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Intelligence animale

« Intelligence animale » est une expression renvoyant aux capacitĂ©s cognitives des animaux et Ă  leur Ă©tude. Le sujet a donnĂ© lieu Ă  de nombreux travaux dont les rĂ©sultats offrent non seulement une meilleure comprĂ©hension du monde animal mais aussi, par extension, des pistes pour l’étude de l'intelligence humaine.

Une comparaison du cerveau de différents mammifÚres.

Différents groupes d'espÚces se démarquent par leurs aptitudes intellectuelles lors des recherches sur l'éthologie cognitive. Les grands singes, les dauphins, les éléphants et les corvidés (pies, corbeaux), qui peuvent se reconnaßtre dans un miroir, les chimpanzés et les corvidés qui fabriquent des outils, les perroquets qui peuvent tenir une conversation structurée, comprendre la notion de zéro et communiquer avec plus de huit-cents mots, les éléphants qui ont un comportement singulier face à leur mort et les cétacés au langage complexe en sont quelques exemples. D'autres animaux tels les rats, les cochons et les pieuvres ont intéressé les chercheurs par leur capacité de raisonnement.

Certains animaux Ă  l’organisation sociale particuliĂšre, dits « animaux eusociaux », ont une intelligence individuelle limitĂ©e mais forment cependant des communautĂ©s capables d'adaptation intelligente lorsqu'ils sont en groupe : on parle alors d'Intelligence collective, comme c'est le cas chez les insectes sociaux.

DĂ©finition

Il n'existe pas de définition universellement acceptée de l'intelligence, mais on peut la définir et la mesurer comme la vitesse et le degré de réussite avec lesquels les animaux (y compris les humains) résolvent les problÚmes qui se posent à eux pour survivre dans leur environnement naturel et social[1].

Il existe une distinction entre l'« intelligence », concept abstrait, et le « comportement intelligent », phĂ©nomĂšne observable et mesurable. L'intelligence n'est pas une propriĂ©tĂ© biologique comme la taille du cerveau, mais une abstraction fondĂ©e sur des jugements de valeur au sujet du comportement d'un organisme. Les rĂ©sultats plus ou moins Ă©levĂ©s lors d'expĂ©rimentations dĂ©terminent en quelque sorte le « degrĂ© » d’intelligence. Si l'observateur estime qu'une espĂšce possĂšde une quantitĂ© suffisante des caractĂ©ristiques comportementales qui caractĂ©risent selon lui l'intelligence, il classera cette espĂšce comme plutĂŽt intelligente[2].

Une grande partie de ce qui a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© jusqu'Ă  maintenant comme relevant du domaine de l'intelligence animale est dorĂ©navant placĂ© sous la dĂ©nomination de « cognition animale ». Aussi appelĂ©e Ă©thologie cognitive, cette discipline correspond Ă  l'Ă©tude moderne des capacitĂ©s mentales des animaux Ă  l'exception des humains. Elle a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e Ă  partir de la psychologie comparĂ©e, Ă©galement connue sous le nom de psychologie diffĂ©rentielle, et a Ă©tĂ© fortement influencĂ©e par les approches de l'Ă©thologie, de l’écologie bĂ©havioriste et de la psychologie Ă©volutionniste[3]. Frans de Waal dĂ©finit la cognition, processus de traitement de l'information, comme « la transformation de sensations en comprĂ©hension de l'environnement et l'application adaptĂ©e de ce savoir ». Il dĂ©finit l'intelligence comme la capacitĂ© d'accomplir ce processus avec succĂšs[4].

Ce que chaque espĂšce doit apprendre dans son environnement et les mĂ©thodes pour y arriver sont trĂšs diffĂ©rentes de l'une Ă  l'autre[1]. Certains Ă©cologistes bĂ©havioristes avancent que l'intelligence n'est qu'une accumulation de capacitĂ©s particuliĂšres qui sont des adaptations Ă  un environnement spĂ©cifique[5]. Les chercheurs en psychologie comparative au contraire affirment qu'il est possible de mesurer les capacitĂ©s de rĂ©solution de problĂšme en gĂ©nĂ©ral et d'apprentissage chez les espĂšces animales, par des tests standardisĂ©s en laboratoire[6] - [7]. Cependant, les tests en laboratoire peuvent ĂȘtre « injustes » car ils ne prennent pas en compte les diffĂ©rences perceptuelles et certaines prĂ©dispositions cognitives des animaux testĂ©s[8].

L'un des intĂ©rĂȘts de l'Ă©tude de la cognition animale est d'essayer d'apprĂ©hender ses effets sur la sĂ©lection de l'habitat, les invasions ou la biodiversitĂ©, par exemple. DiffĂ©rentes manifestations de la cognition, comme l'exploration, la nĂ©ophobie, l'innovation, l'apprentissage individuel et social, l'utilisation d'outils, la rĂ©ciprocitĂ© et les coalitions ont des effets sur les relations sociales, le choix d’aliments ou la rĂ©ponse aux perturbations du milieu causĂ©es par l'homme[9].

En ce qui concerne l'alimentation, les recherches d’Alex Kacelnik (en), Ă©cologiste bĂ©havioriste Ă  l'UniversitĂ© d'Oxford, ont dĂ©voilĂ© une facultĂ© observable chez certains oiseaux : la capacitĂ© Ă  se remĂ©morer un Ă©vĂ©nement du passĂ©. Dans un article, Kacelnik explique comment le geai buissonnier semble pouvoir se rappeler la nature des aliments qu’il cache et dĂ©terminer Ă  quel moment il doit les rĂ©cupĂ©rer pour Ă©viter qu’ils ne pourrissent[10]. Les psychologues cognitifs, qui s'occupent d'ĂȘtres humains, appellent cette capacitĂ© la mĂ©moire Ă©pisodique.

La cognition varie d'une espÚce à l'autre, allant de simples apprentissages chez plusieurs invertébrés, à des formes beaucoup plus complexes chez les abeilles, les pieuvres, les corvidés, les primates et les odontocÚtes. Quand des animaux sont examinés pour déterminer leur capacité à apprendre une rÚgle, les meilleurs résultats sont obtenus par les humains et, dans une moindre mesure, par leurs cousins primates.

Abeilles à miel de retour à la ruche aprÚs avoir récolté du pollen. 2007.
Utilisation d'outils. Un macaque crabier se sert d'une pierre pour ouvrir une noix. 2013.
Un bihoreau gris construit son nid. 2015.

On utilise souvent comme exemples d'intelligence animale des cas de comportements extrĂȘmement complexes ou fortement appropriĂ©s. Certains comportements collectifs des insectes[11], celui de la construction de nid d'oiseaux[12] ou encore l'utilisation voire la fabrication d'outils[13] - [14] entrent dans ce cadre. Aussi impressionnants soient-ils, ces exemples ne sont pas nĂ©cessairement reprĂ©sentatifs de comportements intelligents. Ils peuvent n'ĂȘtre que les manifestations de programmes sensorimoteurs sophistiquĂ©s. La caractĂ©ristique du comportement intelligent, tel que dĂ©fini par l'humain, devrait correspondre Ă  la rĂ©action de l'individu devant un nouveau dĂ©fi pour sa survie et, Ă©ventuellement, sur la façon dont il transmet sa connaissance Ă  ses congĂ©nĂšres. Toutefois, Clive Wynne, qui a Ă©tudiĂ© la cognition des pigeons Ă  l'UniversitĂ© de Floride, affirme que cette dĂ©finition peut ĂȘtre limitative et impropre Ă  reprĂ©senter l'intelligence animale (autre qu'humaine). Il affirme que « les psychologues spĂ©cialistes de la cognition humaine sont parfois si arrĂȘtĂ©s sur leurs dĂ©finitions qu'ils oublient Ă  quel point les dĂ©couvertes des animaux sont fabuleuses »[15].

Il n'en demeure pas moins que l'Ă©tude de la cognition animale se concentre, en partie, sur l'Ă©tude des problĂ©matiques suivantes : l'animal peut-il adapter ses techniques – construire des nids complexes, par exemple – en utilisant de nouveaux matĂ©riaux pour pallier l'absence des matĂ©riaux habituels ? Peut-il se procurer une source nouvelle de nourriture qui serait relativement inaccessible, quand les sources traditionnelles se tarissent ? Peut-il rapidement acquĂ©rir de nouvelles mĂ©thodes d'action pour Ă©viter les prĂ©dateurs, ou pour rĂ©agir Ă  l'apparition soudaine d'une forme de prĂ©dation inĂ©dite ?

Des observations Ă©tonnantes

En laboratoire, des Ă©tudes menĂ©es sur des oiseaux et des mammifĂšres ouvrent d'autres voies Ă  l'Ă©tude de la cognition animale. Au cours des annĂ©es passĂ©es, les scientifiques cognitifs ont rĂ©vĂ©lĂ© que la capacitĂ© d'imitation de certains animaux pourrait en fait ĂȘtre une dĂ©monstration d’intelligence. En effet, Louis Herman, psychologue cognitif, affirme que les dauphins dĂ©montrent leur capacitĂ© Ă  former une image mentale lorsqu'ils imitent, par exemple, la pose de leur entraĂźneur[10].

Numéro de dauphins dans un delphinarium de Majorque, 2006.

Depuis la fin des annĂ©es 1960, Herman Ă©tudie les dauphins[16]. Pour communiquer avec eux, il a dĂ©veloppĂ©, avec son Ă©quipe, un langage codĂ© transmis par le bras et la main des entraĂźneurs. À des mots de vocabulaire tels que « panier » ou « ballon » se sont ajoutĂ©s des termes abstraits qui font rĂ©fĂ©rence Ă  une connaissance grammaticale de base : « gauche », « droite », « Ă  l'intĂ©rieur », etc.

Au-delĂ  de l'habiletĂ© des dauphins Ă  rĂ©pondre aux demandes des entraĂźneurs, Herman a dĂ©montrĂ© que ces animaux pouvaient crĂ©er des mouvements qui n'avaient pas fait l'objet d'un entraĂźnement. Au cours d'une expĂ©rience, des mots comme « planche de surf », « nageoire dorsale », « toucher » sont transmis Ă  l'un des dauphins de Herman. Au signal, l'animal nage vers la planche, se tourne sur le cĂŽtĂ© et le touche de sa nageoire dorsale – une rĂ©ponse qu'on ne lui avait jamais enseignĂ©e. À la suite de cette observation, le chercheur et son Ă©quipe ont conçu un signe pour demander aux dauphins d'inventer un mouvement de leur choix.

