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Il crociato in Egitto

Il crociato in Egitto (Le Croisé en Égypte) est le neuvième opéra (melodramma eroico) composé par Giacomo Meyerbeer, et son sixième et dernier opéra composé pour un théâtre italien. Le livret est de Gaetano Rossi. La création eut lieu à La Fenice de Venise le [1]. Cet opéra va remporter un triomphe international, permettant à son compositeur d’atteindre une renommée équivalente à celle de Rossini. Il s’agit également du premier opéra de Meyerbeer joué à Paris. Ce succès et la volonté de suivre Rossini, qui vient de prendre la direction du Théâtre-Italien et à qui le lie une amitié profonde et durable, vont inciter Meyerbeer à quitter l’Italie et à s’installer à Paris. Mais de nombreux musicologues (cf. par exemple F. Claudon[2]) notent qu’avec Il crociato, Meyerbeer a entamé une évolution artistique qui annonce déjà le Grand opéra, dont il va devenir l’un des plus ardents promoteurs.

Il crociato in Egitto
Description de cette image, également commentée ci-après
Giacomo Meyerbeer
Genre Opéra
Nbre d'actes 2
Musique Giacomo Meyerbeer
Livret Gaetano Rossi
Langue
originale
Italien
Dates de
composition
1822-1823
Création
La Fenice de Venise
Création
française

Théâtre-Italien

Représentations notables

Personnages

  • Aladino, sultan de Damiette (basse)
  • Palmide, sa fille (soprano)
  • Osmino, vizir du sultan Aladino (tĂ©nor)
  • Alma, confidente de Palmide (mezzo-soprano)
  • Mirva, l’enfant de Palmide et d’Armando, âgĂ© de cinq ans
  • Adriano di Monfort, Grand MaĂ®tre des chevaliers de Rhodes (tĂ©nor)
  • Armando d’Orville, chevalier provençal neveu d’Adriano, vivant Ă  Damiette sous le nom d’Elmireno (soprano-castrato)
  • Felicia, promise Ă  Armando dès sa naissance et dĂ©guisĂ©e en homme pour pouvoir accompagner Adriano (alto)
  • Émirs, imams, peuple Ă©gyptien, chevaliers de Rhodes, esclaves europĂ©ens de diffĂ©rentes nations, gardes du sultan, soldats Ă©gyptiens, esclaves noirs, hĂ©rauts, Ă©cuyers des chevaliers, soldats, pages, marins, orchestre des Égyptiens, orchestre des chevaliers, danseurs, musiciens (chĹ“ur)

Airs

Giovinetto cavalier : trio Felicia-Palmide-Armando au premier acte
D’una madre disperata : air de Palmide au second acte
Nel silenzio, fra l’orror : chœur des conjurés au second acte
Suona funerea : « Hymne de la mort » au second acte

Sujet

L'argument est emprunté à un mélodrame historique en trois actes écrit en 1813 par Jean-Antoine-Marie Monperlier, Jean-Baptiste Dubois et Hyacinthe Albertin Les Chevaliers de Malte, ou les Français à Alger, qui se déroule à Alger au milieu du XVIIe siècle.(Lire en ligne).

Si l’intrigue de la pièce originale est reprise dans ses grandes lignes, Rossi et Meyerbeer déplacent l’action dans le temps (l’opéra est censé se dérouler juste après la sixième croisade, au début du XIIIe siècle) et dans l’espace (Damiette remplaçant Alger).

Plusieurs années avant que l’action de l’opéra ne commence, Armando d’Orville, jeune chevalier provençal et neveu du Grand Maître des chevaliers de Rhodes, Adriano de Monfort, a été blessé au cours d’une bataille près de Damiette en Égypte, durant la sixième croisade. Laissé pour mort par ses compagnons, Armando guérit cependant et décide de se faire passer pour un combattant musulman sous le nom d’Elmireno, afin de ne pas être capturé comme esclave. Ses espoirs de rejoindre les Croisés sont cependant déçus jusqu’au jour où il sauve la vie d’Aladino, sultan de Damiette. Ce dernier se prend d’affection pour le jeune homme et l’invite à sa cour.

Là, Armando/Elmireno tombe éperdument amoureux de Palmide, fille d’Aladino. Oubliant qu’il est fiancé à Felicia, une jeune noble provençale, il épouse secrètement Palmide après que cette dernière se soit convertie à la religion catholique. De cette union naît un fils prénommé Mirva. Aladino, qui ignore tout de ce mariage, devine cependant l’amour réciproque qui lie le jeune homme à sa fille. Il décide alors d’organiser leur mariage dès qu’Armando/Elmireno sera de retour d’une guerre menée contre des ennemis du sultan. Lorsque l’opéra commence, on annonce justement le retour d’Elmireno victorieux. Par ailleurs, une délégation des chevaliers de Rhodes, venue négocier un échange de prisonniers, est attendue par Aladino.

Comme le note G. G. Filippi[3], les modifications introduites par Rossi et Meyerbeer par rapport au sujet original conduisent à générer un certain nombre d’erreurs de chronologie ou d’approximations :

Attaque de Damiette en 1249 (Chronique de Saint-Denis).
  • Selon le livret, l’action se dĂ©roule Ă  Damiette en Égypte après la sixième croisade (1228-1229). Or, les Ă©vĂ©nements Ă©voquĂ©s (batailles autour de Damiette impliquant des combattants français) semblent davantage faire rĂ©fĂ©rence Ă  la campagne d’Égypte (1249-1250) de la septième croisade.
  • Le livret fait rĂ©fĂ©rence aux chevaliers de Rhodes. Or, l’ordre de Saint-Jean de JĂ©rusalem n’établira son siège Ă  Rhodes qu’en 1310, soit près d’un siècle après la sixième croisade.

Toutes ces erreurs sont d’autant plus surprenantes que Rossi s’est sérieusement documenté sur les croisades, en consultant notamment l’Histoire des Croisades de Joseph-François Michaud parue en sept volumes entre 1812 et 1822. En fait, G.G. Filippi[3] soutient la thèse que ces approximations seraient intentionnelles et constitueraient des références plus ou moins codées aux origines légendaires de la franc-maçonnerie (Rossi et Meyerbeer étaient membres de loges maçonniques italiennes) :

  • Le dĂ©placement de l’action en Égypte serait une rĂ©fĂ©rence Ă  l’Égypte antique et Ă  la construction des pyramides, qui sont l’une des origines symboliques de la franc-maçonnerie.
  • La prĂ©sence des chevaliers de Rhodes serait une double rĂ©fĂ©rence aux Templiers et au grade maçonnique de « chevalier rose-croix » (avec un jeu de mots entre Rhodes et rose).

