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Vigne sauvage

La Vigne sauvage[1], la Vigne des bois ou la Lambrusque[2](Vitis vinifera subsp. sylvestris) est une sous-espĂšce de liane forestiĂšre de la famille des Vitaceae. Cette sous-espĂšce de Vitis vinifera a une longue durĂ©e de vie et colonise les lisiĂšres forestiĂšres, mais peut aussi avoir un comportement de pionniĂšre aux abords d’écotones forestiers (sur sols colluvions, alluviaux, cailloutis, chablis...). Les formes cultivĂ©es sont classĂ©es dans la sous-espĂšce Vitis vinifera subsp. vinifera (=subsp sativa Hegi).

Ce sont des lianes rĂ©putĂ©es pour pousser sur les arbres mais qui semblent Ă©galement adaptĂ©es Ă  la colonisation des grandes roches et des murs. Cette sous-espĂšce est considĂ©rĂ©e par nombre de spĂ©cialistes comme l’ancĂȘtre ou le plus proche parent sauvage des vignes cultivĂ©es contemporaines et anciennes, comme le confirme la dĂ©couverte de feuilles fossilisĂ©es de l’ùre tertiaire et des restes archĂ©ologiques de pĂ©pins consommĂ©es par l'homme palĂ©olithique il y a 11 000 ans[3].

Il faut bien distinguer les membres de ce taxon qui n'ont jamais Ă©tĂ© cultivĂ©s, qualifiĂ©s de « lambrusques spontanĂ©es Â», des individus issus d'anciennes vignes cultivĂ©es puis abandonnĂ©es et qui se sont reproduits par multiplication vĂ©gĂ©tative (lambrusques postculturales) ou sexuĂ©e (lambrusques subspontanĂ©es). Les "vignes sauvages" rencontrĂ©es dans certaines rĂ©gions sont le plus souvent des porte-greffes ou des hybrides interspĂ©cifiques retournĂ©s Ă  l'Ă©tat naturel.

Étymologie

Le terme de lambrusque vient du latin populaire lambrusca, altĂ©ration du classique labrusca « vigne sauvage Â» tandis que "vigne" vient du latin vinea « vigne Â» qui lui-mĂȘme dĂ©rive de vinum « vin Â».

Synonyme

  • Vitis sylvestris (C.C.Gmel).
Feuille de lambrusque mĂąle, bord de la Charente
Fleur mĂąle de lambrusque, bord de la Charente
Pied femelle avec raisin, Conservatoire du Vignoble Charentais

Description

La lambrusque est une liane ligneuse, grimpant dans les arbres et pouvant parfois atteindre 30-40 m de longueur. Quand elle est jeune, elle rampe sur le sol Ă  la recherche d'un arbuste sur lequel se fixer pour pouvoir grandir avec lui.

Les feuilles sont alternes et opposées aux vrilles ou aux raisins. Elles sont palmatilobées, orbiculaires, découpées en 3 lobes bien marqués surtout sur les pieds mùles et dotées d'un grand sinus pétiolaire trÚs ouvert.

La fleur petite, verdĂątre, comprend un calice Ă  5 dents, 5 pĂ©tales soudĂ©s entre eux au sommet, 5 Ă©tamines opposipĂ©tales, un ovaire Ă  1 ou 2 loges renfermant chacune 1 ou 2 graines arrondies. C'est une plante dioĂŻque, avec des individus mĂąles portant des fleurs Ă  l'ovaire atrophiĂ©, et des individus femelles avec des Ă©tamines stĂ©riles. Les fleurs s'Ă©panouissent en juin. À l'anthĂšse, les pĂ©tales s'ouvrent par la base et se dĂ©tachent comme une coiffe.

Le fruit porté par les individus femelle, est une baie de mm environ, noire, pourpre, rose ou blanchùtre. Il pousse sur une thyrse communément appelée "grappe".