Capacité d'adaptation et esprit créateur

L'un des aspects de la recherche actuelle sur l'intelligence animale repose donc sur la dĂ©finition mĂȘme du concept d'« intelligence ». Aussi est-il nĂ©cessaire de se pencher sur la question d'apprĂ©ciation des rĂ©sultats d'expĂ©rimentations et des conceptions usuelles de l'intelligence humaine. Pour plusieurs personnes, l'intelligence animale ne rĂ©fĂšre pas Ă  la production d'idĂ©es[17], comme c'est le cas chez l'humain instruit par sa culture. Il ne serait donc pas question de rĂ©flĂ©chir pour contourner certains obstacles, pas plus que d'« esprit crĂ©ateur », tel qu'observĂ© chez les dauphins de Herman. Des chercheurs affirment que l'intelligence animale serait plutĂŽt la facultĂ© d’un animal Ă  s'adapter aux pressions nouvelles de son environnement. Dans cette optique, ĂȘtre intelligent consisterait uniquement Ă  apprendre Ă  s'adapter et Ă  tirer profit des changements du milieu.

ProblĂšmes particuliers

L'intelligence animale est étudiée sous différents angles, dont l'utilisation d'outils, la mémoire et le langage.

Castors du Canada Ă  l'ouvrage. Illustration de John James Audubon, vers 1844.

Le biologiste RĂ©my Chauvin s'est par exemple intĂ©ressĂ© Ă  l'utilisation d'outils dĂ©veloppĂ©s par les animaux en fonction de situations particuliĂšres : des nids de feuilles cousues par certaines fauvettes, la construction de barrages par les castors et les outils proprement dits utilisĂ©s par les primates pour la pĂȘche aux fourmis et termites. Tout cela dĂ©montre qu'il ne s'agit pas d'instincts aveugles, mais de constructions pensĂ©es rĂ©pondant Ă  un but[18].

Quant à la mémoire, contrairement à ce que l'on pourrait penser, celle des animaux est trÚs développée. Les animaux vivent et se développent par un processus d'apprentissage et de traitement de l'information permettant de résoudre un problÚme posé par l'environnement. C'est ce qu'on appelle la cognition[19]. En effet, grùce à la cognition, un animal réussit à faire face à des situations nouvelles. De plus, lorsqu'une ancienne situation se reproduit, l'ancien réflexe rejaillit de sa mémoire et, de cette maniÚre, l'animal agira selon le processus de stimulus-réponse.

Enfin, la question du langage repose sur le mauvais choix de terme utilisé. Faudrait-il parler de « langage » ou de « communication » quand il est question d'animaux ? Des expériences avec des singes, des oiseaux et des dauphins, dont il est question plus loin, ont démontré chez eux une capacité à apprendre un langage ou quelque chose qui ressemble au langage. Mais des controverses subsistent quant à ce que ces animaux ont vraiment appris[20].

Questions abordées par la recherche

Pour comparer l'intelligence de diffĂ©rentes espĂšces, il est difficile d'imaginer un test qui ne soit pas biaisĂ© d'une façon ou d'une autre. Nombre de tests sur la capacitĂ© des animaux Ă  rĂ©soudre des problĂšmes n'Ă©taient, au dĂ©but, pas fiables[21]. Le mĂȘme test, utilisĂ© avec la mĂȘme espĂšce, donnait parfois des rĂ©sultats diffĂ©rents selon le type d'appareil employĂ©. Parfois aussi, le mĂȘme test, avec le mĂȘme appareil, donne des rĂ©sultats Ă©tonnamment diffĂ©rents.

Les scientifiques ont imaginĂ© nombre d'expĂ©riences pour dĂ©couvrir si certains animaux peuvent maĂźtriser des problĂšmes requĂ©rant l'apprentissage d'une rĂšgle gĂ©nĂ©rale. On peut apprendre Ă  des animaux Ă  choisir dans un lot d'objets celui qui correspond Ă  un Ă©chantillon. Les primates apprennent trĂšs vite Ă  rĂ©soudre ce genre de problĂšmes, mais un pigeon a besoin de nombreux essais. Harry Harlow[22] avait conçu un test pour mesurer la capacitĂ© des animaux Ă  suivre des rĂšgles et Ă  faire des infĂ©rences valides. Au lieu de tester des singes par une simple discrimination visuelle, Harlow leur prĂ©sentait une sĂ©rie de tests pour lesquels il fallait appliquer chaque fois la mĂȘme rĂšgle. Si l'animal s'amĂ©liore lors d'une telle sĂ©rie, on dit qu'il a acquis un certain ensemble d'apprentissage en sĂ©rie (learning set). Ainsi, on pouvait donner Ă  l'animal une suite de problĂšmes de discrimination et le classer, ensuite, selon son taux d'amĂ©lioration.

Lorsqu'on classe les animaux selon leur taux d'amélioration sur une série de problÚmes, on peut prédire leur rang d'aprÚs un index de développement du cerveau[23] - [24]. Cet index est une estimation du nombre de cellules nerveuses dans le cerveau qui s'ajoutent à celles qui sont nécessaires pour le contrÎle des fonctions corporelles[25]. Il semble qu'on puisse concevoir des tests pour l'intelligence animale qui soient semblables à ceux appliqués à l'intelligence humaine et qui différencient les membres d'espÚces distinctes.

Aspects culturels du comportement

L'Ă©volution est un rĂ©sultat de la sĂ©lection naturelle, et la transmission hĂ©rĂ©ditaire des caractĂ©ristiques acquises n’est normalement pas possible. Quelle que soit l’adaptation d'un animal individuel Ă  son environnement, que cette adaptation soit apprise ou physiologique, les adaptations acquises ne peuvent se transmettre Ă  la descendance par voie gĂ©nĂ©tique. C'est une notion largement acceptĂ©e parmi les biologistes. Cependant, l'information peut se transmettre de parent Ă  enfant par imitation et par imprĂ©gnation. En gĂ©nĂ©ral, le passage d'informations d'une gĂ©nĂ©ration Ă  la suivante par des voies non gĂ©nĂ©tiques s'appelle « Ă©change culturel »[26].

L'imitation n'est pas forcément un signe d'intelligence supérieure[27]. Des animaux peuvent se copier l'un l'autre du simple fait de la facilitation sociale. De nombreux animaux mangent davantage lorsqu'ils sont nourris en groupe que lorsqu'ils sont seuls. On a démontré cela expérimentalement aussi bien chez les poussins, les chiots et les poissons que chez les opossums.

Langage

La « communication » animale possÚde certains points communs avec le « langage » humain. Ici, deux chiens communiquant en face à face.

Parler de « langage animal » pose un problĂšme de dĂ©finition du terme « langage ». On utilise souvent le terme « langage » au sens large, incluant celui de « communication » : en ce sens, les animaux communiquent plus ou moins bien, par diverses voies[28], et certains animaux ont une communication remarquable – sans l'aide de l'homme, comme chez les abeilles Ă©tudiĂ©es par Karl von Frisch, ou acquise grĂące Ă  l'homme, comme chez les grands singes par exemple[29]. Toutefois, il n'y a pas de diffĂ©rences entre le transfert d'informations par les insectes eusociaux et celui entre les cellules d'un organisme. Il s'agit d'une façon de rĂ©agir Ă  des stimuli et d'en produire des nouveaux qui est entiĂšrement codĂ©e dans les gĂšnes. Il est donc plus juste de considĂ©rer les abeilles comme des composants d'un super-organisme organisĂ© par l'Ă©volution que comme des organismes qui communiquent. L'usage du langage, toutefois, n'est reconnu qu'Ă  l'homme et certains oiseaux et grands mammifĂšres.

Le linguiste Émile Benveniste, dans un article de 1952, Communication animale et langage humain, Ă©tablit clairement la diffĂ©rence entre communication et langage, distinction toujours valable aujourd'hui pour la linguistique. Il reprend, en rendant hommage Ă  leur auteur, les travaux de Frisch sur la communication des abeilles – la « danse » qui indique l'endroit oĂč se trouve du pollen –, et il se base sur ceux-ci pour dĂ©finir ce qu'est le langage. Le linguiste dĂ©finit la communication des abeilles comme un « code de signaux » qui « dĂ©note un symbolisme particulier qui consiste en un dĂ©calque de la situation objective » : des donnĂ©es visuelles et gĂ©ographiques (oĂč se trouve le pollen). Dans le langage humain, au contraire, « le symbole en gĂ©nĂ©ral ne configure pas les donnĂ©es de l'expĂ©rience, en ce sens qu'il n'y a pas de rapport nĂ©cessaire entre la rĂ©fĂ©rence objective et la forme linguistique » ; c'est-Ă -dire que les signes du langage humain sont arbitraires et ne ressemblent pas Ă  ce qu'ils dĂ©signent.

Un bonobo. Photo 2008.

L'une des difficultés de l'étude d'éventuelles capacités langagiÚres chez l'animal réside dans le fait que, lorsqu'on tente une définition du langage, elle se résume souvent à une définition du langage humain, excluant de facto une telle maßtrise chez l'animal. Les éthologistes, comme Irene Pepperberg ou Sue Savage-Rumbaugh, sont plus nuancés et invitent à placer la communication sur un continuum. Les différences seraient donc davantage de degré que de nature.

Un perroquet gris du Gabon. Photo 2010.

Sue Savage-Rumbaugh, au travers de l'apprentissage d'un langage symbolique, le « yerkish », a pu montrer que le chimpanzé bonobo Kanzi est capable d'associer des lexigrammes avec des objets, des actions ou des personnes. Il peut également créer des associations de lexigrammes pour créer un sens nouveau. Ces créations originales ne relÚvent donc pas d'un apprentissage[30].

Selon Louis Lefebvre, professeur de biologie à l'Université McGill, il est possible de vérifier la capacité que certaines espÚces ont à apprendre des « phrases » formées de séquences de symboles. Alex, un perroquet gris du Gabon, a montré à sa maßtresse Irene Pepperberg qu'il pouvait non seulement décrire des objets, les identifier et nommer leur différence, mais aussi dire des phrases courtes comme « Alex donne pomme IrÚne », ou l'inverse. Il s'agit donc là de symboles, en référence aux objets, que le perroquet place dans l'ordre logique de l'action[31].

