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Histoire des Juifs en Pologne

L’histoire des Juifs en Pologne a commencĂ© il y a plus de mille ans. Elle comprend une longue pĂ©riode de tolĂ©rance religieuse et de prospĂ©ritĂ© de la communautĂ© juive polonaise. À partir du XVIIe siĂšcle, les Juifs sont victimes des nombreux conflits dus Ă  l'absence d'un pouvoir fort en Pologne. Durant l'entre-deux-guerres, l'antisĂ©mitisme redouble. La communautĂ© juive est presque entiĂšrement dĂ©truite par les Allemands durant l’occupation allemande de la Pologne (1939-1945), lors de la Shoah.

Les Juifs bienvenus en Pologne 1096, par Jan Matejko.

Depuis la fondation du Royaume de Pologne au Xe siĂšcle, puis dans la RĂ©publique des Deux Nations (l’union du Royaume de Pologne et du grand-duchĂ© de Lituanie, en 1569), la Pologne est l'un des pays les plus tolĂ©rants en Europe Ă  l'Ă©gard des Juifs, ce qui favorise l’afflux des Juifs chassĂ©s ou persĂ©cutĂ©s dans l’Europe occidentale. La communautĂ© juive en Pologne est en effet une des plus grandes et des plus actives au monde. Au XVIIe siĂšcle, cette tolĂ©rance commence Ă  faiblir, tout comme la force de la RĂ©publique des Deux Nations, assiĂ©gĂ©e par des voisins expansionnistes et exposĂ©e au chaos politique et aux idĂ©es de la Contre-RĂ©forme.

En 1795, la Pologne est annexĂ©e par ses voisins et elle disparaĂźt de la carte de l’Europe. Les Juifs polonais deviennent les sujets des puissances qui dominent alors la zone, surtout de la Russie de plus en plus antisĂ©mite, mais aussi de la Prusse et de l’Autriche-Hongrie. À la fin du XVIIIe siĂšcle, la situation des Juifs dans les anciens territoires polonais commence Ă  ressembler Ă  celle d’autres rĂ©gions d’Europe.

Quand la Pologne redevient indĂ©pendante en 1918, elle compte parmi ses citoyens environ 3 500 000 Juifs, soit 10 % de sa population dans ses frontiĂšres de 1921. NĂ©anmoins, l'antisĂ©mitisme est l'un des problĂšmes politiques du pays en construction.

Environ 90 % de cette communautĂ© pĂ©rissent sous l'occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, dans les massacres et les centres d'extermination nazis. Entre 350 000 et 500 000 juifs polonais y survivent, ce chiffre comprenant non seulement les 240 000 citoyens juifs polonais recensĂ©s en Pologne Ă  l'Ă©tĂ© 1946, mais Ă©galement ceux qui se trouvent ailleurs, principalement dans les camps en Allemagne ou encore non rapatriĂ©s d'URSS[1].

La situation des Juifs, les pogroms en Pologne juste aprÚs-guerre, ainsi que les campagnes antisémites du gouvernement communiste en 1956 et 1968, conduisent la majorité des survivants à quitter la Pologne.

Selon certaines sources, la communautĂ© juive en Pologne ne compterait plus au XXIe siĂšcle que 4 500 Ă  13 000 membres, selon d'autres entre 20 000 et 25 000 seraient d'origine juive. Toutes les estimations sont peu fiables. AprĂšs la chute du communisme en 1989, un renouveau de la culture juive est perceptible, soutenu non seulement par les communautĂ©s juives reconstituĂ©es, mais Ă©galement par une partie de la sociĂ©tĂ© polonaise.

Des origines à l’Âge d’Or (966-1572)

Sous les Piasts

Accueil des Juifs en Pologne 1096, J. Matejko, 1889

Les premiers Juifs arrivent sur les territoires polonais au cours du Xe siĂšcle. En suivant les routes commerciales vers Kiev et Boukhara, ils passent par la SilĂ©sie. L’un d’entre eux, diplomate et marchand de Tortosa en Catalogne, connu sous son nom arabe Ibrahim ibn Jakub, est le premier chroniqueur Ă  mentionner l’État polonais et le prince Mieszko I. La premiĂšre mention de Juifs dans les documents polonais apparaĂźt au XIe siĂšcle et concerne leur prĂ©sence Ă  Gniezno, la premiĂšre capitale de Pologne (966-1385), fondĂ©e par les Piast. La premiĂšre communautĂ© juive Ă©tablie sur le territoire est citĂ©e en 1085 par un savant juif Jehuda ha-Kohen dans la ville de Przemyƛl.

PiĂšce (bractĂ©ate) frappĂ©e sous Mieszko III l'Ancien, aux inscriptions knaaniques (langue judĂ©o-slave mĂ©diĂ©vale), oĂč l'on peut lire : « ŚžŚ©Ś§Ś Ś§ŚšŚœ » (roi Mieszko), 1181

La premiĂšre vague d’émigration juive d'Europe occidentale vers la Pologne date de la PremiĂšre Croisade : en 1098, fuyant les exactions des CroisĂ©s en route vers la Terre sainte, les Juifs trouvent dans le royaume de Pologne de Boleslas III Bouche-Torse (1102–1139), un accueil favorable et s’installent sur tout son territoire. Boleslas III reconnaĂźt l’utilitĂ© de cette immigration, en particulier pour le dĂ©veloppement du commerce. Les Juifs connaissent la tranquillitĂ© dans un royaume morcelĂ© en plusieurs duchĂ©s aprĂšs la mort de Boleslas et de plus en plus marquĂ© par le systĂšme fĂ©odal : ils forment une sorte de classe moyenne entre la petite noblesse terrienne (szlachta) et les paysans.

Cette tolĂ©rance est parfois contestĂ©e par la hiĂ©rarchie de l’Église catholique romaine, mais, dans les duchĂ©s, ils trouvent toujours des protecteurs. Ainsi, un des grands protecteurs des Juifs est Boleslas le Pieux, duc de Grande-Pologne, qui promulgue avec l’accord des notables de son duchĂ©, en 1264, la Charte de Kalisz donnant aux Juifs la libertĂ© de travailler, de se dĂ©placer et de faire du commerce, les distinguant ainsi nettement des paysans qui ne disposent pas de ces libertĂ©s. Durant les cent ans qui suivent, les gouvernants de la Pologne protĂšgent les Juifs, y compris de l’hostilitĂ© de l’Église catholique.

Casimir III le Grand accorde des droits aux Juifs dans la premiÚre moitié du XIVe siÚcle.

En 1334, Casimir III le Grand (1303–1370) Ă©tend les privilĂšges des Juifs en promulguant le statut de Wiƛlica. Cette pĂ©riode est considĂ©rĂ©e comme l’une des plus fastes pour les Juifs de Pologne. Le statut leur attribue des terres faiblement peuplĂ©es dans les provinces orientales et leur garantit le droit de libre circulation dans tout le royaume. Ils viennent nombreux s’établir en Pologne, notamment Ă  la pĂ©riphĂ©rie des villes. Vers la fin du rĂšgne de Casimir III, des massacres de Juifs ont lieu Ă  la suite d'accusations portĂ©es contre eux Ă  cause de l’épidĂ©mie de peste noire.

Cependant, au regard des persĂ©cutions subies par les Juifs en Europe occidentale, la Pologne reste un havre de paix pour cette communautĂ©. Les vagues de migrations au fur et Ă  mesure des persĂ©cutions et expulsions des autres pays d'Occident en tĂ©moignent : en 1190 et 1290 en provenance d’Angleterre, en 1306 de France, en 1391 et en 1492 d’Espagne, dans les annĂ©es 1380, 1410, 1420, 1430 et 1450 d’Allemagne, puis encore en 1453, 1499, 1519 et 1555 Ă©galement venus des États allemands. Les nouveaux venus apportent aussi des idĂ©es et des innovations technologiques, participant Ă  la formation du systĂšme Ă©conomique de la Pologne : par exemple, sur les monnaies polonaises de l’époque, on trouve des inscriptions en hĂ©breu.

