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Symphonie fantastique

La Symphonie fantastique, op. 14 (titre original : Épisode de la vie d’un artiste, symphonie fantastique en cinq parties), est une œuvre d'Hector Berlioz, dédiée à Nicolas Ier de Russie et créée à Paris le à la salle du Conservatoire, sous la direction de François-Antoine Habeneck, six ans après la neuvième symphonie de Beethoven. Composée de cinq scènes descriptives, cette œuvre, plus proche du poème symphonique que de la symphonie, fait partie d’un genre appelé musique à programme.

Symphonie fantastique
Op. 14
Épisode de la vie d'un artiste
Image illustrative de l’article Symphonie fantastique
Page de garde du manuscrit de la symphonie.

Genre Symphonie
Nb. de mouvements 5
Musique Hector Berlioz
Effectif Orchestre symphonique
Durée approximative Environ 50 minutes
Dates de composition février-avril 1830
DĂ©dicataire Nicolas Ier de Russie
Création
salle du Conservatoire de Paris
Interprètes Chef d'orchestre : François-Antoine Habeneck

L'exécution de l'œuvre dure une cinquantaine de minutes.

Écriture

Circonstances

Hector Berlioz en 1832, Ă  l'Ă©poque de la composition de la symphonie.

En 1827, Berlioz assiste à Paris à une représentation de Hamlet de Shakespeare — bien qu'il ne comprît pas un mot d'anglais — où l'actrice irlandaise Harriet Smithson jouait le rôle d'Ophélie. À la fin du spectacle, il est désespérément épris d'Harriet et erre toute la nuit en proie à une frustration et à un désir qui ne se démentirent pas durant les cinq années suivantes.

Échouant à la séduire par ses lettres, il conçoit le projet de la conquérir par sa musique : la Symphonie fantastique, basée sur un récit autobiographique (ce que Berlioz niera par la suite) et hantée par une mélodie représentant la bien-aimée et décrite comme idée fixe. Berlioz, inspiré, ne met que deux mois à composer la symphonie (février-). Un travail douloureux sortant d’une période de dépression qui avait commencé six mois avant le début de la composition. En 1829 Berlioz se plaint : « Pourriez-vous me dire ce que c’est que cette puissance d’émotion, cette faculté de souffrir qui me tue ? » dans l’une de ses lettres[1].

Harriet Smithson n'assiste pas à la première. Berlioz se persuade que sa passion pour elle est exorcisée, et se fiance avec Marie Moke, une jeune pianiste. Retournant à Paris en 1832 (après la rupture houleuse de ses fiançailles, Marie Moke s'étant finalement décidée à épouser Camille Pleyel, le célèbre facteur de pianos), il organise un concert où l'on joua la Symphonie fantastique suivie de Lélio. Le public comprenait, outre toute une génération de jeunes artistes romantiques, Harriet Smithson et Heinrich Heine.

« Berlioz, à la chevelure ébouriffée, jouait les timbales tout en regardant l'actrice d'un visage obsédé et chaque fois que leurs yeux se rencontraient, il frappait encore d'une plus grande vigueur. »

— Heinrich Heine, Revue et gazette musicale, 4 février 1838[2].

Transportée par le spectacle, elle finit par répondre aux sollicitations renouvelées du compositeur[3]. Mais les parents des deux jeunes gens sont formellement opposés à ce mariage[4]. Cette situation, un rien compliquée, et franchement tumultueuse, dure un an[3]. Berlioz supplie, tente de s'empoisonner devant elle et finalement obtient en , qu'ils se marient à Paris[5].

Si l'histoire s'arrêtait là, il s'agirait peut-être de la plus belle et rocambolesque histoire d'amour romantique du XIXe siècle. Mais Harriet dont la gloire artistique déclinait, jalouse des voyages de son époux[6] (elle qui avait à jamais quitté la Grande-Bretagne), déçue, devient acariâtre et vieillie prématurément à cause d'une santé faiblissante. Le couple ne survit pas très longtemps[7], mais Berlioz continue à la soutenir toute sa vie, en témoigne le chapitre des Mémoires de Berlioz traitant de la fin de la vie d'Harriet (chapitre LIX).

Orchestration

Par son écriture novatrice, le choix des instruments, l'originalité de leurs utilisations, l'invention de leurs combinaisons et l'audace des effets (comme l'ambitus des nuances ou la spatialisation), la Symphonie fantastique, composée six ans seulement après la 9e symphonie de Beethoven, fait du jeune Berlioz (il n'avait que vingt-sept ans) l'un des premiers maîtres de l'orchestration[8] de la musique classique[9].

Instrumentation de la Symphonie fantastique
Cordes
premiers violons, seconds violons, altos,

violoncelles, contrebasses, 4 harpes

Bois
2 flûtes, la deuxième jouant aussi du piccolo,

2 hautbois, le deuxième jouant aussi du cor anglais,

2 clarinettes si ♭ ou la ou do, la première jouant aussi de la petite mi ♭

4 bassons

Cuivres
4 cors, 2 en miâ™­, mi, fa ou siâ™­ grave et 2 en ut ou miâ™­,

2 cornets Ă  pistons, 2 trompettes en ut,

3 trombones, 2 tubas ou 2 ophicléides

Percussions
4 timbales jouées par 4 timbaliers,

grosse caisse, tambour d'orchestre, cymbales,

2 jeux de cloches ou piano (dans l'interprétation de l'ensemble"Anima Eterna" de Bruges à la folle journée de Nantes 2010: l'univers de Chopin)


De cet ensemble orchestral exceptionnel, chacune des cinq scènes possède sa propre instrumentation pittoresque et originale :

