qui est prĂ©cisĂ©ment lâobjet des dispositions de la DĂ©claration.
La Convention d'Oviedo (Convention pour la protection des Droits de lâhomme et de la dignitĂ© de lâĂȘtre humain Ă lâĂ©gard des applications de la biologie et de la mĂ©decine), convention sur les Droits de lâhomme et la biomĂ©decine Ă©laborĂ©e au sein du Conseil de lâEurope du 4 avril 1997, fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă lâespĂšce humaine dans lâalinĂ©a 10 de son prĂ©ambule : « Convaincus de la nĂ©cessitĂ© de respecter lâĂȘtre humain Ă la fois comme individu et dans son appartenance Ă lâespĂšce humaine et reconnaissant lâimportance dâassurer sa dignitĂ© [âŠ] ». LâespĂšce humaine est de premier abord prĂ©sentĂ©e de nouveau comme attribut dâun sujet de droit pour fonder la protection de celui-ci ; toutefois, la problĂ©matique du directeur gĂ©nĂ©ral de lâUNESCO trouve dans le corps de la convention une rĂ©sonance au sein de lâarticle 13 de la convention, intitulĂ© « Interventions sur le gĂ©nome humain » situĂ© sous le Chapitre IV relatif au « GĂ©nome humain ». En effet, cet article Ă©nonce quâ « Une intervention ayant pour objet de modifier le gĂ©nome humain ne peut ĂȘtre entreprise que pour des raisons prĂ©ventives, diagnostiques ou thĂ©rapeutiques et seulement si elle nâa pas pour but dâintroduire une modification dans le gĂ©nome de la descendance. » Ce texte se prĂ©occupe explicitement, non pas seulement de la dĂ©finition gĂ©nĂ©tique de lâindividu lui-mĂȘme, mais Ă©galement de sa descendance Ă travers son patrimoine gĂ©nĂ©tique, et, par lĂ mĂȘme, de lâespĂšce. La protection ainsi Ă©laborĂ©e nâest cependant pas absolue. En effet, le texte ne retient la modification du gĂ©nome de la descendance comme illicite que dans la mesure oĂč cette modification nâest pas le but poursuivi ; a contrario, si le gĂ©nome de la descendance nâest pas la motivation directe de la modification du gĂ©nome, cette modification est licite dans les cas gouvernĂ©s par « des raisons prĂ©ventives, diagnostiques ou thĂ©rapeutiques » relatives Ă la personne subissant lâintervention.
La procĂ©dure se dĂ©compose traditionnellement en une signature par un plĂ©nipotentiaire (chef dâĂtat, ministre des Affaires Ă©trangĂšresâŠ) et une ratification, qui consiste en une confirmation de cette signature, par lâorgane compĂ©tent propre Ă chaque Ătat, qui lie ainsi, de façon effective, lâĂtat au traitĂ©. Ainsi, une convention internationale nâa thĂ©oriquement valeur de droit positif que si, aprĂšs avoir Ă©tĂ© signĂ©e, elle a Ă©tĂ© ratifiĂ©e (en droit français, la ratification est le fait du prĂ©sident de la RĂ©publique, conformĂ©ment Ă lâarticle 52 de la Constitution, aprĂšs autorisation du Parlement selon les cas Ă©numĂ©rĂ©s Ă lâarticle 53 de la Constitution). La portĂ©e de cette protection est donc trĂšs relative[54].
La valeur juridique de ces traitĂ©s dĂ©pend de la comprĂ©hension propre Ă chaque systĂšme juridique de ce qui constitue une atteinte Ă lâespĂšce humaine. La France a adoptĂ© rĂ©cemment une des premiĂšres lĂ©gislations spĂ©cifiques visant explicitement Ă protĂ©ger lâespĂšce humaine.