Sous les Jagellons

Le rĂ©sultat du mariage de WƂadysƂaw II Jagellon, grand-duc de Lituanie, avec Jadwiga, fille de Louis Ier de Hongrie, souveraine de Pologne, est l'union du Grand-duchĂ© de Lituanie et du Royaume de Pologne. Bien qu’en 1388 les droits soient Ă©galement Ă©tendus aux Juifs lituaniens, c’est sous le rĂšgne de WƂadysƂaw II Jagellon et de ses successeurs que les premiĂšres persĂ©cutions Ă  grande Ă©chelle des Juifs de Pologne commencent, et le roi n’agit pas pour les faire cesser. Les Juifs sont accusĂ©s de sacrifices humains et de persĂ©cutions, alors que les persĂ©cutions officielles augmentent graduellement, particuliĂšrement depuis que le clergĂ© pousse Ă  moins de tolĂ©rance. Vers la fin du Moyen Âge, il y avait environ 18 000 Juifs en Pologne et 6 000 en Lituanie, soit 0,6 % de la population totale.

Kazimierz IV (1447–1492) accorde Ă  la noblesse le statut de Nieszawa qui abolit certains privilĂšges des Juifs reconnus comme « contraires au droit divin et Ă  la loi du pays. » À la fin du XVe siĂšcle, il y avait moins de 30 000 Juifs dans le royaume de Pologne et le grand-duchĂ© de Lituanie.

Le centre du monde juif (1505-1572)

AprĂšs avoir Ă©tĂ© successivement chassĂ©s de France (1182), d’Angleterre (1290), les Juifs subissent une vague d'expulsions au XVe siĂšcle, surtout Ă  la fin : d’Autriche (1421), d'Espagne (Castille et Aragon)(1492), de Sicile (1492), de Lituanie (1495), du Portugal (1497), de Navarre (1498).

Certains[2] trouvent un refuge en Pologne ; ce royaume abrite alors une grande communauté juive : vers 1550, 80 % des Juifs d'Europe[3] se trouvent en Pologne, qui devient alors le centre culturel et spirituel du judaïsme.

La pĂ©riode la plus prospĂšre pour les Juifs de Pologne suit ce nouvel afflux de Juifs, particuliĂšrement sous le rĂšgne bienveillant de Sigismond Ier (1506–1548). En 1532, les Juifs reçoivent le droit de commercer dans tout le royaume ; en 1534 le roi annule l'obligation de porter des signes distinctifs. Cette mĂȘme annĂ©e est fondĂ©e la premiĂšre imprimerie juive Ă  Cracovie, qui publie des livres en hĂ©breu et en yiddish.

Son fils, Sigismond II Auguste (1548–1572), suit dans les grandes lignes la politique tolĂ©rante de son pĂšre, accorde l'autonomie aux Juifs en matiĂšre d'administration communautaire et jette les bases du pouvoir du Kahal (communautĂ© autonome juive).

Cette pĂ©riode est Ă  l'origine de l'expression « la Pologne est un paradis pour les Juifs ». Au milieu du XVIe siĂšcle, il y a 150 000 Juifs dans le royaume (2 % de la population totale); un siĂšcle plus tard, ils sont 300 000 (3 % de la population totale)[4].

La RĂ©publique des Deux Nations (1572-1795)

La confédération de Varsovie (1573)

AprÚs la mort sans descendance de Zygmunt II August, le dernier roi de la dynastie Jagellon, la noblesse polonaise et lituanienne se rassemble à Varsovie en 1573 et signe la confédération de Varsovie, un acte législatif fixant les conditions d'élection du roi de Pologne et garantissant la liberté de religion.

En ce temps, au sein de la RĂ©publique Des Deux Nations vivent, aux cĂŽtĂ©s des catholiques, d’importantes minoritĂ©s religieuses : orthodoxe, protestante, juive et musulmane.

La RĂ©publique des Deux Nations est le seul endroit en Europe oĂč les communautĂ©s des diffĂ©rentes religions, qui se dĂ©chirent partout ailleurs en Europe et autour du bassin mĂ©diterranĂ©en, vivent en paix.

Les privilÚges accordés aux juifs

Au moment de son investiture, le roi de Pologne devait signer un contrat, les fameux Articles du roi Henri (ArtykuƂy henrykowskie) – connus sous ce nom pour avoir Ă©tĂ© signĂ©s la premiĂšre fois par Henri de Valois, futur Henri III de France. Ce contrat se composait de 21 articles, dont le dernier indiquait clairement : « Si Nous faisions quoi que ce soit (que Dieu l’empĂȘche) contre les lois, libertĂ©s, privilĂšges et coutumes, Nous dĂ©clarons que tous les citoyens des deux nations sont libĂ©rĂ©s de leur obligation d’obĂ©issance et de leur foi envers Nous. » Ainsi, le monarque reconnaissait, plus de deux siĂšcles avant les PĂšres fondateurs amĂ©ricains, le droit Ă  la dĂ©sobĂ©issance et mĂȘme Ă  la rĂ©bellion (rokosz) s’il ne respectait pas ses obligations et les termes de son contrat.

AprĂšs Henri III de Valois qui s'enfuit de Pologne pour rĂ©cupĂ©rer le trĂŽne de France, c'est le tour de Stefan Bathory (1576-1586) d'ĂȘtre Ă©lu roi de Pologne. Il se montre tolĂ©rant et ami des Juifs. AprĂšs 1569, l’aristocratie polonaise fait de plus en plus appel aux Juifs pour gĂ©rer et administrer ses grandes propriĂ©tĂ©s fonciĂšres appelĂ©es latifundia. Les Juifs obtiennent aussi le droit exclusif de collecter les taxes, les pĂ©ages, et autres impĂŽts de la paysannerie, ce qui leur vaut peu de sympathie de la part de cette derniĂšre. Ils ont aussi le privilĂšge exclusif de la distillation et de la vente d’alcool, commerce qui s’intĂšgre naturellement avec l’activitĂ© d’aubergiste et de prĂȘt avec intĂ©rĂȘt.

Les Juifs rĂ©sident dans les grands centres urbains, mais se mĂȘlent peu d’administration municipale, leurs besoins et litiges Ă©tant rĂ©glĂ©s par les rabbins, les anciens et les dayanim (juges religieux).

En 1581, est constituĂ©e Ă  Lublin le Conseil des Quatre Pays (Sejm Czterech Ziem, ou en hĂ©breu Vaad arba aratsot), dĂ©sormais convoquĂ©e chaque annĂ©e pour statuer et rĂ©gir la communautĂ© juive de Pologne et de Lituanie, et ce jusqu’en 1764. Le Sejm ou Vaad se charge de collecter l’impĂŽt, mais aussi de protĂ©ger la communautĂ©. C’est le Vaad qui prend la dĂ©cision de construire les synagogues fortifiĂ©es de Brody, Buczacz, Lesko, Lublin, Schargorod, Stryj, Szczebrzeszyn, Zamoƛć, ƻóƂkiew, et d’autres encore. En 1646, on estime la population juive Ă  500 000 habitants, soit dĂ©jĂ  5 % de la population totale.

Le soulĂšvement de Bogdan Khmelnitsky (1648) et les massacres

Liste en hébreu des juifs tués par les cosaques à Narol en 1648

En 1648, la RĂ©publique polono-lituanienne est dĂ©vastĂ©e par plusieurs conflits dans lesquels elle perd un tiers de sa population (environ trois millions de personnes dont plusieurs centaines de milliers de Juifs). Le soulĂšvement des Cosaques conduit par Bogdan Khmelnitsky contre les Polonais dans l’Est de la RĂ©publique (actuelle Ukraine) coĂ»te la vie Ă  des dizaines de milliers de juifs et de chrĂ©tiens. Bogdan Khmelnitsky accusa les Polonais d’avoir vendu les Ukrainiens aux Juifs.

Le nombre de Juifs tuĂ©s durant cette pĂ©riode varie selon les sources : de 50 000 Ă  60 000 selon l'historien Henri Minczeles, de 80 Ă  100 000[5] - [6] selon l'historien Ilia Tcherikover[7]. Pour la pĂ©riode qui va de 1648 Ă  1658, selon François de Fontette, « on estime Ă  bien plus de 100 000 le nombre de victimes juives pendant ces dix annĂ©es de terreur[8] ». Dans la seule ville de Nemirov (alors dans le sud-est Pologne) et dans la seule journĂ©e du , 6 000 Juifs sont massacrĂ©s avec l’accord des dĂ©fenseurs polonais de la ville.La cruautĂ© inouĂŻe de ces massacres a laissĂ© des traces chez de nombreux auteurs[9] - [10] - [11].

La population juive a diminuĂ© durant cette pĂ©riode d’environ 100 000 Ă  200 000 – ce chiffre inclut les migrations et les envois en jasyr (la captivitĂ©, l'esclavage dans l’Empire ottoman).

