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Gisement de gaz de Lacq

Le gisement de gaz de Lacq (parfois dit « Lacq profond » pour le distinguer du petit gisement de pétrole de « Lacq supérieur » qui le surplombe) est le plus grand gisement de gaz naturel de France, appartenant géologiquement au Bassin aquitain. Situé dans le département des Pyrénées-Atlantiques, il a été découvert en 1951 et a contribué à alimenter le réseau de gaz naturel du pays de 1957 à 2013. Sa mise en production représentait d'énormes difficultés techniques pour l'époque, du fait de la profondeur du gisement mais surtout à cause de l'importante teneur en sulfure d'hydrogène (H2S), un gaz corrosif et toxique.

Lacq
Image illustrative de l'article Gisement de gaz de Lacq
Rond-point de Lacq avec une pompe à pétrole.
Présentation
CoordonnĂ©es 43° 25′ nord, 0° 37′ ouest
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gion Nouvelle-Aquitaine
En mer / sur terre Terre
Exploitant Successivement SNPA, Elf Aquitaine, Total, Geopetrol
Historique
DĂ©couverte 1951
DĂ©but de la production 1957
ArrĂŞt de la production 2013[Note 1]
Caractéristiques (2013)
Gaz extrait 254 kmÂł
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Géolocalisation sur la carte : Pyrénées-Atlantiques
(Voir situation sur carte : Pyrénées-Atlantiques)

L'exploitation du gaz de Lacq a été à l'origine d'un développement industriel et technologique important. Il a donné naissance à une ville nouvelle à Mourenx et à un grand bassin industriel sur quatre sites, où sont nées les entreprises qui sont devenues Sanofi et Arkema, géants du médicament et de la chimie respectivement. Ce pôle industriel est parvenu à se reconvertir et à survivre à l'épuisement des réserves, on y trouve aujourd'hui des activités allant de la chimie fine aux énergies renouvelables.

La Société nationale des pétroles d'Aquitaine (SNPA), qui a initialement exploité le gisement et s'est développée grâce à lui, a intégré, après diverses fusions, le groupe Elf Aquitaine puis Total, qui a récupéré l'héritage technologique de Lacq.

GĂ©ologie

Le Bassin aquitain

Le Bassin aquitain est, après le Bassin parisien, le deuxième plus grand bassin sédimentaire de France métropolitaine. Il présente une forme classique de cuvette, où les strates les plus anciennes affleurent en périphérie du bassin. Sa structure est asymétrique, car la collision avec la plaque ibérique, survenue au Mésozoïque, a comprimé la partie sud du bassin[g 1] - [g 2].

Deux sous-bassins présentent des réserves d'hydrocarbures : le bassin de Parentis et le bassin de l'Adour. Le premier, situé dans les Landes autour du bassin d'Arcachon, a offert plusieurs gisements de pétrole dont le plus grand de France, à Parentis-en-Born. Le second contient principalement le gisement de Lacq[g 3].

Formation du gisement de Lacq

L'existence d'un gisement d'hydrocarbures nécessite la présence de trois strates successives aux rôles différents, à savoir, de bas en haut (donc de la strate la plus ancienne à la plus récente)[g 4] :

  • une roche-mère ou roche-source, riche en kĂ©rogène (matière organique) ;
  • une roche-rĂ©servoir, c'est-Ă -dire une strate suffisamment poreuse pour accueillir les hydrocarbures ;
  • une roche-piège, couche suffisamment impermĂ©able pour les empĂŞcher de continuer leur migration (les hydrocarbures, plus lĂ©gers que l'eau, migrent naturellement vers le haut, sauf cas exceptionnels).

La présence de ces strates ne suffit pas à assurer la présence d'un gisement de pétrole. Il faut encore que la profondeur d'enfouissement de l'ensemble soit suffisante pour que la température permette la pyrolyse qui génèrera les hydrocarbures, et que l'interface entre la roche-réservoir et la roche-piège prenne une forme (anticlinale par exemple) propice à l'accumulation des fluides[g 5].

Dans le cas de Lacq, la séquence est la suivante[g 6] :

Caractéristiques du gisement

Morphologiquement, le gisement de Lacq est de forme ovale, mesurant 20 km par 15, logĂ© dans un dĂ´me anticlinal. Le toit du gisement, dĂ©limitĂ© par une couche de marnes, se situe, au point le plus haut, Ă  3 400 m sous le sol. La porositĂ© est faible et le rĂ©servoir est très fracturĂ©. La pression initiale est de 66 MPa, presque le double de la pression hydrostatique, ce qui est une particularitĂ© inhabituelle[g 1] : la plupart des gisements ont une pression interne sensiblement Ă©gale Ă  la pression hydrostatique Ă  leur profondeur[b 1].

La composition du gaz varie légèrement selon les sources. Lefebvre donne les valeurs suivantes[g 7] :

Ces pourcentages s'entendent en volume, les fractions en masse sont différentes du fait de la densité des différents gaz. La présence de CO2 n'est pas spécialement préjudiciable, en revanche le H2S est un gaz extrêmement corrosif (et toxique[f 1] - [f 2]) qui posera bien des difficultés à l'exploitant. Les hydrocarbures plus complexes que le méthane (éthane, propane, butane, pentane) sont des carburants à haute valeur ajoutée[g 7].

DĂ©couverte et mise en exploitation

La mise en exploitation du gisement de Lacq résulte de la volonté française d'améliorer l'indépendance énergétique du pays, de la formation de sociétés dédiées, et finalement de l'exploration en Aquitaine.

