Architecture néo-classique en Belgique
L'architecture néoclassique apparaît en Belgique à l'époque des Pays-Bas autrichiens avec les œuvres des architectes Laurent-Benoît Dewez, Jean Faulte, Claude Fisco, Jean-Benoît-Vincent Barré, Barnabé Guimard, Charles De Wailly, Louis Montoyer...
Elle connaîtra en Belgique une longévité exceptionnelle, se perpétuant à travers la période française, le royaume uni des Pays-Bas, le règne de Léopold Ier, le règne de Léopold II et même le XXe siècle.
Origines de l'architecture néoclassique
Le néo-classicisme en architecture résulte du regain d'intérêt pour les formes architecturales de l'antiquité gréco-romaine suscité par les fouilles des sites de Pompéi et Herculanum au XVIIIe siècle.
Sa propagation en Europe fut favorisée par :
- les écrits de Johann Joachim Winckelmann qui peut être considéré comme le fondateur de l’histoire de l'art et de l’archéologie en tant que disciplines modernes;
- la pratique du « Grand Tour », un long voyage effectué par les jeunes gens des plus hautes classes de la société européenne qui eut pour effet de mettre en contact la haute société de l'Europe du Nord avec l’art antique;
- le séjour en Italie effectué par nombre de jeunes artistes et architectes.
Diffusion du style néoclassique dans les Pays-Bas autrichiens
La pénétration du style néoclassique dans les Pays-Bas autrichiens se fit à partir de 1759 sous le règne de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, durant le gouvernorat de son beau-frère Charles-Alexandre de Lorraine.
Cette diffusion fut notamment favorisée par le séjour effectué en Italie de 1754 à 1757 par l'architecte Laurent-Benoît Dewez, élève de l'architecte Luigi Vanvitelli. Le château de Seneffe, conçu en 1760 par Dewez pour l'homme d'affaires Julien Depestre, constitue, de par ses influences palladienne et française une œuvre annonçant le triomphe prochain du néoclassicisme sur le style rocaille également hérité de l'influence française[1].
La décision prise en 1774 par le gouverneur Charles-Alexandre de Lorraine de réaménager le site de l'ancien palais du Coudenberg, ravagé par un incendie en 1731 et laissé à l'état de ruines durant plus de quarante ans, donna une forte impulsion au développement de l'architecture néoclassique. En effet, la construction du quartier de la place Royale et du parc de Bruxelles fut confiée à deux architectes néoclassiques français, Jean-Benoît-Vincent Barré, qui donna les plans de la place Royale et de l'église Saint-Jacques-sur-Coudenberé et Barnabé Guimard. La place Royale de Reims réalisée en 1760 constitua alors la source d'inspiration principale pour la réalisation de son homologue bruxellois[1].
Le style thérésien
Si le style néoclassique est appelé « style Louis XVI » en France, celui qui s'est développé dans les Pays-Bas autrichiens est parfois appelé « style thérésien », en référence à l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche.
Phases
Dans les sections suivantes, les architectes sont classés en fonction du début de leur production architecturale néoclassique.
Nous renvoyons aux articles détaillés pour les sources et références.
PĂ©riode autrichienne (1759-1792)
- Église abbatiale d'Orval (1759-1782, détruite), abbaye d'Hélécine (1762-1780), abbaye de Gembloux (1762-1779), château de Seneffe (1763-1768), abbaye Saint-Martin de Tournai (1763), abbaye de Forest (1764), collégiale Sainte-Begge à Andenne (1764-1778), abbaye de Valduc à Hamme-Mille (1765, détruite), abbatiale de l'abbaye de Bonne-Espérance (1770-1776), intérieur de l'abbaye de Floreffe (1770-1775), quartiers abbatiaux de Saint-Trond (1770), abbaye d'Affligem (1770-1779, détruite), abbaye de Dieleghem (1775), église Saint-Pierre de Jette (1776), abbaye de Vlierbeek (1776)...
