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BĂ©guinage de Bruges

Le bĂ©guinage de Bruges (appelĂ© enclos de la Vigne, ou en nĂ©erlandais De Wijngaard) est situĂ© dans la partie mĂ©ridionale du centre historique de Bruges, en Belgique. Il constitue encore aujourd’hui un espace clos que sĂ©pare de la ville un mur d'enceinte encore partiellement doublĂ© de douves.

BĂ©guinage de Bruges
Image illustrative de l’article BĂ©guinage de Bruges
Enclos central du béguinage
Présentation
Nom local De Wijngaard
Culte Catholicisme
Type BĂ©guinage
DĂ©but de la construction XIIIe siĂšcle
Protection Patrimoine mondial Patrimoine mondial (1998)
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la Belgique Belgique
RĂ©gion Drapeau de la RĂ©gion flamande RĂ©gion flamande
Province Flandre-Occidentale
Ville Bruges
CoordonnĂ©es 51° 12â€Č 04″ nord, 3° 13â€Č 21″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Belgique
(Voir situation sur carte : Belgique)
BĂ©guinage de Bruges
GĂ©olocalisation sur la carte : Flandre-Occidentale
(Voir situation sur carte : Flandre-Occidentale)
BĂ©guinage de Bruges

À l'origine, en 1225, un groupe de jeunes femmes sans ressources, qui avaient fondĂ© une association pieuse de bĂ©guines, dĂ©cida de s’installer prĂšs d’un cours d’eau, dans un endroit isolĂ© appelĂ© « La Vigne »[note 1]. Cet endroit, situĂ© Ă  l'extĂ©rieur de la ville, leur permettrait de gagner leur vie en travaillant la laine pour les tisserands. Avec leurs consƓurs des autres villes flamandes, les bĂ©guines brugeoises ont bouleversĂ© l'ordre moral de l’Église, rĂ©volutionnĂ© les mentalitĂ©s et modifiĂ© le paysage de nombreuses villes de Flandre.

La comtesse de Flandre Marguerite de Constantinople les a prises sous sa protection en 1245 et est intervenue pour obtenir de l'Ă©vĂȘque de Tournai Gauthier de Marvis que l'enclos soit Ă©rigĂ© en paroisse indĂ©pendante. Cette autonomie a Ă©tĂ© confortĂ©e par un privilĂšge accordĂ© par le roi Philippe le Bel, en vertu duquel le bĂ©guinage relevait dĂ©sormais uniquement du tribunal royal. Par ailleurs, la dimension contemplative a Ă©tĂ© renforcĂ©e par une nouvelle rĂšgle de vie. En 1275, Ă  la suite de la construction de la nouvelle muraille d'enceinte de Bruges, le bĂ©guinage s'est retrouvĂ© au-dedans du pĂ©rimĂštre de la ville. Au XVe siĂšcle, il a connu une pĂ©riode de prospĂ©ritĂ©. Le bĂ©guinage Ă©tait riche et s'Ă©tendait sur une surface Ă©gale Ă  plusieurs fois celle qu'il occupe aujourd’hui. C'Ă©tait une vraie citĂ© dans la ville. L'Ă©glise du bĂ©guinage Ă©tait trĂšs frĂ©quentĂ©e et la paroisse Ă©tait desservie par un curĂ© assistĂ© de cinq vicaires.

Les troubles religieux au XVIe siĂšcle sont Ă  l’origine de l’incendie accidentel (survenu en 1584) de l’ancienne Ă©glise du XIIIe siĂšcle. Elle a Ă©tĂ© reconstruite Ă  l'identique, en style gothique, en 1604, puis remaniĂ©e et agrandie vers 1700. Le bĂ©guinage a connu un nouvel essor aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles, avec une population qui a changĂ© socialement. Si l'orientation est restĂ©e religieuse et contemplative, les bĂ©guines Ă©taient dĂ©sormais d’origine aristocratique et leur mode de vie s'apparentait davantage Ă  celui de chanoinesses. Le recrutement a eu tendance Ă  devenir socialement sĂ©lectif, mĂȘme si une ouverture aux « bĂ©guines pauvres » demeurait. Le monumental portail d'entrĂ©e a Ă©tĂ© Ă©difiĂ© en 1776.

Le bĂ©guinage de Bruges, Ă  l'instar des autres institutions religieuses, a Ă©tĂ© supprimĂ© par l'administration rĂ©volutionnaire française de la fin du XVIIIe siĂšcle, et en 1798, ses biens furent dĂ©volus Ă  la « Commission des hospices publics ». En 1803, Ă  la suite du Concordat de 1801, quelques bĂ©guines purent pĂ©niblement reprendre la vie commune, mais le ressort Ă©tait brisĂ© et le style de vie n'Ă©tait plus guĂšre adaptĂ© Ă  la mentalitĂ© moderne des XIXe et XXe siĂšcles. Le bĂ©guinage a survĂ©cu pendant un siĂšcle. Le chanoine Rodolphe Hoornaert, dernier curĂ© du bĂ©guinage, s'est employĂ© Ă  restaurer le patrimoine bĂąti de sa paroisse, mais, dĂ©sespĂ©rant de ressusciter le bĂ©guinisme, a pris l'initiative, au milieu des annĂ©es 1920 de fonder une nouvelle communautĂ© religieuse : les « Filles de l'Église »[note 2].

Avec la plupart des autres béguinages de Flandre, celui de Bruges est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Son paisible enclos central planté d'arbres longilignes et bordé d'une trentaine de maisons béguinales (certaines datant du XVe siÚcle) est un des endroits les plus célÚbres de la ville.

Le patrimoine architectural du site comprend :

  • un portail monumental, auquel mĂšne un pont Ă  dos d'Ăąne datĂ© de 1776. Ce pont, ornĂ© notamment d'une statue de sainte Élisabeth de Hongrie, patronne de plusieurs bĂ©guinages, est la principale voie d’accĂšs Ă  l'enclos ;
  • une trentaine de maisons bĂ©guinales de couleur blanche, la plupart datĂ©es des XVIe au XVIIIe siĂšcle, qui entourent une vaste pelouse plantĂ©e d'arbres. PrĂšs du portail d'entrĂ©e, une maisonnette, amĂ©nagĂ©e en musĂ©e, fait revivre la vie quotidienne des bĂ©guines. On peut y voir notamment quelques tableaux des XVIIe et XVIIIe siĂšcles, un mobilier d'Ă©poque et les instruments du travail des bĂ©guines, en particulier la broderie de la dentelle ;
  • l'Ă©glise Sainte-Élisabeth de style gothique Ă  l’origine, qui doit son aspect actuel aux remaniements effectuĂ©s vers 1700. Le mobilier, dont les stalles[note 3], est en grande partie de style baroque et date du XVIIe siĂšcle, mais l'Ă©glise garde quelques objets de l'Ă©poque gothique, notamment des statues de la madone ;
  • la maison de la Grande Dame (supĂ©rieure de la communautĂ©), immĂ©diatement reconnaissable car plus vaste et plus Ă©laborĂ©e dans son architecture, datant du XVIIe siĂšcle. Elle est flanquĂ©e d’une petite chapelle plus ancienne (XVe siĂšcle). La maison attenante, qui faisait autrefois office d'infirmerie, fait partie du mĂȘme complexe de bĂątiments. À proximitĂ©, un ensemble de six maisonnettes alignĂ©es plus petites (le Dopsconvent) Ă©tait rĂ©servĂ© aux bĂ©guines financiĂšrement dĂ©munies.

Histoire

Le mouvement béguinal en Flandre

« On ne sait pas exactement oĂč et comment est nĂ© ce mouvement, explique Silvana Panciera, sociologue Ă  l'EHESS et auteur des BĂ©guines[1]. Ses premiĂšres traces remontent Ă  la fin du XIIe siĂšcle, Ă  LiĂšge ». En moins de vingt ans, il se rĂ©pandit comme une traĂźnĂ©e de poudre, gagne la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne, la Hongrie. Partout, des femmes se rĂ©unissaient, recrĂ©ant une citĂ© dans la citĂ©. Leur but Ă©tait de mener une vie de perfection en milieu urbain, sans prononcer de vƓux, en s’affranchissant des rĂšgles de l'Église. « Le mouvement des bĂ©guines sĂ©duit parce qu'il propose aux femmes d'exister en n’étant ni Ă©pouses, ni moniales, affranchies de toute domination masculine », explique RĂ©gine Pernoud dans son livre La Vierge et les saints au Moyen Âge.

Le bĂ©guinisme est Ă  resituer dans le cadre du mouvement gĂ©nĂ©ral de rĂ©forme religieuse apparu aux Xe et XIe siĂšcles. Ce mouvement se caractĂ©risait notamment par une prolifĂ©ration de diffĂ©rentes formes de dĂ©votion populaire, par diverses orientations mystiques et par une montĂ©e en puissance de l’idĂ©al de pauvretĂ© et de prĂ©dication. Les autoritĂ©s ecclĂ©siastiques, redoutant non sans raison l’apparition de tendances hĂ©rĂ©tiques, ne voyaient pas toujours ces phĂ©nomĂšnes avec bienveillance[2].

Dans ce mouvement de rĂ©forme, la femme joua un rĂŽle de premier plan ; Ă  cĂŽtĂ© des religieuses conventuelles ou monastiques, on vit surgir en effet un groupe nombreux de femmes choisissant dĂ©libĂ©rĂ©ment de vivre les valeurs religieuses non dans la rĂ©clusion, mais dans le siĂšcle. Ces premiĂšres bĂ©guines firent leur apparition dans tous les pays d’Europe, donc aussi aux Pays-Bas, mais surtout dans les Pays-Bas mĂ©ridionaux, oĂč des communautĂ©s particuliĂšres, appelĂ©es bĂ©guinages, se constituĂšrent Ă  partir du XIIIe siĂšcle[2].

La mĂ©fiance que l’Église Ă©prouvait envers ces manifestations populaires du renouveau religieux et en particulier envers le rĂŽle de la femme dans celles-ci, frappa aussi ces premiĂšres bĂ©guines, elles aussi bientĂŽt soupçonnĂ©es d’hĂ©rĂ©sie[2]. Le bĂ©guinisme, ainsi nĂ© au XIIe siĂšcle, ne tarda pas Ă  se rĂ©pandre dans toute l’Europe dans le courant du XIIIe siĂšcle, en dĂ©pit de la rĂ©sistance de Rome. Dans le Bas Pays, les bĂ©guines purent bĂ©nĂ©ficier de l’appui de membres de la noblesse locale, et mĂȘme de certains ecclĂ©siastiques. La condamnation gĂ©nĂ©rale du bĂ©guinisme de 1311 fut levĂ©e en 1328 Ă  la suite d’un rapport d’enquĂȘte favorable[3].

Le terme mĂȘme de bĂ©guine, au dĂ©part chargĂ© d’une nuance pĂ©jorative, finit par perdre cette connotation pour ne plus dĂ©signer, du moins dans les Pays-Bas, que les membres de communautĂ©s fĂ©minines Ă©tablies dans des couvents de bĂ©guines ou dans des bĂ©guinages. Voulant se retirer du monde pour mener une vie pieuse, elles ne faisaient toutefois vƓu que de chastetĂ© et d’obĂ©issance, non d’indigence ; au surplus, ces vƓux Ă©taient temporaires et prononcĂ©s de façon informelle, au contraire des moniales p.ex., dont les vƓux Ă©tait perpĂ©tuels et prononcĂ©s solennellement. Leur mode de vie Ă©tait plus libre, et elles pouvaient Ă  tout moment quitter le bĂ©guinage et rĂ©intĂ©grer le monde, p. ex. pour se marier[2].

La plupart de ces bĂ©guinages, s’étant constituĂ©s en petites entitĂ©s religieusement et Ă©conomiquement indĂ©pendantes, s’établirent en dehors des premiĂšres murailles d’enceinte des villes. Les plans au sol de ces entitĂ©s, dont le choix du lieu d’implantation Ă©tait dĂ©terminĂ© par la topographie locale et la souhaitable proximitĂ© d’un cours d’eau, prĂ©sentent grosso modo soit la configuration de l’enclos (bĂątiments alignĂ©s autour d’une place centrale), soit celle d’un rĂ©seau de rues, soit encore le type mixte, rĂ©sultant d’une combinaison de ces deux configurations par suite d’une extension survenue principalement au XIIIe siĂšcle. Les Ă©lĂ©ments invariablement prĂ©sents dans les bĂ©guinages sont : une Ă©glise avec cimetiĂšre, des convents (ou maisons collectives, Ă  l’usage de bĂ©guines jeunes ou nĂ©cessiteuses), une infirmerie, la demeure de la Grande-Demoiselle, la Maison ou Table du Saint-Esprit (destinĂ©e au secours des pauvres), une ferme avec terres agricoles, et un dries ou prĂ© de blanchiment. Chaque ensemble Ă©tait cernĂ© d’un mur de clĂŽture et pourvu d’un ou de plusieurs portails d’entrĂ©e. Le presbytĂšre se trouvait ordinairement Ă  proximitĂ©, mais — les personnes de sexe masculin, y compris le curĂ©, n’étant pas autorisĂ©es Ă  pĂ©nĂ©trer dans le bĂ©guinage aprĂšs 19 heures[4] — en dehors du pĂ©rimĂštre du bĂ©guinage (en l’espĂšce, au no 15 de la Wijngaardplein). Par suite des expansions urbaines subsĂ©quentes, les bĂ©guinages se retrouvĂšrent finalement au-dedans de la nouvelle enceinte, mais gĂ©nĂ©ralement dans les parties pĂ©riphĂ©riques[3].

Fondation

Charte fondatrice du béguinage de Bruges, datée de mai 1245.

La premiĂšre mention du bĂ©guinage de Bruges figure sur un document de 1242, dans lequel la comtesse Jeanne de Constantinople dĂ©clarait s’ériger en protectrice des bĂ©guines de Bruges, ainsi qu’elle l’avait dĂ©jĂ  fait auparavant pour celles de Gand)[5]. On ignore ce qui s’est passĂ© avant cette date, mais un scĂ©nario possible est le suivant[2]. Les premiĂšres bĂ©guines, vivant en ordre dispersĂ©, firent leur apparition dans la ville de Bruges vers 1225. AprĂšs un certain temps, un groupe de bĂ©guines dĂ©cida de s’installer sur un bout de terrain marĂ©cageux connu sous le nom de Vinea supra Roiam ou Wingarde, dĂ©nominations dĂ©signant probablement un terrain humide et bas situĂ© sur la rive gauche de la riviĂšre Reie, en dehors de l’enceinte construite au XIIe ; aussi, comme il Ă©tait d’usage partout ailleurs, c’est donc aux abords d’un cours d’eau que les bĂ©guines brugeoises choisirent de se fixer[3] - [6]. La date d’établissement exacte demeure incertaine, mais doit probablement ĂȘtre placĂ©e au dĂ©but du XIIIe. À l’origine, le nom du lieu, Wingarde, signifiait probablement prĂ© ou herbage (contraction de widen, pluriel de wide, prairie, weide en nĂ©erlandais moderne, suivi de gaarde, clos ou enclos), l’assimilation, par Ă©tymologie populaire, avec wijngaard (vignoble) n’intervenant qu’ultĂ©rieurement[6]. Cet emplacement avait le double avantage d’ĂȘtre, d’une part, proche de l’eau courante de la riviĂšre, circonstance propice aux travaux de blanchisserie, occupation traditionnelle typique des bĂ©guines, et d’autre part, proche de l’hospice Saint-Jean, oĂč elles pouvaient se rendre utiles comme soignantes. Cette situation favorable contribua Ă  la croissance incessante du groupe, au point que l’autoritĂ© ecclĂ©siastique, par la voix des dominicains, jugea utile d’intervenir afin de rĂ©guler la nouvelle communautĂ©. Les dominicains s’étaient Ă©tablis Ă  Bruges en 1233, et il n’est donc pas improbable qu’ils aient ƓuvrĂ© Ă  partir de 1235 Ă  organiser les bĂ©guines en beghinae clausae. Vers 1240, la communautĂ© bĂ©guinale brugeoise devait ĂȘtre devenue suffisamment nombreuse pour que les autoritĂ©s ecclĂ©siastiques et civiles pussent songer Ă  instituer une paroisse bĂ©guinale sĂ©parĂ©e[7]. AprĂšs la mort de Jeanne de Constantinople, sa sƓur Marguerite sut convaincre l’évĂȘque de Tournai, Gauthier de Marvis, d’accorder en 1244 l’autorisation de constituer le bĂ©guinage en paroisse Ă  part entiĂšre et de permettre que celle-ci disposĂąt de sa propre Ă©glise[8]. La premiĂšre mention d’une infirmerie date de 1245[3]. Le bĂ©guinage jeta son dĂ©volu sur la chapelle dĂ©saffectĂ©e de l’ancien burggrave, sise sur la place du Bourg (en nĂ©erl. Burg), prĂšs de l’église Saint-Donatien, et vouĂ©e Ă  Notre-Dame. Marguerite de Constantinople, hĂ©ritiĂšre des droits de sa sƓur dĂ©cĂ©dĂ©e Jeanne, sollicita auprĂšs de Gauthier (ou Walter) de Marvis (sous l’autoritĂ© de qui ressortissait tout le comtĂ© de Flandre) — et obtint en juillet 1244 — la permission de dĂ©molir pierre par pierre ladite chapelle et de la transporter de cette façon vers le bĂ©guinage ; en mĂȘme temps fut transfĂ©rĂ©e aussi la prĂ©bende liĂ©e Ă  la chapellenie[7] - [9]. Ainsi, une annĂ©e seulement plus tard, en 1245, cette paroisse nouvellement fondĂ©e possĂ©dait dĂ©jĂ  sa propre chapelle, tandis qu’une infirmerie y existait probablement dĂšs avant cette date. Sur le document relatif au bĂ©guinage conservĂ© Ă  la chancellerie de Marguerite, le bĂ©guinage est dĂ©signĂ© par vinea, et sa dĂ©nomination sera dĂ©sormais officiellement la traduction de ce terme latin, Ten Wijngaerde (littĂ©r. Au vignoble, clos de la Vigne)[5].

L’ordre des dominicains, qui avait Ă©tĂ© sans doute Ă©troitement impliquĂ© dans la fondation de la nouvelle communautĂ©, se vit octroyer le privilĂšge de dĂ©signer le curĂ© de la nouvelle paroisse bĂ©guinale[5]. Le rĂŽle important jouĂ© par les dominicains dans la fondation du bĂ©guinage de Bruges est reflĂ©tĂ© dans les larges compĂ©tences qui leur Ă©churent dans la direction du bĂ©guinage. En effet, il fut dĂ©cidĂ© cette mĂȘme annĂ©e de confier la gestion de la chapellenie au prieur des dominicains et Ă  la grande-maĂźtresse du bĂ©guinage, habilitĂ©s dĂ©sormais Ă  nommer les curĂ©s et chapelains du bĂ©guinage, privilĂšge auparavant rĂ©servĂ© Ă  la comtesse elle-mĂȘme[7].

Premiers siùcles d’existence

La carte de Bruges de Marcus Gerards (1562), oĂč le bĂ©guinage est figurĂ© avec prĂ©cision (le nord est orientĂ© vers la gauche). On distingue, au centre de l’image : le portail d’entrĂ©e prĂ©cĂ©dĂ© d’un simple pont de bois sur la Reie ; l’enclos central sur le pourtour duquel sont groupĂ©es les maisons de professes ; l’église sainte-Élisabeth ; l’étroit canal qui traverse le bĂ©guinage de part en part (d’est en ouest) et qu’enjambent deux ponts de bois ; et aussi l’extension du bĂ©guinage vers le sud (vers la droite), appelĂ© Koegat, consistant en une rue (de Steert) dĂ©bouchant sur une placette avec fontaine, d’oĂč part une autre rue vers le bas (l’ouest) en direction d’un petit portail. Le plan d’eau en haut Ă  droite, avec le couple de cygnes, est le Minnewater, lac de retenue dĂ©terminĂ© par une Ă©cluse qu’abrite le Sashuis (en orange), posĂ© sur ses trois arcades.

Le clos de la Vigne connut ensuite un dĂ©veloppement constant, acquit rapidement une certaine popularitĂ© et allait bientĂŽt bĂ©nĂ©ficier des faveurs des puissants de Flandre, lesquels lui accorderont de nombreux privilĂšges. Ainsi le bĂ©guinage de Bruges put-il Ă  partir de 1299 s’orner du titre de princier, aprĂšs que Philippe le Bel (suzerain du comte de Flandre) eut dĂ©cidĂ© de soustraire le bĂ©guinage Ă  l’autoritĂ© du magistrat municipal de Bruges ; dĂ©sormais, quiconque se trouvait dans l’enceinte du bĂ©guinage ressortissait Ă  la juridiction royale et ne pouvait ĂȘtre mis en dĂ©tention par les autoritĂ©s brugeoises[10] - [5].

Vers 1297, par la construction de la deuxiĂšme muraille d’enceinte de Bruges, le bĂ©guinage s’était retrouvĂ© au-dedans du pĂ©rimĂštre urbain, sans que cela n’altĂ©rĂąt fondamentalement sa situation d’isolement, Ă©tant donnĂ© que le quartier alentour restera faiblement bĂąti[5] - [3]. En 1300 apparurent les premiers statuts Ă©crits, qui prescrivaient une vie de priĂšre, de travail et d’abnĂ©gation[3].

Le curĂ© partageait la charge d’ñmes avec quatre chapelains. La nĂ©cessitĂ© de rĂ©munĂ©rer ce personnel ecclĂ©siastique indique que les bĂ©guines devaient ĂȘtre fortunĂ©es. Dans les premiers temps, les femmes ne vivaient pas dans des maisons individuelles, mais dans l’un des sept logements collectifs appelĂ©s convents, ce qui atteste que l’on faisait grand cas alors des valeurs de solidaritĂ© et du sens communautaire. Cependant, cet esprit ne devait pas durer, car bientĂŽt surgit une fracture entre bĂ©guines choristes, de plus haute extraction et chargĂ©es d’assurer le chant choral, et bĂ©guines communes. Cette fracture alla s’accentuant au fil du temps et Ă  mesure que l’on approchait du XVe siĂšcle. À l’époque bourguignonne, les bĂ©guines chorales, Ă  l’opposĂ© des bĂ©guines auxiliaires, commencĂšrent Ă  s’installer dans leurs propres maisons et se permettaient de longues pĂ©riodes d’absence[5].

Il y eut Ă  Bruges pendant longtemps un deuxiĂšme bĂ©guinage, fondĂ© vers 1270, sis sur le territoire de Sint-Kruis (aujourd’hui dans la banlieue est de Bruges), et placĂ© Ă©galement sous la protection de Marguerite de Constantinople. Ce bĂ©guinage connut une certaine floraison et s’occupait uniquement de bienfaisance. SubordonnĂ© Ă  la Vigne, il Ă©tait toutefois fort Ă©loignĂ© d’en avoir l’esprit. Ce bĂ©guinage disparut Ă  la fin du XVIIe, et des chartreux prirent possession des bĂątiments[11].

En dĂ©pit des dispositions ecclĂ©siastiques de la premiĂšre moitiĂ© du XIVe, selon lesquelles les bĂ©guines n’étaient autorisĂ©es Ă  vivre que dans des bĂ©guinages reconnus, on trouve trace Ă  Bruges, jusque tard dans le XVe siĂšcle, de couvents de bĂ©guines Ă  part, prĂ©sentant une grande diversitĂ© de styles de vie[12]. L’un d'eux, le couvent Dops (Dopsconvent), fondĂ© par une bĂ©guine de la Vigne en 1338, formait une excroissance juste en dehors de celui-ci, sur son cĂŽtĂ© sud, et Ă©tait destinĂ© aux plus pauvres de ses congĂ©nĂšres. Par ailleurs, quelques bĂ©guines Ă©parses trouvaient Ă  s’employer dans le bĂ©guinage de la Vigne[11].

XVe siĂšcle

Au XVe siĂšcle, le bĂ©guinage de Bruges avait atteint son plein Ă©panouissement. Chaque annĂ©e, quatre nouvelles bĂ©guines en moyenne entraient au bĂ©guinage. En 1441, le clos de la Vigne comptait 152 bĂ©guines, rĂ©partis sur onze convents. Il leur Ă©tait aussi loisible de s’acheter une maisonnette pour elles-mĂȘmes, ou d’hĂ©riter d’une, oĂč elles pouvaient vivre seules ou Ă  deux. Les bĂ©guines besogneuses Ă©taient recueillies dans l’infirmerie, oĂč elle se voyaient assigner une cellule. Cette infirmerie dut ĂȘtre une institution florissante au XVe siĂšcle, capable de distribuer de gĂ©nĂ©reuses prĂ©bendes aux bĂ©guines qui y rĂ©sidaient. Une ferme et une brasserie appartenant en propre au bĂ©guinage pourvoyaient aux besoins alimentaires des bĂ©guines[13] - [3].

Des prĂ©varications constatĂ©es en 1441 entraĂźnĂšrent de la part du comte de Flandre, par la voie de ses commissaires, une mise sous tutelle plus Ă©troite du bĂ©guinage et une rĂ©vision de ses statuts[14] - [3]. La grande-maĂźtresse (ou grande-dame) sera dorĂ©navant assistĂ©e par quatre demoiselles conseillĂšres. Socialement, les bĂ©guines Ă©taient, dans une mesure croissante, des demoiselles riches issues de familles brugeoises aisĂ©es, ou apparentĂ©es Ă  de riches fermiers propriĂ©taires des campagnes circonvoisines. Cette Ă©volution, dont l’idĂ©al de pauvretĂ© eut Ă  pĂątir, fut en revanche propice Ă  la spiritualitĂ© et Ă  la piĂ©tĂ© pures, ces riches bĂ©guines privilĂ©giant en effet le service choral, lequel, s’il n’était pas conditionnĂ© par l’acquittement d’une somme d’argent, n’en Ă©tait pas moins, de par sa nature, Ă  la base d’une certaine sĂ©grĂ©gation sociale. Au rebours de l’infirmerie, qui Ă©tait une institution caritative, le chƓur prĂ©supposait un certain degrĂ© d’instruction (notamment des connaissances en langue latine), ce pourquoi les sƓurs choristes se recrutaient principalement dans les couches aisĂ©es[14]. Se mit ainsi en place une coupure sociale entre les bĂ©guines ordinaires, qui Ă©taient pour la plupart occupĂ©es Ă  l’infirmerie, et les attitrĂ©es du chƓur liturgique[5].

L’intĂ©rĂȘt que les puissants d’alors, en particulier la cour de Bourgogne, manifestaient Ă  l’égard du bĂ©guinage de Bruges est dĂ©montrĂ© par le fait qu’en avril 1477, le mariage par procuration entre Marie de Bourgogne et Louis de BaviĂšre, reprĂ©sentant Maximilien d’Autriche, fut suivi le mĂȘme jour par une visite au bĂ©guinage de Marie de Bourgogne avec toute sa suite et par une fastueuse cĂ©rĂ©monie[14] - [5] - [3].

Guerres de religion

Extrait du dénommé Plan peint (vers 1600). Le béguinage figure au centre droit (la direction nord pointe vers le bas).

La vague iconoclaste de 1566, qui dĂ©ferla de la Flandre française, dĂ©truisit des centaines de couvents et d’églises et ravagea le bĂ©guinage dans nombre de villes (en particulier Ă  Malines, Aarschot, Herentals)[14], Ă©pargnera assez largement celui de Bruges (et aussi celui de Diest). La domination protestante cependant sera prĂ©judiciable au bĂ©guinage, car les autoritĂ©s municipales calvinistes de Bruges contraignirent les bĂ©guines Ă  quitter leurs maisons[15].

Si la Vigne Ă©chappa aux iconoclastes, l’église fut nĂ©anmoins gravement endommagĂ©e par un incendie en janvier 1584, lequel certes resta circonscrit Ă  l’église. Des rĂ©fugiĂ©s et des tisserands de Bailleul et de Hondschoote avaient en effet Ă©tĂ© hĂ©bergĂ©s dans l’église, et l’utilisaient pour entreposer une partie de leur derniĂšre rĂ©colte. La nuit, un chandelier renversĂ© accidentellement mit l’église en feu[16]. L’édifice fut partiellement reconstruit et remaniĂ©, et rouverte aux fidĂšles en 1605, mais on devait y travailler encore jusqu’au siĂšcle suivant[15] - [3]. Cependant, dans les Pays-Bas du nord, la RĂ©forme sonna le glas de la plupart des bĂ©guinages ; dans les Pays-Bas du Sud au contraire, les bĂ©guinages connaĂźtront leur pĂ©riode de plus grande floraison Ă  partir de la fin du XVIe siĂšcle, Ă  la faveur de la Contre-rĂ©forme[14] - [3].

XVIIe et XVIIIe siĂšcles

Jean Hauchin, archevĂȘque de Malines, engagea Ă  la fin du XVIe une profonde rĂ©forme de l’institution bĂ©guinale. Les diffĂ©rents statuts locaux furent remplacĂ©s par une rĂšgle plus gĂ©nĂ©rale, Ă  observer dans l’ensemble des bĂ©guinages. La rĂ©forme prĂ©voyait aussi une plus grande uniformitĂ© de costume et une sĂ©paration plus rigoureuse avec le monde extĂ©rieur. Sainte Begga Ă©tait reconnue patronnesse des bĂ©guinages[17].

Le béguinage de Bruges sur un plan de 1732.

Au dĂ©but du XVIIe, le bĂ©guinage de Bruges fut entiĂšrement rĂ©organisĂ©, en ce sens que la vie fut totalement rĂ©glĂ©e sur le saint Office (c’est-Ă -dire l’ensemble des priĂšres et des lectures que les chanoines, les religieux et les religieuses doivent chanter ou rĂ©citer quotidiennement dans le chƓur liturgique Ă  des heures dĂ©terminĂ©es de la journĂ©e, synonyme : heures canoniales[18]) et le service choral. Les statuts subirent de nouvelles modifications en 1622. Le nombre des bĂ©guines fut limitĂ© et le recrutement devenait de plus en plus sĂ©lectif et aristocratique, de sorte que seules les femmes de bonne famille et de haut rang pouvaient encore s’agrĂ©ger au bĂ©guinage[16] - [15]. La distinction entre choristes et auxiliaires fut mis en Ɠuvre plus strictement encore. La vie conventuelle Ă©tait dĂ©laissĂ©e au profit du rĂ©gime privĂ©. La plupart des convents (habitations collectives) disparurent mĂȘme, et les bĂ©guines dotĂ©es du titre de demoiselle prenaient de plus en plus l’allure de chanoinesses[16]. La quasi-totalitĂ© des convents finirent par ĂȘtre remplacĂ©s par des maisonnettes individuelles, et les bĂ©guines choristes s’appliquaient Ă  se dĂ©marquer des bĂ©guines ordinaires par leur tenue vestimentaire. NĂ©anmoins, le bĂ©guinage connut une pĂ©riode faste, se traduisant par une rĂ©novation du patrimoine bĂąti, mais aussi par le riche ameublement des maisons et de l’église[15].

La direction du bĂ©guinage de Bruges Ă©tait composĂ©e d’un curĂ©, d’une grande-maĂźtresse, d’une vice-grande-maĂźtresse et de quatre demoiselles conseillĂšres ; tous Ă©taient, Ă  l’exception du curĂ©, Ă©lus pour un mandat de trois ans. Le bĂ©guinage disposait alors de possessions considĂ©rables, et l’infirmerie et le chƓur Ă©taient dotĂ©s d’importantes rentes. Cette pĂ©riode faste devait se prolonger jusqu’à la RĂ©volution française, qui sera pour tous les bĂ©guinages l’amorce d’une inexorable pĂ©riode de dĂ©clin[16].

Les souverains autrichiens Marie-ThĂ©rĂšse et Joseph II voulurent rĂ©genter plus Ă©troitement les bĂ©guinages de Flandre. Dans le cadre de l’abolition officielle des « couvents et monastĂšres superflus » dĂ©cidĂ©e par le pouvoir autrichien en 1787, les bĂ©guinages durent dĂ©clarer l’état de leurs biens et revenus, mais ne seront pas autrement inquiĂ©tĂ©s. Sur recommandation des autoritĂ©s ecclĂ©siastiques, les bĂ©guinages servirent de refuge aux religieuses expulsĂ©es[19].

Fin de l’Ancien RĂ©gime

Sous le rĂ©gime rĂ©volutionnaire français, les bĂ©guinages partagĂšrent le sort de toutes les autres institutions religieuses. Par la loi du 5 frimaire de l’an VI (1798), tous « les chapitres sĂ©culiers, les bĂ©nĂ©fices simples, les sĂ©minaires, et toutes les corporations laĂŻques des deux sexes dans les dĂ©partements rĂ©unis » furent supprimĂ©s. ParallĂšlement, les biens dĂ©tenus par les bĂ©guinages, en tant qu’institutions de bienfaisance dont les revenus servaient Ă  entretenir l’infirmerie, tombaient sous la tutelle de la Commission des hospices civils ; en effet, n’étant pas des couvents au sens propre, et prĂ©sentant plutĂŽt un caractĂšre caritatif, les bĂ©guinages Ă  ce titre tombaient sous la compĂ©tence des hospices civils, en consĂ©quence de quoi leurs biens ne furent pas mis en vente, et les bĂ©guinages seront ainsi en partie sauvĂ©s[20]. Les bĂ©guines durent quitter leur habit et interdiction leur fut faite d’accepter des novices. Leurs revenus furent soumis Ă  de fortes restrictions[15]. Les Ă©glises de bĂ©guinage furent certes fermĂ©es, et l’exercice de la religion interdit, mais les bĂ©guines, Ă  l’inverse des autres conventuelles, ne furent pas jetĂ©es Ă  la rue, et pouvaient rĂ©sider jusqu’à la fin de leurs jours dans leurs anciens logis. Ainsi, le bĂ©guinage de Bruges pourra, en partie, poursuivre son existence[3] - [20] - [21].