En droit français
La loi du 29 juillet 1994 relative au corps humain (une des lois dites bioĂ©thiques) a introduit, dans le droit français, la disposition selon laquelle « Nul ne peut porter atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© de lâespĂšce humaine » (article 16-4 1er alinĂ©a Code civil français). Cette disposition figure parmi les principes gĂ©nĂ©raux devant gouverner les recherches scientifiques et les pratiques mĂ©dicales (articles 16 Ă 16-9 c.civ.). Dâimportants dĂ©bats existent sur la portĂ©e et la signification pratique Ă donner Ă cette interdiction : en effet, les alinĂ©as subsĂ©quents de lâarticle 16-4 Ă©noncent les interdictions de lâeugĂ©nisme, du clonage reproductif (cette interdiction a Ă©tĂ© introduite par la loi bioĂ©thique du 7 aoĂ»t 2004), et de la modification des « caractĂšres gĂ©nĂ©tiques dans le but de modifier la descendance de la personne ». Ainsi, le premier alinĂ©a doit-il ĂȘtre interprĂ©tĂ© indĂ©pendamment des autres, ce qui reviendrait Ă distinguer lâinterdiction de porter atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© de lâespĂšce humaine, lâinterdiction des pratiques eugĂ©niques et lâinterdiction du clonage, auquel cas le premier alinĂ©a demeure Ă©nigmatique ? Ou ce premier alinĂ©a doit-il ĂȘtre interprĂ©tĂ© Ă la lumiĂšre des alinĂ©as subsĂ©quents, auquel cas lâintĂ©gritĂ© de lâespĂšce humaine serait atteinte par la rĂ©alisation dâactes dâeugĂ©nisme ou de clonage ?
Une rĂ©ponse semble pouvoir exceptionnellement ĂȘtre recherchĂ©e dans la traduction pĂ©nale de ces interdictions : en effet, ce sont les mĂȘmes textes qui figurent dans le Code civil français et dans le Code pĂ©nal, textes qui ont Ă©tĂ©, de surcroĂźt, introduits par les mĂȘmes lois. ProtĂ©gĂ©e pĂ©nalement depuis 1994 Ă lâarticle 511-1 du Code pĂ©nal, dans le livre qui protĂ©geait les animaux des sĂ©vices graves (le Livre V du Code pĂ©nal), lâespĂšce humaine a reçu par la loi bioĂ©thique du 7 aoĂ»t 2004 une protection renforcĂ©e, les dispositions la protĂ©geant ayant Ă©tĂ© dĂ©placĂ©es en partie dans le livre II, lui faisant partager Ă prĂ©sent lâintitulĂ© du Titre I qui rĂ©primait les crimes contre l'humanitĂ©, soit : « Des crimes contre lâhumanitĂ© et contre lâespĂšce humaine », et lui consacrant le sous-titre II intitulĂ© « Des crimes contre lâespĂšce humaine » regroupant les articles 214-1 et suivant.
Lâenjeu de ces dispositions est de prĂ©server les spĂ©cificitĂ©s biologiques de lâespĂšce humaine que sont toutes ses caractĂ©ristiques gĂ©nĂ©tiques :
- par la rĂ©pression des « pratiques eugĂ©niques tendant Ă lâorganisation de la sĂ©lection des personnes » (article 214-1 Code PĂ©nal). De plus le Conseil dâĂtat, dans son rapport du 25 novembre 1999 Lois bioĂ©thiques : cinq ans aprĂšs, prĂ©cisa quâil fallait entendre dans cette dĂ©finition le caractĂšre systĂ©matique de la sĂ©lection afin de ne pas assimiler les pratiques de procrĂ©ation mĂ©dicalement assistĂ©e aux pratiques eugĂ©niques : leur caractĂšre non systĂ©matique est apprĂ©ciĂ© par lâexigence de « choix propres [, par nature contingent], Ă des couples confrontĂ©s Ă lâannonce dâune maladie dâune particuliĂšre gravitĂ© ». La pertinence de ce critĂšre est critiquĂ©e par la doctrine qui propose comme autre critĂšre de distinction : le cadre thĂ©rapeutique ; ou encore, sur la distinction kantienne selon laquelle il faut considĂ©rer lâhomme non comme un moyen mais comme une fin, distinguer la sĂ©lection motivĂ©e par le sentiment dâempathie envers lâĂȘtre Ă naĂźtre atteint dâune « maladie dâune particuliĂšre gravitĂ© reconnue comme incurable au moment du diagnostic » (articles 2131-1, 2131-4, 2131-4-1, 2141-2 Code de la SantĂ© publique), de la sĂ©lection motivĂ©e par un sentiment utilitariste de cet ĂȘtre perçu comme devant permettre lâamĂ©lioration de lâespĂšce humaine ;