Différenciation des lambrusques et des vignes cultivées

Différences phénotypiques

Une analyse de 154 pieds de lambrusques spontanées[4] a permis d'établir que les individus sylvestris présentent par rapport aux sativa :

  • un sinus pĂ©tiolaire de la feuille plutĂŽt ouvert Ă  trĂšs ouvert ;
  • une feuille plutĂŽt entiĂšre, prĂ©sentant 1 Ă  3 lobes ;
  • un nombre important de dents courtes.

Les différences morphologiques concernant la fleur et le fruit sont aussi marquées, mais plus difficiles à observer car leur présence est éphémÚre. Outre que les « grains » (baies noires) de son raisin, uniquement présent sur les pieds femelles, sont plus petits, cette vigne diffÚre de la vigne cultivée par quelques autres points :

  • Bayer en 1919 notait dĂ©jĂ  que ses fleurs sont unisexuĂ©es (mĂąle ou femelle, la sous-espĂšce est dite dioĂŻque), alors que la sous-espĂšce Vitis vinifera subsp. vinifera (Ă  l'origine du « vrai raisin de cuve ») a des fleurs bisexuĂ©es ou fonctionnellement uniquement femelle[5].
    • Les pieds mĂąles donnent des grappes florales atteignant parfois 20 cm, avec des fleurs dont le gynĂ©cĂ©e est atrophiĂ© mais dont le filet des Ă©tamines est bien dĂ©veloppĂ©, avec un pollen fertile.
    • Les pieds femelles produisent des grappes plus petites (10 cm max), de fleurs au gynĂ©cĂ©e bien dĂ©veloppĂ©, mais dont le filet des Ă©tamines est lui atrophiĂ© et enroulĂ© sur lui-mĂȘme. Elles produisent un pollen qui est stĂ©rile[6]).
  • les fruits sont plus acides et amers que ceux du raisin de cuve
  • chaque baie comporte habituellement 3 graines (ou pĂ©pins), contre 2 pour nombre de cultivars.
  • Les pĂ©pins sont sphĂ©riques avec un bec court alors qu’ils sont en forme de poire avec un bec plus allongĂ© chez le raisin cultivĂ©.
  • Le feuillage vire au rouge parmi les premiers en automne.

Selon le philosophe grec Théophraste, les racines de la vigne sauvage[7] ont un effet échauffant, et entrent dans la préparation de cosmétiques[8]

Différences génétiques

L’analyse gĂ©nĂ©tique portant sur des locus microsatellites permet d'observer une trĂšs nette diffĂ©renciation entre les vignes cultivĂ©es et les lambrusques. Elle permet de mettre en Ă©vidence aussi une autre diffĂ©renciation entre les lambrusques corses et les lambrusques continentales (Lacombe et al. 2003[4]). L'analyse comparĂ©e des sous-espĂšces silvestris[9] et sativa a permis de mettre en Ă©vidence quelques cĂ©pages cultivĂ©s prĂ©sentant de nombreuses caractĂ©ristiques de lambrusques. Il s'agit de Gros Manseng, GewĂŒrztraminer, Arvine. Cette Ă©tude a aussi montrĂ© que les vignes cultivĂ©es françaises se rapprochent plus des lambrusques spontanĂ©es françaises que les vignes Ă©trangĂšres (du sud ou du centre de l’Europe).

Le génome de la Vigne sauvage a été séquencé en 2020. Ce séquençage a notamment permis de comprendre comment la mutation de sept gÚnes avait permis le passage d'une espÚce dioïque à une espÚce hermaphrodite[10] - [11].

Reproduction

Elle semble ĂȘtre surtout vĂ©gĂ©tative. Les graines n’intervenant que rarement dans l’extension de cette plante si l’on en juge par la raretĂ© des semis dans la nature. Curieusement, pour passer de la strate herbacĂ©e Ă  la strate arborescente, la jeune vigne sauvage doit trouver un jeune arbre ne dĂ©passant pas la taille d’un arbuste, avec lequel, elle s’élĂšvera, semblant incapable de grimper directement sur un arbre adulte.