Le « Déluge suédois »

Par la suite, les politiques successives mises en place par les rois Ă©lus de la dynastie suĂ©doise de Vasa amĂšnent peu Ă  peu le pays Ă  la ruine, jusqu’à son invasion par la SuĂšde nommĂ©e en Pologne « le dĂ©luge ».

La Pologne, qui a su jusque-lĂ  rĂ©sister au soulĂšvement des cosaques de Chmielnicki ou aux invasions rĂ©pĂ©tĂ©es des Russes ou de l’Empire ottoman, plonge dans une pĂ©riode de chaos (1655-1658). Charles X de SuĂšde, Ă  la tĂȘte de ses armĂ©es victorieuses, occupe bientĂŽt toute la Pologne, y compris les villes de Cracovie et Varsovie. Les horreurs de cette guerre sont aggravĂ©es par des Ă©pidĂ©mies, et les habitants des rĂ©gions de Kalisz, Cracovie, PoznaƄ, PiotrkĂłw, et Lublin pĂ©rissent en masse. L’ensemble du pays perd prĂšs du tiers de sa population, soit approximativement trois millions de personnes.

La guerre avait dĂ©bridĂ© les tendances Ă  l'antijudaĂŻsme. En 1656, le roi doit interdire aux soldats polonais de maltraiter les Juifs[12]. Les fausses accusations et les persĂ©cutions se succĂšdent : des tumultes organisĂ©s par les Ă©tudiants ont lieu Ă  Cracovie en 1656, et pour calmer les esprits le roi accepte, en mars 1667, d'amnistier les Juifs accusĂ©s de collaboration avec l'ennemi, moyennant 100 000 zlotys ; les Arianistes demandent Ă  partir de 1658 « l'expulsion des Juifs et celle des autres paĂŻens qui encombrent notre patrie et empĂȘchent la paix de rĂ©gner » ; en 1661, le JĂ©suite et prĂ©dicateur du roi, Seweryn Karwat, insiste sur la notion de peuple dĂ©icide ; en 1658, le chanoine Gogolewski avait accusĂ© les Juifs de trahison devant le Tribunal royal de Lublin ; en 1662, il obtient leur condamnation Ă  cent ans d'indemnitĂ©s ; en 1663, une grave affaire Ă©clate Ă  Cracovie oĂč un prĂȘtre dominicain accuse le pharmacien juif italien Matatiah Kalahora d'avoir Ă©crit un pamphlet hĂ©braĂŻque contre la Vierge Marie. Ce dernier est condamnĂ© au bĂ»cher prĂ©cĂ©dĂ© de tortures ; pour maintenir l'ordre, le roi interdit « aux Juifs, propagateurs de la peste, de pĂ©nĂ©trer dans Cracovie pendant les diĂštes »[11].

À peine cette pĂ©riode de grand trouble terminĂ©e, les Juifs se rĂ©installent et entament la reconstruction de leurs habitations. Bien que la population juive de Pologne ait diminuĂ© et se soit appauvrie, elle reste la plus importante d’Europe et la Pologne demeure le centre spirituel du judaĂŻsme. Jusqu’en 1698, les rois successifs de Pologne resteront bienveillants envers la communautĂ©.

Le déclin du XVIIIe siÚcle

Costumes juifs en Pologne aux XVIIe et XVIIIe s.

Avec l’accession au trĂŽne de la dynastie des Ă©lecteurs de Saxe, les Juifs perdent le soutien des rois. Le dĂ©sordre rĂšgne en Pologne en proie aux ingĂ©rences militaires et politiques des puissances voisines, et l’avĂšnement de son dernier roi Stanislas Poniatowski (1764–1795) qui tente de rĂ©former le pays n'empĂȘche pas le royaume de se dĂ©sintĂ©grer.

En , Poniatowski tente de soutenir une rĂ©forme radicale, restreignant la politique dĂ©sastreuse du Liberum veto. Les nobles conservateurs tels que MichaƂ Wielhorski, soutenus par les ambassadeurs de Prusse et de Russie, s'y opposent fermement. Les dissidents, appuyĂ©s par les Russes, forment la ConfĂ©dĂ©ration de Radom. Les rĂ©formes de Poniatowski Ă©chouent lors de la diĂšte de Repnine, ainsi nommĂ©e d'aprĂšs le nom de l'ambassadeur russe Nicolas Repnine, qui promet de garantir la LibertĂ© dorĂ©e de la noblesse polonaise avec toute la puissance de l'Empire russe.

En 1772 a lieu le premier partage de la Pologne : des territoires de la RĂ©publique des Deux Nations sont annexĂ©s par la Russie, l’Autriche et la Prusse. Les Juifs sont particuliĂšrement nombreux dans les territoires annexĂ©s par les Russes et les Autrichiens. En 1790, leur nombre atteint 900.000, soit 10 % de la population.

Place de la Bourse juive à WrocƂaw , avec au centre le (pl) moulin aux sept roues (pl), v. 1730

Dans le mĂȘme temps, plusieurs autres rĂ©formes sont adoptĂ©es. Les lois cardinales sont confirmĂ©es et garanties par le partage du pouvoir. Le roi perd le droit de donner des titres, de nommer les officiers militaires, les ministres et les sĂ©nateurs. Les terres de la Couronne sont attribuĂ©es par le biais d'une vente aux enchĂšres. Dans le but de permettre au gouvernement de contrĂŽler plus facilement la diĂšte indisciplinĂ©e, celle-ci est amenĂ©e Ă  crĂ©er deux institutions notables : le Conseil permanent, la plus haute autoritĂ© administrative de la RĂ©publique des Deux Nations, et la Commission de l'Ă©ducation nationale. Si le but des occupants est bien celui de garder le pays sous influence russe, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit lĂ  d'une amĂ©lioration significative de la gouvernance.

La Commission de l’Éducation nationale (Komisja Edukacji Narodowej) - premier ministĂšre de l’Éducation au monde - est crĂ©Ă©e en 1773 et construit de nouvelles Ă©coles tout en rĂ©novant les anciennes. Certains nobles et intellectuels proposent un systĂšme de gouvernement garantissant l’égalitĂ© civique et politique pour tous, y compris pour les Juifs. C’est le seul exemple d’une telle tolĂ©rance et d’une telle ouverture d’esprit sur la « question juive » en Europe jusqu’à la RĂ©volution française.

Un deuxiĂšme partage de la Pologne a lieu en 1793, aprĂšs la guerre russo-polonaise de 1792. Les patriotes polonais rĂ©agissent en se soulevant en 1794 dans l'insurrection de Koƛciuszko. Un rĂ©giment juif, emmenĂ© par Berek Joselewicz, participe Ă  cette insurrection. Les traditions religieuses juives y sont respectĂ©es, y compris celles qui concernent la nourriture cachĂšre, la cĂ©lĂ©bration du Shabbat lorsque cela est possible, et le port de la barbe. Le dĂ©tachement de Joselewicz, surnommĂ© le rĂ©giment des barbus, participe Ă  la dĂ©fense de Varsovie.

L'insurrection, vaincue en novembre 1794, est suivie par le troisiĂšme et dernier partage de la Pologne en 1795, qui met fin Ă  l'existence de la RĂ©publique des Deux Nations.

La culture juive dans la RĂ©publique des Deux Nations

La production culturelle et intellectuelle de la communautĂ© juive de Pologne a un impact profond sur l’ensemble du monde juif. Certains historiens juifs relatent que le mot « Pologne » se dit Polania ou Polin en hĂ©breu, ce qui peut si on applique une translittĂ©ration se traduire par « bons prĂ©sages » car Polonia peut ĂȘtre fragmentĂ© en po (ici), lan (rĂ©sidence), ya (Dieu en hĂ©breu) ; s’agissant de Polin en : po (ici) et lin ([tu devrais] rĂ©sider). Le mot « Pologne » pouvait donc ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme signifiant lieu d’élection pour les Juifs. Et de fait, de la promulgation des lois de Sigismond III Vasa Ă  l’arrivĂ©e des nazis en 1939, la Pologne fut au centre de la vie religieuse de la communautĂ© juive.

Le systĂšme d'instruction

Dans les plus importantes communautĂ©s existaient des Yeshivot (centres d’étude de la Torah), dirigĂ©s par des rabbins. Ces Ă©tablissements Ă©taient officiellement nommĂ©s gymnasiums et leurs rabbins "recteurs". Des Yeshivot de grande taille Ă©taient implantĂ©s Ă  Cracovie, PoznaƄ et dans d’autres villes d’importance.