L’enclos de la Vigne fut donc placĂ© lui aussi devant le dilemme de choisir entre le statut d’institution religieuse (ce qui eĂ»t signifiĂ© la fermeture de l’église et la vente Ă  l’encan de ses biens) et le statut d’institution caritative (impliquant d’ĂȘtre tolĂ©rĂ© mais dĂ©pouillĂ© de sa fonction religieuse). La deuxiĂšme option fut choisie, et en juillet 1798, les biens de l’infirmerie, puis, peu aprĂšs, ceux du chƓur passĂšrent aux mains des Hospices civils[22]. De surcroĂźt, le bĂ©guinage de Bruges vit ses recettes fortement baisser par la suppression de la dĂźme et la disparition des rentes qui lui venaient des corporations dĂ©sormais abolies[15]. Le port des habits de religieuse restera interdit jusqu’en septembre 1814 ; les bĂ©guines brugeoises y supplĂ©Ăšrent par le port d’un voile blanc[22] - [3].

À la suite du Concordat de 1801 signĂ© entre NapolĂ©on et le pape, la situation des bĂ©guines s’amĂ©liora quelque peu et beaucoup de bĂ©guinages redevinrent des lieux de priĂšre publics. Certains bĂ©guinages, tels ceux de Bruxelles et de Diest, furent intĂ©grĂ©s dans des paroisses existantes. Les bĂ©guines pouvaient continuer d’y rĂ©sider moyennant payement d’un loyer et, si elles avaient certes dĂ©finitivement perdu leurs biens, pouvaient poursuivre en silence leur vie de bĂ©guine[20]. En 1803, les autoritĂ©s françaises accordĂšrent l’autorisation de cĂ©lĂ©brer Ă  nouveau la messe dans l’église, et l’office religieux fut restaurĂ© au bĂ©guinage de Bruges[3] - [15].

Cependant, chose plus prĂ©occupante, la spiritualitĂ© bĂ©guinale elle-mĂȘme subit le contrecoup de tous ces bouleversements. En effet, la communautĂ© avait Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  se disperser partiellement pendant plusieurs annĂ©es dans le monde extĂ©rieur, oĂč les vƓux n’étaient que mĂ©diocrement respectĂ©s et oĂč les prescriptions de la vie chorale tendaient Ă  ĂȘtre moins strictement observĂ©s[22].

XIXe siĂšcle

La Reie prĂšs du bĂ©guinage, dessin de Jean-Jacques Gailliard (1801-1867), non datĂ© (mais Ă  situer entre 1833 et 1839). On distingue au centre le pont Ă  trois arches menant au portail d’entrĂ©e (Ă  gauche) et prĂ©cĂ©dĂ© Ă  droite par le presbytĂšre, dont la façade n’avait pas encore Ă©tĂ© « refaite » par Delacenserie. DerriĂšre le presbytĂšre, les bĂątiments de la brasserie De halve Maan (cheminĂ©e). À l’arriĂšre-plan, la cathĂ©drale Saint-Sauveur au clocher massif, non encore rehaussĂ© Ă  cette date.

AprĂšs l’intronisation de Guillaume Ier en 1814, les bĂ©guines furent autorisĂ©es Ă  reprendre leur habit, mais le bĂ©guinage peina Ă  retrouver son ancienne floraison et Ă  rĂ©tablir la spiritualitĂ© d’antan. Les femmes se sentant appelĂ©es Ă  embrasser l’état de bĂ©guine n’étaient plus guĂšre qu’en petit nombre : si l’on comptait encore 26 bĂ©guines en 1811, elles n’étaient plus que 17 en 1827. En outre, l’esprit de sobriĂ©tĂ© et de piĂ©tĂ©, les deux piliers de la vie bĂ©guinale authentique, avaient cessĂ© d’ĂȘtre Ă  l’honneur ; les plaisirs de la table et le confort matĂ©riel semblaient dĂ©sormais y primer. La visite pastorale de monseigneur Malou en 1849 provoqua certes un dernier flamboiement, mais sans effet Ă  long terme. Le recrutement resta limitĂ©, de sorte qu’au cours du XIXe siĂšcle, par manque de bĂ©guines auxiliaires, l’on dut faire appel Ă  des femmes laĂŻques pour travailler Ă  l’infirmerie et faire le mĂ©nage chez les bĂ©guines choristes[15], chaque demoiselle disposant dĂ©sormais de sa propre servante, qui n’appartenait pas Ă  la communautĂ©. Finalement, il fallut, par manque de religieuses, renoncer Ă  cĂ©lĂ©brer le Grand Office, remplacĂ© dorĂ©navant par l’Office de Notre-Dame, moins exigeant[22].

Rodolphe Hoornaert décrivit comme suit les derniÚres années du béguinage de Bruges :

« AffectĂ©e par une sorte d’euphorie sĂ©nile, cette brillante institution glissa inconsciemment vers une caricature, tandis que la vĂ©nĂ©rable rĂšgle de 1300 s’étiolait de plus en plus en un pĂąle rĂšglement spirituel[23]. »

Tableau anonyme du XIXe siĂšcle, non datĂ©. On reconnaĂźt au centre le pont conduisant au portail d’entrĂ©e du bĂ©guinage ainsi que, Ă  la gauche du portail, la maison bĂ©guinale no 1 et, contre le bord gauche, la maison no 3. À droite, le presbytĂšre, avec sa façade encore peinte en blanc. À l’arriĂšre-plan au centre, la cathĂ©drale Saint-Sauveur, toujours sans sa partie supĂ©rieure nĂ©o-romane, ajoutĂ©e entre 1846 et 1849 (ce qui permet d’induire que le tableau est antĂ©rieur Ă  cette date). Au fond Ă  droite, le clocher de Notre-Dame, dont la flĂšche se perd dans le feuillage, et Ă  sa droite, plus flou et apparaissant plus petit en raison de la distance, le beffroi, en partie dissimulĂ© derriĂšre ledit clocher.

À cette situation de dĂ©clin spirituel, se traduisant notamment par une pĂ©nurie de vocations, s’ajouta le dĂ©sarroi financier, aggravĂ© par l’action de la municipalitĂ© brugeoise libĂ©rale[3]. À l’échelon national, l’État libĂ©ral qui s’était mis en place en 1830 n’était pas enclin Ă  restituer leurs biens aux bĂ©guinages. Le parti libĂ©ral, aux affaires de 1848 Ă  1884, mena une politique rĂ©solument anticlĂ©ricale. Les bĂ©guines avaient donc perdu pour de bon leurs biens et leurs revenus. LĂ  oĂč les bĂ©guines en Ă©taient rĂ©duites Ă  payer un loyer auprĂšs des pouvoirs publics pour occuper leur maison et leur bĂ©guinage, l’institution dĂ©pĂ©rissait immanquablement pour finir par s’éteindre tout Ă  fait[24].

Au milieu du XIXe siĂšcle se dĂ©clencha une violente polĂ©mique au sujet de la relation entre bĂ©guinage et État. En 1839, l’archevĂȘque de Malines sollicita le roi de soustraire les biens des bĂ©guinages aux Hospices civils et d’en restituer au moins une partie. Il y eut des interpellations au parlement, et des brochures furent diffusĂ©es, cependant en vain. Le Parti libĂ©ral, qui dirigeait aussi la municipalitĂ© de Bruges, fit savoir en octobre 1868 que les bĂ©guines n’avaient droit Ă  l’assistance de la part des Hospices civils qu’au cas oĂč elles se trouvaient dans le besoin, au mĂȘme titre que les autres indigents. La subvention octroyĂ©e depuis 1801 Ă  la grande-maĂźtresse fut supprimĂ©e, par suite de quoi le bĂ©guinage se retrouva totalement dĂ©pourvu de revenus. Seules celles qui bĂ©nĂ©ficiaient d’une rente pouvaient encore devenir bĂ©guine. Le recrutement Ă©tait rendu de plus en plus malaisĂ© et en pratique strictement limitĂ© Ă  un recrutement local. Les nouvelles imprĂ©cantes devaient, pour pouvoir ĂȘtre admises, disposer de lettres d’introduction et de moyens financiers considĂ©rables. Les maisons bĂ©guinales vacantes, dĂ©sormais en grand nombre, furent cĂ©dĂ©es en location Ă  des femmes pieuses laĂŻques[24].

Dans le dernier quart du XIXe siĂšcle, sur dĂ©cision de la municipalitĂ© brugeoise, la nouvelle rue Professeur Dr J. Sebrechts (Professor Doctor Sebrechtsstraat) fut tracĂ©e sur les terrains de blanchiment du bĂ©guinage, situĂ©s au sud de l’enclos central, et l’hĂŽpital Minnewaterkliniek, Ă©rigĂ©e sur ces mĂȘmes terrains, sera inaugurĂ©e en 1892[3]. À noter que le pĂ©rimĂštre du bĂ©guinage de Bruges avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©cornĂ© sous la domination française[25]. Finalement, en 1905, seules sept bĂ©guines vivaient encore dans le bĂ©guinage de Bruges. Ces quelques bĂ©guines restantes en Ă©taient rĂ©duites Ă  vivre de leurs rentes et devaient cĂŽtoyer des femmes pieuses laĂŻques, devenues locataires des maisonnettes vacantes[3].

En septembre 1914, pendant la PremiÚre Guerre mondiale, le béguinage de Bruges dut héberger les béguines chassées de Malines. En janvier 1915, les troupes allemandes ayant réquisitionné les bùtiments du grand séminaire de Bruges, les séminaristes furent relogés en partie dans le béguinage. En mai 1918, un obus causa un cratÚre sur la pelouse de la Wijngaardplein à une trentaine de mÚtres de la maison du recteur (curé de la paroisse béguinale)[24] - [3] - [26].

Vue du bĂ©guinage depuis le sud, tableau de 1886 par Bruno De Simpel (1832-1902). On reconnaĂźt dans le fond le clocher de la cathĂ©drale Saint-Sauveur (centre gauche) et celui effilĂ© de l’église Notre-Dame (centre droit). En 1886, les meersen (Ă©tendues marĂ©cageuses), visibles Ă  l’avant-plan, et faisant alors encore partie du domaine de la Vigne, avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© rehaussĂ©s ; la Minnewaterkliniek ne sera Ă©difiĂ©e sur le mĂȘme emplacement que quelques annĂ©es plus tard. On distingue devant la nef de la cathĂ©drale la maison de la grande-maĂźtresse, flanquĂ©e Ă  gauche de l’infirmerie, et Ă  droite de sa chapelle privĂ©e (avec campanile), puis, un peu plus Ă  droite encore, le Dopsconvent. Devant la tour de Notre-Dame viennent s’étager les frondaisons de l’enclos central, la nef de l’église Sainte-Élisabeth-au-BĂ©guinage, et les maisons de la rue dite De Steert, non encore interrompue par la Sebrechtsstraat, et dont on aperçoit distinctement les numĂ©ros 13, 15 et 17, avec leurs petites lucarnes Ă  pignon respectives.

Entre-deux-guerres

Vue de l'enclos central vers 1910. On aperçoit au fond Ă  droite la maison bĂ©guinale no 1 (aujourd'hui musĂ©e); au centre, le portail d’entrĂ©e (oĂč on distingue sous l'arcade le pont d'entrĂ©e avec son parapet en fer forgĂ©), et Ă  gauche la maison bĂ©guinale no 4 (depuis lors amĂ©nagĂ© en Centre d'Ă©tudes liturgiques).

Les vertus apostoliques et Ă©vangĂ©liques d’indigence et de rĂ©sipiscence n’étaient plus guĂšre observĂ©es, constat auquel parvint Ă©galement le prĂȘtre Rodolphe Hoornaert, lorsque celui-ci fut nommĂ© en 1922 par l’évĂȘque de Bruges Gustave Waffelaert curĂ© (recteur) de la paroisse du bĂ©guinage. ParallĂšlement Ă  sa carriĂšre d’écrivain, Hoornaert entreprit avec Ă©nergie de sauver le bĂ©guinage Ă  la fois en tant que site historique et en tant qu’institution religieuse ; il en fera l’Ɠuvre de sa vie. À l’arrivĂ©e de Hoornaert, le bĂ©guinage de Bruges ne comptait plus qu’une poignĂ©e de bĂ©guines, en plus de quelques vieilles dames qui occupaient quelques-unes des maisonnettes[27].

À ce moment, la municipalitĂ© brugeoise envisageait de dĂ©molir le complexe dĂ©labrĂ© et de rĂ©affecter le site Ă  une destination profane, songeant notamment Ă  y amĂ©nager une citĂ© ouvriĂšre ou Ă  y construire une extension des hĂŽpitaux limitrophes. Hoornaert s’efforça d’y faire obstacle en suscitant de nouvelles vocations au moyen de nombreuses confĂ©rences et publications, mais Ă©choua dans sa tentative[28] - [3]. La derniĂšre bĂ©guine avait fait son adhĂ©sion au bĂ©guinage de Bruges en 1925[3].

En 1927, deux ans aprĂšs les cĂ©lĂ©brations organisĂ©es Ă  l’occasion du septiĂšme centenaire du bĂ©guinage, et alors que celui-ci n’hĂ©bergeait plus que cinq bĂ©guines, Hoornaert leur proposa, ainsi qu’à l’évĂȘque de Bruges — et obtint d’eux — de faire venir une congrĂ©gation de bĂ©nĂ©dictines françaises, les Filles de saint BenoĂźt de la ville de NĂźmes, qu’il invita Ă  habiter et Ă  diriger le bĂ©guinage[28]. Cette nouvelle communautĂ© religieuse, dotĂ©e d’une dĂ©nomination propre, les Filles de l’Église, et ayant ses propres objectifs, figurerait nĂ©anmoins comme le continuateur de la tradition bĂ©guinale sĂ©culaire. Dans un premier temps cependant, les Filles de l’Église ne se virent attribuer des autoritĂ©s ecclĂ©siastiques qu’un statut provisoire ; de plus, le bail Ă  court terme conclu avec la Commission brugeoise des hospices civils interdisait tout projet Ă  long terme ; la fusion avec les Filles de saint BenoĂźt ne se passait pas sans accroc ; et enfin, Hoornaert eut Ă  faire face Ă  une vague d’indiffĂ©rence, voire Ă  de dures critiques venues de diffĂ©rents horizons[29]. Ce nonobstant fut ainsi fondĂ© en 1927 un couvent de bĂ©nĂ©dictines, sous la dĂ©nomination de Filles de l’Église/Dochters van de Kerk, nĂ© de la fusion du couvent Notre-Dame-de-BĂ©thanie, Ă©tabli depuis 1921 au monastĂšre Saint-AndrĂ©, des Filles de Saint-BenoĂźt de NĂźmes et des derniĂšres bĂ©guines encore prĂ©sentes au bĂ©guinage[3].

Vaches occupées à paßtre sur le terre-plein central du béguinage, photographie de 1936.

Quand Hoornaert lança son projet de rĂ©forme en 1922, le bĂ©guinage de Bruges offrait un aspect dĂ©plorable : il Ă©tait insalubre et dans un Ă©tat de dĂ©labrement avancĂ©. Seules quelques maisonnettes Ă©taient occupĂ©es par des bĂ©guines ; dans d’autres vivaient quelques vieilles femmes, souvent dans des conditions primitives, sans eau courante, avec le gaz sans doute, mais avec une pression beaucoup trop faible. De plus, la Vigne Ă©tait devenue une sorte de jardin public pour les Brugeois ; des vaches venaient mĂȘme paĂźtre sur le gazon de la place centrale[30].

Rodolphe Hoornaert voulait assurer Ă  ses religieuses une qualitĂ© de vie matĂ©rielle minimale. En dĂ©cembre 1924, la Commission des hospices civils se dĂ©clarait disposĂ©e Ă  engager des travaux de rĂ©novation dans la maison no 3, grĂące auxquels les quatre premiĂšres postulantes se virent offrir un logis trĂšs modeste mais acceptable. En 1928, les ormes malingres de l’enclos central furent remplacĂ©s par de jeunes peupliers, devant symboliser la nouvelle vie conventuelle en pleine croissance dans le bĂ©guinage[31]. En 1924, Hoornaert rĂ©digea une nouvelle rĂšgle de vie[3].

Rodolphe Hoornaert avait introduit auprĂšs de la Commission des hospices civils, une premiĂšre fois en 1925, puis une nouvelle fois quatre ans plus tard, une demande d’autorisation Ă  peindre en blanc les façades de l’enclos central[32] - [28]. Il voulut rendre le bĂ©guinage plus attrayant pour les visiteurs et les rĂ©sidents, mais n’ignorait pas que ce faisant il allait Ă  l’encontre de l’image romantique et mĂ©lancolique que l’écrivain Georges Rodenbach s’était attachĂ© Ă  composer dans son roman Bruges-la-Morte de 1892, dans lequel le bĂ©guinage jouait un rĂŽle important et qui valut Ă  la ville de Bruges une immense publicitĂ© dans le monde francophone. Cependant, l’« atmosphĂšre Ă©teinte qui imprĂšgne le roman » avait le don d’exaspĂ©rer Hoornaert, qui voulait faire litiĂšre une fois pour toutes de ces maisons de bĂ©guine « romantiques et envahies de mousses » ; le bĂ©guinage n’avait pas la vocation de servir de boĂźte de rĂ©sonance « Ă  la rĂȘverie mĂ©lancolique de quelque poĂšte romantique, ni au snobisme de quelque touriste en mal de spleen », mais exhaler la simplicitĂ© et la joie de la vie bĂ©guinale d’origine, d’oĂč la prĂ©dilection de Hoornaert pour les façades blanches. Il lui faudra pourtant patienter jusqu’à 1933, et attendre d’avoir endurĂ© auparavant une vive polĂ©mique dans la presse. En particulier, le Journal de Bruges voulait absolument maintenir tel quel l’aspect existant du bĂ©guinage ; le conseiller municipal Paul NoĂ« en particulier, franc-maçon notoire et connaisseur influent en matiĂšre d’art, assaillait Hoornaert dans les colonnes de cet hebdomadaire : « ce qui faisait son charme, tous les artistes sont de notre avis, Ă©tait justement la teinte vieillotte, usĂ©e, colorĂ©e de ses façades ». À son tour, Hoornaert s’engagea dans la polĂ©mique et finit par l’emporter, NoĂ« finissant mĂȘme par faire volte-face[32].

Hoornaert avait pris conscience de la nĂ©cessitĂ© de construire un couvent au plein sens du terme, propice Ă  une vie communautaire rĂ©elle, car les vieilles maisonnettes de professes ne s’y prĂȘtaient guĂšre. Le bĂ©guinage de Bruges Ă©tait depuis la RĂ©volution française la propriĂ©tĂ© de la Commission des hospices civils (et le restera d’ailleurs jusqu’en 1976, annĂ©e oĂč il passera Ă  la municipalitĂ© brugeoise). En 1922, Hoornaert disposait d’un bail de location sur une annĂ©e seulement, et sollicita en 1924 un bail emphytĂ©otique (c’est-Ă -dire courant sur 99 ans), qui lui fut refusĂ© ; cependant, on lui octroya un bail de 27 ans, ce qui lui parut suffisant pour entamer les travaux de construction[33].

La maison d’hĂŽtes (au n°22a, sur le cĂŽtĂ© ouest de la place centrale), construite Ă  neuf, mais dans le style vernaculaire traditionnel, fut achevĂ©e en 1926. Quatre mois plus tard, la maison no 3, oĂč la fondation avait dĂ©butĂ©, fut amĂ©nagĂ©e en noviciat. À partir de 1929, les travaux de rĂ©novation furent menĂ©s vigoureusement. L’enclos central fut pourvu d’eau courante ; en dĂ©cembre 1931, le beau rĂ©fectoire, couvert de lambris de chĂȘne, Ă©tait achevĂ© et permit de prendre les repas en commun, premiĂšre Ă©tape vers une vĂ©ritable vie communautaire. En aoĂ»t 1931, une palissade en bois fut dressĂ©e sur le pĂ©rimĂštre occidental, entre le verger et les maisons de la rue Oostmeers, signe que la nouvelle communautĂ© entendait s’isoler du monde extĂ©rieur[33] - [3].

En 1934, Hoornaert finit par obtenir son bail emphytĂ©otique, dĂ»ment signĂ© Ă  la fois par la municipalitĂ© de Bruges, l’autoritĂ© provinciale, la Commission royale des monuments et des sites et par le roi LĂ©opold III, et officialisĂ© par arrĂȘtĂ© royal. Hoornaert dut encore dissiper les rumeurs selon lesquelles le bĂ©guinage passerait en mains Ă©trangĂšres, ou qu’il deviendrait une recluserie interdite aux visiteurs et aux touristes[34].

Construction d’un nouveau couvent et financements
Plan par l’architecte Luc ViĂ©rin d’une maison neuve (« nieuw gebouw » : les deux lucarnes-pignons en haut au centre, reprĂ©sentant en fait un corps de bĂątiment unique, l’actuel no 22), conçue dans le style vernaculaire traditionnel et destinĂ©e Ă  se substituer Ă  une maison nĂ©o-classique, figurĂ©e schĂ©matiquement en bas Ă  gauche (« bestaande », = existant).

L’architecte Joseph ViĂ©rin, Ă©chevin des Travaux publics de la municipalitĂ© de Bruges, qui avait jouĂ© un grand rĂŽle dans la reconstruction en un sens nĂ©o-traditionaliste et rĂ©gionaliste des villes et villages belges ravagĂ©s par la PremiĂšre Guerre mondiale, fut chargĂ© par Hoornaert de livrer les plans du nouveau couvent[35]. Celui-ci, d’allure nĂ©ogothique (dotĂ© d’ogives etc.), mais fait avec des matĂ©riaux modernes, se dresserait sur le cĂŽtĂ© occidental de l’enclos central, derriĂšre les anciennes façades, que (Ă  l’exception de celle du n° 22a, qui fut dĂ©molie) l’on s’efforcerait de prĂ©server en l’état. Les Ă©difices proprement dits situĂ©s derriĂšre les façades no 24 Ă  28 furent dĂ©mantelĂ©s pierre par pierre, et l’on se fit un devoir de rĂ©utiliser le matĂ©riau ainsi rĂ©cupĂ©rĂ©, afin de cultiver le lien entre passĂ© et prĂ©sent. La premiĂšre pierre du nouveau couvent fut posĂ©e en mars 1937. Quelques mois plus tard, sur les instances de Hoornaert, la reine Élisabeth daigna prendre l’enclos sous sa protection. En septembre 1937, le couvent Ă©tait achevĂ© et fut solennellement inaugurĂ© par Henricus Lamiroy, Ă©vĂȘque de Bruges, lors d’une cĂ©rĂ©monie Ă  laquelle assista l’ensemble des autoritĂ©s civiles et ecclĂ©siastiques de la ville, et mĂȘme un Ă©missaire de la cour royale. Dans la foulĂ©e, Hoornaert entreprit de moderniser et d’agrandir la maison d’hĂŽtes (la n°22a) ; Hoornaert voulut remanier sa façade bourgeoise dix-neuviĂ©miste, dont il estimait qu’elle dĂ©naturait l’aspect gĂ©nĂ©ral de l’enclos, et la doter de pignons dans le style des autres façades. Une salle de rĂ©union et une bibliothĂšque furent ajoutĂ©es. On installa partout l’éclairage Ă©lectrique et le chauffage central. En 1938, Hoornaert reçut l’autorisation de faire Ă©difier devant les maisons sises sur le cĂŽtĂ© nord de l’enclos (les no 8-20) un mur sĂ©parant de la place centrale leurs jardinets de devant, Ă  l’effet de restaurer l’aspect mĂ©diĂ©val et de soustraire les habitantes aux regards des visiteurs[36]. La maison au no 1, attenant au portail d’entrĂ©e, fut amĂ©nagĂ©e en un MusĂ©e du bĂ©guinage[3].

Rodolphe Hoornaert prĂ©voyait d’avoir besoin de deux millions de francs, somme que les subventions de la municipalitĂ© Ă©taient insuffisantes Ă  couvrir ; susciter les indispensables contributions privĂ©es sera l’objectif de ses nombreuses confĂ©rences, de ses brochures sur les Filles de l’Église, et de ses dĂ©marches auprĂšs de diverses hautes personnalitĂ©s. C’est dans ce mĂȘme but que fut mise sur pied en 1935 l’association Les Amis du BĂ©guinage/De vrienden van het Brugs Begijnhof en tant que comitĂ© de soutien et de propagande en faveur de la restauration du bĂ©guinage. L’on devenait Ami moyennant acquittement d’une somme de 500 francs. Certains membres assumaient la fondation de l’une des chambres de la maison d’hĂŽtes, et se voyaient gratifiĂ©s d’oraisons dans le monastĂšre. L’association avait un but uniquement artistique et architectural, et non religieux, ce qui permit d’impliquer aussi des notables brugeois d’autres conceptions philosophiques, et de s’assurer l’appui de tout l’éventail Ă©conomique, intellectuel et politique de la sociĂ©tĂ© brugeoise. En particulier, l’homme politique socialiste Achille Van Acker, alors prĂ©sident de la Chambre, sut lui obtenir quelques surcroĂźts de subvention, et c’est sur sa recommandation qu’une sĂ©rie de six timbres-poste Ă  l’effigie de Notre-Dame-de-la-Vigne fut Ă©ditĂ©e en 1954, dont les bĂ©nĂ©fices allĂšrent intĂ©gralement aux travaux de restauration du bĂ©guinage[37].

En 1936, le bĂ©guinage dut cĂ©der une partie de son verger, situĂ© Ă  l’ouest de l’actuel couvent, sur ordre de la municipalitĂ©[38].

En fĂ©vrier 1939, l’église et les bĂątiments furent classĂ©s comme monument historique et l’ensemble du site au titre de paysage[3].

DeuxiĂšme Guerre mondiale et aprĂšs-guerre

Pendant la campagne des dix-huit jours (du 1er au 28 mai 1940), l’enclos central du bĂ©guinage fut occupĂ© sur toute sa superficie par des vĂ©hicules du service de brancardiers de l’armĂ©e française. Les brancardiers travaillaient dans l’hospice des SƓurs-de-la-CharitĂ© situĂ© non loin. Les aumĂŽniers cĂ©lĂ©braient leurs messes dans le bĂ©guinage, parfois jusqu’à quinze messes par jour. Les mois d’hiver, le noviciat dut ĂȘtre transfĂ©rĂ© vers le couvent, pour Ă©conomiser le combustible[39].

En novembre 1940, trois sƓurs de nationalitĂ© Ă©trangĂšre furent apprĂ©hendĂ©es par les Allemands ; si elles furent relĂąchĂ©es le jour mĂȘme, aprĂšs interrogatoire, elles durent ensuite se prĂ©senter quotidiennement Ă  la police. L’occupant allemand s’appliquait Ă  surveiller Ă©troitement tout Ă©tranger arrivĂ© Ă  Bruges aprĂšs 1936, en rapport avec de possibles activitĂ©s d’espionnage. SƓur Marie-Jeanne, d’origine britannique, rĂ©sidant dans le bĂ©guinage depuis 1926, mais nĂ©anmoins suspecte d’espionnage, connut un sort moins enviable. D’abord enfermĂ©e dans le camp de Beverlo en juin 1942, elle passa le reste de la guerre sous surveillance dans le couvent des franciscaines de Woluwe-Saint-Pierre, en compagnie d’autre religieuses britanniques[40].

En dĂ©pit des circonstances difficiles, les Filles de l’Église parvinrent Ă  mener une vie conventuelle ordinaire. Le nombre de religieuses se stabilisa Ă  29. À la fin de la guerre, il y aura mĂȘme deux fois autant de sƓurs laĂŻques qu’en 1940, et celles-ci tinrent leur premiĂšre assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale Ă  Bruxelles en 1943[41].

Le centre historique de Bruges et le bĂ©guinage furent Ă©pargnĂ©s par les bombardements et les attaques aĂ©riennes, et l’église du bĂ©guinage Ă©chappa Ă©galement Ă  la rĂ©quisition de ses cloches par l’occupant allemand. La Vigne servit cette fois encore, comme pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, de refuge Ă  diffĂ©rentes personnes, notamment Ă  un petit groupe d’infirmiĂšres françaises, et en 1942 aux oblats de l’abbaye Saint-AndrĂ©. Cependant, en raison de la guerre, l’apostolat et l’acolytat fonctionnaient Ă  trĂšs faible rĂ©gime. Ce nonobstant, le couvent hĂ©bergeait une communautĂ© dĂ©sormais stabilisĂ©e, d’une trentaine de religieuses, la pratique chorale avait Ă©tĂ© rĂ©tablie, la rĂšgle de saint BenoĂźt Ă©tait fidĂšlement observĂ©e, et un Ă©difice conventuel appropriĂ© se dressait dans l’ouest du bĂ©guinage[41].

Aspect de l’enclos central : façades blanches, fenĂȘtres Ă  petits-carreaux et Ă  guillotine, souches de cheminĂ©e monumentales, lucarnes Ă  pignon, peupliers et jonquilles font partie de l’« image d’Épinal » du bĂ©guinage de Bruges.

C’est au moment de la libĂ©ration, en septembre 1944, que le bĂ©guinage de Bruges vĂ©cut ses pires moments de guerre, lorsque les troupes canadiennes se mirent Ă  assiĂ©ger la ville. Les Allemands, aux abois, firent sauter le 8 septembre Ă  une prĂšs toutes les portes d’accĂšs Ă  la ville. L’explosion de la porte Sainte-Catherine fut d’une violence telle, que le bĂ©guinage en subit Ă©galement des dommages : dans l’église, les hautes fenĂȘtres du chƓur partirent en Ă©clats, et des blocs de pierre, qui s’étaient dĂ©tachĂ©es du clocher, allĂšrent s’écraser sur la toiture de la sacristie. Un obus abattit une grosse branche d’un platane, qui s’abattit sur la bibliothĂšque[42].

En 1972, le bĂ©guinage devint propriĂ©tĂ© de la municipalitĂ© brugeoise, ce qui donna le signal de dĂ©part d’une campagne de restauration touchant l’intĂ©gralitĂ© du site et dont le coĂ»t se montera Ă  quelque 5,5 millions d’euros. La municipalitĂ© avait alors fait le choix de procĂ©der Ă  une rĂ©habilitation bĂątiment par bĂątiment, afin d’éviter de transformer en un vaste chantier le site tout entier. La restauration, conduite selon le projet de l’Agence (flamande) de conservation architecturale (Dienst Monumentenzorg) et des services compĂ©tents de la ville de Bruges, visait Ă  introduire le confort moderne dans les Ă©difices tout en veillant Ă  respecter les parties patrimoniales et l’aspect gĂ©nĂ©ral[43]. Une restauration approfondie des maisons de professes sera en grande partie achevĂ©e en 2002, suivie de la restauration de l’église en 1990 et 1991. Le bĂ©guinage fut classĂ© au titre des monuments historiques en fĂ©vrier 1939[44], puis le site dans son ensemble en juillet 1996, en mĂȘme temps que quatre autres monuments des environs, tous intĂ©grĂ©s dans le site urbain protĂ©gĂ© (beschermd stadsgezicht) Minnewater. En 1998, le bĂ©guinage de Bruges, aux cĂŽtĂ©s de douze autres BĂ©guinages flamands reprĂ©sentatifs, fut inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco[3].

Jusqu’à aujourd’hui, le bĂ©guinage est toujours occupĂ© par les sƓurs bĂ©nĂ©dictines, dont le mode vie, axĂ© sur la priĂšre et le travail, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le prolongement de l’ancien idĂ©al bĂ©guinal. Ten Wijngaerde est du reste le seul bĂ©guinage de Flandre oĂč une telle continuitĂ© a pu ĂȘtre assurĂ©e[45].

Description générale

Cet espace dĂ©limitĂ© et encore totalement clĂŽturĂ© du bĂ©guinage, oĂč les maisons, sans ornement pour la plupart, passĂ©es Ă  la chaux, quelque diffĂ©rentes qu’elles soient entre elles, ont su garder de maniĂšre pure une unitĂ© harmonieuse, qu’on embrasse d’un seul regard. Aucun bĂątiment ne tĂ©moigne d’un manque de bon goĂ»t, tous se signalent par la beautĂ© de leurs proportions.

Jan Vercammen[46]

Le bĂ©guinage, qui s’est constituĂ© au sud (et extra muros) de la premiĂšre muraille d'enceinte, forme un espace clos, un Ăźlot de paix (selon l’expression de Silvia Panciera) dans la ville. Le site se compose d’une Ă©glise Ă  trois vaisseaux, qui a gardĂ© en grande partie son plan au sol d’origine ; d’un couvent de la dĂ©cennie 1920 ; d’une trentaine de maisons de bĂ©guines Ă  façade blanche alignĂ©es presque toutes autour d’une grande place intĂ©rieure gazonnĂ©e et arborĂ©e, de forme vaguement carrĂ©e et d’une centaine de mĂštres de cĂŽtĂ© ; sur le flanc sud, d’une ruelle nommĂ©e De Steert (littĂ©r. la Queue, de staart selon la norme nĂ©erlandaise moderne), fruit de l’extension du bĂ©guinage au XVIe siĂšcle, et se terminant en cul-de-sac depuis 1890 ; et enfin, dans la partie occidentale et mĂ©ridionale, un espace occupĂ© par des potagers, des vergers, des jardins d’agrĂ©ment etc. La prĂ©sence concomitante de cette ruelle et d’une place centrale font appartenir le bĂ©guinage de Bruges au type mixte (alliant les caractĂ©ristiques du bĂ©guinage Ă  rues et du bĂ©guinage Ă  place centrale)[3] - [47], cependant il doit nĂ©anmoins ĂȘtre essentiellement cataloguĂ© comme bĂ©guinage Ă  place centrale[48]. Cet enclos central, vaste et herbu, Ă©tait plantĂ© d’ormes jusqu’en 1928, mais se trouve depuis occupĂ© par des peupliers du Canada. GrĂące aux façades uniformĂ©ment passĂ©es Ă  la peinture blanche, le complexe apparaĂźt assez homogĂšne, et par lĂ  passe souvent pour le prototype du bĂ©guinage — apparence trompeuse, car, l’église mise Ă  part, il ne subsiste rien de l’ancien bĂąti. Bon nombre de maisons remontent au XVIIe siĂšcle, et beaucoup de façades datent du XVIIIe siĂšcle. Les remaniements effectuĂ©s au XIXe siĂšcle ont Ă©tĂ© en partie, mais non totalement, rĂ©voquĂ©s ; il y eut ensuite la campagne de rĂ©novation de grande ampleur impulsĂ©e par l’abbĂ© Hoornaert, avec la collaboration de l’architecte et Ă©chevin des Travaux publics Joseph ViĂ©rin[48] - [49]. Quelques-unes desdites maisons renferment des cheminĂ©es gothiques, des plafonds anciens et des dĂ©corations du XVIIIe. Le portail d’entrĂ©e, de style nĂ©o-classique, date de 1776, annĂ©e oĂč fut Ă©galement construit le pont de pierre Ă  trois arches et Ă  garde-fous mĂ©talliques qui y conduit en franchissant la riviĂšre Reie. Ce portail, ainsi que l’autre, nĂ©o-gothique, sur le Begijnenvest, sont fermĂ©s chaque soir[3] - [47].

