Processionnaire du pin
Thaumetopoea pityocampa
(Thaumetopoea pityocampa)
en « procession ».
Règne | Animalia |
---|---|
Embranchement | Arthropoda |
Classe | Insecta |
Super-ordre | Endopterygota |
Ordre | Lepidoptera |
Famille | Notodontidae |
Sous-famille | Thaumetopoeinae |
Genre | Thaumetopoea |
- Traumatocampa pityocampa
La Processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) est une espèce de lépidoptères (papillons) de la famille des Notodontidae, surtout connue pour ses chenilles. Nommées d'après leur mode de déplacement en file indienne, celles-ci se nourrissent des aiguilles de diverses espèces de pins, provoquant un affaiblissement important des arbres[1] et des allergies chez certaines personnes exposées aux soies des chenilles[2].
Elles sont classées « nuisibles à la santé humaine », le 27 avril 2022 en France[3].
Description
L'insecte adulte est un papillon de 35 à 40 mm d'envergure, aux antennes pectinées. Les ailes antérieures sont grises, avec deux bandes foncées parallèles chez le mâle, les postérieures blanches marquées d'une tache sombre à l'extrémité postérieure.
La larve est une chenille de quelques millimètres (stade L1) à 40 mm de long (stade 4 ou 5), brune noirâtre avec des taches rougeâtres sur le dessus et les flancs. Sa face ventrale est jaune. Le corps est fortement velu et couvert de soies urticantes et allergisantes. Les chenilles marchent en procession et construisent des cocons de soies dans certains arbres résineux.
Biologie / Cycle de développement
Les papillons, qui éclosent durant l'été, entre juin et septembre selon le climat, pondent leurs œufs déposés en rangées parallèles par paquets de 150 à 220[4] sur les rameaux ou les aiguilles de diverses espèces de pin mais aussi sur les sapins et cèdres en second choix. L'éclosion a lieu cinq à six semaines après la ponte. Le nid entretient un microclimat favorable aux individus de cette espèce[5].
L'éclosion donne naissance à des larves (chenilles) qui muent cinq fois ce qui leur permettra de grandir de quelques millimètres à 4 centimètres. Ces étapes ont lieu dans des nids lâches en été, puis, à partir de la quatrième mue, dans des nids d'hiver tissés de plus en plus denses. Le nid d'hiver est construit dès les premiers froids de novembre pour protéger les chenilles qui en sortent pour se nourrir quand il fait plus chaud. Il se situe dans les endroits bien exposés des arbres comme à la cime ou à l'extrémité des branches.
La vitesse de croissance des larves dépend de la température (et donc de l'altitude et de la latitude). Dès leur éclosion, les chenilles commencent à dévorer les aiguilles de pin et se mettent à tisser des nids de soie dans lesquels elles restent cachées pour s'alimenter. Lorsqu'elles changent de nid, elles se déplacent en « procession ». La cohésion de la file en déplacement est assurée par le contact direct entre les chenilles.
Au printemps (mars-avril), toutes les chenilles d'un mĂŞme cocon quittent leur nid, toujours en procession, pour s'enfouir dans le sol. Chacune des chenilles va tisser un cocon avant de se transformer en chrysalide.
Au bout de plusieurs mois, les chenilles se métamorphosent en papillons adultes qui sortent de terre et s'envolent. Le cycle recommence par l'accouplement de la femelle et du mâle. Ce dernier meurt un ou deux jours après, alors que la femelle s'envole vers la branche d'un arbre résineux pour pondre jusqu'à 220 œufs avant de mourir à son tour. Les petites chenilles émergent 30 à 45 jours après la ponte[6].
- Des nids dans un pin sylvestre en Dordogne.
- Nid de processionnaires à Sète.
Dégâts
Les chenilles se nourrissent des aiguilles des pins qui conduit Ă un affaiblissement important des arbres pouvant ouvrir la voie Ă d'autres ravageurs qui peuvent le tuer[7].
Les espèces attaquées sont[8] le pin parasol, le pin d'Alep, le pin maritime, le pin noir d'Autriche, le pin blanc, le pin laricio et le pin sylvestre. Le cèdre de l'Himalaya est également parasité.
Dangerosité
Comparée à d'autres déprédateurs, la chenille est peu dangereuse pour l'arbre qui, généralement, voit diminuer ses cernes de croissances[9]. En revanche, elle cause des problèmes à l'humain et probablement à divers animaux.
En effet ces chenilles, comme celles de quelques autres espèces de lépidoptères[10], possèdent (chez cette espèce uniquement au troisième stade larvaire, un mois et demi après l'éclosion) sur la face dorsale un « appareil urticant »[11] composé de « micropoils » qui sont projetés en l’air lorsque la chenille se sent menacée[12]. Cet appareil est formé de petites poches parfois dénommées « miroirs » qui contiennent un très grand nombre de minuscules dards (micropoils) empoisonnés ; leur caractère fortement urticant est dû au fait que le poil en se cassant dans l'organisme y libère une toxine (thaumétopoéine, de PM 28000 daltons[13], une protéine urticante, produite par une glande spécialisée[14] au cours de son développement larvaire[15] qui peut provoquer d'importantes réactions allergiques (mains, cou, visage) mais aussi des troubles oculaires ou respiratoires[16]). Les atteintes à l'œil peuvent avoir d'importantes conséquences si les poils ne sont pas rapidement enlevés. Il est dangereux de manipuler un nid même vide.