Une volonté industrielle nationale

Avec l'exploitation de pétrole de Pechelbronn, artisanale au Moyen Âge puis industrielle à partir des années 1740[d 1] - [d 2], la France a connu très tôt une activité de production d'hydrocarbures. Cette exploitation et les savoir-faire associés sont perdus avec l'annexion de l'Alsace-Lorraine. Le début du développement de l'industrie pétrolière se fait sans la France. Durant la Première Guerre mondiale, marquée par un début de mécanisation des forces armées, la France dépend largement des États-Unis pour son approvisionnement en carburant, que Georges Clemenceau en vient à demander directement à Woodrow Wilson[b 2].

À l'issue du conflit, la France hérite au titre des dommages de guerre de 23,75 % de la Turkish Petroleum Company, part détenue précédemment par la Deutsche Bank ; elle a ainsi une part des énormes richesses pétrolières irakiennes et crée la Compagnie française des pétroles dirigée par Ernest Mercier pour gérer ces actifs. La loi du pousse plus loin le dirigisme français en la matière en attribuant à l'État le monopole de l'importation de pétrole[d 3]. Le succès est au rendez-vous en matière de raffinage : en 1939, la capacité de raffinage française est la plus grosse d'Europe. Mais, jusqu'à la fin des années 1930, l'approvisionnement français en pétrole reste largement tributaire de l'Irak (40 % en 1937) et d'un consortium dominé par les Anglo-saxons et vulnérable à la sécurité de l'oléoduc de Mossoul à Haïfa et de la navigation en Méditerranée[b 3].

Dans l'entre-deux-guerres quelques travaux de prospection pétrolière sont menés en différents points du territoire français, sans résultat notable. S'agissant de l'Empire colonial, le géologue Conrad Kilian croit au potentiel pétrolier de l'Algérie, mais sans convaincre les autorités[b 4].

Les prémices de l'exploration dans le bassin de l'Adour

La découverte du gisement de Saint-Marcet en Haute-Garonne en 1939 est le premier succès notable, récompensant de nouveaux choix dans la stratégie d'exploration. La Régie autonome des Pétroles (RAP) est constituée immédiatement, avec pour mission première de développer ce gisement. Pendant l'Occupation, malgré les pénuries, la RAP parvient à forer des puits de production dans le gisement et à déployer des gazoducs vers Pau et Toulouse. Le gaz naturel alimente quelques installations industrielles et le GPL associé est aussi commercialisé, ces carburants aident quelque peu le Sud-Ouest à faire face aux privations en matière de houille et de pétrole, réquisitionnés par l'occupant[b 5].

Une deuxième entité publique, la SNPA (société nationale des pétroles d'Aquitaine), est créée en 1941 pendant l'Occupation. Dirigée par Pierre Angot, un ingénieur des mines, la nouvelle société, où l'État détient 50 % des parts (des sociétés comme Saint-Gobain, Pechiney et Rhône-Poulenc étant aussi actionnaires), se voit confier l'exploration dans une vaste région s'étendant schématiquement d'Albi à Bayonne[b 6].

En 1948, une campagne de prospection sismique menĂ©e autour de Lacq rĂ©vèle l'existence de l'anticlinal. En effet, si pour Saint-Marcet, l'anticlinal Ă©tait visible en surface, Ă  Lacq il est masquĂ© par les couvertures tertiaire et quaternaire, l'usage de cette technologie Ă©tait donc incontournable[g 4]. Un forage est entrepris en 1949 et, Ă  650 mètres de profondeur, il rencontre une nappe de pĂ©trole : le gisement de Lacq supĂ©rieur. Il est rapidement mis en exploitation et sa production culmine Ă  300 000 tonnes par an (environ 6 000 barils/jour), mais elle dĂ©cline rapidement : Ă  la fin des annĂ©es 1950, le gisement est dĂ©jĂ  considĂ©rĂ© comme en fin de vie[e 1] - [b 1]. Bien que modeste, ce gisement conforte les espoirs dans la rĂ©gion et permet Ă  la SNPA de disposer enfin de rentrĂ©es d'argent suffisantes[b 7].

La découverte de Lacq et ses suites

Sachant qu'il n'est pas rare de dĂ©couvrir des gisements superposĂ©s, logĂ©s dans des strates successives du mĂŞme anticlinal, la dĂ©couverte de cette nappe de pĂ©trole peu profonde a incitĂ© la SNPA Ă  continuer avec un forage plus profond. Ce puits, « Lacq 3 », est entrepris en 1951. Alors que le trĂ©pan atteint une profondeur de 3 550 mètres, le , le gaz jaillit, dĂ©truit l'appareillage de forage, et se rĂ©pand dans les environs. Ă€ l'odeur, les ingĂ©nieurs comprennent immĂ©diatement la prĂ©sence de H2S, et donc la toxicitĂ© du gaz, mais le risque le plus grand est celui d'une explosion. La circulation dans les environs est verrouillĂ©e par la gendarmerie[b 8]. On craint la catastrophe.

Après avoir pallié l'urgence en mettant en place une torchère, la SNPA fait appel à Myron M. Kinley (en), un spécialiste de ce genre de situations, qui arrive en urgence du Texas. L'Américain prend le contrôle des opérations et parvient à boucher le puits[b 9]. La découverte de gaz est en quelque sorte une déception : c'est du pétrole qui était espéré[e 2], et le gaz n'est pas à cette époque une ressource vraiment recherchée.