Les premiĂšres imprimeries juives firent leur apparition dans le premier quart du XVIe siĂšcle. En 1530 une Torah en hĂ©breu Ă©tait imprimĂ©e Ă  Cracovie et Ă  la fin du siĂšcle. les imprimeries juives de Lublin Ă©ditaient de nombreux livres, en majoritĂ© religieux. Le dĂ©veloppement du Talmud en Pologne a coĂŻncidĂ© avec la prospĂ©ritĂ© des Juifs et leur systĂšme d’éducation Ă©tant autonome, celle-ci se faisait selon les lignes directrices du Talmud. Il y eut cependant quelques exceptions oĂč les jeunes juifs recevaient une Ă©ducation sĂ©culaire dans les universitĂ©s europĂ©ennes. Les rabbins lettrĂ©s ne s’occupaient pas que de diffusion du message sacrĂ©, mais exerçaient aussi les rĂŽles de directeurs de conscience, professeurs, juges ou encore lĂ©gislateurs. Leur autoritĂ© a poussĂ© les dirigeants des communautĂ©s Ă  se familiariser avec les questions parfois absconses du droit rabbinique (Halakha). La communautĂ© Juive polonaise fonda sa vision de sociĂ©tĂ© sur le Talmud et la littĂ©rature rabbinique, qui avaient leurs influences sur la vie privĂ©e, l’éducation et bien sĂ»r la religion.

Heder en Pologne, 1917

Dans la premiĂšre moitiĂ© du XVIe siĂšcle, les graines du talmudisme furent semĂ©es en Pologne depuis la BohĂȘme, en particulier depuis l’école de Jacob Pollak, inventeur du Pilpoul ("litt : raisonnement aiguisĂ©"). Shalom Shachna (1500–1558), un disciple de Pollak, est connu pour ĂȘtre l’un des pionniers du talmudisme en Pologne. Il vĂ©cut et mourut Ă  Lublin, oĂč il Ă©tait Ă  la tĂȘte d’une yeshiva cĂ©lĂšbre qui produisit les rabbins les plus connus de cette Ă©poque. Le fils de Shachna, Israel devint rabbin de Lublin Ă  la mort de son pĂšre et le disciple de Sachna, Moshe Isserles (surnommĂ© le ReMA) (1520–1572) s’assura une rĂ©putation internationale parmi les Juifs en tant que coauteur du Shoulhan Aroukh, (code des lois juives). Son contemporain et correspondant, Salomon Luria (1510–1573) de Lublin bĂ©nĂ©ficia Ă©galement d’une bonne rĂ©putation et leur autoritĂ© commune Ă©tait reconnue dans toute l’Europe. Les dĂ©bats religieux Ă©taient trĂšs nombreux et les Ă©tudiants juifs y participaient activement.

Au mĂȘme moment, la Kabbale s’établit sous la protection du judaĂŻsme rabbinique et des Ă©tudiants comme Mordecai Jaffe et Yoel Sirkis se consacrĂšrent Ă  ces Ă©tudes. Cette pĂ©riode de dĂ©veloppement de l’éducation rabbinique prit fin avec la rĂ©bellion de Bogdan Khmelnitsky (Chmielnicki) et le « DĂ©luge ».

Ce portrait souvent considéré comme celui d'Israel ben Eliezer, serait en réalité celui de Rabbi Falk, le Baal Shem de Londres.

Le développement du hassidisme

La pĂ©riode allant de la rĂ©bellion des cosaques de Khmelnitsky jusqu’aprĂšs le « dĂ©luge », soit de 1648 Ă  1658, laissa une marque profonde sur la communautĂ© juive de Pologne et de Lituanie, sur leur quotidien mais aussi dans leur vie spirituelle. Le rayonnement de la communautĂ© juive polonaise avait diminuĂ©. L’enseignement talmudique, autrefois accessibles Ă  tous ne l’était plus que pour un nombre limitĂ© d’étudiants. Les thĂšmes d’études se formalisĂšrent : discussions sans fin sur les lois ou sur les commentaires du Talmud. Au mĂȘme moment beaucoup de faiseurs de miracles firent leur apparition en Pologne, phĂ©nomĂšne qui culmina avec le dĂ©veloppement de toute une sĂ©rie de mouvements messianiques, dont le plus fameux fut le sabbatĂ©isme, auquel succĂ©da le frankisme fondĂ© par Jacob Frank.

Pendant cette pĂ©riode de mysticisme, apparut l’enseignement de Israel ben Eliezer, surnommĂ© Baal Shem Tov (maĂźtre du Bon Nom), ou par son acronyme BeShT, (1698–1760), qui eut un impact profond sur les Juifs d’Europe de l'Est et de Pologne en particulier. Ses disciples (dont Dov Baer de Mezeritch dit le "Maggid") propagĂšrent et encouragĂšrent une nouvelle forme de JudaĂŻsme orthodoxe, basĂ©e sur la Kabbale, l’extase religieuse, la dĂ©votion et la joie dans la priĂšre et dĂ©nommĂ©e hassidisme.

Juifs polonais, v. 1765

La nomination par Rabbi Dov Baer de reprĂ©sentants de son courant Ă  travers toute la Pologne mais aussi en Ukraine et en Lituanie permet un large dĂ©veloppement du hassidisme en Europe orientale puis le dĂ©veloppement de la communautĂ© des Haredim partout dans le monde. Cette influence peut se sentir depuis la fondation du mouvement et en particulier Ă  travers ses rabbins illustres comme Aleksander, Bobov, Ger, Nadvorna et Sassov. Unique Ă  l’origine, ce courant va se diviser en de nombreuses « Ă©coles », comme celle de Shneour Zalman de Liadi (Loubavitch) ou celle de Nahman de Bratslav (Bratslav (ville)).

DĂšs ses premiers pas, le hassidisme se heurte Ă  l’opposition d’une partie de l’école rabbinique traditionnelle qui considĂšre les hassidim comme de dangereux innovateurs. À la tĂȘte de ces Mitnagdim (= opposants) se tient un grand Ă©rudit lituanien : Élie de Vilnius (dit le « Gaon de Vilna » 1720-1797). Le combat est sans mĂ©nagement et va jusqu’à l’excommunication mutuelle. À Vilnius se dĂ©roule mĂȘme une vĂ©ritable guerre religieuse, chaque partie essayant de gagner le pouvoir Ă  sa cause.

AprÚs la mort du « Gaon de Vilna », les frÚres ennemis finissent par se résigner à leur existence mutuelle.

Les juifs polonais durant la partition de la Pologne (1772/1795-1918)

Sous la domination prussienne

Femme juive vendant des oranges, A. Gierymski, Katowice (Pologne), 1881 - Objet d'art volé par les nazis en 1944, retrouvé en Allemagne en 2010 et restitué à la Pologne en 2015[13].

À partir de 1795, Varsovie, oĂč se trouve une des plus importantes communautĂ©s juives (7 000 habitants), est sous administration prussienne (province de Prusse-MĂ©ridionale). Dans les territoires prussiens, un dĂ©cret pousse les familles juives de Berlin, Riga et d’autres villes Ă  venir s’installer Ă  Varsovie.

En 1804, l’État Prussien lance une politique de germanisation. Les Juifs doivent abandonner leur maniĂšre de dĂ©finir leur filiation (Abraham fils de Moshe, fils de
) pour adopter un nom propre. Les Juifs doivent pouvoir ĂȘtre recensĂ©s, payer des impĂŽts, ĂȘtre incorporĂ©s dans l'armĂ©e, etc. L'auteur E. T. A. Hoffman est envoyĂ© Ă  Varsovie, chargĂ© de trouver des noms de familles aux Juifs polonais. De lĂ  viennent les noms Ă  consonance allemande portĂ© par les Juifs originaires de Pologne (noms d’arbres, de fleurs, de noms de mĂ©tiers : Rosenblum, Applenbaum, Rosenbaum, Goldberg, Eisenbaum, etc.)

En 1807, Napoléon crée le Duché de Varsovie, mais aprÚs la campagne de Russie de 1812, le duché est occupé par les Russes et en 1815, devient le royaume de Pologne, dont le roi est le tsar de Russie.

Les autres territoires polonais qui restent Ă  la Prusse (Grande-Pologne avec Poznan, Prusse occidentale avec Torun et Dantzig) comptent assez peu de juifs.