Construction de catégorie (catégorisation)

La capacitĂ© Ă  regrouper des objets au sein d'une mĂȘme classe, suppose, en plus de l'Ă©laboration d'une relation de ressemblance ou de diffĂ©rence entre les caractĂ©ristiques physiques des stimuli, le recours Ă  une reprĂ©sentation de la classe comme entitĂ© discriminable elle-mĂȘme de celle d'une autre classe.

Des Ă©tudes spectaculaires ont Ă©tĂ© menĂ©es sur le pigeon par Richard Herrnstein et ses collaborateurs[32] afin d'attester cette capacitĂ©. Des pigeons ont Ă©tĂ© entraĂźnĂ©s Ă  discriminer, sur un ensemble de quatre-vingt diapositives, celles sur lesquelles figurent des arbres – la moitiĂ© du lot – de celles oĂč il n'y a pas d'arbres – l'autre moitiĂ©. Une seule diapositive est montrĂ©e Ă  la fois. Le pigeon reçoit un stimulus positif, en l'occurrence de la nourriture, quand il donne en guise de rĂ©ponse un coup de bec sur une clĂ© se trouvant sous la diapositive montrant un arbre ; lorsqu'il rĂ©pond de cette maniĂšre Ă  une diapositive sur laquelle ne figure pas d'arbre, il ne se passe rien. AprĂšs un grand nombre de sĂ©ances d'entraĂźnement, la plupart des pigeons ont discriminĂ© correctement les deux sous-ensembles d'objets, c'est-Ă -dire qu'ils ne becquettent plus guĂšre la clĂ© que lorsque des arbres leur sont montrĂ©s. Pour les chercheurs, les pigeons sont parvenus Ă  abstraire le concept d'arbre dans la mesure oĂč ils sont capables de le gĂ©nĂ©raliser Ă  d'autres spĂ©cimens d'arbres pour lesquels ils n'avaient pas Ă©tĂ© entraĂźnĂ©s[33].

Ces capacitĂ©s de discrimination du pigeon ne se limitent pas Ă  des objets comme les arbres, objets dont l'importance est Ă©vidente pour un oiseau. D'autres recherches ont en effet montrĂ© que cet oiseau est Ă©galement capable de reconnaĂźtre des scĂšnes aquatiques comportant des poissons de celles oĂč les poissons sont absents. D'autres travaux suggĂšrent que l'animal peut considĂ©rer des dimensions plus abstraites dans les processus de catĂ©gorisation. Fagot et Thompson montrent qu'ils peuvent par exemple regrouper dans la mĂȘme classe des paires d'objets reprĂ©sentant les mĂȘmes relations abstraites d'identitĂ© ou de diffĂ©rence[34].

Cette capacité de catégorisation a également été démontrée chez les dauphins et les singes. Elle semble largement répandue dans la nature et n'est pas une caractéristique propre de l'espÚce humaine[35].

MĂ©moire

Des données, recueillies à l'aide de protocoles expérimentaux similaires et se rapportant à la mémoire de listes, sont disponibles à la fois pour le pigeon et pour le singe. Ces travaux permettent d'établir des comparaisons entre deux espÚces et de comparer également les performances des animaux avec des sujets humains.

La technique de l'apprentissage sĂ©riel a Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă  des singes apelles par D'Amato et Colombo[36]. Les singes ont acquis plus rapidement que les pigeons une liste de cinq objets comprenant des couleurs ou des formes non colorĂ©es. D'aprĂšs Terrace[37], le singe dĂ©veloppe une reprĂ©sentation linĂ©aire de la liste lui imposant de commencer au dĂ©but de celle-ci et de s'y dĂ©placer jusqu'Ă  ce qu'il localise l'un des items apparaissant dans un sous-ensemble donnĂ©. En revanche, pour produire sa sĂ©quence, le pigeon s'appuierait sur la saillance du premier et du dernier item de la liste[38]. L'ensemble de ces rĂ©sultats montre que l'oiseau et le primate mettent en Ɠuvre des stratĂ©gies cognitives qui, bien que diffĂ©rentes, impliquent l'usage de reprĂ©sentations dans l'apprentissage de listes d'items.

De son cĂŽtĂ©, Tetsurƍ Matsuzawa, primatologue japonais, a Ă©tudiĂ© les capacitĂ©s d'un chimpanzĂ©, baptisĂ© Ayumu, Ă  reproduire une sĂ©quence de chiffres aprĂšs ne les avoir vus qu'une fraction de seconde. Un groupe d'Ă©tudiants fut ensuite soumis au mĂȘme test, et il apparut qu'avec six mois d'entraĂźnement, ceux-ci Ă©taient moins rapides que le singe. Matsuzawa observe qu'Ayumu rĂ©ussit Ă  reproduire la sĂ©quence dans 80 % des cas, tandis que les Ă©tudiants n'y parviennent que dans 40 % des cas[39] - [40]. JoĂ«l Fagot et Robert Cook ont montrĂ© que des pigeons et des babouins peuvent mĂ©moriser des milliers d'images et les rĂ©ponses qui leur sont associĂ©es, et garder une trace en mĂ©moire de ces apprentissages pendant une durĂ©e estimĂ©e Ă  un an[41].

Un geai buissonnier avec des cacahuĂštes. Photo 2009.

La mémoire épisodique, que l'on croyait exclusive aux humains, est la capacité de se souvenir d'un objet dans un moment donné et à un endroit précis. Le geai buissonnier, qui a l'habitude de cacher de la nourriture, est un bel exemple. Nicolas Clayton de l'Université de Cambridge et son équipe ont voulu reproduire le phénomÚne en laboratoire. Ils ont placé le geai dans une cage à trois compartiments communiquant entre eux, mais dans laquelle seul le compartiment de droite contenait de la nourriture. Durant deux heures par jour, pendant cinq jours, les chercheurs ont enfermé l'oiseau dans l'un des compartiments, qui un jour contenait de la nourriture et le jour d'aprÚs non. Le sixiÚme jour, l'oiseau avait déplacé de la nourriture dans le compartiment qui n'en contenait pas. Le chercheur a conclu que l'oiseau avait une capacité à planifier en se servant de sa conscience du passé, du présent et du futur[42].

Comptage

La capacitĂ© des animaux Ă  compter est gĂ©nĂ©ralement testĂ©e en proposant le choix entre au moins deux dispositifs diffĂ©rant par le nombre d'items (le bon choix Ă©tant associĂ© Ă  une rĂ©compense), et en variant les situations de choix. Les singes et les oiseaux sont capables de compter[43] : par exemple, les cormorans utilisĂ©s en Chine dans une forme de pĂȘche traditionnelle n'acceptent de continuer, aprĂšs une sĂ©rie de sept prises, que s'ils peuvent manger le huitiĂšme poisson[44] - [45]. Certains insectes aussi savent compter (jusqu'Ă  4 pour les abeilles[46] - [47]).

Une variante des tests prĂ©cĂ©dents permet d'Ă©valuer la capacitĂ© des animaux Ă  Ă©valuer si un nombre est plus grand qu'un autre, et mĂȘme leur capacitĂ© Ă  considĂ©rer le zĂ©ro (l'absence d'items) comme un nombre infĂ©rieur aux autres. Cette capacitĂ© a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e chez les gris du Gabon[48] et chez les singes rhĂ©sus[49], et jusque chez les abeilles domestiques[50].

Des expĂ©riences scientifiques ont par exemple rĂ©vĂ©lĂ© que les bĂ©bĂ©s humains se trouvent sur un pied d'Ă©galitĂ© avec les animaux lorsqu'il s’agit d'arithmĂ©tique simple : une dĂ©couverte Ă©tonnante qui met en Ă©vidence l’intĂ©rĂȘt de la recherche sur l'intelligence animale[51]. D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les performances numĂ©riques des singes et des humains au langage arithmĂ©tiquement pauvre ne se distinguent pas fondamentalement[52].

Permanence de l'objet

Les thĂ©ories de Jean Piaget concernant le dĂ©veloppement de l'intelligence chez l'enfant ont inspirĂ© un certain nombre de travaux en psychologie comparĂ©e de la cognition. Selon ce psychologue – Ă©galement biologiste, logicien et Ă©pistĂ©mologue –, l'acquisition de la permanence de l'objet est trĂšs importante pour le dĂ©veloppement de la pensĂ©e. GrĂące Ă  l'acquisition de cette permanence, l'enfant peut concevoir les objets comme des entitĂ©s fixes et permanentes. Cette acquisition entre la naissance et l'Ăąge de deux ans passe par une sĂ©rie de six stades. Elle sert de support Ă  de multiples acquisitions au cours de l'enfance et est indispensable pour l'organisation de l'espace, du temps et de la causalitĂ©.

La permanence de l'objet apparaĂźt au cours du stade 3 pour l'enfant, vers l'Ăąge de six mois. Dans les stades suivants, l'enfant maĂźtrise les dĂ©placements visibles d'un objet sous des « Ă©crans » – des serviettes de bain, par exemple, ou n'importe quoi pouvant servir Ă  le dissimuler –, puis est capable d'en reconstituer mentalement les dĂ©placements invisibles que l'expĂ©rimentateur fait effectuer Ă  celui-ci.

De nombreuses espĂšces animales, comme le hamster, le poussin, le chat et les primates, ont Ă©tĂ© soumis Ă  des tests de permanence de l'objet. Les rĂ©sultats Ă  ces tests diffĂšrent selon les espĂšces concernĂ©es, et seuls les primates montrent un ordre d'apparition des stades correspondant Ă  celui qui est observĂ© chez l'enfant. Toutefois, certaines espĂšces s'arrĂȘtent au stade 4. C'est le cas pour le singe-Ă©cureuil Ă©tudiĂ© par Vaughter et ses collaborateurs[53]. Le chimpanzĂ© Ă©tudiĂ© par Wood et ses collaborateurs[54] franchit toutes les Ă©tapes et parvient mĂȘme au stade 6 plus rapidement que l'enfant. Il n'est pas surprenant que des primates non humains, qui se dĂ©placent de façon autonome dans l'espace beaucoup plus tĂŽt que les jeunes enfants, apprennent plus rapidement qu'eux les relations objectives et spatiales entre objets. Le test de permanence de l'objet pourrait donc remplir un rĂŽle diffĂ©rent dans les constructions cognitives de l'homme et du primate[55].