Le pĂ©rimĂštre de la paroisse bĂ©guinale Ă©tait Ă  l’origine plus large et englobait, sur son cĂŽtĂ© nord-est, sur la rive opposĂ©e de la Reie, le Walplein et la Wijngaardstraat, tandis que sur son flanc sud, elle s’étendait, par ses prĂ©s de blanchiment et sa douve, jusqu’à la deuxiĂšme couronne de remparts amĂ©nagĂ©e dans le dernier quart du XIIIe siĂšcle. Le gĂ©ographe Marcus Gheeraerts l'Ancien, sur son plan de Bruges de 1562, reprĂ©sente le site comme Ă©tant dĂ©limitĂ© par la Reie Ă  l’est, et par des murs et des fossĂ©s ailleurs ; le terrain est traversĂ© de part en part par un Ă©troit canal courant du Kapucijnevest Ă  l’ouest et dĂ©bouchant dans la Reie Ă  l’est ; l’aspect de la partie nord, avec l’église et la cour centrale gazonnĂ©e, coĂŻncide Ă  peu de chose prĂšs avec l’aspect actuel. La portion sud, par delĂ  le pont, est figurĂ© comme une succession de constructions bordant une placette de forme irrĂ©guliĂšre et une ruelle appelĂ©e Koegat (littĂ©r. trou Ă  vache), orientĂ©e vers l’ouest et aboutissant Ă  la rue Oostmeers par un petit portail. Cependant, la carte cadastrale de Popp de 1865 ne relĂšve plus, pour cette partie du site, que le tronçon doorgang van het begijnhof (« traversĂ©e du bĂ©guinage »). La Gasthuisstraat (rue de l’Hospice), amĂ©nagĂ©e vers 1890, rebaptisĂ©e Prof. Dr. J. Sebrechtsstraat, suit dans une large mesure le tracĂ© de l’ancien Koegat ; en effet, le bĂ©guinage fut alors, sur dĂ©cision de la municipalitĂ©, rĂ©duit Ă  son extension actuelle, ceci expliquant la dĂ©nomination de steert donnĂ©e Ă  la petite rue rĂ©siduelle. Vers la mĂȘme Ă©poque, les champs de blanchiment, encore en activitĂ© jusqu’alors, furent accaparĂ©s par le nouvel hĂŽpital nommĂ© Minnewaterkliniek. Aujourd’hui (2018), le bĂ©guinage de Bruges est limitĂ© par : le Begijnenvest, le plan d’eau dit Minnewater et la Reie Ă  l’ouest ; par la Prof. Dr. J. Sebrechtsstraat au sud ; par les jardins des maisons sises rue Oostmeers Ă  l’est ; et par le Wevershof et une douve au nord. Cette derniĂšre faisait partie d’une ceinture de douves qui cernait entiĂšrement la partie nord du bĂ©guinage, mais qui a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© en partie dans le systĂšme d’égoĂ»ts de la ville[3].

La place centrale, typiquement gazonnĂ©e et parsemĂ©e de peupliers et de tilleuls, est traversĂ©e d’un sentier de terre et d’un ruisselet, et bordĂ©e sur tout le pourtour de chemins pavĂ©s. Les numĂ©ros 8 Ă  20, sur le cĂŽtĂ© nord, possĂšdent Ă  l’avant des jardinets emmurĂ©s. Les numĂ©ros 32 Ă  40, sur le cĂŽtĂ© sud, constituent un ensemble clos Ă  part, le couvent Dops (Dopsconvent). Dans la ruelle De Steert se dressent des tilleuls et des Ă©rables, et les numĂ©ros 13 Ă  17 ont des jardinets entourĂ©s de haies. Le bĂ©guinage est dotĂ© de rĂ©verbĂšres en fer forgĂ©, placĂ©s Ă  intervalles rĂ©guliers. À mentionner encore les ponts Begijntjesbrug et Koepoortbrug, enjambant le canal et signalĂ©s sur la carte de Marcus Gheeraerts l'Ancien comme de simples ponts de bois, mais dont un fut empierrĂ© en 1692[3]. Dans sa totalitĂ©, le site, entiĂšrement cernĂ© de murs, forme grosso modo un rectangle de 160 sur 230 mĂštres, avec un cĂŽtĂ© arrondi au nord.

Le bĂąti, assez homogĂšne, composĂ© de maisons de briques, d’un Ă  deux niveaux, Ă  plinthes peintes en noir, et Ă  toiture en bĂątiĂšre et Ă  tuiles, date principalement des XVIe, XVIIe et XVIIIe siĂšcles, avec des parties pouvant remonter jusqu’au XIIIe siĂšcle. L’architecture, de style vernaculaire, est d’aspect sobre et se caractĂ©rise par des façades pignon ou gouttereau peintes en blanc, typiquement percĂ©es de fenĂȘtres Ă  croisĂ©e, souvent Ă  guillotine et Ă  petits-carreaux, et par des souches de cheminĂ©e Ă  section polygonale. Quelques adaptations ont Ă©tĂ© effectuĂ©es au XIXe ; le numĂ©ro 7 constitue un exemple prĂ©coce de style nĂ©o-brugeois. Les adjonctions effectuĂ©es Ă  la fin de la dĂ©cennie 1930 ont Ă©tĂ© maintenues[3].

Inventaire architectural

Église Sainte-Élisabeth

Église Sainte-Élisabeth-au-BĂ©guinage, flanc mĂ©ridional.

L’église actuelle, placĂ©e sous l’invocation de sainte Élisabeth de Hongrie, est une Ă©glise pseudo-basilicale d’allure assez simple, sans transept, Ă  nef de trois vaisseaux, orientĂ©e, avec un chƓur sans bas-cĂŽtĂ©s se terminant par un chevet plat, et dotĂ© d’un clocheton chevauchant le faĂźte. L’église occupe le cĂŽtĂ© oriental de l’enclos central du bĂ©guinage, et le mur fermant le chƓur s’élĂšve au bord de la riviĂšre Reie. Elle prĂ©sente des caractĂ©ristiques gothiques et baroques, cependant son aspect actuel rĂ©sulte en grande partie des remaniements effectuĂ©s vers 1700. Le bĂątiment et son intĂ©rieur ont Ă©tĂ© profondĂ©ment restaurĂ©s en 1990-1991 par la ville de Bruges[37].

Histoire

La premiĂšre Ă©glise, qui fut transfĂ©rĂ©e de la place du Bourg (en nĂ©erl. Burg) vers la Vigne (Vinea), avant mĂȘme sa reconnaissance comme paroisse, remonte au milieu du XIIIe siĂšcle et devait ĂȘtre un Ă©difice de style roman tardif ou gothique prĂ©coce (selon les sources), dont la petite porte latĂ©rale dans le flanc nord pourrait constituer un vestige. Cette Ă©glise originelle possĂ©dait des collatĂ©raux plus bas que ceux actuels et une sĂ©rie d’oculus en guise de fenĂȘtres-hautes dans les flancs de la nef centrale, ainsi qu’on peut l’observer sur la carte de Marcus Gheeraerts de 1562[50].

Extrait du tableau Mars entourĂ© des Arts et Sciences vainc l'Ignorance d’Antoon Claeissins (vers 1605). L’église du bĂ©guinage est visible Ă  gauche, entre la tour de guet dite Poertoren (qui servit aussi de dĂ©pĂŽt de poudre, d’oĂč son nom) et la maison Ă©clusiĂšre (Sashuis) qui se dresse sur trois arcades au milieu des flots au centre-gauche. On distingue Ă©galement le clocher de la cathĂ©drale Saint-Sauveur (avec l’aspect rabougri qu’il gardera jusque dans les annĂ©es 1850), le clocher de l’église Notre-Dame et le beffroi (alors encore coiffĂ© d’un chaperon).

Plus tard, le bĂątiment fut agrandi, et l’on donna une forme gothique aux fenĂȘtres. La silhouette de cette Ă©glise s’aperçoit Ă  l’arriĂšre-plan gauche du tableau de 1605 intitulĂ© Mars entourĂ© des Arts et Sciences vainc l'Ignorance d’Antoon Claeissins (~1536–1613)[37].

En 1584, l’église fut en grande partie rĂ©duite en dĂ©combres par un incendie, et seule la façade orientale en sortit indemne ; la reconstruction rĂ©alisĂ©e entre 1604 et 1609 fut probablement une reconstitution de l’ancienne Ă©glise, Ă  ceci prĂšs cependant que la nef centrale fut exhaussĂ©e. Dans une troisiĂšme phase, qui se prolongea du dernier quart du XVIIe siĂšcle jusqu’au premier quart du XVIIIe siĂšcle, ce fut au tour des vaisseaux latĂ©raux d’ĂȘtre surĂ©levĂ©s, par suite de quoi l’église prĂ©sentait dĂ©sormais une structure pseudo-basilicale, les oculus dans les flancs de la nef Ă©tant maintenant soustraits Ă  la vue. Dans le mĂȘme mouvement, les ogives furent remplacĂ©es par les arcs surbaissĂ©s actuels[50] - [37].

L’édifice actuel

Le plan au sol fait apparaĂźtre un Ă©difice Ă  trois vaisseaux, long de trois travĂ©es, se prolongeant par un chƓur oblong, d’un seul vaisseau, de quatre travĂ©es (plus Ă©troites que celles de la nef), fermĂ© par un mur plat, et flanquĂ© au sud d’une sacristie et d’une salle de rĂ©union datant de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle. L’édifice de briques est surmontĂ© d’une part d’un toit Ă  bĂątiĂšre (commun Ă  la nef centrale et au chƓur), que chevauche, entre la deuxiĂšme et troisiĂšme travĂ©e, un clocheton dotĂ© d’un beffroi en bois et d’une flĂšche, et d’autre part de toits en appentis (pour les collatĂ©raux). La façade occidentale (celle donnant sur la place centrale), bĂątie entre 1604 et 1609, renferme un portail d’entrĂ©e Ă  arc segmentaire, avec montant de porte ornĂ©, en bois, portant le millĂ©sime 1605 ; le portail est enserrĂ© dans une niche coiffĂ©e d’un arc tudor, dans le champ gris duquel a Ă©tĂ© pratiquĂ©e une niche Ă  arc plein-cintre logeant une statuette figurant sainte Élisabeth ; le haut de la façade contient une grande baie ogivale de conception simple. Les façades nord et sud (les flancs latĂ©raux de l’église) sont rythmĂ©es par des fenĂȘtres Ă  arc surbaissĂ©, Ă  chambranle recouvert d’un enduit, et sĂ©parĂ©es par des contreforts semblables. Sur la façade nord, les couches infĂ©rieures de la maçonnerie de briques datent de la premiĂšre phase de construction, au mĂȘme titre que le chambranle de la petite porte, qui remonte au XIIIe siĂšcle, et se compose d’un arc en plein-cintre profilĂ©, en briques, soutenu par des demi-colonnes Ă  chapiteau, en pierre de taille. La façade orientale (celle tournĂ©e vers la Reie) est une façade pignon du XIIIe siĂšcle, avec une vaste fenĂȘtre ogivale aveuglĂ©e, autrefois remplage Ă  entrelacs, sans doute oblitĂ©rĂ©e au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle, et, tout en haut, une niche trilobĂ©e sur consoles, Ă©galement aveugle. Sur le chevet a Ă©tĂ© apposĂ© en 1991, en remplacement d’un exemplaire dix-neuviĂ©miste, le panneau sacramentel portant l'inscription « ECCE PANIS/ANGELORUM » (littĂ©r. Voici le pain des anges) et la reprĂ©sentation d’un ostensoir. Enfin, dans le plan de la façade sud du chƓur, contre laquelle est accotĂ©e la sacristie, se remarquent encore les sĂ©quelles des anciennes fenĂȘtres ogivales[50].

  • Façade occidentale, donnant sur l’enclos central.
    Façade occidentale, donnant sur l’enclos central.
  • Statuette de sainte Élisabeth de Hongrie dans une niche de la façade.
    Statuette de sainte Élisabeth de Hongrie dans une niche de la façade.
  • Chevet plat donnant sur la Reie.
    Chevet plat donnant sur la Reie.
  • Petite porte dans le flanc nord, vestige de la premiĂšre phase de construction.
    Petite porte dans le flanc nord, vestige de la premiĂšre phase de construction.
  • FenĂȘtres du chƓur. Les traces des anciennes baies ogivales sont clairement visibles Ă  droite.
    FenĂȘtres du chƓur. Les traces des anciennes baies ogivales sont clairement visibles Ă  droite.
Vue intĂ©rieure de la nef (nous regardons vers le chƓur).

L’intĂ©rieur, dont les parois sont couvertes d’un crĂ©pi peint en couleur ivoire, offre, nonobstant ses Ă©lĂ©ments baroques, une impression d’ensemble assez sobre et recueillie. Les grandes-arcades (sĂ©parant la nef et les bas-cĂŽtĂ©s), sont en anse de panier posĂ©s sur des colonnes. Le vaisseau central et le chƓur sont voĂ»tĂ©s en berceau, ornĂ©es de bandeaux et corniches d’une grande sobriĂ©tĂ©. Dans les collatĂ©raux, les arĂȘtes des voĂ»tes reposent sur des consoles en tĂȘtes d’ange (on note la mention de l’annĂ©e 1707 dans la travĂ©e orientale). La sacristie possĂšde une voĂ»te d’arĂȘtes remontant Ă  la premiĂšre phase d’édification[50].

Autel latéral droit. Remarquer la statue de Notre-Dame-de-Spermalie (ou de Notre-Dame-de-Consolation, XIIIe siÚcle)

Sur le flanc sud, une salle fut mise en service en 1935 oĂč les religieuses pouvaient enfiler leur habit de choriste et se prĂ©parer Ă  l’office. C’est dans cet espace, qui est accessible au public chaque 8 septembre, que se trouve la cĂ©lĂšbre statue de Notre-Dame-de-la-Vigne, haute de 140 cm, en chĂȘne polychrome, d’un style gothique pur, remontant aux alentours de 1300, et dont l’auteur reste inconnu. La vierge est vĂȘtue d’un manteau d’or Ă  doublure bleu cobalt et tient en sa main droite une grappe de raisins. L’enfant JĂ©sus serre dans ses bras un gravelot. Cette statue date sans doute de l’époque de la fondation du bĂ©guinage et survĂ©cut Ă  l’incendie de l’église en 1584, et l’on suppose qu’elle avait Ă©tĂ© mise en sĂ»retĂ© dĂšs avant le dĂ©ferlement des iconoclastes. Vers 1700, lors d’une nouvelle restauration, les habits furent enlevĂ©s et la statue fut repeinte en blanc marmorĂ©en. C’est dans cet Ă©tat que, dans les annĂ©es 1930, lors de travaux de restauration, elle fut finalement redĂ©couverte dans une niche pratiquĂ©e haut dans le mur au-dessus de l’autel latĂ©ral droit. Les sept couches de peinture blanche qui la recouvraient furent alors enlevĂ©es, opĂ©ration qui laissa apparaĂźtre la statue originelle, en partie mĂȘme avec son ancienne polychromie, et dans la main droite de Marie, dont ne subsistait plus qu’un moignon, on replaça une grappe de raisins[37].

Sur l’autel latĂ©ral droit se dresse la statue de Notre-Dame-de-Spermalie (ou de Notre-Dame-de-Consolation), haute de 108 cm, en bois et plĂątre polychrome, datant du XIIIe siĂšcle. Provenant Ă  l’origine de l’abbaye de Spermalie Ă  Sijsele, elle fut offerte au bĂ©guinage vers 1840. La madone, assise, tient l’enfant debout sur son genou. De style roman, la statue est solennelle, assez austĂšre, mais majestueuse. L’attention est attirĂ©e par le drapĂ© ondoyant de la robe, Ă©lĂ©ment annonciateur du style gothique. La statue fut assez maladroitement restaurĂ©e en 1903[51].

À signaler encore la statue en bois de saule de Notre-Dame-de-Bienveillance (en nĂ©erl. Onze-Lieve-Vrouw van de Goede Wil) : sculpture populaire, plutĂŽt naĂŻve, c’est l’une des sept copies de la statuette miraculeuse trouvĂ©e dans un tronc de saule par des enfants Ă  Duffel (entre Malines et Anvers) en aoĂ»t 1637. La statue, qui aurait Ă©tĂ© confectionnĂ©e dans du bois provenant dudit saule de Duffel, reprĂ©sente la madone portant l’enfant JĂ©sus sur le bras gauche et tenant un sceptre dans la main droite. Dans les chroniques du bĂ©guinage, des guĂ©risons miraculeuses sont attribuĂ©es Ă  la statue, et certaines ont Ă©tĂ© reconnues par l’Église. Au XVIIe siĂšcle, le curĂ© reçut l’autorisation de porter la statue en procession dans les rues environnantes[52].

Antependium du maĂźtre-autel.

Dans le domaine de la peinture, il y a lieu de relever : dans la partie arriĂšre de l’église, le tableau L’Assomption de Marie, de la main de Theodor Boeyermans, disciple de Murillo, datant de la deuxiĂšme moitiĂ© du XVIIe et provenant probablement de l’abbaye Nonnenbos Ă  Zonnebeke prĂšs d’Ypres ; au-dessus de l’autel latĂ©ral gauche, un tableau figurant la visitation, Ɠuvre du peintre brugeois Lodewijk de Deyster (~1656-1711) ; au-dessus du maĂźtre-autel, un tableau reprĂ©sentant sainte Élisabeth, agenouillĂ©e devant un crucifix, Ɠuvre du peintre brugeois Jacob van Oost le Vieux (XVIIe), qui avait Ă  l’origine fait figurer un petit chien au bas de la croix, mais que la grande-demoiselle, estimant malsĂ©ant la prĂ©sence de pareil animal profane, avait fait enlever (l’effigie d’Élisabeth revient encore au-dessus du retable et Ă  plusieurs reprises dans les vitraux de l’église, et aussi dans le haut du portail d’entrĂ©e du bĂ©guinage)[53].

Le maĂźtre-autel, en bois, de style baroque, remonte au XVIIe siĂšcle. La chaire Ă  prĂȘcher, en style baroque tardif (vers 1735), de chĂȘne, est attribuĂ© au sculpteur brugeois Jacobus Van Hecke[52]. L’antependium du maĂźtre-autel, en albĂątre, reprĂ©sentant La DĂ©ploration de JĂ©sus-Christ, de style Renaissance tardif, prĂ©sumĂ©ment copie d’une Ɠuvre du sculpteur français Germain Pilon, fut offert au bĂ©guinage en 1860 par son curĂ© d’alors[54].

Le pavement, en marbre blanc et noir, est parsemĂ© de dizaines de pierres tombales et plaques commĂ©moratives de bĂ©guines ici dĂ©cĂ©dĂ©es. L’orgue est l’Ɠuvre du facteur brugeois Andries Jacobus Berger (1712-1774)[50] - [54]. Les vitraux, rĂ©alisĂ©s en 1913 dans l’atelier du Brugeois Jules Dobbelaere, figurent diverses scĂšnes centrĂ©es notamment sur sainte Élisabeth et de saint Dominique[50].

À signaler enfin : un autel baroque dans le collatĂ©ral nord, de la deuxiĂšme moitiĂ© du XVIIe siĂšcle ; dans le chƓur, stalles et jubĂ© en bois de chĂȘne, de 1740 ; lambris en chĂȘne courant en continu dans le chƓur et les bas-cĂŽtĂ©s, de 1763 ; confessionnal, de ~1735 ; porte d’entrĂ©e avec sas et tribune d’orgue, Ă©galement en bois de chĂȘne, de 1754[50].

Pont sur la riviĂšre Reie et portails d’entrĂ©e

Le Wijngaardbrug (pont de la Vigne), pont Ă  trois arches menant au portail d’entrĂ©e. Le panonceau ornant la clĂ© d'arc Ă  droite porte la date 1776.

Le pont Ă  trois arches, en grĂšs, qui enjambe la riviĂšre Reie et prĂ©cĂšde le portail d’entrĂ©e, date de la mĂȘme annĂ©e que le portail lui-mĂȘme, Ă  savoir 1776, comme l'attestent les panonceaux du XVIIIe siĂšcle sculptĂ©s sur les clefs d’arc et portant gravĂ©es les mentions « ANNO » et « 1776 ». Ce pont du BĂ©guinage, nommĂ© aussi pont de la Vigne (en nĂ©erl. respectivement Begijnhofbrug et Wijngaardbrug) est signalĂ© en 1297 comme un pont de bois, et se trouve du reste reprĂ©sentĂ© comme tel sur le plan de Bruges dressĂ© par le cartographe Marcus Gheeraerts l'Ancien ; il fut remplacĂ© en 1692 par un pont de pierre, prĂ©figuration du pont actuel. Le garde-fou de fer forgĂ©, rĂ©alisĂ© en 1740 sur des plans de W. De Potter, est ornĂ© de grappes de raisin et de pampres, en rapport avec l’interprĂ©tation littĂ©rale (et Ă©tymologiquement erronĂ©e) du nom « ten Wijngaarden »[55].

Quant au portail monumental lui-mĂȘme — sur le dessin de Marcus Gheeraerts, le portail apparaĂźt encore comme une arcade d’une grande simplicitĂ©, prĂ©cĂ©dĂ©e d’un pont de bois[56] —, il prĂ©sente l’allure sobre typique de l’architecture nĂ©o-classique, cependant tempĂ©rĂ©e ici par les jolis panneaux des battants de la porte et par les guirlandes et la statue qui ornent la façade. DatĂ© « 17/76 », le portail se compose d’une seule travĂ©e et d’un seul niveau, repose sur une plinthe en granit, prĂ©sente une façade de style classique tardif, couverte d’un crĂ©pi jaune pĂąle et gris clair (dont la polychromie a Ă©tĂ© restaurĂ©e en 1996), et est couronnĂ©e d’un fronton triangulaire. La porte est coiffĂ©e d’un arc en anse-de-panier et flanquĂ©e de deux pilastres[56]. L’inscription « Sauvegarde » apposĂ©e au-dessus de l’arc de la porte renvoie au droit d’asile accordĂ© au bĂ©guinage par le roi de France en 1299[45] ; la clef d’arc est en pointe-de-diamant et sĂ©pare les segments de mot « SAUVE » et « GARDE ». Un cartouche, portant l’inscription « SANCTA/ELISABETH/ORA PRO/NOBIS » (littĂ©r. « sainte Élisabeth prie pour nous ») et assorti sur ses deux cĂŽtĂ©s de festons peints en vert sombre, surplombe l’arc. Plus haut enfin, une niche, se terminant par un arc plein-cintre en forme de coquille de Saint-Jacques, et flanquĂ©e de volutes se muant vers le haut en figures d’hommes, accueille une statue polychrome de sainte Élisabeth de Hongrie (1207-1231), patronnesse du bĂ©guinage et gardienne des pauvres, raison pour laquelle elle est figurĂ©e distribuant des aumĂŽnes. La porte donne accĂšs Ă  un passage d’entrĂ©e qui perce la maison no 2 (voir ci-aprĂšs) ; du cĂŽtĂ© du bĂ©guinage, le portail prĂ©sente une sobre façade en brique, peinte en blanc, qui n’est autre en rĂ©alitĂ© que celle de l’aile sud de la maison de la concierge (no 2), percĂ©e d’un ample arc en anse-de-panier[56].

  • Portail d’entrĂ©e sur la Wijngaardplein, flanquĂ© Ă  gauche par la maison de bĂ©guines no 1 (amĂ©nagĂ©e en musĂ©e).
    Portail d’entrĂ©e sur la Wijngaardplein, flanquĂ© Ă  gauche par la maison de bĂ©guines no 1 (amĂ©nagĂ©e en musĂ©e).
  • La façade nĂ©o-classique de 1776.
    La façade néo-classique de 1776.
  • Statue figurant sainte Élisabeth de Hongrie distribuant des aumĂŽnes.
    Statue figurant sainte Élisabeth de Hongrie distribuant des aumînes.
  • Vue sur la face arriĂšre du portail. Le passage d’entrĂ©e traverse la maison de la touriĂšre (no 2, Ă  gauche) en longeant la maison no 1 (Ă  droite). Toile d’Emmanuel ViĂ©rin (1911).
    Vue sur la face arriĂšre du portail. Le passage d’entrĂ©e traverse la maison de la touriĂšre (no 2, Ă  gauche) en longeant la maison no 1 (Ă  droite). Toile d’Emmanuel ViĂ©rin (1911).
  • Le Saspoort, portail d’entrĂ©e nĂ©o-gothique Ă  proximitĂ© du Sashuis (d’oĂč son nom), Ă©difiĂ© vers 1900 et donnant accĂšs Ă  la partie sud du bĂ©guinage.
    Le Saspoort, portail d’entrĂ©e nĂ©o-gothique Ă  proximitĂ© du Sashuis (d’oĂč son nom), Ă©difiĂ© vers 1900 et donnant accĂšs Ă  la partie sud du bĂ©guinage.

Le deuxiĂšme portail d’entrĂ©e, auquel on accĂšde Ă©galement Ă  partir de la place Wijngaardplein (place de la Vigne), mais plus au sud, par le pont du Sas (nĂ©erl. Sasbrug), c’est-Ă -dire Ă  la limite nord du plan d’eau appelĂ© Minnewater, est un portail nĂ©o-gothique de brique, crĂ©nelĂ©, datant de fin XIXe, dĂ©but XXe. Il s’agit d’une grande arcade, aux cĂŽtĂ©s biseautĂ©s, Ă  arc brisĂ© surbaissĂ© (ou arc Tudor), dans le haut de laquelle une plaque dans le nu du mur porte l’inscription « PRINSELIJK/BEGIJNHOF/TEN WIJNGAARDE/GESTICHT TEN JARE/MCCXXXXV » (littĂ©r. « BĂ©guinage/princier/À la Vigne/fondĂ© en l’an MCCXXXXV »)[57]. Ce portail rappelle les portes du bĂ©guinage de Mont-Saint-Amand prĂšs de Gand[58], et le portail de l’hĂŽpital Minnewaterkliniek proche.

Ensemble formĂ© par le logis de la Grande-MaĂźtresse, l’infirmerie et une chapelle

Demeure de la grande-demoiselle, dans l’angle sud-ouest de l’enclos central (XVIIe siùcle).
Niche dans la façade hébergeant une madone avec enfant.

L’ancienne Grand'Maison (Groothuis), autrefois logis de la grande-demoiselle, qui occupe l’angle sud-ouest de l’enclos central, sur le cĂŽtĂ© sud de celui-ci, et porte le no 30, fait actuellement office de maison capitulaire du couvent[59]. C’est la plus grande des maisons du bĂ©guinage de Bruges[60]. Sa façade sur l’enclos, en rĂ©alitĂ© une façade gouttereau porteuse d’une vaste lucarne-pignon[61], est Ă  quatre travĂ©es et un Ă©tage, en plus d’un niveau sous les combles, et date du XVIIe siĂšcle. À gauche (Ă  l’est), contiguĂ« Ă  la maison, se trouve une chapelle, qui est la chapelle particuliĂšre de l’infirmerie et remonte Ă  dĂ©but du XIVe. L’infirmerie elle-mĂȘme, qui date de 1645, forme avec la Grande-Maison un seul ensemble. Le petit portail Ă  gauche de la chapelle donne entrĂ©e Ă  la cour intĂ©rieure des anciens hospices Dops (ou Dopsconvent, aux no 32 Ă  40, voir ci-aprĂšs), oĂč vivaient les bĂ©guines ne disposant pas ou plus de leurs propres moyens d’existence[59] - [60].

En rĂ©alitĂ© donc, il s’agit d’un Ă©difice composite constituĂ© de quatre corps de bĂątiment, dont le plus ancien remonte au XIVe siĂšcle ; l’ensemble a subi une derniĂšre restauration en l’an 2000. Ces corps de bĂątiment s’énumĂšrent comme suit :

  • la maison de la grande-demoiselle (ou de la grande-maĂźtresse, de la grande-dame), dont la façade, Ă©voquĂ©e ci-haut, donne sur l’enclos central, et qui est constituĂ©e en fait de deux corps de bĂątiment parallĂšles, tous deux du XVIIe siĂšcle, Ă  deux niveaux et Ă  toit en bĂątiĂšre. La niche Ă  arc plein-cintre au-dessus de la porte d’entrĂ©e est flanquĂ©e de volutes et se termine par une corniche ; le champ sous l’arc est occupĂ© par un motif en coquille de saint Jacques. Les chambranles, tant de la porte d’entrĂ©e que des fenĂȘtres, sont constituĂ©es de chaĂźnes de grĂšs harpĂ©es, et on remarque une chaĂźne d’angle Ă  gauche. La pointe du pignon renferme un oculus. Dans une niche baroque surmontant la porte est logĂ©e une madone avec enfant[59], de style baroque tardif, portant l’inscription : « HIER IS 'T: / DE WYNGAARD / VAN MARIA » (littĂ©r. C’est ici la Vigne de Marie), tandis que sur le claveau central se lit l’inscription « MATER VINEAE NOSTRA O.P.N / O ZOETE MOEDER GODS DIE DUIZEND JAAR VOORDEZEN / AAN ALLEN KRISTENMENSCH UW JONSTE HEBT BEWEZEN / AANHOOR IN DEZE KERK HET GEMEENTE DAT U GROET / EN ONS ROEMRUCHTIG HOF VAN ALLE KWAAD BEHOEDT » (littĂ©r. Notre mĂšre de la Vigne O.P.N. / Ô douce mĂšre de Dieu qui mille ans avant cette heure / avez prouvĂ© vos faveurs Ă  tous les chrĂ©tiens / prĂȘtez l’oreille dans cette Ă©glise Ă  la communautĂ© qui vous salue / et prĂ©servez de tout mal notre illustre bĂ©guinage). La façade latĂ©rale est une façade Ă  redens aveugle se terminant par une souche de cheminĂ©e. À l’intĂ©rieur, on rencontre d’abord un vestibule avec des portes donnant accĂšs Ă  la chapelle, Ă  l’aile arriĂšre et Ă  la salle du chapitre (c'est-Ă -dire Ă  l’ancienne infirmerie, voir ci-bas) ; toutes ces portes ont un encadrement Ă  arc tudor en briques rouges, ornĂ©s des symboles de la foi, de l’espĂ©rance et de l’amour. Le plafond Ă  poutres et la charpente du toit sont prĂ©servĂ©s. À gauche de ce corps de bĂątiment principal, et contiguĂ« Ă  celui-ci, se dresse :
  • la chapelle, datĂ©e du XIVe siĂšcle, construction simple Ă  vaisseau unique, de seulement deux travĂ©es sĂ©parĂ©es par un contrefort, et couvert d’un toit Ă  deux versants que chevauche un clocheton Ă  beffroi en bois et Ă  flĂšche. La derniĂšre restauration eut lieu en 2001. Les parois de la nef sont percĂ©es de baies ogivales, bigĂ©minĂ©es cĂŽtĂ© enclos central, avec quelques entrelacs d’allure simple. La façade pignon orientale comprend une grande baie ogivale trigĂ©minĂ©e, en tiers-point, avec rĂ©seau trilobĂ© ; la façade sud est percĂ©e d’une petite fenĂȘtre Ă  arc brisĂ© avec vitrail, et d’une petite porte Ă  arc surbaissĂ©[60]. La voĂ»te de la nef est en berceau, avec quatre claveaux remarquables. La dĂ©coration comprend en particulier le tableau Les Noces mystiques de sainte Catherine, Ă  dater des alentours de 1600 et attribuĂ© Ă  un maĂźtre anversois anonyme ; l’enfant JĂ©sus est assis sur les genoux de sa mĂšre et glisse un anneau au doigt d’une sainte Catherine couronnĂ©e, devant un arriĂšre-plan luxuriant de plantes, pommes et fleurs ; le tableau aurait Ă©tĂ© trouvĂ© fortuitement par Rodolphe Hoornaert dans une ferme des environs et offert Ă  la communautĂ© religieuse en 1969[62].
  • une aile perpendiculaire au bĂątiment principal, situĂ©e Ă  l’arriĂšre de celui-ci cĂŽtĂ© jardin, Ă  Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, et remontant au XIVe siĂšcle. Le pignon avant se termine par une souche de cheminĂ©e singuliĂšre (de section octogonale et arrondie au sommet). La façade pignon arriĂšre est du XVIe et XVIIe siĂšcles. L’intĂ©rieur possĂšde une charpente prĂ©servĂ©e, remontant, sur la foi d’un examen dendrochronologique effectuĂ© en 2002, Ă  une date situĂ©e entre 1328 et 1338[60].
  • une aile cĂŽtĂ© jardin, Ă  Ă©tage et deux travĂ©es, parallĂšle et attenant au corps de bĂątiment principal, ajoutĂ© au XVIIe. Au rez-de-chaussĂ©e se trouve la dĂ©nommĂ©e chambre du conseil, avec corps de cheminĂ©e du XVIIIe siĂšcle, en stuc, dans le style Louis XVI[60].
La petite chapelle domestique (XIVe siĂšcle) de la grande-demoiselle, attenant au flanc gauche de sa demeure.
  • enfin, l’ancienne infirmerie, bĂątiment perpendiculaire au corps de bĂątiment principal et situĂ© Ă  droite (Ă  l’ouest) de celui-ci, datĂ© de 1645, sans Ă©tage, comportant une salle surĂ©levĂ©e servant actuellement (2018) de salle capitulaire[60], auquel on accĂšde par un escalier depuis le vestibule de la maison de la grande-demoiselle. Ce corps de bĂątiment, qui aurait fait office d’infirmerie dans des temps plus anciens, possĂšde un jardin Ă  part et donne sur l’enclos central par le biais d’une Ă©troite travĂ©e qui forme le dernier pan de façade (c’est-Ă -dire la plus au sud) du cĂŽtĂ© ouest de cet enclos ; ce pan, s’il apparaĂźt aujourd’hui aveugle, garde encore les traces d’une ancienne fenĂȘtre, Ă  prĂ©sent obstruĂ©e, avec son arc de dĂ©charge encore perceptible, et se trouve surmontĂ© d’une petite lucarne Ă  pignon[60] - [62]. À l’intĂ©rieur, une cave voĂ»tĂ©e en berceau, et, au-dessus donc, la vaste salle surĂ©levĂ©e, avec plafond et poutres conservĂ©es, cheminĂ©e de marbre et de stuc de style Louis XVI. La salle est ornĂ©e d’autre part de plusieurs peintures, dont des modernes, notamment un portrait de Rodolphe Hoornaert par JosĂ© Storie (1899-1961) et des portraits de grandes-demoiselles, et quelques anciennes, notamment Notre-Dame-des-sept-douleurs, tableau attribuĂ© Ă  Jacob van Oost l’ancien, et un tableau sur lequel sainte Élisabeth est figurĂ©e trois fois (Ă  Eisenach ; aidant un mendiant ; et mise en prĂ©sence du Christ ressuscitĂ©) et qui trahit l’influence du peintre anversois Michiel Cocxie[63].