G.G. Filippi note également qu’Armando est présenté à plusieurs reprises dans le livret comme un « initié », terme maçonnique, qui lui confère un statut particulier par rapport aux autres personnages de l’opéra. Contrairement à eux en effet, Armando est « libre » comme le requièrent les critères d’admission à la franc-maçonnerie. Cette « liberté » se traduit dans l'opéra par l’absence de tout engagement exclusif vis-à-vis de quelque religion que ce soit. Le fait qu’Armando puisse passer apparemment sans difficulté pour un chrétien ou pour un musulman ne fait qu’indiquer, selon G.G. Filippi, que ses adhésions à ces religions ne sont pas réellement profondes et font partie d’un déguisement nécessaire pour cacher sa foi réelle.

Argument

L’action de l’opéra se déroule après la sixième croisade (1228-1229), à Damiette en Égypte.

Scène 1

Une vaste cour intérieure dans le palais du sultan, à l’aube. Derrière une imposante grille en fer, on peut apercevoir les bâtiments du port. Sur la droite se trouvent les quartiers des esclaves. Sur la gauche, on devine le palais et des jardins.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 1 de l’Acte I du Crociato lors de la reprise de l’opéra à La Fenice de Venise en 1835.
  • No 1 : Ouverture avec pantomime : Après des sonneries de trompettes, des gardes viennent ouvrir les portes des quartiers des esclaves. Ceux-ci reprennent alors leurs travaux de construction d’un petit temple dĂ©diĂ© Ă  la FidĂ©litĂ©.
  • No 2a : ChĹ“ur des esclaves « Patria amata ! » (« O patrie bien-aimĂ©e ! ») : les esclaves se lamentent d’être Ă©loignĂ©s de leur patrie et de leur famille et souhaitent que la mort vienne mettre fin Ă  leurs souffrances.
  • No 2b : EntrĂ©e de Palmide « Ma giĂ  di Palmide gli schiavi avanzano » (« Mais regardez, voici venir les esclaves de Palmide ») : Palmide, la fille du sultan, entre, prĂ©cĂ©dĂ©e de ses esclaves qui apportent des prĂ©sents aux autres esclaves.
  • No 2c : Air de Palmide « I doni d’Elmireno » (« Amis, je vous apporte les prĂ©sents d’Elmireno ») : Palmide apporte des cadeaux de la part de son Ă©poux Elmireno, dont elle est particulièrement Ă©prise.
  • No 2d : RĂ©citatif : Le sultan Aladino entre alors pour annoncer Ă  sa fille le retour d’Elmireno qui revient victorieux d’une guerre menĂ©e contre des ennemis du sultan.
  • No 2e : ChĹ“ur « Dalle torri lontane segnale » (« Un signal de tours lointaines ») : Des signaux de trompettes annoncent l’arrivĂ©e du navire des chevaliers de Rhodes, qui viennent nĂ©gocier un accord de paix avec le sultan.
  • No 2f : Duo Palmide-Aladino avec chĹ“ur « Vincitor a questo petto » (« Je presserai contre mon cĹ“ur le vainqueur ») : Palmide et Aladino se rĂ©jouissent du retour d’Elmireno.
  • No 2g : Scène : Aladino annonce Ă  sa fille qu’il a dĂ©cidĂ© de la marier Ă  Elmireno. Palmide se retire bouleversĂ©e, ne sachant comment annoncer Ă  son père qu’elle a dĂ©jĂ  Ă©pousĂ© secrètement (et selon les rites chrĂ©tiens) celui qu’il lui destine. Aladino donne alors des ordres Ă  Osmino, son vizir, de prĂ©parer le mariage et d’accueillir dignement la dĂ©lĂ©gation des chevaliers de Rhodes.

Scène 2

Les jardins du palais du sultan, près des appartements de Palmide. Au centre de la scène se dresse une tonnelle sous laquelle Mirva, le fils d’Armando/Elmireno et Palmide, dort sur un lit de fleurs.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 2 de l’Acte I du Crociato lors de la reprise de l’opéra à La Fenice de Venise en 1835.
  • No 3a : ChĹ“ur « Urridi vezzose » (« Belles Houris ») : Les esclaves de Palmide veillent sur le repos de Mirva et tremblent Ă  l’idĂ©e que l’on puisse dĂ©couvrir que l’enfant vit avec elles.
  • No 3b : Ballet avec chĹ“ur « Di baci amorosi » (« Avec de tendres baisers ») : Mirva s’étant rĂ©veillĂ©, les esclaves chantent et dansent avec lui.
  • No 4a : RĂ©citatif : Armando/Elmireno n’a pu rĂ©sister Ă  la tentation de venir en cachette pour retrouver Palmide et son fils Mirva.
  • No 4b : Cavatine d’Armando « Ah ! figlio dell’amore » (« Ah ! enfant de l’amour ») : Mirva ayant vu son père, il se jette dans ses bras. Armando/Elmireno rĂ©alise qu’il n’est rĂ©ellement heureux que lorsqu’il est avec son Ă©pouse et son fils.
  • No 5a : Scène : Entre alors Palmide qui annonce que son père a l’intention de les marier alors qu’ils le sont dĂ©jĂ . En outre, l’arrivĂ©e de la dĂ©lĂ©gation des chevaliers de Rhodes fait craindre Ă  Armando/Elmireno qu’il puisse ĂŞtre reconnu et qu’on lui demande de respecter son engagement de se marier avec Felicia. DĂ©sespĂ©rĂ©, le jeune homme fait part Ă  son Ă©pouse de son intention de se donner la mort.
  • No 5b : Duetto Armando-Palmide « Ah ! non ti son piĂą cara » (« Ah ! tu ne dois plus m’aimer ») : Palmide tente de convaincre son Ă©poux de renoncer Ă  se donner la mort. Le couple se sĂ©pare, en proie Ă  la plus vive inquiĂ©tude.
  • No 5c : RĂ©citatif : Alma, la confidente de Palmide, craint pour la vie d’Armando/Elmireno et de son fils au cas oĂą leur secret serait dĂ©voilĂ©.

Scène 3

Le port de Damiette.

