Haplogroupe M (ADNmt)
Lâhaplogroupe M de l'ADN mitochondrial est un macro-haplogroupe mitochondrial humain (ADNmt). ReprĂ©sentĂ© aujourd'hui sur tous les continents, il est, comme le macro-haplogroupe frĂšre N, issu de lâhaplogroupe L3.
Tous les haplogroupes d'ADNmt apparus hors d'Afrique descendent, soit de l'haplogroupe M, soit de l'haplogroupe N[11]. L'haplogroupe M est relativement rĂ©cent, puisque son dernier ancĂȘtre commun est postĂ©rieur Ă certains sous-clades de l'haplogroupe N, comme l'haplogroupe R[12].
Origines
Les origines géographiques de l'haplogroupe M et de l'haplogroupe-frÚre N sont trÚs controversées. On pense que ces deux lignées sont les deux principales branches survivantes de la derniÚre sortie d'Afrique, parce que toutes les lignées indigÚnes recensées hors d'Afrique se rattachent soit à l'haplogroupe M, soit à l'haplogroupe N. Mais pour pouvoir conclure définitivement en ce sens, il reste encore à prouver que les mutations qui définissent ces deux haplogroupes sont survenues en Afrique avant la migration de leurs porteurs hors d'Afrique. Cette question des origines de l'haplogroupe M est d'autant plus délicate qu'on en a aussi trouvé en Afrique[4].
Il est toutefois généralement admis que l'haplogroupe M est apparu peu aprÚs l'haplogroupe L3 et qu'il est son descendant. Hormis les haplogroupes M et N, les nombreux sous-clades de L3 sont trÚs majoritairement confinés à l'Afrique, ce qui suggÚre que L3 est apparu en Afrique.
La question de l'haplogroupe M1
L'essentiel des questions relatives à l'origine de l'haplogroupe M tourne autour de l'importance qu'il convient d'apporter au sous-clade M1, la seule variante du macro-haplogroupe M connue en Afrique[11]. Sa présence en Afrique peut s'expliquer de deux façons :
Un élément nouveau : l'haplogroupe M23
En 2009, deux publications indépendantes ont signalé l'existence d'un sous-clade rare et ancien de l'haplogroupe M, dénommé M23, à Madagascar[14] - [15].
L'Ăźle de Madagascar a Ă©tĂ© colonisĂ©e au cours des 2000 derniĂšres annĂ©es par un mĂ©tissage de colons bantous et indonĂ©siens (austronĂ©siens). L'haplogroupe M23 semble confinĂ© Ă Madagascar (on ne l'a pas pour l'instant recensĂ© ailleurs) : il pourrait avoir Ă©tĂ© importĂ© Ă Madagascar depuis l'Asie, d'oĂč sont originaires les plus anciens sous-clades de l'haplogroupe M.
HypothĂšse d'une origine asiatique
Selon cette thĂ©orie, des hommes modernes porteurs de l'haplogroupe L3 ont quittĂ© l'Afrique de l'Est vers l'Asie, oĂč des mutations ont donnĂ© naissance aux haplogroupes M et N. L'haplogroupe L3 a dĂ» s'effacer par dĂ©rive gĂ©nĂ©tique puisqu'il est rare en dehors de l'Afrique. LâhypothĂšse selon laquelle le macro-haplogroupe M est apparu en Asie est confortĂ©e par les considĂ©rations suivantes :
- La plus forte densité au monde de porteurs du macrohaplogroupe M est observée en Asie, et notamment au Bangladesh, en Chine, en Inde, au Japon, en Corée, au Népal et au Tibet, avec une proportion variable entre 60% et 80%. La densité totale en sous-clades de M est encore plus élevée chez certaines populations de Sibérie ou des Amériques, mais ce sont des ßlots de populations, qui présentent de forts effets de dérive génétique[1] - [2] - [16].
- L'anciennetĂ© des haplogroupes « indiens » M2, M38, M54, M58, M33, M6, M61, M62 (supĂ©rieure Ă 50 000 ans) ainsi que la rĂ©partition du macrohaplogroupe M, nâexclut pas l'Ă©ventualitĂ© que le macrohaplogroupe M soit apparu dans la population indienne[17].
- à l'exception de l'ADN M1 spécifique à l'Afrique, l'Inde compte plusieurs lignées M directement issues de l'haplogroupe M[1] - [16].
- On ne retrouve en Afrique que deux sous-clades de l'haplogroupe M, à savoir M1 et M23, alors qu'il y en a plusieurs autres hors d'Afrique[1] - [4] (seul le cas du sous-clade M1 est controversé, cf. ci-dessous).
