Des vents
Des vents (en grec ancien ΠΔÏ᜶ áŒÎœÎÎŒÏÎœ / Peri anĂ©mĂŽn) est un ouvrage en un livre du philosophe pĂ©ripatĂ©ticien ThĂ©ophraste sur les propriĂ©tĂ©s et la nature des vents. Fragmentaire, une Ă©dition a Ă©tĂ© Ă©tablie en 10 chapitres et 62 paragraphes par Friedrich Wimmer. Lâauteur comprend ce qui concerne lâair, lâeffet du souffle, la mer, le ciel, les vents, la terre, les animaux, les plantes et leur association dans lâĂ©tude anĂ©mologique[1]. Lâaporie dans lâutilisation dâune thĂ©orie impose la recherche[2].
Le vent
Les vents étésiens
Les vents étésiens sont des vents nordiques, soufflant du nord-nord-ouest pendant quarante jours vers la fin du mois de juillet[3], sur la Méditerranée orientale[4].
Les sens du mot ousia dans lâĆuvre de ThĂ©ophraste
Le mot ousia, dans le contexte anĂ©mologique, est traduit par « caractĂšres propres »[5] ; dans son ouvrage Des Vents, lâousia chez ThĂ©ophraste concerne les caractĂšres propres[6]. ThĂ©ophraste explique que les Ă©lĂ©ments des thĂ©ories communĂ©ment admises sur lâousia des vents Ă©tĂ©siens ne peuvent en rendre compte[7]. Lâousia explique la chaleur et le froid[8], la force[9].
Selon ThĂ©ophraste, le vent est un dĂ©placement dâair[10], et le vent se meut vers le bas lorsquâil est froid[11]. Selon ThĂ©ophraste, lâambition lĂ©gitime du savant est de parvenir, malgrĂ© les obstacles et les difficultĂ©s, Ă Ă©noncer les causes de ce quâil constate et analyse, Ă quoi il ne parvient quâen manifestant Ă lâĂ©gard des thĂ©ories gĂ©nĂ©rales une attitude critique qui le conduit Ă accumuler les observations, recourir Ă lâanalogie et construire de nouvelles hypothĂšses, si câest pertinent[12]. Les vents sont Ă©galement abordĂ©s dans Des Signes du temps, dans lequel ThĂ©ophraste parle entre autres du CĂ©cias et de lâAparctias[13] et au Livre IV de son Histoire des plantes ; ThĂ©ophraste estime que les effets sur les vents de la lune et ceux du lever et du coucher des astres constituent une matiĂšre Ă explorer davantage ; lâun des buts Ă obtenir par les domaines variĂ©s est de montrer que toutes les sciences peuvent ĂȘtre liĂ©es, forment une unitĂ©. ThĂ©ophraste adopte le mĂȘme systĂšme que son maĂźtre Aristote, et semble distinguer Aparctias et BorĂ©e, certains vents du nord, dĂšs ses premiĂšres Ă©tudes sur les aspects du froid et du chaud. Selon ThĂ©ophraste, un mĂȘme vent passant la mer ĂgĂ©e, change de nature et de force[9]. Les lieux traversĂ©s jouent un rĂŽle sur son mouvement[14] ; lorsque le vent sâĂ©puise, un vent contraire, mĂȘme lĂ©ger, peut ĂȘtre arrĂȘtĂ©[14] ; la distance parcourue conditionne la densitĂ© nuageuse et les prĂ©cipitations[15] ; ainsi un obstacle peut Ă©galement influencer les prĂ©cipitations[16], la rĂ©gularitĂ© et la continuitĂ©, lâintermittence dâun souffle[17]. LâĂ©tude des vents dĂ©finit la succession des moments dâune journĂ©e[14], le moment de la journĂ©e et des saisons[18]. La conjonction des vents, leurs aspects communs et leurs mouvements, gĂ©nĂ©raux ou particuliers font partie de ce que dĂ©finit lâĂ©tude des vents[19].
RĂŽle des vents
Lâaction des vents
La science des vents doit sâintĂ©resser Ă des phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques dans les airs, les cieux sur terre et sur mer, ainsi que tout ce qui touche aux animaux et aux plantes, sous lâeffet du souffle du vent, incluant lâĂ©levage et lâagriculture. Selon ThĂ©ophraste, la fiĂšvre serait liĂ©e au vent au mĂȘme titre que ses effets agissent sur les matĂ©riaux[8], et tout ce qui vit, tout corps vivant[20] et mĂȘme les objets[21].