Sous la domination autrichienne

Sceau de la communauté juive de Kattowitz en Silésie (av. 1918)

Dans la partie de la Pologne annexĂ©e par l’Autriche (villes de Lublin, Cracovie, Lwow), qui lui donne le nom de Galicie, vit Ă©galement une proportion importante de Juifs, qui voient tout d’abord certains de leurs privilĂšges abolis, mais qui bĂ©nĂ©ficient dans certaines villes d’un rĂ©gime favorable. En 1867-1868 est dĂ©crĂ©tĂ©e l’égalitĂ© entre tous les sujets de la monarchie autrichienne, y compris les Juifs.

C’est en Galicie que l’assimilation des Juifs est la plus forte, une grande partie des intellectuels juifs se tournant vers la culture allemande, comme Karl-Emil Franzos (nĂ© Ă  CzortkĂłw) ou Joseph Roth (nĂ© Ă  Brody), d’autres vers la culture polonaise comme Bruno Schulz (nĂ© Ă  Drohobycz).

Sous la domination russe

Cependant le gros de la population juive polonaise se retrouve en Russie ou dans le royaume de Pologne.

La Zone de résidence

Chapelle de l'Institut pour les convertis juifs de la London Society pour la promotion du christianisme parmi les Juifs Ă  Varsovie, 1846
(pl)HĂŽpital juif Ć»ydowski (pl) de WrocƂawiu, le jour de son inauguration, en avril 1903

L'Empire russe se montre dur envers les Juifs. Sur les anciennes terres polonaises, Catherine II de Russie supprime l’auto-administration de la communautĂ© et institue la « zone de colonisation » circonscrivant ainsi tous les Juifs de l'Empire russe Ă  ces territoires. Ainsi, Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, plus de quatre millions de Juifs vivront dans cette « Zone de RĂ©sidence »". Seul un nombre limitĂ© de Juifs, en gĂ©nĂ©ral non enregistrĂ©s comme tels, mais comme « allemands », « polonais » ou « russes », est autorisĂ© Ă  vivre en dehors de la Zone de RĂ©sidence, notamment dans les grandes villes de l'Empire. La sociĂ©tĂ© russe est alors traditionnellement divisĂ©e entre les nobles, le clergĂ©, les militaires et fonctionnaires, les artisans ou paysans libres, et les serfs - plus nombreux que les quatre autres classes rĂ©unies. Or les progrĂšs industriels conduisent Ă  l'Ă©mergence d'une classe moyenne, composĂ©e d'une forte proportion de Juifs qui n'appartiennent Ă  aucune des cinq classes traditionnelles. En limitant leur zone de rĂ©sidence, le gouvernement impĂ©rial veut favoriser la croissance d'une classe moyenne chrĂ©tienne.

Les Juifs ont l'interdiction de vivre dans des villes comme Kiev, SĂ©bastopol ou Yalta, et ne peuvent s'installer que dans des villes ouvertes comme Poltava, Odessa ou Kichinev, ce qui favorise l'Ă©mergence des shtetls (littĂ©ralement, « petite villes », diminutif du yiddish Ś©Ś˜ŚÖžŚ˜ - shtot, dĂ©rivĂ© de l'allemand Stadt). En revanche, les commerçants juifs de la 1re corporation, les gens instruits ou ayant une Ă©ducation spĂ©cialisĂ©e, les artisans ainsi que les soldats, incorporĂ©s conformĂ©ment Ă  la Charte de recrutement de 1810 et leurs descendants ont le droit de vivre en dehors de la Zone de RĂ©sidence. À certaines pĂ©riodes, des dĂ©rogations spĂ©ciales sont donnĂ©es aux Juifs pour vivre dans les grandes villes de l'empire, mais ces dĂ©rogations sont parfois rĂ©voquĂ©es : par exemple en 1891, plusieurs dizaines de milliers de Juifs sont expulsĂ©s de Moscou et de Saint-PĂ©tersbourg vers la Zone de RĂ©sidence.

Autres aspects de la condition juive

Dans les annĂ©es 1820, les lois cantonales instaurĂ©es par le tsar Nicolas Ier conservent la double taxation des Juifs (qui remplace le service militaire), tout en demandant Ă  toutes les communautĂ©s juives de fournir Ă  l’armĂ©e des jeunes hommes qui sont alors souvent convertis de force.

Il n’est pas surprenant, Ă©tant donnĂ© les conditions imposĂ©es par la Russie que les Juifs polonais aient participĂ© Ă  des insurrections contre les Russes, comme lors du soulĂšvement de Koƛciuszko en 1794. Des juifs participent Ă  l'insurrection de 1830-1831, Ă  l’insurrection de 1863, ainsi qu’au mouvement rĂ©volutionnaire de 1905. Le , lors d’une manifestation devant le chĂąteau royal de Varsovie, MichaƂ Landy, un adolescent juif est touchĂ© par une balle en portant une croix qu’un moine blessĂ© avaient fait tomber devant lui.

Bien que les Juifs se voient accorder quelques libertĂ©s avec l'abolition du servage de 1861, ils sont toujours cantonnĂ©s Ă  la Zone de RĂ©sidence et soumis Ă  des restrictions concernant la propriĂ©tĂ© et la profession. Ce statu quo prit fin avec l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881, dont les Juifs sont accusĂ©s Ă  tort.

La période des pogroms (1881-1884)

« Pogrom en Pologne », affiche informative, Amsterdam, Leo Pinkhof, début XX° s.

L’assassinat du tsar Alexandre II par NarodnaĂŻa Volia, le entraĂźne une vague de violences anti-juives appelĂ©es pogroms (le mot n’est pas un plĂ©onasme car d’autres minoritĂ©s sont Ă©galement victimes de pogroms, mot russe signifiant « destruction, pillage, Ă©meute » et s’appliquant de façon neutre Ă  tout groupe) sur une pĂ©riode allant de 1881 Ă  1884. Lors des Ă©vĂ©nements de 1881, les pogroms Ă©taient uniquement limitĂ©s Ă  la Russie, bien qu’une Ă©meute Ă  Varsovie ait fait deux morts juifs. Le nouveau tsar, Alexandre III, accusa les Juifs d’avoir occasionnĂ© ces rĂ©voltes et promulgua une sĂ©rie de restrictions particuliĂšrement sĂ©vĂšres pour les mouvements juifs. Les pogroms en Russie se poursuivirent de façon intensive jusqu’en 1884, avec l’accord tacite du gouvernement. Le plus grand nombre de pogroms survient dans la zone de RĂ©sidence oĂč les Juifs sont les plus nombreux. L'ambiance d'anarchie, l'apparente incapacitĂ© ou la rĂ©elle rĂ©ticence des autoritĂ©s russes Ă  contrĂŽler la violence des cosaques ou des civils, ont un impact majeur sur le psychisme du Juif moyen.

Environ deux millions de Juifs, principalement des non-religieux, Ă©migrent entre 1881 et 1914, majoritairement vers les États-Unis. Cette forte Ă©migration n'a cependant que peu d'influence sur le nombre d'habitants juifs de la Zone qui reste stable aux environs de cinq millions de personnes, en raison d'un taux de mortalitĂ© infantile sensiblement plus bas parmi les Juifs.

Cadavres de victimes du pogrom de Bialystok dans la cour de l'hĂŽpital juif de la ville, 1906

Un mouvement encore plus violent de pogroms se dĂ©veloppe de 1903 Ă  1906[14]. Dans ces pogroms, comme dans les prĂ©cĂ©dents la responsabilitĂ© des autoritĂ©s russes est engagĂ©e. Certains d’entre eux sont organisĂ©s ou au moins appuyĂ©s par les services secrets russes, l’Okhrana. Les plus importants se dĂ©roulent sur les territoires biĂ©lorusses, ukrainiens et russes oĂč vivaient des chrĂ©tiens orthodoxes.

Sur l'ancien territoire polonais, il y a deux pogroms, en 1906, le pogrom de BiaƂystok organisĂ© par les autoritĂ©s russes en juin et celui de septembre Ă  Siedlce (environ 30 tuĂ©s) organisĂ© par la police secrĂšte russe, l'Okhrana. Dans les deux cas les pogroms sont attribuĂ©s par les autoritĂ©s tsaristes aux partis socialistes[15].

Les mouvements juifs (1882-1914)

C'est dans cette situation que surviennent les premiers frĂ©missements du sionisme moderne, articulĂ© par le mouvement Bilou qui envoie, en 1882, ses premiers colons fonder des communautĂ©s en Palestine. Ceux qui ne sont pas partisans de l’émigration, sont attirĂ©s par le hassidisme ou encore par les mouvements rĂ©volutionnaires, notamment le Bund (Union gĂ©nĂ©rale des travailleurs juifs).

