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Infox

Les infox, fausses nouvelles, fausses informations, informations fallacieuses, canards, en anglais : fake news ([feÉȘk nuːz][2]), sont des nouvelles mensongĂšres[n 1] diffusĂ©es dans le but de manipuler ou de tromper le public.

Manifestation aux États-Unis en 2017 contre la prolifĂ©ration des infox[1].

Les articles contenant de fausses nouvelles emploient souvent des titres accrocheurs ou des informations entiÚrement fabriquées en vue d'augmenter le nombre de lecteurs et de partages en ligne. Elles peuvent émaner de blogueurs ou de réseaux sociaux, de médias, de personnalités politiques[3] ou d'un gouvernement.

Les diverses façons de les combattre posent la question de donner la responsabilitĂ© Ă  l’État de distinguer « le vrai du faux »[4]. Quand les rĂ©dacteurs ne sont pas identifiables, les procĂ©dures judiciaires pour diffamation ou calomnie sont difficiles[5] - [6] - [7] - [8]. La vĂ©rification des faits par des professionnels respectant une mission et des rĂšgles de journalisme d'investigation[9] ambitionne de rĂ©duire la quantitĂ© des mensonges diffusĂ©s, au moment oĂč les rĂ©seaux sociaux sont accusĂ©s d'ouvrir une nouvelle Ăšre de l'information, parfois baptisĂ©e « Ăšre post-vĂ©ritĂ© ».

Les infox revendiquées par des instances officielles, comme les autorités ukrainiennes en , posent la question de la crédibilité de l'information[10] - [11] et des médias qui la diffusent.

Terminologie

L'expression fake news a fleuri dans les mĂ©dias francophones Ă  l'occasion de la campagne pour l'Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2016, lors de laquelle Donald Trump l'a employĂ©e quarante fois en l'espace de vingt semaines[12]. Elle est composĂ©e de l'adjectif fake ([feÉȘk][13] , litt. « faux », « falsifiĂ© », « truquĂ© »[14]), et du substantif indĂ©nombrable singulier news (en anglais amĂ©ricain : [ˈnuz][2] , en anglais britannique [ˈnjuːz][15] , litt. « nouvelles », « informations », « actualitĂ©s »[16]). Le terme est dĂ©conseillĂ© par l'Office quĂ©bĂ©cois de la langue française qui lui prĂ©fĂšre « fausse nouvelle » ou « information fallacieuse » et par l'AcadĂ©mie française qui lui prĂ©fĂšre « contre-vĂ©ritĂ© » ou « ragot »[17]. Ange Bizet, membre de l'association DĂ©fense de la langue française (DLF), propose le terme « fallace » , terme directement comprĂ©hensible dans la famille de « faux » avec une nuance supplĂ©mentaire, comme « fallacieux », « falsifier », « falsification », « falsificateur ». La forme mĂȘme offre l’avantage, avec la finale en -ace, de sonner comme le suffixe pĂ©joratif -asse, ce qui convient pour dĂ©signer et dĂ©noncer ce qui est trompeur et frauduleux. « Fallace » entre dans la sĂ©rie des mots, Ă  connotation nĂ©gative, avec lesquels il rime, « limace », « grimace », « populace », « menace », « coriace », « tenace », « rapace », « salace », etc.[18].

En France, l'expression « nouvelles fausses » est employĂ©e dans la loi du qui punit « la publication ou la reproduction faite de mauvaise foi de nouvelles fausses de nature Ă  troubler la paix publique »[19]. Le terme « infox », mot-valise composĂ© de « information » et de « intoxication », a Ă©tĂ© proposĂ© par la Commission d’enrichissement de la langue française, institution chargĂ©e d’acter l’évolution de la langue auprĂšs de l’administration[20].

Stricto sensu, l'expression anglaise ne dĂ©signe pas un article faux au sens d'inexact, mais plutĂŽt un faux article, un article qui se fait passer pour un article de presse sans en ĂȘtre un[21]. Selon un article de William Audureau paru dans Le Monde, la false news doit ĂȘtre distinguĂ©e de la fake news : la premiĂšre est une information incorrecte, erronĂ©e au sens de mĂ©sinformation ou de contre-vĂ©ritĂ©, tandis que la seconde est une information Ă  dessein frauduleuse, truquĂ©e, dans le sens de dĂ©sinformation ou de canular. L'antonyme de false est true, « vrai », tandis que l'antonyme de fake serait plutĂŽt genuine, « vĂ©ritable ». Il y a donc une notion de tromperie dĂ©libĂ©rĂ©e qui se rapproche d'« information fallacieuse » en mĂȘme temps que de traduire une visĂ©e sensationnaliste dans un niveau de langage familier quoique journalistique[22]. Selon la traductrice BĂ©rengĂšre Viennot, il n'est parfois pas choquant de laisser le terme anglais d'origine si l'on ne trouve pas de correspondance exacte dans sa langue dans le mĂȘme niveau de langage car la traduction « consiste Ă  traduire une culture plus que des mots »[23]. À l'inverse, William Audureau dĂ©nonce un mot utilisĂ© Ă  tort et Ă  travers qui contribue lui-mĂȘme Ă  la duperie et au flou sĂ©mantique, puisqu'il dĂ©signe en mĂȘme temps un pastiche humoristique, un appeau Ă  clics, une publication engagĂ©e politiquement et mĂȘme par abus de langage un article de presse factuellement erronĂ©[21].

Dans le langage de la presse Ă©crite, le terme « canard » a le sens de « fausse nouvelle souvent imaginĂ©e de toutes piĂšces et enflĂ©e jusqu'au mĂ©lodrame dans des journaux de seconde catĂ©gorie », outre les sens de « mauvais journal » et « par extension, journal quelconque »[24]. Il est employĂ© Ă©galement dans le parler de la Bourse dans le sens de « fausse nouvelle »[25]. Le Dictionnaire Quillet de la langue française (Raoul Mortier dir., Librairie Aristide Quillet, Paris, 1946, p. 259) cite le sens de « Fausse nouvelle » outre celui de « petit journal sans importance et sans dignitĂ© ». Le mot a mĂȘme passĂ© la Manche puisqu'on le retrouve en anglais (sans changement d'orthographe) dans le sens de « False report, hoax » (faux rapport, canular), outre les autres acceptions de « Broadsheet » (« feuille imprimĂ©e (relatant ou satirisant un fait du jour( ») et de « Newspaper of low repute, rag » (journal de bas Ă©tage, feuille de chou), dans le Harrap's Standard French and English Dictionary with Supplement (J.E. Mansion ed., George G. Harrap & Company Ltd, 1962). R.W. Burchfield, dans The New Fowler's Modern English Usage (Third Edition, Clarendon Press, Oxford, 1996) donne Ă  l'anglais canard le sens de « unfounded rumour or story » (rumeur ou rĂ©cit sans fondement).

Histoire

Les fausses informations et autres mensonges ont toujours existé. Cependant, la notion de « fausse nouvelle », c'est-à-dire une information délibérément faussée et destinée à se répandre au sein du public dans un but mercantile, politique ou idéologique, est liée à l'émergence des médias, puis à leur massification.

XIXe siĂšcle

L'un des plus cĂ©lĂšbres cas anciens d'auteur de fausses nouvelles est celui du Français LĂ©o Taxil (1854-1907), qui fit fortune Ă  la fin du XIXe siĂšcle dans la presse Ă  gros tirage en inventant toutes sortes de terribles secrets cachĂ©s aux bons citoyens par diverses organisations malĂ©fiques. Ses cibles furent, tour Ă  tour (et suivant son intĂ©rĂȘt personnel, changeant), l’Église, les anticlĂ©ricaux (Ă  la suite d'une conversion opportuniste), les francs-maçons (avant d'en devenir finalement un lui-mĂȘme, puis d'ĂȘtre exclu), et ainsi de suite[26]. Il ne participa jamais Ă  la mise au jour de rĂ©elles conspirations (alors qu'il vĂ©cut Ă  l'Ă©poque de l'affaire Dreyfus), et est considĂ©rĂ© comme l'un des principaux inspirateurs de l'industrie des fausses nouvelles, qui se sont rĂ©pandues dans son sillage dans de nombreux mĂ©dias français et Ă©trangers[26].

Année 2016

Les dĂ©bats sur les fausses nouvelles ont pris de l'ampleur en 2016, en Grande-Bretagne, avec la victoire des partisans du Brexit lors du rĂ©fĂ©rendum sur l'appartenance du Royaume-Uni Ă  l'Union europĂ©enne, puis aux États-Unis, avec l'Ă©lection de Donald Trump. Des commentateurs[27] ont aussi soulignĂ© que de plus en plus de citoyens s'informent par les rĂ©seaux sociaux comme Twitter ou Facebook[28], oĂč les Ă©metteurs ne sont pas soumis Ă  la dĂ©ontologie journalistique.

Année 2020

Dans les années 2020, les désinformations trompeuses de masse sont toujours présentes, notamment en déformant les proportions des graphiques dans certaines représentations de sondages ou changements dans les coûts de certains aspects de la vie. Les changements d'échelle dans les graphiques sont souvent utilisés pour déformer la réalité[29].

Origine

Journalistes propageant des fausses nouvelles. Dessin du caricaturiste américain Frederick Burr Opper, 1894

Vers la fin du XXe siĂšcle, certaines revues telles qu'Infos du monde prĂ©sentaient des fausses nouvelles avec un troisiĂšme degrĂ© d'humour trĂšs dĂ©calĂ©. Avec l'avĂšnement d'Internet, les fausses informations du XXIe siĂšcle, bien que relativement discrĂštes dans les grands mĂ©dias attachĂ©s Ă  leur rĂ©putation, abondent sur les rĂ©seaux sociaux, les forums, les sites spĂ©cialisĂ©s et les sites de partage vidĂ©os tels que YouTube et toutes les autres plateformes oĂč n'existent pas de rĂšgles de sourçage de l'information et de responsabilitĂ© Ă©ditoriale. La propagation de ces fausses informations est parfois motivĂ©e simplement par le plaisir mais, plus souvent, par un motif plus profond, qui peut notamment ĂȘtre de nature politique, Ă©conomique, idĂ©ologique ou religieux.

On distingue souvent les motivations idĂ©ologiques et mercantiles[30], mĂȘme si elles ne sont pas mutuellement exclusives.

Selon Jayson Harsin, le terme fake news aurait Ă©tĂ© utilisĂ© pour la premiĂšre fois en 1999, lors de l’émission de tĂ©lĂ©vision satirique amĂ©ricaine The Daily Show, prĂ©sentĂ©e Ă  ce moment-lĂ  par Jon Stewart. Elle Ă©tait basĂ©e sur des informations truquĂ©es et imitait les vrais programmes qui relaient des informations considĂ©rĂ©es comme fiables et crĂ©dibles. L'Ă©mission imitait le style et l'organisation de ces derniĂšres (journalistes envoyĂ©s sur le terrain, invitĂ©s commentateurs, Flash info
), sans ĂȘtre complĂštement basĂ©e sur le faux. Elle consistait en l’analyse humoristique, ironique et orientĂ©e Ă  gauche de l’actualitĂ© diffusĂ©e par les mĂ©dias dits traditionnels, et ceci par le biais de l’humour et de la parodie. Les journalistes-auteurs du Daily Show venaient du journal satirique The Onion qui, pour les lecteurs, paraĂźt ambigu, en particulier Ă  cause de l’aspect de ses articles : « les lecteurs, qui ont du mal Ă  faire la diffĂ©rence entre ses articles Ă  l’aspect « officiel », passe-partout, et ceux du journalisme traditionnel lĂ©gitime ». Harsin explique qu’avant 1999, il n’y avait aucune Ă©tude scientifique sur l’origine de la fake news au sens d’information parodique et que le terme ne semble pas avoir Ă©tĂ© utilisĂ© avant cette date. Selon lui, les chercheurs qui ont utilisĂ© ce terme dans des articles entre 1990 et 1999 l’emploient dans le sens de canular, comme quelque chose qui n’a pas eu lieu mais qui, pourtant, est prĂ©sentĂ© comme un fait avĂ©rĂ© et qui a trompĂ© la presse et les mĂ©dias traditionnels, mais Ă©galement l’audience. Ou alors comme un gag des mĂ©dias pour se moquer ou distraire les auditeurs[31].

Groupes extrémistes, terroristes et radicaux

Selon un rapport d'Europol de 2012, l’utilisation d’Internet par les mouvements terroristes et extrĂ©mistes violents, dĂ©jĂ  importante, est en voie d'intensification.

ExtrĂȘme droite, Russie et conservateurs

Selon France Info, les sites d'information russes RT (anciennement Russia Today) et Sputnik diffuseraient des informations fallacieuses Ă  la gloire de la Russie et des partis d'extrĂȘme droite europĂ©ens[32], en « amplifiant ce qui illustre aux yeux de Moscou un malaise français : la crise identitaire, les rĂ©fugiĂ©s, l'immigration ou encore la fracture sociale »[33], ou en dĂ©fendant le rĂ©gime syrien de Bachar el-Assad[34].

Selon Roland Gauron, journaliste au Figaro, la fachosphĂšre française diffuse des informations fallacieuses, par exemple lorsqu'elle a rebaptisĂ© Alain JuppĂ© en « Ali JuppĂ© »[30]. En France, il existe plusieurs groupes Facebook trĂšs populaires diffusant massivement des infox d'extrĂȘme droite, comme « La gauche m'a tuer », gĂ©rĂ© par Mike Borowski, lobbyiste et ancien candidat sous Ă©tiquette UMP[35].

La chaine Arte, dans un « dĂ©sintox », analyse l'utilisation d'infox par l'extrĂȘme droite amĂ©ricaine et montre, par exemple, la transformation, par l'Alt-right, de la vidĂ©o d'un dĂ©filĂ© religieux chiite faussement prĂ©sentĂ© comme une manifestation de rĂ©fugiĂ©s rĂ©clamant la charia en Angleterre. En France, Marine Le Pen, en plein dĂ©bat prĂ©sidentiel, fait part d'une rumeur sur un prĂ©tendu compte dĂ©tenu par Emmanuel Macron au paradis fiscal des Bahamas. Apparue sur le forum anonyme anglophone 4chan, cette rumeur est « relayĂ©e par des comptes amĂ©ricains pro-Trump, [
] importĂ©e en France par des comptes proches de la propagande russe » et devient quasi « officielle » lorsque la candidate l'Ă©voque en direct sur le plateau. Les faux documents sont publiĂ©s peu avant sur des forums de discussion privĂ©s « oĂč les cybermilitants de Marine Le Pen coordonnent leurs attaques numĂ©riques et partagent leurs "fausses informations" ». Militants qui, d'ailleurs, « Ă©mettent eux-mĂȘmes des doutes sur la fiabilitĂ© du document »[36].

