MĂ©thanol
Le mĂ©thanol (ou alcool mĂ©thylique, carbinol, alcool de bois, naphte de bois ou esprit de bois) est un composĂ© organique de formule : CH3OH (souvent abrĂ©gĂ© en MeOH). Câest le plus simple des alcools. Il se prĂ©sente sous la forme d'un liquide lĂ©ger, volatil, incolore, inflammable, toxique ayant une odeur caractĂ©ristique, plus douce et sucrĂ©e que celle de lâĂ©thanol (alcool Ă©thylique).
MĂ©thanol | |
Molécule de méthanol |
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Identification | |
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Nom UICPA | MĂ©thanol |
Synonymes |
alcool méthylique |
No CAS | |
No ECHA | 100.000.599 |
No CE | 200-659-6 |
PubChem | 887 |
SMILES | |
InChI | |
Apparence | liquide incolore, d'odeur caractéristique[1] |
Propriétés chimiques | |
Formule | CH4O [IsomĂšres] |
Masse molaire[2] | 32,041 9 ± 0,001 4 g/mol C 37,48 %, H 12,58 %, O 49,93 %, |
pKa | 15,2 |
Moment dipolaire | 1,70 ± 0,02 D[3] |
DiamÚtre moléculaire | 0,408 nm[4] |
Propriétés physiques | |
T° fusion | â98 °C[1] |
T° ébullition | 65 °C[1] |
ParamĂštre de solubilitĂ© ÎŽ | 29,7 MPa1/2 (25 °C)[5]; 12,9 cal1/2 cmâ3/2[6] |
Miscibilité | miscible dans l'eau et dans l'acétone en toute proportion[1] |
Masse volumique | 0,791 0 g cmâ3[7]
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T° d'auto-inflammation | 464 °C[1] |
Point dâĂ©clair | 12 °C (coupelle fermĂ©e)[1] |
Limites dâexplosivitĂ© dans lâair | InfĂ©rieure : 6,7 Vol% Kohn-Birett SupĂ©rieure : 36,5 Vol% Kohn-Birett |
Pression de vapeur saturante | à 20 °C : 12,3 kPa[1], 410 mmHg à 50 °C |
Viscosité dynamique | 0,551 3 mPa s à 25 °C (liquide) |
Point critique | 239,35 °C, 8,08 MPa, 0,117 l molâ1[9] |
ConductivitĂ© thermique | 190,16 mW mâ1 Kâ1 Ă 25 °C (liquide) |
ConductivitĂ© Ă©lectrique | 5 ĂâŻ10â9 Ωâ1 cmâ1 Ă 25 °C |
Vitesse du son | 1 121 m sâ1 Ă 20 °C[10] |
Thermochimie | |
S0gaz, 1 bar | 186,9 J molâ1 Kâ1 |
S0liquide, 1 bar | 127,19 J molâ1 Kâ1 |
S0solide | 1,117 J molâ1 Kâ1 |
ÎfH0gaz | â201,54 kJ molâ1[11] |
ÎfH0liquide | â239,00 kJ molâ1[11] |
Cp | 79,5 J molâ1 Kâ1
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PCS | 726,1 kJ molâ1 (25 °C, liquide)[13] |
Propriétés électroniques | |
1re énergie d'ionisation | 10,85 ± 0,01 eV (gaz)[14] |
Cristallographie | |
Classe cristalline ou groupe dâespace | P212121[15] |
ParamĂštres de maille | a = 4,873 Ă
b = 4,641 Ă
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Volume | 200,53 Ă 3[15] |
Propriétés optiques | |
Indice de réfraction | 1,3265[4] |
Précautions | |
SGH[16] | |
Danger |
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SIMDUT[17] | |
B2, D1B, D2A, D2B, |
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NFPA 704 | |
Transport | |
Inhalation | toxique, peut ĂȘtre mortelle |
Peau | assĂšchement |
Yeux | dangereux, rend aveugle |
Ăcotoxicologie | |
LogP | â0,82/â0,66[1] |
Seuil de lâodorat | bas : 4,2 ppm haut : 5 960 ppm[18] |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Ă tempĂ©rature ambiante, ce liquide polaire sert d'antigel (pour liquide de refroidissement par exemple), de solvant, de carburant (en aĂ©romodĂ©lisme ou en speedway) et comme dĂ©naturant de lâalcool Ă©thylique. Ces deux alcools restent nĂ©anmoins dissociables par distillation. En effet, la tempĂ©rature d'Ă©bullition de l'alcool mĂ©thylique n'est que de 65 °C alors que celle de l'Ă©thanol est de 79 °C. Le mĂ©thanol sert aussi Ă produire le biogazole par rĂ©action de transestĂ©rification.
