Ătre
Le terme ĂȘtre peut ĂȘtre utilisĂ© comme verbe ou substantif. TrĂšs employĂ© dans la philosophie dans ce dernier cas, il peut dĂ©signer suivant le contexte « ce qui est ; la RĂ©alitĂ© ; l'Existence ; une personne dans sa sensibilitĂ© intime »[1]. En tant que verbe, il dĂ©signe en gĂ©nĂ©ral ce que nous ressentons exister d'une maniĂšre ou d'une autre dans la perception, qu'elle soit sensible ou intelligible. L'ontologie est une branche de la mĂ©taphysique[2] qui Ă©tudie les propriĂ©tĂ©s de l'ĂȘtre d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, telles que l'existence, la durĂ©e, le devenir[3].
On peut analyser l'ĂȘtre par diffĂ©rentes mĂ©thodes (en suivant des distinctions classiques, cf. ParmĂ©nide, Aristote, Thomas d'Aquin, Pascal, Descartes, Kant, etc.).
- Une analyse du mot (einai, esse, sein, to be, essere, etc.) permet de distinguer deux sens fondamentaux : ĂȘtre tel ou tel, ou ĂȘtre d'une maniĂšre absolue.
- Le concept peut aussi s'analyser à partir des catégories linguistiques sous lesquelles il se présente.
Ces derniĂšres distinctions, en plus d'ĂȘtre des analyses linguistiques, dĂ©terminent Ă©galement pour une bonne part les sens essentiels de l'analyse mĂ©taphysique. Ce sont des catĂ©gories au moyen desquelles le rĂ©el est apprĂ©hendĂ©, conçu et thĂ©orisĂ©, selon diverses interprĂ©tations philosophiques et scientifiques ; elles permettent en outre de clarifier un concept qui reste assez confus.
Linguistique
SĂ©mantique de l'ĂȘtre
Le mot ĂȘtre en français est polysĂ©mique et a des emplois variĂ©s, qu'il convient d'analyser pour Ă©viter les confusions. Il y a lieu par ailleurs de tenir compte des emplois du ou des terme(s) Ă©quivalent(s) à « ĂȘtre » dans d'autres langues pour ne pas passer Ă cĂŽtĂ© de certains aspects.
« Ătre » comme verbe prĂ©dicatif
Distinction logique ou mĂ©taphysique sur les affections de l'ĂȘtre par exemple.
- ĂȘtre un ĂȘtre, c'est exister (en tant que le sujet est posĂ© dans son acte d'ĂȘtre) ou c'est possĂ©der l'ĂȘtre. On peut envisager l'existence selon diffĂ©rents points de vue :
- sens substantiel : « je pense donc je suis » oĂč le « donc » exprime une immĂ©diatetĂ© et non un raisonnement (Descartes),
- sens phénoménal : une chose est quand elle est actuellement présentée dans l'expérience (Berkeley, Kant),
- sens objectif : une chose est quand elle est affirmée comme valable pour l'expérience de tous les individus.
- ĂȘtre au sens de l'identitĂ© : « a est b » signifie que a et b sont la mĂȘme chose, qu'ils sont deux noms diffĂ©rents de la mĂȘme chose (ils ont le mĂȘme rĂ©fĂ©rent). Exemples : Paris est la capitale de la France ; (Ă la fin d'un roman policier) : L'assassin, c'est le notaire ; Ămile Ajar, c'est Romain Gary[4] - [5].
- ĂȘtre au sens de la subsomption ou de l'instanciation (« ĂȘtre une sorte de ») :
- dire que les tigres sont des animaux, c'est affirmer que la classe des tigres est une sous-classe de celle des animaux : il y a donc subsomption d'une classe sous une autre.
- dire que Shere Khan est un tigre, c'est énoncer que l'entité (ou l'individu) Shere Khan constitue une instance de la classe des tigres[6] - [7].
