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Bonobo

Pan paniscus ‱ ChimpanzĂ© nain, ChimpanzĂ© pygmĂ©e

Le Bonobo[1], Chimpanzé nain[1] ou Chimpanzé pygmée[1] (Pan paniscus) est une espÚce de primates de la famille des Hominidés.

Proche du Chimpanzé commun (Pan troglodytes), il s'en distingue surtout par une organisation sociale qui a recours aux relations sexuelles et à un bouc émissaire comme mode de résolution des conflits au sein du groupe.

EndĂ©mique de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, le nom « bonobo » dĂ©coule de la dĂ©formation du nom de la ville de Bolobo situĂ©e sur les rives du fleuve Congo oĂč les premiers spĂ©cimens furent capturĂ©s dans les annĂ©es 1920[2] - [3]. C'est l'anatomiste allemand Ernst Schwarz, intriguĂ© par la prĂ©sence dans les rĂ©serves du musĂ©e colonial de Tervuren (AfricaMuseum) d'un crĂąne trop petit pour ĂȘtre celui d'un chimpanzĂ© commun, qui a dĂ©couvert en 1929 le bonobo[4].

Bonobo empaillé, AfricaMuseum, périphérie de Bruxelles.

À cause du braconnage pour la viande de brousse, de la rĂ©duction et fragmentation de ses habitats (dĂ©forestation, cultures sur brĂ»lis), l'espĂšce est en danger d'extinction.

Description

Ce quadrumane a un corps et une tĂȘte qui mesurent environ 82 cm. Le mĂąle mesure en position de semi-bipĂ©die environ 1,19 m pour un poids allant de 37 Ă  61 kg (45 kg en moyenne) ; la femelle mesure 1,11 m pour un poids allant de 27 Ă  38 kg (33,2 kg en moyenne). Le dimorphisme sexuel est moins prononcĂ© que chez la plupart des primates.

Il se distingue notamment du chimpanzĂ© commun par une face foncĂ©e plutĂŽt que claire et ses poils sont gĂ©nĂ©ralement plus longs que chez ce dernier[5]. En outre, le bonobo est plus petit que son homologue le chimpanzĂ©, d'oĂč son nom de chimpanzĂ© nain. On pourra de mĂȘme remarquer que le bonobo a une teinte plus noirĂątre, les lĂšvres rouges et des organes sexuels femelles externes[6].

Son espĂ©rance de vie dans la nature est de 40 ans et peut atteindre 60 ans en captivitĂ©[7].

Habitat et répartition

Carte de répartition du bonobo en Afrique.

Ils vivent dans les forĂȘts Ă©quatoriales de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, entre le fleuve Congo et la riviĂšre KasaĂŻ.

Comportement et Ă©cologie

RĂ©gime alimentaire

Le bonobo se nourrit essentiellement de fruits mûrs, à 57 %, et de plantes. Son régime alimentaire comporte aussi des racines et des produits d'origine animale (poissons, petits mammifÚres, miel). Il arrive occasionnellement qu'il mange de petits invertébrés, insectes et vers. Les bonobos consacrent 40 % de leur temps à chercher leur nourriture et à la consommer[8]. Bien qu'ils soient omnivores[9], leur régime alimentaire comporte moins de produits carnés que celui des chimpanzés communs[10], de sorte qu'on les classe parfois dans la catégorie des animaux frugivores non stricts.

Les bonobos utilisent certaines feuilles aux vertus pharmacologiques contre leurs parasites intestinaux.