Gravure colorée d'Alessandro Sanquirico représentant l'arrivée du bateau des croisés dans le port de Damiette à la scène 3 de l’Acte I du Crociato lors de la création de l’opéra à La Fenice de Venise en 1824.
  • No 6 : ChĹ“ur « Vedi il legno » (« Voyez le navire ») : Le navire des chevaliers de Rhodes accoste dans le port de Damiette, Ă©vĂ©nement que le peuple accueille avec joie.
  • No 7a : RĂ©citatif : Sur le navire des chevaliers, Felicia, dĂ©guisĂ©e en homme, annonce qu’elle est porteuse de paix.
  • No 7b : Cavatine de Felicia avec chĹ“ur, première partie « Pace io reco » (« J’apporte la paix ») : Felicia dĂ©barque sur le port, accompagnĂ©e de quelques chevaliers de Rhodes. RĂ©affirmant publiquement son message de paix, Felicia se remĂ©more en apartĂ© que c’est en Égypte qu’est mort son fiancĂ© Armando.
  • No 7c : Cavatine de Felicia avec chĹ“ur, seconde partie « Ah ! piĂą sorridere » (« Ah ! je ne verrai plus ton sourire ») : Tandis que le peuple espère le retour de la paix, Felicia prie Dieu de la conduire jusqu'Ă  la tombe de son fiancĂ©.
  • No 7d : Scène : Osmino accueille au nom du sultan la dĂ©lĂ©gation des chevaliers et les invite au palais. Les chevaliers le suivent tandis que Felicia dĂ©cide de rechercher la tombe d’Armando.
  • No 8a : Scène : Adriano, le Grand MaĂ®tre des chevaliers de Rhodes, dĂ©barque Ă  son tour.
  • No 8b : Cavatine d’Adriano « Sarebbe a me sì caro » (« Ce serait si important pour moi ») : tout comme Felicia, Adriano souhaite se recueillir sur la tombe de son neveu.
  • No 8c : Scène : Il rencontre alors Armando/Elmireno qui est venu lĂ  pour connaĂ®tre l’identitĂ© des chevaliers membres de la dĂ©lĂ©gation. Les deux hommes se reconnaissent immĂ©diatement. Adriano exige des explications et accuse son neveu d’être un traitre. Il exige qu’Armando lui remette son Ă©pĂ©e (ce que ce dernier n’ose refuser) et s’apprĂŞte Ă  la briser.
  • No 8d : Duetto Armando-Adriano, première partie « VĂ , và… giĂ  varcasti, indegno » (« Va, va… tu as dĂ©jĂ  franchi les limites ») : Voyant cela, Armando rĂ©clame son Ă©pĂ©e ce qui met son oncle au comble de la fureur. Ce dernier n’acceptera de pardonner Ă  son neveu qu’à la condition qu’il reprenne ses habits de chevalier, qu’il dise la vĂ©ritĂ© au sultan et qu’il reparte en France pour Ă©pouser Felicia.
  • No 8e : Duetto Armando-Adriano, deuxième partie « Non sai quale incanto » (« Vous ignorez quel envoĂ»tement ») : Armando tente alors d’expliquer Ă  son oncle qu’il est tombĂ© amoureux d’une jeune fille Ă  Damiette. Ne voulant pas en entendre davantage, Adriano prĂ©vient son neveu qu’il sera cause de la mort de sa mère lorsque celle-ci apprendra le comportement indigne de son fils.
  • No 8f : Duetto Armando-Adriano, troisième partie « Il brando invitto » (« L’épĂ©e invincible ») : Adriano parvient finalement Ă  convaincre son neveu de jurer sur l’épĂ©e de son père qu’il saura redevenir digne du nom qu’il porte.

Scène 4

Les jardins du palais du sultan.

  • No 9a : Scène : Felicia, toujours dĂ©guisĂ©e en homme, rencontre Mirva dans les jardins du palais et est bouleversĂ©e par la ressemblance de l’enfant avec son fiancĂ© qu’elle croit mort. Se faisant passer pour le frère d’Armando auprès de Palmide, cette dernière lui avoue que le jeune chevalier n’est pas mort, qu’il est devenu son mari et qu’il est le père de Mirva. BouleversĂ©e, Felicia rĂ©vèle alors Ă  Palmide sa vĂ©ritable identitĂ©, mais dĂ©cide de renoncer Ă  ses droits sur son fiancĂ©.
  • No 9b : Trio Felicia-Palmide-Armando « Giovinetto cavalier » (« Un jeune chevalier ») : Felicia se remĂ©more la chanson d’amour que lui interprĂ©tait Armando lorsqu’ils Ă©taient en France. Palmide reconnaĂ®t la mĂ©lodie que lui a Ă©galement chantĂ©e Armando et la fredonne Ă  son tour, en souvenir de son bonheur perdu. Armando, qui recherche son Ă©pouse pour lui dire adieu, entendant sa romance, la reprend Ă  son tour avant d’entrer en scène. Ă€ son arrivĂ©e, Felicia s’écarte et laisse Armando s’entretenir avec Palmide.
  • No 9c : RĂ©citatif : Armando se rend compte de la prĂ©sence de Felicia et la reconnaĂ®t immĂ©diatement. La jeune fille lui rĂ©vèle qu’elle sait tout, qu’elle lui pardonne et qu’il peut rester avec Palmide et Mirva. Repensant Ă  son oncle, Armando dit cependant adieu Ă  son Ă©pouse et Ă  son fils, abandonnant Palmide au comble du dĂ©sespoir.

