Maillechort
Le maillechort est un alliage de cuivre, zinc, nickel et parfois plomb en très faible quantité, apprécié pour son aspect argenté ou son reflet blanc métallique, et pour cette raison parfois appelé argentan[1] ou alpaca[2].
Dénominations
Ce type d'alliage aurait été mis au point en France, entre 1819 et 1823, par les ouvriers métallurgistes lyonnais Maillot et Chorier (ou Chortier), ce qui explique ce nom composé par abréviation technique. Le brevet aurait été déposé le [3]. Le terme, peut-être mal orthographié en maillechorl, apparaît en 1829 déjà dans l'édition de l'année du Dictionnaire universel de langue française de Claude Boiste.
Il existait cependant déjà en Chine avant d'être imité en Allemagne sous le nom de Neu-Silber (littéralement « nouvel-argent »)[4], d'où le nom en anglais de german silver (« argent germanique »), désigné parfois comme étant du nickel silver, et qui n'a rien à voir avec l'argent métal. Un autre alliage comprenant du laiton et du nickel en d'autres proportions est appelé « melchior », du nom de son inventeur, le fabricant suisse Melchior Esslinger.
D'un point de vue strictement métallurgique, les maillechorts ou les argentans sont des laitons additionnés de nickel. La teneur minimale en nickel est de l'ordre de 5 %.
Compositions et propriétés caractéristiques
Composition chimique
Les teneurs globales en Ni et Zn doivent être inférieures à 36 % en masse pour obtenir un alliage homogène, sinon l'alliage est une solution solide :
- soit monophasée (malléable à froid, facilement transformable par laminage, emboutissage ou repoussage) ;
- soit biphasée (encore plus pauvre en cuivre, mais encore plus facilement usinable, et surtout filage à chaud, matriçage, etc.).
Les proportions respectives sont pour le Cu 45 % à 65 %, le Ni 5 % à 25 % et le Zn 20 % à 45 %.
Quelques alliages habituels sont : Cu63Zn28Ni9, Cu55Zn27Ni18, Cu46Zn45Ni9, Cu57Zn17Ni26.
Les maillechorts pouvaient ou peuvent encore contenir des quantités très faibles de plomb, d'étain ou de fer. À noter l'alliage au plomb, principal maillechort biphasé Cu46Zn10Ni42Pb2.
Proportions massiques de l'alliage : Cu 45 à 65 %, Ni 10 à 25 % et Zn 20 à 27 %[5].
Si la proportion de Cu dépasse 65 %, l'alliage prend une couleur dorée ; l'appellation maillechort devient alors abusive et il est préférable d'employer le terme laiton de nickel. Par exemple, la couronne des pièces de 1 euro et le centre des pièces de 2 euros ont une composition Cu75Zn20Ni5.
Désignation de l'alliage | Base cuivre | Cu63Zn28Ni9 | Cu57Zn17Ni26 | Cu55Zn27Ni18 | Cu46Zn45Ni9 | Cu46Zn10Ni42Pb2 |
---|---|---|---|---|---|---|
Proportion massique Cu | % Cu massique | 63,0 | 57,0 | 55,0 | 46,0 | 46,0 |
Proportion massique Zn | % Zn massique | 28,0 | 17,0 | 27,0 | 45,0 | 10,0 |
Proportion massique Ni | % Ni massique | 9,0 | 26,0 | 18,0 | 9,0 | 42,0 |
Proportion massique Pb | % Pb massique | traces | traces | traces | traces | 2,0 |
Proportion massique Ni+Zn | % Ni+Zn massique | 37,0 | 43,0 | 45,0 | 54,0 | 52,0 |
Caractéristiques techniques
Cet alliage blanc, dur, peu oxydable, à faible conductivité électrique, caractérisé en général par des teintes, possède en général une bonne usinabilité et soudabilité, il est surtout excellent pour le travail à froid.
Il est en général plus dur que l'argent tout en étant légèrement plus élastique. Le matériau argent a pourtant une meilleure résonance, pour garantir les notes de la flûte, mais le maillechort moins onéreux convient.
Gamme de propriétés :
- masse volumique : 8 600 kg m−3 à plus de 8 750 kg m−3 (densité : 8,6 à 8,8) ;
- point de fusion : 980 à 1 110 °C ;
- dureté Vickers : 75-190 ;
- résistivité : 2,5 à 3,1 × 10−7 Ω m.
Une pièce de monnaie en maillechort (tout au moins dans les alliages à moins de 25 % de nickel) n'est pas soulevée par un aimant ordinaire.
L'alliage des pièces de monnaie en maillechort de 10 et 25 centimes millésime 1939 est voisin de Cu63Zn28Ni9.