Haskalah et Halakha

Tombe d'une jeune femme juive (symbolisée par les chandelles brisées), Kazimierz Dolny, prÚs de Lublin, XIXe s.

L’éveil juif ou Haskala se dĂ©veloppe au cours du XIXe siĂšcle, mettant l’accent sur des idĂ©es et des valeurs laĂŻques. Les leaders du Haskalah, les Maskilim, militent pour l’assimilation et l’intĂ©gration des Juifs Ă  la culture russe.

Au mĂȘme moment, une autre doctrine juive, le mouvement du Mussar prĂ©conise quant Ă  elle la mise en avant des Ă©tudes traditionnelles et une rĂ©ponse juive au problĂšme ethnique de l’antisĂ©mitisme. Les politiciens juifs Ă©taient globalement peu influencĂ©s par l’Haskala et prĂ©conisaient une poursuite stricte de la vie religieuse basĂ©e sur l’Halakha (Loi juive) suivant ainsi les mouvements juifs orthodoxes, le hassidisme, puis se tournant vers le sionisme du Mizrahi.

Les partis politiques juifs

À la fin du XIXe siĂšcle, la Haskala et le dĂ©bat qu’elle gĂ©nĂšre, entraĂźne l’apparition de nombreux mouvements politiques au sein de la communautĂ© juive, dĂ©veloppant de nombreux points de vue et de vives rivalitĂ©s lors des Ă©lections rĂ©gionales. Le sionisme devint trĂšs populaire avec l’avĂšnement du parti socialiste Poale Zion et la branche polonaise du Mizrahi ainsi que par la renommĂ©e grandissante des sionistes gĂ©nĂ©raux.

Des Juifs adoptent Ă©galement les idĂ©es socialistes, et crĂ©ent l’Union gĂ©nĂ©rale des travailleurs juifs (Bund) qui prĂŽne l’assimilation et milite pour les droits sociaux.

Le Folkspartei (Parti du Peuple) quant Ă  lui dĂ©fendra l’autonomie culturelle et s’opposera Ă  l’assimilation.

En 1912, Agoudat Israel, un parti religieux, voit le jour.

L’entre-deux-guerres (1918-1939)

Les Juifs et l'indépendance polonaise

AprĂšs le pogrom, peinture de M. Minkowski, v. 1910

La nouvelle Pologne fondĂ©e le , avec Ă  sa tĂȘte JĂłzef PiƂsudski (1867-1935), connaĂźt une situation politique dĂ©licate. Elle entreprend d’unifier trois territoires sĂ©parĂ©s pendant le XIXe siĂšcle, et de moderniser une Ă©conomie Ă  dominante agricole ; elle forme une administration et une armĂ©e, tout en Ă©tant engagĂ©e par six conflits Ă  ses frontiĂšres, notamment avec la Russie bolchevique. DĂ©vastĂ©e par la PremiĂšre Guerre mondiale dont elle Ă©tait un des principaux terrains de manƓuvre, la Pologne doit faire face Ă  des tensions internes avec les minoritĂ©s.

La guerre ne s'arrĂȘte pas en 1918. Les frontiĂšres orientales sont Ăąprement disputĂ©es entre 1919 et 1921 : conquĂȘte de Vilnius, guerre soviĂ©to-polonaise et guerre polono-ukrainienne.

Selon Nicolas Werth, « on estime Ă  150.000 environ le nombre de victimes juives de pogroms (125.000 en Ukraine, 25 000 en BiĂ©lorussie) entre 1918 et 1922. La pire annĂ©e est sans conteste 1919. Les pogroms sont commis par les unitĂ©s armĂ©es les plus diverses » : par les ArmĂ©es blanches, par les troupes de la RĂ©publique populaire ukrainienne, par les dĂ©tachements des diffĂ©rents « atamans », par les dĂ©tachements de « Verts » (paysans insurgĂ©s), et par certaines unitĂ©s de l’ArmĂ©e rouge.

Quartier juif de LwĂłw aprĂšs le pogrom en novembre 1918

Juste aprĂšs la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale, l’Europe de l’Ouest s'Ă©meut de pogroms massifs Ă  l'Est. Les pressions exercĂ©es par les gouvernements atteignent leur objectif lorsque le prĂ©sident Woodrow Wilson missionne une commission pour enquĂȘter sur le sujet. Cette commission, dirigĂ©e par Henry Morgenthau Sr. qui n'enquĂȘte que sur le territoire polonais puisque la Russie bolchevique ne la reconnait pas, conclut que les informations sur les pogroms sont exagĂ©rĂ©es, voire dans certains cas montĂ©es de toutes piĂšces.

Population juive devant des bùtiments détruits à Sokolniki prÚs de Lviv (1919)

Ils identifient nĂ©anmoins huit incidents majeurs pour 1918–1919 et estiment le nombre de victimes Ă  deux Ă  trois cents Juifs. Quatre de ces pogroms sont attribuĂ©s aux exactions de dĂ©serteurs ou de soldats indisciplinĂ©s dont aucun n'a Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ© par la police gouvernementale. Parmi ces incidents, un officier de l’armĂ©e polonaise accusa un groupe de sionistes de PiƄsk de comploter contre les Polonais et abattit 35 d’entre eux. À LwĂłw, en 1918, des centaines de personnes, dont 72 Juifs sont massacrĂ©es au cours d'un pogrom perpĂ©trĂ© par l’armĂ©e polonaise pendant la guerre polono-ukrainienne pour la Galicie. À Varsovie, des soldats de l’ArmĂ©e bleue (unitĂ©s de l’armĂ©e polonaise formĂ©es en France) attaquent des Juifs dans les rues, mais sont condamnĂ©s par les autoritĂ©s militaires. D’autres incidents en Pologne se rĂ©vĂšlent avoir Ă©tĂ© exagĂ©rĂ©s par la suite, en particulier par les journaux de l’époque comme le New York Times, alors que des exactions contre les Juifs, dont de nombreux pogroms, se dĂ©roulent dans les rĂ©gions annexĂ©es par la Russie soviĂ©tique[16]. Les consĂ©quences de cette situation sont une sĂ©rie de clauses particuliĂšrement claires dans le traitĂ© de Versailles, protĂ©geant les droits des minoritĂ©s polonaises.

En 1921, la constitution polonaise (connue sous le nom de Constitution de Mars) accorde aux Juifs les mĂȘmes droits qu’aux autres citoyens et leur garantit la libertĂ© de culte.

Les partis politiques juifs aussi bien socialistes comme le Bund que les tenants du sionisme (qu’ils soient de droite ou de gauche) ou les partis religieux conservateurs sont reprĂ©sentĂ©s aussi bien Ă  la DiĂšte (le parlement polonais) que dans les diĂ©tines rĂ©gionales.

DĂ©mographie de la population juive

En 1918 réapparaßt un état polonais indépendant aprÚs 123 ans d'occupation par les empires russe, austro-hongrois et allemand.

Pourcentage de la population juive dans les villes de Pologne en 1931

La nouvelle Pologne abrite alors la plus forte population juive d’Europe et la seconde dans le monde aprĂšs celle des États-Unis. Selon le recensement de 1921, 2 845 400 personnes se dĂ©claraient de confession juive et selon le recensement de 1931 - 3 130 581 personnes. 80 % de ces citoyens polonais ne parle pas ou peu polonais.

Entre les deux guerres, environ 400 000 Juifs (dont la moitiĂ© au cours des annĂ©es 1921-1925) quittent la Pologne en direction principalement des États-Unis et de la Palestine, mais Ă©galement vers l'Argentine, le BrĂ©sil et les pays d'Europe occidentale[17]. En tenant compte de l’accroissement de la population et de la forte Ă©migration de Pologne entre 1931 et 1939, on peut estimer que la Pologne comptait 3 474 000 Juifs, soit 10 % de la population totale[18], Ă  la veille de la Seconde Guerre mondiale. La Pologne est alors un pays multiethnique et multiculturel et les Polonais reprĂ©sentent 70 % de la population.

