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RĂ©sistance spirituelle au nazisme en France

La RĂ©sistance spirituelle contre le nazisme dĂ©signe les efforts des croyants, notamment chrĂ©tiens et juifs compte tenu de la composition de la population dans l’Hexagone Ă  cette Ă©poque, dans la lutte contre le nazisme en France. Elle se prĂ©sente comme une rĂ©sistance Ă  l’occupation et au rĂ©gime totalitaire nazi, mais aussi plus spĂ©cifiquement Ă  l’idĂ©ologie anti-judĂ©ochrĂ©tienne d’une partie des penseurs et dirigeants nazis.

Histoire

Ralliement de nombreux chrétiens au maréchal Pétain

DÚs la défaite de 1940 et les premiÚres déclarations du maréchal Pétain, l'épiscopat, le clergé et la majorité des milieux catholiques en deviennent l'un des meilleurs soutiens, par légitimisme et par adhésion à un discours aux tonalités à la fois patriotiques, conservatrices et rassurantes[1] - [2].

Certains protestants entrent aussi dans cette mouvance pétainiste, dont le plus célÚbre est l'amiral Platon[3].

RĂ©action des milieux protestants

Chronologiquement, ce sont toutefois les protestants qui, les premiers, dĂ©veloppent une attitude de rĂ©sistance spirituelle inspirĂ©e par l'attitude de l’Église confessante allemande et par deux lettres du thĂ©ologien Karl Barth qui circulent sous forme dactylographiĂ©e.

Appel à la résistance d'André Trocmé

DĂšs le , lendemain de la capitulation, se fondant sur une allocution Ă  la radio du prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration protestante de France Marc Boegner, le pasteur AndrĂ© TrocmĂ© prononce devant ses paroissiens du Chambon-sur-Lignon son sermon dit des « armes de l'Esprit ». Il contient le premier appel Ă  la rĂ©sistance spirituelle prononcĂ© sur le sol français : « (
) Des pressions paĂŻennes formidables vont s'exercer sur nous-mĂȘmes et sur nos familles, pour tenter de nous entraĂźner Ă  une soumission passive Ă  l'idĂ©ologie totalitaire. Si l'on ne parvient pas tout de suite Ă  soumettre nos Ăąmes, on voudra soumettre tout au moins nos corps. Le devoir des chrĂ©tiens est d'opposer Ă  la violence exercĂ©e sur leur conscience les armes de l'Esprit. Nous faisons appel Ă  tous nos frĂšres en Christ pour qu’aucun n'accepte de collaborer avec cette violence, et en particulier, dans les jours qui viennent, avec la violence qui sera dirigĂ©e contre le peuple anglais. » Aimer, pardonner, faire du bien Ă  nos adversaires, c'est le devoir. Mais il faut le faire sans abdication, sans servilitĂ©, sans lĂąchetĂ©. Nous rĂ©sisterons, lorsque nos adversaires voudront exiger de nous des soumissions contraires aux ordres de l'Évangile. Nous le ferons sans crainte, comme aussi sans orgueil et sans haine. (
)[4].

La population du Chambon-sur-Lignon aura pendant toute la guerre un comportement de résistance non violente qui lui vaudra la médaille des justes de Yad Vashem en raison du nombre important de juifs qui seront cachés et protégés par le village et ses environs.

Assistance aux réfugiés et internés

DĂšs , les Ă©quipiĂšres de la Cimade Madeleine Barot et Jeanne Merle d'AubignĂ© pĂ©nĂštrent dans le camp de Gurs pour porter secours aux internĂ©s oĂč se trouvent dĂ©jĂ  une majoritĂ© de Juifs[5]. La Cimade avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e quelques mois auparavant par la thĂ©ologienne protestante Suzanne de Dietrich dans le but de prĂȘter assistance aux personnes dĂ©placĂ©es par l'Ă©vacuation d'un glacis dĂ©fensif aux frontiĂšres du nord et de l'est de la France.