Aire de distribution

Elle est mal connue avec prĂ©cision dans la plupart des rĂ©gions, car ayant Ă©tĂ© souvent confondue avec des vignes cultivĂ©es, y compris dans les flores et atlas. Dans le palĂ©opaysage, elle a Ă©voluĂ© au grĂ© des glaciations et avec les impacts du dĂ©boisement par l’homme, mais on la pense autochtone mais souvent devenue trĂšs relictuelle sur les continents suivants ;

  • Afrique du Nord (AlgĂ©rie, Maroc et Tunisie)
  • Asie
    • Asie tempĂ©rĂ©e et moyen Orientale (Iran, Iraq, IsraĂ«l, Syrie et Turquie)
    • Eurasie caucasienne (ArmĂ©nie, AzerbaĂŻdjan, Georgie, FĂ©dĂ©ration de Russie et Daguestan ciscaucasien) et au TurkmĂ©nistan
  • Europe : « Il n’en reste aujourd’hui que quelques vestiges, la majoritĂ© d’entre elles ayant Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©es par les pathogĂšnes introduits d’AmĂ©rique, dont le phylloxĂ©ra, et par les travaux de dĂ©forestation et d’amĂ©nagement des cours d’eau, cette liane Ă©tant considĂ©rĂ©e comme un parasite des arbres[12] ».
    • Europe centrale (Autriche, TchĂ©coslovaque, Allemagne, Hongrie et Suisse)
    • Europe de l’Est (Moldavie, Ukraine/CrimĂ©e)
    • Europe du Sud Est (Albanie, Bulgarie, GrĂšce, Italie/Sicile/Sardaigne, Roumanie et Yougoslavie)
    • Europe du Sud-Ouest (France, Espagne). On trouve le plus de lambrusques dans le piĂ©mont pyrĂ©nĂ©en, le Languedoc et la Corse. Mais les populations sont de trĂšs faibles effectifs, en moyenne 2,4 individus par station[4]. La quasi-totalitĂ© des lambrusques sont observĂ©es Ă  proximitĂ© des riviĂšres ou des ruisseaux oĂč la prĂ©sence d'eau autour des racines les a protĂ©gĂ© des dĂ©gĂąts occasionnĂ©s par le phylloxĂ©ra depuis la fin du XIXe siĂšcle.

Menaces

Statut de protection

Cette sous-espÚce est inscrite sur la liste des espÚces végétales protégées sur l'ensemble du territoire français métropolitain en Annexe I. Elle est également inscrite sur la liste des espÚces végétales protégées en Alsace et en Champagne-Ardenne[13].

Dérive génétique

La sous-espĂšce a fortement rĂ©gressĂ© avec l’avancĂ©e de l’agriculture et le recul mĂ©diĂ©val de la forĂȘt sauvage, puis avec l'artificialisation des forĂȘts, le drainage et la mise en culture de zones humides enforestĂ©es qui lui ont un temps servi de refuge. Cette sous-espĂšce joue un rĂŽle de rĂ©servoir de gĂšnes qui est apparu crucial aprĂšs les Ă©pisodes de phylloxera et avec l'apparition de nouvelles techniques de sĂ©lection gĂ©nĂ©tique et d'« amĂ©lioration » (non transgĂ©nique ou transgĂ©nique[14]) et pour le maintien de la diversitĂ© biologique du vignoble mondial, ou son adaptation aux chocs climatiques Ă  venir.

C’est pourquoi des Ă©valuations des populations reliques de cette sous-espĂšce sont en cours dans plusieurs pays et continents, et des Ă©chantillons conservĂ©s dans des conservatoires et jardins botaniques, avec des prĂ©lĂšvement d'Ă©chantillons d'ADN mis dans des banques de gĂšnes, protĂ©gĂ©es (comme le Natl. Germplasm Repository Ă  GenĂšve[15]. C'est aussi pourquoi elle est protĂ©gĂ©e dans certains pays. En France, elle est strictement protĂ©gĂ©e et sa cueillette en milieu naturel est strictement interdite.