Attributions et fonction dâĂole
Dans le rĂ©cit quâUlysse fait aux PhĂ©aciens, Ăole habite dans un palais, au-dessus de la citĂ©. Il reçoit ses hĂŽtes avec bienveillance et leur accorde une hospitalitĂ© dâun mois. Au moment du dĂ©part dâUlysse, il lui apporte une aide remarquable :
« Quand je veux reprendre la route et lui demande de lâaide, il ne me refuse rien, au contraire, et prĂ©pare mon retour. Il Ă©corche un taureau de neuf ans ; dans la peau il coud toutes les aires des vents impĂ©tueux, car le fils de Cronos lâen a fait rĂ©gisseur : il apaise lâun ou excite lâautre, Ă sa volontĂ©. Dans le creux du navire, il lie celle-ci dâun fil dâargent brillant, afin que la moindre brise ne puisse en sortir. Puis il me fait souffler un flux de zĂ©phyr, un vent portant pour les navires et les Ă©quipages. »
â OdyssĂ©e (Chant X, vers 17-26)
La fonction dâĂole est celle dâun « rĂ©gisseur », un dispensateur qui distribue, dispose des vents en force et en direction : câest exactement le sens du nom grec tamĂas[23] employĂ© ici par HomĂšre. Car le poĂšte sait quâil existe un « rĂ©gime » des vents, qui soufflent en force et en direction variable selon les lieux et selon les saisons, et qui se lĂšvent ou tombent Ă certaines heures de la journĂ©e. Câest pourquoi HomĂšre parle de vĂ©ritables « routes des vents »[24], et le domaine de ces routes, câest Ăole qui lâadministre. Mais il ne lâadministre pas arbitrairement : Ăole est soumis lui-mĂȘme Ă la juste loi voulue par les dieux, ce que les Grecs appellent ThĂ©mis, comme il le prĂ©cise lui-mĂȘme Ă Ulysse au vers 73 du chant X. Ce rĂ©gime des vents Ă©tait connu des gens de mer et deux grands savants de lâAntiquitĂ©, Aristote dans ses MĂ©tĂ©orologiques[25] - [26] et ThĂ©ophraste dans cet ouvrage lâont Ă©tudiĂ© avec prĂ©cision.
Nord (N) | Aparctias (áŒÏαÏÎșÏίαÏ) (Variante : BorĂ©e (ÎČoÏÎαÏ) |
Nord-Nord-est (NNE) | Meses (ÎŒÎÏηÏ) |
Nord-est (NE) | CĂ©cias (ÎșαÎčÎșίαÏ) |
Est (E) | ApĂ©liote (áŒÏηλÎčÏÏηÏ) |
Sud-est (SE) | Euros (ΔáœÏÎżÏ) (Variante : Euronoti (ΔáœÏÏÎœÎżÏÎżÎč) |
Sud-sud-est (SSE) | Vent local PhĂ©nicias (ÏÎżÎčÎœÎčÎșίαÏ) |
Sud (S) | Notos (ÎœÏÏÎżÏ) |
Sud-sud-ouest (SSW) | Libonotos |
Sud-ouest (SW) | Lips (λίÏ) |
Ouest (W) | ZĂ©phyr (ζÎÏÏ ÏÎżÏ) |
Nord-ouest (NW) | Argestes (áŒÏÎłÎÏÏηÏ)
Variantes : |
Nord-nord-ouest (NNW) | Thrascias (ΞÏαÏÎșίαÏ) |
Aristote et ThĂ©ophraste admettent tous deux que la cause matĂ©rielle des vents est une exhalaison[27] provenant de la terre en cas de chaleur - exhalaison qui peut ĂȘtre sĂšche (ÎŹÏÎŒÎŻÏ) ou humide (ΟηÏÏÏ)[28] - [29].
