AlbĂątre
LâalbĂątre est un matĂ©riau naturel blanc utilisĂ© en taille de pierre et en sculpture. Il existe deux formes dâalbĂątre bien distinctes, correspondant Ă deux espĂšces minĂ©rales diffĂ©rentes : lâalbĂątre calcaire et lâalbĂątre gypseux sont respectivement composĂ©s de calcite et de gypse. Leur facultĂ© de prendre un beau poli les ont inclus dans les marbres antiques jusquâĂ la chute de l'Empire romain. Ils rĂ©apparurent vers le XIIe siĂšcle et surtout Ă la Renaissance (voir Histoire du marbre), oĂč ils perdirent de leur importance en faveur des marbres modernes.
Son nom vient du latin alabaster, venant du grec ancien áŒÎ»ÎŹÏαÏÏÏÎżÏ / alabastros, qui dĂ©signait un vase sans anse, l'albĂątre Ă©tant utilisĂ© pour façonner des vases Ă parfum sans anse.
Différences physico-chimiques
AlbĂątre calcaire
LâalbĂątre calcaire est appelĂ© Ă©galement marbre onyx des anciens, albĂątre Ă©gyptien, albĂątre de la Bible ou encore albĂątre oriental, probablement parce que cette variĂ©tĂ© d'albĂątre est utilisĂ©e de longue date (voir section #Histoire) au Moyen-Orient.
Câest une calcite, cristal de carbonate de calcium, qui fait effervescence Ă lâacide. Il est assez dur pour entamer le marbre blanc. Il prĂ©sente toujours Ă sa surface des espĂšces dâondulations dâun jaune miel plus ou moins foncĂ©, tirant parfois sur le rouge sombre. Il est extrĂȘmement rare de trouver de lâalbĂątre calcaire dâun blanc parfait.
Sa cassure est cristalline et striĂ©e, ce qui lui donne une semi-transparence, car la lumiĂšre a un accĂšs beaucoup plus facile dans lâĂ©paisseur de cette pierre tellement composĂ©e, que dans celle dâun marbre, par exemple, dont lâintĂ©rieur prĂ©sente une infinitĂ© de petites lamelles qui brisent les rayons lumineux sans leur permettre dâentrer. Bien poli, il ressemble Ă du marbre.
AlbĂątre gypseux
LâalbĂątre gypseux ou alabastrites des anciens, est une variĂ©tĂ© de gypse, câest-Ă -dire du sulfate de calcium. Il ne fait aucune effervescence et peut se laisser rayer Ă lâongle (duretĂ© Mohs 1,5 Ă 2). Il est ordinairement dâun blanc laiteux et sa cassure est grenue et souvent terne. Son systĂšme cristallin est de type monoclinique. Cette variĂ©tĂ© de gypse Ă grain fin est extraite en particulier dans des carriĂšres anglaises ou de Toscane. L'albĂątre est employĂ© comme pierre ornementale. Sa tendretĂ© permet de la sculpter en formes Ă©laborĂ©es. De plus, vu sa solubilitĂ© dans lâeau, il doit ĂȘtre utilisĂ© Ă lâintĂ©rieur. Il perd sa transparence, son brillant et sa soliditĂ© quand on lâexpose au feu, câest-Ă -dire quâil se change en plĂątre.
Origines géologiques
Ă la diffĂ©rence du marbre, roche mĂ©tamorphique se formant Ă des kilomĂštres ou dizaines de kilomĂštres de profondeur et dont l'affleurement Ă la surface requiert l'exhumation et l'Ă©rosion d'une Ă©paisse pile de roches, lâalbĂątre se forme en surface ou trĂšs proche de la surface sur des Ă©chelles de temps se comptant en dizaines d'annĂ©es ou quelques siĂšcles.
