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Biogazole

Le biogazole, biodiesel (ou biodiésel)[1] - [2] - [3] ou même biocarburant ou agrocarburant est une énergie renouvelable, utilisée comme alternative au carburant pour moteur Diesel classique : gazole ou pétrodiesel.

Un autobus biodiesel à Montréal.
Les anciennes Mercedes Ă  moteur Diesel sont populaires pour rouler au biodiesel.
Dans certains pays, le biodiesel est moins cher que le diesel conventionnel.

Le biogazole peut être utilisé seul dans les moteurs (B100, pour « 100% de biocarburant ») ou mélangé avec du pétrodiesel (B30, B20, B10, B7, etc. suivant le pourcentage d'incorporation de biocarburant)[Note 1]. Ce biocarburant est obtenu à partir d'huile végétale ou animale (y compris huiles de cuisson usagées[4]) transformée par un procédé chimique appelé « transestérification » faisant réagir cette huile avec un alcool (méthanol ou éthanol), afin d'obtenir du EMHV ou du EEHV (suivant l’alcool utilisé).

En France, lorsqu'il est utilisé pour de l'incorporation au gazole, on emploie aussi le terme de diester. Le diester, mot-valise formé par la contraction de diesel et ester, est une marque déposée en 1990 par Sofiprotéol[5], acteur financier et industriel de la filière française des huiles et protéines végétales Terres OléoPro[6]. C’est aussi un terme devenu commun pour désigner en France, les esters méthyliques d’huiles végétales (EMHV), le biodiesel en Europe et en Amérique du Nord.

Procédé de fabrication

Huiles utilisées

Champ de colza.

En principe, toutes les huiles peuvent être utilisées, cependant, certaines sont privilégiées à d'autres. Ainsi, en France, les producteurs utilisent plus souvent de l'huile de colza, tandis qu'aux États-Unis, les fabricants préfèrent le soja et dans une moindre mesure le canola[Note 2]. Les États-Unis sont par ailleurs les plus gros producteurs de soja devant le Brésil. L'huile est obtenue par pression puis extraction des graines. Mais c'est peut-être à partir d'algues[7] (algocarburant), ou de bactéries[8] que les huiles pourront être produites avec le meilleur rendement, rendant ainsi envisageable une production de biodiesel à grande échelle.

Aujourd'hui l'huile de palme est également très utilisée pour produire ce carburant ; la production de ce carburant représente plus de 20 % de la consommation mondiale d'huile de palme en 2018, c'est le principal facteur de déforestation dû à ce fruit[9].

Transestérification par le méthanol

Équation chimique de la réaction de transestérification : 1 mol de trilinoléate de glycéryle + 3 mol de méthanol → 1 mol de glycérol + 3 mol d'EMHV.

Une transestérification est la réaction d'un ester sur un alcool pour donner un autre ester. En ce qui concerne le biodiesel, c'est principalement la transestérification de trilinoléate de glycéryle (huile de colza, de palme, etc.) par le méthanol (CH3OH) et on obtient de l'ester méthylique d'huile végétale (EMHV) et du glycérol (C3H8O3). La transestérification est une réaction chimique qui est à l'origine du diester. Les molécules plus petites du biodiesel ainsi obtenues peuvent alors être utilisées comme carburant dans les moteurs à allumage par compression (moteur Diesel).

Pour augmenter la vitesse de rĂ©action, il faut chauffer le liquide vers 50 °C et ajouter une base comme catalyseur (catalyse homogène : catalyseurs solubles dans le milieu rĂ©actionnel tels que l'hydroxyde de sodium en solution mĂ©thanoĂŻque ou le mĂ©thylate de sodium[10] ; catalyse hĂ©tĂ©rogène : catalyseurs insolubles dans le milieu rĂ©actionnel[11]). Pour un meilleur rendement Ă©nergĂ©tique global, on peut aussi choisir de laisser simplement rĂ©agir sans chauffer, la rĂ©action prenant alors quelques heures. Il faut approximativement 100 kg de mĂ©thanol pour transestĂ©rifier une tonne d'huile vĂ©gĂ©tale (ester d'acides gras et de glycĂ©rol) de colza en prĂ©sence d'un catalyseur alcalin[12]. On obtient alors une tonne de diester (ester d'acides gras et de mĂ©thanol) et 100 kg de glycĂ©rine rĂ©utilisable dans l'industrie chimique ou alimentaire.