Du soleil
Dans Des Vents, ThĂ©ophraste admet les limites de ses dĂ©ductions quant aux causes dâun phĂ©nomĂšne[30] ; il admet que le principe de base de son ouvrage pourrait ne pas ĂȘtre vrai[31] ; ce principe concerne la mĂ©canique du soleil sur les vents : le soleil, en se couchant, fait tomber le vent, et le prive de ce fait du mouvement quâil lui donne â mouvement Ă©manant lui-mĂȘme du soleil. Le soleil est un moteur repoussant et joue un rĂŽle mĂ©canique : 15 des paragraphes Ă©tablis par Friedrich Wimmer concernent le soleil. Les vents sont dus Ă la chaleur du soleil. Lâair est concentrĂ© aux deux fins de course du soleil, et la trajectoire du soleil se fait dâest en ouest, oĂč lâair est expulsĂ© en fin de trajectoire. Vers le nord et vers le sud, les vents de ces deux directions sont composĂ©s de trĂšs grandes quantitĂ©s dâair. Le BorĂ©e et le Notos sont les vents les plus forts, parce quâils sont comprimĂ©s pendant la trajectoire sous lâeffet du soleil qui se dĂ©place dâest en ouest, puis expulsĂ©s. ThĂ©ophraste considĂšre lâaction du soleil comme mettant en mouvement et repoussant, Ă lâinverse de son maĂźtre Aristote. Lâaction de la chaleur et du froid sur lâair ambiant sâappelle lâantipĂ©ristase[32] - [33]
Bibliographie
- Ămile Chambry, Ămeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (trad. du grec ancien par Ămile Chambry), Lucien de Samosate : Ćuvres complĂštes, Paris, Ăditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1), « Le Navire ».
- Pierre Pellegrin (dir.) (trad. du grec ancien), Aristote : Ćuvres complĂštes, Paris, Ăditions Flammarion, , 2923 p. (ISBN 978-2-08-127316-0)
- (fr) HomĂšre (trad. du grec ancien par Victor BĂ©rard), OdyssĂ©e, Ăditions Gallimard, coll. « BibliothĂšque de la PlĂ©iade », (1re Ă©d. 1956) (ISBN 2-07-010261-0).
- Suzanne Amigues (trad. du grec ancien), Recherches sur les plantes : Ă lâorigine de la botanique, Paris, Belin, , 432 p. (ISBN 978-2-7011-4996-7)
- Des Vents, par Théophraste, traduit par Walter Stanley Hett
- On Winds, trad. de Victor Coûtant (1975)
- HomÚre, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne]
Notes et références
- Frag. 1 et 2, Ăd. Wimmer
- Frag. 59, Ăd. Wimmer
- Théophraste, Histoire des plantes, Livre II
- 2015 Lucien de Samosate, p. 1035.
- Frag. 2, Ăd. Wimmer
- Jean-Pierre Levet, linguiste français : Anémologie et philosophie dans le traité De Ventis de Théophraste p. 332
- Frag. 12 et 60, Ăd. Wimmer
- Frag. 3, Ăd. Wimmer
- Frag. 7, Ăd. Wimmer
- Frag. 29, Ăd. Wimmer
- Frag. 22, Ăd. Wimmer
- Des Vents (Frags. 31 et 59, Ăd. Wimmer)
- áŒÏαÏÎșÏίαÏ, nom anĂ©mologique du BorĂ©e
- Frag. 19, Ăd. Wimmer
- Frags. 4, et 59, Ăd. Wimmer
- Frag. 5, Ăd. Wimmer
- Frag. 6, Ăd. Wimmer
- Frags. 18, 10 et 19, Ăd. Wimmer
- Frag. 31, Ăd. Wimmer
- Frag. 57, Ăd. Wimmer
- Frag. 58, Ăd. Wimmer
- BĂ©rard & HomĂšre 1993, p. 680
- en grec ancien ÏÎ±ÎŒÎŻÎ±Ï
- en grec ancien áŒÎœÎÎŒÏÎœ ÎșÎÎ»Î”Ï ÎžÎ±
- Aristote, Météorologiques (lire en ligne) (Livre II, 4)
- Pellegrin 2014, p. 902-905
- en grec ancien αΜαΞÏÎŒÎč៶ÏÎčÏ : Frag. 29, Ăd. Wimmer
- Frag. 48, Ăd. Wimmer
- Pellegrin 2014, p. 899
- Frag. 11, Ăd. Wimmer
- Frag. 15, Ăd. Wimmer
- Action de deux qualitĂ©s contraires, dont lâune augmente la force de lâautre. Selon les pĂ©ripatĂ©ticiens, câest par antipĂ©ristase que le feu est plus ardent lâhiver que lâĂ©tĂ©
- Du Feu, frags. 13 et 18, Ăd. Wimmer