Les ThĂšses de Pomeyrol

Les 16 et , sans aucun mandat, un groupe de quinze protestants se rĂ©unissait Ă  Pomeyrol – une maison de retraite et de rencontre de l’Église rĂ©formĂ©e de France Ă  Saint-Étienne-du-GrĂšs dans les Bouches-du-RhĂŽne – « pour rechercher ensemble ce que l’Église doit dire aujourd’hui au monde », Ă  l’initiative du pasteur Visser ’t Hooft et de Madeleine Barot (secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la Cimade). Cette rencontre rassemblait douze pasteurs (Jean Cadier, Georges Casalis (secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration française des associations chrĂ©tiennes d'Ă©tudiants), Henri Clavier, Paul Conord, Henri Eberhard, Jean Gastambide, Pierre Courthial, Jacques Deransart, Pierre Gagnier, Roland de Pury, AndrĂ© de Robert, AndrĂ© Vermeil) et trois laĂŻcs (Madeleine Barot, Suzanne de Dietrich venant de GenĂšve et RenĂ© Courtin, professeur Ă  la FacultĂ© de droit de Montpellier).

Cette initiative faisait Ă©cho Ă  la « DĂ©claration thĂ©ologique de Barmen » en Allemagne (29-). AprĂšs la prise de pouvoir par Hitler, les Églises protestantes - luthĂ©riennes, rĂ©formĂ©es et unies - constituant l’Église Ă©vangĂ©lique en Allemagne, ont Ă©tĂ© contraintes d’adopter dans leur constitution un paragraphe affirmant leur caractĂšre aryen et une supĂ©rioritĂ© allemande. En rĂ©action, le , le Synode de Barmen adopte une dĂ©claration proposĂ©e par un groupe comprenant notamment le thĂ©ologien Karl Barth. Ce texte se prĂ©sente comme un acte exclusivement religieux, de rĂ©sistance spirituelle pour la dĂ©fense de l’Église et de la puretĂ© de son message ; en particulier, il ne mentionnait pas la persĂ©cution des juifs. MalgrĂ© ses lacunes, Ă  l’origine de controverses aprĂšs la guerre, sa signification politique Ă©tait Ă©vidente. DĂšs 1934, des luthĂ©riens et des rĂ©formĂ©s se rĂ©unissent en dehors de l'Église officielle sous la dĂ©nomination d'Église confessante.

En France, ce texte fut diffusĂ© par les revues Foi et Vie, dirigĂ©e par le pasteur Pierre Maury, et Christianisme social. Le texte de la «DĂ©claration de Barmen», ainsi que ceux du pasteur allemand Martin Niemöller, furent publiĂ©s en 1940 dans TĂ©moignage chrĂ©tien, et aprĂšs les premiĂšres lois antisĂ©mites promulguĂ©es en zone libre, la nĂ©cessitĂ© d’établir un instrument idĂ©ologique de rĂ©sistance au nazisme aboutit Ă  la rĂ©union de Pomeyrol.

Les huit « thĂšses de Pomeyrol » sont elles aussi « une rĂ©flexion thĂ©ologique engagĂ©e sur les fondements Ă©vangĂ©liques d'une prise de parole publique de l'Église ». Les quatre premiĂšres traitent des rapports de l’Église et de l’État, la cinquiĂšme des limites de l'obĂ©issance Ă  l'État, la sixiĂšme prĂ©cise le respect des libertĂ©s essentielles, la septiĂšme dĂ©nonce l'antisĂ©mitisme, la huitiĂšme condamne la collaboration. La thĂšse sept est sans ambiguĂŻtĂ© : «...elle Ă©lĂšve une protestation solennelle contre tout statut rejetant les juifs hors des communautĂ©s humaines ». Dans la thĂšse huit « dĂ©nonçant les Ă©quivoques, l’Église affirme qu’on ne saurait prĂ©senter l’inĂ©vitable soumission au vainqueur comme un acte de libre adhĂ©sion
, elle considĂšre comme une nĂ©cessitĂ© spirituelle la rĂ©sistance Ă  toute influence totalitaire et idolĂątre ». Deux thĂšmes dominent donc ces thĂšses : le rapport de l’Église et de l’État, ainsi que la lĂ©gitimitĂ© d’une parole publique de l’Église dans la situation de l'Ă©poque.

Pour Georges Casalis, «les thĂšses de Pomeyrol diffusĂ©es par de nombreux pasteurs et Ă©tudiants “post-fĂ©dĂ©ratifs” ont contribuĂ© Ă  structurer une mentalitĂ© confessante – c’est-Ă -dire le tĂ©moignage de l'Église prĂȘte “à payer le prix de la grĂące” – au sein du protestantisme français »[6].

