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Ironie socratique

L’ironie socratique consiste, pour le philosophe, Ă  feindre l’ignorance afin d’exposer la faiblesse de la position d’une autre personne et lui en faire prendre conscience. Le mot grec eironeia (Î”áŒ°ÏÏ‰ÎœÎ”ÎŻÎ±) s’appliquait en particulier Ă  la litote comme forme de dissimulation.

Portrait de Socrate

Selon ThĂ©ophraste, la raillerie est « le reproche d’une faute commise, reproche prĂ©sentĂ© d’une maniĂšre figurĂ©e : ce qui fait que de lui-mĂȘme l’auditeur supplĂ©e, par ses conjectures, Ă  ce qui manque, comme s’il le savait et y ajoutait foi »[1]. Il est important de diffĂ©rencier raillerie et ironie socratique : ThĂ©ophraste y fait clairement rĂ©fĂ©rence dans le traitĂ© Les CaractĂšres[2] en la diffĂ©renciant de la raillerie[3] - [4]. ThĂ©ophraste, dans son ouvrage Les CaractĂšres, a dĂ©fini l’ironie, en rĂ©fĂ©rence Ă  la mĂ©thode socratique : c'est feindre la naĂŻvetĂ©[5].

Pour Aristote, l'arrogance est l'opposé de l'ironie socratique[6].

L'ironie de Socrate n’est pas seulement de feindre l’ignorance ; une feinte dĂ©prĂ©ciative consiste Ă©galement Ă  ne rien savoir ou Ă  feindre la reconnaissance des compĂ©tences que son interlocuteur prĂ©tend avoir ; pour Socrate, questionner, c'est enseigner[7]. Ces flatteries incitent ce dernier Ă  Ă©taler son savoir, supposĂ© selon Socrate, ce qui lui permet de rĂ©vĂ©ler l'ignorance par une mĂ©thode d'interrogation rĂ©futative[8]. Une telle ironie survenait particuliĂšrement dans l’ignorance assumĂ©e adoptĂ©e par Socrate, comme mĂ©thode de dialectique : « l’ironie socratique ». CicĂ©ron dit que Socrate Ă©tait d'une douce gaietĂ©, d'une conversation piquante[9] et avait le discours semĂ© d’ingĂ©nieux artifices de langage, d’oĂč est nĂ©e l'ironie socratique[10]. Cette ironie particuliĂšre implique un aveu de l’ignorance, qui travestit une attitude sceptique et dĂ©sengagĂ©e, vis-Ă -vis de certains dogmes ou opinions communes qui manquent d’un fondement dans la raison ou dans la logique. La suite de questions naĂŻves de Socrate rĂ©vĂšlent point par point la vanitĂ© ou l’illogisme de la proposition, en Ă©branlant les postulats de son interlocuteur, et en remettant en cause ses hypothĂšses initiales.

Mais l’ironie amuse Ă©galement les spectateurs de la discussion, qui savent que Socrate est plus sage qu’il se permet d’apparaĂźtre, et qui peuvent prĂ©voir, lĂ©gĂšrement en avance, la direction que les « naĂŻves » questions vont prendre. Au XIXe siĂšcle, le philosophe danois SĂžren Kierkegaard admirait l’ironie socratique et en employa une variation dans plusieurs de ses travaux. Il rĂ©digea notamment sa thĂšse maĂźtresse, intitulĂ©e Du concept d’ironie constamment rapportĂ© Ă  Socrate, avec la rĂ©fĂ©rence continuelle Ă  Socrate. Dans cette thĂšse, Kierkegaard fait l’éloge d’un usage de l’ironie socratique par Aristophane et Platon, et soutient Ă©galement que le portrait Socrate dans les nuages dans l’une des piĂšces d’Aristophane (Les NuĂ©es) a captĂ© avec le plus d’exactitude l’esprit de l’ironie socratique.

Selon Gregory Vlastos, une différence entre le concept moderne d'ironie et le concept antique est que l'intention de tromper est étrangÚre au premier tandis qu'elle serait commune dans le second[6]. C'est l'image de Socrate en tant qu'ironiste paradigmatique qui aurait été à l'origine de ce changement de sens.

Bibliographie

  • Denis Bouchard, « L’ironie socratique », Laval thĂ©ologique et philosophique, vol. 57, no 2,‎ , p. 277–289 (lire en ligne)

Voir aussi

Références

  1. Propos de table de Plutarque (Livre I)
  2. L’ironie socratique est appelĂ©e Î”áŒ°ÏÏ‰ÎœÎ”ÎŻÎ±Ï‚
  3. τ᜞ σÎșáż¶ÎŒÎŒÎ±
  4. Idem
  5. Nicolas Waquet, préface aux CaractÚres de Théophraste, Payot & Rivages, coll. « Rivages poche / Petite BibliothÚque », Paris, 2010,112 p. (ISBN 978-2-7436-2138-4).
  6. Gregory Vlastos, « Socratic irony », The Classical Quarterly, vol. 37, no 1,‎ , p. 79–96 (ISSN 0009-8388, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Économique (XIX, 15)
  8. Louis-André Dorion, « La figure paradoxale de Socrate », in Lire Platon, PUF, 2006, pp. 26-27.
  9. Économique (II, 2)
  10. TraitĂ© des Devoirs (110) traduit par Henri Joly (annotation et rĂ©vision par Cyril Morana pour l’édition de 2010) Mille et Une Nuits (ISBN 978-2-75550-590-0).


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