  • la première, RĂŞveries — Passions, plus « classique », n'utilise que 2 flĂ»tes (l'une jouant le piccolo) 2 hautbois, 2 clarinettes siâ™­, seulement 2 bassons, 4 cors (2 en miâ™­, 2 en ut), 2 cornets Ă  pistons, 2 trompettes en ut (pas de trombones ni de tubas), 2 timbales et les cordes,
  • la deuxième, Un bal, est composĂ©e d'un orchestre encore plus rĂ©duit : 2 flĂ»tes (l'une jouant le piccolo) 2 hautbois, 2 clarinettes en la, 4 cors (2 en miâ™­), 2 harpes et les cordes, (une partie de cornet Ă  pistons, ajoutĂ©e ultĂ©rieurement, est dĂ©conseillĂ©e par les Ă©diteurs),
  • la troisième, Scène aux champs, s'Ă©largit particulièrement par l'une des premières utilisations du cor anglais en solo, de 4 bassons et 4 timbaliers : 2 flĂ»tes (sans piccolo), 2 hautbois (le premier hautbois joue au dĂ©part en coulisses, le deuxième jouant Ă©galement du cor anglais), 2 clarinettes siâ™­, les 4 bassons, 4 cors (2 en fa, 1 en miâ™­ et 1 en ut), 4 timbales (fa aigu, do, siâ™­ et laâ™­) jouĂ©es par 4 timbaliers et les cordes,
  • la quatrième, Marche au supplice, s'enrichit et utilise : 2 flĂ»tes (l'une jouant le piccolo) 2 hautbois, 2 clarinettes en ut , 4 bassons, 4 cors (2 en siâ™­ grave, 2 en miâ™­), 2 cornets Ă  pistons, 2 trompettes en ut, 3 trombones, 2 tubas, 4 timbales, grosse caisse, tambour d'orchestre, cymbales et les cordes (contrebasses divisĂ©es en 4 parties – ce qui est un cas d'orchestration exceptionnel),

NB: Il est possible pour ce mouvement de doubler le nombre d'instruments Ă  vent (note de Berlioz).

  • la cinquième, Songe d'une Nuit du Sabbat, se renforce de cloches, les parties de cordes se divisant (en 2 ou 3 voix) : 1 piccolo, 1 flĂ»te, 2 hautbois, 1 petite clarinette miâ™­, 1 clarinette siâ™­, 4 bassons, 4 cors (2 en siâ™­ grave, 2 en ut), 2 cornets Ă  pistons, 2 trompettes en miâ™­, 3 trombones, 2 tubas, 4 timbales, grosse caisse, cymbales, 2 jeux de cloches (l'un sur scène, l'autre en coulisses) et les cordes.

Citations

« Immédiatement après cette composition sur Faust, et toujours sous l’influence du poëme de Goethe, j’écrivis ma symphonie fantastique avec beaucoup de peine pour certaines parties, avec une facilité incroyable pour d’autres. Ainsi l’adagio (scène aux champs), qui impressionne toujours si vivement le public et moi-même, me fatigua pendant plus de trois semaines ; je l’abandonnai et le repris deux ou trois fois. La Marche au supplice, au contraire, fut écrite en une nuit. J’ai néanmoins beaucoup retouché ces deux morceaux et tous les autres du même ouvrage pendant plusieurs années. »

— Hector Berlioz, Mémoires, Ch.XXVI

« L’exécution ne fut pas irréprochable sans doute, ce n’était pas avec deux répétitions seulement qu’on pouvait en obtenir une parfaite pour des œuvres aussi compliquées. L’ensemble toutefois fut suffisant pour en laisser apercevoir les traits principaux. Trois morceaux de la symphonie, le Bal, la Marche au supplice et le Sabbat, firent une grande sensation. La Marche au supplice surtout bouleversa la salle. La Scène aux champs ne produisit aucun effet. Elle ressemblait peu, il est vrai, à ce qu’elle est aujourd’hui. Je pris aussitôt la résolution de la récrire, et F. Hiller, qui était alors à Paris, me donna à cet égard d’excellents conseils dont j’ai tâché de profiter. »

— Hector Berlioz, Mémoires, Ch.XXXI

Programme

Voici le programme de cette symphonie tel qu’il apparaissait dans l’édition de 1832 (l’orthographe et la typographie sont celles de l’édition conservée à la BNF).

Le compositeur a eu pour but de développer, dans ce qu’elles ont de musical, différentes situations de la vie d’un artiste. Le plan du drame instrumental, privé du secours de la parole, a besoin d’être exposé d’avance. Le programme suivant doit donc être considéré comme le texte parlé d’un opéra, servant à amener des morceaux de musique, dont il motive le caractère et l’expression. Berlioz stipule bien que l'on peut ne pas tenir compte du programme, la Musique se suffisant à elle-même :

Le programme suivant doit être distribué à l’auditoire toutes les fois que la symphonie fantastique est exécutée dramatiquement et suivie en conséquence du monodrame de Lélio qui termine et complète l’épisode de la vie d’un artiste. En pareil cas, l’orchestre invisible est disposé sur la scène d’un théâtre derrière la toile baissée.

Si on exécute la symphonie isolément dans un concert, cette disposition n’est plus nécessaire : on peut même à la rigueur se dispenser de distribuer le programme, en conservant seulement le titre des cinq morceaux ; la symphonie (l’auteur l’espère) pouvant offrir en soi un intérêt musical indépendant de toute intention dramatique.

Premier mouvement : Rêveries – Passions

L’auteur suppose qu’un jeune musicien, affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions, voit pour la première fois une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait son imagination, et en devient éperdument épris. Par une singulière bizarrerie, l’image chérie ne se présente jamais à l’esprit de l’artiste que liée à une pensée musicale, dans laquelle il trouve un certain caractère passionné, mais noble et timide comme celui qu’il prête à l’être aimé.

Ce reflet mélodique avec son modèle le poursuivent sans cesse comme une double idée fixe. Telle est la raison de l’apparition constante, dans tous les morceaux de la symphonie, de la mélodie qui commence le premier allegro. Le passage de cet état de rêverie mélancolique, interrompue par quelques accès de joie sans sujet, à celui d’une passion délirante, avec ses mouvements de fureur, de jalousie, ses retours de tendresse, ses larmes, etc., est le sujet du premier morceau.

Deuxième partie : Un bal

L’artiste est placé dans les circonstances de la vie les plus diverses, au milieu du tumulte d’une fête, dans la paisible contemplation des beautés de la nature ; mais partout, à la ville, aux champs, l’image chérie vient se présenter à lui et jeter le trouble dans son âme.