Prises de position des Églises protestantes

Du cĂŽtĂ© de l'institution ecclĂ©siale, le pasteur Marc Boegner, qui prĂ©side de la FĂ©dĂ©ration protestante de France, multiplie les dĂ©placements et les interventions auprĂšs du gouvernement de Vichy en faveur des personnes dĂ©placĂ©es ou regroupĂ©es dans les camps d'internement et ensuite en faveur des Juifs. Il intervient ainsi auprĂšs de Pierre Laval, mais en vain, pour lui demander de renoncer Ă  inclure les enfants juifs de moins de seize ans dans les convois de dĂ©portation. Le , il adresse une lettre aux huit prĂ©sidents de rĂ©gion de l'Église rĂ©formĂ©e de France de la zone Sud pour rappeler notamment que « pour l'Église il n'y a pas de problĂšme juif » et que « l'Église a le devoir de rappeler Ă  l'État [
] que son autoritĂ©, dont le fondement est Dieu, doit s'exercer pour le bien de tous ses ressortissants, dans une volontĂ© de justice, et dans le respect des personnes »[7] Le , il Ă©crit deux lettres au nom du conseil national de l'Église rĂ©formĂ©e de France qu’il prĂ©side, l’une Ă  l’amiral Darlan, vice-prĂ©sident du Conseil, l’autre au grand-rabbin de France IsaĂŻe Schwartz, dans laquelle il dĂ©plore la mise en place d’une lĂ©gislation raciste. PremiĂšre manifestation publique de solidaritĂ© des chrĂ©tiens français envers les Juifs, cette lettre connaĂźt un retentissement extraordinaire, notamment grĂące au journal collaborationniste Au Pilori qui a cru bon de la publier sous le titre « Une lettre inadmissible du chef des protestants de France »[8]. À partir de , il prend contact avec le cardinal Gerlier, archevĂȘque de Lyon, afin que ce dernier aborde la question raciale avec le marĂ©chal PĂ©tain. Ému de ces protestations conjointes des Églises chrĂ©tiennes, le MarĂ©chal demande davantage de modĂ©ration au secrĂ©taire d’État aux questions juives, ce qui n'empĂȘche pas la situation des Juifs d'empirer dĂšs , mettant en Ă©vidence la totale impuissance du marĂ©chal PĂ©tain[9]. Le , aprĂšs de nouvelles mesures antijuives en zone occupĂ©e et la rafle du Vel d'Hiv, Marc Boegner Ă©crit une lettre au marĂ©chal PĂ©tain. Cette lettre connaĂźt Ă  nouveau une trĂšs large diffusion, cette fois grĂące Ă  la presse et Ă  la radio internationales. Elle prĂ©sente un caractĂšre tout nouveau par rapport Ă  ses prĂ©cĂ©dentes interventions, en ce sens qu’elle porte sur les opĂ©rations de livraison Ă  l’Allemagne de Juifs Ă©trangers, dĂ©jĂ  internĂ©s dans les camps. SimultanĂ©ment Marc Boegner obtient du cardinal Gerlier une lettre de protestation auprĂšs du marĂ©chal PĂ©tain sur les mĂȘmes questions. La plupart des pasteurs rĂ©percutent les Ă©crits du PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration protestante de France, mais font aussi leur propre prĂ©dication. L'historien Patrick Cabanel a publiĂ© neuf de ces sermons marquants, et il note que les rĂ©sistants Berty Albrecht et Henri Frenay assistaient aux cultes de Roland de Pury Ă  Lyon dont ils Ă©crivent : « Quelle joie Ă©tait-ce pour nous que d’écouter cet homme dire Ă  haute voix devant un nombreux auditoire, et en terme Ă  peine diffĂ©rents, ce que nous Ă©crivions dans nos feuilles clandestines. »[4]

Attitudes des populations protestantes

Minorité jadis persécutée par le pouvoir royal, les protestants français ont été particuliÚrement nombreux à manifester de l'empathie envers les nouveaux proscrits.

Il est frappant de constater que la liste des localitĂ©s remarquables par leur engagement contre la persĂ©cution des juifs qui a pu ĂȘtre Ă©tablie ici ou lĂ  regroupe quasi exclusivement des localitĂ©s Ă  forte minoritĂ© (voire Ă  majoritĂ©) protestante; par exemple le Premier ministre Dominique de Villepin cite dans son discours du lors de la cĂ©rĂ©monie d'inauguration du Mur des Justes au MĂ©morial de la Shoah Ă  Paris, les communes du Chambon-sur-Lignon, Dieulefit, AlĂšs, Florac, Saint-LĂ©ger, Vabre, Lacaune[10].