La réaction chimique peut être accélérée et améliorée par ultrasonification, qui augmente le rendement de la transestérification des huiles végétales et des graisses animales en biodiesel. Ceci permet de changer la production de batch à débit continu et de réduire le coût d’investissement et d’opération[13].

La transestérification des huiles végétales en ester méthylique supprime donc la molécule de glycérine naturellement présente dans les huiles. Or, en brûlant (ce qui arriverait dans un moteur Diesel), la glycérine libère de l'acroléine toxique[14]. La transestérification rend donc l'huile compatible avec une combustion de qualité dans les moteurs Diesel au point de vue indice d'octane et viscosité.

Hydrogénation

Industrie « Neste » d'agrocarburant, en Finlande.

Le procédé d'hydrogénation, breveté par la société finlandaise « Neste Oil », consiste à transformer les triglycérides de l'huile végétale en leurs alcanes correspondants. Comme dans le procédé traditionnel, il s'agit d'une réaction catalytique, mais cette fois-ci l'huile est mise en présence d'hydrogène au lieu de méthanol. Les avantages de cette technologie par rapport à la précédente sont multiples. La coproduction de glycérine, pour laquelle il n'existe pas toujours de débouché local, est évitée. L'hydrogénation permet par ailleurs d'ôter tous les atomes d'oxygène. En effet, l'absence de molécules oxygénées rend le produit final plus stable. Enfin, les produits de la réaction sont essentiellement des alcanes, ce qui permet d'obtenir des indices de cétane élevés, proches d'un gazole idéal.

Par certains aspects, le biodiesel obtenu est supĂ©rieur au gazole de source pĂ©trolière[15] : point de trouble plus Ă©levĂ©, Ă©missions nocives plus faibles. Ce procĂ©dĂ© sera dĂ©ployĂ© Ă  grande Ă©chelle dès 2010 dans une usine Ă  Singapour, qui transformera de l'huile de palme. Il s'agira alors de la plus grosse usine d'agrocarburants au monde (800 000 t/an[16]).

Caractéristiques comparées

Par rapport au pétrodiesel, les huiles végétales possèdent une viscosité plus importante (jusqu'à 10 fois plus), une indice de cétane plus faible, et une température de solidification plus élevée. La viscosité du biodiesel est plus forte, jusqu'à dix fois plus, et le biodiesel est plus corrosif que le petrodiesel. Le biodiesel pur dégrade le caoutchouc naturel et pour cette raison, il convient de vérifier la nature des joints si l'on veut utiliser du biodiesel pur.

Produits secondaires

La production de biodiesel s'accompagne de la production de glycérol comme produit secondaire principal à hauteur de 10 % massique[17].

Marché du biodiesel

Producteurs

Les plus gros producteurs de biodiesel sont les États-Unis, l'Allemagne et la France. Le dĂ©partement de l'Ă©nergie du gouvernement des États-Unis a publiĂ© plusieurs documents sur le biodiesel. Les États-Unis soutiennent aussi la recherche dans ce domaine via le « National Renewable Energy Laboratory ». En Belgique, les unitĂ©s de production du biodiesel active ou en phase de construction sont localisĂ©es Ă  Ertvelde (par Oleon), Ă  Feluy (par Neochim) et Ă  Wandre (par Biofuel). En France, le leader de la production de biodiesel est Diester Industrie qui dĂ©tient des unitĂ©s de production sur sept sites industriels pour une capacitĂ© de production de deux millions de tonnes de Diester en France. Ineos, Veolia Saria et Nord Ester sont Ă©galement prĂ©sents sur ce secteur. Le biodiesel est utilisĂ© en mĂ©lange par les marchands de carburant. En 2007, le BrĂ©sil et l'Argentine — oĂą le colza OGM s'est fortement dĂ©veloppĂ© — visent le marchĂ© europĂ©en. Trois unitĂ©s de productions sont inaugurĂ©es les huit premiers mois de l'annĂ©e en Argentine, dont l'usine de l'huilerie Cincentin (24 000 t/an) et cinq autres sont en cours de construction[18]. L’Argentine pourrait ainsi passer de 200 000 t/an mi-2007 Ă  1 million de t/an en 2008.