Notes et références

  1. D'autres espÚces sont qualifiées de vigne sauvage(en) : Vitis girdiana, Vitis californica, Vitis riparia, Ampelopsis brevipedunculata, Cyphostemma juttae (en), Ampelocissus acetosa (en), etc.
  2. On prendra garde à ne pas confondre le terme de « lambrusque » avec l'espÚce Vitis labrusca
  3. Les origines du vin
  4. (en) Thierry LACOMBE, ValĂ©rie LAUCOU, Manuel DI VECCHI, Louis BORDENAVE, Thibaut BOURSE, RenĂ© SIRET, Jacques DAVID, Jean-Michel BOURSIQUOT, AndrĂ© BRONNER, Didier MERDINOGLU et Patrice THIS, « Contribution Ă  la caractĂ©risation et Ă  la protection in situ des populations de Vitis vinifera L. ssp. silvestris (Gmelin) Hegi, en France », Les Actes du BRG, vol. 4,‎ , p. 381-404
  5. Situation de la vigne sauvage Vitis vinifera ssp. silvestris en Europe de Arnold, C., Gillet, F. et Gobat, J. M. (VITIS 37(4), 159-170 ; 1998)
  6. Les populations sauvages et cultivées de Vitis vinifera L. de Levadoux, L. (Ann. Amélior. Plantes 6(1), 59-117. : 1956)
  7. áŒ„ÎŒÏ€Î”Î»ÎżÏ‚ áŒ€ÎłÏÎŻÎ± (áŒĄ)
  8. Recherches sur les plantes, IX, 20, 3 : « Comme drogue échauffante et ùcre, il y a encore la racine de la vigne sauvage, utilisée par conséquent comme dépilatoire et pour éliminer les taches de rousseur ; le fruit sert à dépiler les peaux ».
  9. "silvestris" ou "sylvestris" les deux orthographes sont acceptées
  10. « Comment la vigne a changé de sexe pendant sa domestication », (consulté le ).
  11. (en) HĂ©lĂšne Badouin, Amandine Velt, François Gindraud, TimothĂ©e Flutre, Vincent Dumas et al., « The wild grape genome sequence provides insights into the transition from dioecy to hermaphroditism during grape domestication », Genome Biology (en), vol. 21,‎ , article no 223 (DOI 10.1186/s13059-020-02131-y).
  12. Frédérique Pelsy, Didier Merdinoglu, La vigne, miracle de la nature ? 70 clés pour comprendre la viticulture, QuÊ, , p. 13.
  13. ce qui constitue des redites.
  14. Ecological risk assessment of transgenic plant releases : an Austrian perspective
  15. (en) Référence GRIN : espÚce Vitis vinifera subsp. sylvestris

Voir aussi

Bibliographie

  • Arnol C (2002 ) Écologie de la vigne sauvage, Vitis vinifera L. ssp. sylvestris (Gmelin) Hegi, dans les forĂȘts alluviales et colluviales d'Europe ; vdf Hochschulverlag AG, 312 pages (lien)
  • Arnold, C.; Gillet, F.; Gobat, J. M.; 1998 : Situation de la vigne sauvage Vitis vinifera ssp. silvestris en Europe. VITIS 37(4), 159-170.
  • Davis, P. H., ed. 1965–1988. Flora of Turkey and the east Aegean islands.
  • Erhardt, W. et al. 2000. Zander: Handwörterbuch der Pflanzennamen, 16. Auflage.
  • Hanelt, P., ed. 2001. Mansfeld's encyclopedia of agricultural and horticultural crops. Volumes 1-6.
  • Komarov, V. L. et al., eds. 1934–1964. Flora SSSR. (URSS)
  • Rechinger, K. H., ed. 1963–. Flora iranica.
  • Tutin, T. G. et al., eds. 1964–1980. Flora europaea.

Articles connexes

Liens externes

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