Le mĂ©thanol est naturellement produit par le mĂ©tabolisme d'organismes anaĂ©robies de nombreuses variĂ©tĂ©s de bactĂ©ries, ce qui explique une petite fraction de vapeur de mĂ©thanol prĂ©sente dans l'atmosphĂšre. En quelques jours, ce mĂ©thanol atmosphĂ©rique est oxydĂ© par l'oxygĂšne de lâair avec lâaction favorisante de la lumiĂšre du Soleil pour former du dioxyde de carbone et de l'eau.
Le méthanol brûle dans l'air en formant du dioxyde de carbone et de l'eau :
2 CH3OH + 3 O2 â 2 CO2 + 4 H2O.
Sa flamme presque incolore et invisible est source de risque de brûlure.
Pour ses propriĂ©tĂ©s toxiques, le mĂ©thanol est frĂ©quemment utilisĂ© comme additif dĂ©naturant pour l'Ă©thanol fabriquĂ© Ă usage industriel. Cet ajout d'un poison permet aux industriels de l'Ă©thanol dâĂ©conomiser le versement des taxes perçues sur les boissons alcoolisĂ©es.
Il est dit « alcool de bois », car autrefois sous-produit de la distillation du bois. Le principal mode de synthÚse nécessite plusieurs étapes : du gaz naturel et de la vapeur d'eau sont « reformés » dans un four pour produire de l'hydrogÚne et du monoxyde de carbone. L'hydrogÚne et le monoxyde de carbone en mélange gazeux à haute pression réagissent ensuite ensemble en présence d'un catalyseur, pour produire du méthanol.
Histoire
Dans leur procĂ©dĂ© dâembaumement, les anciens Ăgyptiens utilisent un grand nombre de substances, y compris le mĂ©thanol, obtenu par pyrolyse du bois. Cependant, le mĂ©thanol pur nâa Ă©tĂ© isolĂ© pour la premiĂšre fois quâen 1661 par Robert Boyle, qui lui donne le nom dâesprit de bois, parce qu'il est produit par la distillation, ou pyrolyse du bois[19]. Il est connu plus tard sous le nom dâesprit de pyrolyse. En 1834, les chimistes français Jean-Baptiste Dumas et EugĂšne-Melchior PĂ©ligot dĂ©terminent sa composition Ă©lĂ©mentaire. Ils introduisent aussi le mot mĂ©thylĂšne en chimie organique, formĂ© Ă partir des mots grecs methy = vin + hĆ·lÄ = bois (Ă©corce d'arbres). Ă lâorigine, il signifie « alcool fabriquĂ© Ă partir du bois », mais une erreur a Ă©tĂ© commise dans lâutilisation du grec. Le terme dĂ©rivĂ© mĂ©thyle apparaĂźt aux environs de 1840 par abrĂ©viation du mot mĂ©thylĂšne, et est ensuite utilisĂ© pour dĂ©crire l'« alcool mĂ©thylique ». Ce terme est ensuite transformĂ© en mĂ©thanol en 1892 par la ConfĂ©rence internationale sur la nomenclature des produits chimiques. Le suffixe -yl, qui est utilisĂ© en chimie organique pour former les noms des radicaux, est dĂ©rivĂ© du mot « mĂ©thyle ».
En 1923, le chimiste allemand Matthias Pier, travaillant pour BASF, dĂ©veloppe un procĂ©dĂ© pour convertir un gaz de synthĂšse (un mĂ©lange dâoxydes de carbone â monoxyde et dioxyde â et dâhydrogĂšne) en mĂ©thanol. Cette mĂ©thode utilise le chromate de zinc (en) comme catalyseur et exige des conditions de pression extrĂȘmes, allant de 30 Ă 100 MPa (300 Ă 1 000 atmosphĂšres), et des tempĂ©ratures trĂšs Ă©levĂ©es, de l'ordre de 400 °C. La production moderne du mĂ©thanol est rendue plus efficace grĂące Ă l'utilisation de catalyseurs (en gĂ©nĂ©ral le cuivre) capables dâagir Ă basse pression.
