Théophraste
ThĂ©ophraste (en grec ancien ÎΔÏÏÏαÏÏÎżÏ / TheĂłphrastos) est un philosophe de la GrĂšce antique nĂ© vers Ă EresĂłs[1] (Lesbos) et mort vers [2] Ă AthĂšnes. ĂlĂšve dâAristote, il est le premier scholarque du LycĂ©e, de 322 Ă sa mort ; botaniste et naturaliste, polygraphe ou encore alchimiste.
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Selon ThĂ©ophraste, lâambition lĂ©gitime du savant est de parvenir, malgrĂ© les obstacles et les difficultĂ©s, Ă Ă©noncer les causes de ce quâil constate et analyse, Ă quoi il ne parvient quâen manifestant Ă l'Ă©gard des thĂ©ories gĂ©nĂ©rales une attitude critique qui le conduit Ă accumuler les observations, recourir Ă lâanalogie et construire de nouvelles hypothĂšses, si câest pertinent[3] ; lâaporie dans lâutilisation dâune thĂ©orie impose la recherche[4]. Il faut exhorter les hommes Ă acquĂ©rir plutĂŽt de la science qu'Ă compter sur les richesses. Il est typique de ThĂ©ophraste de retrouver plusieurs explications, et de tenter de distinguer les circonstances dans lesquelles elles ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es.
Lâimportance qu'il accorde Ă l'observation directe et Ă la description prĂ©cise et rigoureuse marque une rupture avec les auteurs qui, avant lui, avaient Ă©tudiĂ© les plantes. Pour ThĂ©ophraste, c'est l'apanage du savant de nâĂȘtre pas un Ă©tranger hors de sa patrie, de ne point manquer de personnes qui lâaiment aprĂšs avoir perdu ses amis, d'ĂȘtre citoyen dans toutes les villes du monde, de braver et de mĂ©priser les revers de la fortune.
Ăpicure et LĂ©ontion avaient tous, dâaprĂšs CicĂ©ron et Plutarque, Ă©crit un ouvrage intitulĂ© Contre ThĂ©ophraste[5] - [6] ; celui dâĂpicure comptait quatre livres. Le gĂ©ographe DicĂ©arque a adressĂ© certains de ses ouvrages, certaines de ses cartes et leurs explications Ă lâattention de ThĂ©ophraste.
Biographie
Fils du foulon MĂ©lantas[7], de Lesbos, il naquit le 5 de HĂ©catombeion dans la102e Olympiade, sous le nom de Tyrtamos (en grec ancien ΀ÏÏÏÎ±ÎŒÎżÏ)[8] ; câest Aristote qui le surnomma « ThĂ©ophrastos », littĂ©ralement « divin parleur ».
DiogĂšne LaĂ«rce affirme que ThĂ©ophraste a Ă©tĂ© disciple de Platon[9] - [10]. Selon lâhistorien de la philosophie et philologue Werner Jaeger, il est possible mais peu vraisemblable qu'il ait suivi les cours de Platon Ă AthĂšnes ; il est plus probable que, venant de Lesbos, il ait rejoint Aristote et dâautres membres de lâAcadĂ©mie Ă Assos, oĂč ce dernier sâĂ©tait installĂ© auprĂšs dâHermias en [11].
ThĂ©ophraste se lie dâamitiĂ© avec CallisthĂšne, Ă qui il dĂ©diera son CallisthĂšne. Dans son Ăźle natale, il combat la tyrannie locale et parvient, avec son compatriote Phidias, Ă en dĂ©barrasser ĂrĂšse[12] - [13] Câest probablement sous son influence quâAristote quitte Assos pour sâinstaller Ă MytilĂšne dans lâĂźle de Lesbos, oĂč il enseigne jusquâen 344/343[14].
LâĂ©cole pĂ©ripatĂ©ticienne, comme association lĂ©gale reconnue par la citĂ©, a Ă©tĂ© fondĂ©e non par Aristote qui Ă©tait mĂ©tĂšque, mais par ThĂ©ophraste, lequel, quoique mĂ©tĂšque lui aussi, parvint Ă obtenir de DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre une dĂ©rogation. C'est Ă ThĂ©ophraste qu'Aristote lĂ©gua ses biens dans un testament que lâon possĂšde encore[15]. LâĂ©cole devient alors une association cultuelle. AprĂšs la bataille de ChĂ©ronĂ©e, ThĂ©ophraste revient Ă AthĂšnes ; Aristote y a dĂ©jĂ ouvert son Ă©cole au LycĂ©e et ThĂ©ophraste y suit les cours de son ancien condisciple, Ă qui il succĂšde en lorsquâAristote part pour Chalcis[N 1].
En , le philosophe DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre gouverne AthĂšnes et concĂšde Ă ThĂ©ophraste, dont il fut lâĂ©lĂšve, le droit de possĂ©der des biens immobiliers, bien quâil fĂ»t mĂ©tĂšque comme son prĂ©dĂ©cesseur. ThĂ©ophraste achĂšte un jardin oĂč il organise lâĂ©cole aristotĂ©licienne sur le modĂšle de celle de Platon, fondation qui a pour but la concrĂ©tisation de la vie contemplative et spĂ©culative : outre un sanctuaire des Muses, le jardin comprend un grand portique avec des cartes gĂ©ographiques en pierre[16] et plusieurs salles de cours[17]. En [18], AthĂšnes est prise par DĂ©mĂ©trios PoliorcĂšte pendant prĂšs de trois ans[19], et la chute de DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre entraĂźne la persĂ©cution des philosophes : les Ă©coles de philosophie sont visĂ©es par une loi dâun certain Sophocle de Sounion[N 2] interdisant aux philosophes de tenir Ă©cole sans le consentement du peuple et de la BoulĂš, sous peine de mort. ThĂ©ophraste et tous les philosophes sâexilent volontairement[20]. Cette loi, dĂ©fendue par DĂ©mocharĂšs, le neveu de DĂ©mosthĂšne, est abrogĂ©e lâannĂ©e suivante Ă lâinitiative de Philon, ancien Ă©lĂšve dâAristote[21] : les philosophes reviennent Ă AthĂšnes et Sophocle doit payer une amende de cinq talents[22].
RappelĂ© et rĂ©tabli dans ses fonctions en , ThĂ©ophraste revient Ă AthĂšnes, oĂč il vit dĂšs lors, entourĂ© de nombreux disciples. Son Ćuvre considĂ©rable compterait, selon DiogĂšne LaĂ«rce (V, 50), 300 livres totalisant 232 850 lignes[23].
Mort
Ă sa mort, ThĂ©ophraste lĂšgue par testament le jardin de son Ă©cole en ces termes : « Je donne le jardin, la promenade et toutes les maisons attenantes au jardin Ă ceux, parmi les amis dont la liste suit, qui s'engagent Ă y Ă©tudier et philosopher ensemble de façon permanente â sachant bien qu'il n'est pas possible Ă tous les hommes d'avoir un sĂ©jour permanent â sans qu'aucun d'entre eux les aliĂšne ni se les approprie, mais comme si c'Ă©tait un temple qu'ils possĂ©daient en commun, et en se comportant dans leurs relations mutuelles Ă la façon de parents et d'amis, comme il est convenable et juste qu'ils le fassent. »[24] - [25]. Il se fait ensevelir dans un coin de ce jardin oĂč est Ă©levĂ© un monument funĂ©raire[16].
Disciples
Ă la tĂȘte du LycĂ©e, ThĂ©ophraste eut, selon la tradition, plus de deux mille Ă©lĂšves, parmi lesquels on peut mentionner Straton de Lampsaque, quâil choisit pour successeur ; AristoxĂšne de Tarente, qui alla jusquâĂ lâinsulter lorsque son maĂźtre lui prĂ©fĂ©ra Straton pour successeur; NĂ©lĂ©e de Scepsis, fils du disciple de Socrate Coriscos[26] ; Nicomaque, fils dâAristote ; ProclĂšs ainsi que DĂ©marate, dont la mĂšre est Pythias, la fille dâAristote. On mentionnera aussi les noms de MĂ©nandre et Bion de BorysthĂšne[N 3]. Par ailleurs, un de ses esclaves, du nom de Pompyle, devint un philosophe pĂ©ripatĂ©ticien distinguĂ©[27]. Il fut affranchi et fit partie des lĂ©gataires du testament de ThĂ©ophraste[28].
MĂ©nandre fondait ses comĂ©dies sur une caractĂ©rologie hĂ©ritĂ©e de ThĂ©ophraste[29]. Certains titres de MĂ©nandre correspondent aux CaractĂšres de ThĂ©ophraste : Apistos (Le MĂ©fiant)[30] ; Le Dyscolos (Le Bourru)[31]. Le poĂšte latin Virgile s'est Ă©galement inspirĂ© de ThĂ©ophraste[32], ainsi que de LucrĂšce[32]. Plutarque a Ă©crit que le philosophe stoĂŻcien ZĂ©non de Cition lui dit, devant la foule dâĂ©lĂšves de ThĂ©ophraste, que celui-ci avait « un chĆur plus nombreux que le sien, mais moins harmonieux »[33].
Personnalité de Théophraste
ThĂ©ophraste louait lâhospitalitĂ© ; Hermippe de Smyrne dit de lui qu'il se frottait d'huile et s'exerçait avant de donner cours, que lorsqu'il s'Ă©tait assis et avait commencĂ© Ă parler, il adaptait Ă ses discours tous ses mouvements, tous ses gestes[34] - [1].
Végétarisme
ThĂ©ophraste Ă©tait probablement vĂ©gĂ©tarien[35] - [36] de ThĂ©ophraste procĂšde de la pitiĂ© et d'une recherche de justice. Selon ThĂ©ophraste, si une oĂŻkĂ©iosis nous unit aux autres hommes, nous pensons qu'il faut punir, voire Ă©liminer, tous ceux que leur nature particuliĂšre pousse Ă nuire Ă ceux qu'ils rencontrent ; pareillement nous pensons avoir le droit de supprimer, parmi les animaux privĂ©s de raison, ceux qui nous semblent ĂȘtre par nature injustes et malfaisants, et ainsi poussĂ©s par leur nature pousse Ă nuire aux autres. ThĂ©ophraste relĂšve Ă©galement que certains animaux ne commettent pas dâinjustices, car leur nature ne les pousse pas Ă nuire, et ceux-lĂ , il juge injuste de les Ă©liminer et de les tuer, tout comme il est injuste de tuer des hommes qui sont comme eux. Cela semble rĂ©vĂ©ler quâil nây a pas quâune forme de droit entre nous et les autres animaux, puisque parmi ces derniers les uns sont nuisibles et malfaisants par nature, et les autres non â tout comme parmi les hommes[37].
Accusations
Il fut accusĂ© dâimpiĂ©tĂ© par le politicien AgnonidĂšs, membre du parti anti-macĂ©donien et sycophante, puis par Sophocle qui lui reprocha d'avoir dĂ©clarĂ© que « la vie est gouvernĂ©e par la fortune, non la sagesse »[N 4] ; mais le peuple d'AthĂšnes estimait tellement ThĂ©ophraste qu'il se retourna contre son accusateur. Devant l'ArĂ©opage, il ne parvint pourtant pas Ă se dĂ©fendre et demeura coi[38] : dâaprĂšs Claude Ălien, l'assemblĂ©e semblait lui ĂȘtre favorable, mais ThĂ©ophraste expliqua que l'auguste assemblĂ©e devant laquelle il se trouvait le troublait; Ă quoi DĂ©mocharĂšs lui rĂ©torqua : « ThĂ©ophraste, cette assemblĂ©e est composĂ©e dâAthĂ©niens, non des douze grands dieux »[39]. Dans son Ăloge de la Folie, Ărasme Ă©voque ce silence dans des circonstances aussi favorables.
Sur la fortune
Dans son CallisthĂšne, ThĂ©ophraste parle de la fortune, faisant rĂ©fĂ©rence au principe mĂ©taphysique de la tychĂ©, nĂ©cessitĂ© transcendantale qui oriente les Ă©vĂšnements dans le sens dâune finalitĂ© prĂ©dĂ©terminĂ©e[40]. Pour lui, la fortune est aveugle, incroyablement prompte Ă nous ĂŽter le fruit de notre peine et Ă bouleverser ce qui nous semble ĂȘtre la prospĂ©ritĂ©.
Rhétorique et théorie littéraire
ThĂ©ophraste a traitĂ© de rhĂ©torique dans PrĂ©ceptes de rhĂ©torique, Des enthymĂšmes, Des exemples, Sur les preuves non techniques et Sur lâaction oratoire[41]. Il a par ailleurs rĂ©digĂ© un traitĂ© Sur la Diction (en grec ancien, ΠΔÏ᜶ λÎΟΔÏÏ). Pour lui, l'art oratoire est l'Ă©lĂ©ment le plus important dont dispose un orateur pour persuader, et il rattache cette action oratoire aux premiers principes et mouvements de l'Ăąme ainsi qu'Ă la connaissance qu'on peut en avoir, de maniĂšre que le mouvement du corps et l'intonation de la voix soient en accord avec la science tout entiĂšre.
La relation aux choses sera au premier chef affaire du philosophe, qui dĂ©noncera le faux et manifestera le vrai. ThĂ©ophraste affirme quâun discours privĂ© de nombre roulerait indĂ©finiment comme un fleuve, et nâaurait pour le repos que des rĂšgles arbitraires, telles que la durĂ©e de la respiration ou les marques faites par un copiste.