Selon le quotidien LibĂ©ration, Boulevard Voltaire, comme d'autres sites moins Ă©minents de la fachosphĂšre, s'est livrĂ© plusieurs fois Ă  la dĂ©sinformation par infox, relayant par exemple une infox concernant une fausse nouvelle taxe sur les familles ou une citation inventĂ©e de Bernard Cazeneuve sur les racines chrĂ©tiennes de la France, et de nombreuses dĂ©sinformations de droite et d'extrĂȘme droite, comme l'affirmation que le « laxisme de Christiane Taubira » aurait « facilitĂ© la fuite » de 236 dĂ©tenus (alors que la loi en question, sur les permissions, est antĂ©rieure au mandat de la ministre). LibĂ©ration s'amuse, par ailleurs, que le site Boulevard Voltaire reconnaisse lui-mĂȘme en 2017 que sa « famille de pensĂ©e » est « le groupe social qui diffuse le plus de fausses nouvelles ». Un des collaborateurs du site, Robin de La Roche, va jusqu'Ă  dĂ©clarer qu'il n’y a que dans les rĂ©seaux « de droite » que l’on trouve « un tel salmigondis d’idioties, de rumeurs infondĂ©es, de mĂ©langes honteux, bref, de fausses informations ». Il cite « une rumeur complĂštement idiote sur l’« oreillette » qu’aurait portĂ©e [Emmanuel Macron] lors du dĂ©bat prĂ©sidentiel. Ridicule bĂȘtise fondĂ©e sur une photo du cartilage de son oreille »[37].

Aux États-Unis, l'Ă©lection de Donald Trump s'est accompagnĂ©e de campagnes de dĂ©sinformation massive soigneusement orchestrĂ©es par des « trolls » — la « Trump's Troll Army »[38]. Parmi les exemples cĂ©lĂšbres, Alex Jones et son site InfoWars, qui a participĂ© Ă  la thĂ©orie du complot du « Pizzagate » contre Hillary Clinton[39], ou le Breitbart News de Steve Bannon qui a diffusĂ© des fausses informations sur des Ă©meutes de rĂ©fugiĂ©s[30].

Lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle brĂ©silienne de 2018, des sites internet liĂ©s au candidat d’extrĂȘme droite Jair Bolsonaro propagent de nombreuses fausses nouvelles sur le web, ciblant en particulier Fernando Haddad et le Parti des travailleurs[40] - [41] - [42]. Jair Bolsonaro lui-mĂȘme en propage certaines, dĂ©nonçant par exemple « l'endoctrinement des enfants Ă  l'homosexualitĂ© orchestrĂ© par le Parti des travailleurs ». À la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne, il brandit la version portugaise de l'album Le Guide du zizi sexuel (Zep, 2001) en affirmant qu'il fait partie d'un « kit gay » diffusĂ© dans les Ă©coles brĂ©siliennes pour promouvoir l'homosexualitĂ© et constituerait « une porte ouverte vers la pĂ©dophilie ». Le manuel, destinĂ© Ă  expliquer la sexualitĂ© aux prĂ©-adolescents, n'a en rĂ©alitĂ© jamais Ă©tĂ© distribuĂ© aux Ă©coles[43].

Gouvernements ennemis

Les rivalités entre pays passent aussi par la diabolisation de l'ennemi, et donc bien souvent par la désinformation à son égard.

Par exemple, d'aprĂšs les spĂ©cialistes de la CorĂ©e du Nord Juliette Morillot et Dorian Malovic, « la CorĂ©e du Nord est l'un des rares pays pour lesquels faire fi de toute dĂ©ontologie, affabuler ou ne pas vĂ©rifier ses sources est couramment acceptĂ©, mĂȘme dans les grands titres de presse » : une ex-petite amie de Kim Jong-un exĂ©cutĂ©e avec onze musiciens pour avoir fait circuler des vidĂ©os pornographiques (ou sinon une bible) ; l'oncle de Kim Jong-un dĂ©vorĂ© par 120 chiens affamĂ©s ; la tante du leader nord-corĂ©en empoisonnĂ©e sur ordre de ce dernier; le ministre nord-corĂ©en de la DĂ©fense « explosĂ© » au missile anti-aĂ©rien pour s’ĂȘtre assoupi lors d'un dĂ©filĂ© ; l'architecte du nouvel aĂ©roport de Pyongyang exĂ©cutĂ© pour avoir déçu Kim-Jong un ; l’entraĂźneur de l'Ă©quipe de football nord-corĂ©enne condamnĂ© aux travaux forcĂ©s pour les mauvais rĂ©sultats de son Ă©quipe ; Kim Jong-un souffrant de « problĂšmes incontrĂŽlĂ©s » d'alimentation et d'alcoolisme, etc. Ces fausses informations proviennent souvent des services secrets sud-corĂ©ens Ă  des fins de propagande, ou sont inventĂ©es par des rĂ©fugiĂ©s qui reçoivent une rĂ©munĂ©ration pour cela[44].

Chine

En 2022, selon Mandiant, un cabinet de conseil en cybersĂ©curitĂ© amĂ©ricain, un groupe gouvernemental pro-chinois s'est fait passer pour des militants Ă©cologistes sur des plateformes de mĂ©dias sociaux dans le but de saper les producteurs de terres rares aux États-Unis et au Canada. Le groupe Ă  l'origine des attaques, connu sous le nom de Dragonbridge, aurait utilisĂ© de faux comptes Facebook et Twitter pour affirmer qu'une raffinerie de terres rares financĂ©e par le gouvernement amĂ©ricain au Texas en cours de construction par le groupe australien Lynas Rare Earths « exposerait la rĂ©gion Ă  des dommages environnementaux irrĂ©versibles » et Ă  une « contamination radioactive »[45] - [46]. Mandiant dĂ©crit Dragonbridge comme un « rĂ©seau pro-RĂ©publique populaire de Chine (RPC) ». Selon Albert Zhang, un expert en cyberpolitique, ces opĂ©rations d'information font « partie d'un effort coordonnĂ© plus large visant Ă  saper les tentatives dĂ©mocratiques de rĂ©duire la dĂ©pendance aux exportations chinoises de terres rares. » Dragonbridge a attirĂ© l'attention de Mandiant pour la premiĂšre fois en 2019 avec des campagnes sur les rĂ©seaux sociaux sur Facebook, Twitter et YouTube contre les manifestations antigouvernementales Ă  Hong Kong. Le groupe s'est depuis diversifiĂ© dans divers domaines, notamment la pandĂ©mie de Covid-19 et la politique amĂ©ricaine. Dragonbridge utiliserait ainsi des faux comptes de mĂ©dias sociaux et de forums, y compris certains se faisant passer pour des rĂ©sidents du Texas pour feindre de s'inquiĂ©ter des problĂšmes environnementaux et de santĂ© entourant l'usine[45].

États-Unis

L'administration de George W. Bush a propagé à l'échelle planétaire une infox[47] en présentant le devant le Conseil de sécurité des Nations unies un dossier mensonger sur un programme de fabrication d'armes de destruction massive en Irak pour justifier l'invasion de ce pays.

Donald Trump, Ă©lu prĂ©sident des États-Unis en 2016, qui Ă©tait un grand utilisateur du rĂ©seau Twitter, est trĂšs souvent considĂ©rĂ© comme le premier dirigeant d'un grand pays industrialisĂ© Ă  avoir propagĂ© massivement des informations fallacieuses sur les rĂ©seaux sociaux, notamment en 2014[48] concernant les vaccins (qui — selon lui — sont la cause de l'augmentation dramatique du nombre de cas d'autisme[49]) et en 2012[50] sur le rĂ©chauffement climatique (qui, toujours selon lui, serait « une invention des Chinois »[51]), obligeant parfois ses propres services Ă  publier des dĂ©mentis[49]. Selon un dĂ©compte rĂ©alisĂ© en par The Washington Post, Trump prononce en moyenne 7,5 infox par jour, soit 4 229 depuis le dĂ©but de son mandat[52]. À l'inverse, il accuse rĂ©guliĂšrement les mĂ©dias de rĂ©pandre des infox ; en , depuis son compte Twitter, il dĂ©cerne les « Fake news awards » aux journalistes qu’il juge malhonnĂȘtes[52].

Selon la journaliste anglaise Katharine Vinner (en), la raison premiĂšre du dĂ©veloppement des infox gouvernementales (ou Ă©mises par des personnalitĂ©s politiques) tient au fait que les rĂ©seaux sociaux, en termes d'audience, tendent Ă  supplanter la presse professionnelle comme source d'information[53]. Or, Ă  la diffĂ©rence des journalistes professionnels, les utilisateurs des rĂ©seaux sociaux peuvent rĂ©pandre des informations sans ĂȘtre soumis Ă  la moindre dĂ©ontologie, en particulier sans devoir se soumettre Ă  la rĂšgle de la vĂ©rification des faits (lire plus bas). Jusqu'alors, la frontiĂšre entre « les mĂ©dias » et « les masses » Ă©tait relativement nette. Mais avec le dĂ©veloppement des blogues et des rĂ©seaux sociaux, un nombre croissant d'individus se retrouvent en situation de producteurs de mĂ©dias sans avoir Ă  se soumettre aux rĂšgles Ă©thiques rĂ©gissant les milieux professionnels. De lĂ , estime la journaliste, la montĂ©e en puissance des rumeurs, de la thĂ©orie du complot et, plus gĂ©nĂ©ralement, de ce qu'elle appelle l'Ăšre post-vĂ©ritĂ©.

AprĂšs la dĂ©faite de Trump Ă  l'Élection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2020, ce dernier conteste trĂšs rĂ©guliĂšrement les rĂ©sultats du scrutin sur et en-dehors des rĂ©seaux sociaux, ce qui va amener Twitter Ă  accompagner ses tweets de message d'avertissement sur leur vĂ©racitĂ©; une premiĂšre pour un prĂ©sident amĂ©ricain. Dans les jours qui suivent l'Assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, qui entraĂźne 5 morts, plusieurs dizaines de blessĂ©s, et dont des enquĂȘtes du FBI prouvent que certains Ă©meutiers avaient prĂ©vu d'enlever ou d'assassiner des Ă©lus dĂ©mocrates et rĂ©publicains non-trumpistes, les comptes Twitter, Instagram, Facebook et YouTube de Donald Trump et de plusieurs de ses proches sont suspendus, et le compte Twitter prĂ©sidentiel modĂ©rĂ©. Twitter supprime Ă©galement 70 000 comptes liĂ©s Ă  la mouvance complotiste trumpiste QAnon. À la suite de ces mesures, entre le 9 et le , une baisse de 73 % des fake news sur l'Ă©lection amĂ©ricaine circulant sur Twitter est relevĂ©e[54].

France

Dans une moindre mesure, les fausses informations d'origine gouvernementale (ou proches du gouvernement) se rĂ©pandent en France. En 2018 et 2019, dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, certaines sont diffusĂ©es non seulement par des participants de ce mouvement[55], mais aussi par des membres du gouvernement français, des dĂ©putĂ©s et des militants LREM[56]. C'est le cas de Gabriel Attal, Émilie Chalas, Aurore BergĂ©, Coralie Dubost et notamment NaĂŻma Moutchou, rapporteur de la loi contre la manipulation de l’information[56] - [57] - [58]. C'est Ă©galement le cas de Christophe Castaner, ministre de l'intĂ©rieur ; le , il affirme que « des gens ont attaquĂ© un hĂŽpital » et que les « forces de l’ordre sont immĂ©diatement intervenues pour sauver le service de rĂ©animation »[59]. Cette information est aussitĂŽt relayĂ©e sur de nombreuses chaĂźnes d'information en continu (notamment par le ministre de la SantĂ©, le prĂ©sident de l’Assistance publique-HĂŽpitaux de Paris et diffĂ©rentes personnalitĂ©s politiques) mais elle se rĂ©vĂ©lera infondĂ©e le lendemain[60], ce qui provoquera une polĂ©mique. Toutefois, le ministre reconnaĂźt le qu'il a Ă©tĂ© maladroit dans les termes : « si des mots choquent, si des mots peuvent apparaĂźtre contredits par des faits Ă©tablis contrairement Ă  ce qui m'a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© [
] Ă©videmment qu'il est normal de les faire Ă©voluer »[61].

Motifs mercantiles

Une grande partie des nouvelles mensongÚres ont un but mercantile : attirer des consommateurs vers une arnaque ou un marché parallÚle, contrÎlé par les auteurs de la rumeur.

Un des thĂšmes les plus touchĂ©s par la propagation de mensonges est celui de la santĂ© et du bien-ĂȘtre, secteurs extrĂȘmement lucratifs et dans lesquels il est facile d'embrigader des naĂŻfs pour leur proposer toutes sortes de recettes miracle. Ainsi, des vidĂ©astes web comme le « chaman » Christian Tal Schaller multiplient les vidĂ©os virales oĂč il relaie toutes sortes de fausses informations sur la vaccination ou des maladies graves (cancer, sida), pour ensuite vendre ses livres et traitements « miracle » faits maison - pour lesquels il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© plusieurs fois condamnĂ©[62].

Une enquĂȘte des « dĂ©codeurs » du journal Le Monde a identifiĂ© fin 2018 un informaticien français du nom de Johann Fakra comme la tĂȘte d'un rĂ©seau d'une trentaine de sites « piĂšge Ă  clics » de dĂ©sinformation comprenant des sites et comptes Facebook de fausses informations Ă  tendance sensationnaliste (Paye ton smile, Tranche de rire...), des sites complotistes (Cadoitsesavoir.fr, Onsaitcequonveutquonsache.com - supprimĂ© en 2018 Ă  la suite d'enquĂȘtes -, La vĂ©ritĂ© sur notre monde, RĂ©veillez-vous, Libre info, Esprits libres...) ou encore des sites de fausses informations de santĂ© (Alter santĂ©, Le Mag SantĂ©, A ta bonne santĂ©, Osons rĂȘver d'un monde meilleur...)[63].

Sur Amazon, de nombreux livres diffusant de fausses informations sur la vaccination ou l'oncologie, par exemple, figurent parmi les meilleures ventes ou en tĂȘte des recommandations. DĂ©but 2019, l'Organisation mondiale de la SantĂ© et le Centers for Disease Control and Prevention dĂ©noncent l'impact de la dĂ©sinformation anti-vaccin sur la santĂ© publique[64].

PĂ©riode de l'invasion de l'Irak

L'« une des plus grandes dĂ©faillances de l'histoire des mĂ©dias amĂ©ricains »[65] - [66] a eu lieu entre les attentats du 11 septembre 2001 et l'invasion de l'Irak fin 2003[67], cette pĂ©riode donnant aux infox une ampleur nouvelle, selon l'Ă©crivain et Ă©diteur australien Jeff Sparrow. Cette pĂ©riode a connu plus d'un million de morts, des dĂ©placements massifs de rĂ©fugiĂ©s dans le monde, l'apparition de l'État islamique et a coĂ»tĂ© plus de mille milliards de dollars.