La filière du biodiesel se développe presque exclusivement en UE, mais elle gagne du terrain dans autres régions du monde par exemple au Brésil, avec notamment Brasil Ecodiesel, et en Indonésie où les cultures de palmiers et de soja pour un usage énergétique se pratiquent dans l’agriculture sur brûlis au détriment de la forêt.

Production de biodiesel en Indonésie

L'Indonésie cherche à profiter du nouveau marché mondial des biocarburants comme le font de nombreux pays en développement. Le pays possède de vastes plantations de palmiers à huile et en est aujourd'hui le premier producteur mondial (76 %), il est donc bien placé pour développer la production de biodiesel[19].En effet, l’huile de palme a un rendement exceptionnel et ses coûts de production sont les moins élevés des huiles végétales. Ce produit est considéré comme très intéressant pour la production de biodiesel[20]. Les plantations de palmiers sont directement associées à des impacts humains négatifs sur les communautés rurales et sur les populations autochtones. De nombreux cas de violations des droits de l'homme par des sociétés de plantation ont vu le jour, en particulier lors de l'acquisition des terres et du développement des plantations. D'autres études indiquent que des conflits sociaux naissent entre les développeurs et les communautés de plantations en raison d'un manque de reconnaissance des droits coutumiers, d’accords violés, de promesses non tenues et de mépris pour l'environnement local[21].

Seules les personnes au-dessus d'un certain seuil de revenu et de compĂ©tences, sont propriĂ©taires de ses plantations. Par consĂ©quent, cela entraĂ®ne des discriminations sociales ainsi que des mauvaises relations entre les communautĂ©s locales[21]. De plus, les prix Ă©tant en augmentation, ce sujet porte Ă  controverse. La demande peut inciter certains pays comme l’IndonĂ©sie Ă  privilĂ©gier les exportations au dĂ©triment des marchĂ©s domestiques, provoquant des pĂ©nuries pour l’approvisionnement local[20]. Les plans d'expansion de l'huile de palme pour les biocarburants en IndonĂ©sie ont fait l'objet de beaucoup de dĂ©bats politiques sur l'environnement[21]. En effet, les ONG estiment une dĂ©forestation de 2,5 millions d’hectares chaque annĂ©e[20]. Tout d’abord, cela engendre la dĂ©forestation de grandes Ă©tendues de forĂŞts primaires ou secondaires, ayant des consĂ©quences très nĂ©gatives sur les Ă©cosystèmes, engendrant une perte de biodiversitĂ©, une augmentation des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES) ainsi qu’une dĂ©gradation des sols. Les plantations de palmier Ă  huile provoquent un effet de pollution massive en raison des intrants (pesticides, herbicides) et des effluents d’usine[20]. Celles-ci ont Ă©tĂ© associĂ©es Ă  des concentrations Ă©levĂ©es de sĂ©diments de l'agrochimie et des nutriments dans les rivières et les cours d'eau entraĂ®nant des effets nocifs sur les animaux ainsi qu’une contamination des eaux rĂ©duisant de manière significative la capacitĂ© du pays Ă  stocker l’eau[21]. Cependant, certains voient le biodiesel Ă  base d'huile de palme comme jouant un rĂ´le important dans l'attĂ©nuation du changement climatique, en fournissant une source alternative d'Ă©nergie, et de contribution au dĂ©veloppement Ă©conomique ainsi que comme des moyens de subsistance en milieu rural[21].

Production de biodiesel dans l'UE

Plusieurs facteurs sont venus légitimer et encourager le développement des biocarburants au sein de l’Union européenne[22]. Tout d’abord, les biocarburants présentent un avantage par rapport aux combustibles fossiles car ils permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre vu que leur bilan d’émission de CO2 est souvent plus faible[23]. Ainsi, ils sont un moyen pour l’UE d’atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto (1997). Ensuite, l’Union européenne vise à réduire sa dépendance énergétique[24] par rapport aux ressources fossiles monopolisées par les pays de l’OPEP. Elle souhaite une diversification et une décentralisation des approvisionnements énergétiques.

