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Barbara Cassin

Barbara Cassin, née le à Boulogne-Billancourt (Seine), est une philologue, helléniste et philosophe française, spécialiste des philosophes grecs et de la rhétorique de la modernité.

Directrice de recherche au CNRS, traductrice, et directrice de collections consacrées à la philosophie, elle prend en 2006 la direction du centre Léon-Robin puis, en 2010, la présidence du CollÚge international de philosophie, dont elle dirige la revue Rue Descartes en parallÚle, pour l'UNESCO.

Elle est élue à l'Académie française le , devenant la neuviÚme femme académicienne, et la cinquiÚme, à cette date, de l'effectif féminin actuel[1].

Biographie

Famille

Laure Sylvie Barbara Cassin est née du mariage de Pierre Cassin[nb 1], conseiller juridique, et d'HélÚne Caroli, artiste peintre[3].

Elle est veuve d'Étienne Legendre, notaire crĂ©ateur d'un centre hippique[4]. Elle a deux fils[3] - [5].

Étudiante à l'ombre de Heidegger (1964-1974)

AprĂšs des Ă©tudes secondaires au lycĂ©e Jean-de-La-Fontaine de Paris, elle entre en hypokhĂągne au lycĂ©e Pasteur de Neuilly-sur-Seine, oĂč elle est l'Ă©lĂšve du poĂšte et philosophe Michel Deguy, puis en khĂągne au lycĂ©e FĂ©nelon[3], mais n'est pas reçue au concours d'entrĂ©e Ă  l'École normale supĂ©rieure (Paris)[6]. Elle assiste par ailleurs, au lycĂ©e Condorcet, aux cours de Jean Beaufret, un ami de Martin Heidegger.

En 1968, elle soutient à la Sorbonne, sous la direction de Ferdinand Alquié, un mémoire de maßtrise en philosophie dans lequel elle aborde les fondements logiques de l'ontologie à travers la correspondance sur ce sujet de Leibniz et d'Arnauld[7]. C'est en passionnée de la pensée d'Heidegger qu'elle rencontre celui-ci[8] au Séminaire du Thor[9], auquel elle participe[10] et qui se tient la deuxiÚme semaine de septembre 1969 chez René Char[11], figure exemplaire de l'intellectuel résistant[12].

Tout en continuant ses Ă©tudes dans l'universitĂ© en restructuration de l'aprĂšs-Mai 68, elle travaille occasionnellement comme traductrice[13]. Elle est en particulier sollicitĂ©e par Gallimard pour participer Ă  la traduction de La Crise de la culture : huit exercices de pensĂ©e politique d'Hannah Arendt, oĂč l'auteur interroge ce que sont devenues la tradition, l'histoire, la libertĂ©, la vĂ©ritĂ©, la politique, l'Ă©ducation dans une modernitĂ© dont le discours ne se fonde plus sur l'autoritĂ©. L'opĂ©ration est renouvelĂ©e deux ans plus tard pour Vies politiques du mĂȘme auteur, oĂč est Ă©voquĂ© le passĂ© nazi de Heidegger.

Elle s'inscrit en 1971 aux séminaires du centre Léon-Robin de la Sorbonne et du Centre de recherches philologiques de l'université de Lille III. Elle est chargée de cours à l'université de Saint Denis, tout en préparant son doctorat Ús lettres en philosophie[3], qu'elle obtient en 1974 en soutenant une thÚse sur le traité pseudo-aristotélicien Sur Melissus, Xénophane et Gorgias[14]. Elle publie sa thÚse sous le titre Si Parménide[15].