Selon Sparrow, « la plupart des gens ont depuis reconnu le cynisme et la malhonnĂȘtetĂ© sans pareils par lesquels l'opĂ©ration Iraqi Freedom a ainsi Ă©tĂ© imposĂ©e Ă  la nation amĂ©ricaine »[67]. Selon Kamiya, « toutes les branches des mĂ©dias ont Ă©chouĂ© » et « les mensonges [
] de l'administration Bush, Blair et des autres pays impliquĂ©s n'ont pas Ă©tĂ© contestĂ©s, voire ont Ă©tĂ© activement promus »[67], et la rĂ©vĂ©lation des mensonges d’État orchestrĂ©s par l'administration Bush a entraĂźnĂ© un mouvement de dĂ©fiance du public Ă  l'Ă©gard des mĂ©dias grand public, et donc le succĂšs de certains mĂ©dias dits alternatifs. Selon Jeff Sparrow, contrairement Ă  ce qui est souvent supposĂ©, les lecteurs ne confondent pas les fausses nouvelles avec les nouvelles « grand-public ». Selon lui, une partie de l'audience de sites conspirationnistes, comme Infowars.com, ne les consulte pas par accident mais prĂ©cisĂ©ment parce que ce sont des mĂ©dias non officiels[67].

ThĂšse d'Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut dénonce les infox colportées par des organes de lutte contre la désinformation. Il cite en particulier les Décodeurs du journal Le Monde. « La désintox devient le ministÚre de la vérité orwellien qu'elle prétend combattre »[68].

ThĂšse de Marcel Gauchet

Selon Marcel Gauchet, l'Ăšre de post-vĂ©ritĂ© est une consĂ©quence du politiquement correct. À ses yeux, il faudrait concevoir les infox comme une rĂ©action aux « euphĂ©mismes lĂ©nifiants et aux interdits sournois dictĂ©s par le moralisme officiel ». Les contrevĂ©ritĂ©s seraient une rĂ©action Ă  la censure insidieuse des aspects de la rĂ©alitĂ© sur lesquelles la biensĂ©ance a commandĂ© de jeter le voile[69].

Affaiblissement du discours des experts

L'affaiblissement du discours des experts laisse le champ-libre aux infox. La dĂ©fiance gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  l'Ă©gard des experts trouve son origine dans l'utilisation de ces mĂȘmes experts pour produire des infox comme l’utilisation du discours scientifique par l'industrie du tabac ou des pesticides pour nier les dangers de leurs produits[68].

L'utilisation des expertises Ă©conomiques pour servir de garants Ă  des discours politiques participe Ă©galement Ă  la fragilisation des experts[68].

Propagation

Les infox ont toujours existĂ©[70]. Cependant, leur diffusion, et, par consĂ©quent, leur influence, est aujourd'hui plus importante[71] grĂące Ă  leur viralitĂ© et le mode de fonctionnement de certains des moyens de communication modernes[72]. Bien que les mĂ©dias d'actualitĂ© classiques restent prĂ©dominants sur les autres mĂ©dias, les mĂ©dias dĂ©veloppĂ©s sur internet occupent aujourd'hui une place dans le rapport Ă  l'actualitĂ© du public[73]. Parmi ces mĂ©dias, on retrouve des versions numĂ©riques de la presse Ă©crite, des sites spĂ©cialement dĂ©diĂ©s Ă  l’actualitĂ©, ou encore les rĂ©seaux sociaux[74]. Ces derniers n'ont pas Ă©tĂ© initialement conçus dans l'objectif de devenir un mĂ©dia d'actualitĂ©. Cependant, l'Ă©volution de la consommation du public en termes d'actualitĂ©, ainsi que la facilitĂ© de partage de l'information, ont fait des rĂ©seaux sociaux une importante source d'information pour le public[74]. Les rĂ©seaux sociaux se caractĂ©risent par la vitesse de circulation des contenus ainsi que la non-vĂ©rification des informations par les rĂ©seaux. Ces spĂ©cificitĂ©s font des rĂ©seaux sociaux un mĂ©dia oĂč il est relativement simple de partager des infox[75].

Pourquoi les infox se propagent

Une premiÚre raison à la diffusion des infox est la surabondance d'information. Les propos mensongers auxquels les individus sont soumis se perdent dans le flux d'informations[76]. Les infox, bien qu'elles aient été identifiées comme fausses, deviennent donc banales et, plutÎt que de susciter la polémique, elles tendent à accroßtre la méfiance envers les instances et les experts[76]. Or, la diffusion des infox croßt particuliÚrement lorsque la confiance vis-à-vis des élites dirigeantes diminue. En effet, la méfiance entraßne une altération des repÚres qui permettent à l'individu de juger de la véracité des faits. Il s'ensuit un climat de doute qui pousse certaines personnes enclines à la naïveté ou au complotisme à diffuser des contenus pourtant démentis par les experts[76].

Le public est également responsable de la propagation des infox. En effet, en raison de facteurs tels que la naïveté ou la paresse cognitive, le public partage des informations non vérifiées[76]. Ces informations sont la plupart du temps partagées dans un objectif positif : le partage d'informations jugées importantes par l'individu aux personnes de son entourage. Cependant, ce type de motivation induit la diffusion d'informations inexactes[76].

La diffusion des infox influence Ă©galement la propension du public Ă  les croire. La rĂ©pĂ©tition de l'information dans le temps, ainsi que la variĂ©tĂ© des sources (officielles ou non) relayant l'information, provoquent un effet boule de neige. En effet, plus l'information est relayĂ©e, plus le public estime que celle-ci doit ĂȘtre vraie. Ce concept renvoie au mĂ©canisme de vĂ©ritĂ© illusoire abordĂ© dans la partie « vulnĂ©rabilitĂ© face aux infox ». La diffusion massive des infox influence donc de maniĂšre nĂ©gative la capacitĂ© du public Ă  identifier une information comme Ă©tant fausse[76].

Comment les infox se propagent

Propagation d’une nouvelle.

L'objectif des concepteurs d'infox est d'atteindre la viralitĂ© de maniĂšre qu'un maximum d'individus et de plateformes, y compris des plateformes d'actualitĂ© reconnues, partagent le contenu[77]. Ainsi, la maniĂšre dont les infox se propagent peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e sous la forme d'un entonnoir[77]. La plupart du temps, les infox commencent sur des sites web anonymes. Leur visibilitĂ© est donc limitĂ©e. Elles se dĂ©veloppent ensuite dans des groupes mi-clos oĂč elles sont partagĂ©es. Par la suite, on retrouve ces infox sur des sites de complotistes, oĂč la visibilitĂ© des infox continue de croĂźtre avant de les voir se dĂ©velopper sur les mĂ©dias sociaux et, finalement, sur les mĂ©dias professionnels, oĂč leur visibilitĂ© est maximale[77]. Au fur et Ă  mesure de leur Ă©volution, les infox sont donc de plus en plus visibles et consultĂ©es. Les infox sont diffusĂ©es sur une plus longue durĂ©e que les nouvelles dites scientifiques. En effet, les nouvelles scientifiques sont rapidement diffusĂ©es aprĂšs leur publication, mais leur partage diminue rapidement dans le temps, contrairement aux infox, qui sont moins rapidement diffusĂ©es aprĂšs leur publication, mais qui sont de plus en plus partagĂ©es au fil du temps[78].

Les infox cherchent à ressembler aux vrais média afin de s'arroger leur crédibilité auprÚs du public[79] et d'amener le public à les partager. Les fake news peuvent ainsi se diffuser rapidement[79].

Le manque d'Ă©ducation aux mĂ©dias joue un rĂŽle dans la propagation des fake news. En effet, les personnes ne disposant pas d'une bonne comprĂ©hension du fonctionnement des mĂ©dias sociaux auraient tendance Ă  se montrer plus crĂ©dules face aux fausses informations car elles partent du principe que ces informations sont authentiques et vĂ©rifiĂ©es[79]. Cela pourrait expliquer le fait que les plus de 65 ans, issus d'une gĂ©nĂ©ration moins en contact avec les mĂ©dias sociaux, ont tendance Ă  partager plus de fake news sur ces rĂ©seaux que les autres tranches d'Ăąges.

L'avĂšnement des rĂ©seaux sociaux a permis une plus forte et plus rapide propagation d'informations telles que des reportages, des Ă©tudes
 Les rĂ©seaux sociaux permettent une information rapide et en continu, ce qui rĂ©duit l'influence de la presse traditionnelle. Parmi ces informations disponibles, selon une Ă©tude du MIT publiĂ©e dans la revue Science, une fake news a 70 % de chance supplĂ©mentaire par rapport Ă  une information rĂ©elle d'ĂȘtre retweetĂ©e. Mais les nouvelles technologies ne permettent non seulement de favoriser les fake news, mais aussi de les stopper. Il est possible de repĂ©rer les fake news Ă  l'aide de bases de donnĂ©es de graphes et d'analyses. Le Consortium international des journalistes d'investigation (I.C.I.J) utilise la technologie des bases de donnĂ©es de graphes pour repĂ©rer les fake news et la dĂ©sinformation Ă  grande Ă©chelle. De maniĂšre similaire, la chaĂźne amĂ©ricaine NBC News est parvenue, grĂące Ă  des compilations de donnĂ©es, Ă  mettre Ă  jour la relation entre 2 752 faux comptes Twitter pilotĂ©s par des utilisateurs membres d'une organisation de trolls russe, Research Agency. Cette enquĂȘte de NBC News a permis l'amĂ©lioration du systĂšme de dĂ©fense de plusieurs entreprises et d'importants organismes. Cette stratĂ©gie, qui consiste Ă  se faire passer pour des citoyens moyens et Ă  reprendre des idĂ©es populaires par l'intermĂ©diaire de plateformes d'Ă©change pour gagner rapidement des followers et du pouvoir de diffusion, est de plus en plus rĂ©pandue. Ces influenceurs incitent aussi leurs followers Ă  rĂ©pandre leurs idĂ©ologies de façon Ă  rĂ©pandre l'information de maniĂšre pyramidale[80].

Les rĂ©seaux sociaux comme Facebook ou Twitter jouent Ă©galement un rĂŽle important dans la propagation des fake news[76]. En effet, l'utilisation de ceux-ci comme source d'information est de plus en plus courante et la facilitĂ© du partage d'information, ainsi que l'utilisation d'algorithmes de ciblage visant Ă  ajuster les contenus prĂ©sentĂ©s en fonction de la personne, font des rĂ©seaux sociaux un terrain trĂšs propice Ă  la diffusion des fake news[76]. Ces algorithmes de ciblage proposent Ă©galement des contenus en fonction des intĂ©rĂȘts des utilisateurs[76]. Effectivement, ils vont entraĂźner la venue de cookies informatiques, qui sont les fichiers prĂ©sents pour enregistrer des informations concernant chaque utilisateur. Ainsi, elles sont analysĂ©es afin que le navigateur propose des publicitĂ©s correspondantes au profil de chacun. Cela a entraĂźnĂ© le phĂ©nomĂšne de « personalized search »[81], qui a Ă©tĂ© mis en place pour rĂ©pondre aux attentes des internautes. En effet, le moteur de recherche va prendre en compte la localisation, l'historique, et donc les intĂ©rĂȘts de l'utilisateur. GrĂące Ă  cela, il va pouvoir augmenter la pertinence des recherches en fonction de l'utilisateur. Des utilisateurs partageant des intĂ©rĂȘts communs se retrouvent donc dans les mĂȘmes groupes, ce qui crĂ©e un phĂ©nomĂšne de chambre d'Ă©cho et favorise le partage d'informations dans ces groupes[82]. Ce phĂ©nomĂšne de chambres d'Ă©cho est Ă©galement appelĂ© « bulles de filtres » par E. Pariser[83]. Ces chambres d'Ă©chos sont particuliĂšrement prĂ©sentes sur les rĂ©seaux sociaux, mais Ă©galement dans la vie rĂ©elle car l’humain a tendance Ă  s’associer Ă  des personnes partageant le mĂȘme avis, la mĂȘme opinion. Ces phĂ©nomĂšnes enferment ainsi les utilisateurs en les confrontant Ă  des idĂ©es auxquelles ils adhĂšrent dĂ©jĂ , car l'ĂȘtre humain n'aime pas la dissonance cognitive qui le ferait le remettre en question. Ainsi, l'algorithme propose constamment des informations auxquelles l’utilisateur est sensibilisĂ©. Par consĂ©quent, si ce dernier consulte rĂ©guliĂšrement, consciemment ou non, des fake news, l'algorithme lui en proposera d'autres.

Les rĂ©seaux sociaux forment une structure sociale ayant un fort impact sur nos choix et nos comportements, puisqu’ils sont les principaux diffuseurs des fake news[84].

Les journalistes interviennent eux aussi dans la propagation des fake news[76]. Le rÎle premier d'un journaliste est de transmettre des informations dont la véracité est établie de la maniÚre la plus objective possible. Or, la société d'aujourd'hui, ainsi que la concurrence entre les médias et la course aux scoops, poussent les journalistes à communiquer le plus rapidement possible sur les événements afin d'augmenter l'audience et les vues sur internet, maximisant de ce fait les profits. Les journalistes font donc un choix entre la rapidité d'information et la certitude de la vérité des faits[76].

On peut Ă©galement parler du phĂ©nomĂšne de « piĂšge Ă  clics », ou clickbating[85]. Ce phĂ©nomĂšne est un nĂ©ologisme dĂ©signant un contenu web qui vise Ă  attirer le maximum de passages d’internautes sur un site afin de gĂ©nĂ©rer des revenus publicitaires en ligne ; plus une nouvelle paraĂźtra extraordinaire et nouvelle (car fausse), et plus les chances que l'internaute clique dessus seront Ă©levĂ©es, ce qui pousse ces opĂ©rateurs publicitaires Ă  favoriser les infox. Ces piĂšges Ă  clics peuvent ĂȘtre utilisĂ©s Ă©galement par de faux sites Internet qui n’ont rien Ă  voir avec des sites d’informations officiels, mais qui se font passer pour tels. À travers ces piĂšges Ă  clics, les auteurs d'infox vont donc chercher Ă  toucher l’émotivitĂ© des lecteurs en dĂ©clenchant divers sentiments tels que la colĂšre, l’indignation ou encore d’autres Ă©motions fortes. Ces piĂšges Ă  clics ont deux enjeux majeurs : tout d'abord gagner de l’argent, et secondairement propager des infox de propagande pour des raisons politiques.

Les infox peuvent se propager en dehors d’internet, se rapprochant ainsi de la notion de rumeur. Selon le principe de dĂ©pendance informationnelle, au sein d’un groupe de pairs, les arguments de la majoritĂ© semblent plus crĂ©dibles[86]. Une fake news largement propagĂ©e et Ă  laquelle les individus adhĂšrent sera donc elle aussi plus crĂ©dible. De plus, la pensĂ©e de groupe tolĂšre assez mal l’indĂ©pendance de point de vue et les opposants sont rappelĂ©s Ă  l’ordre afin de conserver un consensus[87]. On observe alors une propagation des fake news au sein des groupes de pairs Ă©galement en dehors des communautĂ©s virtuelles.