Plaque commémorative du sauvetage des juifs au Chambon sur Lignon

Parmi ces villages qui sont venus collectivement au secours des persĂ©cutĂ©s, le Chambon-sur-Lignon et sa rĂ©gion, dans la Haute-Loire, ont Ă©tĂ© exceptionnellement reconnus collectivement comme « Juste parmi les nations »[11] par l'Institut Yad Vashem de JĂ©rusalem, qui a dĂ©cernĂ© en , un « diplĂŽme d’Honneur » aux habitants du Chambon-sur-Lignon et des communes voisines. À la suite d'AndrĂ© et Magda TrocmĂ©, mĂ©nage pastoral qui anime Ă  la fois la paroisse rĂ©formĂ©e et le CollĂšge CĂ©venol du Chambon-sur-Lignon, nommĂ©s « Juste parmi les nations » par l'Institut Yad Vashem de JĂ©rusalem le [12], 46 autres habitants de la commune l'ont Ă©tĂ© dans la seule commune du Chambon (sans compter les villages avoisinants)[13]! Seul le village nĂ©erlandais de Nieuwlande a reçu la mĂȘme distinction. Citons Ă©galement le village de Vebron, prĂšs de Florac, oĂč la population des rĂ©fugiĂ©s a atteint 25 % de la population totale, et la petite ville de Dieulefit dans la DrĂŽme, qui fut Ă  peu prĂšs dans la mĂȘme situation[14].

Situation générale des catholiques en France

Dans la France de 1940, la majoritĂ© de la population est catholique. Les historiens ont relevĂ© que l'entourage de PĂ©tain regroupait des reprĂ©sentants de tous les mouvements de droite, au sein desquels on trouvait des catholiques de toutes tendances[15], et que le marĂ©chal PĂ©tain bĂ©nĂ©ficiera initialement d'un large soutien de la part de l'Église catholique[16]. En revanche, on retrouvera Ă©galement des catholiques, sans motivation religieuse exprimĂ©e, dans presque tous les courants de la RĂ©sistance[17].

Position officielle de l’Église catholique de France

La position de l’Église catholique en France pendant la Seconde Guerre mondiale fut dĂ©licate, car ses responsables estimaient que toute protestation risquait d’entraĂźner des reprĂ©sailles[17]. Ce silence de la hiĂ©rarchie catholique face Ă  la dĂ©portation des Juifs a interpellĂ© les consciences, alors que le drame de la Shoah se dĂ©roulait sans que l’on en perçût encore ni l’organisation, ni l’ampleur[17].

Engagement d’ecclĂ©siastiques, de mouvements et d’institutions catholiques dans la RĂ©sistance

*Certaines mouvances de la Résistance sont profondément ancrées dans le catholicisme, comme Liberté, fondée par François de Menthon qui sera l'une des composantes du mouvement Combat, ou les Cahiers du Témoignage chrétien fondés par le pÚre Pierre Chaillet. Ces militants considÚrent que leur foi chrétienne leur impose d'agir aux cÎtés de la Résistance[18].
[réf. nécessaire]
  • Le silence officiel du pape Pie XII n’empĂȘcha pas les institutions religieuses catholiques d’abriter et de sauver des milliers de pourchassĂ©s. Certaines organisations d’inspiration religieuse Ă©taient plus proches de la RĂ©sistance spirituelle. Ainsi de nombreux enfants raflĂ©s Ă  Lyon ont-ils Ă©tĂ© sortis en une nuit du camp de Villeurbanne () par l’AmitiĂ© ChrĂ©tienne d'Alexandre Glasberg et de Pierre Chaillet, fondateur de TĂ©moignage chrĂ©tien[19].

*De nombreux prĂȘtres figurent dans la liste des Justes parmi les nations, tel le PĂšre Marie-BenoĂźt (surnommĂ© « le pĂšre des Juifs »), capucin qui a protĂ©gĂ© des Juifs Ă  Marseille.

*Les institutions religieuses ont contribuĂ© Ă  l’aide aux Juifs qui Ă©taient souvent dissimulĂ©s dans des couvents ou des pensionnats religieux. Des faux certificats de baptĂȘme ont Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©s par des prĂȘtres. Comme l'a justement Ă©crit Étienne Fouiloux, "la RĂ©sistance du clergĂ© s'est manifestĂ©e dans les domaines les mieux accordĂ©s Ă  la vocation sacerdotale : la production des « armes de l'esprit » et le sauvetage des juifs"[20].