Mise en production

Commence alors un travail de recherche sur les causes du désastre. L'acier du chemisage des puits s'est désagrégé, ce qui est attribué à un effet de corrosion fissurante. Des ingénieurs sont envoyés en Amérique du Nord étudier les solutions mises en place face à des gisements à haute teneur en H2S, en particulier l'usage de tubes dont l'intérieur est revêtu de bakélite. Mais cette solution s'avère inapplicable à Lacq, car la profondeur et la pression à Lacq imposent l'emploi d'une boue de forage très alcaline, à laquelle la bakélite ne résiste pas[b 10].

Si les puits Lacq 101 et Lacq 102, creusés au nord et au sud du puits de la découverte initiale, confirment l'extension du gisement, il faut attendre 1956 pour que la solution au problème de corrosion fissurante soit trouvée : c'est la société des Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries de Pompey, célèbre pour avoir fourni le fer de la tour Eiffel, qui a réussi à mettre au point un acier au chrome résistant à ce phénomène[b 11]. Par ailleurs, l'appréciation du gisement continue : en 1957, sept puits, en plus du puits de découverte initial, ont permis d'en délimiter les contours[g 4].

Pour financer l'ensemble des travaux nĂ©cessaires Ă  la production et Ă  la commercialisation du gaz de Lacq, la SNPA procède Ă  une augmentation de capital en 1956 : le capital social passe de 6,2 Ă  9,3 milliards de francs. De plus, 25 milliards de francs sont levĂ©s sous forme d'emprunts[e 1]. La volontĂ© de dĂ©velopper ce gaz est renforcĂ©e par la situation politique. La guerre d'AlgĂ©rie vient en effet de commencer, crĂ©ant un doute sur la disponibilitĂ© future des ressources du Sahara — les gisements pĂ©troliers de Hassi Messaoud et gazier de Hassi R'Mel fraichement dĂ©couverts — pour la France. De plus, la rĂ©cente crise de Suez a fait apparaĂ®tre le spectre d'interruptions de l'approvisionnement en pĂ©trole. Enfin le marchĂ© commun europĂ©en entre alors en vigueur, et le gaz, offrant le potentiel d'une source d'Ă©nergie bon marchĂ©, est perçu comme un possible facteur de compĂ©titivitĂ© pouvant aider l'industrie française dans ce contexte de concurrence accrue[e 3].

En outre, à l'époque, l'opinion générale est que l'énergie nucléaire va se développer au point de rendre, à l'échéance d'une trentaine d'années, les combustibles fossiles obsolètes. Il apparaît donc raisonnable d'envisager l'exploitation du gaz dans cette fenêtre de temps[e 3].

L'Ă©puration du gaz

Schéma illustrant les flux de matières et organes composant une installation de traitement de gaz par une amine.
Schéma de procédé d'une installation de traitement des gaz par une amine.

Pour que le gaz de Lacq soit utilisable comme carburant, la priorité est de le débarrasser de son H2S. La technologie existe : brevetée aux États-Unis en 1930[g 8], elle consiste à « laver » le gaz avec des amines liquides qui fixent le gaz acide (CO2 et H2S dans le cas présent) puis sont traitées pour désorber le gaz. En France, cette technique était déjà appliquée à petite échelle dans certaines raffineries, mais il faut ici la développer à une échelle considérable, ce que les équipes de la SNPA réussissent à réaliser dans un délai relativement court[b 12]. L'usine entre en service, avec une fraction seulement de sa capacité finale, en .

Création d'un réseau de gaz naturel

Avant Lacq, la production et la consommation de gaz naturel en France sont limitées aux petites quantités produites par le gisement de Saint-Marcet et consommées exclusivement dans le Sud-Ouest. En 1947 cette production se chiffre à 174 millions de mètres cubes[e 4]. Les grandes villes possèdent cependant déjà des réseaux de distribution de gaz combustible, nourri par des usines à gaz au gaz manufacturé, un mélange d'hydrogène, de monoxyde de carbone et de méthane notamment (donc hautement toxique).

Le gaz naturel peut non seulement remplacer le gaz manufacturé pour les usages domestiques (chauffage, cuisine), mais aussi être utilisé beaucoup plus largement que lui dans l'industrie, du fait de son pouvoir calorifique bien supérieur[b 13]. Pour cela, encore faut-il que le gaz puisse être acheminé vers les centres de consommation. Aucun réseau de gaz naturel à grande échelle n'existe alors en Europe de l'Ouest, même si l'Italie est en train de déployer le sien, sous l'impulsion d'Enrico Mattei, après la découverte de gisements dans la plaine du Pô.

Deux réseaux distincts sont créés : l'un d'envergure régionale, cantonné au Sud-Ouest, l'autre à l'échelle du pays[e 5] - [e 6]. Le réseau du Sud-Ouest est sous la tutelle de la Société nationale de Gaz du Sud-Ouest (SNGSO, ancêtre de TIGF), il distribue le gaz de Lacq et de Saint-Marcet vers Bordeaux, Toulouse, Bayonne, Pau notamment. C'est l'extension du réseau qui distribuait déjà le gaz de Saint-Marcet.