Scène 5

Une magnifique cour intérieure dans le palais du sultan, avec, au fond, une imposante mosquée dont les portes sont fermées.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 5 de l’Acte I du Crociato lors de la création de l’opéra à La Fenice de Venise en 1824.
  • No 10a : RĂ©citatif : Aladino est flattĂ© d’apprendre que le Grand MaĂ®tre des chevaliers de Rhodes conduit en personne la dĂ©lĂ©gation de paix. Il est Ă©galement ravi de constater que tout est prĂŞt pour le mariage d’Elmireno et Palmide.
  • No 10b : ChĹ“ur des imams et des prĂŞtres « Gran Profeta, ognor del cielo » (« O Grand Prophète dans les cieux ») : Au son d’une marche, les deux cortèges entrent en grande pompe dans la cour. Mirva se dĂ©tache alors du cortège des Égyptiens et tend une couronne d’olivier Ă  Adriano. Après avoir acceptĂ© le prĂ©sent, celui-ci regarde l’enfant avec insistance ce qui rend mal Ă  l’aise Palmide et Felicia.
  • No 10c : RĂ©citatif : Aladino annonce qu’il accepte la proposition de paix des chevaliers de Rhodes et qu’il libère tous les esclaves chrĂ©tiens en signe de bonne volontĂ©. Il demande alors que l’on fasse entrer Elmireno. Celui-ci, ayant revĂŞtu son armure de chevalier, dĂ©clare alors qu’Elmireno n’est plus et vient s’agenouiller devant Adriano.
  • No 11a : Scène : Consternation gĂ©nĂ©rale. Aladino tente en vain de convaincre Armando/Elmireno de revenir sur sa dĂ©cision. Furieux, il se jette alors sur le jeune homme pour le tuer. Se faisant passer pour le frère d’Armando, Felicia s’interpose et dĂ©gaine son Ă©pĂ©e.
  • No 11b : Canon « Sogni ridenti » (« Doux rĂŞves de bonheur ») : Palmide, Armando, Felicia, Adriano et Aladino constatent avec stupeur avec quelle rapiditĂ© la situation s’est dĂ©gradĂ©e.
  • No 11c : RĂ©citatif : Le sultan ordonne alors de reconduire les chevaliers dans leurs quartiers et d’emprisonner Armando. Adriano menace Aladino de lui dĂ©clarer la guerre s’il maintient ses ordres. Au comble de la fureur, le sultan confirme la rĂ©ouverture des hostilitĂ©s avec les ChrĂ©tiens.
  • No 11d : ChĹ“ur « Guai se tuona quel bronzo tremendo » (« Craignez d’entendre le son du gong terrible ») : les Égyptiens prĂ©viennent les ChrĂ©tiens qu’ils seront impitoyables au cours des futurs combats.
  • No 11e : ChĹ“ur final « All’armi vi chiama la gloria » (« Aux armes pour la gloire ») : les guerriers de chaque camp se rassemblent autour de leur chef respectif et s’invectivent violemment.

Scène 1

Même décor que la scène précédente.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 1 de l’Acte II du Crociato lors de la reprise de l’opéra à La Fenice de Venise en 1835.
  • No 12a : RĂ©citatif et scène : Osmino, le vizir du sultan, souhaite profiter des Ă©vĂ©nements pour renverser Aladino et se venger de Palmide qui lui a prĂ©fĂ©rĂ© Armando. Il rencontre Alma, la confidente de Palmide, qui rĂ©vèle par inadvertance qu’Armando et Palmide ont eu un fils. Osmino comprend immĂ©diatement tout le parti qu’il peut tirer de cette nouvelle.
  • No 12b : Cavatine de Felicia « Ah ! ch’io l’adoro ancor » (« Ah ! je l’aime toujours ») : Felicia, toujours dĂ©guisĂ©e en homme, arrive Ă  son tour et rĂ©alise qu’elle ne peut s’empĂŞcher d’aimer Armando, malgrĂ© sa trahison. Elle jure de tout faire pour le sauver. Elle rencontre alors plusieurs Ă©mirs qui lui suggèrent qu’Armando peut encore ĂŞtre sauvĂ©.
  • No 12c : Air de Felicia avec chĹ“ur « Come dulce a lusingarmi » (« Qu’il est doux de penser que c’est toujours possible »). Felicia, encouragĂ©e par les Ă©mirs, reprend un peu espoir.

Scène 2

Les jardins du palais du sultan.

  • No 13a : Scène : Palmide s’est rĂ©fugiĂ©e dans ses jardins, espĂ©rant y trouver un peu de sĂ©rĂ©nitĂ©.
  • No 13b : Cavatine de Palmide « Tutto quì parla ognor » (« Tout ici me rappelle mon bonheur passĂ© ») : Palmide constate que ces lieux qu’elle adorait ne font que lui rappeler son bonheur enfui.
  • No 13c : RĂ©citatif : Osmino arrive avec le sultan Ă  qui il vient de rĂ©vĂ©ler l’identitĂ© vĂ©ritable des parents du petit Mirva. Hors de lui, Aladino veut tuer l’enfant.
  • No 13d : Air de Palmide, première partie « D’una madre disperata » (« D’une mère dĂ©sespĂ©rĂ©e ») : Palmide s’interpose et supplie son père de la tuer elle, plutĂ´t que son fils.
  • No 13e : Air de Palmide, deuxième partie « Ah ! mira l’angelo dell’innocenza » (« Ah ! observe cet ange d’innocence ») : Palmide, Ă  laquelle se joignent Alma et des esclaves, tente alors d’attendrir le cĹ“ur du sultan, qui, de fait, ne rĂ©siste pas longtemps et semble prĂŞt Ă  pardonner Ă  sa fille et Ă  Armando. Il donne des ordres pour que les chevaliers chrĂ©tiens soient amenĂ©s devant lui.
  • No 13f : Air de Palmide, troisième partie « Con qual gioja le catene » (« Avec quelle joie je vais libĂ©rer mon bien-aimĂ© ») : Palmide se rĂ©jouit de la libĂ©ration prochaine d’Armando.
  • No 13g : RĂ©citatif : Ă€ l’arrivĂ©e des chevaliers conduits par Adriano, le sultan annonce qu’il leur rend la libertĂ© et rĂ©vèle que Mirva est le fils d’Armando et de Palmide. Adriano, outrĂ©, renie son neveu et s’en va. MalgrĂ© les doutes d’Aladino, Armando espère encore obtenir le pardon de son oncle.