L'utilisation du mĂ©thanol comme carburant suscite beaucoup dâintĂ©rĂȘt pendant les crises pĂ©troliĂšres des annĂ©es 1970, en raison de sa disponibilitĂ© et de son faible coĂ»t. Les problĂšmes surviennent trĂšs rapidement dans l'Ă©laboration des mĂ©langes essence-mĂ©thanol. En raison de son faible prix, certains commercialisent du carburant contenant trop de mĂ©thanol. D'autres utilisent des techniques de manipulation et de mĂ©lange inappropriĂ©es.
En 2006, des astronomes utilisant le radio tĂ©lescope MERLIN (en) de lâObservatoire Jodrell Bank dĂ©couvrent dans l'espace un nuage de mĂ©thanol d'un diamĂštre de cinq cents milliards de kilomĂštres, soit environ 25 fois le diamĂštre du SystĂšme solaire (20 milliards de kilomĂštres). En 2017, du mĂ©thanol est dĂ©tectĂ© dans le nuage de Magellan, c'est-Ă -dire en dehors de la Voie lactĂ©e[20].
Sources naturelles et anthropiques
Végétaux
Les végétaux en croissance produisent de petites quantités de méthanol, qui varient selon les plantes, la saison et les conditions de croissance[21].
Des travaux rĂ©cents (2008) laissent penser que les estimations prĂ©cĂ©dentes, de mĂȘme que le lien entre le taux de mĂ©thanol dans l'air et la densitĂ© de vĂ©gĂ©taux ont Ă©tĂ© jusque lĂ surestimĂ©es, tant pour les zones tempĂ©rĂ©es (d'aprĂšs les mesures faites en AmĂ©rique du Nord) que sous les tropiques d'aprĂšs d'autres Ă©tudes in situ[21].
- Le biais d'AmĂ©rique du Nord (surestimation â peut-ĂȘtre d'un facteur 4 â des Ă©tudes antĂ©rieures Ă 2008) semble ĂȘtre liĂ© aux variations des aires cultivĂ©es et enforestĂ©es en feuillus. En 2008, selon ces Ă©tudes, l'estimation globale pour les vĂ©gĂ©taux serait en rĂ©alitĂ© pour l'AmĂ©rique du Nord de 80 Tg/an Ă©mis vers l'atmosphĂšre, mais cette estimation reste Ă affiner, car des variations locales importantes sont constatĂ©es et encore mal expliquĂ©es. Les auteurs invitent Ă faire des mesures plus dĂ©taillĂ©es et Ă dĂ©finir les facteurs qui influencent sa production (ex. : type fonctionnel du vĂ©gĂ©tal, saison, santĂ©/stress de la plante), afin de mieux comprendre le cycle du mĂ©thanol dans la biosphĂšre.
Un constat est qu'en Amérique du Nord le taux de méthanol dans l'air se montre en été trÚs corrélé à celui du monoxyde de carbone dans la couche limite, malgré l'absence d'une source importante de méthanol anthropique. La modélisation reproduit les corrélations et les pentes observées en Amérique du Nord compte tenu des contraintes indépendantes des émissions de CO (Hudman et al., 2008), ce qui conforte l'idée que les sources biogéniques terrestres sont faibles[21].
- En 2008, la source mondiale de méthanol a été réévaluée à 242 Tg/an (dont 85 Tg/an pour la biosphÚre marine, soit prÚs de trois fois inférieure aux sources terrestres), 103 Tg/an seraient issus de la croissance et de la désintégration des plantes terrestres, 37 Tg/an de la chimie atmosphérique, pendant que 12 Tg/an seraient issus de la combustion de biomasse et de biocarburants, pour seulement 5 Tg/an de sources urbaines et industrielles[21].
- Selon les données de 2008, la durée de vie dans l'atmosphÚre du méthanol serait d'environ cinq jours (deux fois moindre que ce qui avait été précédemment estimé). Et c'est l'océan qui est le meilleur puits de méthanol de l'air ; 42 % du méthanol de l'atmosphÚre y disparaßt. En complément, l'oxydation en phase gazeuse (par l'ion OH) en dégrade 36 %. 17 % sont retrouvés au sol sous forme de dépÎts secs et 5 % sous forme de dépÎts humides[21].
MĂ©tabolisme animal
Le méthanol est naturellement présent dans les organismes animaux (humain compris), dans les plantes et donc dans les aliments.