- 1760 Jean Faulte
- Chapelle palatine du palais de Charles de Lorraine (connue sous les noms de « chapelle royale » ou « église protestante de Bruxelles ») (1760)
- Palais de Charles de Lorraine (1760) (première aile, terminée par Laurent-Benoît Dewez à la mort de Faulte, la deuxième aile étant érigée par Nicolas Roget en 1825)
- Église du Saint-Sacrement à Liège (1766), Waux-hall de Spa (1769-1771), château de Hasselbrouck (1770), Hôtel de ville de Verviers (1775-1780), château de Beaumont (1775-1776)
- 1774 Claude Fisco
- Place des Martyrs (1774), place du Nouveau Marché au Grain (1787, avec R. Nivoy)
- Église abbatiale de l'abbaye de Cambron (1775-1780), Église de Grand-Leez à Gembloux (1776), église Saint-Pierre d'Uccle (1782), église de Neufchâteau-lez-Visé (1789)
- 1776 Jean-Benoît-Vincent Barré (architecte français)
- Plans de l'Ă©glise Saint-Jacques-sur-Coudenberg et de la place royale de Bruxelles (1776)
- 1776 Barnabé Guimard (architecte français)
- Façade de l'église Saint-Jacques-sur-Coudenberg sur des plans de Barré (1776-1787), ancien hôtel Bellevue, actuel musée BELvue (1776), place royale de Bruxelles sur des plans de Barré (1776-1781), hôtel de Ligne (1777), palais de la Nation (1778-1783), hôtel Errera (1779-1782)
- 1779 Charles De Wailly (architecte français)
- Petit théâtre du château de Seneffe (1779), château de Laeken (1782-1784), pavillon de chasse du château d'Ursel (pavillon dit « de Notelaer ») à Hingene (1791-1794)
- 1780 RĂ©my Nivoy
- 1780-1781 Ancien arsenal de Bruxelles
- 1787 place du Nouveau Marché au Grain (ensemble néoclassique attribué à Rémy Nivoy et Claude Fisco)
- 1782 Louis Montoyer
- Théâtre royal du Parc (1782), orangerie du château de Seneffe (1782), supervision des travaux de construction du château de Laeken, sur des plans de Charles de Wailly (1782-1784), ancien refuge de l'abbaye Sainte-Gertrude de Louvain, rue de la Loi 14 et 16 (1782-1784), ancien hôtel Walckiers, rue de la Loi 12 (1782-1784, actuel Hôtel des Finances), hôtels Bender, Belgiojoso et Walckiers (1783 -1786, embryons du palais royal de Bruxelles), chœur, nef et transept de l'église Saint-Jacques-sur-Coudenberg (1785-1786)
- Château de Duras à Saint-Trond (1786-1789)
- Anonyme
- Porche néoclassique de l'église Sainte-Marguerite de Tournai (entre 1779 et 1782)
Période française (1792-1815)
La période française étant une période de troubles et de guerres, on ne s'étonnera pas du peu de réalisations néoclassiques effectuées entre 1792 et 1815.
On peut cependant citer quelques architectes de cette Ă©poque, assez peu connus, il est vrai :
- Ghislain-Joseph Henry (déjà actif sous le régime autrichien)
- Orangerie et temple du domaine Burggraaf de Spoelbergh Ă Wespelaar (1798)
- 1791 L. Radelet
- Château de la Tour au Bois à Villers-le-Temple (1791)
- 1805 A. Dubois
- Château de Sélys-Longchamps à Waremme (1805)
- 1806 J.-F. Van Gierdegom
- RĂ©sidence du Gouverneur Ă Bruges (1806)
- 1807 Jacques-Jean Dutry
- Château Gavergracht à Drongen (1807)
Royaume uni des Pays-Bas (1815-1830)
En 1815, les Pays-Bas autrichiens furent unis par le congrès de Vienne aux anciennes Provinces-Unies pour former un nouvel État européen, le royaume uni des Pays-Bas (ou royaume des Belgiques, Regnum Belgicum).
Le roi Guillaume Ier para Bruxelles de certains de ses plus beaux édifices néoclassiques comme le palais des Académies, le théâtre de la Monnaie, le Jardin botanique, l'ancien observatoire royal de Bruxelles ou encore son propre Palais royal, précurseur du palais royal actuel.
- Ghislain-Joseph Henry (déjà actif sous les régimes autrichien et français)
- Regroupement des hôtels Bender et Belgiojoso (édifiés par Montoyer en 1785) pour créer le Palais royal de Guillaume Ier des Pays-Bas (1820)
- Palais des Académies et écuries royales de Bruxelles (projet 1815, travaux 1823-1825), transformation du palais de la Nation (1816-1818), Salle de bal du Waux-Hall (après 1820)
- (voir plus loin pour les édifices postérieurs à 1830)
- 1816 Louis Roelandt
- Aula Academica à Gand (1816-1825), Cercle libéral de Grammont (1817), tour néoclassique de l'abbaye de Ninove (1826-1844), aile sud de l'hôtel de ville d'Alost (1828-1830)
- (voir plus loin pour les édifices postérieurs à 1830)
- 1818 Louis Damesme (architecte français)
- Théâtre de la Monnaie (1818-1819) (édifice différent de l'actuel, dû à Poelaert),
- Plan des rues entourant le théâtre (plans 1817-1819) (dont la maison de Jacques-Louis David et les maisons voisines)
- 1824 Nicolas Roget (architecte français)
- Place des Barricades (1824), extension du palais de Charles de Lorraine (1825), ancien observatoire royal de Bruxelles (1826-1832, avec Auguste Payen)
- Achèvement du palais des Académies (1825-1828), plans du Jardin Botanique (1826, chantier dirigé par Pierre-François Gineste, puis repris par Suys en 1842)
- (voir plus loin pour les édifices postérieurs à 1830)
- 1825 Bruno Renard
- Grand-Hornu (1825)
- (voir plus loin pour les édifices postérieurs à 1830)
- 1826 Pierre Bruno Bourla
- Orangerie du jardin botanique d'Anvers (1826, démolie), théâtre royal français (dit « théâtre Bourla ») à Anvers (1827-1834)
- (voir plus loin pour les édifices postérieurs à 1830)
- 1827 Henri Partoes
- Grand Hospice (1827), plan du quartier du Béguinage (après 1827), orangerie du château de Belœil (1830)
Règne de Léopold Ier (1830-1865)
Frans Drossaert, 1836.
