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Marc Boegner

Marc Boegner, né le à Épinal et mort le à Paris, est un pasteur et théologien protestant, responsable d'Église et essayiste français.

Marc Boegner
Conférence de Marc Boegner au Poët-Laval (1965).
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Docteur honoris causa de l'université de théologie protestante de l'université Charles de Prague (d) ()
Juste parmi les nations ()
Docteur honoris causa de l'Université de Toronto
Docteur honoris causa de l'université d'Édimbourg
Grand officier de la Légion d'honneur‎
signature de Marc Boegner
Signature de Marc Boegner

Biographie

Jeunesse

Marc Boegner est issu d’une famille protestante alsacienne. Il est le fils de Paul Boegner, avocat puis préfet, et de Marguerite Fallot, et le neveu du pasteur Alfred Boegner, directeur de la Société des missions évangéliques de Paris. Son grand-père était professeur au Gymnase protestant de Strasbourg.

Il passe son enfance à Épinal, avant de suivre sa famille à Orléans, où il se lie d’amitié avec Charles Péguy, puis à Paris où il fait ses études secondaires à l’École alsacienne. Il est élève en classe préparatoire de l'École navale, au lycée Lakanal, mais il doit renoncer à une carrière dans la marine du fait d'un début de myopie. Il obtient une licence de droit, puis décide, sous l'effet de ce qu'il nomme sa « conversion » et très marqué par l'influence de son oncle le pasteur Tommy Fallot, d'entrer à la faculté de théologie protestante de Paris. Il y soutient en une thèse de baccalauréat en théologie, intitulée Les catéchismes de Calvin[1].

Début de carrière pastorale

Marc Boegner est nommé pasteur à Aouste-sur-Sye, (Drôme), où Tommy Fallot a été pasteur pendant neuf ans, puis, en 1911, il devient professeur à la Société des missions évangéliques de Paris. Il y rencontre John Mott, laïc américain méthodiste, fondateur de la Fédération universelle des associations chrétiennes d'étudiants, futur lauréat du prix Nobel de la paix (1946), et initiateur du mouvement œcuménique. Marc Boegner obtient, en 1914, une licence de théologie, en soutenant une thèse intitulée La vie et la pensée de Tommy Fallot[2].

Il est mobilisé à Paris comme infirmier-chef en , tout en continuant à présider des cultes. À l'issue de la guerre, il est nommé pasteur de la paroisse protestante parisienne de Passy-Annonciation (1918-1953), où il est rejoint en 1934 par le pasteur et théologien Pierre Maury, introducteur de la pensée de Karl Barth en France et professeur de dogmatique à la faculté de théologie protestante de Paris[3].

Une figure présidentielle

En 1928, il inaugure les prédications du carême protestant à la radio[4] et se prononce en faveur de l'unité des chrétiens. Cette activité radiophonique contribue à le faire connaître. De 1929 à 1961, il est président de la Fédération protestante de France, organisme qui réunit des Églises protestantes françaises, réformées et luthériennes. Lors de la réunification des Églises réformées en 1938, il devient le premier président du conseil national de la nouvelle Église réformée de France.

Selon Patrick Cabanel, l'année 1937 a vu une victoire feutrée de Boegner sur Freddy Durrleman, animateur de La Cause, qui a été contraint par le ministre des Postes de céder à la Fédération protestante son émission hebdomadaire sur Radio-Paris. Habitué à présider, « chef national des protestants » comme l'avait été le marquis de Ruvigny au XVIIe siècle, Marc Boegner serait une figure « épiscopalienne » voire « cardinalice »[5].

Les années de guerre et d'occupation

Il est nommé membre du Conseil national de Vichy[6] et décoré de la francisque[7].

En , après l'armistice, la Fédération protestante souhaite que son président se fixe en zone libre et Marc Boegner s'installe à Nîmes où la tradition protestante reste forte, tandis qu'André-Numa Bertrand, vice-président de la Fédération protestante et pasteur de l'Oratoire du Louvre, reste à Paris. Marc Boegner multiplie les déplacements et les interventions auprès du gouvernement de Vichy en faveur des personnes déplacées ou regroupées dans le camp d'internement de Drancy et au camp de Gurs et ensuite en faveur des Juifs[8].