- ĂȘtre au sens de possĂ©der une propriĂ©tĂ© (ou qualitĂ©, ou attribut) : le verbe ĂȘtre exprime alors une relation intrinsĂšque entre le sujet et le prĂ©dicat[8]. Une propriĂ©tĂ© est plus ou moins permanente (voire dĂ©finitionnelle) : ĂȘtre de sexe masculin est une propriĂ©tĂ© plus fondamentale que ĂȘtre Français, elle-mĂȘme plus permanente que ĂȘtre facteur, ĂȘtre riche ou ĂȘtre malade. Cette distinction se reflĂšte dans diverses langues, comme en espagnol (ser # estar). Parmi les Ă©tats non permanents, on peut encore distinguer entre :
- les Ă©tats contingents rĂ©versibles (ĂȘtre malade, en colĂšre, absent) ou cycliques (le feu est au rouge),
- les états transitoires irréversibles (il est encore jeune ; ces cerises ne sont pas mûres),
- les Ă©tats dĂ©finitifs irrĂ©versibles (ĂȘtre manchot, ĂȘtre mort).
- ĂȘtre exprimant diverses relations statiques, circonstancielles ou non, par exemple :
- relations logiques, mathématiques, géométriques⊠(deux droites perpendiculaires à une troisiÚme sont parallÚles entre elles),
- repérage spatial (le Tibet est en Asie ; Jean est à l'étranger ; les WC sont au fond à droite),
- repérage temporel (il est tard ; le rendez-vous est à quinze heures),
- relation sociale (Louise est la belle-sĆur d'Albert ; M. Martin est mon supĂ©rieur hiĂ©rarchique),
- relation de possession (ce portefeuille est Ă moi) ou de partie au tout (c'est mon pied),
- comparaison (il est plus grand que toi ; le Mont-Blanc est le plus haut sommet des Alpes),
- apprĂ©ciation subjective (ce tableau est magnifique)âŠ
- ĂȘtre au sens situationnel d'ĂȘtre prĂ©sent (ex. : russe est' sup, littĂ©ralement « il est de la soupe », traduit en français par « il y a », anglais « there is / are », allemand « es gibt »).
« Ătre » comme substantif
Distinction ontologique ou théologique.
- le fait d'ĂȘtre ou acte d'ĂȘtre, l'existence
- ce qui est réellement (ens reale), la substance ou essence
- un ĂȘtre existant dans la pensĂ©e, ĂȘtre de raison : objet de pensĂ©e artificiellement crĂ©Ă© par l'esprit, sans existence en soi
- une instance du vivant (généralement humain).
Dans chaque catĂ©gorie, les philosophes ont donnĂ© des sens variĂ©s au mot ĂȘtre. On remarque que l'ĂȘtre en gĂ©nĂ©ral dĂ©signe soit une rĂ©alitĂ© dĂ©terminĂ©e (ĂȘtre tel, ĂȘtre un Ă©tant), soit une rĂ©alitĂ© plus fondamentale, un ĂȘtre plus rĂ©el. Dans ce dernier cas, on peut parvenir soit Ă l'idĂ©e d'un Ătre qui contienne en lui tous les ĂȘtres et toutes les dĂ©terminations (la nature ou un dieu immanent), soit Ă l'idĂ©e d'un ĂȘtre qui n'est aucun ĂȘtre, mais est le degrĂ© de suprĂȘme perfection de l'ĂȘtre (ens summum, un dieu absolument transcendant).
« Ătre » comme outil grammatical
En français comme dans d'autres langues, le verbe ĂȘtre est Ă©galement utilisĂ©, en tant qu'auxiliaire :
- pour former les temps composés de certains verbes, traditionnellement appelés verbes « d'état » et de mouvement (il est devenu philosophe ; j'étais monté à l'étage : nous serions intervenus si nous l'avions pu) ;
- pour former le passif d'autres verbes (la falaise est rongée par la mer ; il a été frappé par des voyous).