Le réseau d'envergure nationale est mis en place par la Compagnie française du méthane (CeFeM), coentreprise créée spécifiquement dans ce but par la SNPA et Gaz de France, qui entame ainsi sa mutation : de producteur et distributeur de gaz manufacturé, l'entreprise devient transporteur et distributeur de gaz naturel. Le réseau comporte un gazoduc principal Lacq-Paris, dont se détachent deux branches vers Nantes et Lyon et de nombreuses ramifications desservant d'autres villes. La région parisienne ne va cependant jamais consommer une part importante du gaz béarnais. Sur le trajet du gazoduc principal, un centre de stockage saisonnier en nappe aquifère est installé à Lussagnet[e 6].

Cette organisation en deux rĂ©seaux distincts reflète diffĂ©rents impĂ©ratifs. D'un cĂ´tĂ©, il y a des motivations d'amĂ©nagement du territoire : il a Ă©tĂ© convenu que le gaz doit profiter prioritairement au Sud-Ouest, et on dĂ©cide que les industries s'installant dans cette rĂ©gion bĂ©nĂ©ficieront d'un gaz lĂ©gèrement moins cher qu'ailleurs. De l'autre, il s'agit de rĂ©soudre un Ă©pineux problème d'Ă©quilibre des pouvoirs entre la SNPA et Gaz de France[b 14]. Ă€ la fin des annĂ©es 1960, le rĂ©seau de la SNGSO totalise 2 072 km et celui de la CeFeM 2 912 km[e 5].

Aménagement du territoire local


Photo d'un parking avec des bâtiments en arrière plan.
La ville nouvelle de Mourenx.

Cette activitĂ© nouvelle nĂ©cessite Ă©videmment une main-d'Ĺ“uvre importante : le nombre d'emplois industriels directs augmente jusqu'Ă  3 400 en 1964, tandis que les chantiers, naturellement transitoires, emploient un maximum (en 1959) de plus de 5 000 personnes[e 7]. Les ouvriers viennent du dĂ©partement et des dĂ©partements voisins, tandis que les cadres proviennent de toute la France. Les chantiers emploient nombre de ruraux bĂ©arnais comme main-d'Ĺ“uvre, non qualifiĂ©s, ceux-ci trouvent rarement des emplois dans les usines par la suite, beaucoup Ă©migrent alors en ville. Les chantiers font aussi partiellement appel Ă  une main-d'Ĺ“uvre nord-africaine, espagnole, italienne et portugaise.

Un nouveau problème se pose : il faut loger ces salariés, ainsi que leurs familles. Les villes proches du gisement sont petites et n'offrent pas assez de logements[e 7].

Ainsi, en parallèle avec les opĂ©rations industrielles sus-citĂ©es, un projet d'urbanisme est menĂ© : une ville nouvelle est crĂ©Ă©e sur la commune de Mourenx. Construite sur le schĂ©ma des grands ensembles, elle comprend en son centre des barres d'immeubles rĂ©unis en Ă®lots, en sa pĂ©riphĂ©rie des pavillons destinĂ©s Ă  loger les cadres, quoique nombre de ces derniers rĂ©sident dans l'agglomĂ©ration paloise. Elle fait l'objet d'un article du sociologue Henri Lefebvre[e 8]. Mourenx Ă©tait en 1954 un village de 218 habitants, la commune en compte 8 660 en 1962 et 10 734 en 1968[d 4]. En 1964, Mourenx reste une ville-dortoir, sous-Ă©quipĂ©e en commerces, restaurants, infrastructures de santĂ© ou lieux de loisirs, ses habitants ayant surtout recours Ă  ceux de Pau[e 7].

Le problème du transport se pose également : il faut acheminer beaucoup de matériel, puis évacuer les produits de l'industrie qui se met en place. Par chance, bien que la zone soit peu peuplée et peu industrialisée jusque-là, des infrastructures sont disponibles[e 9] :

Les aménagements nécessaires sont donc effectués sur cette base existante. Enfin le gave de Pau fournit l'eau nécessaire.

La construction des usines et de la ville nouvelle a amputé environ un millier d'hectares de terres arables dans la vallée, accélérant l'exode rural[e 7].

Un demi-siècle d'exploitation

Photo nocturne d'un complexe industriel.
Le site de Lacq en 1964.

Pendant plusieurs décennies, le gaz de Lacq contribue à alimenter la France en énergie. Son exploitant change au gré des fusions : la SNPA devient en 1966 l'ERAP en absorbant l'Union générale des Pétroles et l'Union générale de Distribution. Le groupe est renommé Société nationale Elf Aquitaine en 1976. En 1994, le groupe est privatisé et devient simplement Elf Aquitaine. En 2000, une fusion avec Total, héritière de la CFP, produit TotalFinaElf, renommé Total en 2003.

Une source majeure de gaz pour la France

En 1973, la production française de gaz naturel, provenant presque entièrement de Lacq, est d'environ 75 TWh, soit 6,3 Mtep ; pour comparaison les mines de charbon ont produit 17,3 Mtep la mĂŞme annĂ©e et la consommation française d'Ă©nergie primaire est de 180 Mtep, le gaz français y subvient donc pour 3,5 %[d 5], part qui ne cesse de dĂ©cliner.