Troisième partie : Scène aux champs

Se trouvant un soir à la campagne, il entend au loin deux pâtres qui dialoguent un Ranz des vaches ; ce duo pastoral, le lieu de la scène, le léger bruissement des arbres doucement agités par le vent, quelques motifs d’espérance qu’il a conçus depuis peu, tout concourt à rendre à son cœur un calme inaccoutumé et à donner à ses idées une couleur plus riante. Il réfléchit sur son isolement; il espère n’être bientôt plus seul... Mais si elle le trompait !... Ce mélange d’espoir et de crainte, ces idées de bonheur troublées par quelques noirs pressentiments, forment le sujet de l’adagio. À la fin, l’un des pâtres reprend le Ranz des vaches ; l’autre ne répond plus... Bruit éloigné de tonnerre... Solitude... Silence...

Quatrième partie : Marche au supplice

Ayant acquis la certitude que non seulement celle qu'il adore ne répond pas à son amour, mais qu'elle est incapable de le comprendre, et que, de plus, elle en est indigne, l'artiste s'empoisonne avec de l'opium. La dose du narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un sommeil accompagné des plus horribles visions. Il rêve qu'il a tué celle qu'il aimait, qu'il est condamné, conduit au supplice, et qu'il assiste à sa propre exécution. Le cortège s'avance aux sons d'une marche tantôt sombre et farouche, tantôt brillante et solennelle, dans laquelle un bruit sourd de pas graves succède sans transition aux éclats les plus bruyants. À la fin de la marche, les quatre premières mesures de l'idée fixe réapparaissent comme une dernière pensée d'amour interrompue par le coup fatal. On entend alors quatre notes descendantes représentant la tête du condamné qui roule.

Cinquième partie : Songe d'une nuit du Sabbat

Il se voit au sabbat, au milieu d’une troupe affreuse d’ombres, de sorciers, de monstres de toute espèce, réunis pour ses funérailles. Bruits étranges, gémissements, éclats de rire, cris lointains auxquels d’autres cris semblent répondre. La mélodie aimée reparaît encore, mais elle a perdu son caractère de noblesse et de timidité ; ce n’est plus qu’un air de danse ignoble, trivial et grotesque : c’est elle qui vient au sabbat... Rugissement de joie à son arrivée... Elle se mêle à l’orgie diabolique... Glas funèbre, parodie burlesque du Dies iræ[10], ronde du Sabbat. La ronde du Sabbat et le Dies iræ ensemble.

Analyse musicale

Le traitement expressif de l'orchestre est sans précédent. La musique exprime alternativement la beauté (dans les rêveries et passions évoquées par le premier mouvement), l'élégance (de la scène de bal), le pastoral (dans les champs), les ténèbres (via l'échafaud) et le démoniaque (en évoquant le sabbat) ; Berlioz compte exploiter la variété importante des états amoureux, pour donner l'impression d'un développement chronologique et poétique, à travers lequel l'artiste-amoureux est confronté à la violence des passions.

Berlioz propose également une révolution dans l'art de l'orchestration : les anciens recherchaient une musique claire et distincte et utilisaient pour cela la sonorité native des instruments, mais Berlioz ordonnait à l'orchestre de murmurer, de chanter, de crier et même de hurler. Les cinq mouvements de la symphonie emploient ainsi une grande variété de modes de jeux, combinés avec un instrumentarium particulier (la présence des ophicléides est souvent citée comme originalité de cette pièce) et une écriture à part, comme lorsque les contrebasses se divisent en quatre pour faire, à elles seules, un accord de sol mineur au début du 4e mouvement.


L'œuvre comporte cinq mouvements, et non quatre comme cela était la règle pour les symphonies de cette époque. Chaque mouvement a un titre et décrit un épisode de la vie du protagoniste figurant dans le programme de 1845 rédigé par Berlioz. Le premier et le dernier sont écrits dans la même tonalité de do mineur. Les trois autres sont dans des tonalités différentes.

Premier mouvement

Le premier mouvement (Rêveries, Passions) commence par un largo à 4/4. Nous sommes dans la tonalité d'ut mineur. Brève introduction (mesures 1-2) et exposition (mesures 3-16) aux premiers violons du thème du malaise de l'âme (reprenant l'aria de Florian de la cantate antérieure du compositeur Estelle et Némorin) qui est suivi (mesures 17-27) par un passage plus joyeux (più animato), mais ce passage ralentit bientôt et retourne (mesures 28-43) au tempo initial quand de nouveau le thème du malaise de l'âme revient, enrichi par les sextolets des flûtes et de la clarinette en si bémol et les trémolos des altos et des violoncelles. Transition (mesures 44-48) et exposition (mesures 49-60) des joies sans sujet de l'artiste en crescendo : triolets des vents, mélodie nostalgique des cors, staccati des cordes. Au sommet du crescendo : accord prolongé fortissimo de l'orchestre (mesures 61-62), brève transition (mesure 63) et l'allegro agitato e appassionato assai à 2/2, quatre fois plus rapide que le mouvement précédent (d'après Berlioz) et dans la tonalité d'ut majeur démarre (mesure 64).

Brève introduction (mesures 64-71). Le thème de l'idée fixe (provenant d'une autre cantate antérieure du compositeur, Herminie), qui reviendra dans toute la symphonie, est joué canto espressivo à la flûte et aux violons I (mesures 72-110) : il symbolise la rencontre de l'artiste avec sa bien-aimée. L'orchestre s'anime peu à peu avec des sforzandi brusques qui interprètent la passion volcanique naissante du jeune musicien entrecoupés par le rythme obsédant de l'idée fixe aux vents (a tempo con fuoco mesures 111-197). L'égarement du musicien face à cet amour puissant se ressent ensuite par les montées et descentes successives de la gamme par les cordes en crescendo (mesures 198-222), crescendo orchestral (mesures 223-228), violent accord et tacet de trois mesures. Timidement, la clarinette, la flûte, le basson et plus tard le hautbois rejouent l'idée fixe (mesures 232-272). Des motifs dans tout l'orchestre accompagnent l'idée fixe et on peut deviner le comportement de l'amoureux par ces motifs entraînants : angoisse, jalousie féroce, joie d'aimer (mesures 271-328)... et sa rêverie mélancolique (mesures 329-357) lors d'un pianissimo orchestral où les cordes jouent, accompagnés par des bois hésitants, une mélodie très spleenétique ; ils sont relayés par le hautbois jouant une variante de l'idée fixe mais en plus triste (mesures 358-375). De nouveau, un lent crescendo progressif se fait entendre, de plus en plus animé (mesures 376-409), et voilà que l'orchestre, joyeusement, dans un passage « euphorique » (en fait l'idée fixe résonne fortement à tout l'orchestre), dépeint les espoirs de l'artiste qui veut encore croire à la réciprocité de son amour (mesures 410-450). Ici, pour la première fois de l'histoire de la musique, on entend des instruments divisés, c'est-à-dire que des instruments de même nature jouent une mélodie et un rythme différents : division en 2 des Violons I, division en 2 des Violons II à partir de la mesure 410, les altos font de même à la mesure 429, apparition également du piccolo. Idée fixe aux bois (mesure 451-460), de nouveau les espoirs de l'artiste (mesures 461-491), puis crescendo poco a poco soudain (mesures 491-502) : le hautbois accompagne les violons I et les altos, qui jouent de moins en moins vite et de plus en plus piano. Idée fixe encore, mais jouée solo par les violons I (mesures 503-510) : ainsi elle apparaît beaucoup plus triste et pathétique : elle évoque la désillusion de l'artiste qui s'aperçoit qu'il n'est pas aimé de sa belle. Une coda (mesures 511-525), formée de neuf accords longs, jouée religiosamente décrit les consolations religieuses cherchées par le héros désespéré de son amour déçu. Jouée ppp par tout l'orchestre (« aussi doux que possible » précise Berlioz), ces accords apaisés terminent calmement le premier mouvement.