Point de vue cognitiviste
La linguistique cognitive rejette l'idĂ©e que le verbe ĂȘtre (de) serait vide de sens et n'aurait qu'une fonction grammaticale (et que seuls le sĂ©mantisme du sujet et de l'attribut seraient Ă considĂ©rer). Elle considĂšre quâĂȘtre constitue le prototype de la classe des procĂšs imperfectifs[9]. Selon Langacker, « [le verbe ĂȘtre] profile la continuation Ă travers le temps d'une situation stable caractĂ©risĂ©e uniquement comme une relation statique ; il s'agit d'un vĂ©ritable verbe, dont tous les Ă©tats composants sont interprĂ©tĂ©s comme Ă©tant identiques, mais en dehors du fait que [ces Ă©tats] constituent des relations, il est non spĂ©cifique au plus haut point quant Ă leur nature »[9].
Le verbe ĂȘtre ne marquerait donc pas la relation d'inclusion ou d'identitĂ©, mais une valeur purement aspectuelle.
Point de vue de Korzybski
Alfred Korzybski, thĂ©oricien de la SĂ©mantique gĂ©nĂ©rale, a mis en garde ses lecteurs contre certaines utilisations du verbe ĂȘtre[10]. Il considĂšre que la polysĂ©mie de ce verbe[11] engendre la confusion intellectuelle, et que la relation d'identitĂ©, qui est l'un de ses sens possibles, n'existe tout simplement pas dans la rĂ©alitĂ©. Sa phrase fameuse, Une carte n'est pas le territoire, signifie que l'esprit fait usage en permanence, et le plus souvent inconsciemment, de diffĂ©rents niveaux d'abstraction que nous avons tendance Ă confondre si nous n'y prenons garde, le langage entretenant cette confusion. Ainsi, selon lui, nous ne devrions pas dire « la rose est rouge » (est d'attribution), mais plutĂŽt « je vois la rose comme Ă©tant rouge » (ou verte, si je suis daltonien, etc.). De mĂȘme, une rose n'« est » pas une fleur, c'est nous qui la catĂ©gorisons ainsi. Il considĂšre que la confusion entre ces niveaux d'abstraction est symptomatique chez les primitifs et chez les malades mentaux.
« L'utilisation trop large que nos usages grammaticaux nous ont appris Ă faire du verbe ĂȘtre est en bonne partie responsable des fausses identifications, des confusions entre les diffĂ©rentes niveaux d'abstractions⊠Le verbe ĂȘtre peut ĂȘtre utilisĂ© de quatre maniĂšre diffĂ©rentes. Les deux premiers usages ne donnent pas lieu Ă difficultĂ© :
- le verbe ĂȘtre signifie exister, se trouver : « Je suis dans le salon », « Il est dans un endroit dont le souvenir me poursuit » ;
- le verbe ĂȘtre est utilisĂ© comme auxiliaire dans la formation des temps composĂ©s.
Mais⊠le danger surgit :
- quand l'utilisation du verbe ĂȘtre conduit Ă identifier de maniĂšre erronĂ©e des niveaux d'abstraction diffĂ©rents, en reliant deux noms qui sont mis sur le mĂȘme niveau : « L'homme est un animal », « Georges Dupont est un ouvrier » ⊠Ici, le verbe ĂȘtre signifie en rĂ©alitĂ© : « pouvoir ĂȘtre dĂ©signĂ© comme⊠», « pouvoir ĂȘtre appelé⊠» et surtout « pouvoir ĂȘtre classé⊠».