- par la rĂ©pression du clonage reproductif (article 214-2 Code pĂ©nal), comme portant atteinte au caractĂšre sexuĂ© de la reproduction humaine (consistant en la rencontre de gamĂštes de patrimoine gĂ©nĂ©tique diffĂ©rent), et portant atteinte, Ă grande Ă©chelle, Ă la diversitĂ© biologique de l'espĂšce humaine (qui est un de ses facteurs d'adaptation). Le clonage thĂ©rapeutique, consistant en la crĂ©ation d'un embryon humain Ă partir de cellules dâune personne malade, destinĂ© Ă fournir des cellules souches prĂ©levĂ©es puis cultivĂ©es pour fournir un tissu ou un organe gĂ©nĂ©tiquement compatible avec le patient, ou implantĂ©es dans le corps de celui-ci pour que son organisme reconstitue des cellules dĂ©faillantes, n'est pas rĂ©primĂ© au titre de la protection de l'espĂšce humaine, mais au titre de la protection de l'embryon dans le Livre V du Code pĂ©nal (art. 511-17 et 511-18 Code pĂ©nal). Par ailleurs l'infraction de clonage thĂ©rapeutique est un dĂ©lit (puni d'un maximum de 7 ans dâemprisonnement et 100 000 ⏠dâamende), alors que l'infraction de clonage reproductif est un crime (puni, tout comme le crime d'eugĂ©nisme, dâun maximum de 30 ans de rĂ©clusion criminelle et de 7 500 000 ⏠d'amende). Cette diffĂ©rence de traitement est toutefois elle aussi critiquĂ©e dans la mesure oĂč dâun point de vue anthropologique, toujours selon la distinction kantienne, le clonage thĂ©rapeutique dĂ©classe la perception de la vie humaine au rang de mĂ©dicament (Ă ne pas confondre avec le bĂ©bĂ©-mĂ©dicament qui consiste, pour un couple ayant un enfant malade et dĂ©sirant avoir un deuxiĂšme enfant, Ă saisir l'opportunitĂ© que peut offrir la compatibilitĂ© gĂ©nĂ©tique des cellules du petit frĂšre pour sauver l'aĂźnĂ©, par le prĂ©lĂšvement de cellules sur le cordon ombilical, le don de sang ou encore de moelle Ă©piniĂšre, ce qui n'entrave nullement l'accĂšs sain Ă la vie de cet enfant), donc de moyen, ce qui peut apparaĂźtre au moins aussi grave que le clonage reproductif[55] ; toutefois, d'autres auteurs justifient cette diffĂ©rence par le caractĂšre dâutilitĂ© publique, d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (pour les personnes nĂ©es atteintes aujourd'hui et demain d'une maladie grave et incurable), que peut revĂȘtir la motivation de procĂ©der Ă de telles recherches, contre le clonage reproductif motivĂ© par le seul intĂ©rĂȘt Ă©goĂŻste des couples d'avoir un enfant[56].
Les crimes contre lâespĂšce humaine peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme le deuxiĂšme ensemble dâinfractions les plus graves du systĂšme juridique français, aprĂšs les crimes contre l'humanitĂ©, apparaissant en deuxiĂšme position (aprĂšs les crimes prĂ©citĂ©s) dans lâĂ©nonciation des infractions dans le Code pĂ©nal, et lâaction publique se prescrivant, par exception au droit commun (10 ans pour les crimes), par un dĂ©lai de 30 ans (ce dĂ©lai ne commençant par ailleurs Ă courir quâĂ la majoritĂ© de lâenfant qui serait nĂ© du clonage), lâaction publique relative aux crimes contre lâhumanitĂ© Ă©tant, quant Ă elle, imprescriptible. On peut, par ailleurs, voir dans les crimes contre lâespĂšce humaine le complĂ©ment de la protection de lâhomme initiĂ© par les crimes contre lâhumanitĂ©, ces derniers protĂ©geant lâhomme dans sa dimension mĂ©taphysique : le respect de son humanitĂ© et de sa dignitĂ©, et les crimes contre lâespĂšce humaine protĂ©geant lâhomme dans sa dimension matĂ©rielle : sa dĂ©finition gĂ©nĂ©tique et sa spĂ©cificitĂ© biologique.
L'ĂȘtre humain et son environnement
Dans plusieurs traditions philosophiques et religieuses, il existe une forme de domination de l'ĂȘtre humain sur les autres ĂȘtres vivants[57]. Cette forme de domination semble avoir Ă©tĂ© accentuĂ©e et rĂ©cupĂ©rĂ©e par des cultures humaines vers le XVIIe siĂšcle, lorsque, par exemple, Descartes affirme, dans la sixiĂšme partie du Discours de la mĂ©thode :
- « [...] au lieu de cette philosophie spĂ©culative qu'on enseigne dans les Ă©coles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons les divers mĂ©tiers de nos artisans, nous les pourrions employer en mĂȘme façon Ă tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maĂźtres et possesseurs de la nature »[58].