Le cas des Cahiers du Témoignage chrétien

C’est dans la France occupĂ©e que, le Ă  Lyon, un jĂ©suite, le pĂšre Pierre Chaillet, publie clandestinement le premier Cahier du tĂ©moignage chrĂ©tien. IntitulĂ© « France, prends garde de perdre ton Ăąme », sous forme d'un opuscule de petit format (d'oĂč le nom de Cahier), il contient un vibrant appel Ă  s’opposer au nazisme au nom des valeurs chrĂ©tiennes. Il est entiĂšrement rĂ©digĂ© par le pĂšre Gaston Fessard. TĂ©moignage chrĂ©tien devait s’appeler TĂ©moignage catholique, mais par ƓcumĂ©nisme et Ă  la suite de la participation de protestants dans l'Ă©quipe clandestine initialement constituĂ©s de thĂ©ologiens jĂ©suites du thĂ©ologat de FourviĂšre Ă  Lyon, l'adjectif « catholique » a Ă©tĂ© changĂ© en « chrĂ©tien ». ParallĂšlement aux Cahiers du tĂ©moignage chrĂ©tien, qui ne traitent que d'un seul sujet Ă  chaque fois, paraĂźt dĂšs le Courrier français du tĂ©moignage chrĂ©tien, d’un tirage de 100 000 puis 200 000 exemplaires.

La spĂ©cificitĂ© de TĂ©moignage chrĂ©tien, par rapport aux autres journaux de rĂ©sistance est qu’il revendique une «rĂ©sistance spirituelle». C'est en effet en rĂ©fĂ©rence Ă  l’Évangile et aux idĂ©aux chrĂ©tiens que TĂ©moignage chrĂ©tien s'est opposĂ© au nazisme. Le Courrier du tĂ©moignage chrĂ©tien est sous-titrĂ© «Lien du Front de rĂ©sistance spirituelle contre l’hitlĂ©risme».

Treize numĂ©ros du Courrier du tĂ©moignage chrĂ©tien et quatorze Cahiers seront diffusĂ©s jusqu‘à la LibĂ©ration.

Maurice Schumann, porte parole de la France libre Ă  Londres, adressa au PĂšre Chaillet cette lettre en :

« Mon PĂšre, vous avez Ă©tĂ© notre 18 juin spirituel. C’est trop peu dire que nous vous lisions. Tandis que vous portiez TĂ©moignage dans les soutes et les prisons, les pharisiens de Vichy perpĂ©traient le pire des mensonges : d’une main, ils relevaient les autels, de l’autre, ils en Ă©teignaient les lumiĂšres... Le jour oĂč un missionnaire de la rĂ©sistance m’a mis votre TĂ©moignage entre les mains, j’ai ressenti le mĂȘme choc libĂ©rateur que le soir oĂč, sur le chemin d’une retraite qui paraissait sans fin, la voix du gĂ©nĂ©ral de Gaulle Ă©tait parvenue jusqu'Ă  moi. »

Point de vue du Vatican sur la RĂ©sistance spirituelle au nazisme

À partir des annĂ©es 1990, le Vatican a su se montrer critique de l'attitude du catholicisme pendant la guerre.

  • Dans un discours prononcĂ© le , le pape Jean-Paul II dĂ©clare qu'« Ă  cĂŽtĂ© de ces hommes et femmes si courageux, la rĂ©sistance spirituelle et l’action concrĂšte d’autres chrĂ©tiens n’ont pas Ă©tĂ© celles auxquelles on aurait pu s’attendre de la part de disciples du Christ. Il est impossible de savoir combien de chrĂ©tiens dans des pays occupĂ©s ou gouvernĂ©s par les puissances nazies ou par leurs alliĂ©s Ă©taient horrifiĂ©s par la disparition de leurs voisins juifs, mais pourtant pas assez courageux pour Ă©lever leur voix en signe de protestation. Pour les chrĂ©tiens, ce poids Ă©crasant qui pĂšse sur la conscience de leurs frĂšres et sƓurs lors de la Seconde Guerre mondiale doit ĂȘtre un appel Ă  la repentance »[22].
  • Le , Jean-Paul II admet que les prĂ©jugĂ©s antijuifs avaient Ă©touffĂ© la « rĂ©sistance spirituelle » de nombreux chrĂ©tiens face aux persĂ©cutions des juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, parlant d'« interprĂ©tations erronĂ©es et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et Ă  sa prĂ©tendue culpabilitĂ© » qui ont « trop longtemps circulĂ© »[23].
  • Le cardinal Joseph Ratzinger, futur BenoĂźt XVI, Ă©crit en « Au cours de la DeuxiĂšme Guerre mondiale (1939-1945), des Ă©vĂ©nements tragiques ou, plus exactement, des crimes abominables ont soumis le peuple juif Ă  une Ă©preuve d'extrĂȘme gravitĂ©, qui menaçait son existence mĂȘme dans une grande partie de l'Europe. En ces circonstances, des chrĂ©tiens n'ont pas manifestĂ© la rĂ©sistance spirituelle qu'on Ă©tait en droit d'attendre de disciples du Christ et n'ont pas pris les initiatives correspondantes. D'autres chrĂ©tiens, par contre, sont venus gĂ©nĂ©reusement en aide aux Juifs en danger, au risque souvent de leur propre vie », Joseph Cardinal Ratzinger, « Le peuple juif et ses saintes Ă©critures dans la bible chrĂ©tienne ». Commission pontificale biblique, Rome, . (ISBN 2-204-06913-2)