- quand le verbe ĂȘtre est utilisĂ© pour mettre en relation un nom et un ou plusieurs adjectifs. C'est impliquer que les caractĂ©ristiques dĂ©signĂ©es par ces derniers existent dans la chose ou la personne reprĂ©sentĂ©e par le nom alors qu'elles dĂ©coulent de la relation entre l'observateur et l'observĂ©. Le verbe ĂȘtre signifie ici et doit ĂȘtre compris comme : « telle personne, telle chose, m'apparaĂźt (nous apparaĂźt, lui apparaĂźt, etc.) comme » ou « nous jugeons telle chose de telle façon » (HĂ©lĂšne Bulla de Villaret, Introduction Ă la SĂ©mantique GĂ©nĂ©rale de Korzybski, Le Courrier du Livre)
Il donne aussi l'exemple, repris de Dorothy Lee, de la langue des habitants des Ăles Trobriand, qui ignorerait les verbes ĂȘtre et devenir : on ne peut pas dire qu'un taytu (sorte d'igname) « est » mĂ»r (ou non, ou trop mĂ»r), difforme, tachĂ© de rouille, etc., parce que le terme taytu ne s'applique qu'Ă un taytu bien mĂ»r, sain, bien formĂ©, de premiĂšre rĂ©colte ; tout autre cas de figure nĂ©cessite l'usage d'un terme entiĂšrement diffĂ©rent, comme bwabawa, nukunokuna, etc. De plus, taytu non seulement fait rĂ©fĂ©rence Ă un Ă©tat et un aspect bien prĂ©cis du tubercule en question, mais il implique Ă©galement l'existence et la prĂ©sence : l'Ă©noncĂ© taytu signifie donc « il y a des taytus ». L'ĂȘtre Ă©tant considĂ©rĂ© comme immuable, la notion de devenir est sans objet, et le Trobriandais n'exprime pas de diffĂ©renciation temporelle (comme nous le faisons par la conjugaison), ni ne distingue les objets de la rĂ©alitĂ© de ceux qui ressortent du mythe par exemple.
Philosophie occidentale
Généralités
Pour les philosophes depuis l'antiquitĂ© la question du sens de l'ĂȘtre est Ă la fois la plus Ă©vidente, car la premiĂšre, et en mĂȘme temps la plus compliquĂ©e, cela car manquant de rĂ©fĂ©rentiels, les philosophes ne savent Ă quoi la rattacher de plus gĂ©nĂ©ral afin de pouvoir complĂštement la cerner.
On oppose frĂ©quemment HĂ©raclite et ParmĂ©nide sur la question de l'ĂȘtre, ce premier affirmant le devenir, et ce dernier, l'ĂȘtre : « L'ĂȘtre pour HĂ©raclite Ă©tait un ocĂ©an de feu toujours en mouvement ; pour les ElĂ©ates, c'est comme un ocĂ©an de glace Ă jamais immobile[12]. »
Platon pensait que le monde des idĂ©es existait de maniĂšre concrĂšte, Ă la maniĂšre des ĂȘtres rĂ©els et donc qu'il reprĂ©sentait une rĂ©alitĂ© Ă part entiĂšre, alors que maintenant les philosophes admettent que les idĂ©es ne sont que des propositions logiques, mais que l'idĂ©e d'un cercle, par exemple, n'existe pas comme existe un objet rĂ©el. Seuls existent les objets (matĂ©riels), c'est-Ă -dire ceux qui appartiennent au rĂ©el.
Dans sa MĂ©taphysique, Aristote Ă©crit : « Il y a une science qui Ă©tudie lâĂȘtre en tant quâĂȘtre ainsi que les attributs qui lui appartiennent de par sa nature propre. Elle ne se confond avec aucune des sciences dites particuliĂšres. En effet, aucune de celles-ci nâĂ©tudie de maniĂšre gĂ©nĂ©rale lâĂȘtre en tant quâĂȘtre. DĂ©coupant une partie de lâĂȘtre, elles nâĂ©tudient les attributs que de cette partie. Ainsi opĂšrent par exemple les sciences mathĂ©matiques »[13]. Ce questionnement ontologique sâest dĂ©veloppĂ© dans la scolastique mĂ©diĂ©vale jusqu'Ă nos jours[14].
La question du sens de l'« ĂȘtre » est le thĂšme principal de la philosophie de Martin Heidegger et de son maĂźtre ouvrage Ătre et Temps. Au sein de cette problĂ©matique qu'il ne fit que cerner mais qui resta pour lui un mystĂšre, il distingua l'ĂȘtre de l'Ă©tant. Les Ă©tants sont les ĂȘtres qui existent alors qu'ĂȘtre est le verbe, soit la propriĂ©tĂ© des Ă©tants. De plus, pour lui la technique et le monde matĂ©riel en occupant l'esprit de l'homme de façon secondaire, le dĂ©tournaient de la question fondamentale de l'ĂȘtre.