Professeure de philosophie (1974-1984)

Elle prĂ©pare le CAPES tout en assurant, de 1974 Ă  1976, une vacation de pĂ©dagogue pour adolescents psychotiques Ă  l’hĂŽpital de jour Étienne-Marcel, Ă  Paris, oĂč Françoise Dolto supervise depuis dix ans la prise en charge des tout petits[16]. Cette rencontre avec la langue absolument Ă©trangĂšre, intraduisible, des fous[rĂ©fĂ©rence souhaitable], aussi dĂ©terminante qu'avec Heidegger[11], amĂšne le psychanalyste Jacques-Alain Miller Ă  lui confier de 1975 Ă  1979 la charge d'un cours du DĂ©partement de psychanalyse de l'UniversitĂ© de Vincennes Ă  Saint-Denis. Entretemps, grĂące Ă  deux bourses de l'Office allemand d'Ă©changes universitaires, elle Ă©tudie en 1976 Ă  l'universitĂ© de Fribourg, oĂč avait enseignĂ© Martin Heidegger, puis en 1978 Ă  l'universitĂ© de Heidelberg.

Bien qu'elle ait échoué six fois à l'agrégation de philosophie[17] - [6], elle obtient le certificat de professeur et est affectée chaque année, de 1979 à 1984, dans un établissement différent (lycée François-Villon à Paris, lycée Youri-Gagarine de Chaumont, lycée Salengro d'Avion, prÚs de Lens, lycée Lamarck d'Albert, lycée Fénelon de Cambrai, lycée Poncelet de Saint-Avold).

Durant ce cursus, elle exerce pendant trois annĂ©es, de 1980 Ă  1982, comme maĂźtre de confĂ©rences Ă  l’ENA, oĂč elle est chargĂ©e de la mĂ©thodologie des sĂ©minaires, et, de 1981 Ă  1984, elle enseigne comme chargĂ©e de cours au Centre de recherches philologiques de l’universitĂ© Lille-III.

En 1983, Pierre Aubenque lui délÚgue l'organisation du séminaire sur la pensée antique, au sein du Centre Léon-Robin de la Sorbonne.

Chercheuse au centre LĂ©on-Robin et au Ciph (1984-1992)

En , elle organise avec Monique Canto le colloque Qu'est-ce que la sophistique ? au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle[18]. Simultanément son appartenance au centre Léon-Robin est entérinée par un recrutement au CNRS. Désormais attachée de recherche détachée à l'unité mixte de recherche (UMR) 8061, elle travaille avec Pierre Aubenque. Elle devient directrice de recherche en 1996 et prend la direction du centre en 2006.

ParallĂšlement, cette mĂȘme annĂ©e 1984, elle prend en charge un des sĂ©minaires du CollĂšge international de philosophie, oĂč elle devient directrice de recherche de 1988 Ă  1992 et siĂšge au conseil de 1990 Ă  1993. À plusieurs reprises, elle collabore avec Michel Narcy. Ensemble, ils traduisent et Ă©ditent en 1989 le livre Γ de la MĂ©taphysique d'Aristote[19].

En 1990, elle est sollicitĂ©e par Eric Alliez et la revue 34 Letras, liĂ©e Ă  Gilles Deleuze et FĂ©lix Guattari, pour prĂ©parer la fondation Ă  Sao Paulo de la maison d'Ă©dition Editora 34. Du 10 au 13 octobre, elle rĂ©unit Ă  la Sorbonne, pour un colloque intitulĂ© Les StratĂ©gies contemporaines d'appropriation de l'AntiquitĂ©, Elizabeth Anscombe, Pierre Aubenque, Jacques Brunschwig, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Umberto Eco, Paul RicƓur, entre autres[20], autour d'un questionnement, qui est le sien, sur les liens entre pensĂ©e antique et monde contemporain[21], la rĂ©manence de celle-lĂ  dans celui-ci[22].

Cette mĂȘme annĂ©e 1990, elle s'engage dans le projet de construction d'une philosophie europĂ©enne en participant sous la direction de Pierre Nora Ă  la Librairie europĂ©enne des idĂ©es du Centre national du livre. En 1991, elle lance avec Alain Badiou aux Ă©ditions du Seuil une sĂ©rie de publications bilingues d’Ɠuvres philosophiques au sein de la collection Points-Essais. L'annĂ©e suivante, c'est Ă  cette codirection que François Wahl, dĂ©missionnaire, confie la collection L’Ordre philosophique[23], qu'il avait fondĂ©e vingt-cinq ans plus tĂŽt avec Paul RicƓur.