LâalbĂątre calcaire tend Ă remplir les grottes ou les excavations, transportĂ© par les eaux qui sâinfiltrent dans la terre en traversant des couches calcaires et ferrugineuses, en se chargeant de tout ce quâelles peuvent dissoudre depuis leur dĂ©part de la surface du sol jusquâau plafond des cavernes[1]. Ainsi la calcite est dissoute par l'eau acidifiĂ©e par le gaz carbonique en donnant du bicarbonate de calcium. Celui-ci peut se dĂ©composer dans le sens inverse, en donnant du gaz carbonique et du carbonate de calcium insoluble qui cristallise en calcite et, au bout dâun certain temps, forme une concrĂ©tion. Les gouttes d'eau venant du plafond donnent sur place une stalactite qui croĂźt, donc, de haut en bas. Le reste tombe au sol en formant de bas en haut une stalagmite. Ces deux concrĂ©tions peuvent finir par se rejoindre et former une colonne. La calcite couvre aussi les parois et le sol de ces grottes, que l'on trouve dans presque tous les pays riches en calcaire. Elles sont actuellement des lieux de visite, de par leur diversitĂ© de couleurs et de formes, alors quâelles furent des lieux dâexploitation dans la plus lointaine AntiquitĂ©, sans compter les abris prĂ©historiques.
Histoire
- En Irak : lâalbĂątre est connu depuis longtemps et lâhomme lâa utilisĂ© pour sa beautĂ© et sa mise en Ćuvre facile. Les plus anciens objets en albĂątre retrouvĂ©s datent du VIe millĂ©naire avant notre Ăšre, comme les vases et figurines, dĂ©gagĂ©s par des fouilles sur le site de Tell es Sawwan en MĂ©sopotamie.
- En Iran : des bustes sumériens (musée du Louvre) du IIIe millénaire.
- En Syrie antique, Ă Tell Brak, on a retrouvĂ© des tĂȘtes sculptĂ©es de la mĂȘme Ă©poque.
- En CrÚte : au IIe millénaire (ùge du bronze), la civilisation minoenne produisait de beaux vases en albùtre calcaire. On en a retrouvé quarante sur le fameux site de Knossos.
- En Ăgypte, l'albĂątre Ă©tait Ă©galement employĂ© pour les canopes et d'autres types de vases sacrĂ©s ou funĂ©raires contenant les organes du pharaon, des boĂźtes peintes, comme ceux trouvĂ©s dans la tombe de ToutĂąnkhamon. Un sarcophage sculptĂ© d'un seul tenant dans de la calcite figure ainsi dans les collections du musĂ©e Soane, Ă Londres. Il a Ă©tĂ© dĂ©couvert par Giovanni Belzoni en 1817 dans la tombe du pharaon SĂ©thi Ier, non loin de ThĂšbes. Il a Ă©tĂ© achetĂ© par sir John Sloane aprĂšs avoir Ă©tĂ© proposĂ©, sans succĂšs, au British Museum. La pierre Ă©tait extraite prĂšs de ThĂšbes, Ă Akhetaton, ville que les Grecs renommĂšrent Psinaula ou Alabastron.
DĂ©coupĂ© en minces feuillets, l'albĂątre est suffisamment transparent pour ĂȘtre utilisĂ© comme vitre pour de petites fenĂȘtres. Il Ă©tait si transparent que NĂ©ron en fit construire un petit temple sans fenĂȘtre, oĂč le jour passait Ă travers le marbre mĂȘme qui formait les murs (connu comme Marbre blanc cappadocien). Il a Ă©tĂ© employĂ© pour sa transparence dans certaines Ă©glises mĂ©diĂ©vales, particuliĂšrement en Italie, comme pour les fenĂȘtres du mausolĂ©e de Galla Placidia Ă Ravenne.
Ă leur suite les Assyriens, les Ătrusques et les Grecs dĂ©veloppĂšrent un important artisanat. Puis les Romains le reprirent sous la forme Alabastrum. Le nom Ă©volua en français sous la forme albĂątre, attestĂ©e dĂšs le XIIe siĂšcle. On exploita des gisements en Espagne, en Italie (Volterra), en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et principalement en Angleterre oĂč prospĂ©ra un artisanat trĂšs actif.
à la Renaissance et à l'époque moderne, il est utilisé pour la fabrication de vitraux comme dans la Gloire de la basilique Saint-Pierre de Rome ou pour les vitraux de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs de Rome.