Deuxième mouvement

Le deuxième mouvement (Un bal) est une valse à 3/8 en la majeur, jouée allegro non troppo. Introduction orchestrale (mesures 1-29) en lent crescendo : trémolos aux violons et altos, violoncelles (aussi en trémolos) et contrebasses jouent un thème de sept notes, suivis par un triolet ascendant en accord parfait répété trois fois et chaque fois une octave plus haut par une des deux harpes. Pendant le crescendo, les cordes et les harpes rejouent le thème un demi-ton plus haut chaque fois. Enfin, accord fortissimo (mesures 30-31) qui peut marquer l'entrée de l'artiste dans la salle de bal au moment où les invités s'apprêtent à danser la valse. Descente de la gamme par les harpes puis de la flûte, du hautbois et de la clarinette en la (mesures 32-35). L'accompagnement de la valse commence avant la valse elle-même : premier temps par les violoncelles et contrebasses, deuxième et troisième temps aux violons II et aux altos (mesures 36-38). Enfin la première partie du thème de la valse (mesures 38-54) commence sur le troisième temps de la mesure 38 aux premiers violons : c'est une mélodie gracieuse, conjointe, jouée piano et dolce e tenero (sur la partition), elle est divisée en quatre petites parties ; il s'agit du plus célèbre passage de cette symphonie. Après avoir un peu ralenti, elle se termine sur le tempo normal. Deuxième partie du thème de la valse aux mesures 54-65 : contrepoint mélodique aux violons II et aux altos, violoncelles et contrebasses battent en pizzicati la mesure. Troisième partie plus énergique de la valse aux cordes (mesures 66-77), quatrième partie du thème de la valse (mesures 78-91) aux violons I et aux violoncelles, relayés par les triolets des harpes et la descente des bois comme dans l'introduction.

Transition (mesures 92-93), et reprise de la première partie du thème de la valse (mesures 94-106) aux premiers violons, accompagnés par les cordes aux premiers temps, les harpes aux deuxièmes, les bois et les cors aux troisièmes. Sans ralentir comme la première fois, la fin est modifiée, et une transition nerveuse nous mène de la mesure 107 à la mesure 120 : les danseurs s'écartent de la piste car une jolie femme pénètre dans la pièce : l'idée fixe apparaît (mesures 120-160), adaptée au rythme de la valse, jouée à la flûte et à la clarinette. Violons et altos s'animent peu à peu et jouent en contrepoint une variante de la valse comme si la jeune femme dansait devant les invités admiratifs et son amoureux bouleversé de cette apparition. En effet, la transition (mesures 161-174) en crescendo peut signifier l'émoi de l'artiste qui au moment de l'accord fortissimo se lève subitement et veut courir vers elle mais à ce moment-là, les danseurs reviennent sur la piste et lui barrent le passage comme l'atteste la réexposition complète de la valse : première partie (sans ralenti) aux seconds violons, altos et une partie des violoncelles divisés, deuxième partie avec les violons et les altos, troisième partie aux bois, quatrième partie aux bois, violons I et violoncelles (mesures 175-227). Courte transition aux bois où la piccolo entre (mesures 228-231). Courte pause. Première partie (avec ralenti) de la valse (mesures 233-256) aux bois accompagnés par tout le reste. La valse devient encore plus agitée (animato) et une « cinquième » partie est jouée aux bois et aux cors en crescendo jusqu'aux cordes répétant la troisième partie de la valse (mesures 256-272). Reprise (mesures 272-287). La valse devient de plus en plus animée tandis que bois et violons I soutenus par le reste jouent la quatrième partie de la valse (mesures 288-295), transition gracieuse et solennelle (mesures 295-301) pendant lesquels les danseurs s'écartent et où le jeune musicien revoit sa bien-aimée : l'idée fixe (mesures 302-319) résonne à la clarinette à un tempo plus lent. Brusquement, la jeune femme s'enfuit sous les yeux de l'artiste tandis que la coda démarre primo tempo con fuoco au moment même où les danseurs reprennent leur valse cette fois complètement modifiée et qui devient de plus en plus vive et ardente, les doubles croches des cordes et des bois montrent l'accélération et la spirale folle de la valse accentuée par le souffle des cors (mesures 320-352). Enfin le stringendo final (mesures 353-361) montre le sommet paroxysmique de la danse enfiévrée mêlée à l'obsession de l'artiste dont l'âme est plus troublée que jamais, et tout s'achève dans la confusion dans les très brèves mais brillantes dernières mesures (mesures 361-368).

Troisième mouvement

Le troisième mouvement (Scène aux champs) est un adagio à 6/8 inspiré de la Symphonie no 6 dite « Pastorale » de Beethoven : comme elle, son action se passe à la campagne et est également en fa majeur.