Utilisation d'outils et degré d'innovation

Un chimpanzé se servant d'un outil pour chasser. Photos prises au Sénégal dans les années 2010.

La capacitĂ© d'utiliser des outils a trĂšs longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un aspect de l'intelligence[56]. Cette capacitĂ© se dĂ©veloppe chez un individu probablement grĂące Ă  un mĂ©lange d'apprentissage imitatif et instrumental. À cet Ă©gard, il est difficile de sĂ©parer l'utilisation d'outils par les primates du dĂ©veloppement de l'exploration chez le pinson pic. Certains biologistes, tout en admettant que l'utilisation d'outils n'est pas, en soi, un signe d'intelligence, arguent qu'elle prĂ©pare le terrain pour un comportement rĂ©ellement intelligent, qui implique l'innovation[26].

Le cas d'emploi d'outil le plus accompli rapportĂ© Ă  ce jour concerne le cassage de noix par les chimpanzĂ©s, observĂ© par Sugiyama et Koman[57] en GuinĂ©e, et par Hedwige Boesch[58] dans la ForĂȘt de TaĂŻ en CĂŽte d'Ivoire.

Les noix les plus frĂ©quemment cassĂ©es par ces chimpanzĂ©s possĂšdent une coque trĂšs dure, et cette activitĂ© requiert des conditions spĂ©cifiques : la prĂ©sence d'une « enclume » – une souche ou une pierre plate – sur laquelle la noix est placĂ©e et d'un « marteau » – un morceau de bois ou une grosse pierre – qui sert d'outil pour la briser. La rĂ©sistance de ces noix contraint les chimpanzĂ©s Ă  sĂ©lectionner les meilleurs « marteaux » et Ă  les transporter jusqu'au pied des noyers. Une Ă©tude de l'organisation spatiale du transport des « marteaux » conduite par le couple Boesch[59] suggĂšre que les chimpanzĂ©s se souviennent des lieux oĂč les outils possibles se trouvent. De plus, ils choisissent leurs pierres de telle sorte que le trajet entre l'outil sĂ©lectionnĂ© et l'arbre implique le parcours minimal. La stratĂ©gie adoptĂ©e par le chimpanzĂ© consiste Ă  sĂ©lectionner d'abord un arbre porteur de noix, puis Ă  choisir une pierre en fonction de la distance Ă  parcourir[60]. Pour les chercheurs, ces comportements supposent une reprĂ©sentation spatiale Ă©laborĂ©e qui permet au chimpanzĂ© de mesurer les distances et de les comparer entre elles.

Un autre exemple stupĂ©fiant : les chimpanzĂ©s et les corbeaux de Nouvelle-CalĂ©donie ont la capacitĂ© d'utiliser des brindilles qu'ils adaptent et insĂšrent dans un trou d'arbre ou une crevasse pour dĂ©nicher des insectes et se nourrir. Ces observations ont Ă©tĂ© faites maintes fois en milieu naturel[61]. Toutefois, il arrive que les chercheurs observent des Ă©vĂ©nements inusitĂ©s qui relĂšvent de l'innovation. Par exemple, une corneille d'IsraĂ«l a Ă©tĂ© aperçue alors qu'elle utilisait un morceau de pain qu'elle laissait flotter Ă  la surface de l'eau pour leurrer des poissons. Elle alla mĂȘme jusqu'Ă  tenter de les attirer vers des endroits plus accessibles pour elle[61].

Enfin, le trap-tube test est aussi une méthode utilisée pour vérifier si l'animal comprend la relation de cause à effet lors de l'utilisation d'un outil. Le Dr Elisabetta Visalberghi a observé des capucins en train de se servir d'une sorte de bùtonnet qu'on leur avait fourni pour retirer d'un tube de la nourriture qu'on y avait préalablement placée. En poussant sur la nourriture avec le bùtonnet, la nourriture tombait de l'autre cÎté et n'était pas accessible, alors que si le singe essayait de tirer la nourriture vers lui, il pouvait l'obtenir. Le capucin n'a pas été capable de comprendre le phénomÚne de façon assez convaincante pour les chercheurs[62].

Raisonnement

Sue Savage-Runbaugh observa avec l'aide de Kanzi, singe bonobo, que les primates sont capables de mentir. Pour ce faire, elle offrit une clĂ© Ă  Kanzi. Ce dernier alla la cacher une fois Sue repartie. Par la suite, la chercheuse demanda au singe de lui redonner la clĂ©, mais semblant l'avoir perdue, tous les deux se sont mis Ă  la chercher, sans rĂ©sultat. Une fois seul, le singe alla chercher la clĂ© et l’utilisa pour sortir de son enclos[63].

Un autre cas recensé de mensonge implique la femelle gorille Koko. S'exprimant en langage gestuel, elle impliqua sa monitrice alors qu'elle avait détruit un évier. Lorsqu'on lui demandait pourquoi elle avait commis un tel geste, Koko répondait avec front : « Kate évier mal »[64].

Pour ce qui concerne leurs capacités logiques, des expériences ont montré que les rats ont la capacité d'apprendre des rÚgles et de les transférer d'une situation à une autre[65], qu'ils sont capables d'inférences causales et possÚdent l'aptitude de distinguer la cause d'un simple phénomÚne associé[66], que les otaries maitrisent le concept d'identité logique entre deux éléments visuels trÚs différents[67], que les chimpanzés ont le sens de la causalité, savent raisonner de façon inférentielle par exclusion, connaissent les rÚgles élémentaires de la physique (idée du poids sur une balance...)[68] et que certains d'entre eux sont capables de raisonner selon un processus d'inférence transitive[69].

Emotions et leurs expressions

La peur de l'anthropomorphisme a eu pour conséquence que les chercheurs ont longtemps abordé avec prudence cet aspect de l'intelligence animale. L'émotivité animale existe, les animaux et notamment les primates exprimant des sentiments forts, souvent proches de ceux des humains[70].

Les travaux de Jaak Panksepp ont montré que le rire n'est pas une expression émotionnelle qui est le propre de l'homme. Il est présent chez des animaux relativement proches de l'homme comme les singes bonobos ou les chimpanzés[71], mais également chez des animaux plus éloignés comme les rats. Les circuits neuronaux du rire se trouvent d'ailleurs dans des zones du cerveau humain phylogénétiquement trÚs anciennes[72].

Les chercheurs se sont posĂ© la question de savoir dans quelle mesure les animaux ressentent ce que nous nommons de l'« amour ». A priori, la chimie de l'amour ne distingue pas l'Homo sapiens des autres ĂȘtres vivants. Des cas ont Ă©tĂ© dĂ©crits dans de nombreuses espĂšces, notamment chez les baleines. L'Ă©thologiste Marc Bekoff voit la confirmation de ce sentiment dans le comportement de certains animaux, qui ayant perdu leur conjoint, perdent Ă©galement le goĂ»t de vivre, ce qui peut aller jusqu'Ă  provoquer leur mort[73].

Sara, une jeune chimpanzĂ© apprit le langage des sourds et muets, expliqua Ă  son gardien qu’elle s’ennuyait d’un copain dĂ©cĂ©dĂ©. Selon Étienne Danchin, chercheur et coauteur du livre Éthologie comportementale, cette anecdote dĂ©montre que les primates peuvent avoir une certaine conscience du vide et ressentir de l’angoisse[74].

Théorie de l'esprit

Un courant de recherche récent en psychologie animale, initié en 1978 par Premack et Woodruff[75], envisage la question des attributions de savoirs et de pensées chez les animaux et en particulier chez les primates. Dans cette perspective, le chercheur tente de déterminer si, par exemple, des chimpanzés pensent que leurs congénÚres ont des intentions. Ce type de question est abordé dans le cadre de la théorie de l'esprit (theory of mind).

Deux raisons permettent de parler de « théorie ». La premiÚre tient au fait que les états mentaux ne sont pas des phénomÚnes directement observables et qu'il faut donc les inférer. De plus, l'existence de ces systÚmes inférentiels permet à celui qui les possÚde de réaliser des prédictions à propos du comportement d'autres individus[76].

Conscience de soi

Le thĂšme de l’attribution des savoirs concerne en premier lieu les connaissances qu’un individu peut Ă©laborer Ă  propos de lui-mĂȘme. Une mĂ©thode pour Ă©valuer ces connaissances se rapporte par exemple aux rĂ©actions que cet individu manifeste devant son image dans un miroir.

L'un des tests les plus usitĂ©s pour vĂ©rifier l'intelligence d'un animal est l'Ă©preuve du miroir, qui consiste Ă  placer l'animal Ă  tester seul devant un miroir pour voir s'il se « reconnaĂźt », s'il a conscience de lui-mĂȘme[77]. Pour ce faire, l'animal est marquĂ© avec de la peinture Ă  un endroit oĂč il ne peut pas s'observer lui-mĂȘme, par exemple sur le front pour un chimpanzĂ©. Ensuite, l'observateur Ă©tudie le comportement de l'animal : s'il attaque son reflet ou le fuit, c'est signe qu'il ne comprend pas que c'est lui qu'il voit dans le miroir et non pas un autre animal. Par contre, s'il tente de savoir ce qu'il y a derriĂšre le miroir, s'il touche la marque de peinture avec insistance et s'il inspecte diverses autres parties de son corps qu'il ne peut observer par lui-mĂȘme, c'est signe qu'il comprend que c'est lui qu'il voit dans le miroir, et donc cela prouve qu'il a conscience de lui-mĂȘme. À ce jour, seuls les grands singes, le dauphin, l'orque, la pie, le corbeau, l'Ă©lĂ©phant et le porc[78] - [79] ont passĂ© avec succĂšs le test du miroir. Les premiers tests faits avec les grands singes n'ont pas Ă©tĂ© concluants car les chercheurs plaçaient la camĂ©ra en face de l'animal. Or, les grands singes dĂ©testent se regarder dans les yeux. Ils dĂ©tournaient donc le regard de l'Ă©cran. Si l'on place la camĂ©ra de cĂŽtĂ©, le grand singe se reconnaĂźt aisĂ©ment.

L'épreuve du miroir ne serait pas adaptée à toutes les espÚces[80] - [81], car par exemple, pour certaines, notamment chez les mammifÚres, c'est l'odeur qui est le principal facteur de reconnaissance de soi et des autres individus, et non la vision[81].

Des phĂ©nomĂšnes de coopĂ©ration, de collaboration voire d'assistance Ă  l'autre sont observĂ©s chez certaines espĂšces et individus (au sein d'une mĂȘme espĂšce et parfois avec d'autres espĂšces). Deux jeunes manchots Ă©loignĂ©s de leur groupe le retrouvent plus vite et en ligne plus droite en couple que seuls[82].

Vie sociale

Les animaux sont également des créatures sociales. Des études ont montré l'importance des connaissances sociales chez les éléphants. Les groupes sont organisés par les matriarches qui possÚdent les « répertoires de la connaissance sociale » et sont les détentrices du savoir collectif. Ainsi, la possession de capacités discriminatoires renforcées par l'individu le plus ùgé d'un groupe peut influencer les connaissances sociales du groupe dans son ensemble. L'étude souligne le danger pour le groupe quand les individus plus ùgés et plus expérimentés, qui sont souvent une cible pour les chasseurs en raison de leur grande taille, sont mis à mort[83]

Les primates ont une vie sociale particuliÚrement riche. Les babouins et les chimpanzés consacrent une grande partie de leur temps à observer ou identifier autrui. Ce lien social lié à l'apprentissage a un effet bénéfique. Ainsi, les enfants des femelles babouins fortement associés aux autres survivent mieux[84]. Le primatologue Frans de Waal a notamment mis en évidence le phénomÚne de réconciliation chez de nombreuses espÚces de primates aprÚs une interaction conflictuelle, aptitude que l'on considérait auparavant comme réservée à l'espÚce humaine. Dans La politique du chimpanzé (1987), il montre que la complexité du jeu social de ces animaux est trÚs loin de se réduire à un systÚme hiérarchique basé sur la seule force physique[85].

Histoire

Dans l'antiquité

Savoir si l'animal est doté de raison est une question que les humains se posent depuis les débuts de la philosophie et de la science. En Occident, des philosophes comme Platon, Aristote ou Descartes ont grandement contribué à la réflexion sur l'intelligence animale.

Aristote (384-322 av. J.-C.) croyait que l'homme était le seul des animaux à posséder le logos (mot grec, traduit approximativement en français par « la raison ») et l'« ùme pensante ». Il concédait toutefois aux animaux la phronesis (intelligence pratique). Cette distinction entre une intelligence reposant sur la raison, la conscience de soi et la capacité de manipuler des concepts abstraits et une intelligence pratique plus associée à la ruse et à la résolution de problÚmes concrets, influença grandement les théories scientifiques ou philosophiques sur l'intelligence animale[86].

Cartésiens contre empiristes et sensualistes (XVIIe et XVIIe siÚcles)

Au XVIIe siÚcle, le philosophe français René Descartes (1596-1650) marqua l'imaginaire collectif avec sa théorie des animaux-machines. Il exposa sa vision de l'intelligence animale à travers deux textes : la cinquiÚme partie du bien connu Discours de la méthode et la fameuse lettre au marquis de Newcastle. Pour Descartes, il n'existe aucune machine qui puisse utiliser les signes ou le langage et encore moins accéder à l'universalité. Les animaux se rapprocheraient des machines en ce qu'ils n'ont pas la faculté de réfléchir de maniÚre abstraite et adaptée à chaque situation :

« Et je m'Ă©tais ici particuliĂšrement arrĂȘtĂ© Ă  faire voir que s'il y avait de telles machines qui eussent les organes et la figure extĂ©rieure d'un singe ou de quelque autre animal sans raison, nous n'aurions aucun moyen pour reconnaĂźtre qu'elles ne seraient pas en tout de mĂȘme nature que ces animaux ; au lieu que s'il y en avait qui eussent la ressemblance de nos corps, et imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux moyens trĂšs certains pour reconnaĂźtre qu'elles ne seraient point pour cela de vrais hommes : dont le premier est que jamais elles ne pourraient user de paroles ni d'autres signes en les composant, comme nous faisons pour dĂ©clarer aux autres nos pensĂ©es : car on peut bien concevoir qu'une machine soit tellement faite qu'elle profĂšre des paroles, et mĂȘme qu'elle en profĂšre quelques-unes Ă  propos des actions corporelles qui causeront quelque changement en ses organes, comme, si on la touche en quelque endroit, qu'elle demande ce qu'on lui veut dire ; si en un autre, qu'elle crie qu'on lui fait mal, et choses semblables; mais non pas qu'elle les arrange diversement pour rĂ©pondre au sens de tout ce qui se dira en sa prĂ©sence, ainsi que les hommes les plus hĂ©bĂ©tĂ©s peuvent faire[87]. »

Au XVIIe siÚcle, la théorie des animaux-machines est encore défendue par Nicolas Malebranche (1638-1715)[88] - [89]. Pour un naturaliste comme Buffon l'animal n'est qu'un automate.

En revanche, pour les empiristes comme Locke et plus tard les sensualistes comme Condillac, la thĂ©orie des animaux-machines n'est pas tenable[90] - [91]. François Bernier (1620-1688) rĂ©torque[92] contre cette thĂšse que personne ne pourra jamais croire qu'un animal Ă©corchĂ© vif ne puisse avoir aucune sensation. À travers ce dĂ©bat, c'est RĂ©aumur (1683-1757) qui semble ĂȘtre le plus enclin Ă  accorder la plus grande part d'intelligence Ă  l'animal[91]. Il va jusqu'Ă  placer certaines des compĂ©tences animales au-dessus de celles de l'homme. En 1700, le philosophe John Locke (1632-1704) ouvre la porte au compromis.

XIXe siĂšcle : Darwin, Romanes

Le bĂ©haviorisme prend forme Ă  la fin du XIXe siĂšcle et atteint son apogĂ©e dans les annĂ©es 1960. Charles Darwin (1809-1882), dont les Ă©crits ont eu une influence sur les fondateurs de la psychologie moderne[93], a reformulĂ© la question sur l'intelligence animale, entre autres dans son livre L'Origine des espĂšces mais aussi, plus tard, dans L'Expression des Ă©motions chez l'homme et les animaux. Pour lui, les mĂ©canismes d'Ă©volution ne s'appliquent pas exclusivement aux caractĂšres physiques mais Ă©galement au fonctionnement mental et aux Ă©motions. Il amĂšne l’idĂ©e, nouvelle pour l'Ă©poque, que les expressions humaines du visage, et par lĂ , la psychologie, ne sont pas fondamentalement diffĂ©rentes de celles des animaux[94].

C'est en 1882 que George J. Romanes (1848-1894) publie son livre Animal Intelligence dans lequel il évoque l'« inférence subjective » qui implique que les activités des organismes non-humains sont analogues aux activités humaines. Sa méthode contribua à[95] l'établissement de la théorie du béhaviorisme strict avec John B. Watson (1878-1958) puis B. F. Skinner (1904-1990).

DĂ©veloppement de l’éthologie moderne

Konrad Lorenz (Ă  gauche) et Nikolaas Tinbergen (Ă  droite).

Konrad Lorenz (1903-1989), pionnier dans l’étude du comportement animal, a travaillĂ© avec l’approche expĂ©rimentale qui puise sa source au bĂ©haviorisme et Ă  la pensĂ©e de Darwin. Ses observations du monde animal l’ont amenĂ© Ă  l’élaboration de grandes thĂ©ories sur le comportement animal. L’ensemble de ses dĂ©couvertes et le dĂ©veloppement de modĂšles de comportements sociaux et individuels lui ont valu le prix Nobel de physiologie en 1973. L’UniversitĂ© de Vienne lui a aussi rendu hommage en nommant l’institut d’éthologie par son nom. Le milieu des annĂ©es 1950 a Ă©tĂ© une pĂ©riode prolifique pour les scientifiques du domaine de la zoologie et de la biologie. Les thĂ©ories de Lorenz et Tinbergen se retrouvent Ă  la base des Ă©tudes qui seront faites par la suite.

Pierre-Paul GrassĂ©, zoologiste français, fut trĂšs influent dans les annĂ©es 1950 et 60 et permit par l’organisation de congrĂšs la rencontre de chercheurs venant de plusieurs domaines diffĂ©rents. Lors du colloque « L’instinct dans le comportement des animaux et de l’homme » en 1954, des bĂ©havioristes amĂ©ricains, Daniel S. Lehrman (en) et T. C. Schneirla (en), confrontent les thĂ©ories de Lorenz[96].

Les annĂ©es 1960 se jouent sous le signe de la psychologie grĂące Ă  la contribution de Henri PiĂ©ron et Étienne Rabaud. Ils mettent sur pied un institut inter-facultĂ©s de psychologie Ă  l’UniversitĂ© de Paris en 1921 (aujourd’hui Institut de Psychologie Paris V). C’est Ă  ce moment que des cours, de plus en plus populaires, de psychophysiologie sont dispensĂ©s, et ainsi s’inscrit le lien Ă©troit entre biologistes, zoologistes et psychophysiologistes. Cette chaire de recherche se dĂ©veloppera jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 1960[96].

Animaux reconnus pour leur intelligence

Cétacés

Les cĂ©tacĂ©s ont un langage extrĂȘmement complexe et certaines communautĂ©s de cĂ©tacĂ©s se transmettent des comportements de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, comportements que l'on ne retrouve pas chez les autres groupes de la mĂȘme espĂšce. C'est par exemple le cas pour certaines techniques de chasse des orques et des baleines Ă  bosse.

Les dauphins ont passé avec succÚs le test du miroir. Des spéculations sur l'intelligence des dauphins datent de l'époque de la GrÚce antique ; cependant, on sait que le dauphin détient le quotient encéphalique le plus élevé des animaux, presque égal à celui de l'Homme. On effectue de nombreuses études sur les capacités cognitives des cétacés[97].

Parmi celles-ci, un dauphin nommĂ© Akeakamai, Ă  l'Institut de dauphin d'Honolulu Ă  HawaĂŻ, semble connaĂźtre la grammaire. Elle a appris quelques phrases, mais sait Ă©galement reconnaĂźtre des bouts de phrases sensĂ©s Ă  l’intĂ©rieur de phrases insensĂ©es. L'institut rĂ©alisant ses expĂ©rimentations sur ce sujet considĂšre ceci comme une preuve directe de l'intelligence des dauphins[98]. Les dauphins disposent Ă©galement d'un sens de l'orientation bien plus dĂ©veloppĂ© que le nĂŽtre.

Le cachalot possĂšde un cerveau six fois plus gros que celui de l'homme[99]. Si l'intelligence Ă©tait fonction de la grosseur du cerveau, le cachalot serait plus intelligent que l'homme. Cependant, la mĂ©thode de vĂ©rification reste encore Ă  trouver. En effet, l'Ă©valuation des capacitĂ©s cognitives des cĂ©tacĂ©s ne peut pas s'effectuer de la mĂȘme façon que pour celle des hommes, car leurs Ă©motions et leur mode de communication sont diffĂ©rents. De plus il faut prendre en compte la masse totale de l'animal. Le cachalot ayant un poids bien supĂ©rieur Ă  celui de l'Homme, il a besoin d'un plus gros cerveau pour contrĂŽler son corps.

Exemple de cĂ©tacĂ© cĂ©lĂšbre auquel fut prĂȘtĂ© une intelligence Ă©levĂ©e :

Photographie de Hans le Malin

Chevaux

Le cerveau du cheval, plus petit que celui de l’humain, fonctionne diffĂ©remment. Leur mode de raisonnement diffĂšre de celui des hommes. En effet, Ă©tant des proies, ils doivent toujours se tenir sur leurs gardes, Ă  l’affĂ»t d’un danger et leur premier rĂ©flexe devant un danger demeure la fuite. Leur perception de ces dangers serait augmentĂ©e par leur capacitĂ© d’entendre une plus grande plage de son que les humains dans les ultrasons et par leur large champ de vision[100].

Historiquement peu étudiés pour leur capacité cognitive et malgré l'existence de plusieurs mythes quant à leurs capacités limitées, les chevaux distinguent les couleurs et apprennent de quatre façons : par l'habituation ; par la désensibilisation ; par le conditionnement classique et par le conditionnement opérant[101].

Exemple de cheval célÚbre étudié dans le cadre de l'intelligence chez les chevaux : Hans le Malin.

ÉlĂ©phants

Les éléphants ont une trÚs bonne mémoire. Ils manifestent de plus une certaine fascination pour leurs morts, triturant souvent les morceaux d'os d'éléphants qu'ils trouvent et se réunissant autour de leurs cadavres. Ces « rites mortuaires » ont en partie inspiré le mythe du cimetiÚre des éléphants[102].

Enfin, ils rĂ©ussissent peut-ĂȘtre le test du miroir. AprĂšs les chimpanzĂ©s capables de se reconnaĂźtre dans un miroir[103], puis les dauphins[104], signe d'une intelligence « supĂ©rieure », ce serait en effet le tour des Ă©lĂ©phants d'ĂȘtre dotĂ©s de cette capacitĂ© que les hommes ont longtemps cru ĂȘtre leur seul apanage. La dĂ©monstration vient d'ĂȘtre faite par trois spĂ©cialistes du comportement cognitif animal : Joshua Plotnik, expert en Ă©lĂ©phants d'Asie, Frans de Waal, connaisseur des bonobos et des chimpanzĂ©s, et Diana Reiss, spĂ©cialiste des dauphins.

Les chercheurs se montrent toutefois prudents. Happy, Maxine et Patty, les trois Ă©lĂ©phantes d'Asie du zoo du Bronx Ă  New-York, n'ont pas rĂ©pondu de la mĂȘme façon aux tests de reconnaissance de soi dans le miroir[105]. Seule Happy a touchĂ© avec sa trompe la croix blanche que les expĂ©rimentateurs avaient tracĂ©e Ă  son insu derriĂšre son Ɠil droit, et Ă  plusieurs reprises. Ses deux autres compagnes de zoo sont restĂ©es totalement indiffĂ©rentes Ă  cette marque visible, comme si elles ne la voyaient pas.

DĂšs les annĂ©es 1980, Gordon Gallup avait Ă©mis l'hypothĂšse que les Ă©lĂ©phants et les dauphins, des espĂšces sociales et capables d'empathie envers leurs semblables, devaient eux aussi accomplir ces expĂ©riences avec succĂšs. Plusieurs vidĂ©os accompagnent l'Ă©tude sur le site de la revue de l'AcadĂ©mie des sciences[106]. « D'autres espĂšces comme les pies et les corbeaux devraient rĂ©agir positivement aux tests du miroir », commente Georges Chapouthier[56] du CNRS, qui ne se montre pas du tout surpris des performances cognitives des Ă©lĂ©phants. De mĂȘme, il n'est pas Ă©tonnĂ© de voir que les trois Ă©lĂ©phantes ne rĂ©agissent pas toutes de la mĂȘme façon devant le miroir. Comme les humains d'ailleurs.

Plus rĂ©cemment, un Ă©lĂ©phant d’Asie du zoo de Washington, Kandula, jeune mĂąle de 7 ans, a Ă©tĂ© observĂ© Ă  plusieurs reprises en train d’utiliser un cube en bois comme tabouret pour atteindre des fruits sinon hors de portĂ©e. Il est Ă  noter que ce n’est pas cette utilisation du cube comme outil qui est pertinente dans cette observation — les Ă©lĂ©phants de cirque rĂ©alisent peu ou prou la mĂȘme chose, et l’utilisation de bĂątons comme outils est bien connue — mais le fait que Kandula n’ait pas procĂ©dĂ© par essai-erreur ni mĂȘme par association des Ă©lĂ©ments prĂ©sent dans son environnement immĂ©diat[107] : « Durant plusieurs sĂ©ances, Kandula ne fit que regarder le fruit suspendu, ignorant le bĂąton ainsi que le cube qui Ă©taient Ă  proximitĂ© ».

« Il ne fit aucune tentative d’utilisation d’un outil pour atteindre la nourriture durant sept sĂ©ances de 20 minutes rĂ©parties sur sept jours diffĂ©rents. Puis il eut ce qui semble ĂȘtre une rĂ©vĂ©lation soudaine et se dirigea droit vers le bloc, le poussa en ligne droite juste sous le fruit, grimpa dessus et attrapa le fruit en un mouvement agile. Nous ne pouvons pas voir dans leur tĂȘte
 mais le fait qu’il se dirigea immĂ©diatement vers le bloc suggĂšre qu’il avait imaginĂ© d’avance [la marche Ă  suivre]. »

« Afin d’aller Ă  un autre endroit pour aller trouver un outil qui n’est pas visible prĂšs de l’objectif, l’élĂ©phant doit imaginer ce dont il a besoin, savoir ou le trouver, s’éloigner de l’objectif qu’il veut atteindre afin de trouver l’outil, et ainsi de suite — tout cela allant bien au-delĂ  du modĂšle d’apprentissage habituel de la plupart des animaux. Cette trouvaille est une preuve supplĂ©mentaire que les Ă©lĂ©phants sont Ă  classer parmi les animaux « Ă  gros cerveau » lorsqu’il est question de comprĂ©hension de la notion de cause Ă  effet et de rĂ©solution mentale de problĂšme. »

Grands singes

Bonobo

Les « grands singes » ne sont pas catégorisés par rapport à leur taille mais bien selon l'espÚce à laquelle ils appartiennent. Sur le plan de l'intelligence, ils partagent certains caractÚres avec l'homme.

Capacités communes aux grands singes et à l'homme

L'Ă©volution trĂšs rĂ©cente de la gĂ©nĂ©tique a permis Ă  l'homme de mieux Ă©valuer les diffĂ©rences qui le sĂ©parent des grands singes. Les analyses gĂ©nĂ©tiques ayant permis de mieux dater le moment de la sĂ©paration des hommes et des singes, en la situant entre −8 et −5 millions d'annĂ©es, n’ont Ă©tĂ© effectuĂ©es qu'il y a moins de vingt ans[108].

Les grands singes sont des ĂȘtres sociables. Les chimpanzĂ©s vivent dans des communautĂ©s pouvant atteindre une centaine d'individus[109]. JugĂ©s tout d'abord inaptes Ă  pouvoir faire preuve d'invention, des recherches plus rĂ©centes dĂ©montrent qu'ils ont fabriquĂ© des outils bien avant l'homme[110], invalidant ainsi des vieux prĂ©jugĂ©s.

Avec plus de 99,4 % de patrimoine génétique en commun avec l'homme, le bonobo (nom scientifique : Pan paniscus) est le plus proche cousin de l'humain[111].

La thĂ©orie de l'Ă©volution de Darwin rend difficilement concevable l'existence d'un fossĂ© infranchissable entre les capacitĂ©s cognitives humaines et celles des grands singes, puisque nos capacitĂ©s cognitives auraient commencĂ© Ă  Ă©merger Ă  une Ă©poque oĂč nous partagions tous un ancĂȘtre commun. LĂ  est le but de l’entreprise du projet Grands singes[112].

Le problÚme avec le jeu de la comparaison est toutefois de trouver une limite qui distingue les deux éléments étudiés. Les limites qui s'imposent à cette théorie sont multiples, mais reposent principalement sur la difficulté à généraliser le comportement des quelques primates observés à l'ensemble de la population des grands singes. Il est impossible de pouvoir prétendre à l'acquisition d'un certain standard qui serait calqué sur l'homme[113]. En revanche, il existe certaines spécificités chez certains groupes de grands singes.

Des spécificités propres à certaines sous-catégories de grands singes

Les grands singes ont des capacitĂ©s intellectuelles importantes. Ils sont capables d'apprendre, de communiquer en utilisant un langage gestuel ou le Yerkish, de fabriquer et d'utiliser des outils, de mĂȘme que de se reconnaĂźtre dans un miroir. De plus, les individus d'une mĂȘme famille entretiennent des liens Ă©troits tout au long de leur vie.

Le langage des grands primates

Les derniÚres études sur les aptitudes anatomiques des premiers hominidés repoussent les prémisses du langage à il y a deux millions d'années. Il existe plusieurs théories différentes à ce sujet, dont les deux suivantes.

Le langage mimétique, une théorie développée par Merlin Donald, propose une premiÚre forme de langage mimant les actions et les objets. Par exemple, pour proposer une chasse à ses congénÚres, le singe aurait simulé le lancer d'une sagaie.

Le protolangage, élaboré par le linguiste Derek Bickerton, part d'un langage primitif d'il y a deux millions d'années. Il serait composé de juxtapositions de mots concrets sans grammaire permettant aux mots d'avoir un sens global peu importe l'ordre dans lequel ils sont utilisés.

Conscience de soi

Le test du miroir : en effet, les chimpanzés, les bonobos et les orang-outans, avec l'éléphant d'Asie, le porc, le dauphin, la pie, certains corvidés et certains perroquets, sont les seuls animaux capables de se reconnaßtre dans un miroir[114]. Gordon Gallup, psychologue de l'Université d'Albany, a prouvé par ses tests que le singe se reconnaßt, et en conclut qu'il a donc une conscience de soi.

Fabrication et utilisation d'outils

La primatologue Jane Goodall a été la premiÚre à découvrir que les chimpanzés créaient et utilisaient des outils[115]. Ces outils sont multiples et complexes, empreints d'un caractÚre traditionnel et sont employés différemment dans les communautés.

À Gombe, en Tanzanie, les chimpanzĂ©s ont dĂ©veloppĂ© des techniques particuliĂšres pour pratiquer la pĂȘche aux fourmis rouges. Afin d'atteindre ces insectes Ă  la morsure douloureuse, les chimpanzĂ©s effeuillent une brindille d'une taille choisie pour en faire une canne Ă  pĂȘche qu'ils introduisent dans la fourmiliĂšre Ă  la maniĂšre d'une sonde.

Les chimpanzĂ©s du Sierra Leone sont amateurs des fruits du kapokier, arbre au tronc recouvert d'Ă©pines acĂ©rĂ©es. Ceux-ci se fabriquent des protections Ă  partir de brindilles coincĂ©es sous la plante des pieds afin d’escalader ces troncs sans douleur et de cueillir les fruits convoitĂ©s.

En GuinĂ©e et en CĂŽte d'Ivoire, les chimpanzĂ©s utilisent des outils en pierre ou en bois fabriquĂ©s selon le mĂȘme principe du marteau et de l'enclume. À l’aide de ceux-ci, ils peuvent casser des noix de palme, de coula ou de panda. Ce comportement nĂ©cessite un long apprentissage par le jeune puisqu’il est constituĂ© d'un ensemble de connaissances transmises au fil des gĂ©nĂ©rations au sein de la colonie.

De plus, ils consomment des plantes aux vertus médicinales, qui sont elles aussi employées par les hommes des populations voisines, comme l'Aspilia ou les tiges de Vermonia amygdalina[116].

Une femelle gorille utilisant un outil (ici un bùton) pour se stabiliser dans une zone marécageuse afin de ramasser de sa main libre des herbes aquatiques (2005).

Exemples de quelques cas de grands singes rendus célÚbres par les expérimentations dont ils ont été les sujets :

Rats

Les rats sont capables d'inférence transitive[117], mais incapables d'inférence rétrospective[118]. L'inférence réfÚre à la capacité de tirer des conclusions, de déduire ou d'induire. Ils peuvent faire preuve de métacognition, apprennent vite et ont une bonne mémoire.

Les rats sont capables d’infĂ©rence transitive (intelligence temporelle et numĂ©rique). Autrement dit, ils apprennent rapidement Ă  Ă©valuer quels comportements adopter en fonction du temps allouĂ© et du nombre d’objets attribuĂ©s dans une situation donnĂ©e. Des expĂ©riences effectuĂ©es par L. Kohlberg[119], Ă  l’aide d’une mĂ©thode de renforcement nĂ©gatif (octroi d’une punition lors d’un mauvais rĂ©sultat), le dĂ©montrent. Par exemple, dans l’une d’entre elles, les rats devaient se restreindre Ă  manger un nombre prĂ©cis de cubes de nourriture, sans quoi ils Ă©taient punis. Une fois ce chĂątiment aboli, les rongeurs se ravitaillaient sans se limiter; alors que si la punition Ă©tait restaurĂ©e, ils s’empressaient de s’échanger des cubes, pour respecter la rĂšgle.

Burrhus FrĂ©dĂ©ric Skinner[120] en est arrivĂ© Ă  des rĂ©sultats aussi concluants par le renforcement positif (octroi d’une rĂ©compense lors d’une bonne rĂ©ponse), notamment en donnant une pastille Ă  un rat s’il pressait sur un levier. Ce dernier comprenait le lien entre le geste effectuĂ© et la rĂ©compense qui en dĂ©coulait. Il recommençait donc, en augmentant la cadence, pour avoir accĂšs au plus grand nombre de pastilles possible. Si les pastilles n’étaient distribuĂ©es qu’à la suite d’un nombre exact de pressions, l’animal semblait attendre son dĂ» uniquement Ă  ce moment. D’autre part, lorsque les pastilles n’étaient distribuĂ©es qu’à intervalle rĂ©gulier, le rat Ă©valuait cette durĂ©e et pressait le levier au moment opportun.

Toutefois, le rat est incapable d’infĂ©rence rĂ©trospective[118] (vue d’ensemble permettant de tirer des conclusions par rapport aux apprentissages passĂ©s). Des Ă©tudes dĂ©montrent qu’aprĂšs avoir goĂ»tĂ© Ă  un aliment empoisonnĂ©, si on lui prĂ©sente un aliment combinĂ© (saveur mĂȘlĂ©e au poison), le rat prĂ©sente de l’aversion pour cet aliment. Par contre, aprĂšs l’avoir mis en prĂ©sence d’un aliment sain, si on lui prĂ©sente de nouveau cet aliment combinĂ©, le rat a moins d’aversion pour celui-ci. Ces rĂ©sultats dĂ©montrent qu’il n’y a eu aucune comprĂ©hension du rat par rapport aux Ă©lĂ©ments « semi-empoisonnĂ©s » et que la prĂ©sentation d’un Ă©lĂ©ment « complĂštement empoisonnĂ© » ou « complĂštement sain » affecte sa perception des aliments combinĂ©s qu’on lui offrira aprĂšs. Autrement dit, le rat est capable d'induction face aux choses qui se prĂ©sentent directement Ă  lui et dans un court laps de temps, mais incapable d’agir en tenant compte de tout ce qui lui est arrivĂ© dans le passĂ©.

Ce rongeur possĂšde toutefois une mĂ©moire spatiale trĂšs dĂ©veloppĂ©e qui lui permet de s’orienter en peu de temps[121]. Les chercheurs Davis et Parriag[122] ont tirĂ© cette conclusion en vĂ©rifiant la capacitĂ© des rats Ă  mĂ©moriser les distances relatives. Pour ce faire, ils ont enterrĂ© un cube de nourriture Ă  une distance fixe (par exemple : Ă  50 % du milieu d’une boĂźte). Puis, lorsque le rat trouvait le cube en question, les chercheurs rĂ©duisaient les dimensions de la boĂźte, mais plaçaient la nourriture Ă  la mĂȘme distance relative (50 % des nouvelles dimensions). Les bĂȘtes Ă©taient, chaque fois, capables de retrouver instantanĂ©ment les aliments, ce qui dĂ©montre leur excellente capacitĂ© Ă  Ă©valuer les distances.

Les scientifiques leur attribuent Ă©galement une mĂ©moire Ă©pisodique. Les rats sont ainsi capables de retenir des informations multiples et distinctes de leurs expĂ©riences passĂ©es. Ils peuvent donc assimiler le sujet (quoi ou qui), le lieu (oĂč) et le moment (quand).

Une expĂ©rience de Babb et Crystal (2006)[123] a ainsi dĂ©montrĂ© que les rats peuvent se souvenir de contraintes spatiales ou temporelles qui limitent l’accĂšs Ă  la nourriture. Ils sont aussi capables d’adaptation si les paramĂštres viennent Ă  changer. Dans cette expĂ©rience, les rats avaient accĂšs Ă  diffĂ©rents emplacements avec des rĂ©compenses en nourriture de degrĂ©s variables de dĂ©sirabilitĂ© pour le rat (ex. : rĂ©compense Ă  saveur de raisin ou moulĂ©e rĂ©guliĂšre). L’approvisionnement d’un emplacement variait aussi dans le temps. Les rats ont fait preuve de flexibilitĂ© en adaptant leur comportement selon la disponibilitĂ© en nourriture.

Le rat est aussi capable de mĂ©tacognition. Il s’agit de l’habiletĂ© Ă  Ă©valuer ses propres connaissances. Donc, Ă  partir du moment oĂč le rat n’est plus dans l’apprentissage d’une action, il parvient Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  cette action. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© par une expĂ©rience de Foote et Crystal[124] que le rat est, comme l’humain, capable d’accĂ©der Ă  un tel stade de maturitĂ© intellectuelle. L’expĂ©rience consistait Ă  lui faire entendre des sons, afin qu’il juge si un son Ă©tait long ou court. Au fil de l’expĂ©rience, les sons devenaient de plus en plus difficilement identifiables et discriminables. Les rats avaient deux choix : rĂ©pondre correctement Ă  la question et recevoir une grosse rĂ©compense (ils ne recevaient rien pour une mauvaise rĂ©ponse) ou Ă©viter la question et obtenir la moitiĂ© de la rĂ©compense. Lorsque les sons devenaient de plus en plus difficiles Ă  classer, les rats choisissaient de ne pas rĂ©pondre, plutĂŽt que de donner une mauvaise rĂ©ponse et de ne rien obtenir. Ils ont donc pu prouver qu’ils Ă©taient capables de discerner leurs propres connaissances.

Oiseaux

« Avoir une cervelle d’oiseau » est une expression populaire qui signifie « ĂȘtre sot ». Pourtant, ces volatiles sont dotĂ©s d’une grande intelligence. Certains scientifiques vont mĂȘme jusqu’à dire que leur facultĂ© de comprĂ©hension est aussi dĂ©veloppĂ©e que celle des primates[125] - [126]. Selon Louis Lefebvre, ornithologue renommĂ© rattachĂ© Ă  l’UniversitĂ© McGill et inventeur de la seule Ă©chelle de mesure du quotient intellectuel aviaire au monde, il existe des liens entre les primates et les oiseaux en ce qui a trait Ă  l’évolution des structures du cerveau associĂ©es Ă  l’innovation[127]. Des chercheurs croient que les primates et les corvidĂ©s partagent le mĂȘme bagage cognitif, soit l’imagination, le raisonnement de cause Ă  effet et la capacitĂ© de dire l’avenir[128]. Le cerveau des oiseaux est relativement gros comparĂ© Ă  la taille de leur tĂȘte et la densitĂ© de neurones est trĂšs Ă©levĂ©e et est beaucoup plus importante que chez les mammifĂšres par exemple[129]. Ce facteur serait en lien avec leurs habiletĂ©s cognitives, contrairement Ă  l'humain chez qui il n'y aurait aucune corrĂ©lation entre la grosseur du cerveau et l'intelligence. L’intelligence est souvent associĂ©e au cortex prĂ©frontal (nĂ©ocortex) chez les primates et autres mammifĂšres. Chez les oiseaux, elle serait associĂ©e au mĂ©sopallium-nidopallium[130] : la partie frontale du cerveau. Certaines espĂšces d’oiseaux utilisent des outils (un vautour qui utilise un os pour briser un Ɠuf d’autruche), comptent (certains oiseaux peuvent remarquer que le nombre d’Ɠufs dans leur nid a augmentĂ© ou diminuĂ©), ont des souvenirs et raisonnent Ă  propos des Ă©lĂ©ments qui les entourent. Ce dernier aspect a longtemps Ă©tĂ© associĂ© uniquement aux ĂȘtres humains.

Une autre caractĂ©ristique de cet animal est sa façon de communiquer par le chant. Konrad Lorenz a dĂ©montrĂ© que les oiseaux chantent pour des raisons pratiques, les sons qu’ils produisent ne reprĂ©sentent pas que de la musique aux oreilles d’autres oiseaux, mais un langage. Ils chantent pour : attirer un partenaire, indiquer oĂč ils se trouvent aux autres mĂąles et femelles ainsi que pour dĂ©fendre un territoire oĂč ils pourront Ă©lever et nourrir leurs petits.

De nombreux oiseaux chanteurs ont donc un rĂ©pertoire composĂ© de plusieurs chants (des dizaines, voire des centaines pour certaines espĂšces). Ce langage constituĂ© de symboles, prouve l’intelligence des volatiles, puisque la capacitĂ© d’apprendre un tel mode de communication ne peut qu’ĂȘtre le fait d’un cerveau complexe.

On peut conclure que le chant des oiseaux est une capacitĂ© acquise et non innĂ©e : donc le fruit de l’intelligence[131].

Corvidés

La famille des corvidĂ©s comprend les geais bleus, les choucas, les pies, les freux, les corbeaux et les corneilles[132]. Ces oiseaux vivent en groupe, comme les dauphins, les Ă©lĂ©phants et les humains. Leurs aptitudes sociales font qu’ils doivent mĂ©moriser davantage d’élĂ©ments pour vivre en sociĂ©tĂ© et doivent faire preuve d’infĂ©rence cognitive pour survivre. Ils sont capables, entre autres, de dĂ©terminer l’organisation hiĂ©rarchique au sein de leur groupe. Par contre, certaines recherches insinuent que ces animaux n’apprennent que par association et ne sont pas capables d’une rĂ©elle comprĂ©hension[133]. Les corvidĂ©s peuvent fabriquer des outils[134], contrairement Ă  beaucoup d'autres animaux intelligents qui utilisent uniquement les ressources disponibles, sans chercher Ă  les modifier. Par exemple, ils vont tordre une brindille plutĂŽt que d’en chercher une dĂ©jĂ  tournĂ©e de la bonne maniĂšre. De plus, les chercheurs notent que malgrĂ© l’abondance de bouts de bois et de tiges dans leur environnement, ces oiseaux transportent leurs outils (permettant d’attraper larves et insectes), plutĂŽt que de perdre leur temps Ă  en chercher d’autres. Les corbeaux font preuve d’une grande imagination. Ils sont ainsi capables d’utiliser la circulation routiĂšre pour casser les noix qu’ils sont incapables de briser eux-mĂȘmes. Les corbeaux s’arrĂȘtent aux feux de circulation et attendent patiemment la lumiĂšre rouge avant de rĂ©cupĂ©rer leur butin[135]. Les geais, de leur cĂŽtĂ©, ont trouvĂ© une stratĂ©gie pour Ă©liminer les parasites de leur plumage. Ils s’assoient sur les nids de fourmis, qui les arrosent d’acide formique[135]. Le biologiste amĂ©ricain Bernd Heinrich Ă©tudie les corneilles depuis 15 ans. Ses travaux dĂ©montrent que cet oiseau, tout comme le corbeau, fait preuve d’empathie. Il passe sa vie avec le mĂȘme partenaire et ceux-ci s’entraident[136].

Une expĂ©rience du chercheur Bernd Heinrich prouve que les corbeaux rĂ©ussissent Ă  se berner les uns les autres. Le scientifique a observĂ© un corbeau qui tenait un biscuit dans son bec et tentait d’échapper Ă  l’attention de ses semblables. AprĂšs un certain temps, l’animal a cachĂ© son butin sous une touffe d’herbe. AussitĂŽt, un autre corbeau est allĂ© rĂ©cupĂ©rer le biscuit. Mais le biscuit n'y Ă©tait plus: le premier corbeau l’avait plutĂŽt cachĂ© ailleurs[132].

RĂ©cemment, il a Ă©tĂ© montrĂ© que les choucas sont sensibles Ă  la direction du regard d'un humain, comportement qui semblait jusqu'alors limitĂ© aux grands singes[137]. Lorenz a Ă©galement montrĂ© - dans le cadre de ses travaux sur l'empreinte - qu’un Choucas Ă©levĂ© par un humain rejoindra s’il le peut une troupe de choucas dĂšs qu’il sera en Ă©tat de voler ; nĂ©anmoins, Ă  sa maturitĂ© sexuelle, il adoptera un comportement de cour Ă  l’égard d’ĂȘtres humains, et non de ses congĂ©nĂšres.

Les corvidĂ©s possĂšdent une excellente mĂ©moire. Selon les recherches d’Alan Kamil de l’UniversitĂ© du Nebraska, le geai bleu (Cyanocitta cristata) dissimule de la nourriture dans une cache pour la reprendre par la suite. Il peut ainsi emmagasiner de la nourriture dans des milliers de caches et se souvenir oĂč la retrouver. Non seulement il repĂšre toutes les caches, mais il se souvient Ă©galement de la qualitĂ© de la nourriture qui y est emmagasinĂ©e et Ă©vite les caches oĂč la nourriture pourrait s’ĂȘtre dĂ©gradĂ©e[131].

Perroquets

DotĂ©s d'une excellente mĂ©moire, les perroquets assimilent un vocabulaire plus ou moins variĂ© et peuvent comprendre le sens des mots. Les perroquets sont les oiseaux les plus intelligents, ils se classent aprĂšs les singes mais avant les dauphins. Certains perroquets appellent les diffĂ©rents membres de leur famille d'adoption par leur nom. Ils peuvent assimiler plus de 800 mots. C'est l'un des seuls animaux (avec les mainates) Ă  pouvoir s'exprimer dans le mĂȘme langage que les humains. Cette capacitĂ© facilite grandement la communication inter-espĂšce et l'Ă©valuation de l'intelligence des perroquets. Le perroquet jaco est considĂ©rĂ© comme le meilleur parleur et le plus intelligent des perroquets. Il distingue la forme, la couleur et la matiĂšre d’un objet et parvient Ă  compter un nombre d’objets. Il est capable de dire quel objet est plus gros que l’autre[138].

Exemples de perroquets reconnus pour leur intelligence :

Columbinae

Cormorans.

Les oiseaux sont douĂ©s pour diffĂ©rencier des images et les catĂ©goriser. Les pigeons, entre autres, utilisent les mĂȘmes repĂšres visuels que les humains pour reconnaĂźtre les objets et les visages. Une expĂ©rience de FrĂ©dĂ©ric Gosselin, professeur au dĂ©partement de psychologie de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al, a rĂ©vĂ©lĂ© que les pigeons entraĂźnĂ©s peuvent reconnaĂźtre non seulement le sexe d’une personne en regardant son visage, mais Ă©galement l’émotion exprimĂ©e par celle-ci. Le pigeon, comme l’humain, observe la bouche pour discerner une Ă©motion comme la joie et observe les yeux pour dĂ©terminer s’il s’agit d’un visage masculin ou fĂ©minin[139]. Les pigeons peuvent par exemple distinguer une fleur d’un humain ou d’une voiture[140] ou encore diffĂ©rencier les lettres de l’alphabet[141] ou mĂȘme des peintures de Van Gogh, Picasso et Monet[142].

Phalacrocoracidés

Les cormorans utilisĂ©s par les pĂȘcheurs sont capables de compter le nombre de poissons qu’ils pĂȘchent. Un article publiĂ© dans Biological Journal of the Linnean Society a rapportĂ© que lorsque les pĂȘcheurs entraĂźnaient les cormorans Ă  manger tous les huitiĂšmes poissons pĂȘchĂ©s, ces derniers Ă©taient capables de compter leur pĂȘche jusqu’à huit. Si les pĂȘcheurs refusaient de leur donner un huitiĂšme poisson, ils refusaient de pĂȘcher Ă  nouveau[143].

CĂ©phalopodes

À ce jour, la pieuvre est le seul invertĂ©brĂ© Ă  avoir dĂ©montrĂ© sa capacitĂ© Ă  faire usage d'outils. Au moins quatre spĂ©cimens d'Amphioctopus marginatus ont Ă©tĂ© observĂ©s alors qu'ils manipulaient des coquilles de noix de coco pour s'en faire une sorte de carapace protectrice[144] - [145]. La dĂ©couverte de ce comportement a Ă©tĂ© reportĂ©e par le journal Current Biology et a aussi Ă©tĂ© filmĂ©e. Beaucoup d'autres invertĂ©brĂ©s usent de divers objets pour s'en faire des coquilles ou un camouflage, mais ces comportements sont loin d'Ă©galer celui de la pieuvre en complexitĂ©.

  • Pieuvre ouvrant un rĂ©cipient en dĂ©vissant le bouchon de celui-ci

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Notes et références

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