Ordre de la Francisque
L’ordre de la Francisque gallique est une décoration qui est attribuée par le régime de Vichy en tant que marque spéciale d’estime à Philippe Pétain.
Motivations
Elle devait être « le symbole du sacrifice et du courage et rappeler une France malheureuse renaissant de ses cendres ».
Sa conception a été confiée par le docteur Bernard Ménétrel, conseiller de Pétain à un ancien joaillier parisien, le capitaine de réserve Robert Ehret. Celui-ci réalise un croquis dès le et le présente à Pétain le 1er octobre suivant[1]. Par décret du , Ehret est nommé membre du secrétariat particulier de Pétain dirigé par Ménétrel.
La francisque gallique est créée, approuvée et régie par les dispositions des arrêtés du , de la loi du et des décrets des et . La Francisque est déclarée « insigne du Maréchal de France Chef de l'État Français ».
Bien qu'étant l'insigne de Pétain à titre personnel, la francisque est progressivement utilisée sur les documents officiels comme symbole de l’État français en tant que personne morale[2].
Conditions et serment
Pour obtenir cette décoration, tout demandeur devait remplir sa demande sous la forme suivante : « Je soussigné, déclare être Français de père et de mère, n'être pas juif, aux termes de la loi du (J.O. ) et n'avoir jamais appartenu à une société secrète ».
Le candidat devait avoir deux parrains, « présenter des garanties morales incontestées et remplir deux des conditions ci-après : avant la guerre, avoir pratiqué une action politique nationale et sociale, et conforme aux principes de la Révolution nationale ; manifester depuis la guerre un attachement actif à l'œuvre et à la personne du maréchal ; avoir de brillants états de services militaires ou civiques ». Il devait prêter ce serment : « Je fais don de ma personne au Maréchal Pétain comme il a fait don de la sienne à la France. Je m'engage à servir ses disciplines et à rester fidèle à sa personne et à son œuvre ».
Attribution et révocation
La distinction est attribuée soit directement par le chef de l'État, soit par le « Conseil de la Francisque » composé de douze membres, nommé par le chef de l’État et présidé par le grand chancelier de la Légion d’honneur (fonction occupée de 1940 à 1944 par le général Charles Brécard). Elle peut être révoquée dans les mêmes conditions car dépendant d’une carte d’autorisation spéciale.
En réalité, beaucoup des premiers attributaires n’eurent pas à la demander ni à prêter serment. Henry du Moulin de Labarthète précise : « En fait, on la donna à tout le monde, et d’abord aux « copains », à l’entourage, aux voisins de chambre, aux garçons d’étage ou d’ascenseur, aux plongeurs, bientôt aux petites amies. […] On la refusa, au début, aux « impurs », c’est-à -dire aux collaborationnistes. Mais Brinon finit, un jour, par l’escroquer et la marée n’eut alors dès lors plus de bornes. […] J’aimerais que l’on publiât, un jour, la liste des bénéficiaires de la francisque. On y verrait que le ridicule ne tue pas tout le monde, même en France. »[3]
MĂ©daille
La francisque était une médaille avec les caractéristiques suivantes : 26,5 mm de haut sur 19,4 mm de large.
Cet insigne prétend rappeler la forme de la hache de guerre des Francs et des Germains (la francisque était en réalité une arme de jet à un seul fer, la hache à double tranchant est appelée labrys). Le bâton de maréchal émaillé de bleu, à dix étoiles et extrémités dorées, est le manche où s'attachent deux fers émaillés de tricolore. L'insigne est porté à gauche au-dessus du rabat d'une poche de poitrine de veste civile ou militaire.
Toutes les pièces en or et or et diamants furent créées par les Ateliers Ehret à Paris. Les ateliers A. AUGIS, 28 montée Saint-Barthélémy à Lyon ont fabriqué des modèles en bronze et émail.
Titulaires
Une liste de 2 626 titulaires, dont trois femmes, a été reconstituée par la Haute Cour en 1945, les archives du Conseil de la francisque ayant été détruites. Françoise Gaspard et Gérard Grunberg précisent en effet que la seule liste « à peu près complète » se trouve dans les archives de Louis Noguères[4].