Sur le cĂŽtĂ© nord de l’enclos central

La premiĂšre maison que l’on rencontre en passant le portail d’entrĂ©e est le logis de la touriĂšre (= concierge d’un couvent), sis au no 2, au nord par rapport au portail d’entrĂ©e et y attenant. Large de cinq travĂ©es, d’un seul niveau, sous toits en bĂątiĂšre, datant des XVIe, XVIIe et XIXe siĂšcles, cette petite maison prĂ©sente un plan au sol en forme de L, dont l’aile droite est percĂ©e d’une arche correspondant au passage du portail d’entrĂ©e dĂ©crit ci-dessus. La façade gouttereau sur l’enclos est dotĂ©e de lucarnes dont les fenĂȘtres s’inscrivent dans des niches surmontĂ©es d’un arc en anse-de-panier. La façade sur la Reie a Ă©tĂ© restaurĂ©e en 2000. À l’intĂ©rieur, poutres et charpentes prĂ©servĂ©es[64].

La maison no 4 se compose de deux corps de bĂątiment juxtaposĂ©s, Ă  façade pignon, avec en outre une petite porterie Ă  gauche, laquelle comporte une porte Ă  arc tudor surmontĂ©e d’une niche Ă  madone ; ces deux maisons et la porterie forment l’actuel Centre liturgique. L’ensemble date de la fin du XVIe siĂšcle (?) ou du dĂ©but du XVIIe siĂšcle, mais a subi une vigoureuse restauration en 1957. La maison de gauche, de trois travĂ©es et Ă  Ă©tage, prĂ©sentait, jusqu’à la restauration de 1957, un pignon Ă  rampants droits et sa façade comportait au centre une porte d’entrĂ©e couronnĂ©e d’entrelacs ; au-dessus des fenĂȘtres du rez-de-chaussĂ©e, ces entrelacs avaient cependant disparu, et l’ouverture dans le pignon n’était qu’une fenĂȘtre de grenier des plus simples. Le remaniement de 1957 transforma le pignon en pignon Ă  escaliers, et au rez-de-chaussĂ©e la porte fut remplacĂ©e par une fenĂȘtre, et les fenĂȘtres Ă  meneaux furent dotĂ©es de petits arcs plein-cintre gĂ©minĂ©s ; dans le pignon, dĂ©sormais donc Ă  redents, et Ă  l’étage, les fenĂȘtres s’inscrivent dans des renfoncements (dites travĂ©es brugeoises) Ă  arc plein-cintre avec rĂ©seau trilobĂ©. En 1999, façade et toiture furent Ă  nouveau restaurĂ©es. Le corps de bĂątiment de droite comporte deux travĂ©es et un seul niveau, avec pignon Ă  rampants droits. À l’intĂ©rieur, le couvrement de poutres et la charpente ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s[65].

La maison no 6, Ă©galement Ă  façade pignon, Ă  Ă©tage et Ă  quatre (au rez-de-chaussĂ©e) et trois (au premier Ă©tage) travĂ©es, Ă  toit en bĂątiĂšre, remonte aux XIIIe et XIVe siĂšcles, mais fut remaniĂ©e Ă  partir du XVIe et au cours du XVIIIe. Une restauration fut menĂ©e en 1998-1999 et en 2001-2002, impliquant notamment le remplacement, dans la deuxiĂšme travĂ©e, de la porte par une fenĂȘtre. Les linteaux qui couvrent les fenĂȘtres sont en lĂ©ger retrait et sont surmontĂ©s par des arcs de dĂ©charge. La façade latĂ©rale gauche est remarquable en ceci que, jadis mur mitoyen avec une maison contiguĂ« aujourd’hui disparue, elle prĂ©sente des traces de poutres et de contreforts ; Ă  l’étage, on aperçoit de petites niches, placĂ©es entre ces contreforts, destinĂ©es Ă  recevoir des bougies. La façade arriĂšre est une façade pignon de trois travĂ©es, prĂ©sentant des traces d’anciennes ouvertures[66] - [67]. À l’intĂ©rieur, cave peu profonde voĂ»tĂ©e en berceau. Au rez-de-chaussĂ©e, cheminĂ©e en grĂšs de style gothique tardif, dont les montants sont ornĂ©s de tĂȘtes d’époux. À l’étage, cheminĂ©e de grĂšs, mise Ă  dĂ©couvert pendant la restauration et prĂ©sentant quelques vestiges de polychromie. La charpente est du milieu du XVIIIe[67].

  • Logis de la touriĂšre (maison no 2, XVIe, XVIIe et XIXe siĂšcles). À droite, le passage couvert auquel donne accĂšs le portail d’entrĂ©e.
    Logis de la touriĂšre (maison no 2, XVIe, XVIIe et XIXe siĂšcles). À droite, le passage couvert auquel donne accĂšs le portail d’entrĂ©e.
  • Les deux corps de bĂątiment du no 4 (XVIe siĂšcle ou dĂ©but du XVIIe siĂšcle).
    Les deux corps de bùtiment du no 4 (XVIe siÚcle ou début du XVIIe siÚcle).
  • Gros plan sur les travĂ©es brugeoises inscrites dans la façade du no 4.
    Gros plan sur les travées brugeoises inscrites dans la façade du no 4.
  • Façades des maisons no 4 (Ă  droite) et no 6 (Ă  gauche). Dans le fond Ă  droite, flĂšche de l’église Notre-Dame.
    Façades des maisons no 4 (Ă  droite) et no 6 (Ă  gauche). Dans le fond Ă  droite, flĂšche de l’église Notre-Dame.
  • Façade latĂ©rale gauche du no 6. Le mur fut autrefois mitoyen, d’oĂč la prĂ©sence de niches Ă  bougeoirs pratiquĂ©es dans la paroi.
    Façade latĂ©rale gauche du no 6. Le mur fut autrefois mitoyen, d’oĂč la prĂ©sence de niches Ă  bougeoirs pratiquĂ©es dans la paroi.

Les maisons no 8 Ă  20 comportent chacune Ă  l’avant un petit jardinet sĂ©parĂ© de l’enclos central par des murs de brique Ă©rigĂ©s entre 1937 et 1939, et accessible par le biais de petits portails en anse-de-panier. Entre les no 10 et 12 se dresse un pittoresque pigeonnier d’un seul niveau et Ă  toit en bĂątiĂšre. À noter au-dessus de l’entrĂ©e du no 14, lĂ  oĂč le mur de clĂŽture est rehaussĂ©, une niche logeant une madone avec enfants[68].

Les maisons portant (de gauche Ă  droite) les no 14, 12, 10 et 8.

À la maison no 10, Ă  façade gouttereau, Ă  trois travĂ©es et Ă©tage, sous bĂątiĂšre, du dĂ©but XIXe, succĂšde la no 12, Ă©galement Ă  façade gouttereau, Ă  quatre (au rez-de-chaussĂ©e) et trois (Ă  l’étage) travĂ©es, mais comportant une vaste lucarne pignon Ă  gradins. Cette maison, qui date du XVIIe, fut restaurĂ©e en 1995. Chacune des fenĂȘtres est dotĂ©e d’un arc de dĂ©charge. Un cartouche rĂ©cent, de 1995, encastrĂ© dans la façade, porte l’inscription « HERSTELD / PAX / MCMXCV » (RavalĂ© / PAX / MCMXCV). À l’intĂ©rieur, les poutres et solives du plafond et la charpente sont prĂ©servĂ©es[69].

Les no 14 et 16 sont des maisons Ă  façade gouttereau. La no 14, de cinq travĂ©es et Ă  Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, date du dĂ©but du XIXe siĂšcle, oĂč elle vint remplacer une maison plus ancienne, et fut restaurĂ©e en 1993-1994[45] - [70]. La no 16 comprend deux corps de bĂątiment, celui donnant sur l’enclos, Ă  façade gouttereau, large de cinq travĂ©es, couvert d’un toit en croupe, se prolongeant perpendiculairement Ă  l’arriĂšre (imperceptiblement, car d’égale largeur) par un autre corps de bĂątiment, sous toit Ă  bĂątiĂšre ; l’ensemble est millĂ©simĂ© en façade « APRIL 1854 »[71].

Les trois maisons suivantes (quand on se dĂ©place d’est en ouest) sont les no 18 et 20, qui forment un alignement de trois pignons Ă  rampants droits datant des environs de 1600. Toutes trois ont gardĂ© leur ancien appareillage de maçonnerie. La no 18, de trois et deux travĂ©es et Ă  Ă©tage, sous bĂątiĂšre, date des XVIe et XVIIe siĂšcles (les ouvertures rectangulaires datant du XIXe). Dans le pignon, on remarque une fenestrelle dans une niche en anse-de-panier. L’intĂ©rieur garde son ancien couvrement de poutres[72]. La no 20 se compose de deux corps de bĂątiment parallĂšles comptant ensemble six travĂ©es avec Ă©tage, couverts chacun d’un toit Ă  deux versants se terminant Ă  l’arriĂšre par une croupe. L’ensemble date des XVIe et XVIIe, et fut restaurĂ© en 2001. Dans le pignon de gauche se note une fenestrelle s’inscrivant dans une niche surmontĂ©e d’un arc en accolade. À l’intĂ©rieur, poutres de plafond et charpentes anciennes prĂ©servĂ©es. Dans l’angle sud-est du jardinet, accotĂ© Ă  la maison no 22 (la maison d’hĂŽtes, sur le cĂŽtĂ© ouest de l’enclos), se trouve une petite chapelle, datant de 1938-1939, de style historisant[66] - [73].

  • Les maisons no 10 (Ă  droite, dĂ©but XIXe siĂšcle) et no 12 (Ă  gauche, au pignon Ă  gradins, XVIIe siĂšcle). À l’avant-plan, apparaissant sombre sur la photo car Ă  l’ombre des peupliers, le pigeonnier.
    Les maisons no 10 (Ă  droite, dĂ©but XIXe siĂšcle) et no 12 (Ă  gauche, au pignon Ă  gradins, XVIIe siĂšcle). À l’avant-plan, apparaissant sombre sur la photo car Ă  l’ombre des peupliers, le pigeonnier.
  • Autre vue sur les maisons no 10 et 12. À l’avant-plan, chaperon du mur par lequel les jardinets de devant des maisons sont sĂ©parĂ©s de l’enclos central.
    Autre vue sur les maisons no 10 et 12. À l’avant-plan, chaperon du mur par lequel les jardinets de devant des maisons sont sĂ©parĂ©s de l’enclos central.
  • Maison bĂ©guinale no 14 (dĂ©but du XIXe siĂšcle).
    Maison béguinale no 14 (début du XIXe siÚcle).
  • Maisons no 16 (Ă  droite, millĂ©simĂ© 1854 en façade), no 18 (au centre, XVIe et XVIIe siĂšcles) et no 20 (double pignon de gauche, Ă©galement des XVIe et XVIIe). Le mur de sĂ©paration entre jardinets des maisons et enclos central est bien visible.
    Maisons no 16 (à droite, millésimé 1854 en façade), no 18 (au centre, XVIe et XVIIe siÚcles) et no 20 (double pignon de gauche, également des XVIe et XVIIe). Le mur de séparation entre jardinets des maisons et enclos central est bien visible.
  • Les deux pignons de la no 20 avec Ă  gauche la chapelle accotĂ©e Ă  la façade latĂ©rale du complexe no 22 (bordant le cĂŽtĂ© ouest de l’enclos central). Plus loin, au centre gauche, bĂątiments du couvent de bĂ©nĂ©dictines avec sa tour carrĂ©e.
    Les deux pignons de la no 20 avec Ă  gauche la chapelle accotĂ©e Ă  la façade latĂ©rale du complexe no 22 (bordant le cĂŽtĂ© ouest de l’enclos central). Plus loin, au centre gauche, bĂątiments du couvent de bĂ©nĂ©dictines avec sa tour carrĂ©e.

Sur le cĂŽtĂ© ouest de l’enclos central

L’enfilade de maisons et de pignons sur le cĂŽtĂ© occidental de l’enclos central ne forment plus aujourd’hui qu’un seul ensemble et portent les no 22 Ă  30. DerriĂšre ces quelque cinq façades soit ravalĂ©es soit bĂąties Ă  neuf par l’architecte Joseph ViĂ©rin sur commande de Rodolphe Hoornaert se trouve le centre nĂ©vralgique de l’actuelle communautĂ© de religieuses bĂ©nĂ©dictines. À l’arriĂšre (Ă  l’ouest), non visible depuis la place centrale, se trouve le couvent lui-mĂȘme, ou MonastĂšre (Monasterium en nĂ©erlandais), avec son cloĂźtre, Ă©rigĂ©s entre 1937 et 1939, et dont le style s’inspire de l’architecture traditionnelle de la plaine cĂŽtiĂšre flamande. Ce complexe conventuel est contigu aux maisons dont les façades donnent sur la place, lesquelles façades prĂ©sentent entre elles une claire parentĂ© stylistique et peuvent toutes ĂȘtre datĂ©es grosso modo entre 1600 et 1700, Ă  l’exception toutefois de la façade de la no 22, la premiĂšre maison Ă  compter de l’angle nord-ouest (arrondi) de l’enclos central ; cette façade, qui comporte deux pignons (en rĂ©alitĂ© deux lucarnes-pignons), mais correspond Ă  un mĂȘme corps de bĂątiment, est une crĂ©ation de ViĂ©rin et est venue remplacer une façade nĂ©o-classique du XIXe. Ce no 22 abrite maintenant la maison d’hĂŽtes (en nĂ©erlandais gastenverblijf ou gastenkwartier) du MonastĂšre[66].

Les deux façades Ă  lucarne-pignon au centre (correspondant Ă  un seul corps de bĂątiment) datent de 1938. À droite, la petite chapelle dans le jardin du no 20 (angle nord-ouest de l’enclos central). À gauche, l’étroite façade Ă  2 ou 3 travĂ©es (ne portant pas de n°, mais faisant partie du 22), remonte au XVIIIe siĂšcle.

Le complexe conventuel (le Monasterium), qui date de 1937-1938, se compose de deux ailes semblables (longs d’une dizaine de travĂ©es, Ă  Ă©tage, Ă  toit Ă  deux versants avec lucarnes), disposĂ©es en L, l’une parallĂšle, et accolĂ©e, aux maisons alignĂ©es sur l’enclos, et l’autre, perpendiculaire Ă  la premiĂšre, se terminant par une petite tour carrĂ©e sous toit en pavillon qui lui est accotĂ©e ; dans l’angle de ce L a Ă©tĂ© construit un cloĂźtre, dans le mĂȘme style rĂ©gional traditionnel[74]. Au couvent jouxte un vaste jardin, cernĂ© d’un mur, traversĂ© d’un Ă©troit canal (au cours est-ouest, dĂ©bouchant dans le Minnewater), partagĂ© entre jardins d’agrĂ©ment, potagers, pelouses, serres, parterres de fleurs, vergers etc., et qui occupe toute la partie sud-ouest du bĂ©guinage. Un petit portail s’ouvrant sur la Professor Dr. J. Sebrechtsstraat, sous arc tudor, dotĂ© d’un cartouche portant l’inscription « KLOOSTER / TEN WIJNGAARDE » (klooster = couvent), remaçonnĂ© en 2002, donne accĂšs Ă  ce jardin[75].

À gauche, enfilade de façades sur le cĂŽtĂ© ouest de l’enclos central, nommĂ©ment les no 24 (pignon de gauche) et 22 (les deux lucarnes-pignons de droite). Au-delĂ , dans l’angle nord-ouest (arrondi) de l’enclos, les no 18 (pignon de gauche) et 20 (gouttereau de droite). Dans le fond Ă  droite, clocher de la cathĂ©drale Saint-Sauveur.

La maison d’hĂŽtes (no 22), qui a l’aspect de deux corps de bĂątiment jumelĂ©s (avec chacun sa lucarne-pignon) mais n’en constitue en fait qu’un seul, est donc venue se substituer Ă  la demeure dix-neuviĂ©miste de style nĂ©o-classique, qui avait dĂ©plu Ă  ViĂ©rin, et compte en tout neuf travĂ©es sur deux niveaux, couvertes par un toit Ă  bĂątiĂšre, Ă©difiĂ© selon des plans de ViĂ©rin entre 1937 et 1938 dans un style historisant. Les chambranles (encadrements) des portes d’entrĂ©e sont en granit, de style rococo (selon le modĂšle du milieu XVIIIe) et, quant Ă  leur envergure, quelque peu inhabituelles pour le bĂ©guinage[76]. À noter que ces chambranles consistent en pierres de remploi, c’est-Ă -dire provenant d’autres maisons anciennes, et rĂ©utilisĂ©es. L’une de ces portes comporte un jour d’imposte avec un Ă©lĂ©gant Ă©ventail en fer forgĂ©[77]. Le legs De Man (voir ci-aprĂšs), cĂ©dĂ© au bĂ©guinage en 1959, a Ă©tĂ© hĂ©bergĂ© dans cette maison[76].

La maison suivante, qui ne porte pas de numĂ©ro, mais constitue un corps de bĂątiment distinct de ses voisines, est une maison Ă  façade gouttereau datant du XVIIIe, de deux/trois travĂ©es et Ă  Ă©tage, avec possiblement des parties plus anciennes. La porte d’entrĂ©e du XVIIIe a gardĂ© son vantail d’origine et possĂšde un jour d’imposte en fer forgĂ©. La façade est surmontĂ©e par une lucarne Ă  pignon et Ă  crossettes, avec fenĂȘtre inscrite dans une niche anse-de-panier. À l’intĂ©rieur, les poutres et charpentes ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©es. Le rez-de-chaussĂ©e comprend le rĂ©fectoire du Monasterium[78].

La no 24 est une maison Ă  façade gouttereau avec lucarne-pignon, de quatre travĂ©es et Ă  Ă©tage sous bĂątiĂšre, datant des XVIe et XVIIe siĂšcles, restaurĂ©e en 1997. À l’intĂ©rieur, les solives et poutres du plafond et la charpente ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©es Ă©galement. La salle de rĂ©crĂ©ation renferme une cheminĂ©e en style gothique tardif ornĂ© d’une Annonciation Ă  Marie transfĂ©rĂ©e d’un autre immeuble du bĂ©guinage. C’est par cette maison que l’on a accĂšs au couvent (Monasterium) situĂ© derriĂšre[79].

La maison no 26.

La no 26, se prĂ©sente, ainsi que la prĂ©cĂ©dente, comme une maison Ă  façade gouttereau avec lucarne-pignon, de quatre travĂ©es et Ă  Ă©tage, sous bĂątiĂšre, datant des XVIe et XVIIe siĂšcles, Ă©galement restaurĂ©e en 1997. Certaines fenĂȘtres Ă  l’étage sont surmontĂ©es d’arcs de dĂ©charge. La porte, au vantail ancien, comporte un petit judas en fer forgĂ© avec monogramme marial. Charpente prĂ©servĂ©e[80].

La maison no 28 enfin, derniĂšre de la rangĂ©e, est elle aussi une maison Ă  façade gouttereau avec lucarne-pignon, Ă  Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, mais de six travĂ©es. Datant de mĂȘme des XVIe et XVIIe siĂšcles, elle subit des remaniements au XVIIIe, et fut Ă©galement restaurĂ©e en 1997. La porte d’entrĂ©e, datant de la mi-XVIIIe, en bois joliment ouvragĂ©, est encadrĂ©e en arc surbaissĂ© et comporte un jour d’imposte renforcĂ© d’une grille de fer forgĂ© en forme de coquille saint Jacques. Porte d’entrĂ©e et fenĂȘtres centrales de l’étage sont surmontĂ©es d’un arc de dĂ©charge. À l’intĂ©rieur, systĂšme de poutres et charpente sont Ă©galement d’époque, la maison du reste partageant son comble avec la no 26. Au rez-de-chaussĂ©e comme Ă  l’étage se trouvent deux corps de cheminĂ©e du XVIIIe avec dĂ©coration en stuc[81].

Sur le cĂŽtĂ© sud de l’enclos central

L’habitation collective (convent) Dops, fondĂ© en 1338 par Maria Dops. Remarquer au-dessus de la petite porte d’entrĂ©e une niche logeant une statuette de sainte Élisabeth de Thuringe ou d’AdĂ©laĂŻde de Villich.

La premiĂšre maison de l’alignement sud, la no 30, demeure de la grande-maĂźtresse, a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©crite ci-haut. L’ensemble suivant, qui fait suite Ă  la chapelle domestique de ladite demeure, est le Dopsconvent, sis aux no 32-40, logement collectif fondĂ© en 1338 par Maria Dops Ă  l’intention des bĂ©guines nĂ©cessiteuses. Il s’agit d’une sorte de courĂ©e, que borde une succession de cinq logis identiques Ă  piĂšce unique, sous toit Ă  bĂątiĂšre, datant des XVe et XVIIe siĂšcles, et Ă  laquelle donne entrĂ©e une petite porte s’ouvrant sur l’enclos central. Les maisonnettes, restaurĂ©es en 1987, consistent en deux travĂ©es chacune, sont dĂ©pourvues d’étage, et possĂšdent chacune, Ă  l’exception de la premiĂšre, une lucarne Ă  pignon du XVIIe. Les fenĂȘtres rectangulaires sont surmontĂ©es d’arcs de dĂ©charge. À droite de la façade sur l’enclos, au-dessus de la petite porte d’entrĂ©e, on remarque une niche Ă  arc plein-cintre logeant une statuette de sainte Élisabeth de Thuringe ou d’AdĂ©laĂŻde de Villich. Les intĂ©rieurs des logements, auxquels donnent accĂšs des portes encadrĂ©es en anse-de-panier, ont gardĂ© leur couvrement de poutres et leur charpente, et renferment des cheminĂ©es en style gothique tardif ornĂ©s de tĂȘtes sculptĂ©es[82].

Maisonnette de béguines no 44 (XVIe-XVIIe siÚcle).

La maison de béguines au no 42 est une maison à façade pignon à crossettes, de trois travées et à étage, sous toit à bùtiÚre, qui fut substituée dans le premier quart du XXe siÚcle à une maison dix-neuviémiste de style néo-gothique. La façade gouttereau latérale compte une dizaine de travées (deux corps de bùtiment ?)[83].

La maisonnette no 44 prĂ©sente sur l’enclos central une façade gouttereau de trois travĂ©es sans Ă©tage sous toit Ă  bĂątiĂšre, et date du XVIe-XVIIe siĂšcle (restauration en 1994). La façade latĂ©rale est un pignon dentelĂ© se terminant par une souche de cheminĂ©e. L’intĂ©rieur conserve des poutres et une charpente anciennes, et renferme une cheminĂ©e de style gothique tardif avec tĂȘtes d’époux et une autre remontant au XVIIIe siĂšcle[84].

La maison no 11, Ă  façade pignon de cinq (au rez-de-chaussĂ©e) et de trois (Ă  l’étage) travĂ©es sous toit Ă  bĂątiĂšre, date probablement du XVIIIe siĂšcle, les adjonctions sous appentis ajoutĂ©es de part et d’autre datant du XIXe et XXe, pour celle de gauche, et (probablement) du XVIIIe, pour celle de droite. Des rĂ©novations ont Ă©tĂ© effectuĂ©es en 1983, puis en 1993-1994. À l’intĂ©rieur sont notables : une cave ancienne voĂ»tĂ©e en berceau ; plafonds et poutres prĂ©servĂ©s ; cheminĂ©e et escalier du XVIIIe[85].

La maison no 9, la plus Ă  l'est sur ce cĂŽtĂ© de la place centrale, se dresse une vingtaine de mĂštres en retrait par rapport au pourtour de l’enclos et borde le petit canal qui court au sud. Il s’agit de deux corps de bĂątiment contigus, Ă  façade pignon, de longueur inĂ©gale, se cĂŽtoyant parallĂšlement, et auxquels on accĂšde du cĂŽtĂ© de l’enclos par une porte Ă  gauche de la no 11. Les deux corps de bĂątiment datent des XVIe, XVIIe et XVIIIe siĂšcles, avec quelques parties remontant au XIIIe, et ont Ă©tĂ© rĂ©novĂ©s en 1981. La plus grande des deux constructions (celle de droite) compte (dans sa façade pignon) deux Ă  trois travĂ©es avec Ă©tage sous toit Ă  bĂątiĂšre, et se trouve flanquĂ©e de part et d’autre par des ajouts de date plus rĂ©cente sous toits en appentis. Les baies sont du XVIIIe, notamment la porte d’entrĂ©e encadrĂ©e en anse-de-panier ; la façade pignon arriĂšre (sud) donne sur le canal. La construction plus petite (celle de gauche, c’est-Ă -dire Ă  l’est) ne comporte pas d’étage, et prĂ©sente au nord une façade pignon aveugle, tandis que la façade latĂ©rale orientale est percĂ©e de deux baies rectangulaires ; la façade arriĂšre est Ă  gradins avec une fenĂȘtre bigĂ©minĂ©e, Ă  linteaux en pierre de taille et Ă  arc de dĂ©charge. À l’intĂ©rieur sont Ă  noter une cave ancienne voĂ»tĂ©e en berceau et, au rez-de-chaussĂ©e, dans le mur latĂ©ral droit, une baie du XIIIe siĂšcle avec meneau en pierre blanche de Tournai et Ă  chapiteau, surmontĂ© d’un vestige d’arc ; ouvertures en arc brisĂ© au rez-de-chaussĂ©e et Ă  l’étage, cheminĂ©e du XVIIIe[86].

  • Maison bĂ©guinale no 42 (XXe siĂšcle).
    Maison béguinale no 42 (XXe siÚcle).
  • À gauche, maison no 11, façade sur l’enclos central (la maisonnette de droite est la no 44).
    À gauche, maison no 11, façade sur l’enclos central (la maisonnette de droite est la no 44).
  • Maison no 11 (datant probablement du XVIIIe siĂšcle ; les adjonctions sous appentis datent du XIXe et XXe, pour celle de gauche, et probablement du XVIIIe, pour celle de droite).
    Maison no 11 (datant probablement du XVIIIe siĂšcle ; les adjonctions sous appentis datent du XIXe et XXe, pour celle de gauche, et probablement du XVIIIe, pour celle de droite).
  • Les façades arriĂšre des maisons no 11 (Ă  gauche) et no 9 (Ă  droite).
    Les façades arriÚre des maisons no 11 (à gauche) et no 9 (à droite).
  • Façade arriĂšre de la maison no 9, dont on distingue bien les diffĂ©rents corps de bĂątiment : le principal (au centre de la photo) et celui Ă  droite sont du XVIe, XVIIe et XVIIIe siĂšcles ; les appentis sont de date plus rĂ©cente. À l’avant-plan, l’étroit canal qui traverse le bĂ©guinage. La façade-pignon blanche Ă  gauche appartient au no 46.
    Façade arriĂšre de la maison no 9, dont on distingue bien les diffĂ©rents corps de bĂątiment : le principal (au centre de la photo) et celui Ă  droite sont du XVIe, XVIIe et XVIIIe siĂšcles ; les appentis sont de date plus rĂ©cente. À l’avant-plan, l’étroit canal qui traverse le bĂ©guinage. La façade-pignon blanche Ă  gauche appartient au no 46.

Sur le cĂŽtĂ© est de l’enclos central

Maison de professes no 1 (XVIIIe siÚcle), façade sur l'enclos central. Actuellement, la maison abrite un musée.

La maison qui porte le no 1, qui est attenante au portail d’entrĂ©e sur son cĂŽtĂ© sud, se composĂ© de deux corps de bĂątiment plus ou moins parallĂšles et date probablement du XVIIIe siĂšcle, avec des parties plus anciennes. Une sorte de petit cloĂźtre enserrant un jardinet, crĂ©ation des annĂ©es 1930, a Ă©tĂ© ajoutĂ© sur son cĂŽtĂ© sud et fait la jonction avec la maison suivante, la no 3. L’ensemble a Ă©tĂ© restaurĂ© en 1997. Le corps de bĂątiment de devant, de trois travĂ©es sans Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, comprend une porte rectangulaire qui est remarquable en ceci qu’elle est encadrĂ©e de pilastres peints, avec entablement, datant du XVIIIe, et qu’elle est coiffĂ©e d’un jour d’imposte en forme d’éventail. Les ouvertures sont Ă  arc surbaissĂ©. Le corps de bĂątiment de derriĂšre, plus vaste et plus haut, prĂ©sente sur la Reie une façade gouttereau de trois travĂ©es et Ă  Ă©tage (la subdivision en travĂ©es a Ă©tĂ© modifiĂ©e dĂ©but XIXe), percĂ©e de fenĂȘtres encadrĂ©es en arc surbaissĂ© ; la lucarne rampante est du XIXe. L’intĂ©rieur est amĂ©nagĂ© en maison de bĂ©guines avec vestibule, cuisine, salle de sĂ©jour, salle Ă  manger, salle de couture et chambre Ă  coucher. Poutres du plafond et charpentes ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©es. La cuisine dans le corps de bĂątiment de devant contient une cheminĂ©e en grĂšs du XVIe, de style gothique tardif, ornĂ©e de deux tĂȘtes d’époux en guise de chapiteaux, et de carreaux de faĂŻence de Delft du XVIIIe. La salle de sĂ©jour dans le corps de bĂątiment de derriĂšre possĂšde une cheminĂ©e remontant, avec son revĂȘtement, au XVIIIe. Le jardin « pittoresque », avec son puits rond en brique, et son cloĂźtre, construction en brique sur arcades en anse-de-panier, sous toit en appentis, date des annĂ©es 1930[87] et fut conçu et construit par Joseph ViĂ©rin dans le mĂȘme style que celui du couvent de bĂ©nĂ©dictines dans la partie occidentale du bĂ©guinage[66]. Dans le jardin encore se dresse une statue du Christ souffrant, haut de deux mĂštres, crĂ©ation moderne du sculpteur belge Charles Delporte, exĂ©cutĂ© en maillechort, et inaugurĂ© en novembre 1989[88]. AmĂ©nagĂ©e en musĂ©e en 1935, au dĂ©but conjointement avec la no 3, cette maison offre une bonne reconstitution de l’intĂ©rieur d’une maison de professe. Elle arbore une enseigne en fer forgĂ© figurant une grappe de raisins, symbole du monastĂšre de la Vigne. Parmi le mobilier et les objets de collection, signalons : une pendule du XVIIe, un tableau naĂŻf de 1880 reprĂ©sentant une Procession du saint Sacrement dans le bĂ©guinage, et un chauffe-pieds que les bĂ©guines avaient coutume d’emporter Ă  l’église ; dans le salon, une collection de dentelles anciennes de Valenciennes et de Chantilly, un rouet, du matĂ©riel de dentelliĂšre, objets renvoyant aux activitĂ©s habituelles des bĂ©guines, et des chaises et une table Renaissance[89] ; dans la chambre Ă  coucher, une alcĂŽve Ă  baldaquin ; dans la salle Ă  manger, meubles anciens et sculptĂ©s de l’époque Renaissance, et de la vieille porcelaine de Tournai et de Bruxelles[88].

  • Maison no 1, façade (orientale) sur la Reie.
    Maison no 1, façade (orientale) sur la Reie.
  • Le petit cloĂźtre, crĂ©ation des annĂ©es 1930. DerriĂšre, les deux corps de bĂątiment de la maison no 1.
    Le petit cloßtre, création des années 1930. DerriÚre, les deux corps de bùtiment de la maison no 1.
  • L’une des piĂšces de la maison no 1 amĂ©nagĂ©e en musĂ©e.
    L’une des piĂšces de la maison no 1 amĂ©nagĂ©e en musĂ©e.
  • Salle de sĂ©jour avec matĂ©riel de dentelliĂšre etc.
    Salle de séjour avec matériel de dentelliÚre etc.
  • Cuisine, avec  cheminĂ©e en grĂšs du XVIe et carreaux de faĂŻence de Delft du XVIIIe.
    Cuisine, avec cheminée en grÚs du XVIe et carreaux de faïence de Delft du XVIIIe.
Maison de professes no 3. L’aile de gauche est du (XVIIe siùcle, celle de droite du XVIIe et du XIXe.
Maison no 7, l’un des premiers exemples de construction nĂ©o-gothique Ă  Bruges. À gauche, Ă©glise Sainte-Élisabeth.
Maison no 3, façades arriÚre (orientales) donnant sur la Reie.

Le maison no 3 se compose de deux ailes d’habitation, Ă  Ă©tage et Ă  toit en bĂątiĂšre, disposĂ©es en retour d’équerre. L’aile parallĂšle Ă  la Reie (et donc au pourtour de la place centrale du bĂ©guinage), prĂ©sente une lucarne-pignon et date du XVIIe, tandis que l’aile perpendiculaire Ă  la Reie, dont un des angles est arrondi et dont la toiture se termine par une croupe cĂŽtĂ© enclos, remonte aux XVIIe et XIXe siĂšcles. Des restaurations ont Ă©tĂ© effectuĂ©es en 1989 (souche de cheminĂ©e) et en 1997 (façades et toitures, et notamment mise au jour de fenĂȘtres dans la façade gouttereau — de quatre travĂ©es — sur la Reie, suivie de leur aveuglement). La façade gouttereau sur l’enclos central (Ă  lucarne-pignon) est percĂ©e d’une porte avec jour d’imposte en forme d’éventail et de fenĂȘtres rectangulaires Ă  petits-carreaux.
La façade latĂ©rale de l’aile perpendiculaire, Ă  peine visible de l’intĂ©rieur du bĂ©guinage (mais que l’on voit mieux de la rive opposĂ©e de la riviĂšre), est une façade gouttereau de quatre (au rez-de-chaussĂ©e) et trois (Ă  l’étage) travĂ©es, Ă  fenĂȘtres rectangulaires Ă  petits-carreaux, surmontĂ©es (pour celles du rez-de-chaussĂ©e) d’arcs de dĂ©charge. Les façades sur la Reie, de brique, sont quasi aveugles, et prĂ©sentent Ă  gauche une lucarne rampante du XIXe, et Ă  droite une lucarne Ă  pignon avec fenĂȘtre inscrite dans une niche Ă  arc plein-cintre. Les poutres et charpentes sont anciennes[90].