Le thème principal est une reprise textuelle du Gratias agimus tibi (numéro 3), de la Messe Solennelle, originellement en Mi majeur. Les deux paysans qui chantent sont symbolisés par un cor anglais et un hautbois (ce dernier jouant derrière la scène). Ce chant est un « ranz des vaches », une mélodie suisse pastorale, ils « chantent » tantôt séparément, tantôt ensemble (mesures 1-20), en même temps, les trémolos pp des altos divisés forment une curieuse toile de fond. Une mélodie calme s'élève à la flûte et aux premiers violons lorsque se termine le ranz : l'artiste se laisse bercer par le calme et la douceur de l'endroit, les seconds violons rejoignent peu après ce mouvement calme et les cors, les clarinettes, et les pizz des altos, violoncelles et contrebasses s'ajoutent pour former une tendre mélopée campagnarde (mesures 20-32). Reprise développée (mesures-33-47). En cet instant, les idées du jeune homme semblent être un peu moins noires (les « motifs d'espérance ») si l'on en juge aux mesures 48-52 plutôt riantes mais toujours calmes. Reprise un peu modifiée (mesures 53-58). Un thème un peu agité mais sans exubérance sort des violons et des altos accompagnés par les doux trémolos des bois (mesures 59-64), solo des cordes en doubles croches (mesures 64-66). Transition (mesures 67-68). Les triples puis doubles croches des violons montrent la paisible mais palpable vie de la campagne tandis que les bassons chantent le début de la mélopée campagnarde (mesures 69-77) mais la fin modifiée débouche sur un rapide crescendo molto finissant en une mesure 78 fortissimo.

À ce moment-là, l'artiste commence à s'inquiéter et son angoisse est dépeinte par les doubles croches des altos, violoncelles, contrebasses tandis que les violons jouent des croches inquiétantes et les lentes descentes des bois rendent l'atmosphère hostile (mesures 78-82). Il va se passer quelque chose... le thème de la mesure 59 résonne aux violons I puis à la flûte et à la clarinette, toujours avec les trémolos des basses en crescendo (mesures 83-85) débouchant sur la majestueuse mesure 86. Trémolos très serrés aux violons et altos font ressortir un thème grave aux violoncelles, contrebasses et bassons (mesures 87-89) interrompu par... bien sûr ! l'idée fixe ! Flûte et hautbois la jouent mais entrecoupés avant de s'unir avec le thème grave : la bien-aimée qui vient d'apparaître semble le narguer, son leitmotiv prenant une teinte un peu moqueuse (mesures 90-101). Lorsque la dernière note de l'idée fixe s'éteint, un terrible crescendo angoissant aux cordes et ponctué par la flûte (mesures 102-105) mènent à un accord de +2 de septième diminuée fortissimo (accompagné par les baguettes de bois des timbales (effet terrifiant) qui jusque-là n'avaient joué qu'avec des baguettes d'éponge), suivi immédiatement (mesures 106-108) d'un autre accord de septième diminuée, cette fois-ci à l'état fondamental, exprimant la rage et le désespoir du musicien.

Dans le diminuendo qui suit, martelé avec fureur par l'orchestre (mesures 108-112), sa colère le dévore, puis, exsangue, tombe morendo. Un retour au calme le saisit tandis que la jeune femme disparaît (mélodie tranquille des mesures 113-116). Pizzicati des violons II et altos d'abord seuls (mesures 117-118) accompagnent la clarinette jouant une variante de la mélopée campagnarde (mesures 119-130). Les seconds violons, dialoguant avec les bois rejouent cette variante de plus en plus doucement sous les triples croches des autres cordes (mesures 131-138). Les triples croches des cordes (surtout les premiers violons) sont de plus en plus agitées en vont en un crescendo obsédant (mesures 139-142) marquant la jalousie de l'artiste (« et si elle le trompait ! ») qui explose brièvement (mesure 143) mais le retour au calme (mesures 143-145) aux bois rejette cette crise passagère. Transition calme mais ayant encore les séquelles de la jalousie : les cordes jouant leur partie quelque peu nerveusement (mesures 146-149).

L'artiste est traversé alors par un mélange d'espoir et de crainte : début de la mélopée campagnarde qui navigue dans les différentes cordes en contrepoint avec un mini-thème aux bois (mesures 150-153). Transition instable (mesures 154-159). La mélopée campagnarde passe alors d'un instrument à l'autre tout comme un thème de triolets (mesures 160-163). La mélodie agitée de la mesure 59 revient dans tout l'orchestre (cors exceptés) mais se calme progressivement (mesures 164-169). Thème de triolets à la flûte (mesure 170) puis les pizzicati des violoncelles accompagnent un court thème pastoral qui va morendo (mesures 171-174). Ces 68 dernières mesures décrivent à merveille le lieu et la vie calme de la campagne à tel point que le héros tourmenté se laisse envahir par le paysage. Le ranz des vaches revient alors : le cor anglais chante, trois ou quatre timbales en roulement en rapide crescendo puis decrescendo (le tonnerre approchant) lui répondent. Le paysan chante mais son ami se tait, seuls les éloignés coups de tonnerre lui répondent : ce petit jeu se poursuit tandis que le ranz semble lui aussi se perdre dans le lointain, les roulements s'évanouissent à leur tour (mesures 175-196). Un accord pp de dominante (do) aux cordes et au cor menant à la médiante (la) résonne comme l'ombre d'une menace comme s'il préfigurait ce qui va suivre (mesures 197-198). Mais la tonique (fa) termine tranquillement et calmement le mouvement le plus long de cette symphonie (mesure 198-199). Solitude, silence...

Quatrième mouvement

Le quatrième mouvement (Marche au supplice) est le plus court et le plus terrifiant de cette symphonie. Il est à 2/2, en sol mineur et est joué allegretto non troppo. Il est inspiré de la « marche des gardes » de l'opéra inachevé du compositeur Les Francs-Juges.

Une introduction de 16 mesures ouvre le mouvement : Deux timbales (couvertes par un morceau de chiffon) frappent un rythme sourd et effrayant (croche, sextolet de cinq croches, croche, sextolet de cinq croches/ blanche, demi-pause, etc.), accompagnés par les pizzicati des violoncelles et contrebasses (ces dernières divisées en 4!) et les mugissements graves des cors, auxquels s'ajoutent les bassons (mesure 6), la clarinette en do (mesure 11), les ophicléides (aujourd'hui remplacés par les tubas) et les trombones ténors (mesure 13) : crescendo sinistre (mesures 13-16), les timbales frappent de plus en plus fort et un éclatant accord fortissimo de sol résonne à tous les instruments (mesure 17).