L’UE va aussi décider de promouvoir le biodiesel dans le but d’accroître la production et garantir la sécurité des approvisionnements européens en produits agricoles.

Enfin, un dernier point en faveur du biodiesel est sa possibilité d’être mélangé au carburant (diesel) déjà sur le marché. Il est donc facile d’implanter ce « diesel écologique » dans un réseau de distribution de carburant et dans le parc automobile actuel[23].

C’est pour ces diffĂ©rentes raisons, qu’en 2003, la Commission europĂ©enne a mis en place la première rĂ©glementation concernant les biocarburants. La Directive 2003/30/CE Ă©tablit un objectif de 2 % d’énergie renouvelable dans le secteur du transport pour 2005 et de 5,75 % pour 2010[6]. En 2005, l’UE rĂ©alise un bilan de la situation et il apparaĂ®t que seules l’Allemagne et la Suède ont atteint les objectifs fixĂ©s[25]. Entre 2004 et 2008, « le dĂ©bat sur les biocarburants est passĂ© par des extrĂŞmes : d’un enthousiasme un peu excessif en 2007, sous le coup de l’envolĂ©e des prix du pĂ©trole, aux accusations les plus violentes au cours de l’annĂ©e 2008, alors que les prix alimentaires s’envolaient Ă  leur tour, rĂ©veillant les craintes de famine oubliĂ©es depuis longtemps, avec les biocarburants faisant office de coupable idĂ©al »[24]. En effet, lors du choc pĂ©trolier, on va mettre en avant les biocarburants car, en plus d’être une Ă©nergie renouvelable, ils sont une source Ă©nergĂ©tique indĂ©pendante du pĂ©trole. Cependant, dès que la crise a atteint le secteur agricole, la production croissante de biodiesel et de bioĂ©thanol a Ă©tĂ© directement considĂ©rĂ©e comme une des causes de l’augmentation du prix des denrĂ©es alimentaires.

D’autres impacts nĂ©gatifs des biocarburants ont aussi Ă©tĂ© soulignĂ©s, notamment, la « non-durabilitĂ© des cultures »[23]. Avec l’augmentation de la demande de matières premières alimentaires, il faut produire Ă  un rendement très Ă©levĂ©, cela va dĂ©grader les surfaces arables qui sont de plus en plus limitĂ©es. Dès lors, pour rĂ©pondre Ă  ce manque de terres, on va recourir au dĂ©frichement et Ă  la dĂ©forestation, et ainsi, dĂ©truire la biodiversitĂ© des forĂŞts[26].

Enfin, des questions se posent quant au bilan d’émissions de GES qui est difficile à évaluer.

En 2009, on apporte des changements à la politique de promotion européenne en introduisant une nouvelle directive sur l’énergie renouvelable dans le cadre du « Paquet Énergie-Climat» qui va modifier, puis abroger la Directive 2003/30/CE. Cette nouvelle directive (2009/28/CE) est aussi appelée « Directive 20-20-20 » car elle fixe un objectif de 20 % de réduction des gaz à effet de serre et de remplacement de 20 % des carburants traditionnels par de l’énergie renouvelable dans la consommation énergétique totale de l’UE pour l’horizon 2020[24]. En ce qui concerne les biocarburants, la Commission européenne impose 10 % d’utilisation pour 2020.

De plus, dans le cadre du plan SET (Strategic Energy Technology), elle va favoriser l’utilisation de biocarburants de seconde génération qui ont l’avantage de ne pas provenir de denrées alimentaires mais de déchets organiques. Par ailleurs, il semblerait que les biocarburants de deuxième génération émettent moins de CO2 que ceux de première génération.

Production du biodiesel en France

Si Veolia[27] est en 2018 le plus gros producteur de biodiesel, avec plus de 20 000 t/an, de nouveaux acteurs apparaissent sur le marchĂ©. En 2016, les entreprises Suez et Total ont conclu un accord de partenariat pour 10 ans afin d'alimenter la future bioraffinerie du groupe Total[28].