- En ce qui concerne plus particuliĂšrement M1 :
- L'haplogroupe M1 est concentrĂ© dans certaines parties de l'Afrique : il n'est prĂ©sent, et encore en faibles proportions, que chez les Nord-Africains et les Ăthiopiens. Si M Ă©tait originaire d'Afrique avant la migration de l'Homme hors d'Afrique, il serait reprĂ©sentĂ© sur une aire beaucoup plus Ă©tendue[16].
- Selon Gonzalez et al. 2007, M1 se serait diffusé à une date relativement récente, car les mutations propres à M1 sont plus récentes que les lignées M exclusivement asiatiques[4].
- La répartition géographique de M1 en Afrique se concentre trÚs majoritairement en Afrique du Nord[4] et elle est confinée aux populations de locuteurs afro-asiatiques[18], alors que les sous-clades sub-sahariens des haplogroupes L3 et L2 ont une ancienneté comparable[11].
- L'une des lignées basales de M1 a été identifiée au Maghreb et au Proche-Orient, mais elle est absente d'Afrique de l'Est[4].
- M1 n'est pas confinĂ© Ă l'Afrique : il est assez rĂ©pandu sur le pourtour mĂ©diterranĂ©en, avec un pic de concentration dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique. M1 est Ă©galement largement attestĂ© dans les populations du Moyen-Orient, entre le Sud de la PĂ©ninsule arabique et lâAnatolie, et du Levant Ă l'Iran. En outre, les haplotypes M1 ont Ă©tĂ© recensĂ©s ponctuellement au Caucase et en Transcaucasie, sans voisinage avec des porteurs de lignĂ©es L[4] - [11]. M1 a encore Ă©tĂ© recensĂ© en Asie centrale, et semble s'ĂȘtre diffusĂ© jusqu'au Tibet[4].
- Le fait que les mutations du sous-clade M1 ont commencĂ© avant celles de l'haplogroupe U6 (propre Ă des Eurasiens dont la prĂ©sence en Afrique s'explique par une re-migration depuis le Proche-Orient) et se sont poursuivies au-delĂ ; et le fait que l'aire de rĂ©partition de U6 en Afrique soit elle aussi confinĂ©e Ă l'Afrique du Nord et Ă la Corne de l'Afrique, renforce le scenario selon lequel M1 et U6 sont les indices d'un mĂȘme mouvement de population d'Asie vers l'Afrique[18].
- La datation de la re-migration supposée des porteurs de M1 et de U6 du Proche-Orient vers l'Afrique (entre 45 000 et 40 000 ans AP) est confortée par sa simultanéité avec le changement climatique qui a repoussé les zones désertiques d'Afrique du Nord, rendant l'Afrique plus hospitaliÚre à des populations venues d'Arabie. Ce changement climatique est d'ailleurs en partie contemporain de l'arrivée en Europe de populations porteuses de l'haplogroupe U5, clade européen parent de l'haplogroupe U6[18].
HypothĂšse d'une origine africaine
Selon cette théorie, les haplogroupes M et N seraient des mutations de L3 survenues parmi une population d'Afrique de l'est qui se serait isolée des autres populations de ce continent. Les membres de cette population auraient migré hors d'Afrique et n'auraient été porteurs que des lignées M et N. à l'exception éventuelle de l'haplogroupe M1, tous les autres clades M et N d'Afrique se seraient éteints par dérive génétique[7] - [13].
L'origine africaine de l'haplogroupe M est confortée par les arguments et preuves suivants :
- L3, le clade parent de l'haplogroupe M, se retrouve dans toute l'Afrique, et fort peu hors d'Afrique[13]. Selon Toomas Kivisild (2003), « l'absence de lignĂ©es L3 autres que M et N en Inde et dans les mitochondries non-africaines en gĂ©nĂ©ral, suggĂšre que les premiĂšres migrations de l'homme moderne emportaient dĂ©jĂ ces deux ancĂȘtres ADNmt, via route diffĂ©rente empruntant la corne de l'Afrique[7]. »
- Cette mĂȘme Ă©tude fournit des indices montrant que M1, ou son ancĂȘtre, avait une origine asiatique. La plus ancienne voie de diffusion de M1 hors d'Afrique a empruntĂ© la voie nord-ouest, peuplant la PĂ©ninsule ibĂ©rique et mĂȘme affectant les Basques. La majoritĂ© des lignĂ©es M1a venues, elles, d'Afrique orientale, ont une origine plus rĂ©cente. Les deux lignĂ©es M1 (ouest et est) ont participĂ© Ă la colonisation du Sahara au NĂ©olithique. Le parallĂ©lisme frappant entre l'Ăąge des sous-clade et la rĂ©partition gĂ©ographique de M1 et de son homologue Nord-africain U6 confirme nettement ce scĂ©nario. Enfin, une fraction considĂ©rable des lignĂ©es M1a prĂ©sentes actuellement sur le continent europĂ©en et les Ăźles pĂ©riphĂ©riques ont probablement une ascendance maternelle juive plutĂŽt qu'arabo-berbĂšre[4].