En logique (car la rhĂ©torique est liĂ©e Ă elle), ThĂ©ophraste, avec EudĂšme de Rhodes, a montrĂ© quâune proposition nĂ©gative universelle pouvait ĂȘtre convertie en ses propres termes ; la proposition nĂ©gative universelle est appelĂ©e proposition universelle privative, et les deux philosphes font la dĂ©monstration suivante : supposons que A ne soit Ă aucun B ; sâil nâest Ă aucun B, il est sĂ©parĂ© de lui, donc B est aussi sĂ©parĂ© de tout A : par consĂ©quent, B nâest Ă aucun A. ThĂ©ophraste dit aussi que la proposition affirmative probable peut ĂȘtre convertie de la mĂȘme façon que toutes les autres propositions affirmatives. ThĂ©ophraste et EudĂšme de Rhodes relĂšvent que la proposition universelle affirmative elle-mĂȘme peut ĂȘtre convertie, comme on convertirait la proposition universelle affirmative et nĂ©cessaire.
Dans le Livre premier de ses PremiĂšres Analytiques, ThĂ©ophrase Ă©crit que la mineure dâun syllogisme est Ă©tablie soit par une induction, soit par une hypothĂšse, soit par une Ă©vidence, soit par des syllogismes. Aristote distinguait quatre espĂšces de propositions, universelles affirmatives et universelles nĂ©gatives, particuliĂšres affirmatives et particuliĂšres nĂ©gatives. Les propositions singuliĂšres rentrent dans les universelles, sont celles oĂč le sujet est un individu. ThĂ©ophraste appelait les propositions universelles, propositions indĂ©terminĂ©es, et les propositions particuliĂšres, propositions dĂ©terminĂ©es[42].
Si l'on revient Ă la rhĂ©torique, on peut dire que ThĂ©ophraste transmettait des prĂ©ceptes prĂ©cis. Il rejetait lâusage de la prĂ©misse particuliĂšre et rhĂ©torique lors des dĂ©monstrations scientifiques et rejetait lâĂ©noncĂ© qui ne comporte pas de dĂ©monstration, non seulement ferme et scientifique, mais qui ne va pas plus loin que la probabilitĂ© rhĂ©torique et sophistique[43]. La relation aux auditeurs intĂ©resse la poĂ©tique et la rhĂ©torique, dont la tĂąche est de choisir les mots les plus nobles, et non les mots communs ou vulgaires, puis de les assembler harmonieusement. Ainsi, grĂące Ă eux et Ă leurs qualitĂ©s intrinsĂšques (clartĂ©, saveur et d'autres catĂ©gories du style, mais aussi ampleur, concision, tout cela employĂ© Ă propos) les mots pourront plaire Ă lâauditeur, lâĂ©tonner, capter son attention, et il sera alors Ă se laisser persuader.
ThĂ©ophraste, dans son Sur la Diction, comprenait une doctrine des qualitĂ©s de style et une doctrine des genres. Il relĂšve quatre qualitĂ©s dans le style : la correction (áŒÎ»Î»Î·ÎœÎčÏÎŒÏÏ) ; la clartĂ© (ÏαÏÎźÎœÎ”Îčα) ; la convenance (ÏÎčΞαΜÏÏηÏ) ; et l'ornementation (ÎșÏÏÎŒÎżÏ / kĂłsmos, « ornement, monde ordonnĂ© » en grec ancien)[44].
Dans le TraitĂ© de la Diction, cette notion de ÎșÏÏÎŒÎżÏ est synthĂ©tique et correspond Ă un idĂ©al qui est personnel Ă ThĂ©ophraste, voisin de celui du discours Ă©pidictique ; elle associait lâharmonieux et lâagrĂ©able (ΟΎÏ) et la noblesse (ÎŒÎ”ÎłÎ±Î»ÎżÏÏΔÏÎÏ). Le thĂšme de lâouvrage Sur la Diction est le style : le terme prĂ©sent dans lâintitulĂ©, λÎΟÎčÏ, dĂ©signe chez Platon le sens du discours thĂ©orique, opposĂ© au style concret (ÏÏÎŹÎŸÎčÎœ). Selon CicĂ©ron, il sâopposait aux sophistes[45], et â toujours selon CicĂ©ron â voyait trois Ă©lĂ©ments contribuant Ă la grandeur, Ă la pompe et Ă lâĂ©clat du style : le choix des mots, lâharmonie quâils produisent et les tournures qui renferment les pensĂ©es[46].
Ă cela, ThĂ©ophraste ajoute encore un Ă©clat doux et continu ; il insiste davantage sur la nĂ©cessitĂ© du rythme. Il excuse l'emploi de figures de style de l'art oratoire lorsqu'elles servent Ă adoucir les hardiesses. LâĂ©cole de Socrate avait adoptĂ© une maniĂšre dâargumenter qui procĂšde par induction ; ThĂ©ophraste donnait la prĂ©fĂ©rence Ă lâĂ©pichĂ©rĂšme ; il a Ă©galement utilisĂ© la pĂ©riphrase, une des rĂšgles de biensĂ©ance de lâenthymĂšme. Dans son ouvrage De la nature des dieux, CicĂ©ron qualifie dâattique le style de ThĂ©ophraste, et Aristote fait rĂ©fĂ©rence Ă ThĂ©ophraste dans ses Leçons sur la politique, dans le genre de ThĂ©ophraste. En mĂ©trique, Aristote et ThĂ©ophraste sâaccordent sur le pĂ©an, expliquant que les syllabes longues conviennent mieux Ă une fin de pĂ©riode. Selon Aristote et ThĂ©ophraste, le discours ne doit pas couler sans cesse, et il faut le contenir et le rĂ©gler, non sur la durĂ©e de la respiration, ni sur la ponctuation du copiste, mais sur les lois du nombre : c'est aussi parce quâun style pĂ©riodique et bien liĂ© a beaucoup plus de force quâun style dĂ©cousu. La fonction du discours est double, comme lâa dĂ©fini ThĂ©ophraste : dâun cĂŽtĂ© elle est en relation avec les auditeurs Ă qui on fait connaĂźtre quelque chose, dâun autre elle a une relation aux choses dont le locuteur se propose de persuader les auditeurs, celle qui regarde les auditeurs pour qui elle prend sens et celle qui regarde la matiĂšre exposĂ©e par lâorateur une fois quâil a exhortĂ© ses auditeurs ; câest de la fonction qui regarde les auditeurs que relĂšvent la poĂ©tique et la rhĂ©torique[47]. ThĂ©ophraste nâexprime pas dâopinion de rencontre, fait lâapplication dâune doctrine suivie et cohĂ©rente ; le principe de ThĂ©ophraste est que la casuistique est toute lâharmonie dâune prose Ă©lĂ©gante et soignĂ©e. Selon ThĂ©ophraste, une opinion est une dĂ©claration concernant ce quâil faut faire. Les opinions peuvent ĂȘtre paradoxales, consensuelles ou douteuses. Entre autres concepts, l'áœÏÏÎșÏÎčÏÎčÏ, la « dĂ©clamation ou dĂ©bit thĂ©Ăątral » est un abus de gestes quand on prononce un discours.
Théorie littéraire
Denys dâHalicarnasse dans son traitĂ© Sur la force du style de DĂ©mosthĂšne (en grec ancien (ΠΔÏ᜶ ÏáżÏ λΔÎșÏÎčÎșáżÏ ÎÎ·ÎŒÎżÏΞÎÎœÎżÏ Ï ÎŽÎ”ÎčÎœÏÏηÏÎżÏ), Ă©crit que la façon dâĂ©crire de lâorateur DĂ©mosthĂšne - enveloppant les pensĂ©es et les exprimant dâune maniĂšre concise, tout Ă fait appropriĂ©e et nĂ©cessaire aux dĂ©bats judiciaires ainsi quâĂ tout discours visant la vĂ©ritĂ© - est inspirĂ©e de celle de Thrasymaque de ChalcĂ©doine, selon ThĂ©ophraste[48].
ThĂ©ophraste compte trois sortes dâantithĂšses :
- lâon oppose Ă la mĂȘme chose des choses contraires ;
- lâon oppose les mĂȘmes choses Ă une chose contraire ;
- lâon oppose des choses contraires Ă dâautres qui le sont aussi : car ce sont les divers rapports qui peuvent se prĂ©senter. Lâopposition des mots Ă peu prĂšs synonymes est un jeu puĂ©ril, qui ne doit point trouver place dans un sujet grave. Quand il faut sâoccuper des choses, il y a de lâinconvenance Ă jouer sur les mots et Ă dĂ©truire les vives Ă©motions par les paroles ; câest refroidir lâauditeur.
Dialectique
ThĂ©ophraste dit quâun lieu diffĂšre dâun prĂ©cepte ; un prĂ©cepte est quelque chose de plus simple, de plus commun et de plus gĂ©nĂ©ral, Ă partir duquel on tire le lieu. Car le prĂ©cepte est la source du lieu comme le lieu est le principe du raisonnement. Ce qui est dit relatif est relatif Ă ce qui le contient[49]. Selon lui, ce dont quelque chose est la partie appartient Ă ce dernier, comme la proportion, lâaspect, la structure. Par contre, la mĂ©moire, le sommeil, lâentendement nâappartiennent pas aux non-animĂ©s, pas plus que le mouvement de lâun nâappartient Ă lâautre. Câest pourquoi ces Ă©lĂ©ments doivent ĂȘtre dĂ©finis relativement Ă chaque chose.
On ne peut concevoir les thĂ©ories dâun philosophe, a fortiori un pĂ©ripatĂ©ticien, qui dĂ©crit les dĂ©tails de la dĂ©finition aprĂšs celle-ci, Ă lâinstar de Phanias, sans en donner quelques exemples contraires. Aristote envisage ainsi le lieu comme « premiĂšre limite de lâenveloppant »[50]. Ă cela, ThĂ©ophraste oppose que le corps est dans une surface, que le lieu est en mouvement ; les fixes, dont dĂ©pend la nature du lieu, ne seront pas en un lieu, et donc aucun corps ne se trouvera en un lieu ; si les sphĂšres sont rassemblĂ©es, le ciel tout en entier ne se trouvera en un lieu non plus ; et mĂȘme si les choses qui se trouvent en un lieu ne se dĂ©placent pas, elles ne seront plus dans le mĂȘme lieu si ce qui les enveloppe leur est supprimĂ©.
Des Topiques, Aristote Ă©tablit quatre classes de problĂšmes :
- le facteur, la condition (áœÏÏÏ) ;
- le genre (ÎłÎÎœÎżÏ) ;
- lâaccident (ÏÏ ÎŒÎČΔÎČηÎșÏÏ) ;
- le propre (ÏÏáœžÏ áŒ°ÎŽÎčÏÎœ).
Théophraste les réduit à deux, dans lesquelles il inclut le genre et le propre :
Selon ThĂ©ophraste, la raillerie est « le reproche dâune faute commise, reproche prĂ©sentĂ© dâune maniĂšre figurĂ©e : ce qui fait que de lui-mĂȘme lâauditeur supplĂ©e, par ses conjectures, Ă ce qui manque, comme sâil le savait et y ajoutait foi[53]. » Il est important de diffĂ©rencier raillerie et ironie socratique (ΔጰÏÏÎœÎ”ÎŻÎ±) : ThĂ©ophraste y fait clairement rĂ©fĂ©rence dans le traitĂ© Les CaractĂšres en la diffĂ©renciant de la raillerie, Ï᜞ ÏÎșáż¶ÎŒÎŒÎ±, par sa dĂ©finition[53].
Poésie
ThĂ©ophraste fit des recherches sur les rythmes de la prose[54] ; il conseille la lecture des poĂštes, parce quâelle rend de grands services Ă lâorateur. Pour ThĂ©ophraste, lâharmonie dâune prose Ă©lĂ©gante et soignĂ©e doit avoir de la libertĂ© et de lâabandon. Selon lui, ce fut des mesures qui composent le vers hĂ©roĂŻque que se forma lâanapeste, qui a plus dâĂ©tendue, et qui donna naissance au dithyrambe, ce genre si libre et si riche, dont les dĂ©bris se retrouvent dans toute composition oratoire abondante et harmonieuse[55]. Par ailleurs, il a confirmĂ© les propos dâAristophane qui insinue Ă de nombreuses reprises dans ses piĂšces quâEuripide est de basse extraction.
Logique
Ă lâinstar de son contemporain et condisciple EudĂšme de Rhodes, ThĂ©ophraste a Ă©tudiĂ© la relation entre les mĂ©canismes du syllogisme, plutĂŽt que la relation des concepts qui les composent[56]. L'un de ses objectifs fut de travailler lâargumentation en faveur de parties opposĂ©es au moyen dâopinions communes. Les opinions peuvent ĂȘtre paradoxales, consensuelles ou douteuses. Posant comme problĂšmes gĂ©nĂ©raux la diffĂ©rence et lâidentitĂ©, il subordonne les problĂšmes des identitĂ©s aux problĂšmes gĂ©nĂ©raux, tout comme ceux des diffĂ©rences. Toutes choses en effet sont connues soit de façon gĂ©nĂ©rale, soit de façon particuliĂšre : ThĂ©ophraste en fait mention dans son livre Des Moyens de savoir, comme lorsquâil sâagit de concevoir que dans tout triangle, les trois angles sont Ă©gaux Ă deux angles droits. ThĂ©ophraste a aussi fait ainsi mention de lâindĂ©fini dans son livre Sur lâAffirmation : il appelle « indĂ©finie » la chose qui relĂšve dâun genre et celle qui est autre ; la chose qui relĂšve dâun genre parce quâelle est vraie si lâensemble lâest ou si une partie lâest, lâautre non ; lâĂ©lĂ©ment autre parce que celui-ci est pareillement vrai si lâune et lâautre le sont et que lui seul est autre. Il appelle « dĂ©finie » la voie qui conduit aux choses particuliĂšres, « indĂ©finie » celle qui conduit aux parties. Il oppose dâautre part Ă celle qui est simplement gĂ©nĂ©rale celle qui concerne les choses particuliĂšres, et Ă celle qui est gĂ©nĂ©rale en tant que gĂ©nĂ©rale celle qui concerne les parties.