Juifs de Sanok (1936)

Les villes prĂ©sentant la proportion la plus importante de population juive en 1931 sont : BiaƂystok (43 % de la population), Lublin (34,7 %), Ɓódz (33,5 %), Radom (32,3 %), Lviv (32 %) alors polonaise sous le nom de LwĂłw, Varsovie (31 %), Vilnius (28,2 %), Cracovie (25,8 %). La population juive la plus faible est sur les territoires polonais qui avaient Ă©tĂ© sous la domination allemande. À la suite de la germanisation, les Juifs y reprĂ©sentent alors moins de 1 % de la population.

Les Juifs vivent majoritairement dans les grandes et moyennes villes : 77 % de citadins alors que les trois quarts de la population de la Pologne habite dans les villages. Plus du quart des Juifs vivent dans sept villes : Varsovie (352.600 = 34,7 %), la seconde ville juive du monde aprĂšs New York , ƁódĆș (202 000), Lviv (99 600), Cracovie (56 500), Vilnius (55 000), BiaƂystok (39 500 = 38,7%) et Lublin (38 600=42,9 %), StanisƂawĂłw (34,8 %) Les rĂ©gions oĂč la population juive est la plus importante sont : PolĂ©sie (49,2 %) et Volhynie (49,1 %).

La culture juive et polonaise

Pourcentage de la population dont le yiddish ou l'hébreu sont la langue maternelle, 1931

Lors du recensement de 1931, 88 % des Juifs polonais dĂ©claraient comme langue maternelle les langues juives, le yiddish (80 %) ou l’hĂ©breu (8 %), 12 % le polonais.

Environ 85 % des Juifs polonais pratiquent la religion de maniÚre traditionnelle (hassidique). Les 15 % restants sont des Juifs assimilés (environ 10 %), des adeptes du judaïsme réformé ou des Juifs indifférents sur le plan religieux, pour la plupart d'un statut élevé et parlant polonais dans la vie quotidienne.

Malgré la pauvreté de beaucoup de communautés juives, l'analphabétisme est moindre que la moyenne, en partie du fait d'un accÚs plus facile aux écoles dans les villes. Les données statistiques de 1931 indiquent que 79,7 % des Juifs de plus de cinq ans maßtrisent la lecture et l'écriture, la moyenne nationale n'étant que de 69,6 %.

Jeunes hassidim Ă  ƁódĆș, dans les annĂ©es 1910
Page du journal « Haynt », 17 janvier 1915

Le systĂšme scolaire permet aux Juifs de frĂ©quenter les Ă©coles publiques dont certaines sont adaptĂ©es : enseignement de deux heures par semaine de la religion juive, observation du shabbat et des fĂȘtes juives dans le calendrier scolaire. Les Ă©coles privĂ©es sont soit religieuses, soit laĂŻques. La plupart de ses Ă©coles enseignaient en yiddish. Deviennent par la suite de plus en plus populaires les Ă©coles avec un enseignement bilingue (yiddish-hĂ©breu, polonais-yiddish, polonais-hĂ©breu). Dans les heder religieux, l'enseignement dure huit ans et Ă©tait axĂ© sur la religion (entre 27 et 37 heures par semaine) au dĂ©triment des enseignements laĂŻcs (12 Ă  14 heures). Cet enseignement est rĂ©servĂ© aux garçons. Progressivement quelques Ă©coles de filles ouvrent grĂące au mouvement Bejs Jakow fondĂ© par Sarah Schenirer, mais leur enseignement est limitĂ©. Les Ă©coles laĂŻques sont ouvertes en partie grĂące au CISZO (Centrale Jidysze Szul Organizacje), largement soutenu par le Bund. Le programme, 34 heures par semaine, comprend l'enseignement du yiddish (premiĂšre langue), du polonais (seconde langue) et de l'hĂ©breu (troisiĂšme langue). Les Ă©coles de l'association Unzere Kindern enseignent Ă©galement en yiddish[19]. Toutefois le rĂ©seau le plus important est crĂ©Ă© par l'Association Ă©ducative et culturelle Tarbut, d'obĂ©dience sioniste, qui enseigne en hĂ©breu. En 1937, ces rĂ©seaux scolaires juifs totalisent 1 275 Ă©coles avec 180 000 Ă©lĂšves (25 % pour Tarbut, 20 % pour Bejs Jakow et un peu moins de 10 % pour le CISZO), suivi de peu par les Ă©coles du rĂ©seau Jawne fondĂ© par le parti Mizrachi[17].

Durant l’annĂ©e scolaire 1937-1938 on comptait 226 Ă©coles primaires et douze lycĂ©esoĂč l’enseignement Ă©tait dispensĂ© en yiddish ou en hĂ©breu.

La scĂšne culturelle juive est particuliĂšrement active. On compte de nombreuses publications juives et plus de 116 pĂ©riodiques. Les auteurs de langue yiddish, dont un des plus connus, Isaac Bashevis Singer, se virent attribuer une renommĂ©e internationale et classĂ©s parmi les auteurs classiques juifs, avec pour Singer la consĂ©cration par le Prix Nobel en 1978. Bruno Schulz, Julian Tuwim, Jan Brzechwa et BolesƂaw Leƛmian apportĂšrent une importante contribution Ă  la littĂ©rature polonaise.

Le thĂ©Ăątre yiddish Ă©tait Ă©galement florissant : la Pologne comptait 15 thĂ©Ăątres yiddish. Varsovie Ă©tait le fief de la plus importante troupe yiddish de l’époque, la Troupe Vilna qui joua la premiĂšre du Dybbuk en 1920 Ă  l’Elyseum ThĂ©atre.

Vie Ă©conomique de la population juive

Rue commerçante à Kazimierz, district de Cracovie

La structure économique de la population juive résulte de leur caractÚre urbain. Les Juifs vivent principalement des activités artisanales, commerciales et libérales. Selon le recensement de 1931, par branche d'activités, 42,4 % des Juifs sont employés dans l'industrie et l'artisanat (occupant 21,3 % des emplois du pays), 36,6 % dans le commerce, la banque et les assurances (les Juifs occupaient 71 % du commerce de détail du pays, 41,6 % du commerce de gros et 81 % du colportage).

Si la proportion des Juifs dans les activités libérales est relativement faible, 2,3 % dans les activités éducatives et culturelles, 2,1 % dans les activités d'hygiÚne et de santé, 0,4 % dans les activités du droit, leur part dans les emplois du pays sont respectivement de 21,5 %, de 24,3 % et de 34,2 %. C'est dans ces catégories socio-professionnelles que se trouvent la plus grande proportion de Juifs assimilés ou en voie d'assimilation[17].

La recrudescence de l’antisĂ©mitisme

Les communautĂ©s polonaise et juive se mĂ©langent peu. Les mariages mixtes sont rares. La majoritĂ© des Juifs frĂ©quentent des Ă©coles juives oĂč l’enseignement est dispensĂ© en yiddish, en hĂ©breu, plus rarement en polonais. Les communautĂ©s vivent Ă  cĂŽtĂ© l’une de l’autre. PortĂ©s par la renaissance de leur État, certains Polonais se mĂ©fient de cette communautĂ© non assimilĂ©e dont la langue est proche de l'allemand et dont l’engagement politique va pour beaucoup vers le communisme de l’URSS, les deux ennemis hĂ©rĂ©ditaire de la Pologne.

Ségrégation des étudiants juifs ne pouvant s'asseoir qu'à certains endroits désignés à l'université
Manifestation d'étudiants polonais, membres du National Radical Camp, réclamant l'implantation de bancs de ghetto pour les étudiants juifs à l'école polytechnique de Lwow (Lviv), années 1930

AprĂšs la vague d'antisĂ©mitisme et de pogroms au cours de la guerre soviĂ©to-polonaise, les relations entre chrĂ©tiens et Juifs s'amĂ©liorent en particulier sous les gouvernements de JĂłzef PiƂsudski (1926-1935) qui s’oppose Ă  l’antisĂ©mitisme. Mais aprĂšs sa mort, alors que la Seconde RĂ©publique s’affirme, les actes antisĂ©mites augmentent sous la poussĂ©e des partis nationalistes d'opposition comme le Parti national-dĂ©mocrate, le SND, le NRC, l'ONR... Augmentation des vexations dans l’enseignement, Ă©meutes et violences anti-juives dans les universitĂ©s, quotas (semi-officiels ou officieux) appliquĂ©s Ă  partir de 1937 dans certaines universitĂ©s et politique des bancs ghetto, rĂ©duisent de moitiĂ© le nombre de Juifs inscrits (9 694 Ă©tudiants juifs inscrits annĂ©e universitaire 1932-1933, soit 18,7% du total[20], 4790 en 1937-1938[21])[22]. Seuls deux recteurs polonais refusent d'appliquer ces sĂ©grĂ©gations dans leur universitĂ© et quelques dizaines de professeurs pĂ©titionnent contre ces bancs[22] - [23]. En 1937, le syndicat professionnel des mĂ©decins et avocats polonais n’accepte plus que les chrĂ©tiens polonais, alors que de nombreux emplois gouvernementaux restent fermĂ©s aux Juifs pendant toute cette pĂ©riode.