Il est également produit par fermentation et dégradation de composés organiques (feuille) ainsi qu'à travers les métabolismes animaux.
La principale source de méthanol pour l'homme est son alimentation, lors de la consommation de fruits et légumes frais, de jus de fruit, de boissons fermentées et d'aliments allégés contenant de l'aspartame.
Aliment | Concentration en méthanol |
---|---|
BiĂšre | 6â27 mg lâ1[22] |
Vin | 96â321 mg lâ1[22] |
Spiritueux | 10â220 mg lâ1[22] |
Vinaigre | 10â100 mg lâ1[23] |
Jus d'orange | 11â80 mg lâ1 (moyenne 34 mg lâ1)[24] |
Jus de pamplemousse | 13â40 mg lâ1 (moyenne 27,4 mg lâ1)[24] |
Jus de tomate | > 100 mg lâ1[25] |
De façon générale, le taux de méthanol dans les jus frais augmente au cours du stockage. La variation dépend, dans les jus de fruits frais, du type de fruit et de l'activité de deux enzymes, la pectinesterase (en) et la pectate lyase (en). Dans les jus de légumes, la variation du taux de méthanol est liée à l'activité de l'enzyme pectinesterase, au pH et à l'acidité totale[25].
Production et synthĂšse
Le mĂ©thanol n'Ă©tant pas prĂ©sent en quantitĂ© importante dans la nature, il doit ĂȘtre produit industriellement. Plusieurs voies de synthĂšse existent Ă partir des molĂ©cules les plus accessibles contenant un seul atome de carbone : CO et CO2. C'est ce que Igor Tkatchenko appelait dĂ©jĂ dans les annĂ©es 1980 la chimie des molĂ©cules en C1[26]. La synthĂšse Ă partir de CO2 serait un moyen de valoriser ce gaz produit en grande quantitĂ©, mais elle n'est pas au point. La production du mĂ©thanol est donc faite Ă partir de CO et de H2. La question est donc de produire CO qui n'est pas non plus prĂ©sent dans la nature.
La production du monoxyde de carbone a été trÚs étudiée car son mélange avec H2 est un bon combustible industriel appelé gaz de synthÚse. Il est traditionnellement produit par la réaction de la vapeur d'eau sur le carbone incandescent (à haute température) :
C + H2O â CO + H2
Cependant, au dĂ©but du XXIe siĂšcle, le gaz de synthĂšse, c'est-Ă -dire le mĂ©lange de CO et de H2, est le plus souvent rĂ©alisĂ© Ă partir du mĂ©thane composant du gaz naturel plutĂŽt que du charbon. Trois procĂ©dĂ©s sont utilisĂ©s commercialement. Ă des pressions modĂ©rĂ©es de 1 Ă 2 MPa (10 Ă 20 atm) et haute tempĂ©rature (environ 850 °C), le mĂ©thane rĂ©agit avec la vapeur d'eau en prĂ©sence dâun catalyseur, le nickel, pour produire un gaz de synthĂšse, selon lâĂ©quation chimique :
Cette réaction, connue sous le nom de vaporeformage du méthane ou SMR, est endothermique et les impératifs de transfert thermique imposent des limites à la taille des réacteurs à catalyse utilisés. Le méthane peut aussi subir une oxydation partielle par l'oxygÚne moléculaire pour produire du gaz de synthÚse, comme le montre l'équation suivante :
2 CH4 + O2 â 2 CO + 4 H2
Cette rĂ©action est exothermique et la chaleur dĂ©gagĂ©e peut ĂȘtre utilisĂ©e in situ pour amorcer la rĂ©action de reformage du mĂ©thane par la vapeur. Lorsque les deux processus sont combinĂ©s, on parle de reformage autothermique. Le rapport entre les quantitĂ©s de CO et de H2 peut ĂȘtre ajustĂ© en utilisant la rĂ©action Ă effet de glissement de vapeur dâeau, pour fournir la stĆchiomĂ©trie voulue pour la synthĂšse du mĂ©thanol :
CO + H2O â CO2 + H2