Enfin, derniĂšre maison bĂ©guinale sur le cĂŽtĂ© oriental, la no 7 (le no 5 est l’église Sainte-Élisabeth), qui reprĂ©sente l’un des plus anciens exemples de construction nĂ©o-gothique Ă  Bruges[66]. C’est une maison Ă  façade gouttereau, de trois travĂ©es et Ă  Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, millĂ©simĂ©e 1855 en façade. Incarnation prĂ©coce du style nĂ©o-brugeois, sa façade comporte de typiques travĂ©es dites brugeoises (renfoncements dans le nu de la façade s’étendant sur plusieurs Ă©tages) se terminant en arc segmentaire pour les deux travĂ©es latĂ©rales, et en ogive pour la travĂ©e centrale, laquelle se prolonge jusqu’au fin haut de la petite lucarne Ă  pignon, par-dessus une petite niche trilobĂ©e[91]. La façade arriĂšre, visible de la Wijngaardplein, est presque identique, mais non blanchie[66]. La maison a Ă©tĂ© restaurĂ©e en 1999[91].

La rue De Steert

La rue De Steert, aujourd’hui une impasse, est le vestige d’une extension du bĂ©guinage vers le sud, laquelle extension, nommĂ©e Koegat (littĂ©r. Trou Ă  vache), comprenait autrefois, comme le dĂ©montre la carte de Marcus Gheeraerts de 1562, outre De Steert, une placette avec puits et une autre rue courant vers l’ouest et aboutissant au petit portail arriĂšre du bĂ©guinage, appelĂ© Koepoort[92]. Cette extension fut en grande partie dĂ©mantelĂ©e dans les annĂ©es 1890 pour faire place Ă  la Minnewaterkliniek. La ruelle est bordĂ©e d’une dizaine de maisons de professes, que nous parcourrons du nord au sud.

Maison béguinale no 46 (XVIe et XVIIe siÚcles).

(La dĂ©nomination De Steert n’a pas d’existence officielle. Pour la poste et le cadastre sont seules officielles les adresses Begijnhof 15, Begijnhof 46, Begijnhof 54 etc.)

Maisons no 48 et 50 (XIIIe et XIVe siĂšcles probablement).
Façade latĂ©rale de la no 50, avec ses fenĂȘtres surmontĂ©es de niches bigĂ©minĂ©es.

La no 46, sise Ă  quelques dizaines de mĂštres de l’enclos central, est une petite maison Ă  façade pignon, de deux travĂ©es et Ă  Ă©tage, prolongĂ©e Ă  l’arriĂšre et dans son axe par un corps de bĂątiment plus bas. À droite lui a Ă©tĂ© accolĂ©e une aile Ă  façade gouttereau d’une seule travĂ©e sans Ă©tage. Les trois parties sont couvertes de toits Ă  bĂątiĂšre, datent toutes du XVIe et XVIIe siĂšcles, et ont Ă©tĂ© restaurĂ©es en 1989. La fenestrelle dans le pignon est inscrite dans une niche trilobĂ©e. La porte d’entrĂ©e comporte un jour d’imposte en plein-cintre consistant en un vitrail en forme d’éventail datant probablement du XIXe. La façade latĂ©rale gauche, de deux travĂ©es, non passĂ©e Ă  la chaux, est surmontĂ©e d’une souche de cheminĂ©e assez monumentale du XIXe ; la cheminĂ©e appartenant Ă  l’aile arriĂšre comporte deux conduits Ă  section hexagonale et remonte aux XVIe et XVIIe siĂšcles. L’intĂ©rieur a conservĂ© ses poutres et charpentes, et prĂ©sente trois corps de cheminĂ©e de style gothique tardif, ornĂ©s de tĂȘtes sculptĂ©es figurant des couples d’époux[93].

Les no 48 et 50 sont deux maisons Ă  façade gouttereau juxtaposĂ©es, respectivement de quatre (celle de droite) et deux/trois (celle de gauche) travĂ©es et Ă  Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre commun ; du reste, les deux maisons formaient au Moyen Âge un seul corps de bĂątiment, remontant probablement aux XIIIe et XIVe siĂšcles, mais sĂ©parĂ©es et remaniĂ©es ultĂ©rieurement, probablement vers 1600. Une profonde restauration des façades latĂ©rales a Ă©tĂ© menĂ©e au dĂ©but du XXe, puis le bĂątiment a de nouveau Ă©tĂ© restaurĂ© en 1994. La façade sur rue du no 48 fut remaniĂ©e au XVIIIe/XIXe et portĂ©e alors Ă  quatre travĂ©es ; la façade du no 50 en revanche garde les traces des phases de construction antĂ©rieures, notamment Ă  l’étage une fenestrelle Ă  arc segmentaire, vestige de la phase la plus ancienne, un soupirail grillagĂ©, et la porte d’entrĂ©e. La façade latĂ©rale gauche, non blanchie, Ă  pignon, comporte trois travĂ©es et fut restaurĂ©e au XIXe et dĂ©but XXe. Les ouvertures, Ă  arc segmentaire, sont surmontĂ©es de niches bigĂ©minĂ©es en arc brisĂ© surbaissĂ© (dit arc tudor) ou en anse-de-panier. Dans la façade latĂ©rale droite, petite ouverture en arc segmentaire, rĂ©sidu de la phase d’édification la plus ancienne, dont tĂ©moignent aussi d’autres ouvertures, en particulier le soupirail aveuglĂ© grillagĂ© Ă  arc brisĂ©. La façade (gouttereau) arriĂšre est le produit d’importantes transformations et combine vestiges de fenĂȘtres de la premiĂšre phase de construction et ouvertures plus rĂ©centes. L’intĂ©rieur a prĂ©servĂ© ses alignements de solives. À l’étage, on note plusieurs niches Ă  bougeoir trilobĂ©es. Le comble est commun aux deux maisons, avec charpente probablement du XIVe. La no 48 est dotĂ©e d’un corps de cheminĂ©e de style gothique tardif avec tĂȘtes sculptĂ©es[94].

Les maisons no 13, 15 et 17 forment une sĂ©rie sur le cĂŽtĂ© oriental de la ruelle. La no 13 se compose de deux ailes, l’une, Ă  façade gouttereau de cinq travĂ©es et Ă  Ă©tage, donnant sur la rue, date du dĂ©but du XVIIe siĂšcle, et l’autre, attenant et perpendiculaire Ă  la premiĂšre, est du XIXe, tous deux sous toit Ă  bĂątiĂšre[95]. La travĂ©e centrale de l’aile de devant est porteuse d’une lucarne Ă  pignon assez inhabituelle s’inscrivant dans une niche Ă  arc plein-cintre dont l’espace sous l’arc est dĂ©corĂ© d’entrelacs non ajourĂ©s[58]. Les baies rectangulaires remontent au XVIIIe. Une restauration a Ă©tĂ© accomplie en 1984. À l’intĂ©rieur, les poutres et les solives sont anciennes. Disposition des piĂšces et ornementation sont du XVIIIe, notamment les cheminĂ©es et les placards. L’escalier, Ă  vis, est du dĂ©but XIXe[95].

La no 15 comprend deux ailes disposĂ©es en L, dont celle de devant est Ă  façade gouttereau Ă  trois travĂ©es et Ă  Ă©tage sous toit Ă  bĂątiĂšre, et date des environs de 1600, les ouvertures rectangulaires cependant sont du XVIIIe. L’aile de derriĂšre, dĂ©pourvue d’étage, fut ajoutĂ©e aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles. Une restauration a Ă©tĂ© effectuĂ©e en 1984. Une lucarne sur la travĂ©e centrale, en saillie par rapport Ă  la façade, repose sur deux arcades en anse-de-panier jumelĂ©es, elles-mĂȘmes s’appuyant sur trois consoles. La façade arriĂšre est une façade pignon Ă  crossettes, Ă  deux travĂ©es ; les fenĂȘtres ont des linteaux et meneaux en grĂšs et sont surmontĂ©es d’arcs de dĂ©charge. À l’intĂ©rieur, on note, outre les poutres et solives prĂ©servĂ©es : une porte Ă  arc tudor profilĂ©e du dĂ©but XVIIe, ornĂ©e sur le haut d’une console Ă  tĂȘte d’ange, Ă©galement du XVIIe ; au rez-de-chaussĂ©e et Ă  l’étage, des corps de cheminĂ©e en grĂšs de style gothique tardif, avec tĂȘtes figurant un couple d’époux ; et boiseries anciennes des portes. Un troisiĂšme petit corps de bĂątiment, serrĂ© entre les ailes arriĂšre des no 13 et 15, sans Ă©tage, prĂ©sente une façade pignon Ă  crossettes et un oculus dans la pointe, et renferme Ă  l’intĂ©rieur une charpente d’origine et une cheminĂ©e de conception simple, du XVIIIe[96].

La no 17, Ă  façade gouttereau de cinq travĂ©es sans Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, n’est pas moins ancienne que la no 15 (XVIIe-XVIIIe, mais avec des parties du XVe et XVIe), cependant sa façade fut remaniĂ©e au milieu du XVIIIe. La maison comprend un deuxiĂšme corps de bĂątiment Ă  façade gouttereau, parallĂšle au prĂ©cĂ©dent, Ă  trois travĂ©es sans Ă©tage, datant du XVIIIe, avec ici aussi des parties plus anciennes. Le tout fut restaurĂ© en 1984[97]. À l’avant, le dĂ©bord suffisamment large du toit a permis de se passer de gouttiĂšre[58]. Les deux lucarnes ont des pignons Ă  crossettes. La porte d’entrĂ©e, d’un style rococo fort sobre, est dotĂ©e d’un jour d’imposte Ă  petits-carreaux. L’intĂ©rieur du logis a gardĂ©, de sa premiĂšre phase d’édification, des niches-lavabos de style gothique tardif ornĂ©s de tĂȘtes sculptĂ©es, une niche Ă  bougeoir et une cheminĂ©e en grĂšs avec tĂȘtes d’époux, et des carrelages du XIXe dans l’ñtre. Solives et charpente sont anciennes. On trouve plusieurs Ă©lĂ©ments du XVIIIe : plafonds et cheminĂ©es Ă  corniche. Le corps de bĂątiment de derriĂšre, parallĂšle au principal, comprend une salle par-dessus une cave ; ouvertures en arc surbaissĂ©, trace d’une petite porte en anse-de-panier ; l’intĂ©rieur recĂšle une cheminĂ©e du XVIIIe, dotĂ©e d’une corniche de conception simple[97].

  • Maison no 13, façade sur rue (dĂ©but du XVIIe siĂšcle, aile de devant).
    Maison no 13, façade sur rue (début du XVIIe siÚcle, aile de devant).
  • Les deux ailes en retour d’équerre de la no 13. L’aile de derriĂšre est du XIXe.
    Les deux ailes en retour d’équerre de la no 13. L’aile de derriĂšre est du XIXe.
  • Maison no 15 (vers 1600), avec sa lucarne sur la travĂ©e centrale.
    Maison no 15 (vers 1600), avec sa lucarne sur la travée centrale.
  • Gros plan sur la lucarne, en saillie par rapport Ă  la façade et reposant sur trois consoles et deux arcades.
    Gros plan sur la lucarne, en saillie par rapport à la façade et reposant sur trois consoles et deux arcades.
  • Maison no 17 (XVIIe-XVIIIe, mais avec des parties du XVe et XVIe).
    Maison no 17 (XVIIe-XVIIIe, mais avec des parties du XVe et XVIe).
Maison no 52 (XVIIe, XVIIIe et XIXe). Remarquer la niche logeant une madone.
La no 54 (XVIe siÚcle), derniÚre maison du béguinage.

Au bout de la rue De Steert, sur le cĂŽtĂ© opposĂ© (c’est-Ă -dire occidental), se trouvent deux maisons encore, contiguĂ«s, les no 52 et 54, toutes deux Ă  façade gouttereau. (La grande demeure nĂ©ogothique, appelĂ©e Huize Minnewater, situĂ©e dans l’angle dĂ©terminĂ© par la Professor Dr. J. Sebrechtsstraat et la rue Begijnenvest, au sud-est du bĂ©guinage, n’appartient pas Ă  celui-ci, mais Ă  l’hĂŽpital Minnewaterkliniek.)

La no 52 comporte six travĂ©es et un Ă©tage sous toit Ă  bĂątiĂšre, avec des parties remontant aux XVIIe (probable), XVIIIe et XIXe siĂšcles. L’ajout Ă  droite, d’une travĂ©e, est du XXe. Une lucarne-pignon Ă  crossettes, contenant une fenĂȘtre inscrite dans une niche en anse-de-panier, s’élĂšve au-dessus des deux travĂ©es centrales. Une restauration a Ă©tĂ© menĂ©e en 1986. La porte d’entrĂ©e, dotĂ©e d’un jour d’imposte, a gardĂ© son vantail du milieu XVIIIe ; au-dessus, au niveau de l’étage, a Ă©tĂ© pratiquĂ©e une niche en arc plein-cintre oĂč loge une statuette de terre cuite figurant la vierge Marie avec enfant. Dans la façade arriĂšre, l’on note entre les baies rectangulaires quelques traces d’ouvertures plus anciennes, et aussi une petite lucarne rampante. L’intĂ©rieur du logis, qui fut rĂ©amĂ©nagĂ© au XVIIIe et dĂ©corĂ© avec simplicitĂ©, prĂ©sente des solives, poutres et charpentes anciennes, et un escalier en colimaçon du dĂ©but XIXe[98].

La no 54 enfin est Ă  façade gouttereau de quatre travĂ©es et Ă  Ă©tage, sous toit Ă  bĂątiĂšre, et remonte au XVIe siĂšcle. Une des fenĂȘtres du rez-de-chaussĂ©e prĂ©sente des arcs de dĂ©charge jumelĂ©es. L’étage ne compte qu’une fenĂȘtre rectangulaire et une petite fenestrelle en arc surbaissĂ©. La lucarne Ă  pignon comprend une fenĂȘtre enserrĂ©e dans une niche en anse-de-panier. La maison a Ă©tĂ© restaurĂ©e en 1986. Dans la façade latĂ©rale gauche, qui autrefois (jusqu’au percement de la Prof. Sebrechtsstraat en 1890) Ă©tait mur mitoyen avec une autre maison, est aujourd’hui une façade pignon avec des ouvertures aveugles en anse-de-panier et en arc brisĂ©. La façade gouttereau arriĂšre prĂ©sente, entre les ouvertures rectangulaires, des vestiges d’autres plus anciennes. À l’intĂ©rieur : poutres et charpentes anciennes, deux corps de cheminĂ©e, l’une de style gothique tardif, de facture simple, et l’autre datant du XVIIIe siĂšcle[99].

PresbytÚre du béguinage

PresbytĂšre sur la Wijngaardplein, sur la rive opposĂ©e de la Reie, prĂšs du portail d’entrĂ©e du bĂ©guinage. Façade de 1905.

ConformĂ©ment Ă  l’usage, l’ancien presbytĂšre du bĂ©guinage (ou maison cruriale, selon l’indication sur la carte de Popp de 1865) — rappelons que le bĂ©guinage de Bruges fut Ă©rigĂ© en paroisse au XIIIe siĂšcle — se trouvait hors du pĂ©rimĂštre du bĂ©guinage, mais en l’espĂšce tout proche du portail d’entrĂ©e, sur la rive opposĂ©e de la riviĂšre Reie. Il s’agit d’une maison d’angle, Ă  deux ailes disposĂ©es en retour d’équerre, dont la façade pignon donnant sur la place de la Vigne (Wijngaardplein) comporte quatre travĂ©es, tandis que la façade goutereau de l’aile de derriĂšre compte cinq travĂ©es de largeur inĂ©gale. Le tout est couvert d’un toit Ă  bĂątiĂšre, mais dĂ©coupĂ© en croupe Ă  l’extrĂ©mitĂ© droite de l’aile arriĂšre. Si la demeure remonte originellement au XVIIe siĂšcle, la façade avant (donnant sur la place) en fut cependant dĂ©mantelĂ©e en 1905, puis reconstruite selon une « reconstitution artificieuse », d’aprĂšs des plans de l’architecte brugeois Louis Delacenserie. Elle est ainsi devenue une façade nĂ©o-baroque, Ă  pignon en escalier (de huit degrĂ©s), avec mise en Ɠuvre de pierre d’Euville pour les plinthes et les Ă©lĂ©ments dĂ©coratifs, notamment pour les chaĂźnes d’angle typiques, pour les jambages, les chambranles de la porte d’entrĂ©e et des fenĂȘtres (qui sont Ă  petits-carreaux), les bandeaux et les meneaux. Les arcs de dĂ©charge qui surmontent chaque ouverture sont ornĂ©s de mascarons. La porte d’entrĂ©e, encadrĂ©e d’un chambranle profilĂ© en pierre, avec crossettes, est surmontĂ©e d’un jour d’imposte en deux parties sĂ©parĂ©es par un meneau. Entre deux fenĂȘtres de l’étage, une statue de la vierge avec enfant, du XVIIe et XVIIIe siĂšcles, se dresse sur un cul-de-lampe historiĂ©. Sous le socle de la statue a Ă©tĂ© fixĂ©e une lanterne de fer forgĂ©. La façade latĂ©rale sur la Reie, plus ancienne, est percĂ©e de quelques fenĂȘtres, est dotĂ©e de deux imposantes souches de cheminĂ©e, et comporte des traces de phases d’édification antĂ©rieures. Une plaque commĂ©morative y a Ă©tĂ© apposĂ©e qui comprend un bas-relief figurant Hector Hoornaert (avant-dernier recteur — ou curĂ© — du bĂ©guinage) et porte l’inscription « HECTOR HOORNAERT PASTOR / 1851-1922 », Ɠuvre signĂ©e Frans Huygelen. La façade latĂ©rale opposĂ©e est porteuse d’une lucarne Ă  pignon. L’aile de derriĂšre, qui est de la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle, porte dans sa façade principale (nord) une petite lucarne rampante et une vaste baie centrale en arc plein-cintre[100].

Legs De Man et bibliothĂšque patrimoniale

Les Sept merveilles de Bruges, piĂšce maĂźtresse du legs De Man.

Pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale, l’on abrita aussi des Ɠuvres d’art dans le bĂ©guinage de Bruges, appelĂ©es plus tard collectivement le legs De Man (en nĂ©erl. legaat De Man). Ensuite, en 1959, mademoiselle Jeanne De Man (1868-1969), originaire de la commune de Varsenare, fit don Ă  la communautĂ© religieuse du bĂ©guinage d’un ensemble de 35 tableaux : 20 portraits de famille et six vues de la ville de Bruges. Les portraits de famille sont des Ɠuvres anonymes, peints entre environ 1560 et 1725 et prĂ©sentent surtout une valeur gĂ©nĂ©alogique et hĂ©raldique.

Parmi les vues de Bruges figure notamment le tableau Les Sept merveilles de Bruges (Septem Admirationes Civitatis Brugensis), la piĂšce vedette de la collection. DatĂ© de 1550 environ, si le tableau n’est pas signĂ©, il est gĂ©nĂ©ralement admis qu’il est de la main de Pieter Claeissens l'Ancien.

La bibliothĂšque, qui fait partie du couvent de bĂ©nĂ©dictines, et se situe donc dans la partie ouest du bĂ©guinage, renferme environ 10 000 volumes. La collection comprend aussi une vingtaine de manuscrits anciens et plusieurs incunables issus des presses de Plantin et de Verdussen Ă  Anvers[62].

Spiritualité

La rÚgle béguinale ancienne

Le mode de vie dans le bĂ©guinage de Bruges Ă©tait dĂ©fini par la rĂšgle fixĂ©e vers l’an 1300. Cette rĂšgle comportait l’obligation de mettre au centre de la vie bĂ©guinale l’oraison, le travail et l’abnĂ©gation (orare, laborare, pati) et de respecter les consignes Ă©vangĂ©liques de chastetĂ© et d’obĂ©issance. Aucune mention toutefois n’était faite du vƓu d’indigence ; nĂ©anmoins, dans le bĂ©guinage de Bruges, l’esprit de pauvretĂ© Ă©tait sauvegardĂ©, en ce sens que les prescriptions, en dĂ©pit de l’absence de vƓu, organisaient de fait la pauvretĂ© volontaire, prĂ©voyant en particulier le travail manuel et encourageant la mortification par l’instauration de pĂ©riodes de jeĂ»ne. Cet esprit de pauvretĂ© et de dĂ©tachement se traduisait par une tenue vestimentaire et un mobilier des plus sobres[101].

Cette premiĂšre rĂšgle de vie dĂ©finissait Ă©galement l’organisation interne de la communautĂ© elle-mĂȘme. À sa tĂȘte se trouvait la grande-maĂźtresse (« magistra »), assistĂ©e des maĂźtresses, qui dirigeaient les sept convents (logements collectifs) que comptait le bĂ©guinage en 1354. Chaque bĂ©guine avait l’obligation de se faire admettre dans l’un de ces sept convents. Le fait qu’il y avait dĂšs avant 1320 au bas mot quatre chapellenies (avec les prĂ©bendes qui s’y rattachaient) laisse supposer que le bĂ©guinage avait connu un certain Ă©panouissement[102].

L’infirmerie, qui existait dĂšs 1245, recueillait les bĂ©guines malades et nĂ©cessiteuses. Les offices Ă©taient assurĂ©s par un sacristain et une sacristaine, par un curĂ© et par des bĂ©guines qui figuraient au titre de schola cantorum dans le chƓur de l’église[102].

La charte fondatrice du bĂ©guinage de mai 1245 portait : « [
] afin que les pieuses rĂ©sidantes de ce clos se vouent en toute libertĂ© Ă  la priĂšre et s’adonnent Ă  la contemplation ». Le but Ă©tait d’isoler le plus possible les bĂ©guines du monde extĂ©rieur afin de leur permettre de mieux se consacrer Ă  la priĂšre et Ă  la contemplation[103]. La piĂ©tĂ© bĂ©guinale traditionnelle, nĂ©e du mysticisme, consistait dans l’ascĂšse et dans l’oraison. Les assemblĂ©es capitulaires et les chĂątiments qu’elles prononçaient devaient assurer que cette forme de vie ascĂ©tique fĂ»t respectĂ©e. Mais davantage que l’ascĂšse, c’est la vie de priĂšre qui restera la pierre angulaire de la piĂ©tĂ© bĂ©guinale. L’accent Ă©tait placĂ© surtout sur la dĂ©votion au Christ, l’eucharistie et le culte marial[104].

Quant Ă  la rĂšgle fixĂ©e vers 1300, elle met clairement en avant l’idĂ©al contemplatif de priĂšre et de silence d’une part, de jeĂ»ne et de discipline d’autre part. La rĂšgle prĂ©voyait de nombreux jours de jeĂ»ne et de tempĂ©rance, et l’observance de ces prĂ©ceptes Ă©tait discutĂ©e chaque soir avant d’aller se coucher. Les fautes commises en public ou ayant provoquĂ© le scandale ou la diversion Ă©taient chĂątiĂ©es publiquement dans le convent de la coupable ou dans tous les convents Ă  la fois[104]. Les complies Ă©taient rĂ©citĂ©es chaque soir. Dans l’église, l’Office romain (grand office) Ă©tait chantĂ© ou priĂ© ; pour qui n’était pas capable de rĂ©citer l’Office romain Ă©tait prĂ©vu l’office de la Sainte-Vierge (ou petit office). Les bĂ©guines ne sachant pas lire ou accaparĂ©es par leurs travaux rĂ©citaient une sĂ©rie d’Ave Maria et quelques psaumes[104].

Un autre Ă©lĂ©ment important Ă©tait le silence. Le grand silence quotidien commençait le soir aux complies et se terminait le matin en semaine par le chant des matines, et le dimanche aprĂšs la messe. Le travail de la journĂ©e Ă©tait lui aussi placĂ© sous le signe de l’esprit contemplatif et devait s’accomplir autant que possible en silence. Toute activitĂ© Ă©tait du reste subordonnĂ©e Ă  l’idĂ©al contemplatif. Dans beaucoup de bĂ©guinages, l’apostolat, en particulier le soin aux malades, occupait une place importante[13].

Au XVe siĂšcle, l’activitĂ© chorale prit dans le clos de la Vigne une place de plus en plus considĂ©rable, par suite du recrutement croissant de bĂ©guines dans les milieux aisĂ©s. DorĂ©navant, la liturgie allait occuper une place centrale dans la spiritualitĂ© du bĂ©guinage de Bruges, et la vie tout entiĂšre Ă©tait Ă  prĂ©sent suspendue au saint office, l’Office romain. Cependant, cette Ă©volution Ă©tait de nature Ă  bouleverser le style de vie des bĂ©guines, une distinction s’étant en effet instaurĂ©e entre bĂ©guines choristes et bĂ©guines auxiliaires. Les choristes se faisaient nommer « mademoiselle », la grande-maĂźtresse « grande-dame » ou « grande-mademoiselle ». Les bĂ©guines tendirent ainsi Ă  s’écarter de plus en plus d’une vie quasi-monastique pour dĂ©river lentement mais sĂ»rement vers les usages propres aux chanoinesses sĂ©culiĂšres. Progressivement, les convents et la vie en collectivitĂ© disparurent presque totalement. Les demoiselles vivaient pour la plupart seules et disposaient d’un haut degrĂ© d’indĂ©pendance ; elles pouvaient aller et venir Ă  leur grĂ© et ne devaient ĂȘtre prĂ©sentes que pour les rĂ©unions du chapitre et pour les offices — en somme, la mĂȘme libertĂ© de mouvement que les prĂȘtres sĂ©culiers[13].

Dépérissement de la spiritualité béguinale

Procession du sacrement dans le bĂ©guinage de Bruges, peinture naĂŻve (vers 1880, conservĂ©e dans le musĂ©e du bĂ©guinage). Remarquer au centre gauche la maison nĂ©o-classique (Ă  façade bleue) que Hoornaert et ViĂ©rin firent dĂ©molir en 1928. Remarquer Ă©galement, contre le bord gauche de l’image, que l’étroit pan de mur par lequel l’infirmerie donne sur l’enclos central comportait alors une fenĂȘtre.

Au XIXe siĂšcle, les autoritĂ©s ecclĂ©siastiques se dĂ©solaient de voir dĂ©pĂ©rir le bĂ©guinage de Bruges, redoutant que la fin des bĂ©guines ne signifiĂąt que l’enclos, y compris l’église, fĂ»t affectĂ© Ă  des destinations profanes, et il ne manquait d’ailleurs pas d’idĂ©es et de projets en ce sens (transformation en un quartier ouvrier, en une citĂ© pour gendarmes Ă  la retraite, en hospice pour infirmiĂšres etc.)[105]. Le dernier curĂ© (« recteur ») du bĂ©guinage de Bruges, Rodolphe Hoornaert, fut l’artisan, dans les dĂ©cennies 1920 et 1930, d’un renouveau spirituel et matĂ©riel du bĂ©guinage brugeois. Neveu d’Hector Hoornaert, avant-dernier curĂ© de la Vigne, nommĂ© Ă  ce poste en 1900, Rodolphe subit l’influence de son oncle. Celui-ci voua ses derniĂšres annĂ©es Ă  la rĂ©daction d’écrits mystiques et ascĂ©tiques. En 1921 parut son maĂźtre-livre, Ce que c’est qu’un bĂ©guinage, oĂč il se rĂ©vĂ©la comme un prĂȘtre ultramontain et antimoderne, dans la droite ligne de GĂ©nie du christianisme de Chateaubriand. Il agit vigoureusement contre les acquis de la RĂ©volution française et contre les principes matĂ©rialistes du socialisme, qui selon lui conduisaient Ă  la dĂ©cadence morale et intellectuelle et Ă  la confusion sociale[27] - [106]. Hector Hoornaert voulut appliquer au bĂ©guinage de Bruges, alors Ă  l’agonie, les principes qu’il professait dans son ouvrage, et espĂ©rait pouvoir le faire revivre en lui rendant sa prospĂ©ritĂ© matĂ©rielle. Il lui paraissait significatif qu’en dĂ©pit de la RĂ©forme et de la RĂ©volution française les bĂ©guinages avaient persistĂ© dans leur existence, ce qui prouvait leur force vitale et leur nĂ©cessitĂ© sociale. Le renouveau chrĂ©tien dont Hoornaert escomptait qu’il adviendrait Ă  son Ă©poque allait selon lui donner un regain de vie aux bĂ©guinages. Au lendemain de la PremiĂšre Guerre mondiale, il ira jusqu’à voir une analogie entre les premiĂšres bĂ©guines (rĂ©sultat de l’excĂ©dent de femmes Ă  la suite des croisades) et les bĂ©guines modernes ; beaucoup de filles restĂ©es seules aprĂšs la guerre pourraient ĂȘtre recueillies dans les nouveaux bĂ©guinages[107]. Son neveu Rodolphe Hoornaert, dĂ©signĂ© curĂ© du bĂ©guinage de Bruges en 1922, crut Ă©galement, dans les premiĂšres annĂ©es de son sacerdoce dans la Vigne, Ă  une renaissance possible de la vie bĂ©guinale, mais s’aperçut aprĂšs trois ans que pour sauver le bĂ©guinage en tant que communautĂ© religieuse, une autre formule serait nĂ©cessaire[108].

Rodolphe Hoornaert, qui avait une connaissance approfondie du mysticisme flamand et espagnol (il avait soutenu une thĂšse de doctorat sur sainte ThĂ©rĂšse d’Avila), laissa une abondante production Ă©crite, presque entiĂšrement en rapport avec l’ascĂ©tisme et le mysticisme[109]. Estimant que la valeur artistique et historique du bĂ©guinage et sa signification religieuse Ă©taient indissociables, il s’opposa immĂ©diatement aux projets de rĂ©affectation du site envisagĂ©s par la municipalitĂ©. Il Ă©tait convaincu qu’une rĂ©forme vigoureuse de l’institution Ă©tait nĂ©cessaire pour Ă©viter que le complexe de bĂątiments ne fĂ»t soustrait Ă  la tutelle de l’Église et fut en cela soutenu par son Ă©vĂȘque. Il comprit que la vie de bĂ©guine Ă  l’ancienne ne prĂ©sentait plus guĂšre d’attrait pour ses contemporains, et qu’il Ă©tait impĂ©ratif de songer Ă  une autre forme de vie religieuse. Il prit finalement le parti, aprĂšs bien des hĂ©sitations, de fonder un nouveau couvent. Les archives de Rodolphe Hoornaert indiquent que celui-ci crut au dĂ©but Ă  une rĂ©surgence de l’ancien bĂ©guinisme, tĂ©moin le fait qu’il avait imaginĂ© d’organiser un congrĂšs oĂč les supĂ©rieures des bĂ©guinages subsistants se rencontreraient pour dĂ©battre sur les moyens de susciter de nouvelles vocations et, s’il y a lieu, sur une modernisation des statuts bĂ©guinaux ; les dominicains, les patrons des bĂ©guines, eussent aussi Ă©tĂ© conviĂ©s Ă  ce congrĂšs. Afin d’obtenir des appuis Ă  son projet de rĂ©forme, il avait rĂ©digĂ© des livres en ce sens, dont une brochure intitulĂ©e Het Brugsch begijnhof (1926), dans laquelle il appela les curĂ©s de paroisse Ă  favoriser des vocations pour le bĂ©guinage, et prononcĂ© une sĂ©rie de confĂ©rences. En particulier, dans sa confĂ©rence Question fĂ©minine et BĂ©guinage, il s’était encore obstinĂ© Ă  dĂ©fendre le bĂ©guinat ancienne maniĂšre : « cette idĂ©e reste extrĂȘmement souple et se laisse excellemment adapter Ă  la vie moderne », y avait-il dĂ©clarĂ© ; le dĂ©clin du bĂ©guinage de Bruges, pensait-il alors, n’était pas imputable Ă  une rĂšgle de vie surannĂ©e, mais aux Ă©vĂ©nements et situations consĂ©cutifs Ă  la RĂ©volution française[110].

Abandon de l’idĂ©e de bĂ©guinage

Portrait de Rodolphe Hoornaert par José Storie.

Cependant, la vision de Rodolphe Hoornaert finit par changer, et il jugea en définitive que le formule conventuelle serait la solution la plus propice à un renouveau matériel et spirituel de la Vigne. Il nota :

« Je n’ai jamais mĂ©sestimĂ© la douce vie feutrĂ©e des derniĂšres survivantes d’une tradition illustre, mais passĂ©e depuis longtemps. Je ne l’ai plus trouvĂ©e qu’équivoque. Car cette dĂ©nomination (bĂ©guine) est ambiguĂ« : elle reprĂ©sente une tradition spirituelle prodigieuse et est en mĂȘme temps synonyme de vertueuse mĂ©diocritĂ©[111]. »

Rodolphe Hoornaert avait à l’esprit un programme clair :

« ici doit renaĂźtre un centre de vie spirituelle intense dans la belle tradition mystique du XIVe siĂšcle flamand. [
] Et au dĂ©part de ce centre, des apĂŽtres ardents devront partir qui annonceront dans le monde la connaissance et l’amour de la priĂšre liturgique, qui se voueront dans les paroisses Ă  la beautĂ© du culte comme moyen d’action sur les Ăąmes, et qui dans cette tĂąche difficile seront finalement au service de ceux qui, de par leur office, ont Ă  porter la responsabilitĂ©[112] »

Hoornaert voulut donc restaurer dans la Vigne l’esprit mystique originel du XIVe siĂšcle. Il se proposait de rĂ©unir un groupe de femmes autour des trois grands courants qui dĂ©terminaient la vie religieuse catholique de l’entre-deux-guerres : la contemplation, la liturgie et l’apostolat. L’orientation contemplative dĂ©coule de la rĂšgle des dĂ©buts du bĂ©guinisme, telle que fixĂ©e dans la charte fondatrice ; il s’agissait de faire du bĂ©guinage un « centre ardent de vie contemplative ». Quant Ă  l’orientation liturgique, elle allait devenir un trait spĂ©cifique du bĂ©guinage de Bruges. Depuis le XVIIe siĂšcle, l’office choral avait Ă©tĂ© le fait central Ă  la Vigne, ce que Hoornaert entendait faire revivre. Enfin, la communautĂ© Ă  fonder devait se vouer Ă  l’apostolat. Quoique celui-ci ne fĂ»t que peu pratiquĂ© au bĂ©guinage de Bruges dans les siĂšcles passĂ©s, Hoornaert souhaitait intĂ©grer le bĂ©guinage dans le mouvement missionnaire qui caractĂ©risait l’Église catholique d’alors ; toutefois, le bĂ©guinage aurait Ă  exercer un « apostolat caractĂ©ristique », que Hoornaert envisageait comme un « apostolat de la paix ». Pour la nouvelle communautĂ© qu’il avait en vue, il opta pour l’« apostolat liturgique », ce qui lui permettrait Ă  la fois de renouer avec la rĂšgle de vie contemplative et liturgique des anciennes bĂ©guines et de s’arrimer au Mouvement liturgique de sa propre Ă©poque moderne[113].