RĂŽle Ă©cologique

Dans la forĂȘt tropicale humide du Congo, la trĂšs grande majoritĂ© des plantes a besoin des animaux pour se reproduire et disperser leurs graines[11]. Les bonobos sont les plus grands frugivores aprĂšs les Ă©lĂ©phants. Au cours de sa vie, chaque bonobo ingĂšre et disperse 9 tonnes de graines, de plus de 91 espĂšces de lianes, herbes, arbres et arbustes. Ces graines voyagent 24 heures dans le tube digestif des bonobos, qui les transportent sur plusieurs kilomĂštres (environ 1,3 km, maximum 4,5 km), puis les dĂ©posent intactes dans leurs fĂšces. Ces graines dispersĂ©es restent viables, germent mieux et plus rapidement que les graines non passĂ©es par le tube digestif d’un bonobo[12]. La diplochorie, impliquant les bousiers (Scarabaeidae), favorise leur survie post-dispersion[13]. Certaines plantes comme les Dialium pourraient mĂȘme ĂȘtre dĂ©pendantes du bonobo pour activer la germination de leurs graines en dormance tĂ©gumentaire[14]. Les premiers paramĂštres de l’efficacitĂ© des bonobos comme disperseurs de graines sont prĂ©sents. Leurs comportements pourraient affecter la structure des populations vĂ©gĂ©tales. La majoritĂ© de ces plantes zoochores ne peuvent recruter sans dispersion et la structure spatiale homogĂšne des arbres laisse penser Ă  un lien direct avec leur agent de dispersion. Peu d’espĂšces remplaceraient le rĂŽle fonctionnel des bonobos, tout comme les bonobos ne remplacent pas les Ă©lĂ©phants. Il y a peu de redondance fonctionnelle entre les mammifĂšres frugivores trĂšs diffĂ©rents du Congo, qui doivent faire face aux pressions de chasse des hommes et disparaissent localement. La dĂ©faunation des forĂȘts, rĂ©sultant dans le syndrome des forĂȘts vides, est un problĂšme grave de biologie de la conservation au Congo[11]. La disparition des bonobos qui dispersent les graines de 65 % des arbres de leur forĂȘt, ou encore 11,6 millions de graines au cours de la vie d’un bonobo, est liĂ©e Ă  la conservation des forĂȘts tropicales humides du Congo[12] - [15].

Reproduction

Bonobos s'occupant d'un petit.

Les femelles et les mùles arrivent généralement à maturité sexuelle entre l'ùge de 13 et 15 ans.

Ils peuvent se reproduire toute l'annĂ©e et la pĂ©riode de gestation dure de 230 Ă  240 jours. Chaque femelle donne naissance Ă  un seul petit Ă  la fois qui pĂšse aux alentours de 1,3 kg Ă  la naissance. La femelle met un petit au monde environ tous les cinq ans, comme chez les chimpanzĂ©s. Le rythme des naissances est surtout limitĂ© par l'infĂ©conditĂ© des femelles pendant l'allaitement qui dure 3 Ă  4 ans.

Comportement bipĂšde

Sa morphologie particuliĂšre, notamment avec ses longs membres postĂ©rieurs et son faible indice intermembral, lui donne une apparence plus proche de l'ĂȘtre humain que le chimpanzĂ© commun [16]. NĂ©anmoins, plusieurs Ă©tudes (en captivitĂ©) ont montrĂ© que la proportion de bipĂ©die dans son rĂ©pertoire posturo-locomoteur Ă©tait la mĂȘme que celle observĂ©e chez le chimpanzĂ© [17].

La différence entre les deux espÚces se retrouve plutÎt dans le contexte d'utilisation de la bipédie :

  • le bonobo l'utilise prĂ©fĂ©rentiellement pour la vigilance et le transport d'objets ;
  • le chimpanzĂ© l'utilise lors de dĂ©monstrations de dominance [18].

Organisation sociale et sexualité

Les bonobos vivent en groupes qui peuvent compter jusqu'Ă  une centaine d'individus.

En milieu naturel, les mùles et les femelles cherchent la nourriture ensemble, mais ce sont les femelles qui décident de la répartition. Par ailleurs, des orphelins peuvent se faire adopter par des adultes.