L'ouvrage de l'Archiviste JĂ©rĂ´me (pseudonyme d'Henry Coston), L'ordre de la Francisque (Paris, Publications H.C, 1995, 64 pages), donne environ deux mille noms, dont notamment :
- le général Charles Huntziger ;
- les Frères Lumière en 1941 ;
- Louis Bourgain, préfet régional de Poitiers ;
- Maurice Bouvier-Ajam, fondateur et directeur de l'Institut des Ă©tudes corporatistes et sociales ;
- Gaston Bruneton, ingénieur, Commissaire Général à l'action sociale auprès des travailleurs français en Allemagne ;
- Jean-Henri Azéma, journaliste, père de Jean-Pierre Azéma ;
- Alfred Heurtaux militaire, il est le seul à avoir été à la fois titulaire de la francisque et titré compagnon de la Libération[5] ;
- Michel de Boissieu, officier de cavalerie, oncle d'Alain de Boissieu, gendre du général Charles de Gaulle ;
- Raymond Marcellin, secrétaire général de l'Institut d'études corporatives[6] ; ministre de seize gouvernements entre 1948 et 1974, plusieurs fois sous-secrétaire d'État et secrétaire d'État sous la IVe République, plusieurs fois ministre sous la Cinquième République ; secrétaire général du Centre national des indépendants et paysans ;
- François Mitterrand, récipiendaire numéro 2 202, délégué du Service national des prisonniers de guerre, au printemps 1943[7], président de la République française de 1981 à 1995 ;
- Les généraux Ely et Cogny , selon les données référencées au sein de l'ouvrage de Philippe Broudel ;
- Bernard de Chalvron (résistant des NAP) ;
- le journaliste Tony Burnand ;
- André Basdevant, secrétaire du mouvement scout ;
- Marc Boegner, pasteur.... , haute personnalité du protestantisme français, qui fut à la fois ultra Pétainiste et qui sauva pourtant des Juifs au cours de la guerre, son action en faveur des juifs de France en fera d'ailleurs un Juste parmi les Nations (en 1988) ;
- Paul Dungler, résistant alsacien ;
- l'acteur Charles Vanel ;
- l'acteur Pierre Fresnay ;
- Edmond Giscard d'Estaing, président des compagnies d'assurances « Le Phénix », et père de Valéry Giscard d'Estaing (Président de la République française de 1974 à 1981) ;
- Camille Laurens, qui siège à Vichy avant d'être résistant, futur ministre de l'Agriculture de la IVe République ;
- l'homme de radio et télévision Jean Nohain ;
- l'Ă©crivain Jean Ousset ;
- l'Ă©crivain et journaliste Jacques Ploncard d'Assac ;
- l'écrivain et journaliste Charles Maurras[8] , récipiendaire numéro 2 068 , décoration remise personnellement par Pétain le ;
- l'Ă©crivain et journaliste Henry Coston ;
- le sculpteur Maxime Real del Sarte ;
- l'Ă©crivain Henri Pourrat ;
- l'Ă©crivain Henri Massis ;
- l'Ă©crivain Antoine de LĂ©vis-Mirepoix ;
- le général Maxime Weygand, et son épouse Renée ;
- le journaliste Jean-Raymond Tournoux ;
- Alfred Cortot, pianiste
- Xavier Vallat, homme politique ;
- Jean-Louis Tixier-Vignancour, alors secrétaire général à l' information, futur candidat d'extrême droite contre le Général de Gaulle en 1965 ;
- Pierre Mauriac, doyen de la faculté de médecine de Bordeaux, frère de François Mauriac ;
- Louis Dunoyer de Segonzac, physicien ;
- l'Ă©crivain Paul Morand[9] ;
- Louis II de Monaco ;
- l'Ă©crivain et journaliste Jean Arfel alias Jean Madiran ;
- l'abbé Fernand Maillet, directeur de la Manécanterie des Petits Chanteurs à la croix de bois ;
- l'abbé Jean Rodhain, aumônier général des prisonniers de guerre et futur Secrétaire général du Secours catholique ;
- René de Chambrun, gendre de Pierre Laval ;
- le peintre de marine Marin-Marie ;
- Henri Giraud, secrétaire d'État, directeur général des travaux de Paris ;
- Charles Vallin, ancien vice-président du PSF, membre du Conseil de justice politique du régime de Vichy ;
- Louis Devaux, membre du réseau de résistance de François Mitterrand.