Les filles de saint BenoĂźt

Sans doute cela [=l’oraison contemplative] peut se faire Ă©galement derriĂšre la grille d’un Carmel ou d’un couvent de Clarisses ; mais toutes les Ăąmes que le monde dĂ©goĂ»te n’ont pas toujours les dispositions physiques, moins souvent encore les dispositions morales qui permettent de s’acclimater dans ces ordres sĂ©vĂšres. Elles trouveront ici [=dans le bĂ©guinage de Bruges] la mĂȘme dĂ©votion, le mĂȘme recueillement, presque les mĂȘmes facilitĂ©s pour s’isoler du monde et vivre une vie d’union « seule avec le Seul » selon la formule carmĂ©litaine, puisqu’à plus d’un Ă©gard la vie bĂ©guinale peut ĂȘtre assimilĂ©e Ă  la vie des chartreux. Cet habituel Ă©tat de priĂšre dont parle Mgr de SĂ©gur, cet Ă©tat d’attention Ă  la prĂ©sence de Dieu, de vigilance et de paix est Ă©minemment entretenu par l’atmosphĂšre quiĂšte et dĂ©pouillĂ©e de bruit de notre Enclos pacifique, et il serait vain de penser qu’il est au monde un endroit plus propice aux trois moyens que S. Alphonse exige pour obtenir l’état de perpĂ©tuelle oraison : Ă  savoir, le silence, la solitude et la prĂ©sence de Dieu.

Rodolphe Hoornaert (1924)[114]

En 1924, Rodolphe Hoornaert rĂ©digea, Ă  l’intention de la future communautĂ© bĂ©guinale, la dĂ©nommĂ©e notice abrĂ©gĂ©e, version remaniĂ©e et modernisĂ©e de l’ancienne rĂšgle de vie. Cette nouvelle communautĂ© serait destinĂ©e Ă  se vouer Ă  la priĂšre, Ă  la mĂ©ditation et Ă  l’apostolat, soit un schĂ©ma de vie plus strict, appuyĂ© sur le grand office : priĂšre chorale, alternant avec la mĂ©ditation personnelle et le travail. La notice Ă©tait assez proche de l’esprit et du mode de vie des bĂ©guines du XVIe siĂšcle, cependant avec une place plus grande, quoique limitĂ©e encore, accordĂ©e Ă  l’apostolat. Les nouvelles professes que Hoornaert avait Ă  l’esprit Ă©taient des femmes qui se sentaient attirĂ©es par la vie conventuelle, mais ne se sentaient pas de taille Ă  se soumettre au rĂ©gime austĂšre du Carmel ou des Clarisses. Elles devaient trouver au bĂ©guinage un milieu adaptĂ© Ă  la pratique de la priĂšre, de l’étude et de l’ascĂšse. Le rĂ©gime aristocratique, avec sa distinction entre religieuses choristes et auxiliaires, serait maintenu. Ces deux groupes devaient faire vƓu de chastetĂ© et d’obĂ©dience, mais, Ă  l’instar des anciennes bĂ©guines, le vƓu de pauvretĂ© ne leur serait pas prescrit[115].

Rodolphe Hoornaert commença ensuite une campagne visant Ă  remettre le bĂ©guinage au centre de l’intĂ©rĂȘt public, dans le but d’attirer des candidates professes et de lever des fonds nĂ©cessaires Ă  la restauration de l’enclos. En aoĂ»t 1925, il organisa Ă  cet effet les JournĂ©es historiques, impressionnante Ă©vocation fictive de la fondation du bĂ©guinage en 1245 ; en mĂȘme temps fut cĂ©lĂ©brĂ©e la pĂ©rennitĂ© des bĂ©guines, prĂ©sentes pendant 700 ans sur le site de la Vigne. S’adressant aux couches nanties, donc susceptibles de faire des dons au bĂ©guinage, la brochure dĂ©taillĂ©e qui accompagnait les festivitĂ©s Ă©tait rĂ©digĂ©e en français seulement. BientĂŽt tout ce qui avait un nom Ă  Bruges s’était dĂ©clarĂ© prĂȘt Ă  soutenir le projet[116].

Il n’en manquait pas cependant pour critiquer le projet, notamment le prĂȘtre flamingant Michiel English, qui se dit perplexe de voir « l’invĂ©tĂ©rĂ©e aristocratie francophone de Bruges Ɠuvrer en faveur d’une institution flamande dĂ©mocratique par excellence » et attribua le dĂ©clin du bĂ©guinage Ă  son rĂ©gime aristocratique, qui l’avait fait dĂ©vier de son but originel et dĂ©laisser les vertus de travail, pauvretĂ© et fraternitĂ©, conditions indispensables Ă  la floraison des communautĂ©s monastiques, la richesse, l’esprit de caste, et la recherche du confort Ă©tant au contraire les symptĂŽmes du dĂ©clin proche[117].

Affiche annonçant les festivités du 7e centenaire du béguinage, opération promotionnelle conçue par Hoornaert en 1925.

En vue de recruter de nouvelles bĂ©guines, Hoornaert prononça des dizaines de confĂ©rences, toutes structurĂ©es en trois parties : histoire des bĂ©guines et de la Vigne ; Ă©vocation poĂ©tique de l’enclos et dĂ©monstration de sa valeur artistique et architecturale ; et signification religieuse actuelle de la vie bĂ©guinale. Ces efforts eurent un certain rĂ©sultat : 20 ans aprĂšs l’adhĂ©sion de la derniĂšre bĂ©guine, Hoornaert sut rassembler autour de lui un groupe de quatre femmes, qui prirent leurs quartiers dans la maison vacante no 3, dans des conditions de logement plutĂŽt primitives. Avec ces femmes, et les anciennes bĂ©guines, Hoornaert tenta de rĂ©organiser la vie dans le bĂ©guinage, ainsi que l’activitĂ© liturgique. D’autres postulantes arrivĂšrent en 1925, et en mai 1926, l’office de la Sainte-Vierge fut Ă  nouveau rĂ©citĂ© dans le chƓur de l’église[118].

Hoornaert se rendit compte bientĂŽt que cela ne suffisait pas. Devenu entre-temps oblat de saint BenoĂźt, et participant Ă  ce titre aux retraites dans l’abbaye Saint-AndrĂ©, un peu au sud de Bruges, il lui fut donnĂ© de rencontrer Gaspar Lefebvre, qui venait de fonder un groupe de filles de Saint-BenoĂźt dans la ville française de NĂźmes, lesquelles, se disposant Ă  se consacrer Ă  l’apostolat, Ă©taient en quĂȘte d’un logis oĂč recevoir leur premiĂšre formation. Il faut rappeler que dans le dernier quart du XIXe siĂšcle, les couvents de bĂ©nĂ©dictins avaient connu un regain de vitalitĂ©, dans le sillage du renouveau catholique gĂ©nĂ©ral. En 1872 fut fondĂ©e l’abbaye de Maredsous, suivie de celle du Mont-CĂ©sar (Keizersberg) Ă  Louvain en 1899, puis la mĂȘme annĂ©e l’abbaye Saint-AndrĂ© Ă  Bruges. L’ordre dĂ©pĂȘchait des missionnaires au BrĂ©sil et fondait des monastĂšres au Congo, en Inde et en Chine. Dom Gaspar stimula l’apostolat liturgique et publia son cĂ©lĂšbre missel, traduit en huit langues. Les abbĂ©s Prosper GuĂ©ranger et Placide Wolter avaient la conviction que les femmes, affranchies des obligations pastorales, pouvaient mener plus facilement que les moines eux-mĂȘmes une vĂ©ritable vie bĂ©nĂ©dictine. Le noyau central de la spiritualitĂ© bĂ©nĂ©dictine Ă©tait double : « ora et labora » (prie et travaille). La priĂšre Ă©tait la premiĂšre prĂ©occupation tant des sƓurs missionnaires que de leurs consƓurs de rĂ©clusion, d’oĂč le rĂŽle de premier plan jouĂ© par l’Office. Mais les bĂ©nĂ©dictines dĂ©ployaient aussi une activitĂ© sur nombre d’autres terrains. Si en effet la rĂšgle de saint BenoĂźt prescrit le travail, elle reste fort souple quant Ă  la maniĂšre de donner corps Ă  ce prĂ©cepte[119].

La fondation des Filles de saint BenoĂźt en 1926 se situait dans la droite ligne de ce large Ă©ventail d’activitĂ©s proposĂ©es. Dom Gaspar Lefebvre avait l’intention de les former Ă  devenir des auxiliaires de la spiritualitĂ© paroissiale, d’abord dans le diocĂšse de NĂźmes. Pur produit des idĂ©es qui avaient cours dans l’abbaye Saint-AndrĂ©, les Filles de saint BenoĂźt menaient une vie contemplative, mais Ă©taient aussi investies d’une mission pastorale et missionnaire, plus prĂ©cisĂ©ment l’apostolat liturgique. Elles n’étaient pas cependant de vĂ©ritables moniales, n’ayant pas fait de vƓux solennels et ne vivant pas dans un reclus. Dom Lefebvre voulait les constituer en deux branches, les membres internes, qui devaient mener la vie d’un couvent bĂ©nĂ©dictin, lire le brĂ©viaire et accomplir un travail spirituel, et des sƓurs ordinaires, qui rĂ©citeraient le rosaire et effectueraient un travail manuel domestique, en plus des oblates, qui resteraient chez elles et seraient mises Ă  contribution pour le travail pastoral dans les paroisses. L’apostolat liturgique se manifesterait concrĂštement par l’organisation de cours de musique et de chant, la mise sur pied de cercles de couture et d’ateliers d’art ecclĂ©siastique, l’enseignement des formules de priĂšre etc[120].

Les Filles de l’Église

Réunion en 1926 des béguines de Bruges et des Filles de saint Benoßt de Nßmes, rassemblées autour de trois prélats (Don Gaspar Lefebvre à gauche, Rodolphe Hoornaert à droite, et un prélat britannique au centre) devant la demeure de la grande-maßtresse (maison no 30), en vue de la création d'un nouveau couvent de bénédictines sur le site du béguinage.

Dom Gaspar Lefebvre recherchait pour sa communautĂ© une maison oĂč les femmes pourraient recevoir leur premiĂšre formation et qui pĂ»t servir de base d’opĂ©rations pour leur apostolat. Rodolphe Hoornaert, comme oblat de saint BenoĂźt, flairant une chance unique, et au courant de ce que Gaspar Lefebvre risquait de devoir fermer son centre nĂźmois en raison de difficultĂ©s financiĂšres, songea aussitĂŽt au clos de la Vigne et dĂ©cida en octobre 1926 de se rendre Ă  NĂźmes pour y observer de prĂšs le fonctionnement des Filles de saint BenoĂźt. Il fut bientĂŽt rĂ©solu de faire fusionner cette communautĂ© avec la sienne propre, et avec l’assentiment de l’évĂȘque de Bruges, la fusion devint rĂ©alitĂ© Ă  l’étĂ© 1927. En juin, le groupe de NĂźmes arriva Ă  Bruges, tandis que dans le mĂȘme temps Hoornaert admettait sept nouvelles recrues. Quatre Filles de saint BenoĂźt encore, Ă©tablies en dehors de NĂźmes, vinrent renforcer le groupe, fort Ă  prĂ©sent de seize sƓurs. La grande-maĂźtresse du bĂ©guinage et les bĂ©guines restantes prirent le scapulaire monastique, devenant ainsi des religieuses conventuelles. La coiffe blanche et l’habit des bĂ©guines furent cependant maintenus, pour signaler leur rattachement Ă  une tradition sĂ©culaire[121].

Les religieuses approuvĂšrent Ă  l’unanimitĂ© la proposition de Hoornaert d’appeler la nouvelle communautĂ© Filles de l’Église (en nĂ©erlandais Dochters van de Kerk). Elles chanteraient dans le chƓur non l’office monastique, mais le Grand Office romain, qui fut rĂ©instaurĂ© intĂ©gralement en septembre 1928, et vivraient pour le reste comme des bĂ©nĂ©dictines. Le mode de vie de la nouvelle communautĂ© serait en grande partie calquĂ©e sur celle des Filles de saint BenoĂźt : une partie des religieuses demeureraient dans le couvent pour y mener une vie contemplative ; l’autre partie s’adonnerait Ă  l’apostolat liturgique dans les paroisses, et se constituerait, aprĂšs sa formation Ă  la Vigne, en petits groupes Ă©pars[29].

À sa fondation, les filles de l’Église reçurent, sur recommandation de l’évĂȘque Waffelaert, le statut d’association pieuse, statut moins sĂ©vĂšre que celui d’une congrĂ©gation religieuse de plein droit. Selon ce statut, les membres ne devaient prononcer, lors de la profession (Ă  l’issue de six mois de postulat et une annĂ©e de noviciat), que deux vƓux : obĂ©issance et chastetĂ©, vƓux de surcroĂźt ordinaires, et non solennels. Quant au troisiĂšme vƓu, la pauvretĂ©, il n’était pas impĂ©ratif ; les sƓurs en contrepartie promettaient de vivre sobrement Ă  tous Ă©gards, mais elles pouvaient continuer Ă  disposer de leurs biens. Trois formules Ă©taient prĂ©vues : le droit de disposer de tous ses biens, moyennant observance de tous les prĂ©ceptes en matiĂšre de la vertu d’indigence ; vivre de son propre travail, notamment l’artisanat d'art, la dentelle, cours privĂ©s ; cession d’un trousseau suffisamment consĂ©quent pour financer l’entretien au bĂ©guinage ou acquitter une contribution annuelle. Les femmes pouvaient ainsi, le cas Ă©chĂ©ant, quitter le groupe plus facilement aprĂšs une pĂ©riode d’essai. Ces statuts, basĂ©s sur la Notice abrĂ©gĂ©e de Hoornaert de 1924, comprenant des Ă©lĂ©ments puisĂ©s tant dans la rĂšgle bĂ©nĂ©dictine (priĂšre, travail, humilitĂ©) que dans l’ancien rĂ©gime bĂ©guinal (y compris la distinction aristocratique entre choristes et auxiliaires), furent approuvĂ©s par l’évĂȘque en mars 1928[122].

Le maintien du distinguo aristocratique, qui du reste existait aussi dans d’autres couvents, fut dĂ©fendu par Hoornaert pour trois raisons. D’abord, il s’agissait d’une donnĂ©e historique dans le clos de la Vigne ; ensuite, la situation sociologique de l’époque, oĂč la scolaritĂ© obligatoire venait seulement d’ĂȘtre instaurĂ©e, faisait que beaucoup de jeunes femmes n’avait que peu d’instruction, alors que la connaissance du latin Ă©tait indispensable Ă  la pratique si essentielle de la priĂšre chorale ; enfin, une raison pratique tenant Ă  la longueur des offices, rendant nĂ©cessaire le travail des aidantes, des petites sƓurs (Hoornaert ne souhaitant pas faire appel Ă  des aidants laĂŻcs). Les petites sƓurs, dont le statut ne sera dĂ©finitivement fixĂ© qu’en 1934, n’avaient pas voix au chapitre et se voyaient assigner une place sĂ©parĂ©e dans le chƓur. Leur vĂȘture Ă©tait plus simple et elles rĂ©pĂ©taient leurs vƓux annuellement au lieu de prononcer des vƓux perpĂ©tuels. AprĂšs la guerre cependant, les deux catĂ©gories de religieuses n’en formeront plus qu’une[123].

L’autoritĂ© Ă©manait de l’évĂȘque de Bruges, et son reprĂ©sentant, Rodolphe Hoornaert, fut nommĂ© recteur (curĂ©) de la petite paroisse bĂ©guinale. À la tĂȘte du groupe de religieuses se trouvait la prieure, qui garda dans un premier temps son titre de grande-demoiselle ; Ă  ses cĂŽtĂ©s se tenaient une vice-supĂ©rieure et quatre dames conseillĂšres, ainsi qu’un chapitre conventuel[124].

Deux ans aprĂšs la fondation, le couvent comptait 26 sƓurs, la pauvretĂ© Ă©tait rĂ©ellement observĂ©e dans la pratique, et il y rĂ©gnait un rĂ©gime religieux et communautaire strict. C’est pourquoi Henricus Lamiroy, successeur de Waffelaert, introduisit Ă  Rome une demande d’institution canonique, demande qui ne sera toutefois agrĂ©Ă©e que onze ans plus tard[123].

Mode de vie et tensions au sein de la communauté

Les filles de saint BenoĂźt, en tant que membres de la communautĂ© bĂ©nĂ©dictine, s’étaient destinĂ©es Ă  l’apostolat liturgique, et considĂ©raient donc leur sĂ©jour Ă  la Vigne comme temporaire, le temps de suivre une formation, avant d’essaimer vers les paroisses, sous rĂ©serve de revenir de temps Ă  autre au bĂ©guinage de Bruges en vue d’une formation, d’une retraite etc. Rodolphe Hoornaert cependant mettait avant tout l’accent sur une vie monastique stable, centrĂ©e sur l’oraison vocale dans l’église sous la forme du brĂ©viaire romain quotidien dans le chƓur. Non moins important Ă©tait Ă  ses yeux la priĂšre mentale intĂ©rieure, sous-tendue par une vie de contemplation silencieuse et d’abnĂ©gation ; l’apostolat liturgique, qui devait viser Ă  instiller un esprit liturgique chez les croyants, devait ĂȘtre un produit dĂ©rivĂ© ultĂ©rieur de ces attitudes fondamentales[125]. « Le premier but est l’ĂȘtre religieux, ce n’est qu’aprĂšs que l’on pourra faire toutes sortes de travaux », dĂ©clara-t-il[126]. Il y reviendra en 1947 encore : « Il reste beaucoup Ă  faire ; nous ne sommes pas encore suffisamment forts. Nous devons d’abord nous tenir plus fortement encore, avoir une base solide. Quelque jour, nous essaimerons, mais il faut d’abord que de nouvelles recrues nous viennent »[127]. Certes, quelques annĂ©es aprĂšs la fondation, Hoornaert crĂ©a un autre groupe, les addicten van de Wijngaard, oblates qui jouissaient d’une plus grande latitude, avaient le loisir de donner un coup de main dans les paroisses et pouvaient mĂȘme vivre dans le siĂšcle. Les filles de NĂźmes cependant, frustrĂ©es de ne pouvoir faire de l’apostolat, quittĂšrent le bĂ©guinage une Ă  une ; des onze NĂźmoises, seules deux resteront comme religieuses Ă  Bruges[125]. On peut remarquer que, dans les premiers temps, une ambivalence, ou dichotomie, semblable caractĂ©risait le mouvement bĂ©guinal lui-mĂȘme (avant qu’il ne fĂ»t subordonnĂ© Ă  une rĂšgle fixe et avalisĂ©e par l’Église), les bĂ©guines primitives en effet dĂ©sirant Ă  la fois dĂ©velopper une spiritualitĂ© propre et dĂ©tachĂ©e, Ă  forte propension de mysticisme, et garder nĂ©anmoins le contact avec la sociĂ©tĂ© environnante, sous la forme de l’apostolat, compris comme une vie associant indigence, priĂšre, travail, existence itinĂ©rante, chastetĂ©, connaissance des Écritures et efforts de conversion des pĂ©cheurs, Ă  l’image de François d’Assise et des apĂŽtres[128].

Dans le clos de la Vigne, l’on vivait comme dans une abbaye de bĂ©nĂ©dictins : grand office, messe conventuelle, trois demi-heures de mĂ©ditation axĂ©es sur la dĂ©votion Ă  la sainte TrinitĂ©. Les Filles de l’Église mettaient leur vie intĂ©rieure au diapason du cycle de priĂšres officiel de l’Église. Grand cas Ă©tait fait de la priĂšre chorale, pour laquelle il Ă©tait fait appel au brĂ©viaire romain. Tous les matins Ă  sept heures moins le quart, la communautĂ© cĂ©lĂ©brait l’eucharistie[129]. La messe et la priĂšre chorale occupaient toujours une place centrale dans la spiritualitĂ© de la Vigne. Le recteur Hoornaert Ă©tait sur ce point un perfectionniste, exigeant des sƓurs ponctualitĂ© et excellence. Non moins importantes Ă©taient la mĂ©ditation personnelle et l’oraison contemplative, et Ă  trois occasions chaque jour (le matin avant la messe, midi et soir) une demi-heure lui Ă©tait consacrĂ©e. Ce type de mĂ©ditation en rĂ©alitĂ© renouait avec l’école mystique flamande du XIVe siĂšcle et, par lĂ , avec les racines du bĂ©guinisme, Ă  savoir Ruusbroeck, Gerlach Peters (1378-1411) et plus particuliĂšrement l’Imitation de JĂ©sus-Christ de Thomas a Kempis. Les trois temps de l’oraison silencieuse sont consacrĂ©s respectivement au PĂšre (matin), au Fils (midi) et au saint Esprit (soir). La priĂšre et la liturgie enfin Ă©taient alimentĂ©es par des lectures spirituelles et par des retraites. Chaque mois, les sƓurs assistaient Ă  une confĂ©rence donnĂ©e par le recteur, un autre prĂȘtre ou un moine bĂ©nĂ©dictin. La prieure donnait elle aussi chaque semaine une allocution lors des habituelles sĂ©ances de rĂ©primande pendant le chapitre. Chaque mois, une journĂ©e de recollection Ă©tait organisĂ©e, et chaque annĂ©e, les sƓurs participaient Ă  une retraite de huit jours, Ă  l’occasion de laquelle elles renouvelaient leurs vƓux[130].

En principe, les sƓurs Ă©taient tenues d’observer le silence durant toute la journĂ©e, sauf pendant les moments de dĂ©tente et lorsque le travail demandait que l’on se concertĂąt. On se rendait en silence Ă  l’église, et les repas se passaient Ă©galement en silence. Le grand silence nocturne commençait Ă  l’angĂ©lus le soir et se prolongeait jusqu’à la messe du matin. Dans la droite ligne du bĂ©guinisme, et en accord avec l’esprit de saint BenoĂźt, qui reconnaissant la valeur de la vie d’ermite, la prieure pouvait, aprĂšs consultation de son conseil et du chapitre, accorder Ă  une religieuse la permission de se retirer dans une vie plus solitaire pour un laps de temps dĂ©terminĂ©. La rĂšgle de la clĂŽture (c’est-Ă -dire l’interdiction d’accĂšs aux non religieuses de certains espaces rĂ©servĂ©s) Ă©tait de rigueur pour les bĂątiments conventuels et tous les bĂątiments de la congrĂ©gation, y compris le monastĂšre et le noviciat. Les sƓurs ne pouvaient quitter l’enclos qu’avec l’autorisation expresse de la prieure, et une autorisation Ă©tait Ă©galement requise pour passer la nuit au dehors. Les sƓurs devaient Ă©viter de quitter le bĂ©guinage aux jours de fĂȘte et les dimanches ou pendant les recollections et les retraites, et s’appliquer en tous cas Ă  ĂȘtre de retour pour les offices. En pratique, et nonobstant ces prĂ©ceptes sĂ©vĂšres, il Ă©tait gĂ©nĂ©ralement permis aux sƓurs de se vouer Ă  d’autres tĂąches, en particulier aux travaux apostoliques. Rodolphe Hoornaert a lui aussi toujours interprĂ©tĂ© ces rĂšgles assez librement. Chaque sƓur se voyait confier une tĂąche dĂ©terminĂ©e, Ă  accomplir entre priĂšre, mĂ©ditation et offices ; chaque annĂ©e, au premier dimanche de l’avent, la prieure rĂ©partissait les tĂąches en concertation avec son conseil[131].

Travaux apostoliques

Une sĂ©rie d’initiatives sur le plan de l’apostolat aboutit Ă  ce qu’il y eut bientĂŽt un apostolat spĂ©cifique aux Filles de l’Église. Selon les mots de Hoornaert, « cet apostolat consiste Ă  faire connaĂźtre partout la beautĂ© et l’utilitĂ© de la priĂšre liturgique, d’en enseigner la formule officielle, surtout dans les paroisses, et de venir en aide aux curĂ©s de paroisse ». L’apostolat pouvait revĂȘtir deux formes : l’apostolat interne (sur le site mĂȘme de la Vigne) et externe (dans les paroisses) ; dans les premiers temps de la communautĂ©, l’accent reposait sur la premiĂšre forme[132]. Parmi ces travaux apostoliques, signalons la confection de vĂȘtements liturgiques. Un cercle de couture missionnaire existait dans le bĂ©guinage de Bruges dĂšs avant la fondation des Filles de l’Église. Une quarantaine de dames et demoiselles brugeoises se rĂ©unissaient rĂ©guliĂšrement Ă  la Vigne, dans la maison au no 11 pour produire des vĂȘtements Ă  l’usage des missions outre-mer, tant Ă  l’intention des ecclĂ©siastiques sur place que de la population indigĂšne. Chaque Ă©tĂ©, une grande exposition Ă©tait organisĂ©e, oĂč une partie des objets fabriquĂ©s Ă©taient offerts Ă  la vente. Ce cercle de couture continuera d’exister jusqu’en 1975[133]. Citons Ă©galement l’Atelier Fra Angelico, qui vit le jour en 1931 et dont la mission Ă©tait de pratiquer les arts plastiques Ă  des fins liturgiques, produisant des affiches, des images pieuses, et des patrons de couture pour vĂȘtements religieux, exĂ©cutĂ©s ensuite par le cercle de couture. L’animatrice de l’atelier, sƓur Marie-AgnĂšs (Antoinette Widerhorn), Ă©tait par ailleurs l’auteur d’ouvrages d’histoire de l’art, Ă©crivait la chronique du couvent, remplissait l’office d’archiviste, et entretenait une correspondance avec Jacques Maritain[134].

Un aspect important de l’apostolat Ă  l’intĂ©rieur du couvent Ă©tait l’acolytat et le lectorat. Le Centre de formation des acolytes vit le jour en 1935. Hoornaert rĂ©cusait le terme d’enfant de chƓur, estimant que la place de l’acolyte est auprĂšs de l’autel, non pas dans le chƓur, et institua un Ăąge minimum de 14 ans pour cette fonction. Cette formation des acolytes eut bientĂŽt un retentissement national et international. AprĂšs une interruption pendant la Seconde Guerre mondiale, une journĂ©e diocĂ©saine des acolytes fut instituĂ©e, qui, en 1952 p. ex., rĂ©ussit Ă  rassembler 580 acolytes et 50 prĂȘtres, avec la pleine collaboration des Filles de l’Église. L’initiative fut encouragĂ©e par le pape Pie XII en 1954, et aboutira en 1966 Ă  la crĂ©ation du Coetus Internationalis Ministrantium (CIM), avec en 1967 des reprĂ©sentants de 13 pays, et prĂ©sidĂ© par Rodolphe Hoornaert, auquel succĂ©dera en 1969 Jean-Marie Maury, Ă©vĂȘque de Reims[135].

Une des premiĂšres initiatives prises par Hoornaert aprĂšs la fondation de son prieurĂ© fut de l’équiper en vue d’accueillir des hĂŽtes. En 1926 fut crĂ©Ă©e un centre de retraites, oĂč l’on pouvait (et oĂč l’on peut encore) observer les activitĂ©s et Ă©tudier la spiritualitĂ© du prieurĂ©, suivre une formation liturgique, s’initier au chant grĂ©gorien, ou passer quelques jours dans l’isolement. Pour diffuser la connaissance de la liturgie, le prieurĂ© lança plusieurs publications, notamment, Ă  partir de 1930, les Cahiers du BĂ©guinage de Bruges, rebaptisĂ© Cahiers de la Vigne de Bruges en 1933, auxquels contribuaient, outre Rodolphe Hoornaert lui-mĂȘme, Gaspar Lefebvre et quelques moines de l’abbaye Saint-AndrĂ©. Les Cahiers de la Vigne, qui toutefois furent bientĂŽt accaparĂ©s et Ă©ditĂ©s par ladite abbaye, paraĂźtront au rythme trimestriel jusque fin 1991. Le prieurĂ© cependant voulut avoir aussi ses propres capacitĂ©s Ă©ditoriales, Ă  l’effet de quoi furent mises sur pied Les Éditions de la Vigne en 1935[133].

Religieuses bénédictines résidantes du MonastÚre.

À signaler encore, dans l’ordre de l’apostolat interne, la fondation en 1929 du Cercle de lecture François de Sales, qui fut ensuite confiĂ© aux soins des Filles de l’Église et qui compta plus de trois centaines de membres en 1935. Dans les annĂ©es 1930, une coordination de ces diffĂ©rentes activitĂ©s apostoliques s’imposant, le Centre d’études et d’action liturgiques (CELA) fut crĂ©Ă©, dont le cƓur Ă©tait le SecrĂ©tariat d’information liturgique, qui informait gratuitement les prĂȘtres, marguilliers, laĂŻcs etc. sur des sujets liĂ©s Ă  la liturgie, en collaboration avec l’Abbaye du Mont-CĂ©sar (Keizersberg) de Louvain. Actuellement, le centre, renommĂ© Centre de documentation et d’action sur la bible, la catĂ©chĂšse, la liturgie et l’Ɠuvre pastorale, puis tout simplement Centre liturgique, est hĂ©bergĂ© au no 4 du bĂ©guinage[136].

Dans le domaine de l’apostolat externe, il convient de souligner le rĂŽle proĂ©minent des sƓurs laĂŻques de la Vigne, dont le groupe fut crĂ©Ă© trois ans aprĂšs la fondation des Filles de l’Église, avec un rĂšglement approuvĂ© en 1930 par l’évĂȘque Waffelaert. Il s’agissait en particulier de jeunes filles qui pour diverses raisons (santĂ© prĂ©caire, obligations familiales et autres
) n’étaient pas aptes Ă  la vie conventuelle, mais dĂ©siraient y participer autant que faire se pouvait. Ces sƓurs laĂŻques Ă©taient destinĂ©es Ă  jouer le rĂŽle de branche apostolique de la Vigne, le trait d’union entre la vie monastique, oĂč l’idĂ©al chrĂ©tien Ă©tait vĂ©cu de la maniĂšre la plus parfaite possible mais oĂč l’on Ă©tait assez Ă©loignĂ© des vĂ©ritables obligations chrĂ©tiennes, et la masse des chrĂ©tiens, souvent trop absorbĂ©s par les prĂ©occupations du quotidien. Il y eut dĂšs le dĂ©part des sƓurs laĂŻques rĂ©guliĂšres (rĂ©sidant de façon permanente au couvent) et les sƓurs laĂŻques sĂ©culiĂšres (continuant Ă  vivre dans leur famille et dans la paroisse, mais s’efforçant de rĂ©aliser dans leur milieu la vie pleine et entiĂšre de leur famille spirituelle). À cĂŽtĂ© de leur travail dans la paroisse, les sƓurs laĂŻques sĂ©culiĂšres Ă©taient tenues d’assister activement Ă  l’eucharistie, de rĂ©citer le brĂ©viaire et de prier et de mĂ©diter pendant au moins une demi-heure quotidiennement, en plus de la retraite annuelle et des trois assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales Ă  l’occasion de l’avent, du carĂȘme et du 8 septembre (fĂȘte de la NativitĂ© de la Vierge Marie). À l’issue d’une pĂ©riode de prĂ©paration, d’une durĂ©e variable, les sƓurs laĂŻques prononçaient des vƓux Ă©quivalant Ă  la profession. Les effectifs des sƓurs laĂŻques s’élevaient Ă  huit en 1935 (dont sept sĂ©culiĂšres), Ă  14 en 1940, et Ă  24 en 1944 (dont 20 sĂ©culiĂšres)[137].

AprĂšs une interruption pendant la guerre, le couvent ne tarda pas Ă  renouer avec l’apostolat externe, dĂ©pĂȘchant des religieuses vers la paroisse de mineurs de houille de Saint-Hubert Ă  LiĂšge (sise au pied du mont Saint-Martin, et oĂč il y eut jadis un bĂ©guinage) et vers d’autres paroisses liĂ©geoises, oĂč elles se rendirent utiles dans la vie paroissiale en dispensant des cours de catĂ©chisme, en travaillant Ă  la bibliothĂšque, en faisant les prĂ©paratifs des cĂ©rĂ©monies liturgiques, en assurant le secrĂ©tariat etc. Une mĂȘme activitĂ© fut dĂ©ployĂ©e dans la paroisse anversoise du Kiel (1955) et Ă  NĂ©chin, Ă  la frontiĂšre française. Sur les instances de l’évĂȘque Stourm d’Amiens, quelques sƓurs se rendirent en 1960 dans la paroisse Saint-Martin de cette ville, oĂč elles accomplirent les tĂąches paroissiales sur le modĂšle brugeois. Cette institution se dĂ©veloppa ensuite en un prieurĂ© situĂ© rue Millevoye qui prit nom de La Vigne Saint-BenoĂźt[138].

Reconnaissance au titre de congrĂ©gation et incorporation dans l’ordre bĂ©nĂ©dictin
Plaque commĂ©morative en l’honneur de Rodolphe Hoornaert dans le portail d’entrĂ©e du bĂ©guinage.