Le monoxyde de carbone et l'hydrogĂšne rĂ©agissent ensuite sur un second catalyseur pour produire du mĂ©thanol. Aujourd'hui, le catalyseur le plus largement utilisĂ© est un mĂ©lange de cuivre, dâoxyde de zinc et dâalumine utilisĂ© pour la premiĂšre fois par ICI en 1966. Ă une pression de 5 Ă 10 MPa (50 Ă 100 atm) et une tempĂ©rature de 250 °C, il peut catalyser la production de mĂ©thanol Ă partir du monoxyde de carbone et de l'hydrogĂšne de façon trĂšs sĂ©lective :
CO + 2 H2 â CH3OH
La production de gaz de synthĂšse Ă partir du mĂ©thane produit trois moles de dihydrogĂšne pour chaque mole de monoxyde de carbone, tandis que la synthĂšse de mĂ©thanol consomme seulement deux moles de dihydrogĂšne pour chaque mole de monoxyde de carbone. Une façon de pallier l'excĂšs de dihydrogĂšne consiste Ă injecter du dioxyde de carbone dans le rĂ©acteur de synthĂšse du mĂ©thanol, oĂč il rĂ©agit lui aussi, pour former du mĂ©thanol selon lâĂ©quation chimique :
CO2 + 3 H2 â CH3OH + H2O
Cette derniĂšre rĂ©action est parfois appelĂ©e mĂ©thanolisation.La sociĂ©tĂ© française Air liquide est leader mondial dans l'ingĂ©nierie de la production de mĂ©thanol Ă partir du mĂ©thane, c'est-Ă -dire en pratique, du gaz naturel. En effet, cette synthĂšse consomme des quantitĂ©s trĂšs importantes de dioxygĂšne dont Air liquide est un des plus gros producteurs mondiaux. L'ingĂ©nierie d'unitĂ© de grande taille est protĂ©gĂ©e sous le nom de « Megamethanol ». Plusieurs unitĂ©s ont Ă©tĂ© installĂ©es aux Ătats-Unis en 2014, pays oĂč le gaz naturel est trĂšs bon marchĂ© et oĂč la production de mĂ©thanol est un moyen de valoriser le gaz de schiste[27].
Bien que le gaz naturel soit le produit le plus Ă©conomique et le plus largement utilisĂ©, dâautres matiĂšres premiĂšres peuvent Ă©galement ĂȘtre employĂ©es pour produire du mĂ©thanol. LĂ oĂč le gaz naturel n'est pas disponible, les dĂ©rivĂ©s lĂ©gers du pĂ©trole peuvent ĂȘtre utilisĂ©s Ă sa place. La firme sud africaine Sasol produit du mĂ©thanol Ă l'aide de gaz de synthĂšse Ă partir du charbon.
Utilisation
Le méthanol est utilisé comme solvant dans les vernis-laques, peintures, ciments, encres, antigel, colorants, plastiques et diverses peintures industrielles. C'est aussi un carburant pour les fusées.
MatiĂšre premiĂšre
Le plus grand dĂ©bouchĂ© du mĂ©thanol est, de loin, son utilisation comme matiĂšre premiĂšre pour la synthĂšse d'autres produits chimiques. Environ 40 % du mĂ©thanol est converti en formaldĂ©hyde, pour ĂȘtre transformĂ© en produits aussi divers que des matiĂšres plastiques, des rĂ©sines synthĂ©tiques (dont certaines entrent dans la fabrication du contreplaquĂ©), des peintures, des explosifs, et des tissus infroissables.
Le mĂ©thanol est aussi l'un des composants dans le processus de production de l'alcool. En effet, il peut ĂȘtre assimilĂ© Ă l'industrie de l'alcool.
Aussi, au dĂ©but des annĂ©es 1970, le procĂ©dĂ© de lâessence au mĂ©thanol a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par Mobil, qui produit du carburant pour les vĂ©hicules. Une unitĂ© de production industrielle a Ă©tĂ© construite en Nouvelle-ZĂ©lande dans les annĂ©es 1980. Dans les annĂ©es 1990, de grandes quantitĂ©s de mĂ©thanol ont Ă©tĂ© utilisĂ©es aux Ătats-Unis pour produire un additif pour l'essence le mĂ©thyl tert-butyl Ă©ther (MTBE), malgrĂ© la dĂ©fection de nombreux Ătats oĂč il Ă©tait interdit. En plus de son utilisation directe comme carburant, le mĂ©thanol (ou plus rarement, lâĂ©thanol) est utilisĂ© comme composant dans la transestĂ©rification des triglycĂ©rides pour produire une forme de biogazole.