Premières interventions contre l'antisémitisme

Il intervient ainsi auprès de Pierre Laval, mais en vain, pour lui demander de renoncer à inclure les enfants juifs de moins de seize ans dans les convois de déportation. Dès , il soutient le projet d'action de la Cimade qui permet à Madeleine Barot et Jeanne Merle d'Aubigné d'intervenir au sein du camp de Gurs, afin de porter secours aux internés parmi lesquels se trouve une majorité de réfugiés juifs[9] dont l'écrivaine pacifiste Adrienne Thomas, la philosophe Hannah Arendt et la peintre Lou Albert-Lasard. Le , il adresse une lettre aux huit présidents de région de l'Église réformée de France de la zone libre pour rappeler notamment que « pour l'Église il n'y a pas de problème juif » et que « l'Église a le devoir de rappeler à l'État […] que son autorité, dont le fondement est Dieu, doit s'exercer pour le bien de tous ses ressortissants, dans une volonté de justice, et dans le respect des personnes »[10].

Le , il écrit deux lettres au nom de l'Église réformée de France, l’une à l’amiral Darlan, vice-président du Conseil national, l’autre au grand-rabbin de France Isaïe Schwartz, dans laquelle il déplore la mise en place d’une législation raciste : « Notre Église, qui a jadis connu les souffrances de la persécution, ressent une ardente sympathie pour vos communautés dont en certains endroits la liberté du culte est déjà compromise et dont les fidèles viennent d’être si brusquement jetés dans le malheur. Elle a déjà entrepris et ne cessera pas de poursuivre des démarches en vue d’une refonte indispensable de la loi. » Première manifestation publique de solidarité des chrétiens français envers les Juifs, cette lettre connaît un retentissement extraordinaire, notamment grâce au journal collaborationniste Au Pilori qui a cru bon de la publier sous le titre « Une lettre inadmissible du chef des protestants de France »[11], ou encore à Je suis partout, qui la publie intégralement (pour la dénoncer)[12].

Prises de position des Églises françaises face à la collaboration et aux mesures anti-juives

À partir de , confronté à l'échec de ses interventions auprès de l'amiral François Darlan, il prend contact avec le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon et primat des Gaules. Le cardinal s'était signalé par son soutien sans faille au maréchal Pétain lorsque celui-ci était devenu chef de l'État français. Le pasteur Boegner demande au prélat d'aborder la question raciale avec le maréchal. Après avoir reçu ces protestations conjointes des Églises chrétiennes, Pétain demande davantage de modération au secrétaire d’État aux questions juives, protestation qui reste sans effet tandis que la situation des Juifs empire dès [13].

Le , après de nouvelles mesures antijuives en zone occupée et la rafle du Vélodrome d'Hiver, il écrit une lettre au maréchal Pétain. Cette lettre connait à nouveau une très large diffusion, cette fois grâce à la presse et à la radio internationales. Elle présente un caractère tout nouveau par rapport à ses précédentes interventions, en ce sens qu’elle porte sur les opérations de livraison à l’Allemagne de Juifs étrangers, déjà internés dans les camps : « La vérité est que viennent d’être livrés à l’Allemagne des hommes et des femmes réfugiés en France pour des motifs politiques et religieux, dont plusieurs savent d’avance le sort terrible qui les attend […]. Je suis obligé d’ajouter, Monsieur le Maréchal, que la livraison de ces malheureux étrangers s’est effectuée, en maints endroits, dans des conditions d’inhumanité qui ont révolté les consciences les plus endurcies et arraché des larmes aux témoins de ces mesures. »[14]. Simultanément Marc Boegner obtient du cardinal Gerlier une lettre de protestation auprès du maréchal Pétain sur les mêmes questions.

Ces protestations prennent aussi la forme de lettres pastorales, souvent lues en chaire au cours des cultes dominicaux. Le dimanche , à l'issue de l'Assemblée du désert à Mialet, Marc Boegner réunit les nombreux pasteurs présents pour leur faire partager sa vision sur le fait que le gouvernement de Vichy s'est désormais résolument placé du côté de l'occupant et de son idéologie[15]. Il protège également la Montagne-refuge du Chambon-sur-Lignon et du Mazet-Saint-Voy[16].

En 1943, Marc Bogner condamne l'envoi forcé des travailleurs en Allemagne au titre du STO. Les Allemands le menacent et exercent un chantage sur lui, en vain[17].

Après-Guerre

Marc Boegner est appelé à témoigner lors du procès de Philippe Pétain, le .