Avec des moyens et de l'organisation, il n'est pas difficile de produire une Ă©norme masse de contenu viral. Ainsi, pendant la pandĂ©mie de Covid-19, aux États-Unis, seules douze personnes Ă©taient responsables de 73 % de fake news antivax[88].

RÎle des médias et journalistes

La rĂ©alisatrice Elizabeth DrĂ©villon, prĂ©sidente de la Guilde des auteurs rĂ©alisateurs de documentaires[89], et le journaliste d'investigation Jean-Baptiste Rivoire, ex-rĂ©dacteur en chef adjoint du magazine SpĂ©cial investigation de Canal+, fondateur du mĂ©dia Off-investigation auditionnĂ©s en fĂ©vrier 2022 par la commission d'enquĂȘte sur la concentration dans les mĂ©dias crĂ©Ă©e au SĂ©nat[89], ont estimĂ© que la pression des chaĂźnes sur les auteurs-rĂ©alisateurs de documentaires aboutissait Ă  une « autocensure »[89], avec pour consĂ©quence un « prĂ©judice au dĂ©bat dĂ©mocratique »[89]. L'impression donnĂ©e que les journaux dĂ©veloppent les mĂȘmes sujets, avec les mĂȘmes idĂ©es suscite une perte de crĂ©dibilitĂ©, en particulier dans domaine politique et Ă©conomique : compte tenu du manque de contenus d’investigation tĂ©lĂ©visĂ©, les citoyens « vont chercher ailleurs l’information, ce qui ouvre la porte aux fake news et au complotisme »[89].

Pour Ricardo Gandour, directeur du journalisme au sein du rĂ©seau de radio brĂ©silien CBN, les fake news « rĂ©affirment la mission traditionnelle du journalisme, qui est de tenter d’éclairer la sociĂ©tĂ© », en particulier en gardant le cap « de montrer oĂč se trouvent les faits rĂ©els et les vrais dĂ©bats »[90] une des missions du journalisme d'investigation[90].

Aux Philippines, une fĂ©dĂ©ration de diffĂ©rents mĂ©dias spĂ©cialisĂ©s dans le journalisme d’investigation s'est intĂ©ressĂ©e Ă  la croissance de comptes Facebook suspects lors des Ă©lections prĂ©sidentielles de [90]. Son Ă©tude a recensĂ© au moins 300 sites web propageant des fake news[90].

Selon Florian Dauphin, maĂźtre de confĂ©rences en sociologie, sciences de l'information et de la communication[9], c'est en tant qu'experts de l’information et via leur savoir-faire dans l'investigation, la recherche des faits et des sources[9], que les journalistes ont jouĂ© leur rĂŽle dans la dĂ©nonciation des fausses nouvelles[9], pour s'adresser Ă  une proportion croissante d’individus qui s’informent via les rĂ©seaux sociaux numĂ©riques comme Facebook et Twitter[9].

Influence

Sur l'opinion

Les fake news (traduction littérale : « informations fausses ou truquées ») font partie d'un phénomÚne mondial et leur impact est planétaire[91]. La capacité des fausses nouvelles à induire en erreur entraßne une perception erronée de la vérité et, conséquemment, des jugements erronés relativement aux actions et aux politiques appropriées. Les fausses nouvelles sont répandues par les médias sociaux et les sites de fausses nouvelles, qui se spécialisent dans la création de contenu attirant l'attention et imitant le format de sources fiables[92] - [93], mais aussi par des hommes politiques[94] ou par les plus grands médias[95] avec des visées politiques. Elles sont parfois utilisées dans les piÚges à clics et l'hameçonnage par courriel, présentant du contenu sensationnaliste pour inciter les utilisateurs à cliquer sur un lien, ce qui permet à l'envoyeur d'infecter leur ordinateur avec un logiciel malveillant[96].

Il existe un biais cognitif nommé « effet de mode » désignant un raccourci mental qu'effectue inconsciemment l'Homme. L'« effet de mode » (« bandwagon effect » en anglais) est le phénomÚne qui provoque l'augmentation d'un comportement ou de la consommation d'un bien ou d'un service chez des individus lorsqu'ils « savent qu'un grand nombre de personnes ont déjà ce comportement » ou utilisent ce bien. Peu importe que l'information soit véridique ou non, l'individu s'aligne sur l'opinion ou la pensée majoritaire afin de jouir d'une valorisation sociale. Cette dimension mimétique propagerait les fake news[97].

Lors des Ă©lections

Des études anciennes, réalisées dÚs 1940, montrent que les informations n'ont généralement que peu d'influence directe sur le résultat des élections[4].

Pour des chercheurs de l'universitĂ© de New York ou de Stanford qui ont Ă©tudiĂ© les fake news durant la campagne prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2016, elles ont eu peu d'influence sur l'opinion et n'ont pas modifiĂ© le rĂ©sultat au profit de Donald Trump[98]. Les fake news ont beaucoup de portĂ©e mais peu d’impact[4].

Le , dans le contexte de l'Affaire du Russiagate, Rod Rosenstein, Procureur gĂ©nĂ©ral adjoint des États-Unis invite les AmĂ©ricains Ă  « faire preuve de prudence avant d'accorder de la crĂ©dibilitĂ© Ă  des informations attribuĂ©es Ă  des fonctionnaires non identifiĂ©s ». Il a ajoutĂ© que « Le ministĂšre de la Justice a depuis longtemps adoptĂ© une politique de ne pas confirmer ou nier de telles allĂ©gations »[99].

Lors de la campagne prĂ©sidentielle de 2017, quatre chercheurs, Oscar Barrera et Ekaterina Zhuravskaya de la Paris School of Economics et Sergei Guriev et Emeric Henry de Sciences Po Paris, Ă©tablissent, Ă  partir d'une Ă©tude menĂ©e auprĂšs de 2 500 Ă©lecteurs, que « le fact-checking Ă©choue complĂštement Ă  contrecarrer l'effet persuasif des arguments populistes fondĂ©s sur les faits alternatifs »[100].

Dans le domaine de la santé

L'un des terrains de prĂ©dilection des infox est la santĂ©, marchĂ© Ă©norme et thĂšme trĂšs facilement viral sur les rĂ©seaux sociaux[101]. Ainsi, la gĂ©nĂ©ralisation des rĂ©seaux comme Facebook a vu l'Ă©mergence d'une vĂ©ritable industrie de la fake news mĂ©dicale, avec des sites suivis par plusieurs millions de personnes et Ă©numĂ©rant sur un ton sensationnaliste et toujours affirmatif, voire autoritaire, toutes sortes de fausses informations mĂ©dicales, comme des « remĂšdes miracles » contre l'obĂ©sitĂ©, le cancer ou d'autres maladies complexes, relayant des idĂ©es conspirationnistes et anti-scientifiques contre la mĂ©decine, et nourrissant leur flux d'informations fantaisistes sur toutes sortes d'aliments ou de traitements, sans nom d'auteur ni source ou rĂ©fĂ©rence mĂ©dicale[102]. Les plus populaires sont SantĂ©+Magazine (site dĂ©tenu par un ancien cuisinier marocain reconverti dans l'e-business, devenu SantĂ© Plus Mag) avec plus de 7 millions d'abonnĂ©s, mais aussi Santenatureinnovation.com, Sante-nutrition.org, Topsante.org ou encore Altersante.fr (dĂ©tenu par un informaticien français professionnel des piĂšges Ă  clics)[63], tous massivement partagĂ©s par des internautes naĂŻfs[102]. Depuis 2020 s'ajoutent au palmarĂšs Realfarmacy.com, globalresearch.ca, collective-evolution.com, mais aussi ripostelaique.com ou encore lesmoutonsrebelles.com[101]. Aucun de ces sites n'est tenu par des mĂ©decins diplĂŽmĂ©s (ou mĂȘme un quelconque personnel mĂ©dical qualifiĂ©), et une grande partie appartiennent Ă  des officines opaques utilisant de fausses identitĂ©s et de fausses adresses de siĂšge social[102].

L'un des fils les plus actifs sur le Facebook francophone, Santeplusmag (738 178 abonnĂ©s sur Facebook et plusieurs millions de partages, gĂ©rĂ© par l'homme d'affaires marocain Othman Kabbaj), diffuse essentiellement des informations exagĂ©rĂ©es ou fausses, aux titres racoleurs et bien souvent dĂ©nichĂ©es sur des sites qui colportent des rumeurs : « On y trouve pĂšle-mĂȘle des rĂ©vĂ©lations sur l'existence d'un vaccin contre le cancer, d'aliments bien plus efficaces que n'importe quel antidĂ©presseur, de potions magiques pour maigrir, mais aussi des faits divers sordides ou des conseils sexualitĂ© farfelus et sexistes. [...] les articles sont Ă©crits par une petite dizaine d'auteurs signant sous des pseudos qui laissent rĂȘveur tels que "Noam ThĂ©rapie", "Jad ThĂ©rapeute" ou "Adam Yoga" »[103].

Les infox virales sur les réseaux sociaux sont considérées comme un des principaux vecteurs de la « controverse sur la vaccination » et de celle concernant le réchauffement climatique, ainsi que de la propagation de pseudo-médecines ou de théories complotistes notamment à propos de la COVID-19[101].

Sur la mémoire

Lobe frontal gauche

Un article paru dans la revue Psychology of Popular Media en 2015 montre que lorsqu'un média publie des informations biaisées voire fausses, cela provoque chez le lecteur une distorsion importante de la mémoire[104].

Sur l'attention

Une catégorie d'effets des infox renvoie à la question d'attention.

En effet, l'attention des cybercitoyens est constamment sollicitée par des fournisseurs d'informations qui cherchent à exercer une certaine influence. Une étude de 2018[105] démontre que le partage d'articles sur Facebook est plus important pour les fausses informations que pour les vraies informations. Certains individus préfÚrent diffuser des fausses informations plutÎt que des vraies. Cette diffusion focalise l'attention sur les fausses informations.

Sur l'affect et les Ă©motions

Les infox font appel Ă  nos Ă©motions et Ă  notre affect, et non pas Ă  notre raisonnement, ce qui gĂ©nĂšre des consĂ©quences. En effet, elles suscitent des Ă©motions diffĂ©rentes comme la colĂšre, la solidaritĂ©, la peur, la surprise, la joie ou mĂȘme le dĂ©goĂ»t[106] - [107]. Le sensationnel l’emporte donc sur le rationnel. Mais toutes ces Ă©motions que nous ressentons nous poussent Ă  commenter ou Ă  partager ces fausses informations (c’est ce qu’on appelle l’action numĂ©rique)[108], ce qui engendre de fausses croyances. Ces informations, parfois contradictoires, ne cherchent donc pas Ă  nous informer mais Ă  nous tromper, c’est pourquoi la mĂ©fiance sociale a atteint un niveau important et que les individus ne savent plus en quelles informations ils peuvent avoir confiance, ni mĂȘme s'ils peuvent faire confiance aux vĂ©rificateurs d'informations. Pourtant, la vĂ©rification de ces informations nĂ©cessite un travail laborieux, produisant parfois du cynisme ainsi que de la frustration.

confidentielle qu'une fausse en raison de l'intĂ©rĂȘt des utilisateurs pour « la peur, le dĂ©goĂ»t, et la nouveautĂ© »

Vulnérabilité face aux infox

Lorsque les individus sont confrontĂ©s Ă  des infox, leurs croyances et attitudes par rapport Ă  l'objet de celles-ci peuvent ĂȘtre influencĂ©es. Cette vulnĂ©rabilitĂ© dĂ©pend de facteurs individuels et s'explique par diffĂ©rents mĂ©canismes.

ModÚle de la probabilité d'élaboration de l'information

Lorsque l'on présente une information à visée persuasive à un individu, celui-ci ne va pas toujours l'analyser en profondeur. Souvent, il va simplement traiter l'information de façon superficielle[109]. Si rien ne semble l'alerter dans son contenu (concernant la véracité des propos), la personne ne va pas investiguer plus loin et sera susceptible de se laisser influencer. Si l'information semble s'appuyer sur une source scientifique qui soutient la position défendue dans le document, il y a de fortes chances pour que l'individu soit influencé positivement dans son sens.

