Abbaye de Forest
L'abbaye de Forest fut fondée en 1106, au bord d’un ruisseau, à 5 km au sud de la ville de Bruxelles. Durant un siècle, la communauté a habité le prieuré en demeurant sous l’autorité de l’abbé d’Afflighem. En 1239, la première abbesse de Forest fut élue. Dames et jeunes filles des meilleures familles de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie se joignaient à la communauté, qui bénéficiait donc de donations et de dots permettant de faire des acquisitions. L’abbaye bénédictine fonctionnait alors comme une petite ville en autarcie.
Ancienne abbaye de Forest | |
L'ancien « bâtiment des hôtes » de l'abbaye, derrière lequel on voit le clocher de l'église Saint-Denis | |
Présentation | |
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Type | Prieuré de moniales nobles à partir de 1105, puis abbaye de moniales nobles à partir de 1239 |
Rattachement | Ordre de Saint-Benoît |
Début de la construction | 1105 |
Fin des travaux | Désaffectée en 1796 |
Protection | 1994 (monument historique) |
Géographie | |
Pays | Belgique |
Région | Région de Bruxelles-Capitale |
Ville | Forest |
Coordonnées | 50° 48′ 38″ nord, 4° 19′ 00″ est |
À partir de la fin du XVe siècle, les troubles ont commencé. Le conflit armé opposant Charles VIII, roi de France, et Maximilien d’Autriche a affecté l'abbaye, qui a connu ensuite une épidémie de peste et la famine. Les guerres de religion du XVIe siècle ont entraîné le départ des religieuses pour Bruxelles. Une centaine d'années plus tard, les conflits avec la France, sous le règne de Louis XIV, ont occasionné de nouvelles destructions.
Le XVIIIe siècle fut un siècle de renouveau. L’architecte choisi fut Laurent-Benoît Dewez, un spécialiste des grands ensembles architecturaux. En 1780, l’abbaye échappa aux mesures de Joseph II qui souhaitait supprimer les établissements religieux inutiles, car elle était engagée dans l’enseignement des jeunes filles. Mais à la suite de la Révolution française, elle fut supprimée et vendue.
Les bâtiments qui ont survécu au démantèlement forment aujourd’hui un centre culturel pour séminaires, banquets et expositions appartenant à la commune bruxelloise de Forest. L'abbaye et le site sont classés comme monument historique en 1994.
Origine et fondation
Sur un terrain offert par Gislebert d’Alost, l’abbé d’Afflighem Fulgence[1] fonde en 1105 une communauté de moniales bénédictines nobles, qui sont, en fait, des sœurs et épouses de nobles de la région partis en croisade. Gislebert lui-même leur confie sa mère Ode et sa sœur Lutgarde avant de partir en Terre sainte.
Le moutier est d'abord établi à Meerhem, puis transféré à Forest en 1106[2] - [3], au bord du ruisseau Geleytsbeek, affluent de la Senne, à 5 km au sud de la ville de Bruxelles, non loin du château d'Aa qui le protège.
Le village de Forest ne compte alors que quelques maisons au bord du Geleytsbeek, près d’une chapelle consacrée à sainte Alène et d’une petite église paroissiale de bois dédiée à Saint-Denis. La réputation de l'abbaye fut par la suite assurée en raison des miracles opérés par la relique de sainte Alène[1].
Histoire
Développement et prospérité
Les moniales bénédictines étant cloîtrées, les lieux de cultes doivent être séparés. Dès le milieu du XIIe siècle, une nouvelle église paroissiale est construite. Cette église est confirmée en 1182 par l'évêque de Cambrai, Roger de Wavrin[4]. Les moniales gardent ainsi l'ancienne église qui sera remplacée au XIVe siècle par une vaste abbatiale.
Pendant un siècle, jusqu'en 1238, la communauté reste sous l'autorité de l'abbé d'Affligem, en échange d'une once d'or versée à l'abbaye annuellement. Cet abbé veille au respect de la discipline religieuse et à la régularité de la vie monastique du prieuré de Forest. En 1239, la première abbesse de Forest est élue : Pétronille, fille d'un châtelain de Gand. L'abbaye dépend dès lors de l’évêque de Cambrai.