L'idée de domination est remplacée par Descartes par celle de « maßtrise » et de « possession ».
Pour les biologistes contemporains, l'ĂȘtre humain est un primate. Pour les Ă©cologistes et les anthropologues, l'ĂȘtre humain contemporain moderne entretient une culture qui modifie consciemment le biotope terrestre Ă une vitesse qui n'a jamais Ă©tĂ© atteinte par d'autres ĂȘtres vivants. Cependant, l'importance de cette modification est aujourd'hui encore bien loin derriĂšre les effets d'autres ĂȘtres vivants, par exemple les bactĂ©ries et les plantes qui ont modifiĂ© la composition de notre atmosphĂšre. De ce point de vue, l'ĂȘtre humain est un animal en rupture culturelle avec son environnement naturel. La quasi-totalitĂ© des rĂ©actions des humains civilisĂ©s est liĂ©e Ă des peurs et des dĂ©sirs qui influent sur son jugement et son comportement de façon non maĂźtrisĂ©e, voire inconsciente pour certains. Cette orientation culturelle, d'une vision historique a marquĂ© la pensĂ©e sociale et peut se retrouver sous la forme de dictons tel que celui prononcĂ© par Thomas Hobbes : « L'homme est un loup pour l'homme ». ParallĂšlement Ă ces visions anthropomorphiques de supĂ©rioritĂ©, Ă la domination culturelle humaine exercĂ©e sur la biosphĂšre et Ă la l'influence de certains individus de l'espĂšce humaine sur d'autres, existaient, existent et existeront des idĂ©ologies pratiques d'interrelation et d'interdĂ©pendance avec ce qui nous entoure, nous supporte et nous rĂ©conforte, la nature.
Vision d'interdépendance
Des modes de pensĂ©e concevant l'ĂȘtre humain comme Ă©tant liĂ© Ă son environnement existent depuis des millĂ©naires ; l'idĂ©e selon laquelle l'ĂȘtre humain est perçu plutĂŽt comme Ă©tant ce qu'il est parce que les autres sont ce qu'ils sont, existait et existe en mĂȘme temps que la vision de supĂ©rioritĂ© mais pas dans les mĂȘmes cultures.
Cette vision d'interdĂ©pendance s'exprime encore clairement actuellement chez plusieurs peuples aborigĂšnes ou amĂ©rindiens. Par exemple, chez les Inuits la terminologie pour dĂ©crire notre espĂšce signifie littĂ©ralement « gens ». Ce concept pluriel se distingue de celui d'«ĂȘtre humain» qui est plutĂŽt singulier. Il en va de mĂȘme pour la philosophie de l'Ubuntu qui ne peut concevoir sa propre existence qu'en relation avec celle des autres et de celle du Temps du rĂȘve. Ces peuples vont se concevoir comme de simples intervenants parmi d'autres dans le fonctionnement du monde. Chaque autre Ă©lĂ©ment, qu'il soit vĂ©gĂ©tal, minĂ©ral ou animal, a son importance et a droit d'existence et au respect. Ce respect peut parfois s'illustrer par la croyance en l'incarnation d'un esprit ou d'un dieu incarnant ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments.
Le type de vision d'interdĂ©pendance des ĂȘtres humains entre eux et avec leur environnement a pris son importance dans les sociĂ©tĂ©s individualistes depuis les annĂ©es 1980 avec la montĂ©e des discours, des idĂ©es Ă©cologistes et des connaissances. Plusieurs autres facteurs ont aussi favorisĂ© l'Ă©mergence de ce type de discours qui peut aussi s'apercevoir dans les idĂ©es actuelles de partage de savoirs pour le bien de tous.
Cette conception de l'interdépendance existe également en science, dans les traditions philosophiques et religieuses, notamment la tradition judéo-chrétienne qui conçoit la Création comme un tout.
Notes et références
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
- Homo sapiens | Femme et Homme
- Culture | Culture (Ă©thologie) | Sciences humaines | Anthropologie
- Théorie synthétique de l'évolution | Paléoanthropologie | Sociobiologie
- Humanisme | Patrimoine mondial | Droits de l'homme | Crime contre l'humanité
- Humanologie
- Internationalisme
- Transhumanisme
- Jean-Jacques Rousseau, auteur du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
- David Hume, auteur du Traité de la nature humaine
- Richard Dawkins, The Ancestor's Tale
- Jared Diamond, Le TroisiÚme chimpanzé, essai sur l'évolution et l'avenir de l'animal humain