Continuer l'enseignement du judaïsme, sauver les enfants et témoigner

MalgrĂ© les risques encourus, il Ă©tait primordial de prĂ©server l'enseignement du judaĂŻsme que les Nazis voulaient anĂ©antir : le SĂ©minaire israĂ©lite de France, dont la mission est de former les rabbins a continuĂ© Ă  fonctionner jusqu'en 1943. L’École se replie, en 1940, Ă  Vichy pour quelques mois; puis Ă  ChamaliĂšres (prĂšs de Clermont-Ferrand) de 1941 Ă  . En , elle est transfĂ©rĂ©e Ă  Lyon, oĂč elle est dissoute en 1943. Elle connaĂźtra une semi-clandestinitĂ© jusqu’en 1945, avant de reprendra normalement ses activitĂ©s[24].

À la maison de Moissac, Jacob Gordin et son Ă©pouse Rachel, non seulement participent au sauvetage de centaines d'enfants juifs mais aussi leur dispensent l'apprentissage de l'hĂ©breu, les enseignements de l'histoire et de la tradition juive, associĂ©s Ă  la mĂ©thode Montessori[25].

L'OSE

En 1933, l'ƒuvre de secours aux enfants (OSE) qui avait fui la Russie puis l'Allemagne, se rĂ©fugie en France. RestĂ©e Ă  Paris aprĂšs la dĂ©faite autour d'EugĂšne Minkowski, une partie de l'OSE crĂ©e un rĂ©seau de patronages qui traversera toute la Seconde Guerre mondiale. Ses maisons d'enfants hĂ©bergent jusqu'Ă  1 349 enfants au printemps 1942. L'OSE participe Ă  la mise en place du dispositif d'Ă©migration de 311 enfants juifs vers les États-Unis via Lisbonne[26]. À partir des rafles de l'Ă©tĂ© 1942, notamment la rafle du VĂ©lodrome d'Hiver, quand Minkowski donne comme mot d'ordre « Sauvons les enfants et dispersons-les », l'OSE organise clandestinement le sauvetage des enfants menacĂ©s de dĂ©portation et en sauve plus de 5 000. Ce rĂ©seau prend ensuite le nom de « Circuit Garel » quand Georges Garel en prend la direction[27].

À la LibĂ©ration de la France en 1945, l'OSE est chargĂ©e de plus de 2 000 enfants devenus orphelins, dont 427 rescapĂ©s du camp de Buchenwald.

Le centre de documentation juive contemporaine

Le rabbin Schneour Zalman Schneersohn Ă©tait avant la guerre Ă  la tĂȘte de l'AIP (Association des israĂ©lites pratiquants), organisation haredi qui se replie aprĂšs la dĂ©faite Ă  Vichy puis Ă  Marseille. L'AIP gĂšre synagogue, bureau d'assistance, sĂ©minaire-yechiva, foyers pour enfants et atelier de reclassement professionnel[28]. Le futur historien LĂ©on Poliakov, pourtant juif agnostique, devient le secrĂ©taire de l'association[29] et fonde avec le cousin du rabbin Schneersohn, Isaac Schneersohn, le centre de documentation juive contemporaine (CDJC) qui rassemble dĂšs l'annĂ©e 1943 toutes les preuves possibles des exactions des nazis et de leurs complices. Poliakov participera en tant qu'expert au sein de la dĂ©lĂ©gation française au procĂšs de Nuremberg. Le CDJC est depuis 1997 partie intĂ©grante du MĂ©morial de la Shoah.