Le thème de la marche descendante « sombre et farouche » est joué aux violoncelles et contrebasses très fortement puis en diminuendo, les trois dernières notes sont soutenues par les bassons (mesures 17-25) : il doit s'agir de la marche sombre de la voiture conduisant le condamné à mort. Reprise mais enrichie par un solo de basson (huées moqueuses lointaines de la foule ?) aux mesures 25-33. Les premières timbales refrappent leur rythme sourd, les deuxièmes battant de temps en temps la mesure tandis que les violons exécutent la marche sombre (mesure 33-41) avec une brutale agression sonore à la mesure 40 aux bois et aux cuivres venant monter la tension en ce dramatique instant. Reprise de la marche sombre toujours aux violons (mesures 41-49) mais la fin est noyée dans les accords secs et puissants des mesures 47-49 des bois. Toutes les cordes (sans le soutien des timbales) jouent alors la marche sombre mais cette fois elle est ascendante et encore plus dramatique car jouée pizzicato pendant que les bassons jouent une mélodie en croches non moins inquiétante (mesures 49-59).

Transition (mesures 60-61) menant après une montée de gamme rapide à la première partie du thème de la marche brillante et solennelle (majesté cérémoniale dans la conduite du condamné et cris de la foule) joué forte par les bois, les cors, les trompettes et les cornets à pistons ; les trombones, ophicléides et timbales jouant un rôle d'accompagnement (mesures 62-69). Cette marche éclatante est vigoureuse, majestueuse et formidable par sa puissante intensité. La brève syncope des cordes mène à la deuxième partie de la marche encore plus puissante et martelée (mesures 70-77). La syncope des cordes mène à une double agression sonore (mesures 78-81). Les pas graves (des chevaux ?) succèdent sans transition à la marche : mini-rythmes saccadés aux timbales, cordes, bois, cuivres, cordes, bois (dans l'ordre) avec au milieu un discret coup de cymbales, de timbales et de grosse caisse le tout piano (mesures 82-86). Transition pizz en crescendo aux cordes et aux timbales (mesures 86-88) et la marche brillante revient enrichie par les triolets grinçants des cordes (mesures 89-104). Double agression (mesures 105-108). Pas sourds graves (mesures 109-112).

Transition modifiée (mesure 113) et une tension en crescendo prend place à l'orchestre : glissandi stressants aux cordes ; sextolets menaçants aux flûtes, hautbois et clarinettes ; bassons, trombones, ophicléides répètent le début du thème de la marche sombre. Le crescendo (mesures 114-122) devient insoutenable et la marche brillante éclate dans tout l'orchestre, tandis que cymbales et grosse caisse frappent tantôt fort tantôt « demi-fort » (note de Berlioz) et les timbales sans chiffons frappent avec les baguettes de bois (mesures 123-129). Un nouveau thème qui pourrait s'apparenter aux cris démesurés de la foule hurle alors aux vents et aux basses (mesures 130-135), les cordes toujours ff le reprennent (mesures 135-138). Agression sonore (mesure 139). Un rythme affolant de croche pointée double aux cordes appuyés par les bois, les cors, et les cornets à pistons imagent l'approche du lieu d'exécution et de la foule en folie (mesures 140-144). Reprise enrichie avec les trombones et les timbales (mesures 144-148). Mesures 148-151: les cordes emballées continuent leur ostinato rythmique, soutenues seulement par les bois (c'est encore plus glaçant). Descente en piqué de la gamme (mesures 152-153). Dialogue violent bien qu'en diminuendo des vents et des cordes (mesures 154-159) : nous sommes arrivés à l'échafaud ! Acclamation du public par un soudain fortissimo (mesure 160), sinistre descente aux bois et cordes et transition (mesures 161-164)...

Et là, le silence se fait, car pendant que le tranchant de la guillotine tombe, la foule est muette. Et on entend pp à la clarinette les cinq premières mesures dolce assai e appassionato de... l'idée fixe ! La dernière pensée du condamné va en effet à celle qu'il a tant aimée et qu'il a tuée (mesures 164-168) et cette ultime pensée d'amour est interrompue de façon barbare par le coup fatal (mesure 169) : un accord sec de sol. Trois pizzicati complètent la mesure signifiant la tête du condamné qui tombe et roule, et la coda est lancée : roulement des trois timbales (la troisième n'entrant que maintenant) et du tambour, fortissimo général à l'orchestre : les bois s'époumonent et les cuivres se déchaînent soutenus par les percussions et les attaques des cordes dans les dernières mesures, exprimant ainsi le tumulte et la joie déclamatoire de la foule ravie jusqu'au sonore accord de tonique concluant ce mouvement explosif (mesures 170-178).

Cinquième mouvement

Le cinquième mouvement (Songe d'une Nuit du Sabbat) est le plus démoniaque de la symphonie. Il commence larghetto, en do majeur et à 4/4. Une sinistre introduction pp de 20 mesures l'ouvre : des bruits lointains surhumains sont caractérisés par les premiers violons (divisés en 3), les seconds violons (divisés en 3) et les altos (divisés en 2) qui exécutent des trémolos suraigus tandis que des sextolets (sur cinq notes) prolongés par une noire accentuée par les timbales résonnent aux violoncelles et contrebasses (mesures 1-2). Les bois (sans les flûtes) jouent un accord poco f inquiétant qui diminue aussitôt cependant que les violons et les altos tressaillent (toujours pianissimo) sur des triples croches avant de descendre la gamme en demi-tons (absolument terrifiant) aux mesures 3-4. Pizzicato des cordes aiguës et sextolets sombres des cordes graves (mesure 5). Clarinette en ut, bassons et quelques cuivres, martèlent fortement mais sans éclat huit doubles croches séparées par des quarts de soupir (mesure 6). Les bruits cessent mais un éclat de rire sardonique mf retentit à la piccolo, à la flûte et au hautbois (mesures 7-9), un ricanement frissonnant lui répond au cor ppp (mesures 9-10). Transition (mesure 11) et reprise de l'introduction d'abord un demi-ton plus haut puis plus bas ensuite, amputée du martèlement des cuivres, les rires ne changent pas toutefois (mesures 12-20).