Dames et jeunes filles des meilleures familles de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie se joignent à la communauté. Diverses donations et dots permettent de faire des acquisitions qui augmentent le patrimoine du monastère, déjà important au XIIe siècle. Ainsi, en 1164, Gauthier, abbé de Saint-Winoc de Bergues vend au prieuré de Forest une terre située à Gammerages, et lui donne les églises de Gammerages et de Meerbeke. Ce don est ratifié deux années plus tard par Nicolas, évêque de Cambrai[5]. Au fil du temps, l'abbaye est à la tête de treize domaines et grandes fermes, certains étant même fort éloignés de Forest. Des travaux de drainage et canalisation permettent également une bonne exploitation des terres au bord de la Senne.
Le village de Forest se développe près de l'abbaye qui fonctionne comme une petite ville. Dès le XIIIe siècle, l'ensemble des bâtiments conventuels est achevé : salle capitulaire, bibliothèque, réfectoire, infirmerie, sacristie, cellier, hôtellerie.
Au XIVe siècle, une grande église abbatiale de 70 mètres de long remplace l'ancienne église Saint-Denis. Elle est terminée en 1447. À l'intérieur du mur d’enceinte de la propriété se trouvent d’autres constructions qui assurent l'autarcie de la communauté : boulangerie, écurie, moulin, ferme et granges, brasserie, etc. Tout un monde de domestiques, hommes et femmes y travaillent. Des œuvres de charité — nourriture aux indigents et soins de santé — sont également organisées à l'abbaye.
Siècles de tourmentes
Vers la fin du XIVe siècle les troubles commencent. En 1489-1490, le monastère est mis à mal lors du conflit armé qui oppose Charles VIII, roi de France, et Maximilien d’Autriche. Des misères s’ensuivent : épidémie de peste et famine.
Plus graves encore sont les guerres de religion du siècle suivant. En 1566, les moniales doivent se réfugier à Bruxelles. Leur abbaye est incendiée en 1582. Avec le retour des moniales un travail de restauration commence en 1589. Une centaine d’années plus tard, de 1684 à 1689, les conflits avec la France, sous le règne de Louis XIV, occasionnent de nouvelles destructions et un appauvrissement général de la région.
Reconstruction et fin…
Reconstruction
En 1764, un incendie accidentel détruit à nouveau une partie des bâtiments. C’est l’occasion pour l’abbesse de l’époque Marie-Joséphe de Bousies de Rouveroy de mettre en chantier les plans d’une toute nouvelle abbaye, comme beaucoup d’autres le font, d’ailleurs, durant ce siècle de renouveau. L’architecte choisi est Laurent-Benoît Dewez, un spécialiste des grands ensembles architecturaux. Le projet mis en chantier en 1764 — dans le style néoclassique en faveur à l’époque — est remarquable, mais cependant, tout ne sera pas achevé. C'est Charles-Alexandre de Lorraine qui précisément en pose la première pierre le .
Finalement, l’église abbatiale gothique et l’enclos monastique ne sont pas modifiés. Seuls, le bâtiment des hôtes avec sa cour d’honneur, et le portail d’entrée avec ses dépendances en semi-circonférence, sont réalisés. Les travaux se ralentissent à partir de 1770. Dewez passe la main à un successeur et disciple.
Politique de Joseph II
L’abbaye échappe aux mesures de Joseph II, en 1780, lequel, pour assainir les finances publiques et diminuer le poids de la dîme, fit supprimer dans tout l'empire les couvents dits "inutiles" ; en effet, l'abbaye était engagée dans l’enseignement des jeunes filles.
Révolution française
Selon Émile Poumon, la Révolution française aurait supprimé l'abbaye en 1790, entraînant la perte des droits juridiques que l'abbaye avait dans le village. Les moniales auraient été expulsés le en manifestant hautement leur mécontentemment.
Selon d'autres sources, les religieuses auraient fui en Allemagne emportant archives, reliques et la châsse de Sainte Alène, en , parce qu'elles craignaient l’arrivée des troupes révolutionnaires françaises. Il est indiqué par ailleurs, qu'après leur départ l’abbaye aurait été pillée par les Forestois eux-mêmes.
