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Énée

Énée (en grec ancien Αἰνείας / Aineías, en latin Aeneas, dérivé du mot aes, aeris « cuivre »), fils du mortel Anchise et de la déesse Aphrodite (Vénus), est l'un des héros de la guerre de Troie. Il est chanté par Virgile dans l’Énéide, dont il est le personnage central.

Énée
Énée portant son père Anchise lors de la fuite de Troie. Sculpture de Pierre Lepautre, 1697.
Biographie
Nom dans la langue maternelle
Aeneas ou Αινείας
Activité
Chef militaire
Père
Mère
Conjoints
Enfants
Ascagne
Silvius
Étias (d)
Anthemone (d)
Autres informations
Conflits
Guerre de Troie
Rutulian War (d)
Énée portant Anchise, œnochoé à figures noires, v. 520-510 av. J.-C., musée du Louvre (F 118)

Père d'Ascagne (ou Iule), il est le fondateur mythique de Lavinium à l'origine de Rome, puis de sa monarchie. Le roi Latinus lui offre sa fille Lavinia en mariage. Énée régnera sur sa ville nommée Lavinium en référence à sa seconde épouse, appelée Lavinia. Énée est la figure du héros à destin guidé tout le long de son voyage par sa mère Aphrodite, ce qui le distingue du héros homérique.

Mythe grec

Ascendance mythique d'Énée

Hymne à Aphrodite

L'histoire de la naissance d'Énée est racontée dans l’Hymne à Aphrodite[1], l'un des principaux hymnes homériques. Le nom latin Aeneas est la romanisation du nom grec original du héros, Αἰνείας (Aineías). Aineías est d'abord introduit dans l'hymne homérique à Aphrodite quand Aphrodite lui donne son nom, dérivé de l'adjectif αὶνóν (ainon, « terrible »), pour le « terrible chagrin » (αὶνóν ἄχος) qu'il lui a causé en étant né mortel, mortel qui vieillira et mourra[2]. Aphrodite a fait tomber Zeus amoureux de femmes mortelles. En représailles, Zeus met dans son cœur le désir d'Anchise, qui s'occupe de son bétail parmi les collines près du mont Ida, dans les environs de Troie. Quand Aphrodite le voit, elle est frappée. Elle se pare comme pour un mariage parmi les dieux et apparaît devant lui. Il est submergé par sa beauté, croyant qu'elle est une déesse, mais Aphrodite s'identifie comme une princesse phrygienne. Après avoir copulé, Aphrodite lui révèle sa véritable identité et Anchise craint ce qui pourrait lui arriver du fait de leur liaison. Aphrodite lui assure qu'il sera protégé et lui dit qu'elle lui donnera un fils qui s'appellera Énée. Cependant, elle l'avertit qu'il ne doit jamais révéler à quiconque avoir eu une relation avec une déesse. Pour l'avoir fait un soir d'ivresse, il fut puni par Zeus, frappé par la foudre, et resta boiteux (ou aveugle selon les versions) jusqu'à la fin de sa vie.

À la naissance d'Énée, Aphrodite l'emmène chez les nymphes du mont Ida. Elle leur ordonne d'élever l'enfant jusqu'à l'âge de cinq ans, puis de l'amener à Anchise.

Anchise était apparenté à la famille royale de Troie. Il appartenait à une branche issue d'Assaracos, fils de Tros (qui a donné son nom à Troie) et frère d'Ilos (fondateur mythique de Troie, ville également connue sous le nom d'Ilion).

La légende se rattache aux schèmes mythiques selon lesquels la déesse de l'Aurore, ici Aphrodite, s'unit à un mortel, et donne naissance à un Soleil mortel. Le qualificatif d'Aeneas Indiges renvoie au Jupiter Indiges et à Sol Indiges[3].

Dans l'Iliade

Aphrodite sauvant son fils Énée touché au combat, scène de L'Iliade. Épaule d'une amphore étrusque à figures noires, v. 480 av. J.-C. Martin-von-Wagner-Museum, L 793 (pièce exposée au Staatliche Antikensammlungen).

Énée est un personnage mineur de l'Iliade, où il est deux fois sauvé de la mort par les dieux. Il est néanmoins un guerrier honorable à part entière. Ayant été retenu à l'écart des combats, lésé par Priam car en dépit de ses actes courageux, il n'a pas reçu sa juste part d'honneur, il mène une attaque contre Idomène[4] pour récupérer le corps de son beau-frère Alcathoos à la demande pressante de Déiphobe[5].

Il est le chef des alliés dardaniens des Troyens, ainsi qu'un deuxième cousin et lieutenant principal d'Hector, fils du roi de Troie Priam. La mère d'Enée, Aphrodite, vient fréquemment à son aide sur le champ de bataille et il est un favori d'Apollon. Aphrodite et Apollon sauvent Énée du combat avec Diomède d'Argos, qui a failli le tuer. Celle-ci sera à son tour blessée par Diomède et s'enfuira sur le Mont Olympe. Apollon dissimule Énée dans un nuage et le transporte à PergameArtémis le soigne. De retour au combat, Énée s'illustre comme l'un des meilleurs guerriers troyens, il vainc notamment Orsiloque et Créthon, Aphareus, Jase et Médon. En passe d'être blessé par Achille, il est à nouveau sauvé par un dieu, Poséidon qui, même s'il favorise normalement les Grecs, vient à sa rescousse, notant qu'Énée, bien que d'une branche cadette de la famille royale, est destiné à devenir le roi du peuple troyen.