La nature du lieu
Selon ThĂ©ophraste, les lieux communs ne sont que des lois formelles composĂ©es uniquement de constantes logiques. Platon dĂ©finit le lieu comme une « puissance qui rassemble les corps » ; ThĂ©ophraste a critiquĂ© le concept platonicien de la nature du lieu, expliquĂ© et commentĂ© les apories du concept, qui identifiait le concept de lieu et dâInfini avec celui du Grand et du Petit, respectivement. Les lieux sont des principes de la dialectique, et ThĂ©ophraste leur donne le nom dâaxiomes du raisonnement probable, mot qui dĂ©finit le principe, vĂ©ritĂ©s abstraites qui sâappliquent Ă tout. ThĂ©ophraste dit quâun lieu diffĂšre dâun prĂ©cepte ; dĂ©finissant le prĂ©cepte comme « proposition plus commune, quelque chose de plus simple, plus universelle et plus simplement exprimĂ©e dâoĂč on tire le lieu », il le distingue du lieu dans son sens propre. Le prĂ©cepte est lâorigine du lieu, comme le lieu est le principe du raisonnement. ThĂ©ophraste dit notamment que les notions platoniciennes de Lieu et dâInfini dĂ©rivent seulement du principe matĂ©riel. Câest lâensemble des notions sur la nature du lieu qui constitue lâespace ; le lieu est dĂ©terminĂ©, dĂ©fini, dans son acception gĂ©nĂ©rale, sa comprĂ©hension, et indĂ©terminĂ©, indĂ©fini, quant Ă ses applications, aux singuliers qu'il contient. Selon ThĂ©ophraste, lâespace est le simple arrangement de la position des corps, et le lieu un « principe universel ou Ă©lĂ©ment dâoĂč nous tirons les principes particuliers[57] de chacun de nos raisonnements ». ThĂ©ophraste dĂ©finit le lieu comme Ă©tant un principe ou un Ă©lĂ©ment dâoĂč nous tirons les principes qui se rapportent Ă chaque chose. Le lieu est dĂ©terminĂ© dans son acception gĂ©nĂ©rale â car soit il comprend les choses communes et gĂ©nĂ©rales qui sont la caractĂ©ristique des syllogismes, soit ces mĂȘmes choses peuvent Ă partir de ces syllogismes ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©es et apprĂ©hendĂ©es. Mais le lieu est indĂ©terminĂ© pour ce qui sâapplique Ă chaque chose en particulier car, Ă partir de lĂ , il est possible de parvenir Ă un axiome du raisonnement probable relatif Ă ce quâon se propose de rechercher ; câest ce qui dĂ©finit le principe. Car le prĂ©cepte est la source du lieu comme le lieu est le principe du raisonnement.
Les modes concluants
Sachant quâil existe quatre classes de propositions (A, E, I et O) et quâun syllogisme se compose de trois propositions, et que le moyen terme dessine quatre figures[58], il existe donc 43 Ă 4 = 256 modes. De ces 256, seuls 24 sont valides â six par figure â ils sont alors dits « concluants », mais seuls dix-neuf sont en gĂ©nĂ©ral retenus, et ceci depuis ThĂ©ophraste.
Philosophie
MĂ©taphysique
Les historiens ont dâabord attribuĂ© ce mot et ce titre au commentateur pĂ©ripatĂ©ticien Andronicos de Rhodes, mais on le trouve dans un fragment de ThĂ©ophraste sur la philosophie premiĂšre ; il faut peut-ĂȘtre trouver lâorigine du mot chez un disciple immĂ©diat dâAristote. DiogĂšne LaĂ«rce ne mentionne pas La MĂ©taphysique dans son catalogue des ouvrages de ThĂ©ophraste. Ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s neuf fragments autour du thĂšme de la mĂ©taphysique : ThĂ©ophraste Ă©lĂšve une objection Ă la thĂ©orie platonicienne du premier moteur, Ă laquelle adhĂ©raient encore certains aristotĂ©liciens. Le terme de mĂ©taphysique nâest jamais employĂ© dans les quatorze livres publiĂ©s sous ce titre. Aristote emploie le terme de « philosophie premiĂšre », science des causes premiĂšres, des premiers principes et de la finalitĂ© de tout ce-qui-est en tant quâil est. ThĂ©ophraste souligne la difficultĂ© de considĂ©rer le principe premier comme cause nĂ©cessaire pour expliquer le mouvement, rapportĂ© Ă la nature mĂȘme du rĂ©el. Sâil nâexistait que le premier moteur, toutes les autres sphĂšres devraient suivre la mĂȘme voie que celle des Ă©toiles fixes : « En effet, ou bien le moteur est unique, et alors il est Ă©trange que tous les corps nâaient pas le mĂȘme mouvement ; ou bien le moteur est diffĂ©rent pour chaque corps en mouvement et les principes du mouvement sont multiples, mais alors leur harmonie dans leur marche vers le dĂ©sir le meilleur (en grec ancien áœÏΔΟÎčÏ áŒÏÎŻÏÏη) nâapparaĂźt plus du tout. Et la question du nombre des sphĂšres exige une discussion plus complĂšte de son fondement, car lâexplication des astronomes nâest pas satisfaisante »[59].
ThĂ©ophraste souligne ainsi la difficultĂ© inhĂ©rente aux concepts aristotĂ©liciens de dĂ©sir (áœÏΔΟÎčÏ) et de tendance (áŒÏΔÏÎčÏ) ; il critique Ă©galement le fait que la terre soit exclue du mouvement circulaire, ce qui, dâaprĂšs lui, suppose ou bien que la force du premier moteur ne parvient pas jusquâĂ elle, ou bien que la terre ne peut se mouvoir de maniĂšre circulaire ; dans tous les cas cette question, Ă son avis, dĂ©passe nos capacitĂ©s. ThĂ©ophraste contredit Aristote qui veut que le monde soit animĂ© et attirĂ© vers la perfection ; selon ThĂ©ophraste, pour qu'il y ait dĂ©sir, il faut une Ăąme, que l'on ait affaire Ă des ĂȘtres animĂ©s, hors Aristote n'a pas donnĂ© d'Ăąme au monde. Cet ouvrage fait Ă©cho Ă la nouvelle doctrine examinĂ©e par Aristote dans sa vieillesse[60].
Il paraĂźt vain Ă ThĂ©ophraste de vouloir rechercher la raison de toutes choses : lâimportance accordĂ©e Ă la finalitĂ© et la dĂ©marche tĂ©lĂ©ologique lui semblent suspectes. Il reproche prĂ©cisĂ©ment Ă Platon de vouloir trouver la cause de toutes choses, de nâavoir pas dĂ©terminĂ© le caractĂšre de lâeau et celui de lâair[61]. Selon ThĂ©ophraste, le principe est Ă la fois association et, pour ainsi dire, union intime entre eux des Ă©lĂ©ments intelligibles et des Ă©lĂ©ments physiques. « Deux principes Ă©tant donnĂ©s, leur connaissance est fonction de leur dĂ©veloppement. Si en effet le chaud ou le froid deviennent plus importants, lâidĂ©e quâon en aura sera diffĂ©rente » (ÎÏ ÎżáżÎœ áœÎœÏÎżÎčÎœ ÏÏÎżÎčÏΔίοÎčÎœ, ÎșαÏᜰ Ï᜞ áœÏÎÏÎČαλλÏÎœ áŒÏÏÎčÎœ áŒĄ ÎłÎœáż¶ÏÎčÏ. áŒáœ°Îœ Îłáœ°Ï áœÏΔÏαίÏáż Ï᜞ ΞΔÏΌ᜞Μ áŒą Ï᜞ ÏÏ ÏÏ᜞Μ áŒÎ»Î»Î·Îœ ÎłÎŻÎœÎ”ÏΞαÎč ÏᜎΜ ÎŽÎčÎ±ÎœÎżÎŻÎ±Îœ)[62]. ThĂ©ophraste mentionne cela dans son livre Des Moyens de savoir, par exemple quand il sâagit de concevoir que dans tout triangle, les trois angles sont Ă©gaux Ă deux angles droits. Toutes choses en effet sont connues soit de façon gĂ©nĂ©rale, soit de façon particuliĂšre. DâaprĂšs Plotin dans les EnnĂ©ades, lâintelligence en puissance contemple les formes selon ThĂ©ophraste et « la science achĂšve la nature de lâintellect ».
Ăthique
En matiĂšre dâĂ©thique, ThĂ©ophraste met lâamitiĂ©, mĂȘme si elle est rare, au-dessus de tout sentiment de charitĂ© . Quand elle naĂźt, il faut avoir confiance ; avant quâelle naisse, il faut ĂȘtre sur ses gardes. Lâamour est la passion des Ăąmes dĂ©sĆuvrĂ©es, une maladie de lâĂąme oisive, lâexcĂšs dâun dĂ©sir dĂ©raisonnable qui connaĂźt une apparition rapide, mais une guĂ©rison lente. DâaprĂšs son ouvrage Sur les Passions, il n'y a pas une diffĂ©rence de degrĂ© entre rancĆur, ressentiment et colĂšre diffĂšrent mais d'espĂšce. Selon ThĂ©ophraste, on doit accepter un lĂ©ger dĂ©shonneur si la vie ou la rĂ©putation dâun ami en dĂ©pend, et il ne faut pas attendre dâavoir donnĂ© de lâaffection pour se faire juge, et retirer cette affection une fois que lâon a jugĂ© ; il est permis de se dĂ©partir lĂ©gĂšrement de la justice en faveur de l'amitiĂ©. ThĂ©ophraste a Ă©crit que « lâerreur est dans lâaction et non dans le jugement », et considĂšre dĂ©sireux de nuire, comme « pervers » tel qui pense lors d'un litige « que ce n'est pas l'homme, mais l'affaire qu'il faut juger »[63].
Le bonheur dĂ©pend dâinfluences externes et de la vertu. Pour lui, sans la vertu, les biens extĂ©rieurs nâont aucune valeur ; mais il se montrait peu rigide et permettait Ă lâhomme de sâĂ©carter des rĂšgles morales pour acquĂ©rir un grand bien ou pour lui Ă©viter un grand mal[64]. Si, comme lâĂ©crit Platon, entre amis tout est commun, il faut que nous soient communs les amis de nos amis. DâaprĂšs ThĂ©ophraste, Platon[65] tend Ă identifier lâIdĂ©e du Bien avec le dieu suprĂȘme. Le bien est la valeur normative de la morale, avec comme opposĂ© le mal. ThĂ©ophraste, dâaprĂšs EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e[66], trĂšs critique envers les sacrifices comme Ă©tant des souffrances affligĂ©es Ă des ĂȘtres vivants, cite les trois raisons dâoffrir un sacrifice aux dieux : « rendre hommage, remercier pour un bienfait, obtenir une faveur »[67]. Puisquâil soutenait contre Aristote que les animaux sont capables de raisonnement, il les considĂ©rait comme supĂ©rieurs aux plantes, et selon lui il nâĂ©tait donc pas Ă©thique de manger de la viande ; selon Ălisabeth de Fontenay, lâabstinence de ThĂ©ophraste procĂšde de la pitiĂ© et de la justice. Selon lâavis de ThĂ©ophraste, il ne faut sacrifier que ce sur quoi les thĂ©ologiens sont dâaccord, moins nous aurons de soin de nous dĂ©gager de nos passions, plus nous dĂ©pendrons des mauvaises puissances, et plus il sera nĂ©cessaire de leur sacrifier pour les apaiser ; on sacrifie aux dieux avec lâintention de leur prouver le respect que lâon a envers eux, ou pour leur exprimer sa reconnaissance, ou enfin dans le but dâobtenir dâeux les biens dont on a besoin.
ThĂ©ophraste rejeta avec vigueur les correspondances entre plantes et animaux quâavait Ă©tablies Aristote, soulignant quâenlever aux animaux la raison ou lâentendement signifie les priver des sens, ce qui semble ridicule, puisque cela revient Ă les priver de la sensibilitĂ©, qui les dĂ©finit. Les animaux, dâaprĂšs ThĂ©ophraste, peuvent raisonner, sentir et ressentir de la mĂȘme maniĂšre que les ĂȘtres humains[68] - [N 5]. ThĂ©ophraste prĂ©sente lâorphisme de façon critique : les adeptes de lâorphisme, disciples initiĂ©s, sont montrĂ©s comme des gyrovagues vendant des purifications Ă un public crĂ©dule et avide de garanties spirituelles Ă bon compte, des individus qui vivant Ă©loignĂ©s des citĂ©s, sont considĂ©rĂ©s comme des purificateurs.