Diffusion
Plusieurs Ă©tudes suggĂšrent que les ancĂȘtres de l'haplogroupe M moderne se sont diffusĂ©s de l'Afrique Ă la Nouvelle-GuinĂ©e et l'Australie via une route mĂ©ridionale, longeant la Corne de l'Afrique et les cĂŽtes de l'Asie. Ces Ă©tudes avancent que les migrations des haplogroupes M et N ont suivi des routes trĂšs diffĂ©rentes : les porteurs de l'haplogroupe N ont migrĂ© depuis l'Afrique de l'Est vers le nord et le Levant. Toutefois, les rĂ©sultats de plusieurs Ă©tudes rĂ©centes indiquent que la migration hors d'Afrique s'est faite en une fois et que les groupes porteurs des haplogroupes M et N ont participĂ© Ă cette mĂȘme migration. Cela repose sur l'analyse de populations gĂ©nĂ©tiquement isolĂ©es vivant encore le long de la route de migration prĂ©sumĂ©e d'Afrique en Australie, oĂč l'on retrouve Ă la fois les haplogroupes N et M[3] - [19].
L'haplogroupe M35a a été retrouvé chez un individu au Sri Lanka daté entre 5 455 et 5 375 ans. L'ùge de l'haplogroupe est estimé entre 16 000 et 10 000 ans. L'haplogroupe M18a a été retrouvé chez un individu daté entre 9 695 et 9 545 ans et situé géographiquement à quelques kilomÚtres du premier. L'ùge de l'haplogroupe est estimé à 9 200 ans. Ces deux haplogroupes existent aujourd'hui au Sri Lanka: M18a parmi les Cingalais, et les Tamouls. M35a est plus fréquent chez les Cingalais et moins fréquent chez d'autres populations du Sri Lanka comme les Adivasis[20].
RĂ©partition
L'haplogroupe M de l'ADNmt est le plus rĂ©pandu en Asie[21], avec des pics de frĂ©quence au Japon et au Tibet, oĂč il reprĂ©sente plus de 70% des lignĂ©es maternelles (160/216 = 74% des TibĂ©tains[22], 205/282 = 73% des habitants du TĆkai[23], 231/326 = 71% des habitants de l'Ăźle d'Okinawa[23], 148/211 = 70% des Japonais[2], 150/217 = 69% des habitants de l'Ăźle d'HokkaidĆ[24], 24/35 = 69% des TibĂ©tains de Shangri-La, 175/256 = 68% des habitants du nord de l'Ăźle de KyĆ«shĆ«[23], 38/56 = 68% des TibĂ©tains du Qinghai, 16/24 = 67% des TibĂ©tains du Diqing, 66/100 = 66% des habitants de Miyazaki, 33/51 = 65% des AĂŻnous, 214/336 = 64% des habitants de TĆhoku[23], 75/118 = 64% des habitants de l'aire mĂ©tropolitaine de Tokyo (JPT)[25]) et est partout prĂ©sent en Inde[1] - [11] - [26] et en CorĂ©e du Sud[23] - [27] - [28] - [29] - [30], oĂč il est portĂ© par environ 60% de la population. Chez les Chinois, rĂ©sidents ou non en Chine, l'haplogroupe M reprĂ©sente approximativement 50% de l'ADNmt, mais sa frequence varie entre 40% parmi les Han du Hunan et du Fujian en Chine mĂ©ridionale, Ă 60% au Shenyang, dans le Liaoning en Chine du nord-est[22] - [23] - [25] - [28].
L'haplogroupe M33c est partagĂ©e entre populations en Chine (les Han, les Zhuang, les Yao, les Miao et les TibĂ©tains)[31] et en Asie du Sud-Est (les ViĂȘt du ViĂȘt Nam et les ThaĂŻ de la ThaĂŻlande)[31] et les Juifs ashkĂ©nazes (de BiĂ©lorussie, Lituanie, Lettonie, Ukraine, Pologne, Hongrie et Roumanie)[32].
L'haplogroupe M9 comprend deux macro-branches (M9a'b et E) dans les populations humaines actuelles. La macro-branche M9a'b est actuellement distribuée en Asie de l'Est continentale avec une origine méridionale et une expansion vers le nord entre environ 28 000 à 18 000 ans. En revanche, la macro-branche E est principalement distribuée dans l'ßle d'Asie du Sud-Est (ISEA) et les ßles Salomon de Mélanésie, reflétant l'expansion néolithique des locuteurs austronésiens[33].
La découverte d'une lignée basale M9 éteinte dans le Yunnan suggÚre une riche diversité matrilinéaire des populations humaines dans le sud de l'Asie de l'Est à la fin du PléistocÚne[33].
Références
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