Le cor ricaneur nous mène sans transition à un allegro à 6/8. L'artiste défunt qui a entendu les bruits de l'introduction s'est levé de sa tombe et se demande sûrement ce qui se passe lorsqu'une mélodie terriblement familière retentit à la clarinette en ut : l'idée fixe encore !! mais son caractère noble, passionné et timide est remplacé par un caractère grotesque et ignoble accompagné en crescendo en rythme par les timbales et la grosse caisse (avec un petit glissando aux cordes à la mesure 25) : le musicien comprend que son aimée va le rejoindre et assister au sabbat (mesures 21-28).

Soudain, tout se déchaîne dans un assourdissant tintamarre allegro assai à 2/2 : tous les instruments hurlent une monstrueuse cacophonie : des monstres, des sorcières, des vampires (qui faisaient les bruits de tout à l'heure)... apparaissent et déclament des cris de joie obscène de voir la bien-aimée de l'artiste stupéfié se joindre à eux (mesures 29-39).

Tout se calme et l'allegro à 6/8, en do mineur cette fois revient, le sabbat des sorcières peut commencer et la jeune morte donne le la (mesures 40-64) : l'idée fixe déformée résonne à la petite clarinette en mi bémol bientôt rejointe par la piccolo (mesure 46) tandis que hautbois et clarinette en do l'accompagnent en rythme. Peu à peu, les bassons (mesure 47) poussent des doubles croches, altos et violoncelles font un vertigineux accompagnement (mesure 52), les seconds violons accompagnent le hautbois et la clarinette en do (mesure 58) tout comme les cors (mesure 60). Et les premiers violons en même temps que tous les bois jouent la fin de la mélodie de l'idée fixe (mesure 60). Ces 25 mesures sont particulièrement effrayantes.

À la fin, les monstres du sabbat, stimulés, commencent une danse burlesque et horrifiante : flûtes et cordes tourbillonnent frénétiquement tandis que les cors et le reste des bois frappent des noires pointées ff (mesures 65-69). Explosion orchestrale avec le soutien des cuivres (mesures 69-71) et martèlement effréné de croches descendantes et ascendantes (mesures 72-75), triolets enlevés (mesures 76-77), descente en accents des cordes rejoints dans une mesure à 2/2 (la 81) par tout le monde (sauf timbales) aux mesures 78-81. Le 6/8 revient pour une transition (mesures 82-85) puis bassons, violoncelles et contrebasses descendent en diminuendo plus lentement une gamme ressemblant à celle des mesures 78-81 : tout le monde s'arrête de danser, on va arriver à un moment clé du sabbat (mesures 86-101). Soudain, un glas funèbre (deux cloches de bronze en do, sol derrière la scène) sonne f solennellement et avec une lenteur terrifiante les notes « do-do-sol » (mesures 102-109). Sur le sol : motif aux altos coupé brusquement par les trombones, timbales et cordes (mesures 106-109). Le glas résonne f (mesures 110-118), reprise écourtée avec les altos et hautbois avec double coupure (mesures 115-118). Descente glaçante des cordes (mesures 119-121). Le glas résonne pp (mesures 121-128).

Senza stringendo, une parodie burlesque, grave, et d'épouvante du Dies iræ liturgique (mesures 127-221) est rugi par les monstres et commence à la mesure 127 : bassons et ophicléides appuient sauvagement des blanches pointées (mesures 127-147), le glas a sonné f (ce sera toujours sa nuance maintenant) aux mesures 134-141. Il résonne mesures 146-153 tandis que cors et trombones refont le Dies iræ en diminution rythmique (mesures 147-157), le glas sonne (mesures 157-164) en même temps une mélodie en croche-noire légère, désinvolte et grotesque s'entend aux bois (sauf bassons) et aux violons et altos (mesures 157-161), glissando (mesure 162) et le Dies iræ un peu modifié reprend aux bassons et ophicléides, tandis que les pizzicati pesants des cordes basses tombent à contretemps (mesures 163-176), Le glas sonne (mesures 165-172). Reprise en diminution rythmique mais en plus grinçant du Dies iræ aux autres cuivres (mesures 176-182), le glas sonne (mesures 178-185). Mélodie désinvolte et grotesque (mesures 182-185), glissando (mesure 186). Reprise du Dies iræ à l'état initial, mais c'est la grosse caisse qui frappe à contretemps, les cordes graves jouant sforzando à partir du deuxième temps (mesures 187-206), le glas sonne (mesures 194-201). Reprise initiale en diminution rythmique du Dies iræ, mais à tous les cuivres (sauf ophicléides) aux mesures 206-216, le glas sonne (mesures 206-213). Mélodie désinvolte (mesures 216-221) et le glas sonne pour la dernière fois (mesures 216-223), nous ne l'entendrons plus.

Transition animando un poco (mesures 222-240), les monstres et sorcières après cette prière satanique peuvent se préparer à leur ronde vivace. Deux timbaliers jouent des roulements de grosse caisse en crescendo durant toute cette transition, alors que cordes lancées dialoguent avec cuivres coupants (mesures 222-232), lorsque les timbales entrent en jeu. Le rythme devient de plus en plus fou et animé (mesures 233-237). Éclats des cuivres (mesure 238). Accord tenu de dominante (sol) fortissimo (mesures 239-240) qui se résout en un bref et violent accord de tonique (do) à la mesure 241, inaugurant la fantastique ronde du sabbat.