- Architectes déjà actifs à l'époque du royaume uni des Pays-Bas
- Opéra royal de Gand (1837-1840), salle de l'Académie de Saint-Trond (1845...)
- Maison de la Malibran (actuelle maison communale d'Ixelles, 1835)
- Plan du Quartier Léopold (1837), extension du jardin botanique (1842-1854), transformations de l'église Saint-Jacques-sur-Coudenberg (bas-côtés en 1843-1845, nouveau fronton de la façade et nouveau clocher en 1849-1851), église Saint-Joseph (1849), transformation du palais de la Nation (salle du Sénat 1847-1849)
- Place Saint-Pierre Ă Tournai (vers 1850)
- Pierre Bruno Bourla
- Musée et pavillon d'entrée de l'Académie des beaux-arts d'Anvers (1841)
- Nouveaux architectes
- 1835 Frans Drossaert
- HĂ´tel de ville de Tirlemont (1835-1836)
- 1836 Auguste Payen
- Ancien observatoire royal de Bruxelles (1826-1832, avec son maître Nicolas Roget), pavillons d'octroi de la Porte d'Anderlecht (1832), pavillons d'octroi de la porte de Ninove (1832-34), anciens pavillons d'octroi de la Porte de Namur (1836), Grande écluse de Bruxelles (1840), de nombreuses gares dont l'ancienne gare de Bruxelles-Midi (1864-1869)
- 1841 Louis Minard
- 1847 Gustave Hansotte
- Église Saints-Jean-et-Nicolas à Schaerbeek (avec J.P.J. Peeters, 1847-1850), Clinique Antoine Depage (1873), ancien Gouvernement Provincial de la Province de Brabant (1884)
- 1849 Joseph Poelaert
- Poelaert est un architecte éclectique qui compte cependant quelques réalisations néoclassiques à son actif :
- extension de la Place des barricades (1849), réédification du théâtre de la Monnaie à la suite d'un incendie (1855-1860)
- 1855 Émile Coulon
- De nombreuses églises néoclassiques parmi lesquelles : église Saint-Martin de Quenast (1855), église Saint-Barthélemy de Bousval (1857), église Saint-Michel de Monstreux à Nivelles (1859)
NĂ©o-classicisme Ă©clectisant (1865-1909)
Le roi Léopold II (1865-1909) fut un grand bâtisseur, qui couvrit le pays de bâtiments d'envergure destinés à asseoir le prestige de la monarchie.
Cependant, sous son règne, l'éclectisme, apparu avec Poelaert sous Léopold Ier, triomphe sous toutes ses formes : néoroman, néogothique, néorenaissance, néobaroque...
Le néo-classicisme sous Léopold II n'échappe pas à cette tendance et se teinte d'éclectisme. Certains édifices de cette époque, comme le Palais de la Bourse de Bruxelles ou le Palais de justice de Bruxelles, sont ouvertement éclectiques, d'autres, cités ci-dessous, peuvent être globalement considérés comme néoclassiques, sans être cependant exempts de cette surcharge décorative qui caractérise l'éclectisme.