Pluralité culturelle et modernité de la sophistique (1993-2001)

De 1993 à 2000, elle coordonne, au sein du groupe de recherche GDR 1061 du CNRS, une centaine de chercheurs qui se proposent d'élaborer un dictionnaire définissant les variations sémantiques des concepts philosophiques à travers leurs emplois dans différentes langues et différents contextes. Ce travail aboutit en 2004 par la publication du Vocabulaire européen des philosophies .

En 1994, elle soutient Ă  l'universitĂ© Paris-IV une thĂšse d'État sous la direction de Pierre Aubenque[24]. Cette thĂšse, Ă  laquelle Si ParmĂ©nide aura servi de prolĂ©gomĂšnes[25], est publiĂ©e sous le titre L'Effet sophistique dans la prestigieuse collection de la NRF[26]. Outre une confrontation entre des auteurs de l'AntiquitĂ© (HomĂšre, ParmĂ©nide, Gorgias, Antiphon, Aristote) et des penseurs contemporains (Frege, Heidegger, Arendt, Lacan, Perelman, Habermas), l'ouvrage offre de nombreux documents, dont la traduction de textes dans certains cas partiellement inĂ©dits en français (le TraitĂ© du non-ĂȘtre de Gorgias et son Éloge d'HĂ©lĂšne dans leur intĂ©gralitĂ©, les TĂ©tralogies d'Antiphon ou encore le traitĂ© Sur la maniĂšre d'Ă©crire l'histoire de Lucien de Samosate).

À la suite de l'abolition de l'apartheid, elle participe Ă  la fondation, Ă  l'universitĂ© du Cap, d'une Ă©cole de rhĂ©torique qui devenue depuis l'Association de rhĂ©torique et de communication de l'Afrique du Sud[27] (ARCSA), avec Philippe-Joseph Salazar, membre du CollĂšge international de philosophie, dont la thĂšse avait Ă©tĂ© censurĂ©e dix ans plus tĂŽt par le gouvernement d'Afrique du Sud. Elle en est la vice-prĂ©sidente[28] et l'une des correspondantes pour la France[29].

À partir de 1995, elle siĂšge en tant que reprĂ©sentante Ă©lue au ComitĂ© national du CNRS.

Quelles formes de discours pour quel monde ? (2002-2006)

De 2002 à 2006, le CNRS lui confie le pilotage d'un Projet international de coopération scientifique (PICS 1455) avec l'Afrique du Sud intitulé Rhétoriques et démocraties. Corollairement, l'Institut Max Planck la charge de définir le programme de philosophie que la Commission européenne[30] a décidé de mettre en ligne sur le site European Cultural Heritage on line[31] (ECHO). Son équipe réalise de décembre 2003 à juin 2004, en collaboration avec les éditions du Robert et du Seuil, la maquette de la future version en ligne du Vocabulaire européen des philosophies[32].

Entretemps, elle retrouve, en 2005, le Centre national du livre, qu'elle avait quittĂ© en 1997 au bout de sept annĂ©es, au sein de la commission « Philosophie et thĂ©ologie », et rejoint Ă  la Sorbonne Jonathan Barnes, qui l'avait fait connaĂźtre en 1983 par un commentaire de son Si ParmĂ©nide, dans l'animation d'un sĂ©minaire de master de deuxiĂšme annĂ©e. L'annĂ©e suivante, elle prend en charge elle-mĂȘme pour deux ans ce mĂȘme sĂ©minaire et publie Google-moi : la deuxiĂšme mission de l'AmĂ©rique, un ouvrage sur le moteur de recherche de Google. Elle y dĂ©nonce les effets paradoxaux d'une diffusion de masse dont l'algorithme, basĂ©e Ă  l'inverse de son propre projet ECHO sur une quantification de la popularitĂ©, tend Ă  occulter les qualitĂ©s les plus heuristiques d'une base de donnĂ©es.