Parmi les autres dĂ©rivĂ©s chimiques du mĂ©thanol on compte aussi le dimĂ©thylĂ©ther, qui a remplacĂ© les CFC comme propulseur dâaĂ©rosols et lâacide acĂ©tique.
Carburant automobile
Le mĂ©thanol est utilisĂ© en quantitĂ© limitĂ©e comme combustible de moteur Ă combustion interne, principalement en raison du fait qu'il n'est pas aussi inflammable que lâessence. Lâutilisation de mĂ©thanol pur ou mĂ©langĂ© est imposĂ©e par le rĂšglement pour certaines courses de voitures comme ce fut le cas aux Ătats-Unis pour des raisons de sĂ©curitĂ© en Champ Car ou en IndyCar. Le mĂ©thanol est indispensable pour certains moteurs suralimentĂ©s de dragster. Certains vĂ©hicules utilisent des mĂ©langes avec de l'Ă©thanol, de l'essence, ou du protoxyde d'azote. Le mĂ©thanol est Ă©galement le carburant utilisĂ© par les amateurs de modĂ©lisme aĂ©rien pour les maquettes radiocommandĂ©es dâavions ou encore pour les motos de speedway, discipline sportive motocycliste.
L'un des inconvĂ©nients de mĂ©thanol comme carburant est la corrosion pour certains mĂ©taux, notamment lâaluminium. Le mĂ©thanol, bien quâil soit un acide faible, attaque la couche d'oxyde qui protĂšge normalement l'aluminium de la corrosion. Afin de prĂ©venir la dĂ©tĂ©rioration du moteur et du carburateur, il est fortement recommandĂ© de traiter l'hydrate de mĂ©thyl avec une huile spĂ©cialement conçue pour la protection :
6 CH3OH + Al2O3 â 2 Al(OCH3)3 + 3 H2O
Les méthoxydes produits sont des sels solubles dans le méthanol qui décapent la surface de l'aluminium qui est facilement oxydé par le dioxygÚne dissous. Ainsi le méthanol peut se comporter comme un oxydant :
6 CH3OH + 2 Al â 2 Al(OCH3)3 + 3 H2
Ce processus explique la corrosion par le combustible jusqu'à ce que le métal soit rongé ou que la concentration en CH3OH soit devenue négligeable.
Lorsqu'il est produit à partir du bois ou d'autres matiÚres organiques, le méthanol organique obtenu (bio-alcool) pourrait devenir une solution de rechange alternative et renouvelable aux hydrocarbures à base de pétrole. Toutefois, on ne peut utiliser le méthanol pur dans les voitures à essence modernes sans modification du moteur, en raison d'éventuels dommages causés à la tuyauterie en métal et aux joints en caoutchouc.
Autres applications
Le mĂ©thanol est utilisĂ© traditionnellement comme dĂ©naturant de l'Ă©thanol, ce qui est explique lâorigine du terme Alcool dĂ©naturĂ©.
Le méthanol est également utilisé comme solvant, et comme antigel dans les oléoducs et le liquide des lave-glaces (interdit dans ce dernier en Europe depuis 2019[28]).
Dans certaines stations dâĂ©puration, une petite quantitĂ© de mĂ©thanol est ajoutĂ© aux eaux usĂ©es pour leur fournir une source de carbone afin dâalimenter les bactĂ©ries dĂ©nitrifiantes, qui transforment les nitrates en azote.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le mĂ©thanol a Ă©tĂ© utilisĂ© comme combustible par lâarmĂ©e allemande pour plusieurs modĂšles de fusĂ©es, sous le nom de M-Stoff, et dans un mĂ©lange connu sous le nom de C-Stoff.
Le mĂ©thanol est utilisĂ© comme agent de dĂ©naturation dans lâĂ©lectrophorĂšse sur gel de polyacrylamide.
Les piles Ă combustible fonctionnant au mĂ©thanol sont les seules qui soient utilisables Ă basse tempĂ©rature, Ă pression atmosphĂ©rique, ce qui permet leur miniaturisation Ă un niveau jusquâalors inconnu. Cette caractĂ©ristique, associĂ©e Ă un stockage et une manipulation relativement simple et sĂ»re du mĂ©thanol peut ouvrir la voie aux piles Ă combustible pour le fonctionnement des appareils Ă©lectroniques, comme les ordinateurs portables[29] ou la mobilitĂ©[30].