Le bonobo, comme le chimpanzé d'Afrique central et le chimpanzé de l'Est, révÚle une aptitude à l'utilisation d'outils fabriqués à partir de végétaux (mais pas de pierre, contrairement au chimpanzé d'Afrique de l'Ouest, au sapajou à barbe d'Amérique du Sud et au macaque crabier de l'Asie du Sud-Est)[19]. Par exemple l'utilisation de branches comme arme de jets lors des affrontements de mùles, et aussi de baguettes qu'il plonge dans les termitiÚres pour en extraire les insectes qui constituent un de ses mets favoris.

Sexualité

Chez les bonobos, les relations sexuelles, feintes ou réelles, sont le plus souvent utilisées comme mode de résolution de conflits, à cÎté des mécanismes de domination. Les études suggÚrent que les trois quarts des rapports sexuels entre bonobos n'ont pas de fin reproductive, mais plutÎt sociale, et que presque tous les bonobos sont « bisexuels ». Des scientifiques ont appelé cette méthode d'accouplement le « sexe convivial »[20].

Deux singes accouplés face à face
Accouplement de deux bonobos.

Il est courant qu'un membre du groupe pratique des actes sexuels dans le but de plaire à un autre membre ou pour réduire les tensions sociales. Par exemple, un individu subordonné peut utiliser des actes sexuels pour calmer un autre individu plus fort ou plus agressif. Mais si la fréquence des rapports est exceptionnelle dans le rÚgne animal, et supérieure à celle de tous les primates, les accouplements sont rapides et furtifs, sans aucun geste préparatoire, et ne durent en moyenne qu'une quinzaine de secondes. Leur seul tabou sexuel serait l'inceste, bien que les relations sexuelles incluent également les juvéniles.

À cĂŽtĂ© des pratiques sexuelles variĂ©es dont la sexualitĂ© orale, le baiser avec la langue ou les rapports homosexuels (le primatologue Frans de Waal prĂ©fĂšre d'ailleurs parler de « pansexualitĂ© Â» et non pas d'homosexualitĂ© ou de bisexualitĂ©, pour insister sur le fait que la sexualitĂ© du bonobo est totalement ouverte Ă  toutes les relations, et n'est pas orientĂ©e vers un seul sexe, un seul genre ; il a mĂȘme dĂ©couvert chez les bonobos une pratique, l'« escrime au pĂ©nis »[20], qui peut ĂȘtre comparĂ© Ă  la pratique du frottement entre deux pĂ©nis chez les humains), le bonobo serait l'un des seuls mammifĂšres Ă  pratiquer, comme l'humain, le coĂŻt ventro-ventral (face Ă  face)[21], le contact visuel Ă©tant trĂšs important dans leurs relations sexuelles.

Bouc Ă©missaire

L'organisation sociale des bonobos en captivité présenterait une autre particularité : la paix du groupe serait maintenue par l'existence d'un bouc émissaire (ou pharmakos).

Lorsqu'un groupe de chercheurs a retirĂ© un bonobo blessĂ© et frappĂ© par les autres membres du groupe, une accentuation de la violence et une baisse de la sexualitĂ© ont pu ĂȘtre remarquĂ©es.

A contrario, lorsque ce dernier fut réintégré au groupe, la paix du groupe fut réinstaurée.

Le phénomÚne de la consolation

Comme chez les autres grands anthropomorphes et chez les humains, le phĂ©nomĂšne nommĂ© « third party affiliation » — appelĂ© aussi contact affectif (« affiliation contact »), offert Ă  la victime d'une agression par un membre du groupe, autre que l'agresseur — a Ă©tĂ© constatĂ© chez les bonobos[22].

Une Ă©tude rĂ©cente[23] a montrĂ© que le contact affectif, soit spontanĂ©ment offert par un membre du groupe Ă  la victime, soit directement sollicitĂ© par la victime, peut rĂ©duire la probabilitĂ© d'une nouvelle agression par des membres du groupe sur la victime (ce fait appuie l'« hypothĂšse de protection de la victime » – « victim protection hypothesis »).