En 2006 et 2007, elle participe à un programme d'études, intitulé Corpus et financé par l'Agence nationale de la recherche, sur les données et les outils de la recherche en sciences humaines et sociales et intÚgre le groupe d'experts conseillers en matiÚre de plurilinguisme du ministre européen de l'éducation de la commission Barroso, Jån Figel'. Le successeur de ce dernier, Leonard Orban, prolongera cette mission jusqu'en 2008.

Enjeux politiques autour de la langue (2007-2010)

De 2007 à 2009, le CNRS lui confie une seconde mission de coopération internationale, intitulée Traductions croisées / traditions croisées, dont l'objet est de conduire avec l'Ukraine une étude critique de l'influence de la langue sur les conceptions philosophiques.

En , à la suite du refus de publier Le Perçu de François Wahl, Barbara Cassin et Alain Badiou démissionnent des éditions du Seuil[33]. En septembre, ils fondent chez Fayard la collection Ouvertures dont l'objectif revendiqué est de « délimiter la philosophie en explorant ses bords »[34]. Ils y éditent la somme phénoménologique refusée par le Seuil.

En 2008, elle quitte la commission « Philosophie et thĂ©ologie » du Centre national du livre pour prĂ©sider durant deux annĂ©es cette mĂȘme commission avec un nouvel intitulĂ© Philosophie, psychanalyse, sciences religieuses. Elle entre au conseil d’administration du CollĂšge international de philosophie, dont elle prĂ©sidait le conseil scientifique depuis 2003, et participe au partenariat unitĂ© mixte internationale nouvellement organisĂ© entre l'Institut des sciences humaines et sociales du CNRS, et l'universitĂ© de New York autour d'un sujet d'Ă©tudes intitulĂ© Transitions, translations, durabilitĂ©. Pour quatre annĂ©es, elle entre au bureau de la ConfĂ©rence des prĂ©sidents du ComitĂ© national du CNRS (CoCNRS), oĂč elle siĂšge jusqu'en 2004, et prĂ©side une des instances de celui-ci, la commission XXXV chargĂ©e d'Ă©valuer les chercheurs en philosophie, littĂ©rature, histoire des sciences et musicologie.

À ce titre, elle dĂ©nonce publiquement le « dĂ©mantĂšlement » de la recherche française et le dĂ©nigrement pratiquĂ© par le prĂ©sident Nicolas Sarkozy Ă  l'encontre du CNRS[35]. À l'initiative du psychanalyste Roland Gori, elle rassemble les protestations de professionnels de la mĂ©decine, de l'Ă©ducation et de la culture subissant le mĂȘme sort, L'Appel des appels, pour une insurrection des consciences[36].

En 2009, elle rejoint pour deux annĂ©es AndrĂ© Laks au pilotage d'un projet financĂ© par l'ANR sur les « prĂ©socratiques grecs, prĂ©socratiques latins ». SimultanĂ©ment, le CNRS lui confie la responsabilitĂ© d'un groupement de recherche international (GDRI) intitulĂ© Philosopher en langues. Comparatisme et traduction et l’Unesco celle d'un nouveau « rĂ©seau des femmes-philosophes » et de sa Revue des femmes-philosophes[37].

Elle abandonne la direction du Centre LĂ©on-Robin pour prendre en la prĂ©sidence du conseil d’administration du CollĂšge international de philosophie, devenant ainsi le responsable Ă©ditorial de la revue de l'Ă©tablissement, Rue Descartes, et crĂ©e avec Fernando JosĂ© de Santoro Moreira un programme d'Ă©changes pour les « second et troisiĂšme cycles (pt) » (CAPES) de l'UniversitĂ© du BrĂ©sil de Rio. Elle dĂ©livre dans ce cadre un enseignement synthĂ©tisant quarante annĂ©es d'une recherche consacrĂ©e Ă  dĂ©terminer comment la langue et le rĂ©cit d'HomĂšre ont façonnĂ© la pensĂ©e occidentale, Les Origines du langage philosophique - stratĂ©gies rhĂ©toriques et poĂ©tiques de la sagesse antique : souvent sans le savoir, « nous sommes tous des lecteurs d'HomĂšre. »[nb 2]