En avril 1948, Rodolphe Hoornaert obtint finalement la reconnaissance par le Vatican des Filles de l’Église au titre de congrĂ©gation de droit diocĂ©sain. En fĂ©vrier 1949, monseigneur Lamiroy procĂ©da, par une cĂ©rĂ©monie solennelle, Ă  la fondation canonique des Filles de l’Église, oĂč les sƓurs renouvelĂšrent leurs vƓux, et oĂč celles qui ne les avaient pas encore prononcĂ©es, le firent Ă  cette occasion, d’aprĂšs une nouvelle formulation comportant la promesse de chastetĂ©, d’obĂ©issance et de pauvretĂ©[139].

Les Filles de l’Église Ă©taient de facto des bĂ©nĂ©dictines, Ă©taient soutenues par l’abbaye Saint-AndrĂ© et vivaient selon la rĂšgle de saint BenoĂźt, et dĂ©siraient aussi ĂȘtre officiellement reconnues comme telles. Les premiĂšres dĂ©marches en ce sens ne furent pas entreprises avant 1953. Une nouvelle loi canonique prĂ©voyait la possibilitĂ© pour des moniales bĂ©nĂ©dictines, assujetties Ă  la juridiction d’un Ă©vĂȘque local, de s’affilier Ă  la ConfĂ©dĂ©ration bĂ©nĂ©dictine, Ă  condition de vivre et de travailler sous l’autoritĂ© d’un abbĂ© ou d’un monastĂšre selon l’esprit bĂ©nĂ©dictin, et d’en adresser une demande au primat. La demande fut introduite, et approuvĂ©e, en aoĂ»t 1962. En septembre 1990 enfin, les constitutions rĂ©novĂ©es des Filles de l’Église. SƓurs paroissiales bĂ©nĂ©dictines seront agrĂ©Ă©es par monseigneur Roger Vangheluwe, Ă©vĂȘque de Bruges[140].

En dĂ©cembre 1968, Rodolphe Hoornaert fut mis Ă  la retraite par l’évĂȘque De Smedt, eu Ă©gard Ă  son grand Ăąge (82 ans), aprĂšs avoir Ă©tĂ© recteur de la Vigne pendant 46 ans. Il put continuer Ă  habiter son logis prĂšs du pont. Son successeur, le chanoine Paul François, vint prendre ses quartiers dans la maison no 9 du bĂ©guinage. Hoornaert mourut l’annĂ©e suivante[141].

L’association De vrienden van de Wijngaard, crĂ©Ă©e en septembre 1983, fait paraĂźtre depuis aoĂ»t 1984 le trimensuel Wijngaardberichten. On y lit entre autres que les sƓurs participent rĂ©guliĂšrement Ă  des semaines d’étude monastique, Ă  des congrĂšs liturgiques, Ă  des rĂ©unions bĂ©nĂ©dictines, diocĂ©saines etc. Le monastĂšre reçoit la visite d’autres abbayes et prieurĂ©s bĂ©nĂ©dictins, mais aussi de personnes cherchant Ă  la Vigne recueillement et ressourcement[142].

Les habitantes du béguinage

Au rebours des Ă©poques antĂ©rieures, Rodolphe Hoornaert voulut Ă©largir la zone de recrutement de ses religieuses, socialement aussi bien que gĂ©ographiquement. En 1927, les Filles de l’Église avaient commencĂ© Ă  seize : onze filles de Saint BenoĂźt, et cinq recrues de Hoornaert lui-mĂȘme. En 1935, le couvent comptait, malgrĂ© la dĂ©fection de la plupart des filles de Saint BenoĂźt, 22 religieuses, et en 1940, trente. Il s’agissait d’un groupe Ă©quilibrĂ©, avec une grande diversitĂ© de talents et d’extraction sociale. Beaucoup de sƓurs venaient de France, consĂ©quence de la fusion avec les filles de Saint BenoĂźt, desquelles finalement ne resteront que deux, dont Marie-GeneviĂšve, la future prieure. Le bĂ©guinage avait aussi quelques habitantes privĂ©es, qui ne vivaient pas dans le couvent lui-mĂȘme, mais dans les maisons de professes autour de la place centrale. N’étant pas conventuelles, ces femmes pieuses ne doivent pas participer aux exercices religieux, mais sont nĂ©anmoins tenues de respecter les heures de fermeture de l’enclos et la consigne de silence[143]. Jusqu’à aujourd'hui (2018), il n'y a pas d’autres habitants dans le bĂ©guinage de Bruges.

Le béguinage de Bruges dans la littérature et sous la plume des écrivains

Georges Rodenbach

En 1892 parut Ă  Paris le roman Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach, rĂ©cit symboliste qui apporta la gloire Ă  son auteur et contribua Ă  la renommĂ©e mondiale de la ville de Bruges. Celle-ci fait figure de personnage Ă  part entiĂšre, de « personnage essentiel, associĂ© aux Ă©tats d’ñme, qui conseille, dissuade, dĂ©termine Ă  agir », ainsi que l’auteur le souligne dans un avertissement Ă  l’orĂ©e de l’ouvrage. Le personnage central, Hugues Viane, veuf depuis cinq ans, et inconsolable, est venu se fixer Ă  Bruges « non pour chercher quelque remĂšde Ă  son mal », mais au contraire « des analogies Ă  son deuil dans de solitaires canaux et d’ecclĂ©siastiques quartiers »[144] - [145]. Viane s’évertue ainsi Ă  tisser une relation mĂ©taphorique et mĂ©tonymique entre la morte et Bruges, cette derniĂšre Ă©tant chargĂ©e, dans sa fonction de ville-miroir, de reprĂ©senter, du moins dans un premier temps, l’image du couple parfait qu’il formait avec son Ă©pouse[146]. La ville sert de support Ă  la prĂ©servation du souvenir de la morte, et l’univers de Viane est de la sorte « entiĂšrement dominĂ© par les ressemblances, analogies, Ă©quations, identitĂ©s, identifications, calques, reflets, conformitĂ©s, parallĂšles » ; l’identification de la morte avec le gisant de Marie de Bourgogne dans l’église Notre-Dame n’est qu’une seule parmi une foule de ces analogies[147]. Ce rĂŽle de support au souvenir sera ensuite assumĂ© par un sosie de la morte, rencontrĂ© fortuitement dans la rue. À cĂŽtĂ© de cette relation mĂ©taphorique et mĂ©tonymique qui unit Bruges Ă  la morte, se superpose le rapport analogique entre l’ñme de Viane et la ville oĂč il a choisi de rĂ©sider pour y vivre son veuvage ; le hĂ©ros est Ă  l’unisson avec son environnement, qui lui sert de caisse de rĂ©sonance[148]. Dans ce tissage analogique et mĂ©taphorique, le bĂ©guinage n’est qu’une piĂšce de l’assemblage parmi un ensemble d’autres, telles que les clochers de Notre-Dame et de la cathĂ©drale, Ă  « l’ombre lourde et impĂ©rieuse », la tour du beffroi, les canaux aux eaux stagnantes, les rues tortueuses, les « quais mortuaires au long desquels l’eau soupire », etc.[149] Pourtant, le bĂ©guinage sera appelĂ© Ă  jouer un rĂŽle de premier plan (peut-ĂȘtre annoncĂ© dĂ©jĂ  par certaines expressions imagĂ©es dans le premier tiers du livre, telles que « fenĂȘtres embĂ©guinĂ©es »[150] et « avec une curiositĂ© de bĂ©guines »[151]) quand, aprĂšs que le hĂ©ros a engagĂ© une liaison avec le sosie de la morte, liaison rĂ©prouvĂ©e et raillĂ©e par les Brugeois, il se heurte dĂ©sormais Ă  la ville en tant qu’« instance coercitive et vindicative »[152] :

« Or la ville a surtout un visage de Croyante. Ce sont des conseils de foi et de renoncement qui Ă©manent d’elle, de ses murs d’hospices et de couvents, de ses frĂ©quentes Ă©glises Ă  genoux dans des rochets de pierre. Elle commença Ă  gouverner Hugues et Ă  imposer son obĂ©dience. Elle devint un personnage, le principal interlocuteur de sa vie, qui impressionne, dissuade, commande, d’aprĂšs lequel on s’oriente et d’oĂč l’on tire ses raisons d’agir[153]. »

Georges Rodenbach dans le béguinage (l'écrivain est, dans le groupe de trois hommes à gauche, celui du milieu).

Cette ville croyante s’incarne au premier chef dans les cloches pĂ©remptoires, « nombreuses et jamais lassĂ©es », mais aussi bientĂŽt dans le bĂ©guinage, sous les espĂšces de la servante Barbe, dont la sƓur Rosalie est une bĂ©guine, et qui est elle-mĂȘme candidate Ă  prendre le voile bĂ©guinal, prĂ©parant, en vue de sa future profession, le nĂ©cessaire trousseau d’entrĂ©e (« Elle y avait plusieurs amies parmi les bĂ©guines, et rĂȘvait, pour ses trĂšs vieux jours, quand elle aurait amassĂ© quelques Ă©conomies, d’y venir elle-mĂȘme prendre le voile et finir sa vie comme tant d'autres — si heureuses ! — qu’elle voyait avec une cornette emmaillotant leur tĂȘte d'ivoire ĂągĂ© »[154]). Or Barbe se voit enjoindre par Rosalie de dĂ©missionner de son emploi de servante Ă  cause de l’inconduite de son maĂźtre. Cette injonction lui est faite pendant le repas Ă  l’issue du saint office auquel elle assiste dans le bĂ©guinage ; c’est Ă  cette occasion que l’enclos de la Vigne est dĂ©crit comme suit par l’auteur (il y a lieu de noter ici que la topographie correspond assez peu Ă  la rĂ©alitĂ©, puisque l’auteur semble Ă©voquer un bĂ©guinage de type urbain, c’est-Ă -dire constituĂ© d’un rĂ©seau de rues, ce que n’est pas le bĂ©guinage de Bruges, qui s’organise autour d’un enclos central, certes pourvu d’un appendice sous la forme de la rue dite De Steert, du reste toute droite ; il n’est donc nullement question dans le bĂ©guinage de Bruges de rues qui « tournent, obliquent et s’enchevĂȘtrent »[155]) :

« C'est pourquoi l’esprit obscur de la vieille servante s’extasiait par avance aux pompes des saints offices, tandis qu’elle franchissait le pont arquĂ© du BĂ©guinage et pĂ©nĂ©trait dans l’enceinte mystique.
DĂ©jĂ , ici, le silence d’une Ă©glise ; mĂȘme le bruit des minces sources du dehors, dĂ©goulinĂ©es dans le lac, arrivant comme une rumeur de bouches qui prient ; et les murs, tout autour, des murs bas qui bornent les couvents, blancs comme des nappes de Sainte Table. Au centre, une herbe Ă©toffĂ©e et compacte, une prairie de Jean Van Evck, oĂč paĂźt un mouton qui a l’air de l’Agneau pascal.
Des rues, portant des noms de saintes ou de bienheureux, tournent, obliquent, s’enchevĂȘtrent, s’allongent, formant un hameau du moyen Ăąge, une petite ville Ă  part dans l’autre ville, plus morte encore. Si vide, si muette, d’un silence si contagieux qu’on y marche doucement, qu’on y parle bas, comme dans un domaine oĂč il y a un malade.
Si par hasard quelque passant approche, et fait du bruit, on a l’impression d’une chose anormale et sacrilĂšge. Seules quelques bĂ©guines peuvent logiquement circuler lĂ , Ă  pas frĂŽlants, dans cette atmosphĂšre Ă©teinte ; car elles ont moins l’air de marcher que de glisser, et ce sont plutĂŽt des cygnes, les sƓurs des cygnes blancs des longs canaux. Quelques-unes, qui s’étaient attardĂ©es, se hĂątaient sous les ormes du terre-plein, quand Barbe se dirigea vers l’église d’oĂč venait dĂ©jĂ  l’écho de l’orgue et de la messe chantĂ©e. Elle entra en mĂȘme temps que les bĂ©guines qui allaient prendre place dans les stalles, en double rang de boiseries sculptĂ©es, s’alignant prĂšs du chƓur. Toutes les coiffes se juxtaposaient, leurs ailes de linge immobilisĂ©es, blanches avec des reflets dĂ©calquĂ©s, rouge et bleu, quand le soleil traversait les vitraux. Barbe regarda de loin, d’un Ɠil d’envie, le groupe agenouillĂ© des SƓurs de la communautĂ©, Ă©pouses de JĂ©sus et servantes de Dieu, avec l’espoir, un jour aussi, d’en faire partie...
Elle avait pris place dans un des bas cĂŽtĂ©s de l’église, parmi quelques fidĂšles laĂŻcs Ă©galement : vieillards, enfants, familles pauvres logĂ©es dans les maisons du BĂ©guinage qui se dĂ©peuple. Barbe, qui ne savait pas lire, Ă©grenait un gros rosaire, priant Ă  pleines lĂšvres, regardant parfois du cĂŽtĂ© de sƓur Rosalie, sa parente, qui occupait la deuxiĂšme place dans les stalles aprĂšs la MĂšre RĂ©vĂ©rende[156]. »

L'une des photographies du béguinage dans la premiÚre édition du roman en 1892.

Le roman parut d’abord en feuilleton dans le Figaro (du 4 au 14 fĂ©vrier 1892, en dix livraisons), avant d’ĂȘtre Ă©ditĂ© en volume par la librairie Marpon & Flammarion quatre mois plus tard[157]. Cette premiĂšre Ă©dition Ă©tait dotĂ©e d’un frontispice de Fernand Khnopff reprĂ©sentant le personnage de Jane Scott (le sosie) Ă©tendue inanimĂ©e, avec en arriĂšre-plan le pont d’entrĂ©e du bĂ©guinage. C’est probablement aussi sur suggestion du mĂȘme Khnopff, fervent adepte de la photographie, que le livre fut illustrĂ© de 35 vues photographiques de la ville de Bruges[158]. Ces vues, qui n’avaient pas Ă©tĂ© faites expressĂ©ment pour le livre, mais tirĂ©es du fonds LĂ©vy et Neurdein et ajoutĂ©es a posteriori, sont sans rapport direct avec le texte et ne sont du reste jamais lĂ©gendĂ©es, mais « font merveille pour Ă©voquer une Bruges spectrale, ville fantĂŽme dĂ©peuplĂ©e ou mĂȘme abandonnĂ©e, qui se mire dans les eaux mortes de ses canaux »[159]. Selon le dĂ©compte de Christian Berg, sur les 35 photos, onze Ă©voquent le beffroi[160] ; quatre d’entre elles reprĂ©sentent le bĂ©guinage, photographiĂ© de diffĂ©rents angles de vue, mais toujours du sud, avec l’objectif orientĂ© au nord, et montrent le pont et le portail d’entrĂ©e, avec ou sans le presbytĂšre ou les maisons bĂ©guinales du cĂŽtĂ© oriental de l’enclos. Nulle vue ne donne Ă  voir l’intĂ©rieur du bĂ©guinage.

Dans le recueil de poésie la Jeunesse blanche de 1886 figure un poÚme portant le titre Béguinage flamand, dont voici les deux premiÚres strophes :

« Au loin, le béguinage avec ses clochers noirs,
Avec son rouge enclos, ses toits d'ardoises bleues
Reflétant tout le ciel comme de grands miroirs,
S'Ă©tend dans la verdure et la paix des banlieues.

Les pignons dentelés étagent leurs gradins
Par oĂč montent le RĂȘve aux lointains qui brunissent,
Et des branches parfois, sur les murs des jardins,
Ont le geste trĂšs doux des prĂȘtres qui bĂ©nissent. »

Rainer Maria Rilke

Le bĂ©guinage de Bruges a aussi Ă©tĂ© chantĂ© par le poĂšte autrichien Rainer Maria Rilke : son recueil Neue Gedichte, de 1907, renferme deux poĂšmes sur Bruges, l’un sur le bĂ©guinage et l’autre sur le quai du Rosaire, tous deux Ă©crits Ă  Paris en juillet 1907, soit environ un an aprĂšs que, sur les conseils notamment d’Auguste Rodin, de Maurice Maeterlinck et d’Émile Verhaeren, il avait visitĂ© Bruges, mais aussi Gand et Furnes[161] - [162]. Le poĂšme sur le bĂ©guinage s’intitule BĂ©guinage Sainte-Élizabeth, BrĂŒgge, dont voici trois des six strophes qui le composent :

Das hohe Tor scheint keine einzuhalten,
die BrĂŒcke geht gleich gerne hin und her,
und doch sind sicher alle in dem alten
offenen Ulmenhof und gehn nicht mehr
aus ihren HĂ€usern, als auf jenem Streifen
zur Kirche hin, um besser zu begreifen
warum in ihnen so viel Liebe war.
[...]

Und gehen dann, verhangen und verhalten,
auf jenem Streifen wieder ĂŒberquer –
die Jungen ruhig, ungewiß die Alten
und eine Greisin, weilend, hinterher –
zu ihren HĂ€usern, die sie schnell verschweigen
und die sich durch die Ulmen hin von Zeit
zu Zeit ein wenig reine Einsamkeit,
in einer kleinen Scheibe schimmernd, zeigen.
[...]

Was aber spiegelt mit den tausend Scheiben
das Kirchenfenster in den Hof hinein,
darin sich Schweigen, Schein und Widerschein
vermischen, trinken, trĂŒben, ĂŒbertreiben,
phantastisch alternd wie ein alter Wein.

Le haut portail n’en semble retenir aucune,
qui sur le pont aime aller autant que venir,
et pourtant toutes sont à coup sûr dans le vieil
enclos-aux-ormes ouvert et ne sortent plus
de leurs maisons que pour aller sur cette sente
vers l’église, afin de mieux comprendre
pourquoi tant d’amour en elles il y avait.
[...]

Et s’en vont alors, enveloppĂ©es et rĂ©servĂ©es
sur cette sente retraversant —
les jeunes posées, mal assurées les vieilles
et une grisonnante à l’arriùre, s’attardant —
vers leurs maisons, qui vitement les couvrent de silence
et qui Ă  travers les ormes de temps Ă  autre
se montrent l’une à l’autre un peu de pure solitude,
dans une petite vitre scintillant.
[...]

Qu’est-ce donc que reflùte de ses mille carreaux
la baie d’église vers l’intĂ©rieur de l’enclos,
dans quoi silence, reflet et miroitement
se mĂȘlent, s’imbibent, troublent, renchĂ©rissent
vieillissant féeriquement comme un vin vieux[163] ?

Christine Busta

La poĂ©tesse autrichienne Christine Busta Ă©tait l’auteur de poĂ©sies mĂ©lodieuses, mĂ©lancoliques et, pour certaines, Ă  portĂ©e religieuse[164]. Dans son recueil Die Scheune der Vögel (littĂ©r. la Grange aux oiseaux), de 1953, figure un poĂšme intitulĂ© In Flandern (littĂ©r. En Flandre), constituĂ© de trois strophes de quatre vers chacun, dont le dernier Ă©voque le bĂ©guinage de Bruges :

DrĂŒben in BrĂŒgge, im Hof der Beginen,
klöppelt Vergessen mit hölzernen Ton,
summen die Glockenstunden wie Bienen
golden auf lautlosen Wassern davon[165].

LĂ -bas Ă  Bruges, dans l’enclos des bĂ©guines,
l’oubli se fait dentelle au son des fuseaux de bois,
et les heures carillonnĂ©es comme des abeilles s’envolent
bourdonnantes au-dessus d’insonores eaux.

Le deux autres strophes du poĂšme chantent la mer du Nord et ses mĂ©tamorphoses ; le recueil comporte un deuxiĂšme poĂšme se rapportant Ă  la Flandre, Flandrischer Sonntag, qui dĂ©crit l’atmosphĂšre matutinale dans quelque lieu de la campagne flamande.

Paul Claudel

Paul Claudel (à droite) conversant avec Rodolphe Hoornaert dans le béguinage de Bruges en 1930.

Paul Claudel se rendit plusieurs fois Ă  Bruges (en 1929, 1930, 1933, 1935 et 1946), oĂč il s’était liĂ© d’amitiĂ© avec Antoinette de Widerhorn (sƓur AgnĂšs pour le bĂ©guinage, qui publia en 1945 un ouvrage sur Claudel sous le titre Claudel et la liturgie), avec le recteur Rodolphe Hoornaert, ainsi qu’avec l’abbĂ© et les frĂšres de l’abbaye Saint-AndrĂ©[166]. À propos du bĂ©guinage de Bruges, Claudel consigna ce qui suit dans son journal :

« 1930. Le bĂ©guinage. Profession d’Antoinette Widerhorn, sƓur AgnĂšs, le 8 septembre.
Procession, les 152 moniales en voile blanc. Offertoire 3 fois Ă  Dieu les bras en croix. Conversation sous les arbres dans le petit jardin monacal avec les moniales.
Impression de paradis.

1933. 15 octobre. Dimanche. Voyage Ă  Bruges pour voir Antoinette Widerhorn au bĂ©guinage. Elle me dĂ©peint cette espĂšce de transfiguration qui s’est faite en elle le jour de ses vƓux perpĂ©tuels quand elle est devenue l’épouse de JĂ©sus-Christ. Elle dĂ©borde de joie et d’enthousiasme[167]. »

Camille Mauclair

L'essayiste François Vermeulen note à propos de Camille Mauclair :

« Mais il est un Ă©crivain français qui aima Bruges comme on aime une femme : elle vous donne le coup de foudre, on s’attache Ă  elle, on la quitte, on lui dit adieu, puis on revient avec un beau cadeau pour se faire pardonner. Le parisien Camille Mauclair a dĂ©couvert Bruges en 1893, il avait vingt-et-un ans et se passionnait pour les poĂštes symbolistes, MallarmĂ©, Laforgue, Maeterlinck, et pour les peintres impressionnistes. Il trouva le long des canaux et dans la fraĂźcheur du bĂ©guinage le climat favorable Ă  l’inspiration. Combien de temps s’imprĂ©gna-t-il de l’atmosphĂšre de Bruges ? Son sĂ©jour fournit la matiĂšre de son volume Au pays des blondes (1907), un recueil de trois nouvelles ; l’hĂ©roĂŻne de la premiĂšre, Minna Van Daele, Ă©tait brugeoise et, comme il se doit, dentelliĂšre et bĂ©guine. [...] Dix ans plus tard, le 8 dĂ©cembre 1937, son amour [pour Bruges] est toujours aussi vivace : je reviens une fois de plus dans votre chĂšre et admirable ville, qui a Ă©tĂ© et reste depuis quarante ans un des grands amours de ma vie ; bien que j’aie vu tant de pays d’Orient, et que j’aie goĂ»tĂ© aux tentations du dĂ©sert, de la mer et du soleil mĂ©diterranĂ©ens, Bruges m’apparaĂźt toujours plus douce et plus parfaite. [...] Son volume le Charme de Bruges, Ă©rudition et poĂ©sies mĂȘlĂ©es, a placĂ© Bruges parmi les citĂ©s oĂč souffle l’esprit[168]. »

Le cÎté nord du béguinage au début des années 1930.

À Mauclair lui-mĂȘme nous devons le passage suivant, tirĂ© de le Charme de Bruges (1938) et intitulĂ© Sortie de l’office du soir :

« L’église qui s’élĂšve au centre de cet hĂ©micycle de maisons candides [= le bĂ©guinage] est bien modeste. Elle est trapue, avec un petit clocheton, faite de briques dont le rouge a tournĂ© au brun, et assez pareille Ă  une carĂšne renversĂ©e. Elle est trĂšs vieille, fondĂ©e au milieu du XIIIe siĂšcle. Pendant les grandes luttes entre les Espagnols catholiques et les Flamands protestants, les Gueux hĂ©roĂŻques et brutaux en firent un grenier Ă  blĂ© et un dĂ©pĂŽt de fourrages. Le feu s’y mit. Alors, en 1605, on reconstruisit, et on rendit Ă  l’édifice son caractĂšre sacrĂ©. Du XIIIe siĂšcle, il ne reste que la petite porte du nord. Sur le maĂźtre-autel, Jacques Van Oost le Vieux a peint une sainte Élisabeth, patronne de l’église, et, dans les bas-cĂŽtĂ©s, un saint Joseph, auprĂšs d’une Visitation, de Louis de Deyker, et d’une Assomption de Boeyermans, Ɠuvres frigides de la dĂ©cadence flamande.
Mais les bĂ©guines aiment leur vieille nef, et il faut les y voir prier, les bras Ă©tendus, agenouillĂ©es sur les dalles dans l’écroulement des plis de leur mantes noires. Parfois, les plus jeunes soutiennent les bras d’une aĂźnĂ©e. Elles sortent lentement, dans leurs vĂȘtements endeuillĂ©s, avec leur coiffe d’un blanc immaculĂ©. Elles longent les pelouses et rentrent, isolĂ©ment ou par groupes, dans leurs maisons.
Celle de la supĂ©rieure, de la « Grande Dame », au fond, Ă  gauche, est plus haute, plus vaste et plus ornĂ©e que les autres. Une petite chapelle de la fin du XVe siĂšcle y est attenante, et on peut visiter, en Ă©tant assurĂ© d’une accueil trĂšs affable, les quelques tableaux et meubles anciens qui dĂ©corent ce logis.
Mais le vrai tableau, et combien exquis ! c’est le bĂ©guinage lui-mĂȘme, Ă  l’heure oĂč l’on voit moins clair, oĂč tout s’argente, oĂč les ombres montent, oĂč les blancs restent blancs tandis que tout se fonce, oĂč un dernier rayon se traĂźne sur l’herbe, oĂč une premiĂšre lumiĂšre frĂ©mit derriĂšre une fenĂȘtre Ă  croisillons.
Quelle magie y a-t-il donc dans ce dĂ©cor ? Il n’est que modestie et simplicitĂ©. Deux Ă©tages, des murs passĂ©s au lait de chaux au-dessus de plinthes brunes, des baies carrĂ©es aux vitres verdĂątres, aux rideaux lisses, des toits de tuiles couleur de gĂ©ranium, et, çà et lĂ , posĂ©s Ă  terre, un seau bleu, un pot de cuivre. Au-dessus des cheminĂ©es, les silhouettes de Saint-Sauveur et du beffroi entrevues parmi les branchages. Et dans ces harmonies de demi-teintes, regardons bouger ces formes noires et blanches qui vont, effarouchĂ©es, se confondre avec l’obscuritĂ© montante, rentrer chez elles, retrouver leur collation frugale, leurs prie-Dieu et leurs lits Ă©troits, et ne rien savoir de ce qui nous oppresse, et dormir sans rĂȘves peut-ĂȘtre, dans le calme total de leur enviable, de leur suave ignorance
[169] »

Anton Van Wilderode

Le prĂȘtre-poĂšte Anton van Wilderode, fort attachĂ© Ă  la culture flamande et engagĂ© Ă  lutter pour sa pĂ©rennitĂ©, publia en 1983, en collaboration avec le photographe paysagiste Jan Decreton, un recueil de poĂ©sies intitulĂ© Daar is maar Ă©Ă©n land dat mijn land kan zijn (littĂ©r. Il n’est qu’un seul pays qui puisse ĂȘtre le mien pays) et illustrĂ© de 115 photographies, dans lequel sont cĂ©lĂ©brĂ©es la Flandre, ses villes et ses campagnes. Le poĂšme suivant, Begijnhof te Brugge, est extrait de cet ouvrage.

Paaszondag voor de hoogste populieren
die Brugge ziet. Muziek beneden boven
van losgewoelde vogels uit de hoven
die ongebondener verloving vieren.

Het gras veerkrachtig voor de voet langdurig
losbandig rond de nardus van narcissen,
het zonlicht tekent in de vensternissen
met wit en zwart de ebbe van de uren.

Een god van licht loopt langs de open deuren
het koper tegemoet boven de schabben,
de spiegels, de pendule en de gladde
geboende vloeren die als peper geuren[170].

Dimanche de PĂąques devant les plus hauts peupliers
que Bruges voit. Musique en bas en haut
d’oiseaux soudain dĂ©pĂȘtrĂ©s surgis des courettes
allant célébrer de plus désinvoltes accordailles.

L’herbe sous le pied rebondissant tenace
échevelée autour du nard des narcisses,
le soleil dessine dans les cadres de fenĂȘtre,
en noir et blanc le jusant des heures.

Un dieu de lumiĂšre court le long des portes ouvertes
au-devant des cuivres sur les Ă©tagĂšres
les miroirs, la pendule et les sols
Ă©tals passĂ©s Ă  l’encaustique fleurant le poivre.

Maurice BarrĂšs

Maurice BarrĂšs prononça en novembre 1891 une confĂ©rence Ă  Bruges devant le cercle d’étudiants Excelsior, sur le thĂšme des Antinomies de la pensĂ©e et de l’action. L’extrait qui suit est tirĂ© d’un rĂ©cit intitulĂ© les Deux Femmes du bourgeois de Bruges qu’il Ă©crivit Ă  l’attention de la revue dudit cercle et qui sera repris plus tard, en 1894, dans le recueil de nouvelles Du sang, de la voluptĂ© et de la mort[171].

« L’autre femme vĂ©cut fort longtemps dans le bĂ©guinage oĂč elle s’était retirĂ©e. J’y suis allĂ© chercher leur mĂ©moire. Rien ne saurait, que la douceur mouillĂ©e de ce mot bĂ©guinage, Ă©voquer ces eaux qui entraĂźnent des algues, ces saules dĂ©chevelĂ©s, ce tiĂšde soleil adoucissant la teinte des briques, le souffle lĂ©ger de la mer, le carillon argentin et la tristesse de cet enclos oĂč elle continua sa pauvre vie qui n’avait jamais Ă©tĂ© qu’une demi-vie. Par-dessus les maisons basses, rien ne pĂ©nĂštre cet endroit, ni les appels de la voluptĂ©, ni les bruits de l’opinion. Mais de l’amour et de la vanitĂ© emplissant le monde, qu’avait-elle jamais su ? Rien ne fleurissait en son Ăąme qui fĂ»t plus compliquĂ© qu’en la cour du bĂ©guinage, carrĂ© irrĂ©gulier tendu d’un tapis vert serrĂ© que coupent d’étroits sentiers et d’oĂč montent, comme des palmes de PĂąques piquĂ©es dans la mousse, de longs peupliers frĂȘles[172]. »

Michel Ciry

Le peintre-graveur, Ă©crivain et compositeur Michel Ciry nota plusieurs fois dans son Journal ses impressions sur Bruges, en rapportant ses conversations avec Jan Vercammen et Maurice CarĂȘme[173].

« 20 avril.
Bruges.
Aller en ville sans aussitĂŽt franchir le porche de son bĂ©guinage Ă©quivaudrait Ă  mes yeux Ă  quelque impudent irrespect, Ă  une trahison, Ă  un impardonnable outrage. Les jonquilles y pointent leur fraĂźche ferveur dans la paix d’un paysage inspirĂ©. J’assiste au dĂ©but d’un office. Les religieuses rĂ©pondent Ă  l’appel de la cloche par un glissement silencieux ; prenant place dans la nef, elles s’abĂźment aussitĂŽt dans l’Amant dont elles sont assurĂ©es de ne jamais ĂȘtre déçues.

30 avril.
Plus de jonquilles au bĂ©guinage, mais le joli bruissement des jeunes pousses dont la minceur n’altĂšre pas encore le dessin des branches. Encore quelques jours et c’en sera fini de cette vibrante transparence. Assis sur l’herbe humide, je rĂȘve de possĂ©der une des humbles maisons qui ceinturent ce lieu bĂ©ni. Il semble que d’y vivre rendrait autre, tant la bĂ©nĂ©fique magie du recueillement sourd de toutes parts et se saisit dĂ©licieusement de vous dĂšs qu’est franchi le porche de cet endroit inspirĂ©. Bruges, malgrĂ© ce qu’on en dit, n’est pas morte ; elle ne fait que dormir d’un trĂšs joli sommeil[174]. »

Armand Lanoux

Le roman le Rendez-vous de Bruges, qu’Armand Lanoux fit paraĂźtre en 1958, prend pour sujet un drame psychiatrique ; un patient de la clinique Mariakerke, qui se trouve entre Bruges et Ostende, se met en danger de mort en ingĂ©rant une surdose de mĂ©dicament aprĂšs qu’il a appris que sa femme le trompe, et succombe quelques jours aprĂšs. Un journaliste français et sa femme se rendent Ă  Bruges, sur l’invitation d’un ami mĂ©decin, pour suivre cet Ă©vĂ©nement. Le bĂ©guinage entre en scĂšne Ă  la fin du rĂ©cit[175] :

« Ils traversĂšrent le pont [proche du Sashuis], suivirent la Wijngaardplaats, la place de la Vigne, un terre-plein dont le gazon verdissait entre les plaques de neige, et atteignirent le pont du bĂ©guinage. Ils reconnurent aussitĂŽt le dĂ©cor cĂ©lĂ©brĂ© par le film et l’affiche, le pont Ă  trois arches, les cygnes familiers dont certains s’étaient rĂ©fugiĂ©s sur la berge, les bĂątiments mĂ©diĂ©vaux, parfaitement Ă©quilibrĂ©s.
[...] Ils y entrĂšrent [dans l’enclos du bĂ©guinage], Ă  reculons dans le passĂ©. Le Begijnhof n’était guĂšre animĂ©, ce matin-lĂ . La Begijnhofkerk pointait sa toiture triangulaire et son tout petit clocheton, si petit qu’on eĂ»t pu le prendre dans le creux de la main. Entre les arbres dĂ©charnĂ©s, les maisons basses s’alignaient sagement, blanches et vertes, vaguement, lointainement bretonnes. Ils firent lentement le tour. Par une fenĂȘtre au verre limpide, penchĂ©e sur son coussin de dentelliĂšre, une petite vieille aux cheveux blancs sous le bonnet noir, les regardait avec la curiositĂ© de toutes les petites vieilles du monde, qui voient passer la vie aprĂšs avoir vĂ©cu la leur[176]. »

Anton Erwich

Moins illustre, et traĂźnant un passĂ© sulfureux (membre du Zwart Front, mouvement fasciste actif dans les annĂ©es 1930 et pendant les premiĂšres annĂ©es d’occupation, avant d’ĂȘtre interdit en 1941), Anton Erwich n’a pas Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ© (si l’on excepte la reprise d’un de ses poĂšmes, Veertien dagen, de 1939, dans l’anthologie de Wim Zaal Geheime gedichten. Die niemand kent maar die toch gezien mogen worden, parue chez De Arbeiderspers en 1974[177]). Le poĂšme qui suit, intitulĂ© In de begijnhofkerk te Brugge (Dans l’église du bĂ©guinage de Bruges), figure dans le recueil Sol y Sombra de 1977.