Pourtant, seulement le contact affectif spontanĂ© rĂ©duit l'anxiĂ©tĂ© de la victime, suggĂ©rant que le contact non sollicitĂ© a une fonction consolatrice, par un geste spontanĂ© — qu'on peut interprĂ©ter comme de la protection — qui fonctionne en calmant le sujet en dĂ©tresse.

Les auteurs Ă©mettent l'hypothĂšse que la victime peut percevoir la motivation du consolateur, qui ne nĂ©cessite pas d’invitation pour offrir un contact affectif aprĂšs le conflit, et ainsi rassure et apaise.

En outre, le contact spontanĂ© — et non pas le contact sollicitĂ© — est apparemment influencĂ© par le lien affectif prĂ©existant entre le consolateur et la victime (ce qui appuie l'« hypothĂšse de consolation », « consolation hypothesis »). À ce propos, les auteurs ont observĂ© que le contact spontanĂ© suivait la pente empathique dĂ©crite pour les humains, Ă©tant principalement offert aux parents, puis aux « amis » et, avec une frĂ©quence plus basse, aux connaissances (la qualitĂ© de relation entre les individus a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e en utilisant le taux de contacts entre les individus).

Zoé et ses alliées. LuiKotale, RDC
L'Ă©pouillage chez les primates renforce les liens sociaux.

Par consĂ©quent, la consolation chez le bonobo pourrait ĂȘtre un phĂ©nomĂšne basĂ© sur l’empathie.

Intelligence et communication

Bonobo utilisant une baguette de bois pour attraper des termites.

Le potentiel intellectuel des bonobos est important.

Dans l'Iowa, une psychologue américaine, dans le cadre d'une étude de la capacité des bonobo à comprendre le langage humain, a fait apprendre l'utilisation de 348 symboles d'un clavier à un bonobo mùle de 26 ans, nommé Kanzi[24] - [25] (des expériences similaires ont été faites avec le gorille Koko, l'orang-outan Chantek et le chimpanzé Washoe).

Il a appris Ă  combiner ces symboles dans ce que les linguistes appellent une « proto-grammaire ». Les symboles se rĂ©fĂšrent aux objets familiers (le yaourt, la clĂ©, le ventre, la boule
), des activitĂ©s favorites (la poursuite, les chatouilles
) et mĂȘme quelques concepts considĂ©rĂ©s assez abstraits (le prĂ©sent, ce qui est mal
). La psychologue affirme qu'il comprend en plus jusqu'Ă  3 000 mots anglais parlĂ©s, qui ne font pas forcĂ©ment partie du vocabulaire de son clavier. Elle ajoute qu'il peut s'exprimer vocalement et rĂ©pondre convenablement aux commandes comme « mets le savon dans l'eau » ou « porte tel objet dehors » (en anglais).

Une étude rétrospective publiée en 2016 conclut que l'intelligence grammaticale de Kanzi a cependant été partiellement surestimée[26]. Le linguiste Robert Truswell[26] pense que le bonobo a plus de difficultés que l'humain dans le traitement complexe du nombre (syntagmes nominaux) au sein d'une structure grammaticale ; cependant Truswell considÚre que l'humain ne naßt probablement pas avec la capacité d'interpréter ce type de structure grammaticale, il doit apprendre à l'utiliser[26].

Classification

Pan paniscus est une espÚce de Panines (genre Pan), membres de la famille des Hominidés et de l'ordre des Primates.

Histoire et Ă©tymologie

Ida, une jeune qui devra quitter son groupe Ă  l'adolescence.