Santé et sécurité
Le mĂ©thanol est toxique par deux mĂ©canismes. PremiĂšrement, le mĂ©thanol (sâil pĂ©nĂštre dans lâorganisme par ingestion, inhalation, absorption cutanĂ©e) peut provoquer la mort en raison de ses propriĂ©tĂ©s de dĂ©presseur du systĂšme nerveux central de la mĂȘme façon que lâĂ©thanol. DeuxiĂšmement, il devient toxique aprĂšs avoir Ă©tĂ© mĂ©tabolisĂ© dans le foie sous lâaction dâune enzyme, lâalcool dĂ©shydrogĂ©nase qui le transforme en formaldĂ©hyde. Celui-ci est ensuite mĂ©tabolisĂ© en acide formique par une aldĂ©hyde dĂ©shydrogĂ©nase ou une formaldĂ©hyde dĂ©shydrogĂ©nase. Ces composĂ©s sont Ă l'origine d'acidose mĂ©tabolique, de cĂ©citĂ© par destruction du nerf optique[31], etc. Les tissus fĆtaux sont trĂšs sensibles aux effets du mĂ©thanol. La dose dangereuse est rapidement atteinte si une personne est rĂ©guliĂšrement exposĂ©e Ă des vapeurs ou manipule des liquides sans protection cutanĂ©e. Si le mĂ©thanol a Ă©tĂ© ingĂ©rĂ©, un mĂ©decin doit ĂȘtre contactĂ© immĂ©diatement. La dose mortelle communĂ©ment admise est de 100 Ă 125 mL. Les effets toxiques apparaissent au bout de plusieurs heures et des antidotes efficaces peuvent souvent Ă©viter la survenue de dommages irrĂ©versibles. Ce traitement utilise lâĂ©thanol ou le fomĂ©pizole[32]. Ces deux mĂ©dicaments ont pour effet de ralentir l'action de lâalcool dĂ©shydrogĂ©nase sur le mĂ©thanol par le mĂ©canisme de lâinhibition compĂ©titive, pour qu'il soit excrĂ©tĂ© par le rein, plutĂŽt que transformĂ© en mĂ©tabolites toxiques.
Les premiers symptĂŽmes de l'intoxication par le mĂ©thanol sont les signes de dĂ©pression du systĂšme nerveux central : maux de tĂȘte, Ă©tourdissements, nausĂ©es, troubles de coordination, confusion, somnolence, et aux doses Ă©levĂ©es, le coma et la mort. Les premiĂšres manifestations de l'exposition au mĂ©thanol sont en gĂ©nĂ©ral moins graves que les symptĂŽmes rĂ©sultant de l'ingestion d'une quantitĂ© analogue dâalcool Ă©thylique.
Lorsque les premiers symptĂŽmes ont disparu, de nouveaux symptĂŽmes apparaissent dix Ă trente heures aprĂšs la premiĂšre exposition au mĂ©thanol : diminution ou perte complĂšte de la vision, accompagnĂ©e dâune acidose. Ces symptĂŽmes sont provoquĂ©s par l'accumulation de formiate atteignant des niveaux toxiques dans le sang, et peuvent conduire Ă la mort par insuffisance respiratoire. Les esters dĂ©rivĂ©s du mĂ©thanol ne jouent aucun rĂŽle dans cet effet toxique.
L'Ă©thanol est parfois dĂ©naturĂ© (frelatĂ©), et par consĂ©quent rendu imbuvable, par l'ajout de mĂ©thanol. Le rĂ©sultat est connu sous le nom dâalcool dĂ©naturĂ© ou « meths » (utilisation au Royaume-Uni). (Cette derniĂšre ne doit pas ĂȘtre confondue avec meth, une abrĂ©viation dĂ©signant communĂ©ment la mĂ©thamphĂ©tamine.)