Plus rĂ©cemment, il y a Ă©tĂ© abondamment utilisĂ© pour la cathĂ©drale Notre-Dame-des-Anges de Los Angeles, consacrĂ©e en 2002. Un dispositif spĂ©cifique de refroidissement permet d'empĂȘcher les panneaux de devenir opaques sous l'effet de la chaleur.
- Lampe italienne
- Bol Ă©trusque, Volterra, Italie
- Lampe, cathédrale d'Aix-la-Chapelle, Allemagne
Quelques types dâalbĂątre
AlbĂątres unis
Albùtres veinés ou fleuris
Câest le marbre onyx des anciens ;
- AlbĂątres de Malaga en Espagne, jaune cire.
- Albùtre de Saguna en Sicile, brun foncé avec des veines plus claires.
- AlbĂątre de Monreale en Sicile, veinĂ© rouge vif mĂȘlĂ© Ă des bandes jaunes plus ou moins foncĂ©es.
- Albùtre de Caputo en Sicile, veiné de jaune clair et blanc sale.
- AlbĂątre du mont Pellegrino (Palerme) en Sicile, veines Ă©troites, lâune jaune et lâautre noir trĂšs foncĂ©.
- Albùtres de Malte, une variété jaune clair veiné de blanc, une autre ondé de noir, de brun et de blanc.
- Albùtre de Bastia en Corse, rubané de jaune clair ou plus foncé.
- AlbĂątre de Montmartre (Paris), couches ondulĂ©es de couleur fauve, entremĂȘlĂ©es de veines blanc sale.
Albùtres tachetés
- Albùtres de Roquebrune en Languedoc, rouge brun avec taches de différentes grandeurs
Alabastrites
- Alabastrite antique dâun blanc laiteux, tirĂ© de la ville dâAlabastre en Ăgypte pour faire des rĂ©cipients Ă parfum.
- Alabastrite, blanc laiteux des Basses-Pyrénées, blanc parfait, grain fin et serré, cassure grenue.
- Alabastrite, blanc laiteux de Boscodon prĂšs dâEmbrun (Hautes-Alpes), blanc, compacte, reçoit un beau poli.
- Alabastrite de Volterra en Toscane, connu pour sa blancheur laiteuse, translucide.
- Alabastrite du fleuve Niso en Sicile, gris trĂšs clair avec des taches vertes et jaunĂątres.
- Alabastrite de Taormine en Sicile, ondé de rouge et de jaune foncé.
- Alabastrite de Riquewihr en Alsace, blanchĂątre.
- Alabastrite de lâĂźle de Gozo prĂšs de Malte, jaune clair ondĂ© de blanc, fortement translucide.
- Alabastrite de ChĂąteau-Salins en Moselle, blanc, prend un poli brillant.
- Alabastrite de Lagny-sur-Marne prĂšs de Paris, blanc jaunĂątre, demi-transparent.
Usage littéraire
« l'albùtre translucide de nos souvenirs »
â Proust[2], Ă la recherche du temps perdu
Dans la littérature française, l'albùtre apparaßt au XIXe siÚcle comme métonymie pour désigner une veilleuse ou un luminaire ; le « blanc d'albùtre » est une espÚce de superlatif et un cliché quand il s'agit de décrire une peau de femme. Un nom moins commun que blanc, une référence à la translucidité, laissant voir le réseau des veines en dessous, une allusion à l'antiquité, et la mode des bibelots et lampes en albùtre à l'époque font tout le charme de cette comparaison[3].
Notes et références
- (la) Acta Eruditorum, Leipzig, (lire en ligne), p. 41
- Marcel Proust, Ă la recherche du temps perdu : La PrisonniĂšre, , p. 284-285.
- Trésor de la langue française.
Voir aussi
Sources
- Extraits en partie de l'ouvrage de Cyprien-Prosper Brard, Minéralogie appliquée aux arts : section « Albùtres », t. 2, Paris, Levrault, , 491 p. (lire en ligne), p. 395-416