À la mort d'Hector, il devient le principal rempart des Troyens. Au moment de la chute de Troie, Énée s'enfuit en portant son père, Anchise, accompagné de son fils Ascagne et de sa femme Créuse, qui est malheureusement abandonnée par Énée sur l’ordre des dieux, en particulier Aphrodite (Vénus), sa mère.

Bruce Louden présente Énée comme « type » dans la tradition d'Uta-Napishtim, de Philémon et Baucis et de Loth : l'« homme juste » épargné par la destruction générale[6]. Apollodore explique que « …les Grecs l'ont laissé tranquille à cause de sa piété »[7].

Littérature et mythe romains

Iapyx retirant le fer de la jambe d'Énée avec le fils d'Énée, Ascagne, fondant en larmes. Fresque antique de Pompéi.

L'histoire d'Énée a été poursuivie par les auteurs romains. Une source influente était le récit de la fondation de Rome dans Les Origines de Caton l'Ancien. La légende d'Énée était bien connue à l'époque de Virgile et est évoquée dans divers ouvrages historiques, y compris Les Antiquités romaines de l'historien grec Denys d'Halicarnasse (s'appuyant sur les écrits de Varron), Ab Urbe condita libri de Tite-Live (probablement redevable à Quintus Fabius Pictor, vers 200 avant notre ère), et de Trogue Pompée (connu seulement par un résumé de Justin).

C'est entre -380 et -270 qu'a été constituée, à partir de légendes parfois bien plus anciennes que Rome, la vulgate de l'histoire des origines : déjà parvenue à une grande puissance, Rome se donnait un passé. Dans ce passé qui devait donner des lettres de noblesse à la ville, les éléments grecs sont manifestes. Les pré-annalistes ont ainsi accordé de l'importance à des récits qui existaient déjà et qui leur ont permis de se relier aux grandes fables grecques. Énée leur venait de Troie. Il est difficile de déterminer exactement l'origine de sa carrière italique, puis romaine, mais un groupe de statuettes trouvées à Véies datant au plus tard de la première moitié du Ve siècle et montrant Énée portant Anchise sur son épaule, atteste qu'il était déjà populaire dans l'Italie étrusque[8].

La campagne de Sicile découvrit, en outre, le côté pratique de la légende troyenne : la seconde année de la première guerre punique en 263, les Elymes de Sicile qui se considéraient comme les descendants d'émigrés troyens se rallièrent aux Romains rappelant que les « Énéades » de Rome étaient leurs parents. Les Romains se firent fort de leur côté de défendre le sanctuaire élyme d'Eryx, un des hauts lieux du culte d'Aphrodite, protégeant une déesse en qui, dès ce temps, ils reconnaissaient la Vénus, mère de leur ancêtre Énée[8].

À la même époque, la poésie latine donne ses premières grandes œuvres et la mythologie grecque envahit la théologie romaine. Un poème de Livius Salinator évoque les origines de Rome en termes troyens. Un modèle que ne dédaignera pas d'imiter Virgile[8].

Dans l’Énéide

Didon et Énée (Mars et Vénus). Fresque romaine antique au musée archéologique national de Naples (inv. 112282); fresque de la maison de la citharistie à Pompéi.

L'Énéide, de Virgile, est le plus long poème de l'antiquité latine. Son auteur mourut avant d'avoir pu le terminer. On raconte qu'il avait dit à des amis de le brûler à sa mort, car il ne souhaitait pas publier une œuvre incomplète, mais ses amis s'y refusèrent. L’Énéide est divisée en douze chants et raconte l'histoire d’Énée, un demi-dieu, fils d'Aphrodite (Vénus chez les Romains). En voici le résumé.

Quand Troie tombe aux mains des Achéens grâce à la célèbre ruse d'Ulysse, Énée s'enfuit avec ses amis Misenus, Achate, Sergeste, Gyas, Acmon, le médecin Iapyx, la nourrice Caiete, son père Anchise, sa femme Créuse (qu'il est malheureusement obligé d'abandonner sur l'ordre des dieux, et d'Aphrodite en particulier), son fils Ascagne (aussi appelé Iule, qui deviendra le premier roi d'Albe la Longue), les Lares, les Pénates ainsi que Mimas pour fonder selon les vœux des Dieux la nouvelle Troie en Hespérie (l'actuelle Italie).

Denier frappé sous César célébrant le mythe d'Énée et d'Anchise. Description revers : Énée nu marchant à dextre, tenant de la main droite le palladium et portant, sur son épaule, son père Anchise.