Histoire
Origine des sacrifices
Théophraste a traité des sacrifices de chaque pays et fait voir que dans les temps anciens on offrait aux dieux que des fruits et des plantes. Il explique l'histoire des libations, notant que les plus anciennes n'étaient que de l'eau : ce liquide fut le premier dans la liturgie sacrificielle, suivi bientÎt par des céréales et graines sacrificielles[69]. Par aprÚs, on offrit du miel, puis de l'huile, et en dernier lieu du vin. Théophraste pense que le cannibalisme et le sacrifice humain apparurent avec le nomadisme. Il affirme également que l'eusébie (piété) ne consiste pas à offrir de somptueux sacrifices mais à témoigné à la divinité le respect qui lui est dû.
Le judaĂŻsme
ThĂ©ophraste a voulu montrer que les juifs recevaient des instructions et des rĂ©vĂ©lations divines ; il leur attribuait des coutumes d'immolation des victimes qui leur Ă©taient Ă©trangers. Aristote et ThĂ©ophraste partagent un philosĂ©mitisme reconnu, une ouverture aux Ă©trangers rare chez les Grecs : « ThĂ©ophraste parle des Juifs [âŠ] comme des philosophes par naissance, en trouvant dans la loi juive une sorte de correspondance aux Lois de Platon » (Livre XII)[70] - [71]. Porphyre de Tyr relĂšve[67] que
« Les Juifs qui habitent en Syrie immolent encore aujourd'hui, dit ThĂ©ophraste dans son TraitĂ© de l'Abstinence, de la mĂȘme maniĂšre que cela a Ă©tĂ© pratiquĂ© dĂšs le principe. Si on nous enjoignait de nous conformer Ă leur rite, nous renoncerions Ă lâusage des sacrifices ; car sans se nourrir des viandes immolĂ©es, ils passent la nuit entiĂšre Ă les consumer complĂštement, en faisant dâabondantes libations de miel et de vin sur les victimes, ayant soin de les rĂ©duire en cendres au plus vite, pour que l'astre qui voit tout, ne dĂ©couvre rien de cette fĂ©rocitĂ©. Les jours qui prĂ©cĂšdent et suivent cet acte religieux, sont consacrĂ©s par le jeĂ»ne et pendant tout ce temps ce peuple Ă©minemment philosophe n'a pas d'autre entretien que sur le dieu. Pendant la nuit ils observent les astres, et Ă force de les Ă©tudier ils entendent des voix divines. Ce sont eux qui, les premiers, forcĂ©s par la nĂ©cessitĂ© et non pour satisfaire leurs passions, se sont immolĂ©s eux-mĂȘmes avant d'immoler d'autres animaux »
En l'occurrence, il se trompe quant Ă la relation des juifs aux sacrifices humains et aux observations astrales.
Idées diverses
ThĂ©ophraste note que les puits furent dĂ©couverts par Danaos, venu d'Ăgypte dans cette partie de la GrĂšce qui s'appelait auparavant « Argos sans Eau »[72]. Quant aux carriĂšres, c'est Cadmos, qui les dĂ©couvrit, Ă ThĂšbes ou, dâaprĂšs ThĂ©ophraste, en PhĂ©nicie ; les tours ont Ă©tĂ© inventĂ©es par les Cyclopes d'aprĂšs Aristote, par les Tirynthiens d'aprĂšs ThĂ©ophraste[73].
Il pense que câest sous lâimpulsion dâHĂ©rodote et Thucydide que lâon sâest mis Ă Ă©crire lâhistoire dans un style plus Ă©lĂ©gant[74] - [1]. Par ailleurs, on doit Ă ThĂ©ophraste la premiĂšre histoire de la philosophie[75].
Timée de Tauroménion reproche à Aristote et Théophraste d'avoir donné une présentation erronée des lois et des coutumes des deux nations locriennes[76] - [77].
Théophraste contredit Héraclide du Pont au sujet de la loi de Dracon qui condamnait à mort toute personne déclarée oisive[N 6] : le premier dit que c'est une loi de Solon, et que Pisistrate l'a imitée et généralisée ; le second prétend que c'est une loi de Solon qui avait déjà été appliquée[78].
Musique
Si la tradition veut que c'est la dĂ©esse RhĂ©a qui a inventĂ© la danse, ThĂ©ophraste affirme que câest AndrĂŽn de Catane qui le premier sâavisa d'accompagner les sons de sa flĂ»te de mouvements de son corps qui marquaient une espĂšce de cadence[79] - [80]. D'autre part, dans son traitĂ© De lâEnthousiasme, ThĂ©ophraste dit « que la musique peut guĂ©rir des maladies ; la sciatique, si lâon joue sur le mode phrygien pour enchanter le mal, et que pendant ce temps-lĂ les malades ne sentent plus leur douleur. Ce mode a eu ce nom des Phrygiens qui lâont inventĂ© et lâont mis les premiers en usage »[80].
Concernant la nature du son musical, il pense que la diffĂ©rence entre graves et aigus consiste dans la qualitĂ© et non dans la quantitĂ© ; cette qualitĂ© ne peut ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e en nombre. Il Ă©tablit par ailleurs que les trois sources de la musique sont la douleur, le plaisir, et lâinspiration divine, et que chacune de ces trois causes modifie la voix et la fait dĂ©vier de ses inflexions habituelles.
LĂ©gislation
ThĂ©ophraste a traitĂ© Ă plusieurs reprises des lois et de lĂ©gislation[71]. Selon lui, les affaires ne se font pas en vue des lois ; il insiste sur la nĂ©cessitĂ© pour les parties dâopĂ©rer en pleine possession de leur raison ; ce sont au contraire les lois qui se font en vue des affaires[81]. Il critique de la mĂȘme façon ceux qui aiment le pouvoir pour la puissance et la richesse qui lui sont attachĂ©es, et ceux qui entendent juger les accusĂ©s selon lâaffaire qui les implique et non la personne quâils sont[82]. Dans son TraitĂ© des lois, ThĂ©ophraste dit quâil y a Ă AthĂšnes deux sortes d'autels de justice : les autels de la « Vengeance » et ceux de lâ« Injure », qui sont en fait des pierres sans taille faisant office de tribunes devant lâArĂ©opage. Lâautel du poursuivant sâappelait la « pierre de lâanĂ©die » (en grec ancien áŒÎœÎ±ÎčΎΔία), câest-Ă -dire celle de la vengeance inflexible, qui refuse de recevoir le prix du sang (en grec ancien αጰΎΔáżÏΞαÎč). Celle de lâaccusĂ© sâappelait la « pierre de lâhybris » (hybris, en grec ancien áœÎČÏÎčÏ) c'est-Ă -dire de lâorgueil qui pousse au crime[83]. Platon, Aristote, ThĂ©ophraste et DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre, auteur dâun TraitĂ© sur la lĂ©gislation athĂ©nienne, ont tous traitĂ© de lĂ©gislation. StobĂ©e rapporte une loi de ThourioĂŻ sur lâingĂ©rence du voisinage lors dâaliĂ©nation fonciĂšre et une autre dâEnos sur les droits du propriĂ©taire issues du TraitĂ© des lois.
Ă ThourioĂŻ, lors de contrat dâaliĂ©nation fonciĂšre, le vendeur et lâacheteur sont obligĂ©s de donner Ă trois des plus proches voisins une petite piĂšce de monnaie en mĂ©moire et tĂ©moignage du contrat. Les trois voisins sont lĂ©galement responsables sâils refusent de recevoir une piĂšce de monnaie dâun contrat auquel ils sont personnellement Ă©trangers, sâils le reçoivent deux fois du mĂȘme vendeur, et sâils refusent dâattester le droit de lâacheteur aprĂšs lâavoir reçue.
Ă Enos, celui qui devient propriĂ©taire dâune maison doit sacrifier sur lâautel dâApollon du quartier ; celui qui achĂšte un fonds de terre doit sacrifier dans le quartier oĂč il a son domicile et jurer devant le magistrat chargĂ© de lâinscription et trois habitants du quartier, quâil a achetĂ© loyalement. Le vendeur doit Ă©galement jurer quâil vend sans dol. Ă dĂ©faut de ces formalitĂ©s, le magistrat refuse lâinscription.
Sciences
Météorologie
En [N 7], ThĂ©ophraste publie Des Signes du temps (du grec ÏηΌΔáżÎżÎœ, sĂ©mĂ©ion, « signe [prĂ©curseur], marque distinctive »), premier ouvrage de prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques en Europe, dans lequel il parle entre autres de ClĂ©ostrate de TĂ©nĂ©dos[84] : Au sujet de la qualitĂ© de lâair et de lâatmosphĂšre sur les hauteurs : câest pourquoi quelques bons astronomes sâĂ©tablirent dans certains lieux, tels MatricĂ©tas de MĂ©thymne sur le LĂ©pĂ©tymnos, montagne de lâĂźle de Lesbos, ClĂ©ostrate de TĂ©nĂ©dos sur lâIda, et PhaĂ©nos dâAthĂšnes sur le Lycabette[N 8] - [85] ; voit les mĂ©tĂ©ores comme des signes de vent[86], et dans son traitĂ© Sur le feu, pense que c'est le choc des nuages contre les montagnes qui gĂ©nĂšre la pluie.
Cosmologie
Dans ses AcadĂ©miques[87], CicĂ©ron Ă©crit dâaprĂšs ThĂ©ophraste que câest lâastronome HicĂ©tas qui a dĂ©couvert le mouvement de rotation de la Terre sur son axe[88] : il soutint que la voĂ»te cĂ©leste est fixe, et que seule la Terre est en mouvement et tourne autour de son axe ; ce mouvement explique selon lui lâillusion du mouvement de tous les astres[89]. ThĂ©ophraste nomme « causes premiĂšres » les astres et les signes cĂ©lestes[90]. Il ne prend pas lâastrologie au sĂ©rieux, et dĂ©nonce lâart de prĂ©visions sur la vie et la mort dâautrui[91]. CicĂ©ron, qui pourtant loue souvent ThĂ©ophraste et le surnomme « le plus Ă©lĂ©gant et le plus instruit de tous les philosophes » au Livre V de ses Tusculanes, considĂšre qu'il est dâune inconsĂ©quence insupportable lorsque tantĂŽt il attribue Ă lâintelligence le premier rang parmi les ĂȘtres divins, tantĂŽt câest le ciel qui est la divinitĂ© suprĂȘme, puis les constellations en zodiaque et les astres[92].
Il regarde la Voie lactĂ©e comme le point de suture des deux hĂ©misphĂšres qui rĂ©unit et forme la sphĂšre cĂ©leste ; lĂ oĂč les hĂ©misphĂšres se rejoignent, elle est plus brillante qu'ailleurs[93].
ThĂ©ophraste accorde parfois le caractĂšre divin au systĂšme astronomique et aux cieux, ainsi qu'Ă lâintelligence.
Chimie
Dans son traitĂ© Du Feu (en grec ancien ΠΔÏ᜶ ÏÏ ÏÏÏ), en partie conservĂ©, ThĂ©ophraste indique que le feu est le plus subtil des corps premiers « et qu'il possĂšde une puissance spĂ©cifique », en effet il s'engendre parfois par force, se dĂ©truit lui mĂȘme, et surtout, contrairement aux autres corps Ă©lĂ©mentaires, il nĂ©cessite un « substrat ou nourriture » pour exister et croĂźtre. Il Ă©crit quâ« qu'il n'est pas irrationnel de croire que la flamme est entretenue par un souffle ou un corps aĂ©riforme ». Il s'interroge ensuite sur le feu spĂ©cifique du Soleil, qui serait une sorte de chaleur pure de la premiĂšre sphĂšre[94].
Son traité renferme aussi des discussions sur le froid et l'humidité, sur la chaleur et la sécheresse, empruntées la plupart à la doctrine d'Aristote[95].
ThĂ©ophraste parle de spĂ©cificitĂ©s des Ă©tablissements de bains au IVe siĂšcle av. J.-C. : les ÎČαλαΜΔáżÎ± semblent plus chauds au nord quâau sud, en hiver quâen Ă©tĂ©. Selon le chimiste allemand Lippmann, le mĂ©decin et mathĂ©maticien grec du Ve siĂšcle av. J.-C. Hippocrate de Chios et ThĂ©ophraste sont les premiers Ă dĂ©crire la technique du bain-marie[96].
Dans son TraitĂ© des eaux, ThĂ©ophraste Ă©tudie les eaux du Nil, quâil dit trĂšs douces et trĂšs utiles Ă la gĂ©nĂ©ration, mais qui lĂąchent le ventre, parce quâelles sont imprĂ©gnĂ©es de nitre[97].
Physique
Des fragments de ThĂ©ophraste sont conservĂ©s chez Simplicios de Cilicie, dans son ouvrage Physique[98]. Le Destin est la propre nature de chaque homme et de chaque chose, la cause de tout ce qui arrive naturellement : le systĂšme physique de l'univers[99]. ThĂ©ophraste affirme contre Platon que lâunivers est engendrĂ© et exprime ainsi des objections, mais il laisse entendre parallĂšlement que câest peut-ĂȘtre par Ă©vidence quâil pose comme principe quâil est engendrĂ©.
La nature du mouvement
Selon ThĂ©ophraste, le temps est un accident du mouvement, lui-mĂȘme est une consĂ©quence nĂ©cessaire de toute activitĂ© ; il semble douter que tout changement se produit dans le temps. LĂ oĂč Aristote place le mouvement, il dit que ce qui est mĂ» a primordialement fini de changer, parce quâun premier changement a Ă©tĂ© effectuĂ© et accompli, niant le principe temporel comme faisant partie du mouvement[100]. ThĂ©ophraste souligne quâil y a lĂ un paradoxe : si le dĂ©but est divisible Ă lâinfini, et la fin indivisible, il faut les distinguer comme parties du mouvement, et comme instantanĂ©s. Platon avait dĂ©fini le temps comme « mouvement du soleil, sa course »[101]. Selon le platonicien HestiĂ©e de PĂ©rinthe, le temps est « le mouvement des astres les uns par rapport aux autres »[102].