Scepticisme et crédulité par défaut

  • En dehors de situations d'influence Ă  visĂ©e persuasive, comprendre la crĂ©dulitĂ© face aux infox demande de rĂ©pondre Ă  la question suivante: comment les gens en viennent-ils Ă  considĂ©rer une information comme vraie ou fausse? Deux grands types de rĂ©ponses ont Ă©tĂ© apportĂ©es par rapport Ă  cette question[110].
  • D'une part, le scepticisme correspond au postulat cartĂ©sien selon lequel il est possible d'ĂȘtre exposĂ© Ă  une information fausse sans pour autant y adhĂ©rer. Descartes, dans ses mĂ©ditations mĂ©taphysiques[111] opĂšre une distinction fondamentale entre la reprĂ©sentation et la conviction. Il invite l'individu Ă  se montrer sceptique face Ă  toute thĂ©orie et Ă  analyser les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments qui crĂ©ditent ou discrĂ©ditent cette thĂ©orie avant de se prononcer. Selon ce postulat, on peut donc « envisager » une idĂ©e avant de la considĂ©rer comme vraie. Lorsque l'intellect de l'individu en aura formulĂ© une reprĂ©sentation qu'il considĂšre comme satisfaisante, il sera alors en mesure de dĂ©cider s'il y adhĂšre ou s'il la considĂšre comme fausse et/ou infondĂ©e.
  • Une recherche de Johnson et Seifert[112] a Ă©tudiĂ© si une infox corrigĂ©e avait toujours de l’influence sur les gens lors de lectures ultĂ©rieures. On appelle cela l'« effet d’influence persistante » (continued influence effect). Les rĂ©sultats suggĂšrent que la dĂ©sinformation corrigĂ©e peut continuer Ă  influencer les processus de lecture. Lors de cette recherche, le rĂ©cit d'un incendie dans un entrepĂŽt a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă  des participants. On prĂ©sentait une cause possible de l'incendie dans le rĂ©cit (des produits inflammables laissĂ©s dans un placard). Le rĂŽle de cette cause Ă©tait ultĂ©rieurement dĂ©menti (il n'y avait pas de produits inflammables dans le placard). Dans un laps de temps court aprĂšs la correction de l’information, on a posĂ© des questions Ă  ces participants sur leur vision de cet incendie. Dans une condition contrĂŽle, ces informations n'Ă©taient pas prĂ©sentĂ©es. On a pu constater que, dans la condition de correction, les informations ultĂ©rieurement corrigĂ©es Ă©taient davantage utilisĂ©es dans les rĂ©cits des sujets et dans les infĂ©rences qu'ils proposaient que dans la condition contrĂŽle. Corriger une information ne suffit donc pas Ă  Ă©liminer son influence sur la vision que les sujets ont de l'Ă©vĂ©nement. Cela peut s’expliquer par le fait que le participant s’est prĂ©alablement construit un faux rĂ©cit avec la fausse information et, comme le rĂ©cit est cohĂ©rent, il reste prĂ©sent malgrĂ© la connaissance que l’information est fausse.
  • Pantazi, Kissine, et Klein[113] ont menĂ© une expĂ©rience visant Ă  dĂ©partager la vision « cartĂ©sienne » et « spinozienne » de l'exposition Ă  des informations fausses. Les chercheurs dĂ©crivaient un crime en y ajoutant des informations prĂ©sentĂ©es explicitement comme fausses. Celles-ci apportaient soit des circonstances aggravantes, soit des circonstances attĂ©nuantes. À la fin de l'expĂ©rience, les sujets devaient attribuer une peine aux prĂ©venus sur la base de ces informations. Les sujets se montraient davantage clĂ©ments envers ces derniers lorsque l'information fausse comportait des circonstances attĂ©nuantes. AppliquĂ©e aux infox, cette expĂ©rience suggĂšre qu'il est difficile de se montrer en vĂ©ritable sceptique devant de telles constructions: faute de ressources cognitives suffisantes et de la motivation nĂ©cessaire, l'individu est capable de prendre celles-ci comme vraies sans mĂȘme s'apercevoir de la faillite de son esprit critique. Le modĂšle « spinozien » est donc Ă©tayĂ© par ces donnĂ©es.
  • La propagation des infox amĂšne les internautes, jusqu'aux professionnels de l'information, Ă  un scepticisme grandissant quant aux informations diffusĂ©es sur Internet, notamment sur les rĂ©seaux sociaux. En effet, dans l'article "Les doutes de journalistes amĂ©ricains Ă  propos de Twitter"[114], Maggie Haberman, correspondante du New York Times Ă  la Maison Blanche confie au journal Le Monde : « Twitter a cessĂ© d’ĂȘtre le lieu oĂč je pouvais apprendre des choses que je ne savais pas, glaner des informations sans erreur sur une grosse actualitĂ© ou m’engager dans une discussion et avoir raisonnablement confiance dans le fait que les critiques des gens Ă©taient de bonne foi ».

Effet de vérité illusoire

L'effet de vĂ©ritĂ© illusoire est un autre phĂ©nomĂšne expliquant la vulnĂ©rabilitĂ© aux infox. Selon Unkelbach et Rom[115], plus une information serait rĂ©pĂ©tĂ©e, plus les personnes qui y sont confrontĂ©es seraient susceptibles d'y croire. De plus, lors de la premiĂšre Ă©coute, des liens entre les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de l'information se forment au sein de la mĂ©moire de l'individu. DĂšs lors, Ă  chaque Ă©coute de cette information ou d'une information comprenant les mĂȘmes liens, ces derniers seront davantage renforcĂ©s. Si par aprĂšs l'information s'avĂšre fausse, cela n'a plus beaucoup d'effet.

On a tendance Ă  croire plus facilement une information rĂ©pĂ©tĂ©e qu'elle soit fausse, ou vraie. En effet l'ĂȘtre humain est plus enclin Ă  croire les fausses nouvelles mĂȘme si elles Ă©taient accompagnĂ©es par un avertissement que des vraies informations si celles-ci ne sont vues qu'une seule fois[116].Ce phĂ©nomĂšne est surtout appuyĂ© par les rĂ©seaux sociaux et mĂ©dias dans le mĂ©canisme des fakes news[117].

Induction d'infox

Outre leur influence directe sur les jugements, si on confronte des personnes Ă  de fausses informations qui semblent s'imposer comme des Ă©vidences, leur mĂ©moire peut s'en trouver altĂ©rĂ©e. Un exemple parlant, qui provient des travaux d'Elizabeth Loftus[118], est le suivant : si on raconte un souvenir Ă  une personne et que l'on modifie un dĂ©tail en le prĂ©sentant comme une Ă©vidence mĂȘme de l'histoire, on peut influencer cette personne et effectivement l'amener Ă  croire que cet Ă©lĂ©ment reflĂšte une expĂ©rience autobiographique. C'est ce qu'on appelle des Faux souvenirs induits. Ce concept a Ă©tĂ© travaillĂ© dans une Ă©tude de Loftus[119] nommĂ©e "Perdu dans un centre commercial". C'est une technique d'influence de la mĂ©moire qui avait pour but de dĂ©montrer que des confusions Ă©taient possibles sur des Ă©vĂ©nements qui ne se sont jamais produits Ă  partir de suggestions faites Ă  des sujets d'expĂ©riences.

Myopie métacognitive

La myopie métacognitive est un terme utilisé la premiÚre fois par Robyn Dawes. Cette myopie suggÚre que les individus se préoccupent davantage de l'utilisation correcte de l'échantillon d'informations qu'ils ont à leur disposition plutÎt que de l'évaluation critique de l'origine de cet échantillon ainsi que de la validité des sources de celui-ci[120].

Autres processus qui favorisent la vulnérabilité

Certains travaux fondateurs en psychologie sociale nous alertent sur notre « tendance à croire » toute information à condition que celle-ci soit accompagnée d'un minimum d'arguments.

Une Ă©tude[121] dĂ©montre qu'il suffit de fournir aux individus un simple placebo de justification sans aucune validitĂ© pour obtenir d'eux de les dĂ©passer dans la file du photocopieur universitaire. La fausse information fournie permet de dĂ©passer les individus Ă  mĂȘme titre que si l'information fournie Ă©tait rĂ©elle. Selon cette Ă©tude, il s'agit du principe d'Ă©conomie cognitive qui prend le relais et qui Ă©pargne Ă  l'interlocuteur le coĂ»t du traitement sĂ©mantique de ces informations en le plongeant dans une lĂ©gĂšre torpeur. Elle baptise cet Ă©tat celui d'« abĂȘtissement ».

L’utilisation de ces raccourcis mentaux rend l’ĂȘtre humain victime de distorsions cognitives[122].

Il s'avĂšre que cette paresse cognitive se retrouve dans l'ensemble de la vie sociale. Elle se traduit Ă  travers la tendance Ă  juger le bien-fondĂ© d'une information sur la base de la structure argumentaire qui l'accompagne et non sur son contenu. En d'autres termes, une infox est rapidement perçue comme plus valide qu'elle ne l'est vraiment dĂšs lors qu'une connexion se prĂ©sente entre un objet controversĂ© qui doit ĂȘtre lĂ©gitimĂ© et une source de lĂ©gitimitĂ©. La paresse cognitive pousse Ă  la confiance, un individu prĂ©fĂšre ainsi postuler qu'une information est vraie plutĂŽt que de vĂ©rifier par lui-mĂȘme[121].

Le processus que l'on appelle l'« effet troisiĂšme personne » est un phĂ©nomĂšne qui consiste Ă  penser que les autres sont plus vulnĂ©rables que nous le sommes Ă  l'influence persuasive des mĂ©dias sociaux[123]. Si vous ne croyez pas aux fake news, mais que vous ĂȘtes persuadĂ©s que d'autres individus peuvent y croire, alors vous ĂȘtes sensible Ă  cet effet.

Une seconde étude menée par des chercheurs américains démontre que l'identification à un parti, les effets sociaux indésirables, et l'efficacité de la politique, augmentent l'effet troisiÚme personne[124].

Différences individuelles

Différents facteurs individuels peuvent également influer sur la vulnérabilité d'un individu face aux infox.

Concernant le facteur Ăąge, les rĂ©sultats d'une premiĂšre Ă©tude dĂ©montrent que, selon les conditions, les plus jeunes et les personnes ĂągĂ©es commettent autant d'erreurs de dĂ©sinformation[125]. Les rĂ©sultats d'une seconde Ă©tude orientĂ©e sur le partage de faux articles lors de la campagne prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2016 dĂ©montrent que, les personnes ĂągĂ©es de plus de 65 ans ont partagĂ© prĂšs de sept fois plus d'articles qui concernent de la fausse actualitĂ© que les personnes plus jeunes[126].

Concernant les facteurs de personnalitĂ©, une Ă©tude menĂ©e sur 436 Ă©tudiants universitaires en Chine dĂ©montre que certaines dimensions qui proviennent du test de personnalitĂ© TCI-R influencent la relation qu'ont les individus avec les infox.

  • La premiĂšre de ces dimensions est l'Ă©vitement du danger. Le fait d'ĂȘtre anxieux protĂšge des infox. À l'inverse, ĂȘtre moins anxieux rend plus vulnĂ©rable aux infox.
  • La seconde de ces dimensions est la coopĂ©ration, la dĂ©pendance Ă  la rĂ©compense. Le fait d'ĂȘtre coopĂ©ratif, dotĂ© d'empathie ou en constante recherche d'approbation sociale n'aide pas Ă  remettre en question les infox et augmente la tendance Ă  y croire.
  • La derniĂšre de ces dimensions est l'autodĂ©termination. Les individus Ă  haut niveau d'autodĂ©termination seraient plus vulnĂ©rables. Le fait pour un individu d'avoir une perception trop positive de sa capacitĂ© Ă  se souvenir des informations lui ferait gĂ©nĂ©ralement prĂ©fĂ©rer se fier Ă  des suggestions provenant d'autrui plutĂŽt que de donner l'impression de ne pas avoir une bonne mĂ©moire[127].

Lutte contre les mensonges

Visuel réalisé par le site FactCheck.org

Opinions

Les rĂ©actions face aux infox ne sont pas unanimes. Les GAFAM[n 2], des journaux et des gouvernements sont favorables Ă  la lutte contre les informations fallacieuses. À l'opposĂ©, des mouvements politiques et des intellectuels jugent ce combat liberticide et dangereux. Selon eux, ni les groupes informatiques (GAFAM)[128] - [129] ni les gouvernements n'ont de lĂ©gitimitĂ© Ă  dĂ©terminer ce qui est vrai et ce qui est faux, d'autant moins qu'ils sont eux-mĂȘmes susceptibles de diffuser des infox[130] - [131] - [132].

Par les GAFAM

First Draft News et Google News Lab (en) ont lancĂ© le projet CrossCheck[133] de contrĂŽle des fake news auquel se sont associĂ©es des rĂ©dactions françaises et amĂ©ricaines. Claire Wardle de First Draft « Ă©tablit une typologie de "fake news", qui va du mauvais journalisme Ă  la propagande en passant par la parodie ou le contenu politique orientĂ© »[134]. En rĂ©alitĂ©, lutter contre les fake news est difficile car en parler, mĂȘme pour dĂ©mentir, c'est contribuer Ă  les rĂ©pandre[134].

Google

Google interdit les publicités sur le contenu, y compris les vidéos YouTube, quand elles contiennent de fausses allégations sur le changement climatique[135].

Facebook

Cette plateforme s'est engagĂ©e Ă  endiguer la propagation de fake news sur son rĂ©seau social, dont en pĂ©nalisant les mĂ©dias suspectĂ©s d'en ĂȘtre les vecteurs[136].

Lors de l'Ă©lection prĂ©sidentielle française de 2017, Facebook a annoncĂ© avoir supprimĂ© plus de 30 000 comptes[137].

Les infox sont aussi diffusĂ©es sous forme de messages sponsorisĂ©s sur les mĂ©dias sociaux. En , aprĂšs le scandale Facebook-Cambridge Analytica/Aggregate IQ, Facebook s'engage aux États-Unis Ă  clairement labelliser les publicitĂ©s politiques ; et l'identitĂ© de l’annonceur apparaĂźtra avec des informations complĂštes sur les campagnes de publicitĂ© qu'il a financĂ©es[138]. Un moteur de recherche permet dĂ©sormais de connaĂźtre les publicitĂ©s politiques sur Facebook et Instagram (par annonceur ou par mot-clĂ©), dont en France, mais seules les contenus destinĂ©s au public amĂ©ricain sont indexĂ©s[138].

Facebook s'est aussi associĂ© avec une trentaine de mĂ©dias dont LibĂ©ration, le Monde et l'AFP en France[139]. En , ce partenariat concernait quatre langues et dix pays dont les États-Unis, le Mexique, le Nigeria, la Turquie, le Pakistan, l'Inde, les Philippines, le BrĂ©sil, le Canada et la France. Le rĂ©seau de surveillance doit encore ĂȘtre agrandi mais une Ă©tude des DĂ©codeurs du « Monde » montre que le nombre d’engagements suscitĂ©s par un Ă©ventail de 630 sites francophones avec des contenus douteux a diminuĂ© de moitiĂ© entre 2015 et 2018[140]. En , le site web d'information Snopes annonce qu'il quitte le programme de vĂ©rification des donnĂ©es de Facebook car certains journalistes doutent de son efficacitĂ©[141].

YouTube

La plate-forme Ă©tait, jusqu'Ă  la fin de l'Ă©tĂ© 2021, en retard par rapport aux autres GAFA en termes de politiques de lutte contre la dĂ©sinformation, gĂ©nĂ©ralement annoncĂ©es plusieurs semaines ou mois aprĂšs celles de Facebook ou Twitter[135]. À l'automne 2021, YouTube a cependant durci ses politiques, interdisant notamment la dĂ©sinformation anti-vaccin, notamment en suspendant les comptes d'Ă©minents militants anti-vaccins comme Joseph Mercola et Robert F. Kennedy Jr.[135]

Une Ă©tude du Centre pour les mĂ©dias sociaux et la politique de l'UniversitĂ© de New York montre que l'effort fait par YouTube contre la dĂ©sinformation Ă©lectorale entre fin 2020 et dĂ©but 2021 a Ă©tĂ© suivi d'une forte baisse de la prĂ©valence des vidĂ©os trompeuses sur Facebook, mais aussi consĂ©quemment sur Twitter et Facebook[135]. Une diminution de l'intĂ©rĂȘt pour les thĂ©ories de la fraude Ă©lectorale qui aurait bloquĂ© la rĂ©Ă©lection de D. Trump a peut ĂȘtre chutĂ© en partie aprĂšs que les États aient certifiĂ© leurs rĂ©sultats Ă©lectoraux, mais l'Ă©tude semble confirmer la grande influence de YouTube sur les grands rĂ©seaux sociaux[135]. Par exemple :

  • les vidĂ©os affirmant qu'il y avait eu une fraude Ă©lectorale en dĂ©faveur de Trump aprĂšs les Ă©lections du comptaient pour environ un tiers de toutes les vidĂ©o partagĂ©es Ă  propos des Ă©lections sur Twitter, la plupart venant de sources ayant dĂ©jĂ  promu la dĂ©sinformation Ă©lectorale dans le passĂ© (ex : Project Veritas, Right Side Broadcasting Network (en) et One America News Network)[135]. Mais aprĂšs le (jour oĂč YouTube a dit qu'il allait supprimer les vidĂ©os promouvant la thĂ©orie infondĂ©e des fraudes gĂ©nĂ©ralisĂ©es ayant truquĂ© l'Ă©lection prĂ©sidentielle), les allĂ©gations de fraude Ă©lectorale ont fortement chutĂ© aussi sur Twitter, tombant sous les 20 % le , diminuant encore (Ă  5 %) aprĂšs que le YouTube a annoncĂ© un boycott momentanĂ© puis dĂ©finitif des chaĂźnes enfreignant sa politique de dĂ©sinformation Ă©lectorale[135].
  • De mĂȘme sur Facebook : le partage de vidĂ©os basĂ©es sur des thĂ©ories de complots de fraude est passĂ© de 18 % de toutes les vidĂ©os sur Facebook juste avant le puis a baissĂ© puis remontĂ© avant le (Ă©meute et assaut du Capitole) puis est tombĂ©e Ă  4 % juste aprĂšs la mise en place des nouvelles politiques le [135].