La premiĂšre observation du bonobo est rĂ©alisĂ©e en 1928 sur un crĂąne de singe dans les rĂ©serves du Palais des Colonies (aujourd'hui le musĂ©e royal de l'Afrique centrale) Ă  Tervuren, en Belgique[27]. Celui-ci prĂ©sente les mĂȘmes caractĂ©ristiques qu'un chimpanzĂ© exceptĂ© sa taille extrĂȘmement petite. Sur la demande du conservateur, Henri Schouteden, l'anatomiste et zoologiste berlinois Ernst Schwarz analyse le crĂąne et en dĂ©duit qu'il s’agit simplement d'un chimpanzĂ© jeune. Il publie son analyse d'une quarantaine de ligne (« Das Vorkommen des Schimpansen auf den linken Kongo-Ufer ») dans la Revue de zoologie et de botanique africaine du .

Dans le cadre de son tour d’Europe des musĂ©es abritant des collections de singes, le primatologue amĂ©ricain Harold Jefferson Coolidge (1904-1985) se rend en personne en Belgique afin de voir par lui-mĂȘme ce crĂąne Ă©trange. D'aprĂšs lui, ce crĂąne ne saurait ĂȘtre une jeune chimpanzĂ© parce qu'il est complĂštement formĂ©. Il s'agit donc d'une nouvelle espĂšce. Il continue ses Ă©tudes dans les collections de diffĂ©rents musĂ©es, et obtient mĂȘme la dissection complĂšte d’un spĂ©cimen[28]. À l’issue de ce travail minutieux, il publie en 1933 un article de cinquante-sept pages[29], dans lequel il prĂ©conise d'envisager le « chimpanzĂ© pygmĂ©e » comme une espĂšce Ă  part entiĂšre, Pan paniscus[30].

Le primatologue Robert Yerkes avait également prévu cette révision de la classification observant chez cet animal des comportements qu'il ne retrouvait pas chez le chimpanzé commun[21].

Étymologie

Le nom « bonobo » viendrait d'une erreur de lecture d'une caisse contenant un chimpanzĂ© pygmĂ©e expĂ©diĂ©e en Europe pour analyse. Celle-ci est Ă©tiquetĂ©e « Bolobo », du nom de la rĂ©gion du Congo d'oĂč elle provient[27].

Le Bonobo et l'Humain

Proximité génétique

Femelle bonobo allongée, embrassant son bébé
Le bonobo est génétiquement trÚs proche de l'humain.

Les mĂ©thodes phylogĂ©nĂ©tiques ont permis d'Ă©tablir que Pan paniscus et Pan troglodytes sont les primates les plus proches de l'Homme. Entre deux humains, les gĂ©notypes sont semblables Ă  99,9 %[31], tandis que la ressemblance entre l'humain et le bonobo serait de 98,7 %[32]. Environ 5,1% du gĂ©nome humain est gĂ©nĂ©tiquement proche du gĂ©nome du bonobo et/ou du chimpanzĂ©; 2,52% du gĂ©nome humain est plus proche du gĂ©nome du bonobo que celui du chimpanzĂ© et 2,55% du gĂ©nome de l'Homme est gĂ©nĂ©tiquement plus proche du gĂ©nome du chimpanzĂ© que du gĂ©nome du bonobo[33]. Selon des analyses qui se fondent sur une horloge molĂ©culaire au taux de mutation de 10−9 mutation par annĂ©e, l'Homme aurait divergĂ© il y a 4,5 millions d'annĂ©es, tandis que l'embranchement bonobo-chimpanzĂ© remonterait Ă  1 million d'annĂ©es[32]. L'Homme est Ă©galement plus proche des deux espĂšces de ChimpanzĂ©s qu'il ne l'est d'autres primates, comme le gorille dont la divergence remonterait Ă  environ 8 millions d'annĂ©es (en remontant la mĂȘme horloge molĂ©culaire avec une vitesse rĂ©guliĂšre, linĂ©aire).

En raison de cette ressemblance extrĂȘme, certains auteurs — minoritaires — proposent mĂȘme de classer chimpanzĂ©s et bonobos dans le genre Homo (sous-genre Pan), qu'ils appellent ainsi Homo (Pan) troglodytes et Homo (Pan) paniscus, tandis que l'Homme moderne serait l'unique reprĂ©sentant actuel du sous-genre Homo (Homo (Homo) sapiens)[34].