En 2018, le marché français du biodiesel, longtemps dominé par des producteurs français comme Avril qui transforment essentiellement du colza, est sévèrement concurrencé par des importations massives de biodiesel argentin (à base de soja) et indonésien (à base d'huile de palme). Les importations de biodiesel ont représenté 2,8 à 2,9 millions de tonnes en 2018 alors que la production française est tombée à 1,7 million de tonnes sous l'effet de l'arrivée de ces carburants à prix cassés ; Avril, le leader du marché, a dû mettre ses cinq sites de production au chômage technique. La production de ces pays est largement subventionnée ; la filière biodiesel a déposé des plaintes pour dumping auprès de la Commission européenne. Les perspectives de croissance s'annoncent à terme compromises, car les essences et gazoles ont pratiquement atteint les limites d'incorporation de biocarburants fixés par la réglementation européenne pour limiter les problématiques d'usage des sols et de concurrence des matières premières avec les débouchés alimentaires. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit de stabiliser le taux d'incorporation des biocarburants de première génération à 7 % pour la prochaine décennie ; la part des biocarburants avancés, « élaborés à partir de déchets, de résidus ou de matières premières non alimentaires » devra être multipliée par 12 pour l'essence et par neuf pour le diesel d'ici à 2028[29].

Production de biodiesel au Japon

Des entreprises japonaises produisent du biodiesel, notamment euglena (entreprise) qui produit du biodiesel depuis 2015 à base d'euglena[30] - [31]. Ce type de biodiesel, fabriqué à base d'algue, ou appelé de 3ème génération, a un impact environnemental moins important que ceux dits de première génération[32].

Traitement des huiles usagées

Les huiles alimentaires usagées peuvent être converties en biodiesel, et ainsi être réutilises.

Avantages

Les agrocarburants permettent aux pays qui les produisent de devenir moins dépendants sur le plan énergétique. Par ailleurs, la production de biodiesel est source de création d'emplois.

En Europe, et tout particulièrement en France, la part des véhicules Diesel dans le parc automobile progresse au détriment des véhicules essence. Le Diester qui se substitue au gazole permet donc de réduire les importations de gazole et d’améliorer la balance commerciale de la France, tout en évitant des rejets de CO2 dans l'atmosphère. La stratégie de réduction de la dépendance énergétique de la France se justifie d’autant plus depuis les hausses des cours du pétrole.

Le processus de fabrication des biodiesels génère des sous-produits ou coproduits. Il s'agit en particulier des tourteaux, coproduit issu de l'extraction de l'huile des graines, et de la glycérine, coproduit issu de la transestérification de l'huile végétale en ester. La commercialisation de ces coproduits peut partiellement amortir les coûts de production des biodiesels et permettent à d’autres secteurs économiques de croître parallèlement à la production de biocarburants. Les tourteaux, riches en protéines végétales, sont utilisés pour l'alimentation animale, et la glycérine est utilisée par l'industrie chimique, la cosmétique, la pharmacie pour de très nombreuses applications.

Les acteurs économiques favorables aux biocarburants soutiennent que la priorité est toujours donnée à la production alimentaire. En effet, une graine de colza contient autour de 44 % d'huile (qui sert à l'alimentation ou à l'énergie) et 56 % de tourteau, qui sert à l'alimentation animale, et donc indirectement à l'alimentation humaine. D'autres voix font remarquer que l'huile de colza est utilisée à plus de 65 % pour les biocarburants, dans l'Union européenne. Ces voix font le lien entre la politique de développement des biocarburants et l'augmentation des prix des commodités agricoles.

Les agrocarburants représentent aujourd'hui un vrai débouché pour l’agriculture européenne à côté des débouchés prioritaires en alimentation.