Scène 3

Un endroit isolé, près des quartiers des chevaliers.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 3 de l’Acte II du Crociato lors de la création de l’opéra à La Fenice de Venise en 1824.
  • No 14a : ChĹ“ur des conjurĂ©s « Nel silenzio, fra l’orror » (« Sliencieusement, dans l’obscuritĂ© ») : les complices d’Osmino guettent le passage d’Armando pour pouvoir l’assassiner.
  • No 14b : RĂ©citatif : Armando arrive avec Palmide et tente de la convaincre de fuir avec lui. Adriano et d’autres chevaliers sortent alors d’une chapelle voisine. Lorsque Palmide rĂ©vèle au Grand MaĂ®tre sa conversion au catholicisme, celui-ci se radoucit quelque peu, mais il exige qu’elle proclame publiquement qu’elle a abjurĂ© ses anciennes croyances.
  • No 15a : Quatuor « O Ciel clemente » (« O Dieu misĂ©ricordieux ») : Armando et Palmide s’agenouillent devant Adriano et tous entonnent une prière, Ă  laquelle se joint Felicia, très Ă©mue. Aladino arrive sur ces entrefaites. Il est tellement furieux de l’abjuration de sa fille qu’il ordonne que tous les chrĂ©tiens soient mis Ă  mort.
  • No 15b : Quintette « Ah ! quest’è l’ultimo, crudele addio » (« Ah ! c’est notre dernier, notre plus douloureux adieu ») : Tandis qu’Aladino et Adriano s’invectivent, Armando et Palmide se disent adieu, sous les yeux de Felicia qui plaint sincèrement le malheureux couple. RestĂ© seul, Osmino continue d’échafauder des plans pour renverser le sultan, envisageant mĂŞme de s’allier aux ChrĂ©tiens afin qu’ils l’aident Ă  dĂ©trĂ´ner Aladino.

Scène 4

Une prison.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 4 de l’Acte II du Crociato lors de la création de l’opéra à La Fenice de Venise en 1824.
  • No 16a : Scène : Adriano demande aux chevaliers d’accepter dignement leur mort prochaine.
  • No 16b : Hymne de la mort « Suona funerea » (« L’heure de notre mort ») : Le Grand MaĂ®tre entonne un hymne d’adieu Ă  la vie, auquel se joignent les autres chevaliers.
  • No 16c : Air d’Adriano « L’acciar della fede » (« Vous exigez de nous ») : Aladino, accompagnĂ© d’Osmino et de gardes, exige alors que les chevaliers lui remettent leurs Ă©pĂ©es avant leur exĂ©cution. PlutĂ´t que d’obĂ©ir au sultan, les chevaliers prĂ©fèrent briser leurs Ă©pĂ©es et provoquent Aladino. Ils sont alors emmenĂ©s par les gardes pour ĂŞtre mis Ă  mort.

Scène 5

La grande place de Damiette.

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 5 de l’Acte II du Crociato lors de la création de l’opéra à La Fenice de Venise en 1824.
  • No 17a : Scène : Avant d’être exĂ©cutĂ©, Armando pense Ă  tous ceux qu’il a aimĂ©s.
  • No 17b : Cavatine d’Armando « Il dì risorgerĂ  » (« Le jour va se lever ») : Armando tente d’imaginer ce que deviendra la vie de Palmide lorsqu’il sera mort.
  • No 17c : ChĹ“ur « Udite or alto arcano… » (« Ecoutez maintenant un secret vital… ») : Osmino et les conjurĂ©s qu’il a rassemblĂ©s propose aux chrĂ©tiens la vie sauve en Ă©change de leur aide pour renverser le sultan. On donne des Ă©pĂ©es aux chevaliers pour qu’ils puissent se battre au cĂ´tĂ© des conjurĂ©s.
  • No 17d : RĂ©citatif : Aladino arrive avec Palmide et quelques gardes. Osmino se jette sur le sultan pour le tuer.
  • No 17e : Rondo « Ah ! che fate ! v’arrestate ! » (« Ah ! que fais-tu ? arrĂŞte ! ») : Armando s’interpose entre Aladino et Osmino. Adriano demande alors aux autres chevaliers de venir en aide Ă  Armando et de dĂ©fendre la vie du sultan. Les chevaliers ont rapidement le dessus. Le sultan rend leur libertĂ© aux chevaliers et consent au mariage de Palmide et Armando, qui dĂ©cident de partir en France avec les chevaliers.
  • No 17f : ChĹ“ur final « Rapito io sento il cor » (« Je sens mon cĹ“ur exploser ») : Au comble de la joie, Armando dĂ©crit avec exaltation sa vie future avec Palmide et son fils en Provence.

Genèse

Costumes de chevaliers croisés pour la reprise parisienne du Crociato en 1854.

Adolfo Bassi, l’impresario du Teatro grande de Trieste, commande en 1822 un opéra à Meyerbeer qui doit dépasser tout ce qui a été fait jusqu’à présent en Italie. Stimulé par le défi, le compositeur demande à Gaetano Rossi (avec qui il a déjà travaillé à plusieurs reprises) de lui écrire un livret. Ce dernier lui répond, dans une lettre datée du , qu’il est en train de travailler sur un texte intitulé Il Cavaliere di Rodi (et qui deviendra finalement Il crociato in Egitto). Cinq semaines plus tard, Rossi écrit à Meyerbeer de Bologne (où il travaille sur le livret de Semiramide pour Rossini) pour lui demander s’il a bien reçu son premier envoi.

Même si les réponses de Meyerbeer à son librettiste ont été perdues, leur longue correspondance (qui s’étale du au ) relative au Crociato fournit l’une des plus importantes séries de lettres sur la genèse d’un opéra italien au XIXe siècle, avant Verdi. Les préoccupations de Meyerbeer peuvent être facilement identifiées à partir des 75 lettres de Rossi qui ont été préservées et montrent à quel point le compositeur était soucieux de l’efficacité dramatique de son opéra. C’est d’ailleurs lui (et non son librettiste) qui sera à l’origine de deux scènes qui comptent parmi les plus marquantes de l’opéra (le trio du premier acte et la scène de prison du second acte).

Le , Rossi annonce à Meyerbeer de mauvaises nouvelles en provenance de Trieste, la production du nouvel opéra ne pouvant y avoir lieu avant l’automne 1824. Dépité, Meyerbeer décide de proposer Il crociato à La Fenice de Venise, qui accepte de le monter au printemps 1824, à la condition d’offrir un rôle important à la deuxième soprano de la troupe, Brigida Lorenzani. Le compositeur est découragé par cette demande qui implique des révisions importantes, mais Rossi y voit l’opportunité d’approfondir le rôle de Felicia, la fiancée délaissée par Armando. Meyerbeer ne sera réellement convaincu qu’après avoir pris connaissance du texte du trio « Giovinetto cavalier » du premier acte, qu’il a commandé à Rossi en lui fixant des directives très précises.

Création

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 3 de l’Acte II du Crociato lors de la reprise de l’opéra à La Fenice de Venise en 1827.
Décor de Francesco Bagnara pour la scène 3 de l’Acte II du Crociato lors de la reprise de l’opéra à La Fenice de Venise en 1835.