Poco meno mosso (on revient au tempo de la mesure 40, écrit Berlioz), la première partie de la ronde en do majeur (qui est en fait un rondo, la première partie étant un refrain) commence avec entrain aux violoncelles et contrebasses (l'accompagnement de la ronde aux autres instruments en contrepoint sera toujours complexe et énergique) ; quatre coups de cuivres suivent (mesures 241-248), la ronde passe aux altos et violons II ; quatre coups de cuivres (mesures 248-255), la ronde passe aux violons I et aux bassons ; quatre coups de cuivres (mesures 255-262), encore plus entraînante, elle passe à tous les bois, aux cors et aux altos ; quatre coups de cuivres (mesures 262-269). Deuxième partie (ou premier couplet) de la ronde se caractérisant par des troublantes croches descendantes aux bassons, violoncelles et contrebasses (mesures 269-270), bois (sauf flûtes), violons II et altos (mesures 271-272). Reprise (mesures 273-276). Croches ascendantes aux cordes en crescendo (mesures 277-278) menant à une transition répétée 3 fois, chaque fois un demi-ton plus haut, alternant f et p (mesures 279-283). Croches ascendantes aux cordes à l'octave supérieure (mesures 284-285). Quatre accords sont martelés par tout le monde (mesures 285-287). Transition (mesures 287-288). Reprise développée du refrain du rondo à la flûte, hautbois, clarinette en do, bassons, rejoints par les cordes (sauf les violons) à la mesure 290 ; quatre coups de cuivres (mesures 288-298), la ronde passe aux premiers violons avec un orchestre plus survolté que jamais (mesures 298-303) mais est amputée par une transition en gamme ascendante aux bois et cordes (mesures 303-305) débouchant sur la troisième partie (ou deuxième couplet) de la ronde : motif lapidaire de trois croches prolongées par une longue (référence au premier mouvement de la symphonie no 5 de Beethoven ?) aux cuivres et bassons, ensuite glissandi des altos et violoncelles avec decrescendo des timbales et grosse caisse puis tressaillements de doubles montantes et de croches descendantes tour à tour aux violons d'une part et à la flûte et au hautbois d'autre part. On répète le tout trois fois avec la dernière fois la grosse caisse à contretemps (mesures 306-327). Cette partie de danse est véritablement diabolique. Après ces éclats, on enchaîne avec une transition (mesures 327-330) en diminuendo aux violons et altos. De plus en plus pianissimo, bassons, violoncelles et contrebasses tentent de répéter le refrain mais sont à chaque fois interrompus par deux cors nasillards lointains (mesures 331-347) : les monstres et la bien-aimée devant l'artiste figé d'horreur semblent faire comme une pause (pour se préparer au fantastique finale ?). Les huit premières notes du Dies iræ sont jouées par les cors et les violoncelles : l'intrusion du Dies iræ dans la danse annonce l'union finale des deux éléments. Les altos ppp tentent de « redémarrer » par deux fois mais sont coupés par les cors et les contrebasses (mesures 348-362) et presque tout s'éteint, on entend plus que le roulement inaudible (qui va aller crescendo) de la grosse caisse (mesure 363) mais aussitôt les violoncelles reprennent le refrain (mesures 364-386) d'abord faiblement mais de plus en plus sûrement tandis que les altos les rejoignent (mesure 368), puis les violons II (mesure 373), puis les violons I (mesure 379) ; quatre coups de… bois et cors ! Puis une variante mf de plus en plus enflammée du refrain commence à saisir les bois (mesures 386-394) et le summum est atteint par une fureur tellurique lorsqu'une succession fracassante de noires est écrasée par l'orchestre hurlant (mesures 395-402), les croches des bois et cors relayés par des glissandi de cordes ne se calment pas (mesures 403-408) puis, en refrain, toutes les cordes entament le bacchanal (mesures 408-413) qui mène à l'inévitable conjonction de la ronde du sabbat avec le Dies iræ ! Sans doute, l'artiste, le corps et les sens chaloupés, se mêle à ce stupre surnaturel ! Magistralement, avec brio, les cordes continuent le refrain et le Dies iræ est clamé aux bois (sauf flûtes) et cuivres (mesures 414-422). Déchaînés, libérés, violons, altos et flûtes créent un tourbillon infernal qui encadre le Dies iræ (mesures 422-435). Suffocante transition aux cordes qui ensuite glissent des triolets (mesures 436-443), et font un ostinato rythmique joué col legno (c'est-à-dire avec le bois de l'archet) ! Berlioz réveille les squelettes gisants dans les ténèbres dansant avec les sorcières et autres bêtes des enfers. Un son acide et criard s'en dégage pendant que bois et violoncelles rejouent le refrain mais enrichi en trilles (mesures 444-459). Alors leggeramente une succession de croches dégagées, légères se jouent aux bois (mesures 460-466) comme un dernier répit. Formidable transition où les trilles des bois répondent aux frappes de cuivres (mesures 467-473). Trémolos des cordes en crescendo menant sur un accord étincelant de dominante (sol) (mesures 473-478). Glissandi des bois (mesure 479) et la coda (mesures 480-524) infernale démarre à plein régime : coups de vents à contretemps tout comme les gliss spectraux des cordes jusqu'à l'accord de médiante (mi) (mesures 480-484). Trémolos pressés accompagnent le délirant et saisissant Dies iræ aux bassons et ophicléides accompagnés en diminution rythmique aux cors et trombones jusqu'au double accord spectaculaire de dominante (mesures 485-495), et la débauche dantesque atteint son climax : un démentiel tumulte orchestral (animando) où la danse est noyée dans un titanesque océan de son, un agressif accord cassant de mi bémol retentit (mesures 496-509), quatre noires sont foudroyées (mesures 510-511) et une orgiaque fanfare orchestrale répétée quatre fois se déploie à toute volée à tous les pupitres (mesures 512-519). A tutta forza, on assiste à un vacarme inouï, qui nous fouette de plein fouet avec la virulence d'un ouragan en furie (mesures 520-523) lorsque l'apocalyptique accord final (tenuto) de do majeur ponctué par un extraordinaire coup de cymbale (mesure 524) sonne enfin la fin de ce fougueux et magnifique sabbat.

L'artiste se réveille. Tandis que le soleil se lève, la vision s'achève…

Autour de l'Ĺ“uvre

Discographie sélective

Notes et références

  1. Barraud 1979, p. 34–36.
  2. Heinrich Heine, « Lettres confidentielles II », Revue et gazette musicale de Paris, Paris, vol. 5, no 5,‎ , p. 42 (lire en ligne).
  3. Cairns 2002, p. 8.
  4. Cairns 2002, p. 9.
  5. Cairns 2002, p. 18.
  6. Cairns 2002, p. 337.
  7. Cairns 2002, p. 27.
  8. Lire son Grand traité d'instrumentation et d'orchestration moderne toujours d'actualité.
  9. Avec Maurice Ravel et Rimsky-Korsakov.
  10. Séquence (ou Prose) liturgique qui était à cette époque chantée dans les offices pour les défunts, de l’Église catholique.

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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