Le danger est aussi important pour les animaux de compagnie : un chien atteint à la langue (qu'il peut avoir utilisée pour lécher les démangeaisons sur son corps) s'il n'est pas soigné rapidement par des fortes doses de cortisone, risque alors la nécrose de la langue. Il ne pourra donc plus se nourrir. Il est important de rincer la langue et la bouche du chien avec de l'eau propre, sans frotter, ce qui briserait les poils urticants de la chenille et qui libérerait ainsi plus de toxines, aggravant l'état de l'animal.
RĂ©partition en France et habitats
Thaumetopoea pityocampa est présent dans une grande partie de la France métropolitaine, sauf dans le Nord-Est du pays et dans une partie du Massif central[17].
L'espèce étend son aire de répartition vers le nord-est depuis les années soixante[18]. Cette progression est suivie par l'équipe de modélisation de l'INRA d'Orléans (URZF).
Pour disposer de données à l'échelle communale et pour évaluer les besoins des gestionnaires d'espaces verts et pour produire des préconisations plus pertinentes en matière de lutte, une enquête élaborée par Plante et Cité et l’INRA avec l’Association des Maires de France (AMF) a été lancée en 2009 auprès de toutes les communes de France. Le technicien responsable ou l'élu chargé des espaces verts ont été invités à compléter un questionnaire en ligne sur Internet du au .
En 2010, la chenille progresse vers le nord et notamment en Île-de-France[19], probablement en raison du réchauffement climatique[20] et de l'activité commerciale du bois dont le transport pourrait favoriser sa dispersion.
Les gros noyaux de populations sont situés dans les forêts de pins ; des nids sont observés le long des alignements de pins le long des routes et dans l'openfield (ex dans la Beauce) là où des petits boisements de pins épars sont présents, même en l'absence de haie, ce qui montre une bonne capacité de ce papillon à coloniser de nouveaux habitats (jusqu'à 5 à 6 km de son lieu de naissance en milieu ouvert, alors qu'ils se reproduit plutôt sur place en forêt [21]).
La chrysalide (enterrée) peut en outre aussi être véhiculée par les transports de terre [21]. Le réchauffement semble favoriser la remontée de l'espèce vers le nord[21].
LĂ©gislation en France
Le 31 juillet 2000, le Ministère chargé de l'agriculture établit une liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et objets soumis à des mesures de lutte obligatoire. Parmi ces espèces figure la processionnaire du pin pour le département de La Réunion[22].
Le 25 avril 2022, le Ministère chargé de la santé ajoute par décret les processionnaires du pin (ainsi que les Processionnaires du chêne) à la liste des espèces dont la prolifération est nuisible pour la santé humaine (code de la Santé publique)[23] - [24]. L'arrêté du 2 juin 2017 relatif à la désignation des "organismes contribuant à des mesures nationales de prévention et de lutte relatives à certaines espèces végétales et animales dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine" est par ailleurs mis à jour. Le réseau FREDON France voit ses missions étendues à l'animation et au fonctionnement d'un Centre national de référence, de prévention et de lutte face aux chenilles processionnaires du chêne et du pin : l'Observatoire des espèces à enjeux pour la santé humaine au sein duquel est mis en place un Observatoire des chenilles processionnaires[25].
Les mesures de gestion des populations de chenilles sont par ailleurs confiées aux préfets de départements.
Ennemis naturels et moyens de lutte
Ennemis naturels
Chaque stade de vie de ce papillon possède son cortège d'ennemis naturels, c'est-à -dire aux stades de l'œuf, de la chenille, des chrysalides et des papillons. Ces ennemis naturels sont des champignons, des virus, des bactéries, des insectes prédateurs ou hyperparasite, quelques oiseaux, des rongeurs.
Des études sur la prédation par les mésanges[26], le coucou ou la huppe fasciée[27] sont conduites par l'INRA (Paca et Bordeaux). Une expérience réalisée en Belgique au début des années 1950 a démontré que l'installation massive de nichoirs à mésanges (un nichoir tous les 30 m) était parvenue à contrôler localement les chenilles processionnaires du chêne dans un massif boisé d'une dizaine d'hectares. Il a également été montré dans le sud-ouest de la France (Landes)[28] que certaines espèces de chauves-souris chassent les papillons adultes et pourraient agir comme régulatrices des populations de processionnaires.
Stratégie de régulation ou de protection
Un document de synthèse intitulé Les clés pour lutter contre la processionnaire du pin[29] élaboré par Anne-Sophie Brinquin et Jean-Claude Martin de l'INRA résume toutes les stratégies possibles pour réguler écologiquement cet insecte.