La distribution de la création est exceptionnelle puisque les personnages principaux sont interprétés par trois des plus grands chanteurs de l’époque : le castrat Giovanni Battista Velluti, la soprano Henriette Méric-Lalande et le ténor Gaetano Crivelli. L’opéra est représenté quatre soirées de suite et constitue le plus grand triomphe qu’ait jamais connu Meyerbeer depuis qu’il est établi en Italie.

L’opéra est donné presque immédiatement dans plusieurs autres villes italiennes, où il est accueilli « partout par un public en délire »[1] : Florence (), Trieste (au cours de l’hiver 1824-1825) où Velluti cède son rôle à l’alto Carolina Bassi, Padoue (été 1825), Naples (), Bergame (automne 1832) et Rome (automne 1832).

Une création non autorisée a lieu à Paris le ; deux des plus importantes productions de l’opéra sont celles données au King’s Theatre de Londres le et au Théâtre-Italien de Paris le pour la création française officielle. Pour cette dernière production, le rôle d’Armando est chanté pour la première fois par une soprano, Giuditta Pasta.

L’opéra est donné, toujours en italien, à Munich (), Barcelone (), Dresde (), Porto (été 1827), Lisbonne (), La Havane (1828), Mexico (1837), Corfou (automne 1838) et Constantinople (carnaval 1839).

Des représentations en allemand (livret traduit par Joseph Kupelwieser) ont lieu à Bratislava (), Munich (), Graz (), Budapest (), Prague (), Vienne (), Berlin (), Hambourg () et Bucarest (été 1841). Une version en russe est donnée à Saint-Pétersbourg au printemps 1841.

L’opéra quitte le répertoire vers les années 1860, les dernières productions les plus notables étant celles réalisées à Königsberg ( en allemand), Milan (), Paris () et Graz ().

Il faut attendre le pour que l’opéra soit à nouveau donné, en version de concert, à Londres. D’autres reprises ont lieu à New York (création américaine le ), Montpellier (), Dresde () et Venise ().

La popularité du Crociato au XIXe siècle est reflétée par le nombre d’éditions et d’arrangements qui parurent à l’époque (R.I. Letellier[4] en dénombre plus de 50). Ainsi, de nombreux airs furent adaptés et transformés en musique de danse. L’opéra donna lieu également à un grand nombre d’adaptations pour piano seul, qu’il s’agisse de simples transcriptions ou de fantaisies virtuoses.

  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 1 de l’Acte I du Crociato lors de la première de l’opĂ©ra Ă  La Scala de Milan en 1826.
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 1 de l’Acte I du Crociato lors de la première de l’opéra à La Scala de Milan en 1826.
  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 2 de l’Acte I (Milan, 1826)
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 2 de l’Acte I (Milan, 1826)
  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 3 de l’Acte I (Milan, 1826)
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 3 de l’Acte I (Milan, 1826)
  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 5 de l’Acte I et la scène 1 de l'Acte II (Milan, 1826)
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 5 de l’Acte I et la scène 1 de l'Acte II (Milan, 1826)
  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 3 de l’Acte II (Milan, 1826)
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 3 de l’Acte II (Milan, 1826)
  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 4 de l’Acte II (Milan, 1826)
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 4 de l’Acte II (Milan, 1826)
  • DĂ©cor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 5 de l’Acte II (Milan, 1826)
    Décor d'Alessandro Sanquirico pour la scène 5 de l’Acte II (Milan, 1826)

Interprètes de la création

Henriette Méric-Lalande créatrice du rôle de Palmide dans Il crociato in Egitto
Rôle Tessiture Distribution de la création, 1824[1]
(Chef d’orchestre: Giacomo Meyerbeer)
Palmide soprano Henriette MĂ©ric-Lalande
Armando soprano-castrato Giovanni Battista Velluti
Adriano ténor Gaetano Crivelli
Felicia alto Brigida Lorenzani
Aladino basse Luciano Bianchi
Osmino ténor Giovanni Boccaccio
Alma mezzo-soprano Marietta Bramati

Les différentes versions autorisées par Meyerbeer

Dans les 18 mois qui suivent la création mondiale, quatre versions de l’opéra, préparées par Meyerbeer lui-même, sont déjà disponibles. Deux ans plus tard, il en existe plus d’une douzaine, dans lesquelles près de la moitié des récitatifs ont été coupés et des morceaux provenant d’autres opéras (de Meyerbeer ou d’autres compositeurs) ont été insérés par les chanteurs. Selon R.I. Letellier[4], l’opéra n’a sans douté été donné dans sa version intégrale originale que le soir de la première, des coupures étant faites dès les jours suivants.

Quatre versions autorisées par Meyerbeer sont donc disponibles :

  • celle de la crĂ©ation, Ă  Venise, en , qui est composĂ©e des diffĂ©rents numĂ©ros Ă©numĂ©rĂ©s ci-dessus;
  • celle de Florence (printemps 1824);
  • celle de Trieste (automne 1824), oĂą pour la première fois, le rĂ´le d’Armando est confiĂ© Ă  une mezzo-soprano;
  • celle de Paris (), oĂą Armando est chantĂ©e par une soprano.

La version de Florence (printemps 1824)

  • Les trois airs d’Armando (numĂ©ros 4b, 17b et 17e) sont supprimĂ©s.
  • La cavatine en deux parties de Felicia (numĂ©ros 7b et 7c) est supprimĂ©e. Elle est remplacĂ©e par un air (« Cara mano dell’amore ») et une cabalette (« Regna all’ombra degl’allori ») confiĂ©s Ă  Armando (ces deux morceaux devenant les seuls soli de ce personnage dans cette version). D’après D. White[5], cette modification aurait Ă©tĂ© faite Ă  la demande de Giovanni Battista Velluti, le crĂ©ateur du rĂ´le d’Armando, qui ne souhaitait laisser la gloire d’une telle entrĂ©e en scène qu’à lui seul.
  • Un nouvel air (« D’un genio che c’ispira ») est ajoutĂ© pour le personnage secondaire d’Alma, la confidente de Palmide, au dĂ©but de l’acte II (entre les numĂ©ros 12 a et 12b). La musique est tirĂ©e d’un opĂ©ra prĂ©cĂ©dent de Meyerbeer, Semiramide riconosciuta.
  • Le rondo final d’Armando (numĂ©ro 17e) est remplacĂ© par un nouveau duo entre Palmide et Armando (« Ravvisa quell’alma »), qui conclut dĂ©sormais l’opĂ©ra.

