Causes des plantes
Causes des plantes (en grec ancien ΠΔÏ᜶ ÎŠÏ Ïáż¶Îœ ÎጰÏÎčáż¶Îœ)[1] est le nom dâun ouvrage de botanique par ThĂ©ophraste au cours du IIIe siĂšcle av. J.-C. Lâouvrage comportait huit livres, six subsistent Ă lâĂ©tat fragmentaire ; il est important de signaler que les Ă©lĂ©ments de lâouvrage, et que tout ce qui est dit de la main de ThĂ©ophraste ne lâest pas forcĂ©ment. Les deux ouvrages Causes des plantes et Histoire des plantes sont tous deux extraits du Vaticanus Urbinas Gr. 61.
ThĂ©ophraste est Ă lâorigine de la diffĂ©renciation thĂ©orique entre le rĂšgne animal et le rĂšgne vĂ©gĂ©tal, distinction qui permit la naissance dâune vĂ©ritable nouvelle discipline Ă part entiĂšre, possĂ©dant ses propres mĂ©thode et vocabulaire : la botanique. Dans ses Ă©crits, il ajoute ses observations personnelles aux connaissances des auteurs plus anciens et contemporains. Une part importante de lâouvrage est consacrĂ©e Ă un inventaire raisonnĂ© des plantes et comprend des informations sur lâinfluence du milieu sur leur dĂ©veloppement, sur leur mode de reproduction et sur leur utilitĂ©[2]. Certaines des thĂ©ories botaniques de MĂ©nestor, scientifique pythagoricien sybarite, sont connues grĂące Ă ThĂ©ophraste, mais on peut faire commencer la classification botanique avec ThĂ©ophraste. Lâouvrage, organisĂ© en six volumes, aborde les questions de la physiologie vĂ©gĂ©tale, notamment la croissance et la reproduction, pour lesquelles ThĂ©ophraste crĂ©a un vocabulaire spĂ©cifique qui dĂ©crivait les diffĂ©rentes parties dâune plante (on trouve les prĂ©mices du systĂšme sexuel). Au lieu de se focaliser sur les causes formelles comme son professeur, ThĂ©ophraste suggĂ©ra une approche mĂ©caniste en crĂ©ant des analogies entre processus naturels et processus artificiels, et en reliant le concept aristotĂ©licien de « cause efficace ». Selon ThĂ©ophraste, les causes des plantes sont liĂ©es Ă lâaction de la chaleur, de lâhumiditĂ©, la sĂ©cheresse, les influences de la pluie, la neige, les vents, lâexposition gĂ©ographique, le biotope (eaux douces ou salĂ©es, type de terrain, entre autres).
Bien quâil se soit surtout intĂ©ressĂ© aux plantes pour des raisons mĂ©dicales, il fut amenĂ© Ă les classer par catĂ©gories en fonction de leur moyen de reproduction. Mais il croit que dans beaucoup de cas la reproduction de ces vĂ©gĂ©taux sâexplique plus naturellement par le transport des semences par la pluie, par des inondations, et par lâair. Il chercha, lâun des premiers, Ă Ă©chapper Ă cette tĂ©lĂ©ologie qui rapporte tout dans la nature aux usages des humains : « La nature a ses principes en elle-mĂȘme ; câest par lĂ quâelle agit conformĂ©ment Ă ses propres plans. La partie charnue de la pomme du pĂ©ricarpe nâexiste pas pour ĂȘtre mangĂ©e par lâhumain, mais pour protĂ©ger le fruit. »
Composition
ThĂ©ophraste annonce Causes des plantes en toute fin du livre I dâHistoire des plantes[3]. On trouve dans les Causes des plantes la description de maladies des vĂ©gĂ©taux, cĂ©rĂ©ales, la maniĂšre de conserver les graines, la transformation des espĂšces sauvages par la culture, le dĂ©veloppement dâexcroissances ou de monstruositĂ©s, la comparaison des graminĂ©es avec les lĂ©gumineuses, enfin une sĂ©rie de chapitres sur la saveur et lâodeur des plantes.