Après la guerre, il poursuit ses fonctions de président de la Fédération protestante de France jusqu’en 1961, date à laquelle le pasteur Charles Westphal lui succède. En 1947, il fonde l'Alliance biblique française, qu'il préside jusqu'en 1968[18]. Président du comité directeur de la Société des missions de 1948 à 1968, il a critiqué les injustices ayant provoqué l'insurrection malgache de 1947, tout en mettant en garde contre « le risque redoutable » d'une dérive nationaliste de l'Église malgache[19].

Il continue son combat pour l'unité en participant au mouvement œcuménique[20]. Il est observateur au concile Vatican II. Il encourage l'expérience de Taizé, où il discerne « une grande grâce », et il y prononce un sermon en 1962, à la veille de l'inauguration de l'église de la réconciliation. Il établit une relation de confiance avec Roger Schütz[21].

Convaincu de l'importance des moyens de communication modernes, il est à l'origine de la création, en 1955, par la Fédération protestante de France, de l'émission télévisée hebdomadaire Présence protestante dont le pasteur Marcel Gosselin prend la direction[22].

Marc Boegner est élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1946, et à l’Académie française en 1962. C'est la première fois qu'un pasteur protestant siège à l'Académie[23]. Il occupe — par coïncidence — le fauteuil 2 qui a eu « pour premier titulaire en 1634, le huguenot Valentin Conrart, l’un des fondateurs et le premier secrétaire perpétuel de l’Académie »[24]. Il meurt au soir du à Paris, et il est inhumé au cimetière du Montparnasse[23].

Responsabilités institutionnelles

Publications

  • 1905 : Les CatĂ©chismes de Calvin : Étude d'histoire et de catĂ©chĂ©tique (thèse de baccalaurĂ©at), .
  • 1914 : The Unity of the Church, 1914.
  • 1914-1926 : La Vie et la PensĂ©e de Tommy Fallot, 2 vol., 1914-1926.
  • 1926 : L'Influence de la RĂ©forme sur le dĂ©veloppement du droit international.
  • 1928 : Le Christianisme et le Monde moderne, recueil de prĂ©dications.
  • 1929 : Les Missions protestantes et le Droit international.
  • 1929 : Dieu, l'Ă©ternel tourment des hommes, recueil de prĂ©dications.
  • 1930 : JĂ©sus-Christ, recueil de prĂ©dications.
  • 1931 : Tommy Fallot : L'Homme et l'Ĺ’uvre.
  • 1931 : Qu'est-ce que l'Église ?, recueil de prĂ©dications.
  • 1932 : L'Église et les questions du temps prĂ©sent.
  • 1933 : La Vie chrĂ©tienne.
  • 1935 : Le Christ devant la souffrance et devant la joie, recueil de prĂ©dications.
  • 1939 : L'Évangile et le Racisme.
  • 1947 : Le Problème de l'unitĂ© chrĂ©tienne, recueil de prĂ©dications.
  • 1951 : La Prière de l'Église universelle.
  • 1953 : La Vie triomphante.
  • 1956 : Le ChrĂ©tien et la Souffrance.
  • 1957 : Les Sept Paroles de la Croix.
  • 1958 : Notre vocation Ă  la saintetĂ©.
  • 1960 : TĂ©nèbres et lumières aux abords du Calvaire, recueil de prĂ©dications.
  • 1968 : L'Exigence Ĺ“cumĂ©nique des Églises : Souvenirs et perspectives.
Discours à l'Académie Française
  • Discours de rĂ©ception (), en ligne.
  • Rapport sur les prix de Vertu (), en ligne.

Distinctions

Hommages

Plaque de rue Ă  Strasbourg.