Toutefois, la part de Lacq dans la consommation nationale de gaz chute rapidement. Le développement de cette source d'énergie se fait avec des importations. Les Pays-Bas ont découvert en 1959 l'énorme gisement de Groningue, d'une taille plus de dix fois supérieure à celle de Lacq, et concluent rapidement des contrats d'exportation vers la Belgique, l'Allemagne et la France, ce qui marque le début de l'internationalisation du marché du gaz en Europe[e 10]. La connexion avec le réseau français est établie à Taisnières-en-Thiérache (Nord) et la France importe du gaz néerlandais dès 1970[e 11]. Du gaz naturel liquéfié provenant d'Algérie (d'autres fournisseurs émergent ensuite) est débarqué à Fos à partir de 1972 et à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) en 1980. En 1976, les importations de l'URSS débutent[e 10].

Le pic de production de Lacq est atteint en 1982 avec 12 milliards de mètres cubes par an (Ă©quivalent Ă©nergĂ©tique de presque 200 000 barils de pĂ©trole par jour). Commence alors un long dĂ©clin du dĂ©bit[e 2]. L'activitĂ© de forage de nouveaux puits dans le gisement, jusqu'alors continue, prend alors pratiquement fin. Au total Lacq sera percĂ© de 165 puits[d 6].

DĂ©veloppement d'un bassin industriel

Dès sa découverte, le gaz de Lacq apparaît comme une occasion de développer une région jusque-là peu industrialisée[e 3].

Le bassin industriel de Lacq, construit rapidement autour de 1960, connaît ensuite des évolutions progressives sur les décennies suivantes. En 1961, il est organisé sur trois sites[e 12] :

  • le site central de Lacq, directement Ă  la verticale du gisement, comprenant toutes les activitĂ©s de traitement du gaz et de thiochimie, de petites entreprises fournissant de la sous-traitance. On trouve aussi sur ce site, dès 1958, l'usine SOBEGAL de mise en bouteille de butane et de propane[b 15] ;
  • un site plus Ă  l'ouest, qui transforme les coproduits du traitement du gaz en polystyrène et polyĂ©thylène notamment. Cette usine appartient Ă  Arkema, qui a Ă©tĂ© scindĂ© de Total en 2004 ;
  • Ă  l'est du site principal, près de Pardies le groupe Pechiney construit une fonderie d'aluminium, la plus importante de France Ă  l'Ă©poque, tandis qu'EDF bâtit une centrale thermique Ă  gaz pour l'alimenter : la production d'aluminium est très consommatrice d'Ă©lectricitĂ© et a donc besoin de kilowatts-heures bon marchĂ© pour ĂŞtre compĂ©titive. On trouve aussi plusieurs entreprises chimiques spĂ©cialisĂ©es, dont l'usine d'engrais azotĂ©s construite en 1960, qui existe toujours au dĂ©but du XXIe siècle et appartient dĂ©sormais Ă  l'entreprise norvĂ©gienne Yara International[d 7].

Ces installations ont un poids important dans l'économie régionale : à la fin des années 1960, les industries installées autour de Lacq représentent plus de la moitié du chiffre d'affaires industriel du département[e 5].

Au fil des années, de nouvelles activités industrielles naissent sur le bassin, la SNPA (puis Elf) ayant d'ailleurs la mission très officielle de créer une industrie diversifiée[b 1]. Le plus fructueux de ces investissements se situe dans l'industrie du médicament : l'activité pharmaceutique de Elf, créée à Lacq — où l'usine est toujours en activité — sous le nom d'Omnium Financier Aquitaine pour l'Hygiène et la Santé, est devenue le puissant groupe Sanofi[b 16].

  • Photo panoramique d'un complexe industriel.
    Le site industriel de Lacq.

Valorisation du soufre

Photo d'un cours d'eau avec des unités circulaires de stockage et du soufre sur la rive.
Le soufre au port de Bayonne.

Si la présence de soufre dans le gaz du gisement fut initialement, et à raison, perçue comme une difficulté majeure compliquant la mise en production, la valorisation de cet élément devient rapidement une source de revenus importante pour l'exploitant[e 5]. Le H2S est traité par procédé de Claus.

Le procédé de Claus admet pour première étape une combustion dans l'oxygène du gaz riche en H2S, ce qui produit du SO2 (d'autres réactions auxiliaires ont lieu également). La deuxième étape est une réaction entre le H2S et le SO2, qui produit de l'eau et du soufre élémentaire. Cette réaction est catalysée, à Lacq le catalyseur utilisé est de l'alumine[d 8]. Le bilan global est :

2 H2S + O2 → S2 + 2 H2O

La production s'est accrue au cours des premières annĂ©es, en phase avec la production de gaz. Elle atteint en 1967 la valeur d'1,6 Mt[e 5], valeur qui reste assez stable au cours des annĂ©es 1970[g 9] alors que la demande française Ă  la mĂŞme Ă©poque n'est que de 680 000 tonnes. En dehors de petites quantitĂ©s acheminĂ©es directement vers des clients français, l'essentiel du soufre produit est transportĂ© par des trains chargĂ©s d'environ un millier de tonnes chacun sur la ligne de Toulouse Ă  Bayonne, vers le port de Bayonne d'oĂą des navires spĂ©cialisĂ©s le transportent vers des clients en Europe, en MĂ©diterranĂ©e et occasionnellement au-delĂ [e 5]. En 1977, la France est ainsi le 6e producteur mondial de soufre, presque toute la production venant de Lacq[g 9]. Les applications du soufre sont multiples, incluant la production d'acide sulfurique, la confection de matières plastiques, de cellophane, de pesticides tels que la cĂ©lèbre bouillie bordelaise. Le soufre français est particulièrement apprĂ©ciĂ© sur le marchĂ© pour sa puretĂ©. Le soufre pur peut prendre des formes solides ou liquides selon les variĂ©tĂ©s allotropiques et Lacq le produisit sous les deux formes selon la demande du marchĂ©. Ă€ partir de 1993 le soufre solide est granulĂ©, pour ĂŞtre vendu sous forme de billes et non plus en poudre, ce qui gĂ©nère moins de poussières[b 17].