Inconvénients

Le biodiesel reste un produit industriel, alors que les huiles vĂ©gĂ©tales brutes pourraient, après filtrage poussĂ© (1 Ă  5 Âµm) et neutralisation[Note 3], ĂŞtre directement injectĂ©es dans un moteur Diesel, souvent peu sensible au carburant utilisĂ©, mais pas dans toutes les voitures Ă  moteur Diesel ni dans n'importe quelles conditions. Cette pratique, autorisĂ©e uniquement pour les machines agricoles en France, pose nĂ©anmoins la question de la production d'acrolĂ©ine Ă  l'Ă©chappement (voir plus haut). Un dĂ©bat existe dans certains pays car le biodiesel est fabriquĂ© Ă  partir d'une marchandise Ă  vocation alimentaire.

En France, la rentabilitĂ© de la filière repose sur la production de colza sur des parcelles dites en « jachère industrielle » Ă  un prix infĂ©rieur au prix du marchĂ© du colza alimentaire (MATIF). Le taux de jachère imposĂ© par la politique agricole europĂ©enne a chutĂ© de 15 % dans les annĂ©es 1990 Ă  5 % en 2004 pour finalement ĂŞtre supprimĂ© en 2007, fragilisant tout l'Ă©quilibre de la filière. L'existence d'une telle culture industrielle sur jachère depuis les annĂ©es 1990 aura nĂ©anmoins permis de remettre en production toutes ces surfaces sans difficultĂ©. Dieser industrie annonce en aoĂ»t 2007 en France que dans le cadre de leurs contrats pluriannuels, ils accordent un complĂ©ment de prix d'achat de 20 â‚¬/t pour fidĂ©liser les agriculteurs qui risquent de planter des cultures plus rentables que des agrocarburants[18]. La production industrielle de colza est souvent qualifiĂ©e de « productiviste ».

Le biodiesel est plus cher à produire que le gazole et a donc besoin d'une « incitation fiscale », sous la forme d'une défiscalisation importante (~35 % d'exonération de la TIPP en 2009). La défiscalisation partielle de la TIPP (ou TIC) est décidée dans le Projet de loi de finance (PLF). Le PLF 2009[33] a décidé une baisse progressive de cette défiscalisation jusqu'en 2011.

La production de biodiesel est par ailleurs toujours négligeable face aux besoins de consommation de gazole. L'objectif des producteurs de biodiesel est de remplacer le gazole seulement en partie et de faire appel à un bouquet d'énergies renouvelables pour compléter l'offre.

La défiscalisation des carburants « écologiques » est une source de controverses, quoique fixée en partie par la Directive européenne 2003/96/CE[34] pour ce qui est des pays européens.

Certains mettent en avant des différences techniques avec le gazole, qui nécessite des ajustements sur les véhicules. Toutefois, ce type de critique n'apparaît fondé ni à l'usage ni à l'étude. De plus, la réaction de transestérification nécessite un chauffage donc consomme de l’énergie. Enfin, toujours en relation avec les matières premières, on retrouve la fabrication des engrais par l'industrie chimique qui nécessite des produits pétroliers. En France, des travaux sont menés sur ce dernier point par l'Institut technique des oléagineux (le CETIOM) afin de réduire la consommation d'engrais pour ces productions.

Le diesel est déjà un carburant classé cancérigène par l'OMS (voir Liste des cancérogènes du groupe 1 du CIRC), or le biodiesel serait encore plus nocif, car fonctionnant dans des moteurs non conçus pour lui.

Perspectives

Le biodiesel est un des moyens pour remédier aux crises énergétiques potentielles. La production d’huile à partir de certaines algues aurait un meilleur rendement énergétique d’après des travaux récents. Mais le , le Parlement européen a voté l'interdiction d'ici à 2020 du biodiesel à base d'huile de palme, afin d'enrayer la disparition de millions d'hectares de prairies et de forêts, pièges naturels à carbone. Le Parlement devra maintenant entrer en négociation avec le Conseil des ministres et la Commission pour tenter de faire entériner son vote. Quant aux écologistes, ils demandent l'interdiction à terme de tous les biocarburants dits de « première génération », à base de cultures vivrières.