L'articulation entre les enjeux politiques et les langues est l'un des grands axes de ses travaux[38] - [39]. Elle se montre critique Ă  l'Ă©gard de langues comme le globish qu'elle qualifie de repoussoir de la traduction[40] ou la langue espĂ©ranto. Par exemple, sur l'espĂ©ranto, dans Plus d'une langue, (Bayard, coll. « Les petites confĂ©rences », 2012), elle Ă©crit : « Non, la langue ne se rĂ©duit pas Ă  un calcul, et l'EspĂ©ranto ne fonctionne pas, car c'est artificiel, insuffisant, sans Ă©paisseur d'histoire ni de signifiant, sans auteurs et sans Ɠuvres
 L'EspĂ©ranto, aussi mort qu'une langue morte, n'est la langue maternelle de personne. ». La lecture des articles de Wikipedia sur l'EspĂ©ranto permet de relever neuf erreurs dans cette citation.

Engagements personnels (2011-2014)

En 2011, elle fait partie du comitĂ© des fondateurs de l'Institut de psychanalyse[41] de l'hĂŽpital Sainte-Anne, dont le chef de service lacanien Françoise Gorog prend la direction, et entre au conseil scientifique du Labex TransferS, Ă©manation du CNRS, de Normale et du CollĂšge de France, affectĂ©e Ă  la promotion et l'Ă©tude des Ă©changes culturels, notamment par l'informatique, oĂč elle prend en charge trois des programmes de recherche.

En 2012, elle fonde chez Autentica Editora Ă  Sao Paulo la collection Simul et en assure une part de la direction.

Membre de l'école doctorale Concepts et langage de la Sorbonne, elle consacre désormais une grande partie de son temps au nouage du discours et de la politique que réalisent en Afrique les commissions vérité et réconciliation.

Les Maisons de la Sagesse (depuis 2017)

À la suite de l'exposition au MUCEM de Marseille[42] (dĂ©cembre 2016 - mars 2017) dont elle Ă©tait la commissaire, dĂ©clinĂ©e en 2017-2018 Ă  la Fondation Martin Bodmer Ă  GenĂšve, elle crĂ©e et prĂ©side en 2017 l'association Maisons de la Sagesse - Traduire, qui vise Ă  constituer un rĂ©seau de lieux et d'actions, centrĂ© autour de la traduction comme savoir-faire avec les diffĂ©rences. Les deux premiĂšres implantations sont Ă  Marseille[43] et Aubervilliers.

Académie française (depuis 2018)

Le , face notamment à Marie de Hennezel et Pierre Perpillou, elle est élue à l'Académie française au fauteuil précédemment occupé par Philippe Beaussant. Son épée, en forme de sabre de jedi[44], lui a été remise par Xavier Darcos, au Louvre, le mardi 15 octobre 2019, et elle a été reçue officiellement sous la coupole de l'Institut de France, par Jean-Luc Marion, le jeudi suivant.

Campus Condorcet (depuis 2019)

Le 6 février 2019, elle est élue présidente du conseil scientifique du Campus Condorcet[45].

Distinctions

Prix

DĂ©corations

Axes de recherche

SynthÚse, selon Alain Badiou, qui a écrit avec elle deux ouvrages, de l'héritage heideggerien et du tournant linguistique[52], elle relit l'histoire de la philosophie antique à la lumiÚre de la sophistique[1].