Livre I
Le livre I de Causes des plantes examine formation, croissance, adaptation Ă la saison, mode de reproduction - et mort naturelle ou accidentelle de lâindividu biologique Ă tous ses stades. Le livre I examine lâindividu biologique Ă tous les stades de son existence : formation, croissance, adaptation au cycle saisonnier, reproduction, mort naturelle ou accidentelle. Des phĂ©nomĂšnes aussi complexes que la transmission des caractĂšres hĂ©rĂ©ditaires, la pousse et la chute des feuilles, la photosynthĂšse, les tropismes, etc., Ă©lucidĂ©s seulement aux XIXe et XXe siĂšcles grĂące aux progrĂšs de la chimie, discipline inconnue de lâAntiquitĂ© classique, se trouvent ici abordĂ©s avec une sorte de pressentiment remarquable. Pour n'en citer quâun exemple, lâimpulsion de croissance que ThĂ©ophraste dĂ©signe par le mot « hormĂš » est attribuĂ©e par la biologie moderne au dĂ©veloppement de lâauxine, une substance chimique que nous nommons prĂ©cisĂ©ment hormone. Les premiers Ă©crits dĂ©crivant les rythmes biologiques concernent la biologie vĂ©gĂ©tale. Ils remontent au IVe siĂšcle av. J.-C. : ThĂ©ophraste rapporte dans son Histoire des plantes quâAndrosthĂšne de Thasos observe sur lâĂźle de Tylos[4] un arbre « dont les indigĂšnes disent quâil dort » : ce photopĂ©riodisme concerne probablement le tamarinier[5]. ThĂ©ophraste, dans ce livre I, dĂ©crit ses observations concernant la nature spĂ©cifique du vĂ©gĂ©tal (multiplication et croissance ; floraison et fructification) et aborde la nature des vents, Ă©galement abordĂ©s au Livre IV de son Histoire des plantes, dont le vent du nord-est, qui change de nature en passant de lâĂźle dâEubĂ©e au mont Olympe, dâoĂč il passe de froid et sec vient Ă une nature qui brĂ»le par le froid. Ce mĂȘme vent change de caractĂšre en passant de Rhodes Ă Cnide.
Livre II
Le livre II est consacrĂ© aux conditions mĂ©tĂ©orologiques et Ă©daphiques (liĂ©es au sol)[6] ainsi quâaux influences des plantes proches ; il Ă©tudie les influences quâexercent sur le vĂ©gĂ©tal les conditions climatiques et mĂ©tĂ©orologiques, la nature du sol et des eaux. Il illustre ainsi dans une Ă©tude mĂ©thodique enrichie d'une foule d'exemples concrets lâĂ©troite dĂ©pendance de la plante par rapport Ă son environnement, ce qui permet de considĂ©rer ThĂ©ophraste comme le vĂ©ritable fondateur de lâĂ©cologie scientifique. AthĂ©nĂ©e cite des fragments de ce livre dans son Banquet des Deipnosophistes[7], concernant les figues. Dans ce livre, Sosibios est contredit par ThĂ©ophraste quand il entend par « pomme struthie » la pomme de coing : ce sont lĂ deux fruits diffĂ©rents.
Livre III
- Les livres III et IV portent sur les phĂ©nomĂšnes provoquĂ©s par lâintervention de lâhomme et la gĂ©nĂ©ration.
- Dans lâoptique dâune conception naturaliste, la race humaine est maternelle.
- La rouille détruit la farine dans le grain, et Théophraste la définit comme une pourriture[8]
- Une sorte de fougĂšre, lâhĂ©mionite, favorise la stĂ©rilitĂ© des mulets
- Observations sur le blé.
- ExposĂ© du problĂšme de la gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e Ă propos des vĂ©gĂ©taux apparemment dĂ©pourvus de fruits. Il rappelle les thĂ©ories dâAnaxagore, EmpĂ©docle et DĂ©mocrite.