Hier zwijgt de tijd, van zijn onwijs
rumoer dringt binnen deze peis
geen echo zelfs, hier zijt gij buiten
de wereld die, buidel en balg
bovenal achtend, lang tot walg
u wierd, hier kunt ge u weer ontsluiten.

Hier kunt ge u zonder achterdocht
ontpantseren, o hart, dat vocht
te vaak tegen arglist’ge machten,
tegen wat vals is en wat veil
aan valsheid, om nog enig heil
of heul van mensen te verwachten.

Hier, waar op zerken treedt de voet
en groeit in ’t oor de stilte, als doet
de stem der waat’ren, wen zij stijgen,
hier kunt ge u laven, die gij zijt
onlesbaar, sinds der eeuwigheid
dorst aldoor heft’ger u laat hijgen.

Ici se tait le temps, de son insane
tumulte ne pénÚtre dans ce havre
pas mĂȘme un Ă©cho, ici l’on est hors
le monde dont, vu que de baudruches et d’outres
il fait le plus grand cas, tu es longtemps déjà
Ă©cƓurĂ©, ici de nouveau tu peux t’éclore.

Ici tu peux sans défiance aucune
jeter bas cuirasse, oh cƓur, toi qui
trop souvent lutta contre de perfides puissances,
contre ce qui est faux et pour argent se donne
à la fausseté, que pour encore escompter
des gens quelque refuge ou salut.

Ici, oĂč le pied foule des pierres tumulaires
et dans l’oreille croüt le silence, ainsi que fait
la voix des eaux, lorsqu’elles montent,
ici tu peux te désaltérer, toi qui est
insatiable, depuis que la soif d’éternitĂ©
te fait haleter toujours plus vivement.

Juliane Windhager

Bruges Ă©tait la ville de prĂ©dilection de l’écrivaine autrichienne Juliane Windhager ; elle dĂ©clara en effet : « Bruges est ma ville prĂ©fĂ©rĂ©e. Pour moi, il n’en est pas de plus belle, et j’ai des possibilitĂ©s de comparaison. En tout, j’ai visitĂ© Bruges neuf fois. Tout naturellement, cela a laissĂ© des traces dans mes vers. »[178]

Le poĂšme ci-aprĂšs, ZurĂŒckkommen, extrait du recueil Schnee-Erwartung, date de 1979.

ZurĂŒckkommen
wasserentlang
wo die SchwÀne aus
schwankenden Turmbildern
Aufstehn.

Zum Schattenhof:
gregorianisch
der Sonntag
der Nachmittag
Kreuzgang
und Brunnenstein
blÀtterverweht.

Deines Schnabelschuhs
mediövale Verlockung
im Gras
alter Sommer
mit der Glockenfigur
mit dem Wind.

S’en retourner
les eaux longeant
oĂč les cygnes d’entre
les vacillantes figures de tours
se dressent.

Allant à l’enclos d’ombres :
ici sont grégoriens
le dimanche
l’aprùs-midi
CloĂźtre
et margelle de puits
sous les feuilles ensevelis.

La médiévale tentation
de ta poulaine
dans l’herbe
vieil été
avec l’air de carillon
avec le vent.

Maurice CarĂȘme

Le poĂšte belge francophone Maurice CarĂȘme, qui aimait beaucoup la ville de Bruges, oĂč d’ailleurs rĂ©sidaient son beau-frĂšre le peintre et graphiste Roger Gobron et sa belle-sƓur la poĂ©tesse Marie-Jo Gobron, publia en 1963 le recueil de poĂ©sies Bruges, dont est extrait le poĂšme suivant :

« Dans le matin froid de novembre,
L’air est plein d’archanges dissous,
et les béguines, dans leur chambre,
Croient voir neiger sur leurs genoux.

Leur Ăąme est comme ces grands arbres
Attendant, dans l’aube mouillĂ©e,
Que vent salubre du large
Chante en leurs branches dépouillées.

Comme feuilles de vent, leurs mains
Jonchent la terre de priĂšre
Et font voler de la lumiĂšre
Loin, là-bas, sur tous les chemins[179]. »

Pieter Aspe

Dans un tout autre registre, l’auteur de polars brugeois Pieter Aspe fait intervenir dans un de ses romans, intitulĂ© Rebus, le bĂ©guinage de Bruges, et plus spĂ©cialement le tableau les Sept Merveilles de Bruges qui y est conservĂ© ; toutefois, c’est ici en maniĂšre de fausse piste, puisque le tableau ne sert qu’à masquer un crime crapuleux en lien avec une affaire d’hĂ©ritage. L’hĂ©ritiĂšre pressentie, dans le collimateur des criminels, est une bĂ©guine, laquelle — l’auteur se plaisant souvent Ă  prendre son lecteur Ă  contre-pied — est une jeune femme des plus affriolantes[180].

Dans les premiĂšres pages du rĂ©cit, l’auteur donne du bĂ©guinage la description suivante (p. 9-10) :

« Une Ă©troite rue bosselĂ©e les conduisit au pont qui raccordait le bĂ©guinage Ă  la ville. Dans une niche en haut du portail se dressait une statue de sainte Élisabeth, avec en dessous, en grosses lettres : SAUVEGARDE. Ils mirent le pied dans un autre monde, un lieu de priĂšre et de recueillement. Un Ă©criteau multilingue demandait aux visiteurs d’observer le silence et de suivre le sentier prĂ©vu. Les nonnes cependant n’avaient prĂ©posĂ© personne pour y veiller. Les touristes, une fois n’est pas coutume, se comportaient correctement. MĂȘme le guide le plus brutal faisait une tentative de maintenir le silence. [
]
Le BĂ©guinage Ă©tait sans contredit un joyau du patrimoine artistique brugeois — en particulier depuis qu’il avait Ă©tĂ© profondĂ©ment rĂ©novĂ©. Les maisons, qui menaçaient ruine, avaient Ă©tĂ© rendues Ă  nouveau habitables, les sentiers rĂ©amĂ©nagĂ©s, et les façades peintes en blanc resplendissaient de nouveau virginalement dans une oasis verte, faite de hautes herbes, sous la canopĂ©e protectrice de dizaines de peupliers. Un barbouillis de lumiĂšre de soleil Ă©parse donnait Ă  l’enclos une teinte cĂ©lestine[181]. »

Notes et références

Notes

  1. Cet endroit nommĂ© « De Wijngaard », qui a Ă©tĂ© traduit littĂ©ralement en français par « La Vigne », s’appelait Ă  l’origine widen, soit : les prĂ©s, devenu wine par Ă©tymologie populaire.
  2. Cette nouvelle commuauté religieuse a adopté la rÚgle de Saint-Benoßt et s'est installée dans un couvent nouvellement construit dans le périmÚtre du béguinage : le « monastÚre bénédictin de la Vigne ».
  3. La rĂ©citation ou le chant de l'office divin occupait une place importante dans la vie quotidienne des bĂ©guines (comme pour les moniales bĂ©nĂ©dictines d'aujourd’hui).

Références

  1. Silvana Panciera, Les béguines, Namur, éd. Fidélité, , 127 p. (ISBN 978-2-87356-424-7, ASIN B0161TNPJG, présentation en ligne)
  2. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 15.
  3. (nl) Stefanie Gilté et Aagje Vanwalleghem, « Begijnhof van Brugge (notice n° 122155) », Bruxelles, Agentschap Onroerend Erfgoed,
  4. E. Van den Broecke & L. Uyttenhove (2013), p. 76.
  5. M. Heirman (2001), p. 236.
  6. M. Heirman (2001), p. 235.
  7. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 16.
  8. Cette constitution en paroisse Ă  part entiĂšre se fit certes aux dĂ©pens des paroisses dĂ©jĂ  constituĂ©es de Saint-Michel, de Notre-Dame et de Saint-Sauveur, qui durent chacune, de trĂšs mauvaise grĂące, faire cession d’une partie de leur zone de tutelle. Les limites de la paroisse du bĂ©guinage dĂ©passaient celles du bĂ©guinage lui-mĂȘme et englobaient les terrains qui au sud du bĂ©guinage s’étendaient au moins jusqu’aux futurs remparts de la ville, et au nord-est les actuelles places Walplein et Wijngaardplein, ainsi que quelques petites rues dans les parages. Cf. (nl) Marc Ryckaert, Historische stedenatlas van BelgiĂ«. Brugge, Bruxelles, CrĂ©dit communal de Belgique, , 239 p. (ISBN 90-5066-096-7), p. 88.
  9. « Il y a lieu d’interprĂ©ter ce transfert de façon littĂ©rale : la chapelle ne fut pas dĂ©placĂ©e seulement en tant qu’institution, mais le mobilier Ă©galement, et mĂȘme les matĂ©riaux (pierre et bois), furent transplantĂ©s de la place du Bourg vers le bĂ©guinage. » (M. Ryckaert, Hist. stedenatlas Brugge, p. 208). N.B. : l’église Saint-Donatien a Ă©tĂ© dĂ©molie en 1799.
  10. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 16-17.
  11. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 31.
  12. Un deuxiĂšme bĂ©guinage, plus petit, se trouvait dans la Langestraat et avait pour patron saint Aubert (en nĂ©erl. Sint Obrecht). Il surgit Ă  une date inconnue au cours du XIIIe siĂšcle, en bordure de la ville d’alors, prĂšs du lieu oĂč allait ĂȘtre construit la porte Sainte-Croix (Sint-Kruispoort) en 1297. Les bĂ©guines aubertiennes, que Marguerite de Constantinople plaça sous sa protection en 1272, se vouaient principalement Ă  soigner les malades. Au dĂ©but du XVIIe, cette communautĂ© bĂ©guinale s’étant quasiment Ă©teinte, ses bĂątiments furent transfĂ©rĂ©s en 1609 aux Chartreux qui y Ă©tablirent leur nouveau couvent. Outre ces deux bĂ©guinages (clos de la Vigne et Saint-Aubert), il y avait au XIVe siĂšcle au moins huit convents pour bĂ©guines nĂ©cessiteuses ; ce sont des maisons situĂ©es en ville oĂč de petits groupes de femmes pieuses vivant de l’aumĂŽne avaient pris leurs quartiers. Ces huit convents dont l’existence est attestĂ©e sont les suivants : Groot Hertsberge, sis rue Sainte-Catherine, fondĂ© en 1335, puis transformĂ© fin XIVe en HĂŽtel-Dieu pour vieillards indigents (le bĂątiment existe encore) ; Ter Hamerkine, fondĂ© au milieu du XIVe, sis prĂšs de l’actuelle Ă©glise de JĂ©rusalem, et intĂ©grĂ© en 1427 dans la fondation de JĂ©rusalem des frĂšres Adornes ; Convent de Ricele, sis Nieuwe Gentweg, fondĂ© avant 1348, puis absorbĂ© par le couvent limitrophe Ă  la suite de l’incendie de 1360 ; Rooms (ou Rams) Convent, sis rue Sainte-Catherine, fondĂ© vers 1330, transformĂ© par la suite en HĂŽtel-Dieu (le bĂątiment existe encore) ; Scalkers Convent, sis Goezeputstraat, fondĂ© en 1374, bientĂŽt disparu ; Ten Vanekine, sis Waalsestraat, fondĂ© en 1302, devenu hospice pour veuves en 1580 ; Weduwenhuis (littĂ©r. maison de veuves), sis Verbrand Nieuwland, date de fondation inconnue, passĂ© Ă  la municipalitĂ© en 1580 ; enfin le Dopsconvent, fondĂ© en 1338, sis au-dedans du pĂ©rimĂštre de la Vigne, considĂ©rĂ© dĂšs lors comme une partie constitutive du grand bĂ©guinage. Cf. M. Ryckaert, Hist. stedenatlas Brugge, p. 205.
  13. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 20.
  14. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 22.
  15. M. Heirman (2001), p. 237.
  16. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 23.
  17. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 20-21.
  18. Selon la définition du TLFi
  19. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 23-24.
  20. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 24.
  21. Marc Ryckaert souligne que dans les derniĂšres dĂ©cennies du XVIIIe siĂšcle, plus des deux tiers de tous les couvents brugeois furent abolis. Certains seront dĂ©molis peu de temps aprĂšs leur abolition, et disparaĂźtront donc physiquement du paysage urbain ; d’autres furent assignĂ©s Ă  l’armĂ©e ou vendus Ă  des particuliers. Une premiĂšre vague d’abolitions dĂ©ferla sur Bruges en 1783-1784, Ă  la suite du dĂ©cret de Joseph II ordonnant la levĂ©e de tous les ordres contemplatifs. Si ce dĂ©cret s’inscrivait certes en droite ligne dans la philosophie des LumiĂšres, dont Joseph II Ă©tait un fervent partisan, il ne contrariait pas l’opinion d’une majoritĂ© de la population, qui n’était pas outre mesure favorable aux ordres monastiques. À Bruges, treize couvents furent frappĂ©s par la mesure de Joseph II, dont trois cependant rĂ©ussiront Ă  survivre Ă  l’hostilitĂ© du pouvoir central. Mais le coup de grĂące survint douze ans plus tard, lorsque la quasi-totalitĂ© des couvents fut supprimĂ©e par les autoritĂ©s françaises (M. Ryckaert, Hist. Stedenatlas Brugge, p. 128).
  22. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 27.
  23. Allocution de bénédiction des maisons de professes, dans : Archives de R. Hoornaert, mars 1931. Cité par Cité par F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 27.
  24. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 30.
  25. F. Bonneure & L. Verstraete (1992).
  26. Cependant, de façon gĂ©nĂ©rale, Bruges eut fort peu Ă  souffrir, au cours de son histoire, de tirs d’artillerie, de pilonnages ou de bombardements destructeurs ; seuls les canonnades visant son port pendant la PremiĂšre Guerre mondiale ont occasionnĂ© quelques dommages, du reste limitĂ©s, dans la ville mĂȘme. Cf. M. Ryckaert, Hist. stedenatlas Brugge, p. 157.
  27. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 34.
  28. M. Heirman (2001), p. 237-238.
  29. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 56.
  30. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 62.
  31. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 62-63.
  32. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 114.
  33. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 63.
  34. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 65.
  35. E. Van den Broecke & L. Uyttenhove (2013), p. 66. C’est par erreur que F. Bonneure et L. Verstraete attribuent au fils de Joseph ViĂ©rin, Luc ViĂ©rin, la paternitĂ© de ce nouveau couvent. Luc ViĂ©rin (Courtrai, 1903 — Bruges, 1979), architecte comme son pĂšre, concepteur en particulier de plusieurs villas sur le littoral belge, auteur de nombreuses restaurations en Flandre-Occidentale, emboitera certes le pas Ă  son pĂšre, dont il poursuivra l’Ɠuvre aprĂšs sa mort en 1949.
  36. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 115 et 118.
  37. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 119.
  38. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 115.
  39. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 97
  40. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 97-98.
  41. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 98.
  42. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 99.
  43. (nl) « Restauratie Brugs Begijnhof na drie decennia afgerond », Het Nieuwsblad, Antwerpen,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  44. M. Ryckaert, Hist. stedenatlas Brugge, p. 208.
  45. M. Heirman (2001), p. 238.
  46. (nl) Jan Vercammen, Brugge, Bruxelles, Ă©d. Paul Legrain, , 178 p., p. 164 & 166
  47. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 11.
  48. M. Heirman (2001), p. 238-239.
  49. E. Van den Broecke & L. Uyttenhove (2013), p. 66.
  50. (nl) « Begijnhofkerk toegewijd aan de Heilige Elisabeth van Hongarije (notice n° 84409) », Bruxelles, Agentschap Onroerend Erfgoed, (consulté le )
  51. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 120-121.
  52. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 122.
  53. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 122-123.
  54. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 123.
  55. (nl) « Begijnhofbrug, ook Wijngaardbrug (notice n° 84408) », Bruxelles, Agentschap Onroerend Erfgoed, (consulté le )
  56. (nl) « Poortgebouw (notice n° 84407) », Bruxelles, Agentschap Onroerend Erfgoed, (consulté le )
  57. (nl) « Poortgebouw aan Sasbrug (notice n° 84411) », Bruxelles, Agentschap Onroerend Erfgoed, (consulté le )
  58. M. Heirman (2001), p. 241.
  59. M. Heirman (2001), p. 240.
  60. (nl) « Administratieve zetel, infirmerie, kapel en woning van de grootjuffrouw van het begijnhof (notice n° 82316) », Bruxelles, Agentschap Onroerend Erfgoed, (consulté le )
  61. Par lucarne-pignon il faut entendre une lucarne en façade, dont le devant est de forme triangulaire, et qui apparaĂźt suffisamment vaste pour donner l’impression qu’elle est un pignon (et par lĂ  l’impression fausse que la façade gouttereau qui la porte est une façade pignon). Cf. Jean-Marie PĂ©rouse de Montclos, Architecture. MĂ©thode et Vocabulaire, Paris, Éditions du Patrimoine/Centre des monuments nationaux, 2009 (7e Ă©dition), 622 p. (ISBN 978-2-85822-593-4), « Chap. X. La couverture », p. 339
    « LUCARNE-PIGNON : lucarne en façade dont le devant triangulaire Ă©voque un pignon. Ne pas confondre ce devant, qui ne correspond qu’à l’ouvrage accessoire d’une lucarne, avec un vĂ©ritable pignon. »
  62. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 130.
  63. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 129-130.
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  101. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 17-18.
  102. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 18.
  103. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 18-19.
  104. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 19.
  105. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 43.
  106. Il Ă©crivit p. ex. : « Les grands mouvements populaires sont de par leur nature confus, ils se propagent sous une dĂ©nomination gĂ©nĂ©rale, tel le socialisme moderne ; ils prĂ©tendent servir les intĂ©rĂȘts de l’humanitĂ© et confondent les principes salutaires avec des erreurs dissolvantes. », Ce que c’est qu’un bĂ©guinage, p. 11.
  107. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 34-35.
  108. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 35.
  109. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 38.
  110. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 43 et 46.
  111. Archives de Rodolphe Hoornaert, farde 5 (Ă©bauches d’allocutions). CitĂ© par F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 46.
  112. Rodolphe Hoornaert, L’Évolution spirituelle du bĂ©guinage de Bruges, Bruges, sans date, p. 7 ; citĂ© par F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 47.
  113. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 47.
  114. Rodolphe Hoornaert, Les BĂ©guines de Bruges, leur histoire, leur rĂšgle, leur vie, p. 42-44 (passage reproduit dans E. Van den Broecke & L. Uyttenhove (2013), p. 159-160.
  115. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 49.
  116. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 50.
  117. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 50-51.
  118. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 51.
  119. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 52.
  120. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 54.
  121. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 55-56.
  122. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 57-58.
  123. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 58.
  124. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 57.
  125. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 60.
  126. Allocution Ă  l’occasion de la profession de sƓur M. Placide, 1er aoĂ»t 1955. CitĂ© par F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 60.
  127. Allocution prononcĂ©e au jubilĂ© d’argent de pastorat de Rodolphe Hoornaert, 8 octobre 1947. CitĂ© par F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 60.
  128. GeneviĂšve De Cant, Pascal MajĂ©rus et Christiane Verougstraete, Un monde de femmes indĂ©pendantes, du XIIe siĂšcle Ă  nos jours : les BĂ©guinages flamands, Riverside (Connecticut), HervĂ© van Caloen Foundation, coll. « Guide Luciole pour voyageurs intelligents », , 158 p. (ISBN 0-9727718-1-6), « Un monde de femmes indĂ©pendantes, entre Église et sociĂ©tĂ© (rĂ©digĂ© par GeneviĂšve De Cant) », p. 15. GeneviĂšve De Cant note : « Certaines [bĂ©guines] choisissent d’errer en mendiant, mais la plupart prĂ©fĂšrent quand mĂȘme vivre ensemble dans un lieu situĂ© en dehors de la ville, de prĂ©fĂ©rence Ă  proximitĂ© d’un cours d’eau. Avant toute chose, elles veulent garder leur indĂ©pendance, afin de mieux pouvoir vouer leur vie Ă  Dieu, par le moyen de la charitĂ©, de la priĂšre et du travail. Cette voie mĂ©diane, entre vie laĂŻque et vie monastique, fascine, Ă©tonne et dĂ©range, alors autant qu’aujourd’hui. Il s’agit en effet de femmes qui se retirent de la sociĂ©tĂ©, sans toutefois se couper du monde extĂ©rieur. Elles promettent d’observer les devoirs d’obĂ©issance et de chastetĂ©, sans prononcer de vƓux perpĂ©tuels. Elles optent pour un train de vie sobre, sans cependant renoncer Ă  leurs biens. Enfin, elles veulent aussi combiner une existence active avec une vie de contemplation. Cette ambiguĂŻtĂ© ne laisse de susciter de l’étonnement dans la sociĂ©tĂ© plutĂŽt dualiste de l’époque. » Sur la vie apostolique, voir ibidem p. 20.
  129. Pascal MajĂ©rus rappelle que l’obligation pour tout chrĂ©tien de communier au moins une fois l’an fut instaurĂ© en 1215 par le quatriĂšme concile du Latran, et ce sous l'acclamation des femmes, pour qui l’eucharistie Ă©tait le moyen d’une union intime avec Dieu. Les bĂ©guines jouĂšrent un rĂŽle important dans la diffusion de ce nouveau culte. L’intĂ©rĂȘt pour l’eucharistie ne fera que croĂźtre au long du XIIIe siĂšcle, et davantage encore pendant la Contre-RĂ©forme et Ă  la suite du rejet de l’eucharistie par les protestants, mais ce culte connut son apogĂ©e au XIXe siĂšcle. Au Moyen Âge, si les croyants Ă©taient encouragĂ©s Ă  communier souvent, cela restait limitĂ© pour les femmes Ă  une frĂ©quence de trois fois par an. Certaines femmes toutefois souhaitaient communier plus frĂ©quemment, moyennant du moins que leur Ă©tat spirituel fĂ»t jugĂ© suffisamment pur par leur confesseur. Ce souhait s’éclaire Ă  la lumiĂšre des noces mystiques : le corps du Sauveur se trouvait ainsi en quelque sorte Ă  portĂ©e de main pour chaque femme. Recevoir l’hostie consacrĂ©e s’apparentait Ă  une Ă©treinte, Ă  une attouchement sensuel. Il n’était pas rare qu’en recevant l’hostie, les femmes saintes du XIIIe siĂšcle entrent dans un Ă©tat second. Tout au long des huit siĂšcles de leur histoire, les bĂ©guines vĂ©curent trĂšs intensĂ©ment la mystique de la rencontre eucharistique. Outre l’hostie pendant la sainte eucharistie, la figure du Christ Ă©tait donnĂ©e Ă  voir au croyant sous de multiples autres aspects : l’adoration eucharistique, la procession Ă  l’occasion de la fĂȘte du Saint-Sacrement, et l’adoration perpĂ©tuelle. Voir G. De Cant, P. MajĂ©rus & C. Verougstraete (2003), p. 65-66. De ce point de vue aussi (par l’importance accordĂ©e au sacrement de l’eucharistie), la spiritualitĂ© du monastĂšre de la Vigne s’inscrit dans la tradition bĂ©guinale sĂ©culaire.
  130. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 67.
  131. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 69.
  132. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 69-70.
  133. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 70.
  134. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 72.
  135. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 73-74.
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  137. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 76-77.
  138. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 103.
  139. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 106.
  140. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 110.
  141. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 111.
  142. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 112.
  143. F. Bonneure & L. Verstraete (1992), p. 78.
  144. Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, Ă©d. Espace Nord, publiĂ© sous l’égide de la CommunautĂ© Wallonie-Bruxelles 2016 (postface de Christian Berg), p. 11.
  145. Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, éd. Marpon & Flammarion 1892, cf. fac-similé, p. 4.
  146. Christian Berg, Postface (2016), p. 146.
  147. Christian Berg, Postface (2016), p. 139-140.
  148. Christian Berg, Postface (2016), p. 147.
  149. Éd. Espace Nord (2016), p. 46 ; Ă©d. originale Marpon & Flammarion (1892), p. 72.
  150. Éd. Espace Nord (2016), p. 27 ; Ă©d. originale Marpon & Flammarion (1892), p. 36.
  151. Éd. Espace Nord (2016), p. 44 ; Ă©d. originale Marpon & Flammarion (1892), p. 68.
  152. Christian Berg, Postface (2016), p. 157.
  153. Éd. Espace Nord (2016), p. 87 ; Ă©d. originale Marpon & Flammarion (1892), p. 147.
  154. Éd. Espace Nord (2016), p. 63 ; Ă©d. originale Marpon & Flammarion (1892), p. 104.
  155. Pourtant, ce n’est pas faute, pour l’auteur, d’avoir visitĂ© le bĂ©guinage, puisque, si l’on en croit une monographie qui lui fut consacrĂ©e en 1903 dans la sĂ©rie Anthologie des Ă©crivains belges, il aimait Ă  s’y attarder et Ă  y rĂȘvasser ; cf. F. Bonneure, K. Puype & M. Van Houtryve (1992), p. 66. Cette entorse Ă  la rĂ©alitĂ© obĂ©it sans doute donc Ă  une nĂ©cessitĂ© poĂ©tique.
  156. Éd. Espace Nord (2016), p. 65-67 ; Ă©d. originale Marpon & Flammarion (1892), p. 108-112.
  157. (nl) Fernand Bonneure, Karel Puype et Marcel Van Houtryve, Het stille Brugge : 100 jaar Bruges-la-Morte, Bruges, Stichting Kunstboek, , 143 p. (ISBN 90-74377-01-7), p. 21
  158. F. Bonneure, K. Puype & M. Van Houtryve (1992), p. 21 et 69. Selon Karel Puype, Rodenbach lui-mĂȘme fit appel Ă  Fernand Khnopff, lequel avait passĂ© sa jeunesse Ă  Bruges, et se reposa sur lui du soin tant de crĂ©er le frontispice que de doter le livre de photographies ; cf. F. Bonneure, K. Puype & M. Van Houtryve (1992), p. 69.
  159. Christian Berg, Postface (2016), p. 165-166.
  160. Christian Berg, Postface (2016), p. 167.
  161. F. Bonneure, K. Puype & M. Van Houtryve (1992), p. 25.
  162. (nl) Fernand Bonneure, Brugge beschreven. Hoe een stad in teksten verschijnt, Bruxelles, Elsevier Brussel, , 399 p. (ISBN 90-10-05417-9), p. 335
  163. Extrait de Neue Gedichte (1907), (de) Rainer Maria Rilke, SĂ€mtliche Werke, vol. Band 1–6, Band 1, Wiesbaden & Frankfort-sur-le-Main, 1955–1966 (lire en ligne), p. 535-536
  164. F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 352.
  165. (de) Christine Busta, Die scheune der Vögel, Salzbourg, Otto MĂŒller Verlag, , 128 p., p. 69
  166. F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 367.
  167. Paul Claudel, Journal I (1904-1932) & Journal II (1933-1955, Paris, NRF, coll. « BibliothÚque de la Pléiade », 1968-1969
  168. François Vermeulen, « Comprendre Bruges », Triton, Le Coq,‎ , citĂ© par F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 290.
  169. Camille Mauclair, Le Charme de Bruges, Paris, Henri Laurens Ă©d., , « Sortie de l’office du soir »
  170. (nl) Anton van Wilderode et Jan Decreton (photographies), Daar is maar Ă©Ă©n land dat mijn land kan zijn, Tielt, Lannoo, , 251 p. (ISBN 90-209-1063-9)
  171. F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 112.
  172. Maurice BarrÚs, Du sang, de la volupté et de la mort, Paris, BibliothÚque-Charpentier,
  173. F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 382.
  174. Michel Ciry, Le Temps des promesses, Paris, Plon,
  175. F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 123-124.
  176. Armand Lanoux, Le Rendez-vous de Bruges, Paris, Julliard,
  177. (nl) « Anton Erwich », Nederlandse Poëzie Encyclopédie, 2012-2016 (consulté le )
  178. « BrĂŒgge ist meine Lieblingsstadt. FĂŒr mich gibt es keine schönere und ich habe Vergleichungsmöglichkeiten. Alles in allem habe ich BrĂŒgge neunmal besucht. NatĂŒrlich hat das Spuren in meinen Versen hinterlassen. » ; citĂ© par F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 385.
  179. Maurice CarĂȘme, Bruges, Bruxelles, Arcade,
  180. (nl) Pieter Aspe, Rebus, Anvers, Manteau, , 306 p. (ISBN 978-90-223-2143-0).
  181. D’autres allusions ou Ă©vocations fugaces du bĂ©guinage de Bruges apparaissent dans les Ă©crits de : Baudelaire (« Ville fantĂŽme, ville momie, Ă  peu prĂšs conservĂ©e. / Cela sent la mort, le Moyen Âge, Venise
 en noir, / les spectres routiniers et les tombeaux. Grand / bĂ©guinage, carillons. [...] », dans : Pauvre Belgique) ; Lampo (« Brugge of het Begijnhof bijvoorbeeld, samen met de controversen over de vraag of de begijnenbeweging wel voor honderd procent orthodox katholiek was? », ‘Bruges ou le bĂ©guinage, p. ex., avec les controverses sur la question si le mouvement bĂ©guinal Ă©tait bien Ă  cent pour cent catholique orthodoxe’, dans : Inpakken en westwezen, Ă©mission radiophonique, BRT, 2 juillet 1982, citĂ© par F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 199) ; Huysmans (« l’on peut dire qu’elle [= Bruges] est Ă  la fois mystique et dĂ©moniaque, puĂ©rile et grave. Mystique par sa rĂ©elle piĂ©tĂ©, par ses musĂ©es uniques au point de vue de l’art, par ses nombreux couvents et par son bĂ©guinage ; dĂ©moniaque, par sa confrĂ©rie secrĂšte de possĂ©dĂ©s [...] », dans : De tout, 1902) ; Van de Woestijne (« ’t veeg-witte begijnhof », ‘le bĂ©guinage d’une blafarde blancheur’, dans : Verzameld Werk, vol. IV) ; Raynaud (« Je sais ton bĂ©guinage et tes quais familiers », dans : Bruges, du recueil la Couronne des jours, 1905) ; Busken-Huet (« Een voormalige wereldstad, veranderd in een onvrijwillig begijnhof », ‘une ville autrefois mondiale, changĂ©e en un involontaire bĂ©guinage’, dans : Het uitgestorven Brugge, extrait de Het land van Rubens, 1879) ; Michot (« Elle [=la ville de Bruges] s’est retirĂ©e au calme bĂ©guinage,/ et lĂ , dans le repos et le recueillement,/ elle accomplit la fin de son pĂšlerinage [...] auprĂšs de ce beau lac d’Amour,/ paysage vibrant comme une fĂ©erie,/ je vois ton BĂ©guinage, et dans le demi-jour / du songe, il me semble ĂȘtre une miniature / de ton image[...] », cercle Excelsior, livre de jubilĂ©, 1883-1893, citĂ© par F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 108) ; S. Zweig (« Und keine Stadt gibt es wohl, die die Tragik des Todes und des noch mehr Furchtbaren, des Sterbens, mit so zwingender Kraft in ein Symbol gepresst hat, wie BrĂŒgge. Dies fĂŒhlt man so ganz in den Halbklöstern, den Beguinagen, dahin viele arme Leute sterben gehen », ‘Et il n’est certes pas de ville qui ait, avec une force plus impĂ©rieuse que Bruges, concentrĂ© en un seul symbole le tragique de la mort et de ce qui est plus redoutable encore, de l’agonie. Cela, on le ressent si pleinement dans les couvents Ă  semi-clĂŽture, les bĂ©guinages, oĂč s’en vont mourir beaucoup de gens pauvres’, dans BrĂŒgge, extrait de LĂ€nder, StĂ€dte, Landschaften) ; Schoeman (« In die Begynhof an die Minnewater beweeg nonne ver weg tussen die boomstamme in hul wit habyte, maar die stilte is volslae », ‘Dans le bĂ©guinage, sur le Minnewater, des nonnes se meuvent dans le lointain entre les troncs d’arbre dans leur habit blanc, mais le silence est absolu’, dans : Onderweg. Reisherinnerings, 1978) ; Moretti, dans : La casa del Santo sangue, passim) ; Van der Plas (« ik wou de muur niet zien / der Begijnen hof, waar God voor het Minnewater / zijn ogen sloot misschien », ‘je ne voulus point voir / l’enclos des bĂ©guines, oĂč Dieu, face au Minnewater / peut-ĂȘtre ferma les yeux’, dans Litanie, du recueil Edelman-bedelman, 1961) ; Du Bois de Vroylande (« O Bruges, ma trĂšs douce, o Bruges qui te meurs / De n’avoir plus Ă©tĂ© qu’un calme bĂ©guinage », 1936 ?, citĂ© dans F. Bonneure, Brugge beschreven, p. 343) ; Zuckmayer (permissionnaire Ă  Bruges pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, l’auteur s’embarque nuitamment dans un canot et se laisse plus ou moins dĂ©river, ramant vaguement, dans un Ă©tat de rĂȘverie : « Mich zog der Mond und das Wasser, ich folgte. Die Front war nicht zu hören. Außer den Tropfen, die manchmal von meinen Riemen plĂ€tscherten, gab es keinen Laut. Ich muss am Beginenhof, am Joannesspital, an den bekannten Kirchen vorbeigekommen sein, ich wusste es nicht. », ‘La lune et l’eau me remorquaient, je suivai. On entendait pas le front. Hormis les gouttelettes, qui tombaient de mes rames en clapotant, il n’y avait aucun son. J’ai dĂ» longer le bĂ©guinage, l’hospice Saint-Jean, les Ă©glises cĂ©lĂšbres, je ne le sus pas.’, dans Als wĂ€r’s ein StĂŒck von mir. Erinnerungen, 1966) ; Gezelle (qui, bien que brugeois de naissance, a peu Ă©crit sur Bruges, mais a consacrĂ© aux dentelliĂšres du bĂ©guinage un long poĂšme, oĂč les panneaux de dentelle figurent comme mĂ©taphores de la virginitĂ© de Marie et oĂč le travail de la dentelle est une allĂ©gorie de la vie spirituelle des bĂ©guines et de leur aspiration Ă  la puretĂ©, cf. Volledige dichtwerken, Standaard Uitgeverij 1971, p. 1195-1197, incipit « Speldewerkend zie ’k u geerne ») ; etc.

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Articles connexes

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