Un hub pour les gisements de la région

En 1965 est dĂ©couvert le deuxième plus grand gisement de gaz du pays, Meillon, au sud de Pau. Il est exploitĂ© comme un gisement satellite, c'est-Ă -dire que sa production est traitĂ©e par les installations de Lacq. Il est abandonnĂ© en 2013 en mĂŞme temps que Lacq, après avoir fourni un total de 68 milliards de mètres cubes de gaz[p 1].

D'autres gisements, d'importance bien moindre, vont profiter Ă©galement de l'infrastructure de Lacq. Ainsi le brut et le gaz associĂ© du petit gisement de pĂ©trole de Vic-Bilh, situĂ© Ă  45 km de Lacq, ont transitĂ© par l'infrastructure de ce dernier[g 10]. Le petit gisement de gaz de Rousse, au sud de Meillon, comprend deux rĂ©servoirs superposĂ©s et a fourni un total de 4,6 milliards de mètres cubes, Ă©galement via les installations de Lacq, tout comme le gisement de Ucha-Lacommande pour 1,9 milliard de mètres cubes[d 9].

Avenir et reconversion du site

Reliquat de production de gaz

Au début des années 2010, le gisement est pratiquement épuisé. La production est tombée à deux millions de mètres cubes par jour, à comparer à 33 millions en 1982[b 18]. Il est alors décidé, au terme d'une longue concertation avec les industriels locaux, d'entamer le programme Lacq 2030 : il s'agit d'arrêter la commercialisation de gaz sur le réseau et de maintenir une production minimale, avec seulement cinq puits, pour une trentaine d'années encore, alimentant l'industrie locale (à commencer par l'usine Arkema) en gaz et surtout en soufre, le besoin en soufre étant celui qui déterminera le débit[b 19]. À cette occasion, le gisement change de main : c'est maintenant l'entreprise Geopetrol qui gère l'exploitation, après avoir déjà repris d'autres gisements français devenus marginaux aux yeux des grands groupes[d 10].

Ainsi, la production de gaz pour le rĂ©seau se termine fin 2013, après l'extraction d'un total de 254 milliards de mètres cubes de gaz Ă©purĂ©[b 20]. Le gisement de Meillon est arrĂŞtĂ© au mĂŞme moment. Le gisement de Saint-Marcet ayant pour sa part Ă©tĂ© fermĂ© en 2009[p 2], cet Ă©vènement marque pratiquement la fin de la production de gaz naturel en France. Fin 2015, le bulletin du BEPH signale[g 11] encore l'extraction de petites quantitĂ©s de gaz associĂ© dans quatre gisements de pĂ©trole, mais ce gaz est utilisĂ© localement, rĂ©injectĂ© ou dĂ©truit en torchère, il n'est pas commercialisĂ© via le rĂ©seau. Seule la sociĂ©tĂ© Gazonor commercialise encore une petite production de gaz, extrait de mines de charbon (exploitation du « grisou » du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais). Il faut aussi noter, mais hors du cadre des combustibles fossiles, l'existence d'une production de biogaz injectĂ© dans le rĂ©seau : 365 sites sont en service au dĂ©but de 2022, pour une production totale de 6,4 TWh, et près d'un millier d'autres sont Ă  l'Ă©tude[d 11].

La plupart des puits sont cimentés. L'importante usine de traitement est fermée et démantelée : elle est à la fois vétuste et surdimensionnée pour la nouvelle mission du gisement. Une usine beaucoup plus petite est mise en place. L'investissement est majoritairement supporté par la Sobegi, la division de Total chargée du développement de l'industrie sur le bassin[b 19]. Par ailleurs, le groupe Total ouvre en 2011 son oléothèque sur le site de Lacq. Il s'agit d'une collection d'échantillons de pétrole, provenant de milliers de gisements différents à travers le monde, conservés à des fins de recherche[p 3].

Chimie fine et matériaux

Photo d'une fibre de carbone à son extrémité.
La fibre de carbone, un des produits phares du pĂ´le de Lacq.

Au cours des annĂ©es 2010, de nouvelles activitĂ©s industrielles s'installent sur les quatre sites industriels crĂ©Ă©s autour du gisement de Lacq, capitalisant sur l'existence d'un personnel qualifiĂ© dans diverses branches de la chimie, l'acceptabilitĂ© de l'industrie par la population locale et l'existence d'espaces disponibles en site classĂ© SĂ©vĂ©so. Ainsi, malgrĂ© l'Ă©puisement de la ressource qui lui a donnĂ© naissance, le bassin industriel compte actuellement 7 600 emplois, Ă  peine moins que les 8 000 qui existaient dans les annĂ©es 1980, quand la production de gaz Ă©tait Ă  son maximum[p 4].

Le groupe japonais Toray Industries, leader mondial de la production de fibre de carbone, possède depuis 1982 une usine sur la commune d'Abidos. En 2014, il se dote d'une deuxième unité de production construite sur les terrains délaissés par Total, qui produit du polyacrylonitrile, précurseur des fibres de carbone. Cette matière première était précédemment importée du Japon. Airbus, installé à Toulouse, raisonnablement proche du bassin de Lacq, est le principal client[p 5].