Différences génomiques Humain/Bonobo/Chimpanzé

GrĂące Ă  un nouveau sĂ©quençage plus complet du gĂ©nome du bonobo, il est maintenant possible de comparer facilement le gĂ©nome du bonobo aux gĂ©nomes des autres grands singes. En effet, la technique de "Long-read Genome Sequencing" a permis de combler environ 99,5% des 108 000 trous jusqu'alors prĂ©sents dans les sĂ©quences du gĂ©nome du bonobo. Et ainsi de compter, par exemple, 206 gĂšnes et 1 576 gĂšnes de protĂ©ines codantes, en plus, qui ont subi des contractions ou des expansions par rapport au mĂȘmes gĂšnes prĂ©sents dans le gĂ©nome humain[33].

Insertions d'éléments mobiles

Les gĂ©nomes du bonobo et du chimpanzĂ© comptent entre 15 et 25% d'insertions d'Ă©lĂ©ments mobiles en plus comparĂ© Ă  celui de l'Homme. Cependant, mĂȘme si le nombre d'insertions spĂ©cifiques au bonobo est trĂšs proche de celui spĂ©cifique au chimpanzĂ©, il a Ă©tĂ© dĂ©couvert que le nombre d'insertions Alu chez le chimpanzĂ© et le bonobo est deux fois important que chez le gĂ©nome humain. En outre, le gĂ©nome du bonobo comporte une rĂ©duction de la diversitĂ© des variants Ă  un seul nuclĂ©otide en comparaison avec le gĂ©nome du chimpanzĂ©[33].

Duplications segmentaires

Un grand nombre de duplications segmentaires a pu ĂȘtre identifiĂ© et permet de rĂ©vĂ©ler que la plupart de ces segmentations sont entrecoupĂ©s d'un excĂšs de grandes duplications intrachromosomiques. Il est alors possible d'Ă©tudier l'expansion de familles de gĂšne. Par exemple, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que la famille de gĂšne EIF4A3 (eukaryotic translation initiation factor 4 subunit A3) s'Ă©tait Ă©tendu dans les gĂ©nomes du chimpanzĂ© et du bonobo crĂ©ant ainsi respectivement, 5 et 6 copies ( EIF4A3A Ă  EIF4A3F). Les scientifiques estiment que la premiĂšre expansion de cette famille de gĂšne serait apparue il y a environ 2,9 millions d'annĂ©es[33].

Variation structurale et interruption génétique

Les caryotypes du bonobo et de l'Homme diffĂšrent par 9 larges inversions et 110 Ă©vĂšnements ont Ă©tĂ© identifiĂ©s comme Ă©lĂ©ments interrompant des gĂšnes de protĂ©ines codantes. Dix-sept inversions fixĂ©es diffĂ©rencient le chimpanzĂ© du bonobo dont 11 sont spĂ©cifiques au gĂ©nome du bonobo et 22 rĂ©gions peuvent reprĂ©senter des polymorphismes d'inversions chez le bonobo. Au total, 15 786 insertions et 7 082 dĂ©lĂ©tions peuvent ĂȘtre identifiĂ©s comme spĂ©cifique au bonobo. Toutes les variabilitĂ©s gĂ©nĂ©tiques n'entraĂźnent pas forcĂ©ment une perte totale d'un gĂšne ou sa duplication. Le plus souvent les mutations sont silencieuses ou se situent sur des gĂšnes qui peuvent "tolĂ©rer" des mutations ou des rĂ©plications. Par exemple, aprĂšs diverses mutations dans le gĂ©nome du bonobo, il a Ă©tĂ© identifiĂ© que les bonobos avait entrer dans leur code gĂ©nĂ©tique une perte d'un gĂšne associĂ© Ă  la kĂ©ratine (KRTAP19-6) et donc Ă  la production de poils. Cette perte n'affecte en rien leur capacitĂ© de reproduction et d'Ă©volution mais permet de diffĂ©rencier la lignĂ©e ancestrale et commune au chimpanzĂ© et au bonobo et la nouvelle branche associĂ©e aux bonobos[33].