Elle montre comment la sophistique, repoussĂ©e hors de la philosophie et mĂȘme hors de la pensĂ©e par Platon et par Aristote, permet d'Ă©largir la rationalitĂ© en explorant ses principes inaperçus et ses bords. Gorgias en particulier dĂ©limite l'ontologie comme un discours simplement plus efficace que les autres : l'ĂȘtre de ParmĂ©nide est d'abord un effet de dire. Quant au principe de non-contradiction, ancrĂ© par Aristote dans l'univocitĂ© du sens, il ne cesse d'ĂȘtre dĂ©menti par la sĂ©mantique de l'intentionnalitĂ©, la grammaire de l'inconscient ou les difficultĂ©s de la traduction. L'exemple des commissions vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation la conduit Ă  dĂ©construire les arriĂšre mondes qui tentent de masquer ce qu'elle appelle l'effet sophistique, c'est-Ă -dire le rĂŽle d'acte fondateur, voire thĂ©rapeutique (« logos-pharmakon »), de la parole pour l'ĂȘtre humain, en tant que sujet individuel dans le cas de la psychanalyse, en tant qu'ĂȘtre social dans le domaine politique.

ƒuvres

Livres publiés

  • Si ParmĂ©nide. Le traitĂ© anonyme De Melisso Xenophane Gorgia. Édition critique et commentaire[53], in J. Bollack, Cahiers de philologie, IV, PUL, Lille, 1980, 646 p. (ISBN 2-85939-151-7)
  • L'Effet sophistique, coll. « NRF essais », Gallimard, 1995 (ISBN 9782070730230)
  • Aristote et le logos : contes de la phĂ©nomĂ©nologie ordinaire, PUF, 1997, (sommaire et quatriĂšme de couverture)
  • ParmĂ©nide, Sur la nature ou sur l'Ă©tant. Le grec, langue de l'ĂȘtre?, coll. « Points-bilingues », Le Seuil, 1998
  • Voir HĂ©lĂšne en toute femme : d'HomĂšre Ă  Lacan, Les EmpĂȘcheurs de penser en rond, 2000
  • Google-moi : la deuxiĂšme mission de l'AmĂ©rique, Albin Michel, 2006
  • Avec le plus petit et le plus inapparent des corps, coll. Ouvertures, Fayard, 2007
  • Jacques le Sophiste. Lacan, logos et psychanalyse, EPEL, 2012 (ISBN 978-2-35427-025-4)
  • Plus d'une langue, coll. Les petites confĂ©rences, Bayard, 2012 (ISBN 9782227483552)
  • La Nostalgie. Quand donc est-on chez soi ? Ulysse, ÉnĂ©e, Arendt, Autrement, 2013
  • L'Archipel des idĂ©es de Barbara Cassin, coll. « L'archipel des idĂ©es », MSH, 2014, 180 p. (ISBN 978-2-7351-1699-7)
  • DerriĂšre les grilles : sortons du tout-Ă©valuation, Mille et une nuits, 2014
  • Sophistical Practice. Toward a Consistent Relativism, Fordham University Press, Bronx, 2014, 384 p. (ISBN 978-0-82325638-9)
  • Éloge de la traduction. Compliquer l'universel, Fayard, 2016 (ISBN 978-2-213-70077-9)
  • Quand dire, c'est vraiment faire: HomĂšre, Gorgias et le peuple arc-en ciel, Fayard, 2018 , (ISBN 978-2213711614)
  • Le bonheur, sa dent, douce Ă  la mort. Autobiographie philosophique. Fayard, 2020, (ISBN 978-2-213-71495-0) (252 p.)

Coauteure

Direction d'ouvrages collectifs

Traductions individuelles

  • Aristote, Sur Melissus, XĂ©nophane et Gorgias, in Si ParmĂ©nide, op. cit. supra, 1980
  • ParmĂ©nide, Sur la nature ou sur l'Ă©tant, Seuil, Paris, 1998

Avec M. Narcy

  • Aristote, MĂ©taphysique IV, in La DĂ©cision du sens, op. cit. supra, 1989
  • Jan Ɓukasiewicz, Le principe de contradiction chez Aristote, in Rue Descartes, no 1-2, p. 9-32, Albin Michel, Paris, 1991
  • R. Broxton Onians (en), avec Armelle Debru (d), Les Origines de la pensĂ©e europĂ©enne, coll. « L'ordre philosophique », Seuil, Paris, 1999

Autres traductions collectives

Apports

« Je cherche ce que parler veut dire[55]. »

— Barbara Cassin paraphrasant Lacan[56] en rĂ©fĂ©rence Ă  l'hermĂ©neutique freudienne.