L'homme a constatĂ© qu'il existe plusieurs sortes, plusieurs formes d'ĂȘtres, distinguant ainsi le rĂšgne minĂ©ral, le rĂšgne vĂ©gĂ©tal, puis animal, et enfin l'ĂȘtre humain. Les biologistes en considĂ©rant que seule la nature fixe les caractĂ©ristiques d'un ĂȘtre et donc son appartenance Ă un des rĂšgnes prĂ©citĂ©s, de par son organisme, comprennent qu'un ĂȘtre devient tel lorsqu'il tend Ă une unitĂ©, lorsqu'il vit pour lui et s'oppose ainsi Ă l'extĂ©rieur. Cela devient en effet vrai avec la matiĂšre vivante qui donc, encore une fois, tend Ă unifier les ĂȘtres.
Pour la religion chrĂ©tienne, un ĂȘtre devient un ĂȘtre de par la valeur divine qu'il a reçue. C'est ainsi l'esprit, qui d'une certaine maniĂšre sert Ă rĂ©sumer toute la matiĂšre vivante d'un organisme, d'une crĂ©ature, et qui donne son vĂ©ritable sens Ă l'ĂȘtre. L'homme est le summum de la crĂ©ation de Dieu, et pour les chrĂ©tiens, l'histoire de l'univers et donc l'histoire de l'apparition de l'ĂȘtre, avec en bout de course l'apparition de l'ĂȘtre humain, montre qu'en Ă©tant passĂ© par la matiĂšre, par l'univers matĂ©riel, nous retombons sur des rĂ©alitĂ©s divines, Ă savoir l'esprit, la conscience et les sentiments qui l'accompagnent. Cela permet de conclure que pour les ChrĂ©tiens la notion d'ĂȘtre vient de Dieu (l'ĂȘtre par excellence), et qu'il ne s'agit en fait que du concept de Vie, d'Ă©nergie vitale, et dont la valeur est capable de gĂ©nĂ©rer au sein des ĂȘtres Ă©voluĂ©s que nous sommes le bien et le mal des Ă©vangiles.
CaractĂšre intuitif de l'ĂȘtre
Sous la forme la plus brute et la plus consensuelle, on doit admettre quâil y a de l'ĂȘtre. Mais cette intuition sans vĂ©ritable contenu donne lieu Ă des interprĂ©tations trĂšs diffĂ©rentes. Le caractĂšre immĂ©diat et vague de cette intuition est ainsi trĂšs proche du nĂ©ant, et il a Ă©tĂ© trĂšs diversement apprĂ©ciĂ©, soit comme intuition de l'infini, soit comme point de dĂ©part absolu de la pensĂ©e, ou comme pure illusion ; l'indĂ©termination de l'ĂȘtre est parfois valorisĂ©e en elle-mĂȘme, comme dans la philosophie arabe (cf. Avicenne, philosophe d'origine perse).
On peut donc distinguer les intuitions suivantes :
- permanent : l'Ătre en tant qu'Ătre de ParmĂ©nide,
- transcendant : lâIdĂ©e de Platon et la substance d'Aristote ;
- intuition mystique, comme chez Plotin ;
- transcendance : substance chez Thomas d'Aquin ;
- réflexive : c'est le cogito de Descartes
- apodictique et immanente : la substance de Spinoza ;
- intuition de l'ĂȘtre comme l'infini (cf. Malebranche) ;
- expĂ©rience (intuition fondamentale) pure ou participative : c'est l'Ătre-Acte ou prĂ©sence totale de Lavelle ;
- empirique ou idĂ©aliste : c'est le percipi de Berkeley, le phĂ©nomĂšne de Husserl ou lâĂ©tant de Heidegger et l'En-Soi de Sartre (tous deux indiffĂ©renciĂ©s).