Politique d'aide

Au niveau europĂ©en, l'obligation du gel des terres est mise en place avec la rĂ©forme de 1992 en vue d'Ă©quilibrer le marchĂ© des cĂ©rĂ©ales. La culture de productions non alimentaires - y compris les cultures Ă©nergĂ©tiques - est autorisĂ©e pour autant que l'utilisation de la biomasse soit garantie par un contrat ou par l'agriculteur. Une aide spĂ©ciale aux cultures Ă©nergĂ©tiques a Ă©tĂ© mise en place avec la rĂ©forme de la PAC de 2003. En 2007, une prime d'un montant de 45 â‚¬/ha a Ă©tĂ© prĂ©vue avec une superficie maximale garantie de 1,5 million d'hectares en tant que plafond budgĂ©taire.

Au niveau français, la France devance de deux ans les mesures d’incorporation prises par l’Union europĂ©enne. En 2007, tous les moteurs diesel roulaient au diester avec 5 % en volume d’additif, en 2008 Ă  6,3 % et en 2010, la France s’est engagĂ©e Ă  incorporer 7,7 % en volume et en 2015 l'objectif est de 10 % en volume. Aujourd’hui, 60 collectivitĂ©s et entreprises, soient 8 000 vĂ©hicules, l’utilisent Ă  30 %. Cette nouvelle fabrication bĂ©nĂ©ficie d’exonĂ©ration de taxe intĂ©rieure de consommation sur les produits pĂ©troliers (TIPP) normalement appliquĂ©e au carburant. Le biodiesel en 2007 a Ă©tĂ© dĂ©taxĂ© de 65 %.

Commerce

En 2014, la France est nette exportatrice de biodiesel, d'après les douanes françaises. Le prix moyen à la tonne à l'export était de 925 €[35].

Impact environnemental

Intérêt du biodiesel

Le principal intérêt revendiqué par le biodiesel est de ne pas être une énergie fossile et de fournir une énergie renouvelable (l'huile végétale brute), contribuant très peu à l'augmentation du taux de CO2 présent dans l'atmosphère. De plus le biodiesel ne comportant pas moins d'azote que le diesel. En effet, en théorie, la plante[Note 4], durant sa croissance, consomme par photosynthèse la quantité exacte de dioxyde de carbone qui sera dégagée lors la combustion du carburant. Cependant, pour bien maîtriser la valeur écologique d'un carburant, il faut prendre en compte son éco-bilan, et donc tout son processus de fabrication, incluant la culture et ses intrants (engrais notamment), l'empreinte écologique et l'efficacité énergétique des processus de transformation et des transports du producteur au consommateur final et faire le bilan énergétique global.

Le biodiesel nécessite un apport énergétique pour accélérer le processus d'estérification et doit être traité dans des raffineries spécialisées avant d'être livré aux consommateurs, ce qui dégrade légèrement son efficacité énergétique en particulier face à l'huile végétale carburant, mais le rend compatible avec l'ensemble des motorisations diesel. Le biodiesel peut être utilisé sans être mélangé au gazole (B100), mais cette utilisation nécessite l'emploi de joints particuliers dans les moteurs. En pratique, le biodiesel est mélangé à des taux allant de 5 % à 30 % (B5 et B30) qui ne nécessitent pas de modification des moteurs.

Certains soulignent des risques qui n'ont pas initialement été pris en compte[36] - [37]. Il ne faudrait pas que la production de biocarburants se fasse au prix d'une déforestation massive comme au Brésil, ce qui, au contraire de l'effet recherché, augmenterait les émissions de gaz à effet de serre. De plus, les espaces cultivés privent les pays de sols pour l'agriculture alimentaire, en faisant monter les prix des céréales ou du maïs alimentaires (ces cultures étant utilisées pour produire de l'éthanol, un autre agrocarburant).

En Europe, où la production de biodiesel est essentiellement issue de la culture du colza, sans qu'il y ait de déforestation, cette production a un avantage : la production simultanée de protéines végétales pour l'alimentation animale. Le développement des biodiesels européens a ainsi permis d’accroître la production de protéines végétales locales qui remplacent une partie des importations de soja.

L'organisation non gouvernementale Transport & environment, à partir des données possédées par la Commission européenne, a effectué une étude sur le bilan total des émissions de gaz à effet de serre de diverses alternatives aux carburants fossiles. D'après leurs calculs, l'ensemble des agrocarburants du type biodiesel conçus à partir de colza, soja, tournesol ou de palmier à huile émettent plus de CO2 que le diesel fossile à quantité équivalente[38] - [39].