La version de Trieste (automne 1824)

C’est dans cette version que, pour la première fois, le rôle d’Armando est interprété par une mezzo-soprano, Carolina Bassi, qui avait créé le rôle de Semiramide dans la Semiramide riconosciuta de Meyerbeer, quelques années plus tôt. Ce faisant, comme les troupes des maisons d’opéra de l’époque ne disposaient généralement que d’une seule mezzo-soprano susceptible de tenir un premier rôle, le rôle de Felicia, confié également à une mezzo-soprano, se voit réduit à la portion congrue (trio « Giovinetto cavalier » du premier acte et intervention dans les ensembles à plusieurs voix).

Costume d’Armando/Elmireno dans la production parisienne du Crociato en 1825.
  • La cavatine d’Armando au premier acte (numĂ©ro 4b) est supprimĂ©e et l’air et la cabalette ajoutĂ©s dans la version de Florence (« Cara mano dell’amore » et « Regna all’ombra degl’allori ») ne sont pas repris.
  • Tous les airs soli de Felicia (numĂ©ros 7b, 7c, 12b et 12c) sont supprimĂ©s.
  • Les numĂ©ros 7b et 7c sont remplacĂ©s par un nouvel air (« Queste destre l’acciaro di morte ») confiĂ© Ă  Adriano.
  • La scène 2 de l’acte II (numĂ©ros 13b Ă  13d) est largement rĂ©Ă©crite, Palmide se voyant confier un nouvel air (« Perchè mai sedurmi, amore »).
  • « L’Hymne de la mort » (« Suona funerea », numĂ©ro 16b) est raccourci, la musique de l’air d’Adriano (« L’acciar della fede », numĂ©ro 16c) est modifiĂ©e et une nouvelle cabalette (« La gloria celeste »), confiĂ©e Ă  Adriano, vient conclure la scène de la prison.
  • Un nouvel air (« Ah ! come rapido »), dont la musique est empruntĂ©e Ă  l’opĂ©ra prĂ©cĂ©dent de Meyerbeer L'esule di Granata, remplace le numĂ©ro 17b de la version originale.
  • Pour le final de l’acte II, on n’utilise ni la version originale de Venise, ni la version de Florence. Ă€ la place, on reprend, Ă  la demande Carolina Bassi, la musique du final de l’opĂ©ra Semiramide riconosciuta de Meyerbeer.

La version de Paris (septembre 1825)

C’est Ă  l’invitation de Rossini que l’opĂ©ra est reprĂ©sentĂ© Ă  Paris. Cette fois-ci, le rĂ´le d’Armando est confiĂ© Ă  une soprano (la cĂ©lèbre Giuditta Pasta). Armando bĂ©nĂ©ficie alors d’une nouvelle grande scène, situĂ©e entre les numĂ©ros 14 et 15 a, composĂ©e de l’air « Ah ! come rapido » de la version de Trieste et d’une nouvelle cabalette « L’aspetto adorabile ».

Analyse

Décor de Francesco Bagnara pour la scène 4 de l’Acte II du Crociato lors de la reprise de l’opéra à La Fenice de Venise en 1835.

Considéré comme le « meilleur » des opéras italiens de Meyerbeer par H. Rosenthal et John Warrack[6], Il crociato in Egitto est, pour reprendre l’expression de P. Kaminski[1] une « œuvre charnière ». Il alterne :

  • des Ă©lĂ©ments venus des opĂ©ras passĂ©s tels que les rĂ©citatifs secco (qualifiĂ©s « d’interminables » par P. Kaminski[1]) qui renvoient Ă  l’opera seria du XVIIIe siècle. De mĂŞme, le rĂ´le principal est destinĂ© Ă  un castrat, ce qui fait du Crociato l’un des derniers opĂ©ras italiens Ă  faire appel Ă  ce type de voix. Armando est crĂ©Ă© par le « dernier grand castrato de l’histoire[1] », Giovanni Battista Velluti, qui avait dĂ©jĂ  chantĂ© l’unique rĂ´le composĂ© par Rossini pour soprano-castrato (Arsace dans Aureliano in Palmira) et qui mettra fin Ă  sa carrière cinq annĂ©es plus tard Ă  Londres.
  • des formes propres au modèle rossinien. Ainsi, selon P. Kaminski[1] , « l’Hymne de la mort » du second acte est une rĂ©miniscence de la prière de MoĂŻse dans le Mosè in Egitto (1818) de Rossini. En mĂŞme temps, Meyerbeer n’hĂ©site pas Ă  modifier les conventions rossiniennes : ainsi, la romance du « Giovinetto cavalier » du premier acte commence comme une simple sĂ©rĂ©nade interprĂ©tĂ©e par un personnage. Rapidement cependant, un autre chanteur intervient, puis un troisième (ce dernier commençant Ă  chanter depuis les coulisses). Mais c’est surtout l’orchestration de ce morceau qui en fait un moment unique : n’ayant recours qu’à des instruments solistes (violon, clarinette, cor anglais, cor, harpe, violoncelle et contrebasse), ce qui constitue une innovation rĂ©elle dans l’opĂ©ra italien Ă  cette Ă©poque, Meyerbeer confère Ă  ce trio une texture chambriste inĂ©dite, anticipant ainsi les airs accompagnĂ©s de soli instrumentaux de ces opĂ©ras français (notamment Les Huguenots).
  • et des innovations qui prĂ©figurent le futur Grand opĂ©ra Ă  la française dont Meyerbeer sera l’un des maĂ®tres :
    • Par exemple, Ă  la fin de la scène de la prison, « le cadre formel s’élargit et Ă©clate, donnant lieu Ă  un tableau dramatique oĂą les voix solistes alternent avec le chĹ“ur dans une sorte d’apothĂ©ose, d’extase sacrificielle, qui annonce d’ores et dĂ©jĂ  le Meyerbeer parisien[1] ». R.I. Letellier[4] note que l’on peut trouver dans La Juive de Jacques-Fromental HalĂ©vy de nombreuses similitudes, tant textuelles que musicales, avec la scène oĂą Armando avoue ĂŞtre un chrĂ©tien, Ă  la grande fureur d’Aladino, qui se jette sur lui pour l’assassiner. J.W. Klein[7] estime quant Ă  lui que le chĹ“ur des conjurĂ©s « Nel silenzio, fra l’orror » annonce la future « BĂ©nĂ©diction des poignards » des Huguenots.
    • Le finale du premier acte est un vaste tableau (qui nĂ©cessite près de 200 interprètes[4]) oĂą s’opposent chrĂ©tiens et musulmans, chaque groupe ayant une couleur musicale et un orchestre sur scène qui lui sont propres. Meyerbeer fait ici preuve d’une vĂ©ritable recherche en termes de spatialisation, puisque les vents sont divisĂ©s en quatre sections, Ă  l’orchestre et sur scène, avec quatre caisses claires placĂ©es Ă  quatre endroits diffĂ©rents. L’orchestre de vents associĂ©s aux chrĂ©tiens est composĂ© de deux trompettes Ă  clĂ© (ce qui constitue l’une des premières utilisations Ă  l’opĂ©ra de cet instrument qui vient d’être inventĂ©), quatre trompettes naturelles, deux cors et deux trombones, instruments « nobles » et associĂ©s aux orchestres royaux en occident, alors que celui des Égyptiens est constituĂ© d’un quartino, deux hautbois, six clarinettes, deux bassons, deux cors, deux trompettes, un trombone, un serpent, une grosse caisse, une caisse claire et de cymbales, caractĂ©ristiques des « musiques Ă  la turque ».
    • Plus gĂ©nĂ©ralement, Meyerbeer utilise des forces instrumentales bien supĂ©rieures Ă  celles requises dans les opĂ©ras italiens de l’époque : Ă  l’orchestre habituel, il ajoute le piccolo, le cor anglais et le contrebasson ; il double le nombre de bassons et de trompettes et demande Ă  la harpe de jouer un rĂ´le de soliste (notamment dans le trio du premier acte « Giovinetto cavalier » oĂą elle est censĂ©e remplacer le luth comme instrument des troubadours, ou dans « l’Hymne de la mort » lorsque ce dernier Ă©voque le martyre et la gloire cĂ©leste).