Selon Ivy Choi (porte-parole de YouTube) c'est maintenant la seule grande plate-forme en ligne dotée d'une « politique d'intégrité pour l'élection présidentielle »[135] ; Youtube est l'une des 'sources' les plus partagés et "donc lorsque la plate-forme de YouTube devient plus saine, d'autres plate-formes le deviennent aussi."[135].

Critique des mesures prises par les GAFAM

De nombreuses critiques sur le manque d'efficience de ces mesures ont Ă©tĂ© formulĂ©es, dont aprĂšs les incidents du rassemblement « Unite the Right » Ă  Charlottesville (2017) ; Internet est un ensemble de services de base pour la plupart dĂ©tenus et gĂ©rĂ©s par des hĂ©bergeurs privĂ©s de contenu, qui donnent aux utilisateurs la possibilitĂ© de le consulter ou d’en crĂ©er de nouveaux. Si ces hĂ©bergeurs ne veulent pas d'une chose sur Internet, ils peuvent la censurer et la faire disparaĂźtre d'internet dans le monde entier[142]. Ce contrĂŽle d'Internet s'est concentrĂ© dans les mains de quelques entreprises monopolistiques qui font tout pour que le public n'en soit pas conscient[142]. À la suite de la mise en place de cette 'censure', l’éditorialiste Tucker Carlson s’est inquiĂ©tĂ© de l’absence de contrĂŽle de ces opĂ©rateurs de services Web et a proposĂ© que les autoritĂ©s publiques s'assurent que Google n’entrave plus la libre circulation de l'information[143]. Selon Carlson, « Google est en 2017 la sociĂ©tĂ© la plus puissante de l'histoire du monde. Google contrĂŽle la rĂ©alitĂ© et a dĂ©jĂ  dĂ©montrĂ© une volontĂ© troublante de fausser cette rĂ©alitĂ© Ă  des fins idĂ©ologiques »[144]. RĂ©agissant Ă  un blocage des revenus grĂące aux contenus publicitaires de centaines de vidĂ©os sur YouTube, Sky News Ă©crit « c'est de l'intimidation. Le dĂ©bat n'existe plus »[145] (voir aussi Censure d'Internet#Principaux opĂ©rateurs de services Web).

Dans le monde

Le monde commence à s'armer contre les fake news notamment en France, en Allemagne, au Brésil, au Kenya, en Italie, à Singapour[146] ou encore en Malaisie[147].

Allemagne

Netzwerkdurchsetzungsgesetz (NetzDG) est la loi datant du permettant aux utilisateurs des réseaux sociaux de signaler, ou faire vérifier et supprimer un article illégal, faux ou haineux en moins de 24 heures. Cette loi a été prononcée pour en partie limiter le flux de fausses informations sur les migrants. Elle a fait l'objet de beaucoup de controverses car elle remet en question la liberté d'expression en Allemagne[148].

Belgique

Contrairement Ă  certains pays qui condamnent les fake news, d'autres, comme la Belgique, n'ont au contraire pas de loi Ă  ce sujet. En effet, la commission chargĂ©e par le ministre belge de rĂ©diger un rapport, a dit non Ă  l'idĂ©e d'une « loi » sur les fake news. Pour le groupe d'experts une lĂ©gislation rĂ©pressive n’est pas la solution pour traiter le problĂšme des fake news[149]. Ils prĂŽnent Ă  l'inverse l'autorĂ©gulation. De plus, ils Ă©pargnent le rĂŽle des plates-formes comme YouTube et Facebook dans les fake news, en les invitant Ă  «garantir la transparence » sur la façon dont les algorithmes sĂ©lectionnent les informations Ă  leurs utilisateurs[150].

Brésil

Le , 24 mĂ©dias brĂ©siliens ont dĂ©cidĂ© de crĂ©er une coalition[151] pour lutter contre les fake news, ce projet est baptisĂ© « Comprova », du verbe prouver en portugais. Ce projet est menĂ© par de grands journaux, les chaĂźnes de TV, les radios ou des sites du pays, tels BandNews, l'Agence France-Presse au BrĂ©sil, Canal Futura, Correio do Povo, Folha de S.Paulo, Gazeta do Povo, Jornal do Commercio, Metro Brasil, Nexo Jornal, O Estado de S.Paulo, Poder360, PiauĂ­, RĂĄdio Bandeirantes, SBT, UOL ou encore Veja. Comprova lutte contre les fausses informations prĂ©sentes sur les rĂ©seaux sociaux et Internet, notamment dans le cadre des prĂ©sidentielles en 2018. Ce projet est soutenu par plusieurs grandes organisations comme l'Abraji (Association brĂ©silienne de journalisme d'investigation), le Projor (Institut pour le dĂ©veloppement du journalisme) et l'appui technique et financier de Google et de Facebook. Le Tribunal supĂ©rieur Ă©lectoral (TSE) du BrĂ©sil a dĂ©jĂ  signĂ© des accords avec des grands leaders mondiaux comme Facebook et Google pour limiter dans un premier temps les fake news avant les Ă©lections prĂ©sidentielles en 2018[152]. Pendant ces prĂ©sidentielles brĂ©siliennes, il y avait environ 1 000 signalements de fausses informations par jour[153], et ceux dans la quasi-totalitĂ© sur WhatsAPP. MĂȘme s'il n'y a pour l'instant aucune loi promulguĂ©e contre les fake news, on ne compte pas moins de 14 lois en prĂ©paration (1 au sĂ©nat, passible de 3 ans de prison et 13 Ă  la chambre des dĂ©putĂ©s).

Canada

Sur le plan constitutionnel, le Canada n'a pas la possibilitĂ© de criminaliser les fausses nouvelles car dans un jugement rendu en 1992 (R. c. Zundel[154]), la Cour suprĂȘme du Canada a dĂ©clarĂ© que l'interdiction pĂ©nale des fausses nouvelles est contraire Ă  la Charte canadienne des droits et libertĂ©s. Toutefois, en matiĂšre non pĂ©nale, certaines lois continuent Ă  interdire la propagation de fausses nouvelles. Par exemple, l'art. 8 (1) d) du RĂšglement sur la distribution de radiodiffusion[155] interdit aux radiodiffuseurs de diffuser des nouvelles fausses ou trompeuses[156].

Kenya

Le , le Kenya a adoptĂ© comme projet de loi de punir 17 types de cybercrimes, dont les fake news. Les coupables risquent une amende de 5 millions de shillings kĂ©nyans (42 000 euros) et deux annĂ©es de prison Ă©ventuelle pour les personnes propageant des fake news par voie Ă©lectronique. Si les fakes news s’avĂšrent « destinĂ©es Ă  crĂ©er, ou ayant pour rĂ©sultat, la panique, le chaos ou la violence » ou de nature Ă  « porter atteinte Ă  la rĂ©putation d’une personne », la peine pourrait atteindre jusqu'Ă  dix ans de prison[157] - [158]. Cependant cette loi inquiĂšte la sociĂ©tĂ© civile car beaucoup d'entre eux craignent une atteinte Ă  la libertĂ© d'expression[159].

Italie

En Italie, la police a annoncĂ© le , le lancement d'un site destinĂ© Ă  permettre aux citoyens de signaler de potentielles fake news et d'obtenir si possible certaines vĂ©rifications. Ainsi, les services de police spĂ©cialisĂ©s dans la surveillance d'internet et des rĂ©seaux de tĂ©lĂ©communications, la « police postale », lanceront une enquĂȘte pour vĂ©rifier ces sites. Si l’information est dĂ©clarĂ©e fausse, la police publie alors un dĂ©menti sur son site et sur les rĂ©seaux sociaux, et peut ensuite condamner[157].

Malaisie

Le Parlement malaisien a déclaré le , une loi prévoyant jusqu'à 6 ans de prison pour quiconque propagerait une fake news. Cependant cette initiative est beaucoup critiquée[160].

Russie

La Douma, chambre du Parlement russe, a adoptĂ© le une loi anti-fake news permettant au Roskomnadzor, l'homonyme russe du CSA, de condamner les auteurs de ces fausses informations en les bloquant ou en leur imposant une amende (elle peut aller jusqu'Ă  1,5 million de roubles soit 20 195 euros)[161].

Singapour

Le , Singapour a adopté une loi contre les fausses informations. Cependant cette loi a été controversée puisque tous les pouvoirs appartiennent désormais au gouvernement singapourien[162].

Dans l'Union européenne

En 2017, Mariya Gabriel, commissaire au numérique de la Commission européenne, annonce le lancement d'une consultation publique et la mise en place d'un groupe d'experts afin d'en tirer des recommandations et des bonnes pratiques[163].

Situation générale

Lors de ses vƓux Ă  la presse, en , le PrĂ©sident français Emmanuel Macron annonce un projet de loi visant Ă  lutter contre les fake news en donnant notamment la possibilitĂ© de saisir un juge et de dĂ©rĂ©fĂ©rencer ou bloquer certains sites concernĂ©s. Les pouvoirs du CSA devraient Ă©galement ĂȘtre accrus afin de lutter contre toute ingĂ©rence de mĂ©dias Ă©trangers[164]. La proposition a suscitĂ© de nombreuses rĂ©actions, notamment de Olivier Auguste de L'Opinion, qui souligne que plusieurs affaires, comme celle du Rainbow Warrior ou du nuage de Tchernobyl, ont dĂ©montrĂ© que « la puissance publique n’est pas par nature garante de la vĂ©ritĂ© »[131]. Pour le chef du groupe Les RĂ©publicains au SĂ©nat, Bruno Retailleau, « Seuls les rĂ©gimes autoritaires prĂ©tendent au contrĂŽle de la vĂ©ritĂ©. On sait ce qu‘il peut en coĂ»ter »[131]. Pour ClĂ©mentine Autain, personnalitĂ© politique classĂ©e Ă  gauche, la libertĂ© de la presse et la dĂ©mocratie sont en jeu[165].

À l'instar de nombreux sites de « debunking », les « dĂ©codeurs » du Monde.fr signalent rĂ©guliĂšrement diffĂ©rents sites web et pages Facebook populaires qui relaient massivement de la fausse information, par exemple Ă  caractĂšre mĂ©dical comme SantĂ©+Magazine (« remĂšdes miracles » contre l'obĂ©sitĂ©, le cancer ou d'autres maladies complexes, dĂ©clarations conspirationnistes et anti-scientifiques contre la mĂ©decine, informations fantaisistes sur toutes sortes d'aliments ou de traitements, etc.)[102]. On peut Ă©galement citer « Checknews » (mis en place par LibĂ©ration) ou « Les Observateurs » de France 24[166].

L'Agence France-Presse a également mis en service fin 2017 un service baptisé « AFP Factuel » lancé par le journaliste Guillaume Daudin et défini comme un « blog de fact-checking, qui tente de démonter toutes ces rumeurs infondées qui polluent le débat public »[166]. Ce service a signé un contrat avec Facebook France, qui fait remonter les informations douteuse à l'AFP et en diminue la promotion s'il s'agit de fake news. L'AFP Factuel est désormais présent dans plusieurs dizaines de pays, sur tous les continents, et dans dix-huit langues, dont le français, l'anglais, l'espagnol ou le portugais[166].

Certaines chaßnes de télévision française comme TF1 et France 2 ont créé des rubriques visant à sensibiliser les téléspectateurs quant aux fausses informations qui circulent sur les médias sociaux. Leur but est de « lutter avec pédagogie contre la défiance accrue envers les médias », comme le confie Jean-Clément Martin Borella au journal La Croix[167].

Propositions de lois relatives Ă  la lutte contre les fausses informations

Emmanuel Macron a annoncĂ© en un projet de loi afin lutter contre les fake news. En France, depuis 1881 l'article 27 de la loi de la presse condamne dĂ©jĂ  avec une amende de 45 000 euros pour « la publication, la diffusion ou la reproduction de nouvelles fausses ou fabriquĂ©es » pouvant causer un « trouble Ă  l'ordre public »[168].

En France, le , une nouvelle loi punissant « la publication ou la reproduction faite de mauvaise foi de nouvelles fausses de nature à troubler la paix » apparaßt[169].

Le , l'AssemblĂ©e nationale française adopte deux propositions de loi — une loi organique visant l'Ă©lection prĂ©sidentielle et une loi ordinaire pour les autres scrutins[170]. La procĂ©dure envisagĂ©e devrait permettre de demander Ă  la justice, par voie de rĂ©fĂ©rĂ©, le retrait de « toute allĂ©gation ou imputation d’un fait dĂ©pourvue d’élĂ©ments vĂ©rifiables de nature Ă  la rendre vraisemblable [qui serait diffusĂ©e] de maniĂšre dĂ©libĂ©rĂ©e, de maniĂšre artificielle ou automatisĂ©e [et] de nature Ă  altĂ©rer la sincĂ©ritĂ© du scrutin[170] ». Le SĂ©nat est appelĂ© Ă  examiner le projet dans le cadre de la procĂ©dure lĂ©gislative habituelle. L'expression « fake news » peut ĂȘtre remplacĂ©e par « infox »[171], compression de « information » et « intoxication »[172]. Ainsi, la recommandation de la Commission d'enrichissement de la langue française[173] a Ă©tĂ© publiĂ©e le jeudi au Journal officiel[n 3] :

« [
] on pourra recourir au terme « information fallacieuse », ou au nĂ©ologisme « infox », forgĂ© Ă  partir des mots « information » et « intoxication ». On pourra aussi, notamment dans un cadre juridique, utiliser les termes figurant dans la loi de 1881 sur la libertĂ© de la presse ainsi que dans le code Ă©lectoral, le code pĂ©nal ou le code monĂ©taire et financier : « nouvelle fausse », « fausse nouvelle », « information fausse » ou « fausse information »[176]. »

AprĂšs examen en commissions des lois et de la culture, le SĂ©nat vote en faveur de motions « tendant Ă  opposer la question prĂ©alable » et rejette par deux fois les propositions — le 26 juillet et le 6 novembre 2018. L'AssemblĂ©e nationale, quant Ă  elle, adopte de nouveau les textes, le et le [177]. Le , le Conseil constitutionnel enregistre deux saisines[n 4] « l'une prĂ©sentĂ©e par plus de 60 sĂ©nateurs, et l'autre par le Premier ministre »[179].