Diverses autres sources citent d'autres noms :
- Maurice Couve de Murville, alors haut fonctionnaire des services des Finances, futur ministre des Affaires Etrangéres de 1959 à 1969 et Premier Ministre de 1968 à 1969 [10] ;
- François Morin-Forestier, membre du réseau de résistance " Combat", dirigé par Frenay et qui sera proche de Raymond Aubrac, recevant la francisque par un ami de sa famille, le Docteur Menetrel[11] ;
- Antoine Pinay[12], homme politique ;
- l'ancien as de l'aviation Gilbert Sardier[13] ;
- Jean Védrine, membre du réseau de résistance de François Mitterrand, père d’Hubert Védrine[14].
Notes et références
- « Comment un officier de réserve dessina la francisque du Maréchal », Le Matin,‎ , p. 1 et 4.
- « Cachet de la sous-préfecture de Dinan, 6 décembre 1943, État français (Régime de Vichy) », sur Académie de Rennes.
- H. du Moulin de Labarthète, Le Temps des illusions – Souvenirs (-), Genève, Constant Bourquin, à l’enseigne du cheval ailé, , 416 p., p. 275-277
- GĂ©rard et Grunberg 1971, p. 21.
- François Gerber, Mitterrand, entre Cagoule et Francisque (1935-1945), Paris, Archipel, 418 p. (ISBN 978-2-8098-2030-0, lire en ligne)
- PĂ©an 1994, p. 288.
- Péan 1994, p. 292-295. Jean Pierre-Bloch, chef de la section non militaire du BCRA à l'époque, écrit : « C'était sur notre ordre que François Mitterrand était resté dans les services de prisonniers de Vichy. Lorsqu'il a été proposé pour la francisque, nous avons parfaitement été tenus au courant ; nous lui avions conseillé d'accepter cette « distinction » pour ne pas se dévoiler. » (De Gaulle ou le temps des méprises, éd. La Table Ronde, 1969, p. 216).
- Eugen Weber, L'Action française, éd. Hachette, , p. 520.
- PĂ©an 1994, p. 294.
- Mathieu Dejean, « Les derniers secrets de François Mitterrand », Les Inrockuptibles,‎ (lire en ligne).
- Jacques Baynac, Jean Moulin (17 juin 1940-21 juin 1943) : esquisse d'une nouvelle histoire de la Résistance, Paris, Hachette Littératures, coll. « Grand pluriel », 2009 (ISBN 978-2-01-279384-2), p. 587.
- « Antoine Pinay, ou l’empreinte d’un mythe », L'Humanité,‎ (lire en ligne).
- Gilles Lévy, L'Auvergne des années noires, Sayat, De Borée, 2000 (ISBN 2-84494-028-5), p. 410.
- Paula Boyer, « Hubert Védrine », La Croix,‎ (lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
- Michèle Cointet, « Qui a inventé la francisque ? », dans Michel Rouche (dir.), Clovis, histoire et mémoire : actes du Congrès international d'histoire de Reims, 19-25 septembre 1996, vol. 2 : Le baptême de Clovis, son écho à travers l'histoire, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, , XII-915 p. (ISBN 2-84050-079-5), p. 673-680.
- Françoise Gaspard et Gérard Grunberg, « Les titulaires de la Francisque gallique », dans Le Gouvernement de Vichy : 1940-1942, institutions et politiques, Paris, Armand Colin, coll. « Travaux et recherches de science politique » (no 18), (BNF 35373102), p. 71-85.
- Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947, Fayard, .