Concurrence Ă©cologique

L'espÚce est aujourd'hui menacée de disparition à brÚve échéance, à cause du braconnage et de la disparition, dégradation et fragmentation de ses habitats naturel (déforestation). Depuis la guerre civile de 1996 au Congo, les bonobos sont victimes d'un braconnage accru de la part des populations locales (et parfois de militaires) qui consomment leur chair. Il s'agit de la principale menace pour l'espÚce[35].

Il est lĂ©galement protĂ©gĂ©, mais l'application de la loi est difficile dans son aire de rĂ©partition, oĂč les efforts de conservation sont en outre entravĂ©s par la corruption, l'isolement et l'instabilitĂ© politique qui caractĂ©rise une partie du bassin du Congo.

La seule présence active et permanente sur le terrain est assurée par des ONG et des projets de recherche :

  • dans le Parc national de la Salonga, des ONG, dont le WWF notamment, travaillent pour renforcer la capacitĂ© d'intervention de l'Institut congolais pour la conservation de la nature, avec l'aide de la Belgique ;
  • ailleurs, des ONG ont recours Ă  des approches participatives pour amener les autochtones Ă  une utilisation durable des ressources naturelles pour une conservation Ă  long terme.

Mesures de protection

Le bonobo est sur la liste rouge de l'UICN des espÚces menacées, son statut de conservation est au niveau « en danger » depuis 1996. Les populations sont en déclin. Il n'était que « vulnérable » en 1986[36].

Jusqu'en 2007, la seule aire protĂ©gĂ©e habitĂ©e par les bonobos Ă©tait le parc national de la Salonga (33 346 km2).

Pour aider Ă  sauver ce primate singulier et menacĂ©, qui vit exclusivement dans les forĂȘts pluviales de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, le gouvernement congolais et l'« Initiative de conservation du Bonobo », basĂ©e aux États-Unis, ont crĂ©Ă© un vaste sanctuaire. La rĂ©serve naturelle du Sankuru, avec ses 30 570 km2, abrite sans doute plusieurs milliers d'individus, sur une population estimĂ©e entre 5 000[37] et 50 000 (les chiffres sont imprĂ©cis, une dĂ©cennie de guerre civile ayant empĂȘchĂ© les chercheurs d'accĂ©der Ă  la zone).

Afin que cette rĂ©serve joue pleinement son rĂŽle, les communautĂ©s locales se sont engagĂ©es Ă  ne plus chasser les bonobos – c'est la principale menace qui pĂšse sur l'espĂšce – en Ă©change d'une aide au dĂ©veloppement.

Ulrik et sa mĂšre Uma.

Sankuru constitue le premier maillon d'un futur rĂ©seau de rĂ©serves baptisĂ© « ForĂȘt de la paix des bonobos »[38].

« Mythe du bonobo »

Le primatologue allemand Gottfried Hohmann souhaite mettre en évidence, par un exemple, que le pacifisme n'est pas une conduite immuable à laquelle le bonobo se conforme sans faille. Le bonobo est, selon lui, un cousin de l'Homme seulement moins agressif que celui-ci, mais cette théorie reste à vérifier[39].

Takayoshi Kanƍ[40], de l'Institut de primatologie de Kyoto, commence Ă  Ă©tudier les bonobos dans leur milieu en 1973. Dans son livre, The Last Ape (Le Dernier Grand Singe), il oppose le chimpanzĂ© brutal et jaloux au bonobo pacifique et libertin. Selon lui, la sociĂ©tĂ© humaine serait nĂ©e d'une libertĂ© sexuelle comparable, et non de l'agression, comme le soutient Konrad Lorenz. De mĂȘme, de Waal parle d'une espĂšce qui « fait l'amour, pas la guerre »[20].