- Lutte mécanique dite « échenillage » : pour les surfaces réduites (parcs et jardins), elle consiste à enlever et à détruire à la main ou à l'aide d'outils (échenilloir) les pontes et les nids. Les nids sont généralement incinérés, en évitant tout contact direct avec les poils urticants des chenilles. Un chalumeau est parfois utilisé pour brûler les nids.
- Piégeage des chenilles : un piège appelé « écopiège », constitué d'une gouttière reliée à un sac, peut être installé pour intercepter les chenilles lorsqu'elles descendent de l'arbre. La suppression par incinération des insectes capturés doit s'effectuer un mois après leur descente, lorsqu'elles sont au stade de chrysalides[30]. Chaque piège n'est efficace que pour l'arbre sur lequel il est installé[21].
- Piégeage des papillons mâles : un piège à base de phéromones sexuelles de synthèse (imitant les molécules libérées par les papillons femelles pour attirer les partenaires), suspendu dans les pins, attire dès le début du vol les papillons mâles (généralement de mi-mai en climat océanique à mi-juillet en climat bord-méditerranée) et jusqu'à la fin du vol (fin octobre pour plus de sécurité). Le piégeage de masse serait efficace à condition que le nombre de pièges soit suffisant pour la surface où ils sont disposés. Toutes les phéromones ne sont pas aussi performantes et tous les pièges n'ont pas les mêmes capacités de capture.
- Traitement chimique par pulvérisation aérienne d'insecticides, avec le défaut d'affecter d'autres espèces, voire des espèces prédatrices naturelles de la processionnaire du pin puisque ce traitement n'est pas sélectif.
- Lutte biologique : la méthode la plus utilisée est la pulvérisation de biotoxines (produites par une bactérie, le Bacillus thuringiensis var. kurstaki), sur les aiguilles des pins, ce qui est efficace contre les chenilles de lépidoptères. L'ingestion de ces toxines provoque la mort des larves par intoxication. Les spécialités commerciales homologuées en France ont une faible persistance et une très bonne efficacité sur les stades âgés. L'utilisation en fin d'automne permet ainsi une bonne protection contre ce ravageur des forêts.
- Régulation biologique : des expériences ont montré que l'odeur du bouleau a un effet répulsif sur la processionnaire[31].
- La pose de nichoirs à mésange facilite la nidification des mésanges et favorise la prédation de la processionnaire du pin[32]. Déjà démontrée sur d'autres espèces, la lutte biologique (réussie en Belgique au milieu du XXe siècle par les Réserves Ornithologiques de Belgique), serait le placement massif de nichoirs à mésanges (environ 1 nichoir tous les 30 m). En France entre 6 et 20 nichoirs/ha ont été testés sur plusieurs sites expérimentaux (forêt domaniale du Mont Ventoux, Réserve Naturelle de la Sainte Victoire, Parc Départemental de la Brague- 06) par l'INRA avec les partenaires gestionnaires. L'étude a montré une régulation biologique contre la processionnaire du pin sans autre mode de gestion, selon Jean-Claude Martin de l'INRA[33] - [21].
- Les biologistes cherchent à isoler chez des chenilles, vivantes ou mortes, des bactéries pathogènes spécifiquement pour cette espèce[34] - [35].
- Utilisation de phéromone pour introduire de la confusion sexuelle et limiter ainsi les reproductions de l'insecte. Une société française, M2i Life Sciences, a même conçu, en partenariat avec l'Institut national de la recherche agronomique, des billes à tirer avec un lanceur de paintball, de façon à atteindre l'arbre en hauteur[36] - [37].
Notes et références
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- https://reporterre.net/Les-chenilles-processionnaires-declarees-nuisibles-a-la-sante-humaine
- (Bonnet C, Martin JC, Mazet R., 2008)
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- Baptiste C (2016) Chenilles processionnaires : les techniques de lutte en pleine révolution ; Avec la hausse de température liée aux changements climatiques, la chenille processionnaire, nuisible pour l'homme, les animaux et la sylviculture, ne cesse de gagner du terrain en France. Pour enrayer l'invasion de ces insectes rampants, les techniques sans pesticides se multiplient. Aux armes !, Actu-Environnement publié 02 mai 2016 (avec vidéo)
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- Mathilde Golla, « À la place des pesticides, cette société protège les cultures à coup de paintball », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- LĂ©pi'Net.
- (de) Lepiforum.
- (en) Référence BioLib : Thaumetopoea pityocampa (Denis & Schiffermüller, 1775)
- (en) Référence Fauna Europaea : Thaumetopoea pityocampa (Denis & Schiffermüller, 1775) (consulté le )
- (fr) Référence INPN : Thaumetopoea pityocampa (Denis & Schiffermüller, 1775) (TAXREF)
- (fr) Les processionnaires – 1re partie : La processionnaire du pin, par Alain Fraval - paru dans Insectes no 147 (2007)
- (fr) Processionnaire du pin - INRAE.
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