Quelques divisions ontologiques
Si, Ă prĂ©sent, nous considĂ©rons l'ĂȘtre en tant qu'il se prĂ©sente Ă nous (en reprenant les distinctions de sens relatif Ă d'autres concepts), nous trouvons plusieurs maniĂšres de diviser l'ĂȘtre ; ces divisions sont des maniĂšres pour notre esprit de concevoir l'ĂȘtre et donc de le connaĂźtre :
- ĂȘtre pensĂ© et ĂȘtre sensible ;
- pensĂ©e, rĂ©alitĂ©, existence sont diffĂ©rents visages de l'Ătre qui se divise ainsi selon la participation (Lavelle) ;
- ĂȘtre en acte et ĂȘtre en puissance ;
- ĂȘtre rĂ©el, ĂȘtre de fiction, ĂȘtre de raison : dans la mesure oĂč les ĂȘtres de fiction et de raison ne sont que des modes de la pensĂ©e, ils ne sont pas du tout des ĂȘtres.
- ĂȘtre nĂ©cessaire, possible, contingent : l'ĂȘtre nĂ©cessaire est celui dont l'essence enveloppe l'existence, il existe nĂ©cessairement par sa seule nature. L'ĂȘtre possible est celui dont l'essence n'enveloppe qu'une existence possible.
Et plusieurs maniÚres de déterminer ses affections :
- catégories empiriques ;
- catégories transcendantales.
Certains philosophes, tels que Nietzsche et Heidegger, ont affirmĂ© que la division ontologique fondamentale de l'Occident est celle qui place d'un cĂŽtĂ© un Ătre immuable et hors du temps, et d'un autre cĂŽtĂ© un ĂȘtre changeant, un moindre ĂȘtre, soumis au temps et Ă la corruption. Ainsi, dans la mĂ©taphysique occidentale, c'est l'idĂ©e que les hommes se sont faite du temps qui serait Ă l'origine de la division des rĂ©gions de l'ĂȘtre et de leur hiĂ©rarchisation.
DĂ©termination de l'ĂȘtre par rapport Ă d'autres concepts
L'ĂȘtre est le lieu de rencontre (virtuel) de nombreux dualismes qui s'expriment Ă partir de la classification prĂ©cĂ©dente :
- Distingue-t-on le cas du sujet (Dasein (ĂȘtre lĂ ), Pour-Soi) de celui de lâobjet ?
- La distinction procÚde-t-elle d'une ùme (objets animés et inanimés) qui habite un corps ?
- Ou le sujet est-il un accident de la matiĂšre (autopoĂŻĂšse ?)
- Quelle relation entre l'ĂȘtre et lâessence (l'ĂȘtre de l'ĂȘtre) ?
- L'ĂȘtre est-il un reflet (une ombre) d'une essence primordiale, ou au contraire, l'existence prĂ©cĂšde-t-elle l'essence ?
- Quelle relation entre l'ĂȘtre et lâexistence ?
Notes et références
- « Ătre », dans le Dictionnaire de l'AcadĂ©mie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales.
- Voir le dictionnaire Le Robert.
- Voir le TLF.
- Exemple discuté par François Recanati dans Philosophie du langage (et de l'esprit), Gallimard Folio Essais, p. 159-160.
- Le fait que deux expressions aient le mĂȘme rĂ©fĂ©rent ne signifie pas que ces expressions soient totalement interchangeables dans un Ă©noncĂ© quelconque.
- L'appartenance ou non Ă une classe, ou catĂ©gorie, peut ĂȘtre envisagĂ©e de façon graduelle et non binaire, comme dans la ThĂ©orie du prototype.
- Selon Antoine Culioli (in Pour une linguistique de l'Ă©nonciation, OpĂ©rations et reprĂ©sentations, Ophrys, 2000), « l'identification » (qu'il dĂ©finit comme le fait pour le sujet de poser qu'une occurrence a est une occurrence de la notion A) « peut ĂȘtre conçue de deux façons : soit comme l'identification de telle occurrence Ă une notion typique, ce qui nous donne l'indiscernabilitĂ© qualitative, soit comme l'abolition de la distance qui sĂ©pare des occurrences, chacune dĂ©jĂ identifiĂ©e, ce qui produit une identification qualitative Ă travers l'altĂ©ritĂ© situationnelle » (dans ce dernier cas, on Ă©limine les diffĂ©rences jugĂ©es non pertinentes).