Platon, parlant de la quantitĂ© du mouvement, a posĂ© comme principe que le temps est insĂ©parable du mouvement ; ThĂ©ophraste, au contraire, dit quâil ne lui est pas nĂ©cessairement attachĂ©. La rĂ©alitĂ© qui a une nature de forme comprend quâil y a une certaine position et un certain ordre par rapport Ă la totalitĂ© de la substance. Le mouvement appartient Ă lâessence de la chose, Ă tous les degrĂ©s ontologiques[103]. ThĂ©ophraste dit dans son traitĂ© Des Vertiges que les choses faites pour ĂȘtre remuĂ©es gardent leur cohĂ©sion du fait de leur mouvement mĂȘme. ThĂ©ophraste pense que Platon affirme que câest le temps qui anime et fait tourner lâunivers.
Minéralogie
Fondateur de la minĂ©ralogie, ThĂ©ophraste est lâauteur du traitĂ© Sur les Pierres[104], qui a jetĂ© les bases de la classification scientifique des pierres, leur origine, propriĂ©tĂ©s physiques, magiques et pouvoir curatif. Il Ă©tablit pour les pierres une classification en trois classes minĂ©rales : les terres, roches et mĂ©taux. Cependant, fidĂšle Ă la vision physique antique des quatre Ă©lĂ©ments (terre, eau, air, feu), il Ă©tablit ensuite une subdivision en deux sous-groupes des pierres selon l'Ă©lĂ©ment prĂ©pondĂ©rant, terre et eau, prĂ©pondĂ©rant en chacune d'elles[105]. Il pense que dans les mĂ©taux l'Ă©lĂ©ment liquide est principal, Ă l'inverse des roches qui ont comme Ă©lĂ©ment prĂ©pondĂ©rant la terre. Puis, il essaye de diffĂ©rencier chaque type de roches selon des propriĂ©tĂ©s spĂ©cifiques telles que la couleur, la duretĂ©, le poids et la rĂ©sistance Ă un agent extĂ©rieur (le feu, le chocâŠ)[106].
La fin de son traitĂ© consiste en de multiples informations sur la provenance et la qualitĂ© des roches, ainsi que la description de leur extraction (le lignite, par exemple) et leur usage artisanal. Ainsi, il prĂ©cise quâon se sert du fer pour tailler et polir les pierres prĂ©cieuses. Il distingue lâazur naturel de lâazur artificiel, qui se fabrique particuliĂšrement en Ăgypte.
Botanique
La spĂ©cialitĂ© de ThĂ©ophraste Ă©tait lâĂ©tude des sciences naturelles et plus particuliĂšrement celle des plantes. Il est mĂȘme le fondateur de la botanique en tant qu'Ă©tude des plantes en elles-mĂȘmes et non pour leur utilitĂ©. Il est aussi Ă lâorigine de la diffĂ©renciation thĂ©orique entre le rĂšgne animal et le rĂšgne vĂ©gĂ©tal, distinction qui permit la naissance dâune vĂ©ritable nouvelle discipline Ă part entiĂšre, possĂ©dant ses propres mĂ©thode et vocabulaire : la botanique.
On lui doit en particulier deux ouvrages, l'Histoire des plantes[107] et Des causes des plantes[108] - [N 9] qui traitent de la morphologie et de la classification des vĂ©gĂ©taux. Une part importante de ces livres est consacrĂ©e Ă un inventaire raisonnĂ© des plantes, et Ă la prĂ©sentation d'informations concernant lâinfluence du milieu sur leur dĂ©veloppement, sur leur mode de reproduction[109] et sur leur utilitĂ©[110].
Un grand nombre dâobservations personnelles ou vĂ©rifiĂ©es par la suite impliquent lâemploi d'une mĂȘme mĂ©thode. Par exemple, ThĂ©ophraste distingue les plantes dâaprĂšs leurs parties, leurs accidents, leur naissance, leurs maniĂšres de vivre, leurs usages. Dans Histoire des plantes et Causes des plantes, on trouve les prĂ©mices de la description du systĂšme sexuel, il explique les diffĂ©rences dâaprĂšs les principes dâAristote: dans les deux ouvrages, on trouve lâaffirmation, implicite et explicite, que la nature est soumise Ă des lois rĂ©guliĂšres.
ThĂ©ophraste a crĂ©Ă© un vocabulaire spĂ©cifique qui permet de dĂ©crire les diffĂ©rentes parties dâune plante. Il ajoute ses observations personnelles aux connaissances des auteurs plus anciens et contemporains. Il Ă©voque aussi des espĂšces Ă©trangĂšres, importĂ©es aprĂšs les conquĂȘtes dâAlexandre le Grand ou quâil a reçues dâĂgypte, et qu'il les classe en quatre groupes : les arbres (« dendron »[111]) ; les arbustes (« thamnos »[112]) ; les sous-arbrisseaux (« phruganon »[113]) ; les herbes (« poa »[114] câest-Ă -dire les vĂ©gĂ©taux non-ligneux).
Conscient de lâaspect arbitraire de ce systĂšme et convenant quâune plante pouvait appartenir Ă plusieurs groupes, ThĂ©ophraste se fonde sur le fait que les plantes ont une croissance indĂ©terminĂ©e pour Ă©tablir leur singularitĂ©[115].
Il tente d'élucider la nature matérielle des plantes selon la théorie des quatre éléments connus dans la physique antique et illustré par Empédocle, en indiquant que notamment que le bois se compose de terre et d'air, raison pour laquelle le bois est combustible et non liquéfiable. Ces phénomÚnes se rattachent aux effets des causes contraires, car tout corps que le froid et le sec coagule est nécessairement liquéfié par le chaud et l'humide[116]
Dans le rĂšgne vĂ©gĂ©tal, ThĂ©ophraste reconnaĂźt le rĂŽle du sexe dans la reproduction de certaines plantes supĂ©rieures, une dĂ©couverte qui a Ă©tĂ© perdue dans les Ă©poques postĂ©rieures[117] - [118]. Ainsi c'est sans doute ThĂ©ophraste qui, le premier, distingue les angiospermes des gymnospermes (plantes Ă graines et fleurs). Au livre VI dâHistoires des plantes, il signale la floraison prĂ©coce de lâanĂ©mone dite « des prairies »[119], ainsi que du glaĂŻeul[120]. En revanche, il mentionne une fĂ©condation possible de maniĂšre artificielle des palmiers, qui remonte Ă la plus haute AntiquitĂ©[121].
Exemples d'informations et indication d'espĂšces botaniques
Théophraste classe les champignons en quatre grands types : les champignons poussant sous terre appelés « hydnon » (comme les truffes); ceux en forme de coupe, comme les pézizes; de forme arrondie, comme les vesses-de loup; et les champignons qu'il appelle « mykÚs »[122], catégorie qui englobe tous les champignons à chapeau et à pied .
On lui doit aussi :
- la racine du nom en grec de la plaquemine[123] - [124] et la famille de ce fruit vient de Théophraste ;
- ThĂ©ophraste, en parlant du sĂ©neçon commun, remarque que lâerigeron fleurit presque toute l'annĂ©e et que c'est une plante potagĂšre peu estimĂ©e[125] ;
- le premier dans lâHistoire, il dĂ©cline les quatre sortes de laitue cultivĂ©e ;
- il dĂ©crit des arbustes Ă©pineux que l'on pense ĂȘtre des lyciums ;
- ThĂ©ophraste rapporte que les hĂȘtres, dont les troncs mesuraient une trentaine de mĂštres, constituaient Ă eux seuls la quille d'un navire tyrrhĂ©nien ;
- dans ses Recherches sur les plantes, ThĂ©ophraste dĂ©nomme Strychnos manicos une plante qui pourrait bien ĂȘtre le datura stramoine ou stramoine officinal[N 10] ;
- des pommes : il décrit six variétés, dont la pomme appelée « de Perse ou de Médie » ;
- lâortie est citĂ©e par ThĂ©ophraste parmi les plantes comestibles aprĂšs cuisson[126] ;
- des roses : il décrit une variété à nombreux pétales cultivée dans les jardins, forme de rosa canina ;
- Théophraste est le premier à mentionner l'orpiment et la sandaraque ;
- l'Ă©pithĂšte spĂ©cifique thapsus a Ă©tĂ© empruntĂ©e Ă ThĂ©ophraste (en grec ancien ΞΏÏÎżÏ)[127], qui l'employait pour dĂ©signer une herbe non spĂ©cifiĂ©e de la ville grecque antique de Thapsos, prĂšs de la Syracuse actuelle en Sicile[128] - [127], bien qu'elle soit souvent assimilĂ©e Ă Thapsos, ancienne ville de Tunisie)[129]. Dans le genre Verbascum, l'espĂšce est classĂ©e dans la section Bothrosperma subsect. Fasciculata[130].
Informations erronées ou plus ou moins excentriques
Ă cĂŽtĂ© de ces observations trĂšs pertinentes - connaissant maintenant les composĂ©s actifs de la plante - on trouve dans les textes dâautres considĂ©rations trĂšs dĂ©concertantes pour un homme moderne.
Par exemple, ThĂ©ophraste rapporte, avec un certain scepticisme, les indications de droguistes et d'arracheurs de racines, selon qui lors de la cueillette de la mandragore, il faut « circonscrire la mandragore par trois fois avec une Ă©pĂ©e et [âŠ] la couper en regardant le couchant », tandis que « le second opĂ©rateur danse en rond autour d'elle et prononce le plus possible de paroles Ă©rotiques »[131] - [132].
Il pensait que les truffes étaient des végétaux engendrés par les pluies d'automne accompagnées de coups de tonnerre[133] : réfuté par Amigues.
- Théophraste prend le tubercule pour un fruit[134].
- Théophraste se trompe en pensant qu'une herbacée comme Malva sylvestris se transforme en une plante à haute tige comme Althaea rosea[135].
- La rouille dĂ©truit la farine dans le grain, et ThĂ©ophraste lâa dĂ©finie comme une pourriture[136] - [137].
Le monde animal
FidÚle aux travaux d'Aristote, il poursuit l'étude du vivant en publiant une série de traités techniques sur les animaux[138], dont certains fragments subsistent dans des écrits d'auteurs postérieurs[139].
- Sur les animaux qui mordent ou qui frappent
- Sur les animaux marins qui s'attardent hors de l'eau
- Sur les animaux qui changent de couleurs
- Sur les animaux qui hibernent.
Priscien, dans la question IX de son ouvrage, reprend parfois textuellement ou dans l'esprit les éléments concernant les reptiles fournis par Théophraste dans son traité sur les animaux qui mordent[140].
Dans son traitĂ© des animaux qui changent de couleurs il prend comme illustration de son propos le camĂ©lĂ©on : « l'animal emprunte toutes les couleurs sauf le blanc et le rouge, et il ne prend pas seulement les couleurs des choses sur lesquelles il se trouve, mais tout seul il change de couleur si quelquâun le touche »[141]. ThĂ©ophraste pensait que le phĂ©nomĂšne de changement de couleur du camĂ©lĂ©on â quâil appelle mĂ©tamorphose â vient de ce qu'il a le corps rempli d'air : comme les poumons occupent toute la place ou presque, l'air prĂ©domine et facilite son changement de couleur[142].
Biologie
Dans Sur les Sensations, ThĂ©ophraste affirme que ce qui possĂšde la mĂȘme tempĂ©rature que notre chair ne produit pas de sensations. ThĂ©ophraste dit que l'organe sensoriel, pour certains sens en tout cas, semble ĂȘtre du mĂȘme genre que les sensibles : la langue les saveurs par l'humide, lou'ĂŻe par l'air en mouvement ; il se demande si l'ouĂŻe et le goĂ»t sont les deux seuls cas de similaires, ce qu'il en est des autres sens, utilisant le mot « transaudible » pour l'ouĂŻe, et « transodorant » pour nommer le pouvoir commun Ă l'eau et l'air en tant que transporteurs d'odeurs.