Histoire sophistique de la philosophie

« Je propose d'appeler Histoire sophistique de la philosophie celle qui rapporte les positions, non pas Ă  l'unicitĂ© de la vĂ©ritĂ©, qu'elle soit Ă©ternelle ou progressivement constituĂ©e en mode hĂ©gelien (la vĂ©ritĂ© comme telos, dans un temps orientĂ©, ou “comme si” orientĂ©), mais celle qui les rapporte aux instantanĂ©s du kairos, occasion, opportunitĂ©, grĂące Ă  des mĂȘkhanai, procĂ©dĂ©s, ruses, machines, permettant de happer le kairos par son toupet[57] - [nb 5]. »

Logologie

Terme repris de Novalis, la logologie nomme la thĂ©orie sophistique oĂč le dire effectue le monde (avec, notamment, Gorgias dans le TraitĂ© du non-ĂȘtre), par opposition (et comme consĂ©quence poussĂ©e du PoĂšme de ParmĂ©nide) Ă  l'ontologie. L'ĂȘtre est un effet de dire (L'Effet sophistique).

En particulier, dans le cadre de l'histoire sophistique, la logologie étudie l'histoire de la performativité[58].

Le barbare est au cƓur de la langue

« Nous barbarisons quand nous refusons ce qui constitue l’autre comme autre (
)[59] »

La banalisation du mal passe, outre la désignation de l'étranger comme barbare, par la prétention à l'universalité d'une langue, une novlangue, qui, réduite à un systÚme de communication[58], dénie à chaque langue maternelle ce qu'elle a d'intraduisible, en particulier son aspect performatif en ce que celui-ci a de fondateur pour une civilisation[58]. Selon Barbara Cassin, la défense de la diversité des langues, en particulier face au globish et la googlisation de la pensée[définition souhaitable], est un rempart contre la barbarie[58].