Livre IV
- Traité sur le figuier nommé « figuier de Chypre »
- TraitĂ© sur le lupin, de lâers et du pois chiche, seuls lĂ©gumes oĂč ne sâengendrent pas dâinsectes, Ă cause de leur ĂącretĂ© et de leur amertume, mĂȘme sâil sâengendre une espĂšce de chenille dans les pois chiches. Les livres III et IV portent sur les phĂ©nomĂšnes provoquĂ©s par lâintervention de lâhomme.
Livre V
- Distinction entre phénomÚnes spontanés et effets de la domestication. Théophraste fait à nouveau mention des figues : s'agissant des prodromes ou précoces : un air doux, humide et chaud sollicite la germination
Livre VI
Au livre VI, ThĂ©ophraste fait Ă peu prĂšs la mĂȘme division des saveurs que Platon : la douce, lâacide, lâaigre, lâaustĂšre, la salĂ©e, lâacre, et lâamĂšre[9]. ThĂ©ophraste y mentionne ses thĂ©ories, comme celles dâAristote quâil admet la gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e - surtout pour les vĂ©gĂ©taux infĂ©rieurs (Bryophytes et PtĂ©ridophytes). Les vents sont abordĂ©s au Livre IV de son Histoire des plantes, dont le vent du nord-est, qui change de nature en passant de lâĂźle dâEubĂ©e au mont Olympe, dâoĂč il passe de froid et sec Ă une nature qui brĂ»le par le froid. Le reste de lâouvrage se compose dâun ensemble conservĂ© sĂ©parĂ©ment sous le titre Des odeurs[10] :
- Distinction entre ce qui est naturel et ce qui ne lâest pas
- Ătude des saveurs et des odeurs naturelles (VI), celle des saveurs et des odeurs crĂ©Ă©es par lâhomme (VII et VIII).
On sait par ailleurs que ThĂ©ophraste attribue la bonne odeur Ă une sorte de coction des matiĂšres aqueuses, lorsque le principe humide, lequel est funeste, en a Ă©tĂ© dĂ©gagĂ© par la chaleur. Il paraĂźt que CallisthĂšne encourut la disgrĂące dâAlexandre de MacĂ©doine parce quâil tĂ©moignait de la rĂ©pugnance Ă se rendre Ă des dĂźners oĂč l'on buvait trop ; quâun jour mĂȘme, une certaine coupe appelĂ©e « coupe dâAlexandre », et dâune dimension Ă©norme, Ă©tant venue Ă son tour jusquâĂ lui, CallisthĂšne la repoussa, sâĂ©criant « quâil ne voulait pas boire en Alexandre, pour avoir ensuite besoin dâAsclĂ©pios ».
Voir aussi
à l'article consacré à Théophraste :
- Exemples de théories botaniques de Théophraste
- Exemples discutés ou erronés de théories botaniques de Théophraste
Bibliographie
- ThĂ©ophraste (trad. du grec ancien par Suzanne Amigues), Recherches sur les plantes : Ă lâorigine de la botanique, Paris, Belin, , 432 p. (ISBN 978-2-7011-4996-7).
- Les causes des phénomÚnes végétaux. Texte [du De causis plantarum] établi et traduit par Suzanne Amigues. Paris, Les Belles Lettres, 2012, Livres I et II, II et IV
Références
- ou Les causes des phénomÚnes végétaux (Plantarum Causis en latin)
- Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l'Antiquité, Paris, Belin, , 655 p. (ISBN 2-7011-3286-X)
- Livre I, XIII
- actuelle Ăźle de BahreĂŻn
- Claire Leconte, La chronobiologie, Ă©mission La TĂȘte au carrĂ© sur France Inter, 12 avril 2011.
- en grec ancien [ÏÏ] áŒÎŽÎ±ÏÎżÏ
- Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne) (III, 93)
- ÏαÏÏÏÏηÏ
- dâaprĂšs Alcinoos de Smyrne : De la Doctrine de Platon, Livre VI
- en grec ancien ΠΔÏÎŻ áœÎŽÎŒáż¶Îœ