Quelques acteurs de la résistance spirituelle

Bien que ces listes soit prĂ©sentĂ©es par famille spirituelle, il est Ă  noter que la rĂ©sistance spirituelle française a fonctionnĂ© trĂšs souvent de maniĂšre ƓcumĂ©nique[30].

Personnalités catholiques

Personnalités protestantes

Personnalités orthodoxes

Personnalités juives

Personnalités musulmanes

Notes et références

  1. Jacques Duquesne « Les Catholiques français sous l'Occupation », éditions du Seuil, collection Points histoire, Paris, 1996 (ISBN 2-246116023).
  2. voir aussi « La proximitĂ© des catholiques avec le rĂ©gime de Vichy » dans l'article Église catholique en France
  3. Musée virtuel du protestantisme
  4. Patrick Cabanel, RĂ©sister, voix protestantes, Éditions Alcide, 2013
  5. Roger Mehl, p. 143.
  6. Musée virtuel du protestantisme
  7. Roger Mehl, p. 142.
  8. Roger Mehl, p. 144.
  9. Roger Mehl, p. 145.
  10. "Aujourd'hui nous pensons aussi Ă  tous ces villages, le Chambon-sur-Lignon bien sĂ»r auquel le prĂ©sident Jacques Chirac a rendu hommage, mais aussi Dieulefit, AlĂšs, Florac, Saint-LĂ©ger, Vabre, Lacaune, tous ces villages oĂč s'organisa une vĂ©ritable solidaritĂ© collective et qui offrirent refuge Ă  tant de familles et d'enfants persĂ©cutĂ©s." Extrait du discours prononcĂ© par le Premier ministre Dominique De Villepin, le lors de la cĂ©rĂ©monie de prĂ©sentation du Mur des Justes au MĂ©morial de la Shoah Ă  Paris, citĂ© sur le site français du MĂ©morial Yad Vashem, consultĂ© le . Seul le village de Saint-LĂ©ger, dans les Alpes-Maritimes, n'a pas d'identitĂ© protestante marquĂ©e
  11. Comité Français pour Yad Vashem
  12. Comité Français pour Yad Vashem
  13. Comptage sur le site français du Mémorial Yad Vashem, consulté le .
  14. Philippe Joutard, Histoires et mĂ©moires, conflits et alliances, Éditions La DĂ©couverte, Paris 2013, 342 pages, p. 88
  15. Voir par exemple Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-44, Perrin, 1997, éd 2004, p. 179
  16. Azéma et Wieviorka, p. 176-177
  17. RenĂ©e BĂ©darida et François BĂ©darida, « La RĂ©sistance spirituelle, 1941-1944 : Les cahiers clandestins du « TĂ©moignage ChrĂ©tien »., Paris, Éditions Albin Michel, , 411 p. (ISBN 2-226-11711-3)
  18. Comme ce fut le cas pour l'abbé Roger Derry (1900-1943), décapité à Cologne en 1943
  19. Renée Bédarida, Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle, Paris, Fayard,
  20. Étienne Fouilloux, « article "ClergĂ© Catholique" », Dictionnaire historique de la RĂ©sistance,‎ , p. 871
  21. Renée Bédarida et François Bédarida, « La Résistance spirituelle, 1941-1944 : Les cahiers clandestins du « Témoignage chrétien », annexes, Paris, Albin Michel, , 411 p. (ISBN 2-226-11711-3)
  22. Jean-Paul II, Discours au nouvel Ambassadeur de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d’Allemagne prĂšs le Saint-SiĂšge, , n. 2: AAS 83 (1991), 587-588)
  23. « En effet, dans le monde chrĂ©tien - je ne dis pas de la part de l'Église en tant que telle - des interprĂ©tations erronĂ©es et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et Ă  sa prĂ©tendue culpabilitĂ© ont trop longtemps circulĂ©, engendrant des sentiments d'hostilitĂ© Ă  l'Ă©gard de ce peuple. Ils ont contribuĂ© Ă  assoupir bien des consciences, de sorte que, quand a dĂ©ferlĂ© sur l'Europe la vague des persĂ©cutions inspirĂ©es par un antisĂ©mitisme paĂŻen qui, dans son essence, Ă©tait Ă©galement un anti-christianisme, Ă  cĂŽtĂ© de chrĂ©tiens qui ont tout fait pour sauver les persĂ©cutĂ©s jusqu'au pĂ©ril de leur vie, la rĂ©sistance spirituelle de beaucoup n'a pas Ă©tĂ© celle que l'humanitĂ© Ă©tait en droit d'attendre de la part de disciples du Christ. Votre regard lucide sur le passĂ©, en vue d'une purification de la mĂ©moire, est particuliĂšrement opportun pour montrer clairement que l'antisĂ©mitisme est sans justification aucune et absolument condamnable », Jean-Paul II, Rome, .