On notera que les édifices commandités par Léopold II sont frappés de son monogramme, constitué de deux lettres L disposées symétriquement
- 1867 Henri Beyaert (architecte principalement Ă©clectique)
- Cité Fontainas (avec l'architecte Trappeniers, 1867), réédification de la Chambre (1883-1886)
- 1875 Gédéon Bordiau
- Plan du Quartier des Squares (1875), transformation du théâtre de la Monnaie (1876), palais du Cinquantenaire : colonnades (1880), halles nord et nord-est (1880, musée de l'armée et musée de l'air), halle sud-est ou « palais du Peuple » (1888, actuel musée Autoworld), agrandissement de la salle de séance du Sénat (1903)
- 1892 Charles Thirion
- Grand Théâtre de Verviers (1892)
- 1897 Albert-Philippe Aldophe
- 1902 Charles Girault (architecte français)
- Agrandissement du château de Laeken (1902), Arcades du Cinquantenaire (Arc de triomphe du Cinquantenaire, 1904), galeries royales d'Ostende (1905), musée royal de l'Afrique centrale à Tervueren (1905-1910)
- 1904 Henri Maquet
- Façade du palais royal de Bruxelles (1904), École royale militaire à Bruxelles (1907, avec Henri van Dievoet)
- 1907 G. Hano
- Aile droite du Palais Provincial (Bruxelles, rue du ChĂŞne, 1907)
NĂ©o-classicisme tardif (1910-1980)
Au XXe siècle, le néo-classicisme disparaît presque, balayé par les vagues novatrices de l'Art nouveau, de l'Art déco, du modernisme et du fonctionnalisme.
À Bruxelles, il ne doit sa survie qu'aux prescrits urbanistiques régissant la construction d'immeubles dans les environs du parc de Bruxelles, ainsi qu'à la volonté de préserver l'unité stylistique de ce quartier.
- 1920 Oscar Van de Voorde
- Belgische Bank van de Arbeid (1920, Gand, Voldersstraat no 1)
- 1930 Michel Polak
- Siège de la Compagnie d'entreprises électriques Electrobel (1929-1930, Bruxelles, place du Trône)
- 1950 André et Jean Polak
- Ensemble de bureaux « Royal Atrium » (1950-1959, rue Royale 60-68 à Bruxelles; pendant de l'hôtel de Ligne de Barnabé Guimard)
- Siège de la Société générale de Belgique (1966-1980, Bruxelles, rue Royale 20-40)
- 1972-1974 Christian et Jean-Pierre Housiaux
- Extension du siège de l'Union minière (1977, Bruxelles, extension située rue du Marais 21)
Architecture monumentale classicisante (1929-1959)
Durant l'entre-deux-guerres se développe dans de nombreux pays européens un type d'architecture officielle consistant en une variante monumentale de l'architecture néo-classique.
Les années 1930 étant celles des régimes totalitaires, ce style est souvent réduit à tort à l'architecture totalitaire (architecture stalinienne, architecture nazie, architecture fasciste italienne, architecture fasciste portugaise ou style portugais suave) alors qu'on le retrouve à la même époque dans les pays démocratiques comme la Belgique, la France (où l'exemple le plus illustre est le Palais de Chaillot sur la place du Trocadéro à Paris, face à la tour Eiffel), la Grande-Bretagne ou les États-Unis.
NB : nous donnons ici 1959 comme date de fin de l'architecture monumentale classicisante en Belgique et non 1969, car la dernière réalisation de ce style date de 1959, 1969 n'étant que la date de fin de l'énorme chantier de la Bibliothèque royale Albert Ier.
Postmodernisme (après 1980)
À la fin du XXe siècle, le néo-classicisme réapparaît sous une forme revisitée et épurée qui s'inscrit dans le courant du Postmodernisme.
Ce néo-classicisme postmoderne est fortement utilisé pour la construction de bureaux et de complexes de bureaux appelés « Office Parks ».
- 1989 Ricardo Bofill (architecte espagnol)
- 1989 José Vanden Bossche
- « Orion Center » (IWT), boulevard Bischoffsheim 21-25 (avec Fr.Schilling)
- « Goemaere » (« Thilly Van Eessel I »), chaussée de Wavre 1945 (1988-1998)
- Place communale d'Auderghem (1993-1994)
- 1994 Wolf et Conreur
- « Office Park Rozendal » (Terhulpsesteenweg 6, Albert I-laan 2, Hoeilaart)
- 1995 Jacques Cuisinier
- HĂ´tel MĂ©ridien (1995, Bruxelles, Carrefour de l'Europe, face Ă la gare centrale)
- 1996 « Roosevelt Office Park » (avenue Roosevelt 104 à Genval)
Articles connexes
Liens externes
Notes et références
- Rolf Toman, NĂ©oclassicisme et romantisme, Potsdam, h.f.ullmann, , p. 150
- La reconstruction de la collégiale Saint-Jean-en-l'isle de Liège, après 1754, est l'œuvre de l'architecte italien Gaetano Matteo Pisoni, même si Renoz s'est chargé de la mise en œuvre; qui plus est, la production de Pisoni n'est pas néo-classique, mais résulte plutôt d'un mélange de baroque et de classicisme : on ne peut donc pas faire remonter le début de la production néo-classique de Renoz à 1754.