Partis du port d'Antandros, ils arrivent à Carthage où la reine Didon tombe amoureuse d'Énée. Il en repart quand même sur l'ordre de Mercure, ce qui entraîne le suicide de la reine. Les imprécations que formule Didon lors du départ d'Énée préfigurent l'expédition d'Hannibal et des guerres puniques.

Après la mort de son père, Énée descend aux Enfers à Cumes pour lui parler, et rencontrer sa descendance (Silvius, Romulus…). Son père lui montre aussi des Romains (Jules César et la descendance de ce dernier). Énée rencontre aussi le fantôme de Didon qui refuse de lui pardonner.

Près des côtes de Lucanie, un des hommes d'Énée, Palinurus, s'endort et tombe à l'eau. Il nage jusqu'à la plage, mais est tué par les Lucaniens. Le mont Palinuro ainsi que le village de Palinuro sont nommés d'après ce personnage. En Sicile, Énée est accueilli par Aceste et recueille un des marins de l’Odyssée d'Ulysse, Achéménide.

Juste après son arrivée en Italie, la petite troupe fit la guerre contre la ville de Faléries.

Latinus, le roi des Latins, accueillit Énée et les siens, et leur permit de s'installer dans le Latium. Alors que sa fille Lavinia était promise à Turnus, roi de Rutulie, Latinus voulut la marier à Énée. À la demande insistante de Junon, Turnus déclara la guerre à Énée mais la perdit : le roi des Rutules fut tué. Ascagne, le fils d'Énée que l'auteur romain Virgile appelait Iule, fonda alors Albe dont il devint le roi.

Énée et Lavinia eurent un fils, Silvius. Ils accueillirent la sœur de Didon, Anna Perenna qui se suicida quand elle apprit la jalousie de Lavinia. Énée fonda enfin la ville de Lavinium en l'honneur de sa femme Lavinia et devint le dieu Indiges après son décès.

D'après le récit de Virgile, Romulus et Rémus seraient les descendants d'Énée par leur mère Rhéa Silvia, et fils du dieu de la guerre Mars.

Les Romains considéraient Énée comme le père fondateur de leur civilisation. Et la famille des Julii (la gens Julia en latin) de Rome traça son origine généalogique depuis Iule, fils d'Énée. Les membres les plus célèbres de cette famille sont Jules César (Caius Julius Caesar) et son fils adoptif Auguste, le premier empereur romain, et ils utilisèrent cette origine pour légitimer leur pouvoir. Elle donne son nom à la première dynastie impériale romaine : les Julio-Claudiens.

Sources

Représentations graphiques

Énée est représenté sur les tableaux suivants :

Réutilisations

Il apparaît dans les œuvres suivantes :

Généalogie de rois d'Albe la Longue

Bibliographie

  • Virgile (trad. du latin par Maurice Lefaure, préf. Sylvie Laigneau), Énéide, Le Livre de poche, coll. « Classiques », , 574 p. (ISBN 9782253085379). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Tite-Live Ab Urbe Condita, Livre I
Études modernes
  • Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1974 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Jacques Perret, Les Origines de la légende troyenne de Rome, 281-31 (« Collection d'études anciennes »), Paris, Les Belles Lettres, 1942, XXX-678 p.
  • (en) G. K. Galinsky (en), Aeneas, Sicily, and Rome (« Princeton Monographs in Art and Archaeology »), Princeton, Princeton University Press, 1969, XXVI-278 p., 88 pl. (2e éd., 1971).
  • (it) Enea nel Lazio. Archeologia e Mito, Rome, 1981, 273 p.
  • Geneviève Dury-Moyaers, Énée et Lavinium. À propos des découvertes archéologiques récentes (coll. Latomus, 174), Bruxelles, 1981, 252 p.
  • (it) Ferdinando Castagnoli, « La leggenda di Enea nel Lazio », StudRom, 30, 1982, p. 1-15.

Notes et références

  1. (en) The Homeric Hymn to Aphrodite, Thomas Library,
  2. Nagy, Gregory, trans. (2001) Homeric Hymn to Aphrodite, publié par C. Dué Hackney. Houston : University of Houston.
  3. Jean Haudry, Enéide, Revue des Études latines, 95, 2018, p. 99-124.
  4. « ÉNÉE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  5. (en) Samuel Butler, "The Iliad of Homer," translittéré par A. Haines. Project Gutenberg, trans. 2019 (1999).
  6. (en) Louden, Bruce. "Aeneas in the Iliad: the One Just Man", 102nd Annual Meeting of CAMWS, Classical Association of the Middle West and South, 2006
  7. (en) « Apollodorus, Epitome, book E, chapter 5, section 21 », sur perseus.tufts.edu (consulté le )
  8. Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1974, p. 451-454
  9. (en-GB) Tate, « ‘Aeneas and the Sibyl, Lake Avernus’, Joseph Mallord William Turner, c.1798 », sur Tate (consulté le )
  10. « SMK | Søg i Samling », sur collection.smk.dk (consulté le )
  11. (en-GB) Tate, « ‘Dido and Aeneas’, Joseph Mallord William Turner, exhibited 1814 », sur Tate (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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