MĂ©dias

  • Le film documentaire Bonobos, sorti le 30 mars 2011 et rĂ©alisĂ© par Alain Tixier, traite de la vie des bonobos dans un refuge unique au monde qui leur est consacrĂ©. Claudine AndrĂ©, spĂ©cialiste des bonobos, recueille BĂ©ni, un petit bonobo capturĂ© par les Hommes, pour lui rĂ©apprendre la vie en communautĂ©.
  • Sur la chaĂźne de tĂ©lĂ© Gulli, le singe en images de synthĂšse prĂ©sentant la mĂ©tĂ©o, Toobo, est un bonobo.
  • Dans la saga reboot La PlanĂšte des singes, commencĂ© avec Les Origines puis L'Affrontement et SuprĂ©matie, le personnage de Koba est un bonobo ayant une forte rancune envers les Hommes au point de dĂ©clencher la guerre entre les Singes et les Hommes dans le second opus.

Notes et références

  1. (en) Murray Wrobel, 2007. Elsevier's dictionary of mammals: in Latin, English, German, French and Italian. Elsevier, 2007. (ISBN 0444518770), 9780444518774. 857 pages. Rechercher dans le document numérisé
  2. (en) Sue Savage-Rumbaugh et Roger Lewin, Kanzi : the ape at the brink of the human mind, John Wiley & Sons, , 299 p. (ISBN 0-385-40332-1), p. 97.
  3. (en) Frans de Waal, Our Inner Ape, Riverhead Books, (ISBN 1-57322-312-3).
  4. Jean-Jacques Petter (préf. Yves Coppens, ill. François Desbordes), Primates, Nathan, , 256 p. (ISBN 978-2-09-260543-1), Chimpanzés et bonobos page 228
  5. (en) Référence Animal Diversity Web : Pan paniscus
  6. Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader, Classification phylogénétique du vivant, t. 2, Paris, Belin, , p. 593.
  7. Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader, Classification phylogénétique du vivant, t. 2, Paris, Belin, , p. 592.
  8. « Bonobo », sur Université du Wisconsin (consulté le ).
  9. « Pan paniscus », sur Union internationale pour la conservation de la nature (consulté le ).
  10. « Comparaison du bonobo avec le chimpanzé », sur pan-paniscus.org (consulté le ).
  11. (en) David Beaune, François Bretagnolle, LoĂŻc Bollache et Gottfried Hohmann, « Seed dispersal strategies and the threat of defaunation in a Congo forest », Biodiversity and Conservation, vol. 22, no 1,‎ , p. 225–238 (ISSN 1572-9710, DOI 10.1007/s10531-012-0416-x, lire en ligne, consultĂ© le ).
  12. David Beaune, François Bretagnolle, LoĂŻc Bollache et ChloĂ© Bourson, « Ecological services performed by the bonobo (Pan paniscus): seed dispersal effectiveness in tropical forest », Journal of Tropical Ecology, vol. 29, no 5,‎ , p. 367–380 (ISSN 0266-4674, lire en ligne, consultĂ© le ).
  13. David Beaune, LoĂŻc Bollache, François Bretagnolle et Barbara Fruth, « Dung beetles are critical in preventing post-dispersal seed removal by rodents in Congo rain forest », Journal of Tropical Ecology, vol. 28, no 5,‎ , p. 507–510 (ISSN 0266-4674, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. (en) David Beaune, François Bretagnolle, LoĂŻc Bollache et Gottfried Hohmann, « The Bonobo–Dialium Positive Interactions: Seed Dispersal Mutualism », American Journal of Primatology, vol. 75, no 4,‎ , p. 394–403 (ISSN 1098-2345, DOI 10.1002/ajp.22121, lire en ligne, consultĂ© le ).
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Voir aussi

Bibliographie

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