Références

  1. « Les catéchismes de Calvin : étude d'histoire et de catéchétique », sur SUDOC (consulté le )
  2. Thèse de licence en théologie, notice Sudoc, consultée en ligne le 11 août 2015.
  3. « Pierre Maury (1890-1956) », sur Musée protestant (consulté le )
  4. Historique sur le site careme-protestant.org, consulté en ligne le 4 mars 2021 [lire en ligne].
  5. Patrick Cabanel, « Marc Boegner, ou de la figure du chef en protestantisme français, particulièrement au cours des années 1940 », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 5, no 4,‎ , p. 540 et p. 555.
  6. « La francisque et le Conseil national de Vichy », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le ).
  7. Jean-Claude Streicher, Onze généraux alsaciens et Vichy, Le Verger, , 185 p..
  8. Patrick Cabanel, « Marc Boegner, ou de la figure du chef en protestantisme français, particulièrement au cours des années 1940 », Revue d’histoire du protestantisme, vol. 5, no 4,‎ , p. 535-556 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Roger Mehl, p. 143.
  10. Roger Mehl, p. 142.
  11. Roger Mehl, p. 144.
  12. Lucien Rebatet (Rebatet écrit : « ce texte est d’une bouffonnerie amère quand on songe aux dispositions si timides qu’il stigmatise ».), « Piliers de synagogue », Je suis partout,‎ (lire en ligne)
  13. Roger Mehl, p. 145.
  14. Roger Mehl, p. 147.
  15. Roger Mehl, p. 147. Ce geste a été commémoré lors de l'assemblée du désert 2012 : « L'Appel du pasteur Boegner en faveur des Juifs ».
  16. François Boulet, « Le pasteur Marc Boegner et la Montagne-refuge entre Haute-Loire et Ardèche (1940-1944) », Cahiers de la Haute-Loire,‎ , p. 251-272.
  17. François Boulet, « Pasteur Marc Boegner (1939-1945) », Le Lien. Bulletin des Amitiés de la Résistance, vol. 26,‎ , p. 34-46.
  18. [compte rendu] André Encrevé, « Roger Mehl. Le pasteur Marc Boegner. Une humble grandeur. Paris, Pion, 1987. », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 75, no 194,‎ , p. 242-243 (lire en ligne, consulté le ).
  19. Jean-François Zorn, « Marc Boegner, une conscience missionnaire à l'épreuve des événements », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 5, no 4,‎ , p. 611-652 (lire en ligne)
  20. Jean-Paul Willaime, « Le pasteur Boegner: Un missionnaire de l’œcuménisme », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 5, no 4,‎ , p. 689-712 (lire en ligne, consulté le ).
  21. François Boulet, « Taizé, les protestants français et Marc Boegner (1940-1970) », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 5, no 4,‎ , p. 653-687 (lire en ligne)
  22. Souvenirs du pasteur Gosselin (Marcel Gosselin et Jean Cabriès, La Télévision et les protestants, les protestants et la télévision), cités par Roger Mehl, p. 181.
  23. François Boulet, « Chronologie. Marc Boegner (1881-1970) », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 5, no 4,‎ , p. 713-723 (lire en ligne, consulté le ).
  24. « Marc Boegner », notice biographique sur le site de l'Académie française, [lire en ligne].
  25. « Cote 19800035/1044/20411 », base Léonore, ministère français de la Culture
  26. Notice de Yad Vashem.
  27. Jean Bossu, « Rue Pasteur-Boegner », dans Jean Bossu, Chronique des rues d'Épinal, vol. 2, Épinal, Jeune chambre économique d'Épinal, , p. 47-50.

Voir aussi

Bibliographie

  • Wladimir d'Ormesson, A l'AcadĂ©mie française, le pasteur Boegner reçu par Wladimir d'Ormesson, Le Figaro littĂ©raire no 894 du samedi 8 juin 1963
  • Pierre Bolle, « Marc Boegner », in Patrick Cabanel et AndrĂ© EncrevĂ© (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 Ă  nos jours, tome 1 : A-C, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2015, p. 333-334 (ISBN 978-2846211901)
  • François Boulet, « Le pasteur Marc Boegner et la Montagne-refuge entre Haute-Loire et Ardèche (1940-1944) », Cahiers de la Haute-Loire,‎ , p. 251-272
  • François Boulet, « Pasteur Marc Boegner (1939-1945) », Le Lien. Bulletin des AmitiĂ©s de la RĂ©sistance, n° 26, , p. 34-46.
  • Roger Mehl, Le Pasteur Marc Boegner : Une humble grandeur, Plon, .
  • « Marc Boegner (1881-1970) », notice du MusĂ©e protestant, en ligne.
  • « Marc Boegner », notice biographique de l'AcadĂ©mie française, en ligne.
  • François Boulet et Patrick Cabanel (coord.), « Cinquantenaire de la mort de Marc Boegner (1881-1970) », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 5, no 4, octobre-dĂ©cembre 2020

Articles connexes

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