BanniÚres violemment antisémites par (pl)l'ONR (pl) à l'entrée principale de l'Université de Varsovie, 1936

Ces discriminations s’accompagnaient de violences physiques. Entre 1935 et 1937, 79 Juifs sont tuĂ©s et 500 blessĂ©s dans des incidents anti-juifs[24]. Le systĂšme de bancs de ghetto n'a disparu qu'avec la disparition de l'État polonais en 1939, au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale[25].

Les magasins juifs sont Ă©galement la cible de ces attaques et beaucoup d’entre eux furent pillĂ©s. En mars 1936, l'Ă©meute antisĂ©mite de Przytyk est l'aboutissement de tensions entre agriculteurs chrĂ©tiens et juifs, Ă  la suite du boycott des magasins juifs. D'autres Ă©meutes anti-juives se dĂ©roulent entre 1935 et 1937 Ă  Czestochowa, Lublin, Bialystok et Grodno et contribuent, surtout Ă  partir de 1935, Ă  l'Ă©migration de Juifs dĂ©jĂ  touchĂ©s par la crise Ă©conomique[26]. À cette Ă©poque, des boycotts d’ordre Ă©conomique et des attaques contre les biens, combinĂ©s aux effets de la Grande DĂ©pression qui sont particuliĂšrement forts dans les pays agricoles comme la Pologne rĂ©duisirent le niveau de vie des Juifs polonais Ă  un point tel qu’ils devinrent une des plus pauvres communautĂ©s du monde. Le rĂ©sultat de cette situation est qu’au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, la communautĂ© juive bien que forte numĂ©riquement et riche de sa vie culturelle intense est aussi significativement (Ă  l’exception de quelques professionnels) plus pauvre et moins bien intĂ©grĂ©e que les Juifs d’Europe de l’Ouest.

AprĂšs la mort de JĂłzef PiƂsudski, les gouvernements polonais restent aux mains des militaires et la situation des Juifs se dĂ©tĂ©riorent. De nombreux Juifs Ă©migrent, lorsque les politiques de discrimination de l’État polonais s’intensifient.

Émigration des Juifs de Pologne

Tampons roumain et palestinien sur le passeport d'un couple de Polonais ayant décidé d'émigrer en Palestine mandataire pour rejoindre leurs enfants à Tel Aviv, 1934

Entre 1921–1925, plus de 184 000 Juifs ont quittĂ© la Pologne, soit 37 000 par an, (plus de 39 % de tous les Ă©migrants), dont plus de 70 000 en 1921 aux États-Unis, c'est-Ă -dire avant l'introduction des restrictions d'immigration dans ce pays.

Au cours de la pĂ©riode 1926-1937, plus de 200 000 Juifs Ă©migrent, soit 17 000 par an. L'augmentation de l'Ă©migration en 1933-1936 est principalement associĂ©e Ă  l'augmentation du nombre de dĂ©parts vers la Palestine (mandataire). Un Ă©migrant sur deux quittant dĂ©finitivement la Pologne Ă©tait Juif.

Carte d'identité belge de la Polonaise Rifka Perlberger (1939)

Les Juifs prédominaient parmi ceux qui émigraient à Cuba, au Mexique, en Australie, en Argentine, au Brésil et en Uruguay, et en Afrique du Sud. Les Juifs ont également quitté la Pologne illégalement, y compris vers la France et la Palestine. La "Central Jewish Emigration Society" leur apportait de l'aide.

Dans les annĂ©es 1930, les autoritĂ©s polonaises ont cherchĂ© un moyen d'accĂ©lĂ©rer l'Ă©migration juive, notamment Ă  Madagascar. Dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1930, l'Ă©migration des Juifs du TroisiĂšme Reich a commencĂ© Ă  ĂȘtre une forte concurrence pour cette Ă©migration[27].

La Seconde Guerre mondiale et la destruction de la communauté juive polonaise (1939-1945)

La période des combats (septembre 1939)

Concernant l’accueil de Juifs Ă©chappĂ©s. Rappel - conformĂ©ment au paragraphe 3 du dĂ©cret du sur les limitations de rĂ©sidence du Gouvernement gĂ©nĂ©ral (page 595 du code du Gouvernement gĂ©nĂ©ral) - les Juifs quittant le quartier juif sans permission encourent la peine capitale. ConformĂ©ment Ă  ce dĂ©cret, les personnes aidant ces Juifs Ă  trouver un abri, de la nourriture ou leur vendant des biens de consommation seront Ă©galement condamnĂ©es Ă  la peine capitale. Il s’agit d’un avertissement catĂ©gorique aux populations non juives contre : 1/ L’offre d’un abri Ă  un Juif, 2/ La fourniture d’aliments, 3/ La vente d’aliments. Dr Franke - Commandant - Częstochowa 9/24/42

Durant l'attaque allemande de , prĂšs de 120.000 citoyens polonais d’origine juive prennent part aux combats contre la Wehrmacht dans les rangs de l'armĂ©e polonaise. On estime qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, 32 216 soldats et officiers juifs ont pĂ©ri et 61 000 ont Ă©tĂ© faits prisonniers par les Allemands, dont la trĂšs grande majoritĂ© n’a pas survĂ©cu. MalgrĂ© l'invasion soviĂ©tique de la Pologne le , 300 000 Juifs sont allĂ©s s'installer du cĂŽtĂ© de l'agresseur soviĂ©tique[28].

Les Juifs polonais sous occupation soviétique

Selon le nouveau partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'Union soviĂ©tique, correspondant aux accords du pacte germano-soviĂ©tique, 61,2 % de Juifs polonais rĂ©sidaient dans la partie de la Pologne annexĂ©e par l’Allemagne nazie, alors que 38,8 % se trouvaient sur le territoire polonais annexĂ© par les SoviĂ©tiques. Cependant, si l’on se base sur les flux migratoires est-ouest observĂ©s aprĂšs la campagne polonaise de , le nombre de Juifs prĂ©sents dans la zone d’occupation soviĂ©tique Ă©tait probablement supĂ©rieur aux chiffres du recensement de 1931. Ainsi entre 1939 et 1941 198 000 Juifs polonais se sont rĂ©fugiĂ©s dans la zone d’occupation soviĂ©tique. Les communistes polonais d’origine juive comme Jakub Berman se sont eux aussi rĂ©fugiĂ©s dans la zone d’occupation soviĂ©tique.

Expulsion de 14 000 Juifs de Pultusk par les Allemands, en 1939.

L’Union soviĂ©tique intĂ©gra la partie orientale de la Pologne dans la rĂ©publique socialiste soviĂ©tique d'Ukraine et la rĂ©publique socialiste soviĂ©tique de BiĂ©lorussie et en organisa la soviĂ©tisation.

150 000 hommes sont incorporĂ©s de force dans l'ArmĂ©e rouge et 100 000 dans des bataillons de construction spĂ©ciaux (strojbatami).

Exécution de masse à Palmiry : prisonniers polonais yeux bandés, photographiés avant leur exécution (1940)

Quatre vagues de dĂ©portations vers la SibĂ©rie furent organisĂ©es par le NKVD entre l’hiver 1939-1940 et l’étĂ© 1941. Si les deux premiĂšres concernĂšrent les anciens soldats de l'armĂ©e polonaise, ainsi que l’intelligentsia et les fonctionnaires polonais, au moins 140 000 personnes dont 70 % de Polonais, des Ukrainiens et des BiĂ©lorusses, la troisiĂšme vague de dĂ©portation, entre mai et , concerna 80 000 personnes[29] que le NKVD condamna pour « spĂ©culation » et « espionnage », dont plus de 80 % de Juifs, qui furent envoyĂ©s au Kazakhstan, en SibĂ©rie et au Nord de la Russie[30]. Environ 111.000 sont emprisonnĂ©es de 1939 Ă  1941 dont 40.000 seront dĂ©portĂ©es dans des camps de travail de la Vorkuta, 7 305 exĂ©cutĂ©es en marge de KatyƄ et environ 10.000 ont Ă©tĂ© assassinