Intelligence des oiseaux
L'intelligence des oiseaux est un domaine de l'Ă©thologie concernant l'intelligence animale appliquĂ©e aux oiseaux. Il n'existe pas de dĂ©finition universelle de l'intelligence. Elle peut ĂȘtre dĂ©finie et mesurĂ©e par la vitesse et le succĂšs pour rĂ©soudre des problĂšmes[1]. La flexibilitĂ© mentale et comportementale est souvent considĂ©rĂ©e comme une bonne mesure de l'intelligence. Cette flexibilitĂ© permet l'apparition de nouvelles solutions[2]. Les corvidĂ©s (geais bleus, les choucas, les pies bavardes les corneilles, les corbeaux[3] - [4] - [5], freux), sont rĂ©putĂ©s pour ĂȘtre les plus intelligents des oiseaux[6]. Les Psittacidae sont Ă©galement capables de performances remarquables. Celles-ci sont cependant trĂšs inĂ©gales au sein de la classe. D'autre part, il est cependant difficile de dĂ©finir l'idĂ©e de performance et surtout de diffĂ©rencier les comportements innĂ©s de ceux acquis.
Le comportement innĂ© dâun oiseau repose sur lâinstinct. Le vol, la migration, les attitudes de menace lors des parades nuptiales en sont de bons exemples. Si lâinstinct permet pour une grande part la survie des oiseaux, ces derniers sont aussi capables dâapprendre, ce qui augmente lâefficacitĂ© de leurs actions. Ainsi, une espĂšce capable de sâadapter Ă diffĂ©rentes situations verra ses membres amĂ©liorer leur espĂ©rance de vie.
Comportement acquis
Si on peut croire que le chant des oiseaux est systĂ©matiquement innĂ©, certaines espĂšces profitent de lâapprentissage par imitation[7]. On sait par exemple que les petits coucous apprennent le chant de leurs parents adoptifs ou que les corbeaux apprennent en imitant leurs semblables[8].
CapacitĂ© dâinnovation
Chercheur de lâUniversitĂ© du Vermont[9] aux Ătats-Unis, Bernd Heinrich dĂ©finit lâintelligence comme « la facultĂ© de produire des images mentales et de comprendre lâinteraction des objets dans lâespace, afin de rĂ©soudre un problĂšme »[10]. Chez le pigeon, par exemple, des chercheurs ont observĂ© une facultĂ© surprenante : une expĂ©rience a rĂ©vĂ©lĂ© quâil suit les mĂȘmes techniques de traitement de lâinformation visuelle que l'homme. DâaprĂšs les recherches du professeur Gosselin, il apparaĂźt que les pigeons « utilisent la bouche pour discerner une Ă©motion comme la joie et utilisent les yeux pour dĂ©terminer sâil sâagit dâun visage fĂ©minin ou masculin. Ce qui veut dire que le pigeon a pu extraire des caractĂ©ristiques propres Ă ces deux attributs et les distinguer dans dâautres visages »[11].
Les capacitĂ©s les plus communes sont la reprĂ©sentation spatiale permettant de s'orienter, de trouver de la nourriture ou de construire des nids sophistiquĂ©s, les capacitĂ©s de communication et les capacitĂ©s dâinnovation.
LâactivitĂ© principale des oiseaux est de se nourrir pour vivre et se reproduire, leur comportement innovateur porte donc essentiellement sur la recherche alimentaire. DâaprĂšs les recherches de Louis Lefebvre, câest quelque 2000 cas de comportements nouveaux qui ont Ă©tĂ© observĂ©s depuis une trentaine dâannĂ©es. Par exemple, on a pu observer quâun pic indien insectivore pouvait aussi manger des fruits pour sâadapter Ă une pĂ©nurie dâinsectes[12].
Une des capacités les plus surprenante est l'aptitude assez répandue[13] à se servir d'objets.
Certains vautours utilisent des os pour briser des Ćufs dâautruche. Pour sa part, le corbeau calĂ©donien est ainsi capable de se servir d'un bĂąton pour dĂ©loger les insectes dont il se nourrit. Certains oiseaux sont mĂȘme capables de compter, les Psittacidae sont connus pour reproduire la voix humaine et peuvent comprendre ce qu'ils disent et rĂ©employer des mots dans leur contexte. On a Ă©galement observĂ© des oiseaux capables de se soigner[14]. Certaines facultĂ©s sont caractĂ©ristiques de certaines espĂšces uniquement, le guĂȘpier d'Orient est capable de se mettre Ă la place de son prĂ©dateur, sous-entendu d'extrapoler ce que le prĂ©dateur peut voir ou non, facultĂ© autrement connue uniquement chez les Hominidae[15].
Certains oiseaux comptent, ils peuvent remarquer que le nombre dâĆufs dans leur nid a augmentĂ© ou diminuĂ©, d'autres ont des souvenirs et raisonnent Ă propos des Ă©lĂ©ments qui les entourent. Ce dernier aspect a longtemps Ă©tĂ© associĂ© uniquement aux ĂȘtres humains.
Une autre caractĂ©ristique de cet animal est sa façon de communiquer par le chant. Konrad Lorenz a dĂ©montrĂ© que les oiseaux chantent pour des raisons pratiques, les sons quâils produisent ne reprĂ©sentent pas que du son aux oreilles dâautres oiseaux, mais un langage. Ils chantent pour : attirer un partenaire, indiquer oĂč ils se trouvent aux autres mĂąles et femelles, ainsi que pour dĂ©fendre un territoire oĂč ils pourront Ă©lever et nourrir leurs petits.
De nombreux oiseaux chanteurs ont donc un rĂ©pertoire composĂ© de plusieurs chants â des dizaines, voire des centaines pour certaines espĂšces. Ce langage constituĂ© de symboles, prouve lâintelligence des volatiles, puisque la capacitĂ© dâapprendre un tel mode de communication ne peut quâĂȘtre le fait dâun cerveau complexe.
On peut conclure que le chant des oiseaux est une capacitĂ© acquise et non innĂ©e : donc le fruit de lâintelligence[16].
Les capacités cognitives sont inégales suivant les espÚces d'oiseaux.
Taille du cerveau
Un lien direct existe entre la taille du cerveau et le comportement alimentaire et social de lâoiseau. En effet, comme chez les primates, les dauphins et les insectes, plus le cerveau est gros, plus lâalimentation est variĂ©e, et la vie sociale dĂ©veloppĂ©e. Louis Lefebvre rappelle que « mĂ©moriser des individus et gĂ©rer des relations avec eux nĂ©cessite dâavoir un cerveau suffisamment dĂ©veloppĂ© »[17]. Ainsi, les oiseaux grĂ©gaires ont des cerveaux gĂ©nĂ©ralement plus gros que leurs pairs qui sont solitaires.
Anatomie comparée
« Avoir une cervelle dâoiseau » est une expression populaire qui signifie « ĂȘtre sot ». Pourtant, ces volatiles sont dotĂ©s dâune grande intelligence. Certains scientifiques vont mĂȘme jusquâĂ dire que leur facultĂ© de comprĂ©hension est aussi dĂ©veloppĂ©e que celle des primates[18] - [19]. Selon Louis Lefebvre, ornithologue renommĂ© rattachĂ© Ă lâUniversitĂ© McGill et inventeur de la seule Ă©chelle de mesure du quotient intellectuel aviaire au monde, il existe des liens entre les primates et les oiseaux en ce qui a trait Ă lâĂ©volution des structures du cerveau associĂ©es Ă lâinnovation[20]. En gĂ©nĂ©ral, plus un animal est intelligent, plus son cortex est Ă©pais et dĂ©veloppĂ©. Contrairement au cerveau des mammifĂšres, ce nâest pas la taille relativement faible de leur cortex qui influence lâapprentissage chez lâoiseau. Lâintelligence est souvent associĂ©e au cortex prĂ©frontal (du nĂ©ocortex) chez les primates et autres mammifĂšres. Chez les oiseaux, elle serait associĂ©e au mĂ©sopallium-nidopallium[21] - [22] : la partie frontale du cerveau. Les oiseaux possĂšdent en fait par rapport Ă leur poids un Ă©norme cerveau. Des chercheurs pensent que les primates et les corvidĂ©s partagent le mĂȘme bagage cognitif, soit lâimagination, le raisonnement de cause Ă effet et la capacitĂ© d'anticiper lâavenir[23]. Le cerveau des oiseaux est relativement gros comparĂ© Ă la taille de leur tĂȘte et la densitĂ© de neurones est trĂšs Ă©levĂ©e et est beaucoup plus importante que chez les mammifĂšres par exemple[24] - [25]. La taille des cellules des oiseaux est Ă©galement plus faible que chez d'autres animaux.
En ce qui a trait aux zones cĂ©rĂ©brales, un groupe de neurobiologistes (connu sous lâappellation Avian Brain Nomenclature Consortium[26]) affirme que la nomenclature traditionnelle analogue Ă celle utilisĂ©e pour les reptiles, ne reflĂšte pas adĂ©quatement les Ă©tudes rĂ©centes qui rĂ©vĂšlent mieux lâintelligence des oiseaux.
Caractéristiques par espÚce
Corvidés
La famille des corvidĂ©s comprend les geais bleus, les choucas, les pies, les freux, les corbeaux et les corneilles[27]. Ces oiseaux vivent en groupe, comme les dauphins, les Ă©lĂ©phants et les humains. Leurs aptitudes sociales font quâils doivent mĂ©moriser davantage dâĂ©lĂ©ments pour vivre en sociĂ©tĂ© et doivent faire preuve dâinfĂ©rence cognitive pour survivre. Ils sont capables, entre autres, de dĂ©terminer lâorganisation hiĂ©rarchique au sein de leur groupe. Par contre, certaines recherches insinuent que ces animaux nâapprennent que par association et ne sont pas capables dâune rĂ©elle comprĂ©hension[28]. Les corvidĂ©s peuvent fabriquer des outils[29], contrairement Ă beaucoup d'autres animaux intelligents qui utilisent uniquement les ressources disponibles, sans chercher Ă les modifier. Par exemple, ils vont tordre une brindille plutĂŽt que dâen chercher une dĂ©jĂ tournĂ©e de la bonne maniĂšre. De plus, les chercheurs notent que malgrĂ© lâabondance de bouts de bois et de tiges dans leur environnement, ces oiseaux transportent leurs outils (permettant dâattraper larves et insectes), plutĂŽt que de perdre leur temps Ă en chercher dâautres. Les corbeaux font preuve dâune grande imagination. Ils sont ainsi capables dâutiliser la circulation routiĂšre pour casser les noix quâils sont incapables de briser eux-mĂȘmes. Les corbeaux sâarrĂȘtent aux feux de circulation et attendent patiemment la lumiĂšre rouge avant de rĂ©cupĂ©rer leur butin[30]. Les geais, de leur cĂŽtĂ©, ont trouvĂ© une stratĂ©gie pour Ă©liminer les parasites de leur plumage. Ils sâassoient sur les nids de fourmis, qui les arrosent dâacide formique[30]. Le biologiste amĂ©ricain Bernd Heinrich Ă©tudie les corneilles depuis 15 ans. Ses travaux dĂ©montrent que cet oiseau, tout comme le corbeau, fait preuve dâempathie. Il passe sa vie avec le mĂȘme partenaire et ceux-ci sâentraident[31].
Une expĂ©rience du chercheur Bernd Heinrich prouve que les corbeaux rĂ©ussissent Ă se berner les uns les autres. Le scientifique a observĂ© un corbeau qui tenait un biscuit dans son bec et tentait dâĂ©chapper Ă lâattention de ses semblables. AprĂšs un certain temps, lâanimal a cachĂ© son butin sous une touffe dâherbe. AussitĂŽt, un autre corbeau est allĂ© rĂ©cupĂ©rer le biscuit. Mais le biscuit n'y Ă©tait plus: le premier corbeau lâavait plutĂŽt cachĂ© ailleurs[27].
RĂ©cemment, il a Ă©tĂ© montrĂ© que les choucas sont sensibles Ă la direction du regard d'un humain, comportement qui semblait jusqu'alors limitĂ© aux grands singes[32]. Lorenz a Ă©galement montrĂ© - dans le cadre de ses travaux sur l'empreinte - quâun Choucas Ă©levĂ© par un humain rejoindra sâil le peut une troupe de choucas dĂšs quâil sera en Ă©tat de voler ; nĂ©anmoins, Ă sa maturitĂ© sexuelle, il adoptera un comportement de cour Ă lâĂ©gard dâĂȘtres humains, et non de ses congĂ©nĂšres.
Les corvidĂ©s possĂšdent une excellente mĂ©moire. Selon les recherches dâAlan Kamil de lâUniversitĂ© du Nebraska, le geai bleu (Cyanocitta cristata) dissimule de la nourriture dans une cache pour la reprendre par la suite. Il peut ainsi emmagasiner de la nourriture dans des milliers de caches et se souvenir oĂč la retrouver. Non seulement il repĂšre toutes les caches, mais il se souvient Ă©galement de la qualitĂ© de la nourriture qui y est emmagasinĂ©e et Ă©vite les caches oĂč la nourriture pourrait sâĂȘtre dĂ©gradĂ©e[33].
Perroquets
DotĂ©s d'une excellente mĂ©moire, les perroquets assimilent un vocabulaire plus ou moins variĂ© et peuvent comprendre le sens des mots. Les perroquets sont les oiseaux les plus intelligents, ils se classent aprĂšs les singes mais avant les dauphins. Certains perroquets appellent les diffĂ©rents membres de leur famille d'adoption par leur nom. Ils peuvent assimiler plus de 800 mots. C'est l'un des seuls animaux (avec les mainates) Ă pouvoir s'exprimer dans le mĂȘme langage que les humains. Cette capacitĂ© facilite grandement la communication inter-espĂšce et l'Ă©valuation de l'intelligence des perroquets. Le perroquet jaco est considĂ©rĂ© comme le meilleur parleur et le plus intelligent des perroquets. Il distingue la forme, la couleur et la matiĂšre dâun objet et parvient Ă compter un nombre dâobjets. Il est capable de dire quel objet est plus gros que lâautre[34]. Deux perroquets ont Ă©tĂ© reconnus pour leur intelligence Ă travers des tests, Alex et N'kisi.
Columbinae
Les Columbinae sont douĂ©s pour diffĂ©rencier des images et les catĂ©goriser. Les pigeons, entre autres, utilisent les mĂȘmes repĂšres visuels que les humains pour reconnaĂźtre les objets et les visages. Une expĂ©rience de FrĂ©dĂ©ric Gosselin, professeur au dĂ©partement de psychologie de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, a rĂ©vĂ©lĂ© que les pigeons entraĂźnĂ©s peuvent reconnaĂźtre non seulement le sexe dâune personne en regardant son visage, mais Ă©galement lâĂ©motion exprimĂ©e par celle-ci. Le pigeon, comme lâhumain, observe la bouche pour discerner une Ă©motion comme la joie et observe les yeux pour dĂ©terminer sâil sâagit dâun visage masculin ou fĂ©minin[35]. Les pigeons peuvent par exemple distinguer une fleur dâun humain ou dâune voiture[36] ou encore diffĂ©rencier les lettres de lâalphabet[37] ou mĂȘme des peintures de Van Gogh, Picasso et Monet[38].
Phalacrocoracidés
Les cormorans utilisĂ©s par les pĂȘcheurs sont capables de compter le nombre de poissons quâils pĂȘchent. Un article publiĂ© dans Biological Journal of the Linnean Society rapporte que lorsque les pĂȘcheurs entraĂźnent les cormorans Ă manger un poisson pĂȘchĂ© sur huit, les oiseaux sont capables de compter leurs prises : aprĂšs la septiĂšme, si les pĂȘcheurs refusent de leur laisser le huitiĂšme poisson, ils refusent de poursuivre[39] - [40].
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) Gary Ritchison, « Nervous System: Brain & Senses », Department of Biological Sciences Eastern Kentucky University
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- (fr) « Un geai planificateur »
Notes
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- (en) « Crow Intelligence Study Suggests The Birds Have 'Theory Of Mind' »
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