  24. « Ecole rabbinique de France », sur Consistoire régional RhÎne-Alpes et Centre
  25. « Rachel Gordin, une grande pédagogue juive », sur Alliance israélite universelle
  26. Emigration d'enfants juifs vers les États-Unis, sur jewishtraces.org.
  27. [PDF] cf. Carte de France : (en)RĂ©seau clandestin 1943-1944.
  28. Lazare 1987, p. 139-140.
  29. Selon Lazare, 1987, p. 357, note 38, Poliakov fut secrétaire de l'AIP de à .
  30. Cet extrait des souvenirs du pasteur AndrĂ© Morel (dans l’ouvrage collectif Les Clandestins de Dieu: CIMADE 1939-1945, Labor et Fides, 1989 (ISBN 978-2-83090-588-5), 221 p.) en est une bonne illustration : « EnvoyĂ© en Haute-Savoie par la Cimade pour organiser une chaĂźne d’évasion vers la Suisse, j’avais fait connaissance Ă  Chedde de Louis Audemard, chef de la troupe des Éclaireurs Unionistes de Chamonix, et de sa profession chef Ă©lectricien Ă  l’usine de produits chimiques. Il m’avait fait connaĂźtre l’itinĂ©raire qu’il employait pour faire passer en Suisse les agents de l’Intelligence Service, itinĂ©raire long mais sĂ»r. L’évĂȘque d’Annecy nous dĂ©signait comme refuge en attendant le passage, la Trappe de TamiĂ© pour les hommes et le couvent de Chavanod pour les femmes. Le presbytĂšre protestant d’Annecy complĂ©tait l’organisation d’attente. Je logeais dans un hĂŽtel de Chedde oĂč des tĂ©lĂ©grammes comme celui-ci me prĂ©venaient : « Envoyons trois piolets tel jour, telle heure. » Ne pouvant faire tous les passages moi-mĂȘme, j’étais aidĂ© par Louis Audemard et les siens, et des amis, dont Georges Casalis. J’ai eu surtout affaire Ă  de jeunes juifs que Mme AndrĂ© Philip faisait Ă©vader du Chambon-sur-Lignon, donc en gĂ©nĂ©ral des anciens de Gurs, orientĂ©s et aidĂ©s par la Cimade. (
) Je suis incapable de dire le nombre de voyages que nous avons faits. »
  31. Comité Français pour Yad Vashem
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  35. Site MĂ©moire des Hommes
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  40. Site MĂ©moire des Hommes
  41. Site MĂ©moire des Hommes
  42. Site de la Fondation pour la MĂ©moire de la DĂ©portation
  43. (en) Site de Yad Vashem
  44. Comité Français pour Yad Vashem
  45. Site MĂ©moire des Hommes
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  84. Site du Comité français pour Yad Vashem
  85. Site de la Fondation pour la MĂ©moire de la DĂ©portation
  86. Comité Français pour Yad Vashem
  87. Comité Français pour Yad Vashem
  88. Site MĂ©moire des Hommes
  89. Site MĂ©moire des Hommes
  90. Site du patrimoine rudipontain
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  93. Site MĂ©moire des Hommes
  94. Comité Français pour Yad Vashem
  95. Comité Français pour Yad Vashem
  96. Patrick Cabanel : « De la paix aux résistances: Les protestants en France (1930-1945) », Fayard, 2015, (ISBN 978-2-213-68518-2), 432 pages
  97. Comité Français pour Yad Vashem
  98. Site MĂ©moire des Hommes
  99. Site de l'amicale des maquis de Vabre
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  106. (en) Site de Yad Vashem
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  109. Alain Perrier : « A la découverte de mon grand-oncle Charles Guillon » p. 1 (pdf)
  110. Site MĂ©moire des Hommes
  111. Comité Français pour Yad Vashem
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  113. (en) Site de Yad Vashem
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  117. Site MĂ©moire des Hommes
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  119. Site MĂ©moire des Hommes
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  121. (en) Site de Yad Vashem
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  126. Musée virtuel du protestantisme
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