Un an plus tard, en 1795, les biens de l’abbaye sont confisqués et mis en vente. Certaines œuvres d’art sont sauvées : un polyptyque du XVIe siècle (scène de la vie de sainte Aline) et la grande croix romane (XIIe siècle) passent dans l’église voisine de Saint-Denis. La communauté est dissoute en 1796.
Aspect patrimonial
Un entrepreneur acquiert l’ensemble des bâtiments en 1797 et en organise le démantèlement systématique pour en faire du matériel de construction. Vers 1810, l’abbatiale et le cloître sont démolis. Seuls échappent à la démolition les bâtiments plus récents de Dewez. Les moniales reviennent d’Allemagne la même année et s’installent à Bruxelles où la dernière d’entre elles meurt en 1837.
À la dissolution de l'abbaye, les reliques de Sainte Alène retrouvent une place d’honneur dans l’église Saint-Denis, devenue paroissiale en 1823. Cette église est en style ogival primaire encore teinté de roman. Outre le tombeau de sainte Alène, de style typiquement roman, elle réunit quantité d'œuvres d'art.
- Vue d'ensemble de l'abbaye, en 2018
L’abbaye aujourd’hui
Non loin de l'église Saint-Denis de Forest (qui n'est donc pas l'ancienne abbatiale[6]) s'élève encore la porte d'entrée de l'abbaye (datée 1765). Ce portail se prolonge par des dépendances, disposées en hémicycle, de la même époque. Elles se terminent à gauche, par le château du baron de Decker où se trouvent de nombreux souvenirs de l'abbaye. Le parc Duden appartenait aux moniales. Les stalles abbatiales sont à Sainte-Gudule.
Ce qui reste de l’abbaye, c'est-à -dire les bâtiments des hôtes (dits ‘château’ et ‘prieuré’), portail, cour d’honneur et dépendances, est acquis par la commune de Forest en 1964. En 1968, une restauration complète en est faite. L’ensemble est aujourd’hui un centre culturel actif où sont organisés expositions, séminaires, banquets et réceptions diverses.
Produits
La bière Abbaye de Forest est une bière triple blonde de haute fermentation titrant 6,5 % de volume d'alcool. Elle est aujourd’hui produite par la brasserie de Silly selon le respect de la tradition initiée par les abbesses bénédictines et les brasseurs de l’abbaye.
Notes et références
- Joseph Delmelle, Abbaye et béguinages de belgique, Rossel Édition, Bruxelles, 1973, p. 53.
- Delmelle 1973, p. 53
- Poumon 1954, p. 80-81
- André Le Glay, Cameracum Christianum ou Histoire ecclésiastique du diocèse de Cambrai, Lille, 1849, p. 37.
- Stanislas Bormans, Joseph Halkin, Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Belgique, 10 volumes en 11 tomes, Bruxelles, 1866 à 1904, tome XI, 1re partie, année 1164 et 1166.
- Marc Meganck et Xavier Claes, Le patrimoine monastique en Région bruxelloise, Bruxelles, CFC Editions, , 168 p., p. 55-64
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Joseph Delmelle, Abbayes et béguinages de Belgique, Bruxelles, Rossel édition, coll. « Nouveaux guides de Belgique », .
- Alain Dierkens, « La réception des observances clunisiennes dans les abbayes de femmes au Moyen Âge. Le cas de l'abbaye de Forest (Bruxelles) vers 1100. », dans Jean-Paul Renard, Dominique Iogna-Prat, Denyse Riche, Josiane Teyssot (responsables), La place et le rôle des femmes dans l'histoire de Cluny : En hommage à Ermengarde de Blesle, mère de Guillaume le Pieux (actes du colloque de Blesle des 23 et 24 avril 2010), Éditions Créer, coll. « Histoire », , 308 p. (ISBN 978-2848194196, lire en ligne [PDF]), p. 195-216.
- Marc Meganck et Xavier Claes, Le patrimoine monastique en Région bruxelloise. Intégration dans la ville contemporaine, Bruxelles, CFC Editions, 2009, 168 p. 55-64
- Émile Poumon, Abbayes de Belgique, Bruxelles, Office de Publicité, , 127 p.
- André Le Glay, Cameracum Christianum ou Histoire ecclésiastique du diocèse de Cambrai, Lille, 1849, p. 37-38