Normalisation
Norme française AFNOR
- NF A53-715 : Produits de fonderie - Pièces moulées en maillechort et nickel-cuivre - Spécifications
Utilisations
Ses applications les plus courantes sont les couverts et la vaisselle (base des assiettes et couverts argentés), l'instrumentation pratique, les rivets et pièces de visserie, les fermetures Éclair, les éléments optiques, des éléments de lunetterie, les instruments d'horlogerie et les instruments de mécanique de précision, les anciens fils de bobine de rhéostats, le plombage, etc., sans oublier les instruments de musique de la famille des cuivres et bois (saxophone, flûte traversière), ainsi que les guitares où ce matériau compose les frettes, et les pièces d'archèterie, la petite bijouterie, les bijoux fantaisie, les cœurs de crucifix, les mors dans la pratique de l'équitation, etc.
Cet alliage a également été utilisé dans l'industrie d'armement.
Numismatique : monnaie et médailles
Il est utilisé, en Autriche pour la frappe des 10 haller en 1915 et 1916. En France, on trouve des monnaies d'essai dès 1856[6] et il est utilisé pour des monnaies en circulation, pour la première fois en 1903 pour les pièces de 50 centimes et 1 franc Guadeloupe et dépendances, puis, de 1938 à 1940 pour la frappe des 5, 10 et 25 centimes « troués » type Lindauer, ainsi que certaines monnaies de nécessité. En Belgique, les pièces de 5, 10 et 25 centimes entre 1930 et 1939 sont aussi en maillechort[7].
L'actuelle monnaie mexicaine bimétallique de 10 pesos a son centre en ce métal, l'anneau extérieur étant en bronze d'aluminium.
Il existe également de nombreuses médailles en maillechort.
Le virenium est un alliage de type maillechort développé à partir de la fin des années 1970[8].
Industrie automobile
Les célèbres calandres des anciennes Rolls-Royce sont réalisées dans ce métal, qu'un chromage vient recouvrir.
Clés
En serrurerie, les clés sont généralement fabriquées en maillechort pour ses propriétés mécaniques permettant un travail précis et une bonne tenue à l'utilisation.
Orfèvrerie
La fabrication de couverts argentés l'utilise comme support de base, l'âme en maillechort étant visible lorsque l'argent de placage est usé et élimé, car l'oxydation en vert de gris toxique devient apparente. Selon le manuel Merck, un contact prolongé des alliages de cuivre avec des aliments ou des boissons acides (y compris le lait bouillant) peut lessiver le cuivre et provoquer une toxicité[9].
Modélisme
Il est utilisé notamment pour fabriquer des rails de trains miniatures, car il s'oxyde moins facilement que l'acier étamé (fer-blanc) ou zingué. Malgré une conductivité électrique inférieure, il réduit l'étincelage au contact des roues, lié à la résistivité de contact (elle dépend de l'oxydation superficielle).
En plaque fine, il permet la réalisation de pièces d'une grande précision par gravure chimique puis assemblage soudé en plusieurs couches pour créer des formes complexes en trois dimensions.
Facture instrumentale
Dans la manufacture d'instruments de musique, il est utilisé pour la confection de pièces à forte sollicitations et dont la durée de vie est prolongée par leur moindre usure. En particulier, les flûtes traversières métalliques sont généralement en maillechort ou en argent. Même lorsque le corps est en argent, il est rare que le clétage ne soit pas en maillechort. Ce métal fut aussi abondamment utilisé à partir de 1835 dans la fabrication d’archets.
Industrie de l'armement
Cet alliage est utilisé pour fabriquer tout ou partie des projectiles d'armes légères de petit calibre pour le Mannlicher hollandais ou le Mauser 98.
Notes et références
- Ou argenton, alliage de cuivre (60 %), zinc (20 %) et nickel (20 %)
- Ou alpacca, alliage de cuivre (60%), zinc (22%) et nickel (18%).
- Le maillechort sur le TLF
- Le nom alpaca est une marque déposée par Berndorf, industriel allemand, fabricant de couverts de luxe, de portes de wagons...
- Les maillechorts, sur cuivre.org.
- « Le Maillechort », sur Etna Mint, (consulté le )
- (nl) Peter Eyckmans et Frans Morin, Belgische Munten 1832-2012, Kapellen, Peter Eyckmans, www.huisalbert.be, , 335 p., p. 65-66.
- (en) « Virenium », notice du British Museum.
- Merck Manual of Diagnosis and Therapy, 17th ed., p. 56
Bibliographie
- Robert Lévêque et Guy Murry, Aide-mémoire Métallurgie (Métaux et alliages, comportements mécaniques, traitements thermiques), 3e éd., Dunod, 2015, 420 p. En particulier chap. 9 sur le cuivre et ses alliages.
Voir aussi
Articles connexes
- Alfénide
- Monel, alliage dur (en principe sans zinc) avec 2 Ni pour 1 Cu
- Cupronickel, autre alliage sans zinc mais avec une forte majorité de cuivre
- Tiers-argent