Également dans le domaine de la chimie fine, la PME M2i Life Sciences installée sur le pôle de Lacq produit des phéromones de synthèse, utilisées par exemple pour lutter contre la chenille processionnaire du pin en empêchant ce nuisible de se reproduire. Ces produits constituent une alternative sans risques aux pesticides[p 6]. Fin 2021 est entamée la construction d'une usine de chitosane biosourcé, ce produit entre dans la composition de nombreux compléments alimentaires[p 7].

Fin 2015, le géant de l'énergie québécois Hydro-Québec installe à Lacq un important centre de recherche et de production dédié aux batteries LiFePo[p 8].

Début 2022, la société Carester, basée à Lyon, choisit le site de Lacq pour implanter son site pré-industriel de recyclage des aimants permanents, qui doit ouvrir en 2023 : il s'agit de retraiter les aimants, notamment ceux des moteurs et générateurs électriques en fin de vie, principalement pour récupérer les terres rares qui entrent dans leur composition[p 9].

Biomasse-Ă©nergie

La sociĂ©tĂ© espagnole Abengoa, via sa filiale française, a installĂ© sur le site de Lacq une usine de bioĂ©thanol-carburant. La matière première, le maĂŻs, est sourcĂ©e localement. D'une capacitĂ© de 220 000 m3 par an, cette usine fonctionne en synergie avec celle de Messer France qui valorise le CO2, sous-produit de la fermentation alcoolique[p 10] - [p 11]. Par ailleurs, une centrale de cogĂ©nĂ©ration bois fournit depuis fin 2015 de l'Ă©lectricitĂ© (14 MWe) et de la vapeur pour l'industrie chimique, elle est alimentĂ©e par les forĂŞts de la rĂ©gion[p 12].

En matière de mĂ©thanisation, l'entreprise Fonroche a lancĂ© en 2018 un projet visant Ă  la production annuelle de 100 GWh environ de biogaz Ă  partir de dĂ©chets de l'industrie agrocalimentaire, reprenant une partie du terrain de l'ancienne usine Rio Tinto. En 2021, ce projet, comme l'ensemble de l'activitĂ© biogaz de Fonroche, est rachetĂ© par TotalEnergies. La production a commencĂ© en janvier 2022[p 13] - [g 12].

La société Elyse Energy a annoncé deux autres investissements d'ampleur sur le site de Lacq dans le domaine de la biomasse-énergie. Le premier, d'un montant de 350 millions d'euros, est annoncé en septembre 2022, il concerne un site de production de méthanol, produit à partir de CO2 provenant des autres industries du site, et d'hydrogène produit par électrolyse en utilisant de l'électricité renouvelable[1]. Le deuxième projet, en juin 2023, concerne la production de biocarburant, et en particulier de Carburant durable d'aviation, c'est un investissement de 650 millions d'euros[2].

Site pilote pour la séquestration du CO2

Le gisement de Lacq profond a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© pour devenir un rĂ©servoir dĂ©diĂ© Ă  la sĂ©questration gĂ©ologique du dioxyde de carbone : sa capacitĂ© de stockage a Ă©tĂ© estimĂ©e Ă  250 millions de tonnes[d 9] de CO2 qui pourraient ĂŞtre stockĂ©s dans l'ancien gisement, Ă  comparer aux Ă©missions annuelles de la France de 370 millions de tonnes.

Total a menĂ© un projet pilote Ă  petite Ă©chelle, en utilisant non pas Lacq comme rĂ©servoir, mais le petit gisement de Rousse. Une chaudière Ă  gaz existante dans le complexe de Lacq est convertie pour fonctionner en oxycombustion, c'est-Ă -dire que le gaz est brĂ»lĂ© dans un mĂ©lange d'oxygène pur et de CO2 recirculĂ©. Le CO2 captĂ© est expĂ©diĂ© vers Rousse par le mĂŞme gazoduc qui servait, en sens inverse, Ă  acheminer le gaz produit Ă  Rousse. Un ancien puits de production de Rousse est rĂ©novĂ© et converti en puits d'injection[e 2]. Le pilote fonctionne de 2010 Ă  2013, environ 50 000 tonnes de CO2 sont injectĂ©es, puis le puits est cimentĂ©[p 14], et commence une longue phase d'observation : mesures sismiques et Ă©chantillonnage sont utilisĂ©s pour suivre l'Ă©volution du rĂ©servoir et les migrations Ă©ventuelles du gaz injectĂ©[g 13].

HĂ©ritage

HĂ©ritage technologique

Grâce à l'expérience acquise avec Lacq, les sociétés succédant à la SNPA (Elf-Aquitaine, puis Total) ont un savoir-faire reconnu sur l'exploitation de gisements de gaz à forte teneur en H2S. Ce savoir-faire a été mis à profit dans de nombreux projets à travers le monde, celui d'Elgin-Franklin dans le secteur britannique de la mer du Nord étant l'un des plus emblématiques.

La société Vallourec, alors un modeste producteur de tubes d'acier, a fait son entrée dans le marché pétrogazier avec Lacq, le caractère corrosif du gaz de Lacq l'a amené à développer la technologie VAM[g 14], pour créer des joints étanches entre tubes d'aciers, technologie qui n'a cessé d'évoluer depuis et reste le produit phare du groupe. Vallourec est aujourd'hui une multinationale et les deux tiers de son chiffre d'affaires sont réalisés dans le secteur des hydrocarbures[d 12].