ThĂ©ophraste Ă propos dâAlcmĂ©on de Crotone
Selon ThĂ©ophraste â dâaccord avec son maĂźtre Aristote â les sens sont lâorigine et la source de toute connaissance. AlcmĂ©on de Crotone serait le premier Ă dĂ©terminer ce qui diffĂ©rencie les animaux et les hommes : « Lâhomme est le seul Ă disposer de la conscience, alors que les autres ont des sensations sans avoir la conscience ». ThĂ©ophraste est d'accord avec AlcmĂ©on de Crotone « Ce qui distingue lâhomme des autres animaux, c'est quâil est le seul Ă disposer de la conscience, alors que les autres ont des sensations sans avoir la conscience »[143]. Aristote dĂ©clarait que les animaux se plaçaient loin en dessous des humains dans la chaĂźne des ĂȘtres, Ă cause de leur prĂ©tendue irrationalitĂ© et parce qu'ils n'auraient pas d'intĂ©rĂȘt propre. ThĂ©ophraste exprima son dĂ©saccord, se positionnant contre la consommation de viande en allĂ©guant qu'elle privait les animaux de leur vie, et qu'elle Ă©tait donc injuste. Les animaux, selon ThĂ©ophraste, peuvent raisonner, sentir, et ressentir de la mĂȘme maniĂšre que les ĂȘtres humains[144] ; ils sont dotĂ©s de raisonnement. Cet avis ne prĂ©valut pas, et c'est la position d'Aristote â selon laquelle les humains et les non-humains vivaient dans des rĂšgnes moraux diffĂ©rents parce que les uns Ă©taient douĂ©s de raison et non les autres â qui persista largement jusqu'aux contestations de certains philosophes dans les annĂ©es 1970. Sur le rĂšgne animal, dans son ĂpitomĂ© zoologique[145], Aristophane de Byzance commente ThĂ©ophraste : « Les animaux qui piquent occasionnent une douleur qui nâest pas due Ă une substance injectĂ©e par leur dard mais Ă la finesse de leur dard ; câest pourquoi les animaux qui ont des dents trĂšs fines produisent eux aussi une douleur particuliĂšrement vive »[146]. ThĂ©ophraste accorde aux animaux une vie psychologique, et dit des animaux quâils ont une pensĂ©e infĂ©rieure Ă celle de lâhomme. Concernant la thĂ©orie de la gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e, ThĂ©ophraste admet une gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e chez les plantes et une gĂ©nĂ©ration normale, par les graines - celles-ci parviennent selon lui plus rapidement Ă terme[147].
Exemples discutés ou erronés de théories scientifiques de Théophraste
- ThĂ©ophraste dit les scilles maritimes apotropaĂŻques dans Histoire des plantes[148]. Dans Les CaractĂšres, le Superstitieux, caractĂšre XVI[N 11] convoque des prĂȘtresses Ă qui il demande de le purifier en traçant un cercle autour de lui avec la plante.
- Une bonne odeur est, selon Théophraste, le produit de la coction des humeurs par la chaleur naturelle[149].
- Aulu-Gelle[150] rapporte lâattachement dâun dauphin pour un enfant : « Les dauphins sont voluptueux et enclins Ă lâamour, ainsi que l'attestent des exemples anciens, et mĂȘme rĂ©cents. En effet, sous les premiers CĂ©sars, dans la mer de Pouzzoles, selon le rĂ©cit dâApion, et plusieurs siĂšcles auparavant, prĂšs de Naupacte, comme le rapporte ThĂ©ophraste, on a vu, de maniĂšre Ă nâen pouvoir douter, plusieurs de ces animaux donnant des marques Ă©videntes de lâamour le plus passionnĂ© ».
- On trouve un deuxiĂšme extrait de ThĂ©ophraste chez Aulu-Gelle, dans son ouvrage Nuits attiques[151] : « Chose surprenante quâon lit dans ThĂ©ophraste, Ă lâĂ©gard des perdrix. Trait Ă peu prĂšs semblable que ThĂ©opompe a laissĂ©, concernant les liĂšvres. ThĂ©ophraste, le philosophe par excellence, assure que dans la Paphlagonie, toutes les perdrix ont deux cĆurs ; et ThĂ©opompe rapporte que, dans la Bisaltie, les liĂšvres ont deux foies ».
Quelques considĂ©rations a finalitĂ©s mĂ©dicales conservĂ©es dans ses Ćuvres
Les concepts biologiques ou tĂ©lĂ©ologiques, de Aristote et ThĂ©ophraste, ainsi que lâaccent mis par eux sur une sĂ©rie dâaxiomes plutĂŽt que sur l'observation empirique, ont eu un impact quâon ne peut ignorer sur la mĂ©decine hippocratique, puis la mĂ©decine occidentale.
Théophraste prétend que la digestion se fait plus rapidement sur le cÎté droit, et plus difficilement sur le dos[152].
Il connaissait deux espĂšces de thym, lâun blanc, mĂ©dicinal et trĂšs mellifĂšre, lâautre noir, « qui corrompt lâorganisme et suscite la bile »[153].
Il soutient que le cyclamen peut ĂȘtre utilisĂ© pour stimuler la libido et favoriser la conception[154]. Sa conviction se fonde Ă partir de la forme de la fleur, qui ressemble Ă celle de lâutĂ©rus.
Il a fait part aussi d'observations légendaires ou farfelues quand il en vient à écrire qu'on peut guérir les morsures de vipÚre avec les sons de flûte, si le joueur est habile[155].
Par ailleurs Ă ThourioĂŻ â colonie athĂ©nienne en pays sybarite â l'eau du fleuve Crathis blanchit, et celle du Sybaris noircit les bestiaux qui en boivent. Ces eaux opĂšrent aussi sur les hommes : les eaux du Sybaris rendent les cheveux crĂ©pus ; les consommateurs des eaux du Crathis ont, Ă lâinverse les cheveux pendants[156].
Théophraste rapporte que les geckos[157] comme les serpents se dépouillent leur vieille peau, des restes animaux qui serait un remÚde contre l'épilepsie [158].
- Théophraste rapporte que la racine de mandragore traite les maladies de peau et la goutte, que les feuilles sont efficaces pour soigner les blessures, favoriser la fertilité des femmes[159].
- Théophraste conseille le vinaigre de racine de mandragore comme inducteur du sommeil et signale aussi ses propriétés aphrodisiaques[160].
- Les racines de la vigne sauvage[161] ont un effet échauffant et entrent dans la préparation de cosmétiques[N 12]
Des pivoines : câest une plante magique, dont la cueillette est entourĂ©e de pratiques rituelles, dĂ©concertantes ; ainsi ThĂ©ophraste Ă©crit-il : « Cette plante, que l'on appelle aussi glukusidĂȘ, doit ĂȘtre arrachĂ©e la nuit ; si on l'arrache de jour, et que l'on est vu par un pivert en train de cueillir le fruit, on risque de perdre les yeux, et si on coupe la racine, on risque la procidence de lâanus »[162].
Doctrine
Selon ThĂ©ophraste, la beautĂ© des objets cĂ©lestes a fait naĂźtre la philosophie dans lâesprit des hommes. Les vertus et les qualitĂ©s qui germent et fleurissent chez les jeunes gens se fortifient par les Ă©loges, et vont toujours croissant Ă mesure que se dĂ©veloppe en eux le sens et le courage. Selon ThĂ©ophraste, PromĂ©thĂ©e, homme devenu sage, communiqua le premier aux hommes la philosophie, dâoĂč vint la fable mĂ©taphorique quâil leur avait donnĂ© le feu. ThĂ©ophraste faisait de PromĂ©thĂ©e le premier philosophe, ce qui est simplement une application du littĂ©ralisme pĂ©ripatĂ©ticien Ă une remarque de Platon[163] - [164] - [165]. DâaprĂšs Alcinoos de Smyrne, ThĂ©ophraste, au Livre VI des Causes des plantes, fait Ă peu prĂšs la mĂȘme division des saveurs que Platon : la douce, lâacide, lâaigre, lâaustĂšre, la salĂ©e, lâacre, et lâamĂšre[166].
Penseur aristotĂ©licien, ThĂ©ophraste suit la tendance spĂ©culative. Les deux Ă©lĂšves d'Aristote qu'Ă©taient ThĂ©ophraste et DicĂ©arque s'opposĂšrent sur la question de savoir sâil fallait opter pour une vie selon lâintellect ou pour une vie engagĂ©e dans la CitĂ© ; ThĂ©ophraste est adepte de la ÎœÎżáżŠÏ ÏÏÏÎčÏÏÏÏ dâAristote, position en faveur de la vie contemplative, sâopposant ainsi Ă DicĂ©arque, adepte du ÎČÎŻÎżÏ ÏÏαÎșÏÎčÎșÏÏ. Il enseignait avec un Ă©gal succĂšs la rhĂ©torique et la philosophie ; il sâest occupĂ© de grammaire ; en logique, il a commentĂ© presque toutes les parties de lâOrganon. En morale, il plaçait la vie spĂ©culative au-dessus de la vie pratique[167] ; lâadversitĂ©, les chagrins, les grandes souffrances sont incompatibles avec le bonheur de la vie. ThĂ©ophraste insistait sur la nĂ©cessitĂ© de joindre les biens extĂ©rieurs Ă la vertu pour vivre heureux, et maintenait que la vertu mĂ©rite dâĂȘtre recherchĂ©e pour elle-mĂȘme[168]. ThĂ©ophraste nomme dieu tantĂŽt le ciel, tantĂŽt l'esprit[169]. TantĂŽt il attribue Ă lâintelligence le premier rang parmi les ĂȘtres divins, tantĂŽt câest le ciel qui est la divinitĂ© suprĂȘme, puis les constellations en zodiaque et les astres[170]. ThĂ©ophraste dit dans son enseignement que les choses quâenseigne la religion ont Ă©tĂ© prouvĂ©es comme Ă©tant fausses non pas dans lâensemble de lâouvrage, mais prĂ©cisĂ©ment Ă lâendroit oĂč il a Ă©tĂ© montrĂ© que les dieux ne sauraient ĂȘtre. Ainsi, la position de ThĂ©ophraste est sceptique, et lâexamen dĂ©bouche sur un aveu dâignorance concernant tout ce qui dĂ©passe lâĂ©vidence immĂ©diate des sens. On retrouve le mĂ©pris pour les liturgies entre autres Ă©vĂ©nements religieux chez Socrate, que lâon accuse entre autres dâintroduire de nouveaux dieux ; chez Platon, qui traite des idĂ©es de son maĂźtre dans son MĂ©nexĂšne ; chez ThĂ©ophraste, qui commente les liturgies et autres Ă©vĂ©nements religieux, et finalement chez DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre : Scientifique, on peut se poser des questions sur la foi dans lâenseignement de ThĂ©ophraste, quand on sait que son Ă©lĂšve DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre une fois au pouvoir Ă AthĂšnes fit abolir les liturgies. Alors quâil critique par le CaractĂšre de lâAvare[171] le coĂ»t des sacrifices, ThĂ©ophraste caricature les croyances par le Superstitieux[171] en le dĂ©montrant face Ă une divinitĂ© introduite tardivement dans les coutumes de la vie. DâaprĂšs les livres Contre Jovinien de JĂ©rĂŽme de Stridon, ThĂ©ophraste a Ă©crit contre le mariage ; aprĂšs avoir retracĂ© en dĂ©tail les ennuis du mariage et ses inquiĂ©tudes, il se prononce contre : selon lui, le sage ne doit pas se marier[172]. ThĂ©ophraste, qui pourtant exhortait les hommes Ă mettre leur espĂ©rance dans lâinstruction plutĂŽt que dans les richesses, dit dans son livre De la richesse que lâavantage du riche est de pouvoir se permettre les somptuositĂ©s des fĂȘtes fastueuses donnĂ©es au peuple. ThĂ©ophraste affirme lâĂ©tablissement de ses doctrines comme dĂ©coulant de leur nature elle-mĂȘme, Ă©troitement attachĂ©e aux sens ; sa position est ambiguĂ« : parfois, il semble ĂȘtre conscient de son ambiguĂŻtĂ©. Ce faisant, son enseignement se situe lui-mĂȘme sur le terrain de lâopinion, ne dĂ©coule pas des arguments et des dĂ©monstrations avancĂ©s dans chaque cas[173], mais de lâinexistence des dieux, Ă©tablie Ă partir de lâexpĂ©rience : les dieux des religions ne sont pas sensibles, et on ne saurait donc s'en faire une idĂ©e, et ce qui ne peut ĂȘtre connu par sa nature mĂȘme « nâest pas ».
Les trois piliers de sa démarche sont :
- description ;
- dénomination ;
- classification[174].
Selon ThĂ©ophraste, la connaissance certaine vient par les sens ; l'intellect matĂ©riel Ă©tait une substance ni engendrable ni corruptible, tandis que les intelligibles existant en lui en acte. Selon ThĂ©ophraste, le sentiment est le principe de la foi[175]. Il a Ă©tabli que croire nâest pas connaĂźtre : si lâon croit, on ne connaĂźt pas ; si lâon connaĂźt, on ne croit pas, mais on sait[176]. Cette pensĂ©e nâest pas sans rappeler celle de Platon : ce que lâhomme connaĂźt il ne le cherche pas parce quâil le connaĂźt, et sachant cela il nâa nul besoin de le chercher ; mais ce quâil ne connaĂźt pas, il ne le cherche pas non plus, parce quâil ne saurait pas ce quâil doit chercher[177]. Plutarque[178] cite ThĂ©ophraste : « Un gĂ©nĂ©ral doit mourir en capitaine et pas en soldat »[N 13]. Selon Ăpicure puis Aristote et enfin ThĂ©ophraste, la raison tout entiĂšre est tirĂ©e des sens, et toutes les pensĂ©es Ă©manent dâeux. LĂ oĂč Platon admet lâĂąme comme une substance qui nâest pas perçue par les sens, mais semblablement par le seul entendement et la pensĂ©e, ThĂ©ophraste remarque qu'affirmer que lâĂąme est conçue par le seul entendement signifie nier absolument quâelle puisse ĂȘtre comprise, puisquâil nây a rien dans lâentendement qui nâa pas Ă©tĂ© prĂ©alablement dans les sens[179]. ThĂ©ophraste rĂ©duit Ă des mouvements les Ă©nergies de l'Ăąme. ThĂ©ophraste explique par la thĂ©orie aristotĂ©licienne des quatre causes (matiĂšre, forme, cause efficiente et cause finale) et enseigne quâil y a trois sources de connaissance[180] :
- la connaissance certaine et Ă©vidente ;
- la conjecture et lâopinion ;
- la foi.