- Dans diverses langues, on utilise, pour exprimer une propriĂ©tĂ© telle que « ĂȘtre blanc » par exemple, soit des verbes spĂ©cifiques, soit des adjectifs. Il n'y a alors pas de verbe ĂȘtre exprimĂ©.
- CogniTextes 1.1 (2007), [CE LIEN NE FONCTIONNE PLUS ! MERCI DE FOURNIR LE BON] Ătre dans tous ses Ă©tats : vers une description conceptuelle du verbe Ătre dans la dĂ©finition en langue naturelle, par Paul Sambre.
- Alfred Korzybski, Une carte n'est pas le territoire, Ă©d. L'Ăclat, 1998.
- Il mentionne, Ă la suite de Bertrand Russell, « au moins quatre usages entiĂšrement diffĂ©rents » du verbe ĂȘtre dans les langages indo-europĂ©ens : verbe auxiliaire, existence, attribution et identitĂ©, en contestant la pertinence des deux derniers.
- Alfred Fouillée et Ligaran, Histoire de la philosophie, Ligaran, , 517 p. (ISBN 978-2-335-16835-8, lire en ligne), p. 76.
- MĂ©taphysique, Gamma 1.
- Keiji Nishitani 2008.
Bibliographie
- Sur la nature, Parménide
- Sophiste, Platon
- MĂ©taphysique, Aristote
- Ătre et essence, Thomas d'Aquin
- De l'Ătre, Louis Lavelle
- « Ătre » et « Avoir » dans leurs fonctions linguistiques, ProblĂšmes de linguistique gĂ©nĂ©rale, 1, Ămile Benveniste, Gallimard 1966
- Ătre et temps, Martin Heidegger
- L'Ătre et le nĂ©ant, Jean-Paul Sartre
- La MĂ©taphysique, Claudine Tiercelin
- L'Ătre et l'essence, Ătienne Gilson
- L'Ătre et l'ĂvĂ©nement, Alain Badiou
- Les Ă©chelons de l'Ătre. De la molĂ©cule Ă lâesprit, Michel Lefeuvre - LâHarmattan, 1997
- Pierre Aubenque, Le problĂšme de l'ĂȘtre chez Aristote : essai sur la problĂ©matique aristotĂ©licienne, PUF, , 551 p. (ISBN 978-2-13-054951-2)
- L'ĂȘtre et la logique, Serge Druon, Edilivre, (ISBN 978-2-8121-2258-3), 2009
- Christos Clairis - François FĂ©dier : SĂ©minaire sur le Sophiste, Sorbonne, 2007-2008, UniversitĂ© Paris Descartes, Ediciones del Taller de Investigaciones GrĂĄficas de la Escuela de Arquitectura y Diseño de la Pontificia Universidad CatĂłlica de ValparaĂso, ValparaĂso (Chile), . Trad. al castellano de Miguel Eyquem y Pablo OrtĂșzar, revisada por Christos Clairis. EdiciĂłn bilingĂŒe (francĂ©s-castellano).
- De l'Existant Ă la racine « ĂȘtre » : recherche d'archĂ©types de la signification - Ătude des racines sĂ©mitiques : bilitĂšres, « ĂȘtre », « tomber », GaĂ«ll Guibert - Publibook 2011
Articles
- HervĂ© Pasqua, « L'unitĂ© de l'Ătre parmĂ©nidien », Revue Philosophique de Louvain, vol. 90, no 86,â , p. 143-155 (lire en ligne)
- Keiji Nishitani, « Le problĂšme de lâĂȘtre et la question ontologique », Laval thĂ©ologique et philosophique, FacultĂ© de philosophie, UniversitĂ© Laval, vol. 64, no 2,â , p. 305-325 (ISSN 1703-8804, DOI 10.7202/019501ar, lire en ligne)