Bilan environnemental et sanitaire

L'impact de l'exploitation du gaz de Lacq sur l'environnement local a été largement étudié. Deux aspects ont particulièrement été observés : la pollution due au soufre rejeté dans l'atmosphère, cause de pluies acides[f 3] et l'apparition d'une activité sismique due à la dépressurisation du gisement.

La pollution atmosphérique causée par l'exploitation du gisement a attiré l'attention dès 1958. En effet, à l'origine, l'unité convertissant le H2S en soufre élémentaire n'avait qu'un rendement de 95 %. Les gaz résiduels étaient incinérés (produisant du SO2), 5 % du soufre extrait du gisement se retrouvait donc dans l'atmosphère, ce qui causa des nuisances sanitaires (nausées, conjonctivites, problèmes pulmonaires)[f 4], et eut un impact sur certaines cultures environnantes, dommages croissants au fil de l'augmentation de la quantité de gaz extrait et traité. Après l'étude de plusieurs solutions, dont la production d'acide sulfurique à partir des gaz résiduels (qui s'avéra peu rentable), on finit dans les années 1970 par déployer le procédé Sulfreen de la société Lurgi pour capter l'essentiel du soufre des fumées[f 3].

Concernant la sismicité, un premier séisme a été ressenti dans les environs en 1969, alors que la zone était historiquement considérée comme asismique[g 15]. Depuis, plusieurs dizaines d’événements sismiques de magnitude supérieure ou égale à 3 ont été enregistrés, le plus fort, de magnitude 4,4, en 1981. C'est la conséquence de l'écrasement des couches surplombant le réservoir dépressurisé, qui s'est aussi manifesté par un affaissement de cm du sol à la verticale du gisement[g 1].

Outre la pollution directement liée à l'exploitation du gisement, les industries installées dans la zone ont aussi laissé un passif environnemental. Ainsi, une pollution aux fluorures dépassant légèrement la limite de potabilité a été enregistrée sur les eaux souterraines, à cause des scories de l'ancienne usine Pechiney. Sommé par la préfecture, Rio Tinto, propriétaire actuel du site, a entrepris des travaux[p 15].

S'agissant de l'impact sanitaire, une Ă©tude de l'Isped (Institut de SantĂ© Publique, Ă©pidĂ©miologie et dĂ©veloppement de l'universitĂ© de Bordeaux) finalisĂ©e en 2002 et portant sur la pĂ©riode 1968-1998 montre que les moins de 65 ans vivant Ă  proximitĂ© immĂ©diate de Lacq prĂ©sentaient une surmortalitĂ© de 14 %, et en particulier un excès de mortalitĂ© par cancer de 39 %[d 13]. Une Ă©tude du cabinet Burgeap, auditionnĂ©e par le Haut Conseil de la santĂ© publique[f 5], recense 140 polluants atmosphĂ©riques Ă©mis par les industries du bassin, dont cinq Ă  des taux jugĂ©s prĂ©occupants : le SO2 (dont les Ă©missions Ă©taient encore vers 2008 de 10 Ă  15 tonnes par jour, contre près de 700 dans les annĂ©es 1970), le benzène, l'oxyde d'Ă©thylène, le dichloromĂ©thane et l'Ă©thanal.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Briand C (2006). Les enjeux environnementaux du complexe industriel de Lacq (1957-2005). Flux, (1), 20-31.
  • Agnès Laurent, L'Ă©popĂ©e du gaz de Lacq, Cairn, , 182 p. (ISBN 978-2-9546825-0-1) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Collectif, Le Gaz de Lacq, Paris, La Documentation française, , 31 p. (OCLC 460468926) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Collectif, sous la direction de Gisela Blanc, Elf Aquitaine. Des origines Ă  1989, Paris, Fayard, , 366 p. (ISBN 978-2-213-60149-6) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • AndrĂ© Blanchard, Le gaz de Lacq (confĂ©rences du Palais de la dĂ©couverte), Paris, UniversitĂ© de Paris, Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Notes et références

Notes

  1. Fin de la production commercialisée sur le réseau. Une production minime pour les industries locales subsiste.

Références

  • RĂ©fĂ©rences aux livres citĂ©s en bibliographie
  1. Blanchard 1958, p. 8.
  2. Rutman 1998, p. 12.
  3. Rutman 1998, p. 14.
  4. Rutman 1998, p. 58.
  5. Rutman 1998, p. 24.
  6. Rutman 1998, p. 24-26.
  7. Rutman 1998, p. 37.
  8. Blanchard 1958, p. 9-10.
  9. Blanchard 1958, p. 10-11.
  10. Blanchard 1958, p. 13.
  11. Rutman 1998, p. 42.
  12. Blanchard 1958, p. 16.
  13. Blanchard 1958, p. 20.
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  15. Laurent 2013, p. 95.
  16. Rutman 2013, p. 236.
  17. Laurent 2013, p. 83.
  18. Laurent 2013, p. 86.
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  13. Cour des comptes, « gestion publique de la mutation industrielle du bassin de Lacq : risques de sécurité industrielle, sanitaire et environnementale »,
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  2. Romain Bely- r.bely@sudouest.fr, « Bassin de Lacq : Ă©lus et acteurs de l’industrie aux anges après l’annonce de l’investissement d’un milliard dans les biocarburants », sud-ouest,‎ (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consultĂ© le )
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