Théophraste et les Présocratiques / Platon
ThalĂšs
Théophraste résume la théorie de ThalÚs qui voulait que la vie anime la matiÚre en parlant de « mouvement éternel » ; pour Théophraste, tous les changements de la matiÚre en dépendent.
DiogĂšne d'Apollonie
Théophraste a reproché à DiogÚne d'Apollonie des points de vue irréconciliables : si toutes choses ne dérivaient pas d'un principe unique, il n'y aurait ni agir ni pùtir. Dans son ouvrage Sur les Sens, il pose la question quant à savoir pourquoi les oiseaux ne nous dépassent-ils pas en raison si c'est la pureté de l'air respiré qui décide de la finesse et de l'excellence des dons intellectuels, et pourquoi le cours des pensées ne change-t-il pas du tout au tout chaque fois que nous changeons de demeure, et selon que nous respirons l'air des montagnes ou celui des marécages.
DĂ©mocrite
Il reproche notamment Ă DĂ©mocrite de ne pas tout expliquer de la mĂȘme maniĂšre, pas mĂȘme tout ce qui rentre dans le mĂȘme genre. ThĂ©ophraste a discutĂ© les points de vue de DĂ©mocrite, dans Causes des plantes[181], dans Sur les sensations[182] ainsi que dans De DĂ©mocrite et Sur DĂ©mocrite. Aristote et ThĂ©ophraste citent explicitement DĂ©mocrite comme Ă©tant Ă lâorigine de la thĂ©orie atomiste. ThĂ©ophraste attribue Ă Leucippe lâouvrage Grande organisation du monde, que lâon dit ĂȘtre de DĂ©mocrite.
Dâaccord avec Anaxagore et MĂ©trodore de Lampsaque, un atomiste, ThĂ©ophraste dit que lâeau de mer filtrant Ă travers la Terre et la lessivant devient salĂ©e, parce que câen est lâune des saveurs[183].
HĂ©raclite
ThĂ©ophraste attribue Ă lâhumeur impulsive dâHĂ©raclite lâimperfection de certaines parties de son ouvrage et ses contradictions ; selon ThĂ©ophraste, l'obstination dâHĂ©raclite lâavait conduit parfois Ă des exposĂ©s incomplets et contradictoires. ThĂ©ophraste attribue deux sortes dâexhalaisons Ă HĂ©raclite : la sĂšche et l'humide.
Parménide
Selon ThĂ©ophraste, ParmĂ©nide dit que la connaissance a lieu suivant que ce soit lâĂąme ou la pensĂ©e qui lâemporte sur lâautre. La pensĂ©e est meilleure et plus pure lorsque le chaud prĂ©domine, celle qui a lieu par le chaud est meilleure et plus pure. La proportion du chaud et du froid joue sur dĂ©pendent la mĂ©moire et lâoubli. Le semblable est senti par le semblable le cadavre ne sent rien du fait de lâabsence de chaleur. ThĂ©ophraste dit encore que ParmĂ©nide reconnaĂźt lâinfĂ©rioritĂ© des sens et lâopinion sur la pensĂ©e, ne fait pas encore de distinction entre sensation et raison.
Gorgias
ThĂ©ophraste a Ă©crit quâil fut lâĂ©lĂšve dâEmpĂ©docle d'Agrigente avec qui il apprit la rhĂ©torique. Il en tient aussi une conception de la connaissance qui dit que les corps Ă©mettent des particules. Or, les appareils sensitifs sont munis de pores. La sensation ne se produit que lorsque les pores des organes sensoriels sont d'un calibre conforme Ă celui des particules qui les rencontrent : trop larges ils les laissent filtrer, trop Ă©troits ils les retiennent[184]. Cette thĂ©orie est, d'aprĂšs ThĂ©ophraste, celle de Gorgias hĂ©ritĂ©e de son maĂźtre.
Empédocle
ThĂ©ophraste dit qu'EmpĂ©docle fut lâĂ©mule de ParmĂ©nide[185], dont il imita les poĂšmes, et que selon lui, câest le sang qui dĂ©termine la pensĂ©e, car c'est surtout dans le sang que se tempĂšrent rĂ©ciproquement les divers Ă©lĂ©ments[186]. Tout un chapitre de Sur les Sensations critique ParmĂ©nide et Platon, et un autre est entiĂšrement est consacrĂ© Ă souligner les nombreuses erreurs d'EmpĂ©docle[187].
Anaximandre
Anaximandre relie lâengendrement non pas Ă lâaltĂ©ration de lâĂ©lĂ©ment, mais Ă la sĂ©paration des contraires Ă travers le mouvement Ă©ternel[188].
ThĂ©ophraste rapporte ce quâAlcmĂ©on de Crotone pensait de chacun des sens :
- lâouĂŻe : pour AlcmĂ©on de Crotone, le vide contenu dans les oreilles rĂ©percute les sons par vibration ;
- lâodorat : par le nez, le souffle parvient jusqu'au cerveau ;
- le goût ;
- la vision : elle se produit Ă travers l'eau qui est dans les yeux ;
- le toucher : selon Théophraste, Alcméon ne dit rien de ce sens, ni comment ni par quoi il se produit ;
- dâaprĂšs ThĂ©ophraste[189], AlcmĂ©on rejetait la thĂšse qui explique la sensation par le semblable.
AprĂšs la mort de ThĂ©ophraste, le LycĂ©e nâa plus produit dâĆuvre originale.
Platon
ThĂ©ophraste dit que Platon fut le premier par la renommĂ©e et le gĂ©nie, tout en Ă©tant le dernier dans la chronologie. Comme il avait vouĂ© la majeure partie de son activitĂ© Ă la philosophie premiĂšre, il se consacra aussi aux apparences et aborda lâhistoire naturelle, dans laquelle il voulut Ă©tablir deux principes : lâun subissant, comme la matiĂšre, est appelĂ© rĂ©cepteur universel, lâautre agissant, comme une cause, est rattachĂ© Ă la puissance du dieu et du bien.
ThĂ©ophraste commente Ă©galement la remarque La RĂ©publique, « entre amis tout est commun » : si on suit cette voie, les amis des amis doivent lâĂȘtre au premier chef, et avant de choisir ses amis, il faut les juger. En parallĂšle, selon ThĂ©ophraste, il ne faut juger les Ă©trangers quand on les aime, mais les juger avant de les aimer.
Il critique Platon Ă propos du plaisir. Pour ThĂ©ophraste, contrairement Ă Platon, il nâexiste pas de plaisir vrai ou faux: que tous les plaisirs sont vrais. Car pour ThĂ©ophraste, sâil existait un plaisir faux, ce serait un plaisir qui n'est pas un plaisir. AssurĂ©ment, rien de tel ne sâensuivra ; en effet, lâopinion fausse nâen est pas moins une opinion. Mais mĂȘme sâil sâensuit cela, ThĂ©ophraste se demande ce quâil y aurait dâabsurde Ă ce que le plus bas plaisir, semblant un plaisir, nâen soit pas un. Câest quâil existe aussi un ĂȘtre entendu autrement, qui nâest pas lâĂȘtre entendu simplement ; ainsi, ce qui est engendrĂ© nâest pas lâĂȘtre en tant que tel. En effet, mĂȘme Aristote pense quâil existe certains plaisirs relatifs et non en tant que tels, comme ceux des malades qui goĂ»tent lâamer comme le doux. DâaprĂšs ThĂ©ophraste, le faux se prĂ©sente sous trois formes : Soit comme un caractĂšre feint, soit comme un discours, soit comme une chose qui est. ThĂ©ophraste se demande relativement Ă quoi le plaisir est-il donc faux, car selon lui le plaisir nâest ni un caractĂšre, ni un discours, ni un ĂȘtre qui nâest pas, car telle est la chose fausse, caractĂ©risĂ©e par le fait quâelle nâest pas. Il faut rĂ©torquer que le plaisir faux est relatif Ă ces trois dĂ©finitions ; car le plaisir est feint sâil vient du caractĂšre feint, irrationnel, quand lâopinion sâĂ©gare et se dirige vers le faux au lieu du vrai et y trouve son plaisir, et nâexistant pas quand il est imaginĂ© en lâabsence de la douleur, et cela sans que rien dâagrĂ©able soit prĂ©sent.
Catalogue des Ćuvres de ThĂ©ophraste
Dans le cinquiĂšme livre des Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, DiogĂšne LaĂ«rce donne le catalogue des Ćuvres: « Il a laissĂ© des livres, lui aussi, le plus grand nombre qui est possible. Eux aussi, j'ai jugĂ© lĂ©gitime d'en donner la liste parce qu'ils regorgent d'excellence en tous domaines »[190]. Le catalogue prĂ©sente en fait des listes par ordre alphabĂ©tique, bien que l'ordre soit bouleversĂ© Ă plusieurs reprises et que sa MĂ©taphysique ne soit pas mentionnĂ©e[191]. DiogĂšne indique que cela reprĂ©sente 230 850 lignes, un nombre peu vraisemblable, car les comparaisons avec les ratios lignes/nombre de livre pour Aristote et Straton, indiqueraient des Ă©carts beaucoup trop Ă©levĂ©s[191].
On attribue Ă ThĂ©ophraste un traitĂ© Sur la MĂ©taphysique, que l'on soupçonne d'ĂȘtre le ΠΔÏ᜶ Ïáż¶Îœ áŒÏÎ»áż¶Îœ ÎŽÎčαÏÎżÏÎ·ÎŒÎŹÏÏÎœ αÊč du catalogue rapportĂ© par DiogĂšne LaĂ«rce[192]. Nicolas de Damas attribue l'ouvrage Ă ThĂ©ophraste ; Brandis en 1823, Wimmer en 1854, et Usener en 1890 en fixent le texte, et l'authentifient. Fobes et Ross, de l'UniversitĂ© d'Oxford, publient en 1929 leurs travaux de traduction et commentaires de la MĂ©taphysique de ThĂ©ophraste. Jules Tricot, dans sa traduction de la MĂ©taphysique de ThĂ©ophraste, considĂšre que les travaux de Fobes et Ross sont de qualitĂ© supĂ©rieure Ă ce qui a Ă©tĂ© fait jusqu'alors. Cette attribution Ă ThĂ©ophraste n'est pas contestĂ©e.
Cependant, aucune rĂ©fĂ©rence Ă la MĂ©taphysique nâest connue entre le temps de ThĂ©ophraste et le Ier siĂšcle ; CicĂ©ron ne parle jamais de cet ouvrage. AprĂšs le temps dâAndronicos de Rhodes, quelques commentateurs, dont Nicolas de Damas, semblent avoir composĂ© une ÎΔÏÏία ÏοῊ áŒÏÎčÏÏÎżÏÎÎ»ÎżÏ Ï ÎŒÎ”Ïᜰ Ïᜰ ÎŠÏ ÏÎčÎșÎŹ / Theoria tou Aristotelous meta ta physika, titre qui fait apparaĂźtre l'expression qui allait devenir le nom du texte dâAristote : ÎΔÏᜰ Ïᜰ ÎŠÏ ÏÎčÎșÎŹ / Meta ta physika. On a attribuĂ© ce titre Ă Andronicos de Rhodes, mais on le trouve dans un fragment de ThĂ©ophraste sur la philosophie premiĂšre.
Le traitĂ© moral ÏΔÏ᜶ áŒĄÎŽÎżÎœáżÏ (Sur le Plaisir) est Ă©galement attribuĂ© Ă ThĂ©ophraste, mais pourrait avoir Ă©tĂ© un ouvrage de ChamĂ©lĂ©on d'HĂ©raclĂ©e, autre disciple dâAristote citĂ© par AthĂ©nĂ©e. Ce qui nous reste de ThĂ©ophraste a Ă©tĂ© publiĂ© par Camerarius en 1541, Daniel Heinsius (Ăd. Leyde en 1613) et par Johann Gottlob Schneider en 1818 (Ăd. Leipsick, 5 vols.).
Les CaractĂšres ont Ă©tĂ© traduits en français en 1688, puis adaptĂ©s et imitĂ©s par Jean de La BruyĂšre : longtemps on n'a possĂ©dĂ© que 28 chapitres de cet ouvrage ; on a dĂ©couvert en 1786 les chapitres 29 et 30. Ce traitĂ© inspira Ariston de CĂ©os, Jean de La BruyĂšre[193] et Jean de La Fontaine, entre autres ; lâAnthologie Palatine cite un philosophe pĂ©ripatĂ©ticien nommĂ© Satyros d'Olynthe, Ă©galement disciple d'Aristote, qui rivalisa avec ThĂ©ophraste en Ă©crivant des CaractĂšres.
Proclos considĂšre que Du ciel est lâĆuvre de ThĂ©ophraste[194]. DâaprĂšs PhilodĂšme de Gadara, le premier livre des Ăconomiques dâAristote a Ă©tĂ© Ă©crit par ThĂ©ophraste, et est inspirĂ© de l'ouvrage homonyme Ă©crit par XĂ©nophon[195]. Certains fragments dâun ouvrage pĂ©ripatĂ©ticien intitulĂ© Sur les couleurs a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă ThĂ©ophraste[196]. Dans ses livres Contre Jovinien, JĂ©rĂŽme de Stridon cite un Livre de la nuit, dont il parle au Livre XIV ; Priscien cite un TraitĂ© sur l'Imagination et l'Intelligence[197].