Notes et références

Références

  1. Nicolas Truong, « Barbara Cassin : “Je travaille sur ce que peuvent les mots” », Le Monde, no 22809,‎ , p. 18 (lire en ligne).
  2. Marion Cocquet, « Sur les traces des Cassin », sur le site du magazine Le Point, (consulté le ).
  3. Who's Who in France, Ă©dition 2015, p. 483.
  4. Catinchi 2019.
  5. Anne Diatkine, « Barbara Cassin, non académique », sur le site du quotidien Libération, (consulté le ).
  6. Philippe-Jean Catinchi, « Barbara Cassin : la puissance des mots », L'Histoire n°463, septembre 2019, p. 32-33.
  7. B. Cassin, Conviction et démonstration dans la polémique philosophique entre Leibniz et Arnauld, Paris, Sorbonne, 1968.
  8. F. FĂ©dier, Soixante-deux photographies de Martin Heidegger, Paris, Gallimard, 1999.
  9. D. Janicaud, Heidegger en France, vol. I, Paris, Albin Michel, 2001.
  10. B. Cassin, SĂ©minaire du Thor, in Questions IV, p. 291-297, Paris, Gallimard, 1976.
  11. C. Briffard, Le vocabulaire européen des philosophes, dictionnaire des intraduisibles : entretien avec Barbara Cassin, philosophe et philologue, directeur de recherche au CNRS, in Texto!, vol. XI, no 2, juin 2006 (ISSN 1773-0120), Paris, Institut Ferdinand de Saussure.
  12. H. Arendt, Préface, in H. Arendt, La Crise de la culture : huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard, 1954.
  13. Pindare, Olympiques, in Revue de poésie, no 40, Paris, février 1971.
    G. W. Leibniz, Les deux labyrinthes, textes choisis par A. Chauve, Paris, PUF, 1973.
    P. Szondi, PoĂ©sie et politique de l'idĂ©alisme allemand, in J. Bollack, Sens commun, vol. XXIX, Paris, Éditions de Minuit, 1975 (ISBN 9782707300522).
  14. B. Cassin, "De Melisso Xenophane Gorgia", édition, traduction et commentaire., université de Lille III, Lille, 1974.
  15. B. Cassin, Si Parménide : le traité anonyme De Melisso Xenophane Gorgia, édition critique et commentaire., in J. Bollack, Cahiers de philologie, IV, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1980 (ISBN 2-85939-151-7).
  16. J. Dupont, PrĂ©sentation en ligne de la revue du Centre Étienne-Marcel, Le Coq-HĂ©ron, Paris, Éditions ÉrĂšs, janvier 2009.
  17. https://lejournal.cnrs.fr/articles/barbara-cassin-le-pouvoir-des-mots.
  18. B. Cassin et al., Positions de la sophistique, coll. "Bibliothùque d’histoire de la philosophie", Paris, Vrin, 1986 (ISBN 978-2-7116-0918-5).
  19. B. Cassin & M. Narcy, La DĂ©cision du sens. Le livre Gamma de la MĂ©taphysique d’Aristote, introduction, texte, traduction et commentaire, Vrin, Paris, 1989, 296 p.
  20. Col. Nos Grecs et leurs modernes. Les stratĂ©gies contemporaines d’appropriation de l’AntiquitĂ©, Paris, Le Seuil, 1992.
  21. B. Cassin, De l’organisme au pique-nique : quel consensus pour quelle citĂ© ?, in Nos Grecs et leurs modernes, op. cit.
  22. B. Cassin, Aristote et le linguistic turn, in Nos Grecs et leurs modernes, op. cit.
  23. Alain Badiou, François Wahl ou La vie dans la pensée, in Le Monde, 16 septembre 2014.
  24. B. Cassin, Sophistique et critique de l’ontologie, Paris, UniversitĂ© de Paris IV, 1994.
  25. É. Alliez, Barbara Cassin, « Aristote et le logos Conte de la phĂ©nomĂ©nologie ordinaire », in Futur antĂ©rieur, no 39-40, Paris, Éd. Inculte, septembre 1997.
  26. L'Effet sophistique, Paris, Gallimard, 1995 (ISBN 9782070730230)
  27. ARCSA
  28. Membres honoraires de Rhetoric Africa.
  29. Correspondants Ă©trangers de Rhetoric Africa.
  30. SeptiĂšme Programme-cadre pour la recherche et le dĂ©veloppement technologique (PCRD) AccroĂźtre le potentiel humain – Base de connaissances socio-Ă©conomiques.
  31. ECHO.
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Annexes

Bibliographie

Notes

  1. Pierre Cassin est le fils d'un cousin germain de René Cassin[2].
  2. Exemple cocasse et parlant, quand un homme insulte une femme en la traitant de chienne, il cite sans le savoir l'Odyssée. Au-delà des mots, il s'agit de schémas culturels.
  3. Actes de la Rencontre internationale organisée du 18 au 22 octobre 1994 à Paris par la Sorbonne et le Muséum national d'histoire naturelle.
  4. Patrick LĂ©vy est un traducteur de la maison Gallimard.
  5. Cet extrait reprend mot pour mot un passage d'une intervention antérieure : Aristote et le « linguistic turn », in Nos Grecs et leurs modernes, p. 434, op. cit. infra.
  6. Un compte-rendu critique du Si parménide.
  7. Dans ce numĂ©ro de revue consacrĂ© aux reprĂ©sentantes fĂ©minines de la philosophie française contemporaine (Claude Imbert, Françoise Dastur, Marie-JosĂ© Mondzain, Monique David-MĂ©nard, Antonia Soulez, Isabelle Stengers, etc.) Stanley Cavell prĂ©sente le travail de Barbara Cassin Ă  la lumiĂšre d'Austin et de Wittgenstein. À noter au sein de ce mĂȘme numĂ©ro, la traduction anglaise d'un article de Barbara Cassin, « Who's Afraid of the Sophists? Against Ethical Correctness ».

Liens externes

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