Le prĂ©sident de la RĂ©publique, cible de fake news durant sa campagne Ă©lectorale, a obtenu sa loi contre la « manipulation de l’information » durant cette pĂ©riode. Cette loi est adoptĂ©e le [180].

Fausse nouvelle et infox

Pour l'avocat Emmanuel Pierrat il n'y aurait pas besoin d'une loi sur les fake news puisqu'il existe dĂ©jĂ  un dĂ©lit de fausse nouvelle en France et que de nombreux textes encadrent le dĂ©lit de fausses nouvelles. Lors d'une interview diffusĂ©e sur une chaĂźne d'information le , il pose la question de savoir « Quelle est l’utilitĂ© de crĂ©er un dĂ©lit de fake news qui ressemble peu ou prou au dĂ©lit de fausse nouvelle ? »[181].

Les défenseurs de cette thÚse considÚrent l'expression anglaise fake news comme le strict équivalent de l'expression française fausses nouvelles, « fake » se traduisant par « faux », « falsifié », « truqué »[182].

Le sens de ces appellations serait donc que (et elles disent que) le législateur « a déjà prévu tout cela depuis fort longtemps, avec le délit de fausse nouvelle et le délit de diffamation qui encadrent correctement aujourd'hui les choses »[183] notamment via :

  • l'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la libertĂ© de la presse[184] - [169].
  • l'article 322-14 du code pĂ©nal (modifiĂ© par l'ordonnance du ) liĂ© Ă  la Loi no 92-685 du .
  • l’article L.97 du Code Ă©lectoral[185].
  • l’article L465-1 du code monĂ©taire et financier, modifiĂ© par la Loi no 2016-819 du [186].

Éducation nationale, France et infox

L'Ă©ducation aux mĂ©dias est une notion pleinement intĂ©grĂ©e dans le programme scolaire français cependant aucune spĂ©cification n’est prĂ©sente en ce qui concerne les infox.

En effet, la loi modifiĂ©e le [187] stipule simplement que : « La formation dispensĂ©e Ă  tous les Ă©lĂšves des collĂšges comprend obligatoirement une initiation Ă©conomique et sociale et une initiation technologique ainsi qu'une Ă©ducation aux mĂ©dias et Ă  l'information. » Article L332-5 du code de l’éducation.

De plus, l’article L111-2 modifiĂ© le du mĂȘme code[188] stipule que : « Elle [l’école] dĂ©veloppe les connaissances, les compĂ©tences et la culture nĂ©cessaires Ă  l'exercice de la citoyennetĂ© dans la sociĂ©tĂ© contemporaine de l'information et de la communication ».

Rachid Zerrouki, enseignant et journaliste, affirme dans Ouest-France[189] que l’école doit combattre les fake news, sans pour autant que l’éducation nationale française leur accorde un crĂ©dit dissociĂ© de l’éducation aux mĂ©dias. Pourtant, Rachid Zerrouki explique Ă©galement qu’il est trĂšs important de faire la diffĂ©rence entre Ă©ducation globale aux mĂ©dias et plus spĂ©cifiquement Ă  l’éducation face au danger, au repĂ©rage et au dĂ©codage des fake news.

En effet, l’éducation aux mĂ©dias et la dĂ©tection de fausses informations sont deux notions diffĂ©rentes. La dĂ©tection des infox ne nĂ©cessite aucunement une maĂźtrise parfaite et absolue de la lecture et des savoirs numĂ©riques.

D’ailleurs, 71 %[190] des français se disent favorables pour une Ă©ducation Ă  la dĂ©tection et Ă  la lutte contre les infox.

En 2019, le MinistĂšre de la Culture lance un appel Ă  projets[191] aux plus jeunes pour les plus jeunes d’un montant de 1,5 million d’euros dans le but de sensibiliser aux dangers et Ă  la dĂ©tection des fake news. De plus[192], les bibliothĂšques dĂ©partementales, les rĂ©seaux de lecture publique ainsi que les acteurs de l’audiovisuel participent Ă©galement Ă  la lutte contre les infox et tentent de faire Ă©voluer leurs compĂ©tences dans le domaine de l’éducation aux mĂ©dias Ă  travers leur information, leur programmation mais aussi grĂące Ă  leur interventions en milieu scolaire.

Bien qu’elle soit dĂ©jĂ  bien investie dans l’éducation aux mĂ©dias, l’Éducation nationale doit toutefois ĂȘtre capable de s’adapter aux Ă©volutions de la sociĂ©tĂ© numĂ©rique dans laquelle nous vivons et donc prendre en compte les enjeux que les fake news apportent. D’autant que l’opinion publique semble ĂȘtre en attente d’un investissement de la part de l’État sur ce terrain-lĂ . Bien que cet appel Ă  projet ouvre dĂ©jĂ  des voies d’avenir dans la lutte contre les fake news de la part de l’État, le positionnement de l’Éducation nationale française face au mouvement des infox dans son programme reste toutefois Ă  dĂ©terminer.

Des colloques scientifiques et des journées d'études liés à la lutte contre les fake news sont également organisés par des enseignants-chercheurs. Ce fut par exemple le cas d'une conférence internationale portant sur ce thÚme, organisée à Avignon les 24 et [193] - [194] et retransmise en présentiel et en distanciel[195], qui réunissait des chercheurs en droit, en informatique et en sciences de l'information et de la communication, français et internationaux, ainsi que des journalistes professionnels, autour d'axes liés à la définition des fake news, aux usages et impacts des fake news ainsi qu'à leur politisation, à la régulation des fake news et à la lutte contre les fake news[196]. De tels exemples illustrent ainsi le souhait des scientifiques de mieux cerner le problÚme des fake news, de maniÚre pluridisciplinaire, afin de mieux pouvoir le combattre.

Dans les domaines scientifiques

Le phĂ©nomĂšne des fake news s'Ă©tend de plus en plus au domaine de la recherche : selon plusieurs Ă©tudes concordantes, la communautĂ© scientifique internationale compterait Ă  ce jour prĂšs de 140 000 tricheurs dans ses rangs, soit 2 % au moins de ses membres. Dans la littĂ©rature scientifique biomĂ©dicale indexĂ©e dans Medline, la principale base de donnĂ©es bibliographiques dans le domaine, le taux de rĂ©tractation d'articles pour fraude a Ă©tĂ© multipliĂ© par dix depuis 1975. Selon une analyse sociologique portant sur plusieurs milliers de chercheurs, 2 % des scientifiques, toutes disciplines confondues, admettent avoir falsifiĂ© des rĂ©sultats pendant leur carriĂšre et 14 % dĂ©clarent connaĂźtre des collĂšgues fraudeurs. Les fraudes biomĂ©dicales sont en tĂȘte (43,4 %) des rĂ©tractations d'articles scientifiques constatĂ©es entre 1977 et 2012, selon « PNAS » : sur 2 047 articles publiĂ©s et rĂ©tractĂ©s dans le secteur, plus de la moitiĂ© (53,2 %) l'ont Ă©tĂ© pour fraude ou plagiat. Dans une Ă©tude publiĂ©e en 2015 dans « BMC Medecine », deux chercheurs de la Hanken School of Economics d'Helsinki ont estimĂ© Ă  environ 8.000 le nombre de revues scientifiques douteuses ou de piĂštre rĂ©putation. Selon leurs calculs, la quantitĂ© d'articles suspects publiĂ©s par ces titres aurait dĂ©passĂ© 400 000. Ils auraient Ă©tĂ© multipliĂ©s par huit en quatre ans[197].

Les différentes formes utilisées dans les fake news posent de nombreuses difficultés à la diffusion et la reconnaissance des avancées scientifiques aujourd'hui. La science est réguliÚrement la cible de campagnes de fake news[198], en particulier la controverse sur la vaccination, le réchauffement climatique ou encore le créationnisme, et bien sûr la santé.

La science n’est pas exempte d’erreurs et d’approximations, d’autant plus que les faits sont souvent issus d’expĂ©riences complexes. Les auteurs de fake news utilisent souvent des cas particuliers pour contredire des faits scientifiques Ă©tayĂ©s par de trĂšs nombreux travaux, ou publient de fausses Ă©tudes scientifiques dans des revues peu regardantes (« junk science »).

Pour lutter contre ces désinformations propagées par les réseaux sociaux, les scientifiques doivent trouver et pratiquer d'autres formes de communication[198].

VĂ©rification des faits

texte alternatif
Ralliement avant l'investiture de Donald Trump.

La vĂ©rification des faits (fact-checking) est une pratique journalistique consistant Ă  vĂ©rifier la vĂ©racitĂ© des propos de personnalitĂ©s publiques ou politiques. Le but est de crĂ©dibiliser le contenu des journaux et des magazines[199]. Il concerne la vĂ©rification de phrases prononcĂ©es par des personnalitĂ©s dans d’autres mĂ©dias mais il ne s’applique jamais Ă  une interview ni Ă  l’ensemble d’un article produit par une rĂ©daction[200].

Cependant, les rĂ©percussions de la vĂ©rification des faits ne semblent pas faire l'unanimitĂ© au sein de la communautĂ© scientifique. Certains chercheurs suggĂšrent qu’il permet de constituer un « outil de contrĂŽle » pour les politiciens, en les dissuadant de dire des Ă©lĂ©ments faux ou trompeurs dans leurs discours[201]. Nyhan et Reifler[202]. ont en effet constatĂ© que les lĂ©gislateurs Ă©taient plus honnĂȘtes lorsqu'ils prenaient conscience de la menace que pouvait prĂ©senter la vĂ©rification des faits. D’autres scientifiques suggĂšrent le contraire et affirment que la vĂ©rification des faits n’a que peu d’effet sur le changement de comportement des candidats politiques[203]. Par exemple, durant sa campagne, Donald Trump n’a pas rĂ©pondu aux demandes des vĂ©rificateurs de faits et il a continuĂ© Ă  rĂ©pĂ©ter de nombreuses affirmations malgrĂ© les cĂŽtes nĂ©gatives reçues. Lorsque plusieurs vĂ©rificateurs parviennent Ă  la mĂȘme conclusion pour une affirmation donnĂ©e, la vĂ©rification des faits a alors un plus grand impact sur le public. Il est donc important de vĂ©rifier si les dĂ©clarations ont Ă©tĂ© soumises Ă  plusieurs vĂ©rificateurs indĂ©pendants et si ces vĂ©rificateurs arrivent aux mĂȘmes conclusions[204].

Le contexte social peut avoir un effet sur la vérification des faits. Les personnes seraient moins susceptibles de vérifier les faits lorsqu'elles ont le sentiment de les évaluer en présence d'autres personnes que lorsqu'elles les évaluent seules. Cela a été mis en avant lors de huit expériences réalisées par Jun, Meng et Johar en 2017 ayant pour but d'évaluer comment la perception de la présence des autres pouvait affecter la façon dont les individus évaluent et intÚgrent les informations. Le contexte social entrave donc la vérification de faits et diminue en partie la garde des personnes face aux informations[205].

texte alternatif
Échelle de vĂ©ritĂ©

Une autre variable pouvant influencer la vérification des faits est le format que ce dernier peut prendre. Amazeen et al. ont mis en avant que la vérification des faits accompagnée par une échelle de vérité possÚde un effet de correction plus élevé que lorsque la vérification des faits se réalise seule. Néanmoins, dans cette étude, cette affirmation s'appliquait seulement aux vérifications de faits non politiques[206].

Le fait de croire ou non Ă  des infox peut aussi ĂȘtre influencĂ© par nos croyances idĂ©ologiques. Tout d’abord il faut savoir qu'un phĂ©nomĂšne, qualifiĂ© par Nyhan et Reifler[207] d'« effet retour de flamme » (backfire effect) peut se manifester. Celui-ci stipule que la correction d'informations fausses pourrait mener les personnes y Ă©tant prĂ©alablement exposĂ©es Ă  croire encore davantage Ă  ces informations que si elles n'avaient pas Ă©tĂ© corrigĂ©es. Un exemple[208] illustre comment les auteurs mettent en Ă©vidence cet effet : les sujets de cette expĂ©rience ont reçu des articles de presse fictifs qui confirmaient des fake news. Dans cette expĂ©rience, il s'agissait de la prĂ©sence d'armes de destruction massive en Irak prĂ©alablement Ă  l'intervention amĂ©ricaine en 2003. À la suite de la lecture, on donnait au mĂȘme sujet un article qui dĂ©montrait qu'aucune arme de destruction massive n'avait Ă©tĂ© trouvĂ©e Ă  la suite de cette intervention. Les sujets se situant Ă  gauche de l'Ă©chiquier politique, qui Ă©taient opposĂ©s Ă  la guerre, adhĂ©raient aux conclusions du deuxiĂšme article et rejetaient le premier. À l'inverse, les sujets conservateurs, qui soutenaient la guerre, ont rĂ©agi de façon contraire. Outre, ils ont affirmĂ© ĂȘtre encore plus sĂ»rs de l'existence de ces armes aprĂšs avoir lu l'article dĂ©montrant qu'il n'y en avait pas. Le motif qu'ils avancent pour Ă©tayer cette conviction est que Saddam Hussein les avait cachĂ©es ou dĂ©truites[209]. En fait, Nyhan et Reifler ont notĂ© que chez de nombreux conservateurs, « la croyance que l'Irak possĂ©dait des armes de destruction massive juste avant l'invasion par les États-Unis a persistĂ© longtemps aprĂšs que l'administration Bush elle-mĂȘme ait fini par admettre que ce n’était pas le cas »[210]. L’effet retour de flamme est une des manifestations du biais de confirmation[211], celui-ci est la tendance des gens Ă  accorder plus de crĂ©dibilitĂ© aux preuves corroborant leurs croyances prĂ©existantes. Dans ce cas, le biais est si fort que les gens refusent d’envisager la possibilitĂ© qu’ils se soient trompĂ©s (voir aussi Dissonance cognitive).

Le biais du statu quo le fait d'avoir une tendance Ă  maintenir une situation dans la prise de dĂ©cision. C’est une façon de penser erronĂ©e accordant plus de crĂ©dibilitĂ© aux informations n’impliquant pas de changement dans la vie courante[212].