Le mĂ©thanol pur a Ă©tĂ© utilisĂ© dans des courses automobiles open depuis le milieu des annĂ©es 1960. Contrairement aux feux de pĂ©trole, les feux de mĂ©thanol peuvent ĂȘtre Ă©teints avec de l'eau ordinaire (bien que le mĂ©thanol soit moins dense que l'eau, les deux substances sont miscibles, et l'ajout d'eau permet d'absorber la chaleur de l'incendie, du fait de la forte quantitĂ© de chaleur requise pour vaporiser l'eau). En outre, un incendie Ă base de mĂ©thanol brĂ»le sans fumĂ©e, Ă la diffĂ©rence de l'essence, qui brĂ»le en produisant une Ă©paisse fumĂ©e noire. Si un incendie se produit sur la piste, il n'y a pas de dĂ©gagement de fumĂ©e risquant de diminuer la visibilitĂ© des pilotes arrivant Ă pleine vitesse sur les lieux de lâaccident. La dĂ©cision de passer au mĂ©thanol en permanence dans la course amĂ©ricaine de lâIndyCar (American Car Championship) a Ă©tĂ© une consĂ©quence du crash et de l'explosion dĂ©vastatrice Ă la course dâIndianapolis de 1964, qui a provoquĂ© la mort des pilotes Eddie Sachs et Dave MacDonald (en).
Ces considĂ©rations sur l'ajout de mĂ©thanol aux carburants auto ont Ă©tĂ© mises en lumiĂšre par lâimpact rĂ©cemment constatĂ© sur les eaux souterraines d'un additif du carburant, le mĂ©thyl tert-butyl Ă©ther (MTBE). Un dĂ©faut dâĂ©tanchĂ©itĂ© des rĂ©servoirs souterrains de stockage d'essence a provoquĂ© des fuites de MTBE, provoquant la contamination des nappes phrĂ©atiques. La solubilitĂ© Ă©levĂ©e du mĂ©thanol dans l'eau suscite des prĂ©occupations analogues Ă propos de lâĂ©ventuelle contamination de l'eau qui pourrait dĂ©couler de l'utilisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e du mĂ©thanol comme carburant automobile.
Précautions
Le mĂ©thanol est une substance trĂšs toxique. Sa consommation peut entraĂźner la cĂ©citĂ© et mĂȘme la mort. De l'alcool frelatĂ© est parfois fabriquĂ© avec du mĂ©thanol : le buveur est moins sujet Ă l'Ă©briĂ©tĂ© (qu'avec de l'Ă©thanol) mais le nerf optique est atteint et l'individu est exposĂ© Ă un risque certain de cĂ©citĂ©.
Avant toute utilisation réguliÚre, consulter la fiche toxicologique[33] de l'INRS.
Radiolyse
La radiolyse du méthanol en présence d'une radioactivité intense présente certaines similitudes avec celle de l'eau[34].
Accident mortel
Le 5 juin 2023, il est rapporté, qu'en Russie, 16 à 18 personnes sont mortes et d'autres intoxiquées suite à la consommation de cidre contenant du méthanol[35] - [36].
Un article en anglais de Wikipédia décrit un évÚnement similaire en 2016 : 2016 Irkutsk mass methanol poisoning (en)
Notes et références
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- Lire en ligne
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- Fiche toxicologique, INRS
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- https://www.20minutes.fr/monde/4039946-20230605-russie-seize-personnes-trouvent-mort-buvant-cidre-frelate
- https://www.dailymail.co.uk/news/article-12161143/Lethal-cider-containing-deadly-amounts-methanol-kills-16-people-Russia.html
Voir aussi
Liens externes
- Fiche toxicologique, INRS
- Fiche internationale de sécurité
- (en) Environmental Health Criteria 196 Methanol
- (en) Race Car Book, sur RaceCarBook.com, includes technical articles and methanol racing book information.
- (en) The Methanol Institute Industry trade group, lots of information on methanol's use in fuel cells and as an alternative fuel.
- (en) The methanol story: a sustainable fuel for the future, article by Ford Motor's Roberta Nichols, the mother of the flexible fuel vehicle, discussing Gasoline-Ethanol-Methanol flexibility in the Journal of Scientific & Industrial Research
- Ressources relatives à la santé :
- ChEMBL
- (en) Medical Subject Headings
- (en) National Drug File
- (no + nn + nb) Store medisinske leksikon
- (cs + sk) WikiSkripta
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
Bibliographie
- (en) Robert Boyle, The Sceptical Chymist, 1661 â contains account of distillation of wood alcohol.
- Millet, D.B., Daniel J. Jacob, T.G. Custer, J.A. de Gouw, A.H. Goldstein, T. Karl, H.B. Singh, B.C. Sive, R.W. Talbot, C. Warneke et J. Williams (2008), New constraints on terrestrial and oceanic sources of atmospheric methanol, Atmospheric Chemistry and Physics, 8(23), 6887-6905, lire en ligne ou lire en ligne