Pour P. Kaminski[1], « c’est ce mélange des styles, des genres et des visions philosophiques qui empêche Il crociato de s’imposer au répertoire et, par cela même, de manifester son importance historique ».

Discographie

Vidéographie

Bibliographie

  • (it) « Il crociato in Egitto », La Fenice prima dell’Opera, N° 1, 2007, 155 p.
  • (en) Richard Arsenty et Robert Ignatius Letellier, The Meyerbeer Libretti : Italian Operas 3, Cambridge Scholars Publishing, 2e Ă©dition, 2009, 321 p. (ISBN 978-1-84718-963-9)
  • (fr) Francis Claudon, « Meyerbeer Il crociato : le grand-opĂ©ra avant le grand-opĂ©ra », dans L’opera tra Venezia e Parigi, actes de la convention internationale organisĂ©e par la Fondation Giorgio Cini du 11 au Ă  Venise, Leo S. Olschki, Florence, 1988, p. 119-131 (ISBN 978-88-222-3600-5)
  • (en) Mark Everist, « Meyerbeer’s Il crociato in Egitto : MĂ©lodrame, Opera, Orientalism », Cambridge Opera Journal, Vol. 8, N° 3, 1996, p. 215-250
  • (en) Philip Gossett, « Introduction to Il crociato in Egitto », facsimile de la partition originale Ă©ditĂ© dans Philip Gosset et Charles Rosen eds., Early Romantic Opera, 2 volumes, New York et Londres, Garland, 1979
  • (fr) Piotr Kaminski, Mille et un opĂ©ras, Paris : Fayard, Collection Les Indispensables de la Musique, 2005, (ISBN 2-213-60017-1)
  • (en) John William Klein, « Meyerbeer and Il crociato », Musical Times, N° 113, , p. 39-40
  • (en) Robert Ignatius Letellier, The Operas of Giacomo Meyerbeer, Fairleigh Dickinson University Press, 2006, 363 p. (ISBN 978-0-8386-4093-7)
  • (fr) Jean MongrĂ©dien, « Les dĂ©buts de Meyerbeer Ă  Paris: Il crociato in Egitto au Théâtre Royal Italien », dans Meyerbeer und das europäische Musiktheater, Laaber-Verlag, 1998, p. 64-72 (ISBN 978-3-89007-410-8)
  • (fr) Harold Rosenthal et John Warrack, Guide de l’OpĂ©ra, Ă©dition française rĂ©alisĂ©e par Roland Mancini et Jean-Jacques Rouveroux, Paris : Fayard, Collection Les Indispensables de la Musique, 1995, (ISBN 2-213-59567-4)
  • (de) Armin Schuster, Die italienischen Opern Giacomo Meyerbeers. Band 1: “Il crociato in Egitto”, Paperback Tectum Verlag, 2003, 370 p. (ISBN 978-3-8288-8503-5)
  • (en) Don White, Meyerbeer in Italy, livret de l’enregistrement phonographique de Il crociato in Egitto, Londres: Opera Rara, 1992

Notes et références

  1. Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Fayard, coll. « Les indispensables de la musique », , 1819 p. (ISBN 978-2-213-60017-8), p. 941
  2. (fr) Francis Claudon, « Meyerbeer Il crociato : le grand-opéra avant le grand-opéra », dans L’opera tra Venezia e Parigi, actes de la convention internationale organisée par la Fondation Giorgio Cini du 11 au 13 septembre 1986 à Venise, Leo S. Olschki, Florence, 1988, p. 119-131 (ISBN 978-88-222-3600-5)
  3. (it) « Lo strano connubio d’Armando e Palmide » dans « Il crociato in Egitto », La Fenice prima dell’Opera, N° 1, 2007, p. 63-72
  4. (en) Robert Ignatius Letellier, The Operas of Giacomo Meyerbeer, Fairleigh Dickinson University Press, 2006, 363 p. (ISBN 978-0-8386-4093-7)
  5. (en) Don White, Meyerbeer in Italy, livret de l’enregistrement phonographique de Il crociato in Egitto, Londres: Opera Rara, 1992
  6. (fr) Harold Rosenthal et John Warrack, Guide de l’Opéra, édition française réalisée par Roland Mancini et Jean-Jacques Rouveroux, Paris : Fayard, Collection Les Indispensables de la Musique, 1995, (ISBN 2-213-59567-4)
  7. (en) John William Klein, « Meyerbeer and Il crociato », Musical Times, N° 113, janvier 1972, p. 39-40

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