Une lettre du pseudo-ThĂ©ophraste circule, extraite du Manuscrit 483 du Vatican parmi les lettres de CratĂšs de ThĂšbes, un philosophe cynique. Au cours de lâAntiquitĂ©, les travaux de ThĂ©ophraste furent prolongĂ©s par ceux de Pline l'Ancien et de Dioscoride, mais dĂ©jĂ aprĂšs les conquĂȘtes moyenne-orientales dâAlexandre le Grand, la pensĂ©e magique mĂ©sopotamienne et Ă©gyptienne avait commencĂ© Ă contaminer la pensĂ©e hellĂšne. Mettant un terme Ă cette pĂ©riode riche en observations suivra, jusquâĂ la Renaissance, ou la pĂ©riode du Moyen Ăge, pendant laquelle les Ă©tudes botaniques ne seront plus que la reprise des travaux anciens, sans nouveautĂ©.
Signe de son rĂŽle prĂ©curseur en botanique, lâIPNI a attribuĂ© Ă ThĂ©ophraste une abrĂ©viation en botanique, chose trĂšs rare pour un auteur dâavant le XVIe siĂšcle.
Notes et références
Notes
- Lorsquâil prit la direction de lâĂ©cole, il avait 49 ans, selon les MĂ©moires de lâAcadĂ©mie des sciences, arts et belles lettres de Dijon, p. 12 - Ăd. de 1840.
- Sophocle, fils dâAmphiclide, Ă ne pas confondre avec le poĂšte.
- Et encore, parmi d'autres disciples: MĂ©troclĂšs de MaronĂ©e / Ărasistrate de CĂ©os / DamoclĂšs / ArcĂ©silas de Pitane / LyncĂ©e et son frĂšre Douris, de Samos / Stilpon de MĂ©gare / Dinarque / Praxiphane / DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre / MĂ©troclĂšs.
- CallisthĂšne, frag. 493, Fortenbaugh.
- Cet avis ne prĂ©valut pas, et câest la position dâAristote â selon laquelle les humains et les non-humains vivaient dans des rĂšgnes moraux diffĂ©rents parce que les uns Ă©taient douĂ©s de raison et non les autres â qui persista largement jusquâaux contestations de certains philosophes dans les annĂ©es 1970.
- C'est-à -dire dont on ne peut définir ou deviner ni la condition ni les ressources.
- Théophraste séjourna un temps à Thasos vers 300.
- PhaĂ©nos dâAthĂšnes, maĂźtre de MĂ©ton, Ă©tait mĂ©tĂšque.
- En grec ancien, respectivement ΠΔÏ᜶ ÎŠÏ Ïáż¶Îœ ÎÏÏÎżÏÎŻÎ±Ï et ΠΔÏ᜶ ÎŠÏ Ïáż¶Îœ ÎጰÏÎčáż¶Îœ.
- On lui doit la description, entre autres, du chrysocolle, du cinabre, du saphir.
- Victime de Deisidaimonia, obsessionnel dont le nom est proche dâun synonyme de religion (en grec ancien ΎΔÎčÏΎαÎčÎŒÎżÎœÎčα).
- Histoire des plantes, IX, 20, 3 : ΞΔÏΌαΜÏÎčÎș᜞Μ ÎŽáœČ Îșα᜶ ÎŽÏÎčÎŒáœș Îșα᜶ ÏáżÏ áŒÎŒÏÎÎ»ÎżÏ ÏáżÏ áŒÎłÏÎŻÎ±Ï áŒĄ áż„ÎŻÎ¶Î±Ë ÎŽÎč᜞ Îșα᜶ Î”áŒ°Ï ÏίλÏΞÏÎżÎœ ÏÏÎźÏÎčÎŒÎżÎœ Îșα᜶ áŒÏÎ·Î»ÎŻÎŽÎ±Ï áŒÏΏγΔÎčÎœË Ïáż· ÎŽáœČ ÎșαÏÏáż· ÏÎčλοῊÏÎč Ïᜰ ÎŽÎÏΌαÏα) « Comme drogue Ă©chauffante et Ăącre, il y a encore la racine de la vigne sauvage, utilisĂ©e par consĂ©quent comme dĂ©pilatoire et pour Ă©liminer les taches de rousseur ; le fruit sert Ă dĂ©piler les peaux ».
- On peut y voir une interprétation de Platon qui dit au Livre Ier de sa République : « Le pilote, au sens strict, est le dirigeant des matelots, et non pas un matelot. » (342d).
Références
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- Marguerite Yourcenar 2015, p. 292.
- Grand Larousse encyclopédique en 10 volumes (juillet 1963) : Strya - Zyth (p. 298)
- Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne) (I)
- Habicht 2006, p. 90-91.
- Blair 2010, p. 17.
- DiogÚne Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, sous la direction de M.-O. Goulet-Cazé, Paris, Le Livre de Poche, coll. « La PochothÚque », 1999, p. 614 (Livre V, 52-53)
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- Strabon, Géographie, [détail des éditions], XIII, § 54. [lire en ligne (page consultée le 8 mail 2022)]
- Aulu Gelle, Nuits attiques, Livre II, ch. XVII [lire en ligne (page consultée le 8 mai 2022)], et Adolphe Granier de Cassagnac, Histoire des classes ouvriÚres et des classes bourgeoises, 1838, p. 341.
- DiogÚne Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, sous la direction de M.-O. Goulet-Cazé, Paris, Le Livre de Poche, coll. « La PochothÚque », 1999, p. 594, 615, 616 (Livre V, 36, 54, 55)
- La BruyĂšre, Les CaractĂšres, Le Livre de poche, 2004, introduction p. 16.
- CaractĂšre XVIII.
- CaractĂšre IV.
- Zehnacker et Fredouille (2005) p. 142.
- De la vertu et du vice (en grec ancien : ΠΔÏ᜶ áŒÏΔÏáżÏ Îșα᜶ ÎșαÎșίαÏ).
- Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne) : Livre I, 38.
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- Georges Chapouthier, « Le respect de lâanimal dans ses racines historiques: de lâanimal-objet Ă lâanimal sensible », sur fondation-droit-animal.org, (consultĂ© le )
- DâaprĂšs le TraitĂ© de lâabstinence de Porphyre de Tyr.
- Aulu-Gelle, Nuits attiques [détail des éditions] (lire en ligne) Livre VIII, 9 : « Que le philosophe Théophraste, l'homme le plus éloquent de son temps, voulant un jour adresser quelques mots aux Athéniens, se trouva tellement intimidé qu'il garda le silence. »
- Ălien, Histoires variĂ©es, VIII, 12. [lire en ligne (page consultĂ©e le 8 mai 2022)]
- Ădouard Will, Claude MossĂ©, Paul Goukowsky, Le Monde grec et l'Orient, Le IVe siĂšcle et l'Ă©poque hellĂ©nistique, PUF, 1975, p. 606.
- DiogÚne Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] (lire en ligne), Livre V.
- Ammonios, Scholies.
- Galien, De placitis Hippocratis et Platonis, Livre V.
- Pernot 2000, p. 84.
- De oratore, 79.
- Mémoires sur les anciens orateurs de Denys d'Halicarnasse, Chap. « Isocrate » [3].
- De lâInterprĂ©tation d'Aristote, Hermippe de Smyrne, frag.35.
- Frag. 3 de Diels.
- Théophraste, Second livre des Topiques.
- Physique, livre IV, 4.
- Essai sur la dialectique de Platon, de Paul Janet, 1855, chapitre II, p. 121.
- Proclos, Commentaire sur le Parménide, livre premier, 13.
- Plutarque, Ćuvres morales [dĂ©tail des Ă©ditions] [lire en ligne] « Livre II ».
- Pernot 2000, p. 89.
- DâaprĂšs le Livre Premier des Saturnales de Macrobe.
- Anton Dumitriu - History of Logic - Tunbridge Wells, Abacus Press, 1977 - vol. I, p. 207-208.
- soit chaque chose en particulier.
- Aristote ne signale que quatre indémontrables dans la premiÚre figure
- Théophraste, Métaphysique, p. 310, éd. Brandis.
- Werner Jaeger 1997, p. 359-360.
- Simon 1839, p. 141.
- Voir Simon Karsten, philologue : Parmenid. Eleat. reliq., p. 126 de lâĂ©dition en anglais.
- Les CaractĂšres, XXIX.
- Selon ThĂ©ophraste, « lâorgueil est le mĂ©pris de tout, sauf de soi mĂȘme »
- ThĂ©Ă©tĂšte, aux Ăd. La BibliothĂšque Ă©lectronique du QuĂ©bec, Collection Philosophie, volume 9 (p. 39 de lâĂ©dition traduite et commentĂ©e par Ămile Chambry).
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- Porphyre de Tyr : Sur l'abstinence de la chair des animaux
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- áŒÎŒÏÎ”Î»ÎżÏ áŒÎłÏία / Ă corriger (áŒĄ)
- Histoire des plantes (IX, 8, 6).
- dâaprĂšs le scholiaste dâApollonios de Rhodes (II, 1248).
- PhilĂšbe (16c, 6).
- [9,2] Chapitre II, Livre II, Porphyre de Tyr : Sur lâabstinence de la chair des animaux.
- dâaprĂšs Alcinoos de Smyrne : De la Doctrine de Platon (Livre VI).
- Cicéron : De finibus (XXVI).
- Cicéron, Académiques (I, 10) ; Tusculanes (V, 9).
- Clément d'Alexandrie, Discours aux Gentils.
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- CaractĂšre XXII.
- Contre Jovinien (Livre XIV).
- démarche aristotélicienne par excellence.
- CaractĂ©ristiques de lâĂ©cole pĂ©ripatĂ©ticienne.
- Clément d'Alexandrie, Stromates, Livre II, chapitre 2.
- Des Sensations : I, II, frag. 28 ; I [46]
- MĂ©non (80e).
- Vie de Sertorius (13).
- Des Sensations (IV, II, f. 438 ; II, 586).
- Des Sensations (I, VI, frag. 96 ; I, 138).
- Livres II, XI (7-8).
- Sur les sensations (50-53 et passim)
- Vors. 397, 37-41.
- MĂ©non de Platon (76d).
- dâaprĂšs DiogĂšne LaĂ«rce (VIII, Chapitre 2)
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- Fragment A9 (traduction de Giorgio Colli 11 [B1]) dâOpinions des Philosophes (Fragment 2, traduction de Giorgio Colli, in La Sagesse grecque, Ădition de L'Ăclat, 1997). Extrait de Catherine Golliau, La PensĂ©e antique, des prĂ©socratiques Ă saint Augustin.
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- DiogÚne Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, Le livre de poche, coll. « La PochothÚque », , p. 600-612 (numérotation : V, 42-50). Cette traduction est utilisée pour les titres de certains ouvrages.
- Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres : Article sur Théophraste, 46.
- Oscar Navarre, « ThĂ©ophraste et La BruyĂšre », Revue des Ătudes Grecques, vol. 27, no 125,â , p. 384â440 (DOI 10.3406/reg.1914.6817, lire en ligne, consultĂ© le )
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Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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- Théophraste, Marc Szwajcer (numérisation), Le livre des Pierres.
- Théophraste, Suzanne Amigues (texte établi et traduit), Théophraste. Les Signes du temps, Paris, Les Belles Lettres, 2019, L + 238 p.
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- ThĂ©ophraste, (texte Ă©tabli et traduit par Suzanne Amigues), Recherches sur les plantes (Historia plantarum), Paris, Les Belles Lettres. Tome 1 : Livres I-II. LVIII-211 p. 1988. Tome 2 : Livres III-IV.X-423 p. 1989. Tome 3 : Livres V-VI. XII-264 p. 1993. Tome 4 : Livres VII-VIII. XII-237 p. 2003. Tome 5 : Livre IX. Index. 399 p. 2006. Cette Ă©dition, qui sâappuie complĂštement sur lâUrbinas, renouvelle la comprĂ©hension de ThĂ©ophraste tant au niveau de ses concepts que de lâidentification des plantes, rĂ©visĂ©e avec lâaide de plusieurs botanistes, dont Pierre QuĂ©zel et Werner Greuter. Les notes permettent au lecteur dâen faire un usage critique.
- ThĂ©ophraste (trad. du grec ancien par Suzanne Amigues), Recherches sur les plantes : Ă lâorigine de la botanique, Paris, Belin, , 432 p. (ISBN 978-2-7011-4996-7).
- Théophraste, (texte établi et traduit par Suzanne Amigues), Les causes des phénomÚnes végétaux (De causis plantarum), Paris, Les Belles Lettres, 2012, Livres I et II. 237 p. ; 2015, Livres III et IV. 225 p. ; 2017, Livres V et VI. 259 p.
- ThĂ©ophraste, Paul Chemla (traduction), De la vertu et du vice (en grec ancien : ΠΔÏ᜶ áŒÏΔÏáżÏ Îșα᜶ ÎșαÎșίαÏ), Ă©d. Mille et Une Nuits (2002) (ISBN 2-84205-670-1).
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Articles connexes
Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Noms des plantes de Théophraste (traduction de Suzanne Amigues) sur Pl@ntUse
- Théophraste, CaractÚres traduction commentée de Marie-Paule LOICQ-BERGER
- (en) Theophrastus's Metaphysics: Debating with Aristotle avec bibliographie annotée
- (en) Peripatetic Logic: The Work of Eudemus of Rhodes and Theophrastus of Eresus
- (en) Theophrastus Sur les Pierres (On Stones) texte grec complet et discussion en anglais
Theophr. est lâabrĂ©viation botanique standard de ThĂ©ophraste.
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