Pourtant, l’ensemble de cette expĂ©rience est Ă  prendre avec des pincettes, car elle n’a pas Ă©tĂ© corroborĂ©e par d'autres tests scientifiques. En effet, d’aprĂšs plusieurs Ă©tudes[213], les citoyens tiennent, pour la majoritĂ©, compte des informations factuelles, mĂȘme lorsque celles-ci remettent en question leurs engagements idĂ©ologiques. De plus, lorsque Nyhan a examinĂ© l'ensemble des donnĂ©es d'autres Ă©tudes, il a reconnu que la prĂ©valence et l'ampleur des effets de retour de flamme auraient pu ĂȘtre surestimĂ©es et qu'il faudrait un travail minutieux pour savoir exactement quand et comment il entre en jeu.

L’éducation aux mĂ©dias

La force de l'Ă©ducation aux mĂ©dias et Ă  l'information rĂ©side dans le fait qu'il s'agit d'une solution prĂ©ventive, plutĂŽt que curative : « l’éducation aux mĂ©dias se fait en amont, dĂšs le plus jeune Ăąge mais aussi tout au long de la vie, pour former des citoyens capables de repĂ©rer les fausses nouvelles avant mĂȘme d’avoir eu le temps d’ĂȘtre trompĂ©s »[214]. D’autant plus que l’éducation numĂ©rique en France est en plein essor, et que les jeunes ont accĂšs dĂšs leur plus jeune Ăąge, aux mĂ©dias et Ă  l’information.

Un groupe d’experts de haut niveau sur les infox et la dĂ©sinformation en ligne (HLEG) dĂ©signĂ© par la Commission europĂ©enne a Ă©tudiĂ© diverses actions pour amĂ©liorer l’éducation aux mĂ©dias au sein de l’Union europĂ©enne. D’aprĂšs leur rapport, pour que l’éducation aux mĂ©dias et Ă  l’information soit efficace, elle doit ĂȘtre mise en Ɠuvre dans les programmes scolaires. Selon ces mĂȘmes experts, l’éducation aux mĂ©dias et Ă  l’information doit ĂȘtre reconnue comme une compĂ©tence essentielle Ă  l’alphabĂ©tisation[215].

Selon Laurence Maurin et Thomas Blanchet (2014)[216], « les ambitions de l’éducation aux mĂ©dias sont de plusieurs ordres : acquĂ©rir des compĂ©tences d’analyse critique de l’information fournie, accroĂźtre ses connaissances sur le fonctionnement du monde des mĂ©dias (sociologie et Ă©conomie des mĂ©dias), acquĂ©rir des compĂ©tences transdisciplinaires (trouver des informations, argumenter, Ă©crire
), dĂ©couvrir un secteur professionnel par des rencontres, et finalement, exercer son droit d’expression ». Les auteurs tĂ©moignent de dispositifs pĂ©dagogiques mis en place ces derniĂšres annĂ©es au sein d’écoles et dĂ©montrent que l’éducation aux mĂ©dias « permet une dĂ©couverte critique du fonctionnement de ceux-ci »[216]. Ces dispositifs portent sur l’attention aux sources pour sĂ©lectionner de l’information et sur l’analyse de la production des mĂ©dias :

  • l’expĂ©rience sur la sĂ©lection des sources s’est dĂ©roulĂ©e dans une classe de 1re (16-17 ans), dans laquelle les enseignants ont constatĂ© une difficultĂ© Ă  comprendre la vĂ©ritable portĂ©e d’une source bibliographique. Elle a Ă©tĂ© divisĂ©e en trois sĂ©quences : repĂ©rer des auteurs dans un texte, rechercher de nouvelles sources d’informations sur un sujet dĂ©signĂ© et rĂ©diger une bibliographie. Ces sĂ©quences ont poussĂ© les Ă©lĂšves Ă  s’interroger sur « l’intĂ©rĂȘt d’une source et sur la connaissance qu’elle pouvait apporter Ă  un lecteur »[216].
  • la seconde expĂ©rience sur la production des mĂ©dias s’est inscrite dans le cadre de la pĂ©dagogie de projet avec les Ă©lĂšves de 1re SES (sciences Ă©conomiques et sociales). Pour rĂ©pondre Ă  des difficultĂ©s en matiĂšre d’argumentation et des lacunes sur l’actualitĂ©, la classe a produit une Ă©mission de radio. Cet exercice s’est organisĂ© en plusieurs temps : analyser le style d’écriture et la diction des journaux radio, collecter des informations sur un thĂšme, argumenter grĂące Ă  l’écriture d’un article et enfin, enregistrer une chronique. Les rĂ©sultats de l’expĂ©rience dĂ©montrent que la crĂ©ation d’une Ă©mission de radio a permis aux Ă©lĂšves de dĂ©velopper des compĂ©tences dans l’appropriation des connaissances, l’expression et l’argumentation, tout en travaillant l’actualitĂ© et la dĂ©couverte du fonctionnement des mĂ©dias[216].

De plus, en dehors du milieu scolaire, l’éducation aux mĂ©dias est aussi soutenue Ă  travers plusieurs institutions afin de sensibiliser, rendre autonome et former un maximum de personnes face au phĂ©nomĂšne des infox. L'UNESCO propose au grand public des ressources telles que des cours en ligne gratuits ainsi qu’un service de recherche via l’Alliance mondiale pour les partenariats MIL (GAPMIL) et le RĂ©seau universitaire MIL[217]. En France, la BibliothĂšque Nationale de France (BNF) et le Centre pour l’éducation aux mĂ©dias et Ă  l’information (CLEMI) s’engagent aussi dans la prĂ©vention contre les fake news, notamment par la prĂ©sence de liens (jeux, quiz, conseils, etc.) et d’ouvrages sur leur site, ou par des expositions et des affiches Ă©ducatives accessibles Ă  tous que ce soit au grand public ou Ă  des instances universitaires ou scolaires[218].

L’éducation aux mĂ©dias « peut donc ĂȘtre une fin (dĂ©couvrir le champ des mĂ©dias) comme un moyen (acquĂ©rir des compĂ©tences et exercer sa citoyennetĂ©) »[216]. Elle permet Ă©galement de dĂ©velopper les aptitudes nĂ©cessaires Ă  la reconnaissance des fake news telles que : apprendre Ă  distinguer les diffĂ©rents mĂ©dias et se former Ă  l’identification des contenus en ligne et Ă  la catĂ©gorisation des sources ; vĂ©rifier une information en dĂ©mĂȘlant le vrai du faux et en analysant la cohĂ©rence de son contenu ; contrĂŽler la popularitĂ© et la fiabilitĂ© d’une source d’information[219] ; chercher l’auteur d’un document, les dates et lieux de publications ; dĂ©crypter l’origine des images et photographies. L’éducation aux mĂ©dias lutte Ă©galement contre la diffusion des fake news en incitant les usagers d’internet Ă  partager l’information de façon raisonnĂ©e et responsable. En outre, elle leur prĂ©sente d’autres stratĂ©gies visant Ă  limiter la prĂ©sence d’informations erronĂ©es dans un texte telles que : corriger les erreurs rencontrĂ©es lors de la lecture d’un texte ; rĂ©futer les informations fausses par la prĂ©sentation de « faits » vĂ©ridiques et les rĂ©pĂ©ter ; avertir les autres usagers lorsqu’une information est fausse ; mettre en avant le caractĂšre ridicule de certaines informations ; rĂ©flĂ©chir avant de directement croire au contenu d’une information[220]. Il s’avĂšre finalement qu’une Ă©ducation de qualitĂ© permettant de « favoriser l’apprentissage du raisonnement logique et scientifique, de maĂźtriser la rhĂ©torique et l’argumentation »[219] est une solution pour lutter contre la fausse information.

Prévalence de la diffusion des contrevérités

Une Ă©tude menĂ©e par des chercheurs en science politique amĂ©ricains, publiĂ©e dans Science Advances en 2019, caractĂ©rise les profils de personnes qui diffusent de fausses informations sur Facebook. La grande majoritĂ© des utilisateurs ne partage pas d'article provenant de sites diffusant des fausses nouvelles[221]. L'Ăąge est le principal critĂšre permettant de dĂ©terminer la propension Ă  partager des infox. Aux États-Unis, les seniors diffusent plus facilement de fausses informations que les autres AmĂ©ricains. Ils partagent prĂšs de sept fois plus d'articles provenant de faux sites d'actualitĂ©s que ceux appartenant au groupe d'Ăąge le plus jeune. Pour Ă©viter le dĂ©veloppement des contrevĂ©ritĂ©s, l'Ă©ducation aux mĂ©dias ne doit donc pas seulement concerner les jeunes gĂ©nĂ©rations mais l'ensemble de la population[222].

Tous les pays Ă  fort dĂ©veloppement des rĂ©seaux sociaux semblent touchĂ©s par le phĂ©nomĂšne des infox. Les plus sinistrĂ©s sont les pays dĂ©mocratiques trĂšs peuplĂ©s oĂč la population est peu Ă©duquĂ©e : Inde, BrĂ©sil, Nigeria... Mais mĂȘme des pays comme le Canada sont profondĂ©ment touchĂ©s[166].

Questions autour des infox

Peut-on utiliser la lutte contre les fausses informations à d'autres finalités ?

Pour Pascal Froissart[134] de l'Université Paris VIII, les fausses informations permettent surtout « de détourner l'attention sur un non sujet », non sujet souvent beaucoup plus propice au débat que des sujets plus sérieux sur des questions de fonds. Certains gouvernements utilisent la lutte contre les fake news comme prétexte pour réduire au silence des forces politiques d'opposition comme au Cameroun fin 2016[223].

Pour FrĂ©dĂ©ric Lordon, le problĂšme ne serait pas tant celui des fake news, produits mĂ©diatiques courants depuis l'existence d'un espace public, mais plutĂŽt celui d'un discours obsessionnel sur les fakes news[224]. Ce thĂšme serait connexe Ă  celui de l'Ăšre de la post-vĂ©ritĂ© conduisant progressivement Ă  une Ăšre de la post-politique. L'obsession pour la traque des fausses nouvelles serait plus rĂ©vĂ©latrice d'une perte de lĂ©gitimitĂ© auprĂšs de la population des mĂ©diations autorisĂ©es, en particulier, les mĂ©diations d'informations politiques. Ces derniĂšres pensant que la simple vĂ©rifications de faits serait suffisante pour produire un contenu de journalisme politique alors que selon lui : « Ce que le journalisme “de combat” contre la post-vĂ©ritĂ© semble radicalement incapable de voir, c’est qu’il est lui-mĂȘme un journalisme de la post-politique [
]. Le problĂšme est [
] que des faits correctement Ă©tablis ne seront jamais le terminus de la politique mais Ă  peine son commencement, car des faits n’ont jamais rien dit d’eux-mĂȘmes, rien ! »[225].

L'autre tùche du journalisme politique serait donc d'examiner et de proposer des alternatives plutÎt que de se limiter à vérifier les faits de propositions politiques déjà présentes et bien médiatisées dans l'espace public[225].

Fausses informations et question de la vérité

L'identification des infox soulÚve la question importante de qui peut objectivement déterminer ce qui est vrai de ce qui est faux[98].

Pour Pascal Froissart, enseignant-chercheur, spĂ©cialiste de la rumeur, « Le grand danger, c'est de donner la responsabilitĂ© Ă  l’État de dire le vrai du faux »[4].

Atteintes Ă  la libertĂ© d’expression

Pour Jacob Mchangama, un avocat danois et fondateur d'un groupe de réflexion qui défend la liberté d'expression, la lutte contre les fausses informations sur les réseaux sociaux est comparable à la lutte des inquisiteurs religieux qui publiÚrent un index des travaux interdits, mis à jour réguliÚrement jusqu'au XXe siÚcle. L'église justifiait alors l'existence de cette liste en arguant que « la liberté de croyance » était pernicieuse à la fois pour l'individu errant et, par extension, pour la société. Selon Jacob Mchangama, la meilleure réponse au fake news est « de débattre et non de brandir une paire de menottes »[226].

Pour Emmanuel Todd, la menace n’est pas celle des Fake news mais l’autoritarisme d’État et sa volontĂ© de contrĂŽler les opinions. Les Ă©lites « ne comprennent plus la rĂ©alitĂ© qu’elles ont elles-mĂȘmes crĂ©Ă©e, le comportement des Ă©lectorats, Trump, le Brexit
, elles veulent interdire. Non content d’avoir le monopole de la violence lĂ©gitime, l’État voudrait s’assurer le monopole des Fake news » [...] « s’il y a bien un producteur de Fake news Ă  contrĂŽler c’est l’État »[132].

En France, selon Nathalie MP Meyer, journaliste libérale, interdire ou censurer une quelconque information, sauf en cas de diffamation ou d'atteinte à la personne, est un acte contraire à la liberté d'expression et donc aux droits fondamentaux[227].

Selon Human Rights Watch, avant la pandémie de Covid-19, plusieurs dizaines de pays avaient déjà criminalisé ce qu'ils appelaient globalement les « fausses nouvelles ». Depuis le début de l'année 2020, au moins cinq pays ont profité de la pandémie pour emboßter le pas, en adoptant de nouvelles lois interdisant la publication ou toute autre diffusion d'informations jugées fausses, en invoquant le Covid-19 ou la santé publique comme raison de cette restriction ou sans faire référence à des rapports de santé publique. Les sanctions pour violation de ces nouvelles lois allaient d'amendes à des peines de prison[228].

Notes et références

Notes

  1. La langue anglaise différencie false, que l'on traduit par « faux » et qui sous-entend la notion d'erreur, de fake, qui signifie « fabriqué, bidonné » et sous-entend l'intention (délibérée) d'induire en erreur.
  2. GAFAM est un acronyme formé de l'initiale des cinq grandes firmes américaines qui dominent le marché du numérique : Google ; Apple ; Facebook ; Amazon et Microsoft.
  3. Les données publiées au JORF sont réutilisables gratuitement sous licence ouverte v2.0[174], compatible licence Creative Commons Attribution[175].
  4. La saisine suspend le délai de promulgation de la loi[178].

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  • Florian GouthiĂšre, SantĂ©, science, doit-on tout gober ?, Paris, Belin, coll. « Essais », , 428 p. (ISBN 978-2-410-00930-9).
  • François-Bernard Huyghe, DĂ©sinformation : les armes du faux, Armand Colin, 2016
  • Julien Richard-Thomson : Infox ! le grand livre des fake news, Hugo Desinge, 2019
  • 20 minutes: Le "masque visage" Ă  la cannelle d'EnjoyPhoenix dangereux pour la santĂ©, 2015.
  • Thomas Huchon et Jean-Bernard Schmidt, Anti fake news, First, 2022.

Publications universitaires

Ouvrages historiques

  • David Colon, Propagande : la manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, Belin, (ISBN 978-2-410-01578-2)
  • Philippe Bourdin et StĂ©phane Le Bras (dir.), Les fausses nouvelles : un millĂ©naire de bruits et de rumeurs dans l'espace public français, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, (ISBN 978-2-84516-811-4)

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