Bilan environnemental

Un projet européen a pour objectif d'approfondir les études menées sur le colza énergétique, en considérant uniquement la partie agricole. On parle alors du bilan environnemental de la culture. Pour traiter au mieux ses différents aspects, trois organismes mettent en commun leurs compétences :

Cela consiste à établir une base quantitative d'évaluation des facteurs d'impact de la culture sur l'environnement à travers l'inventaire des consommations de matière et d'énergie, ainsi que des rejets solides, liquides et gazeux, pendant son cycle de vie. Il faut donc comparer toute l'énergie nécessaire à la production du diester à celle restituée (rendement énergétique), mais aussi mesurer les quantités d'azote lessivé (nitrates) ou ré-émis (protoxyde d'azote, ammoniac) par rapport à celles relevées sur sol en jachère nue ou spontanée.

Bilan hydrique

Un autre aspect du bilan environnemental est l'impact de la jachère sur les évolutions du stock d'eau et les écoulements dans le sol. Une particularité du colza d'hiver est la longueur de son cycle : le sol est couvert pendant dix mois, ce qui comporte deux avantages : la conservation de la structure (porosité et résistance à l'érosion) et la limitation de l'érosion lors des fortes pluies hivernales. De plus, la surface et la structure du couvert régissent l'évapo-transpiration. Avec en outre la capacité des racines à capter l'eau du sol, la culture et sa fertilisation jouent un rôle évident sur les stocks d'eau et le drainage.

Bilan azoté

L'élément azote est impliqué de multiples façons dans le bilan environnemental. Indispensable pour la fertilisation, il devient indésirable dans les eaux de percolation (pollution des nappes phréatiques, eutrophisation) et dans les émissions gazeuses (le protoxyde d'azote est un gaz à effet de serre). De plus la modélisation du cycle de l'azote est complexe, en particulier dans le sol où intervient l'activité microbiologique. L'étude menée est donc intéressante pour plusieurs raisons. D'une part pour confirmer et quantifier les impacts environnementaux du colza, qui est souvent décrit comme un piège à nitrate pour sa croissance automnale qui limite les risques de lessivage hivernal, sans nécessiter pour cela d'apport d'engrais, car le début du développement consomme l'azote produit par l'activité microbiologique sur le reliquat de la culture précédente. Par ailleurs, une étude récente mettait en cause le colza en ce qui concerne les dégagements de protoxyde d'azote (Friedrich, 1992). D'autre part les analyses de sol et les mesures de flux effectuées permettent de tester ou de valider les sous modèles de transformations de l'azote.

Bilan lors de la fertilisation des cultures

Le colza prélève les nitrates présents dans le sol et les rend en partie disponibles pour les céréales suivantes. Ceci évite que ces nitrates ne se retrouvent dans les nappes phréatiques. Il permet de rompre les cycles des maladies des céréales et de lutter plus efficacement contre les mauvaises herbes. Placée après un colza, une céréale donnera aussi un meilleur rendement. Les cultures de colza et de tournesol — placées en « tête de rotations » — permettent de réduire les doses d’engrais et de produits phytosanitaires nécessaires pour les céréales cultivées après.

Notes et références

Notes

  1. Le B20/B-20 ou encore BD20 est un carburant diesel contenant 20 % de biodiesel et 80 % de gazole, le B40 contient 40 %, le B10 10 %, etc.
  2. Nom donné au Canada aux variétés de colza de printemps à basse teneur en acide érucique.
  3. Les huiles sont acides ce qui est peu compatible avec l'huile de vidange qui est alcaline.
  4. Le colza généralement, mais le procédé est applicable à toutes les huiles.

Références

  1. Définition de biodiésel en Cordial
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Annexes

Bibliographie

  • Daniel Ballerini et Jean-Louis Lemarchand, Le plein de biocarburants ? : enjeux et rĂ©alitĂ©s, Paris, Éditions Ophrys, , 158 p. (ISBN 978-2-7108-0882-4)

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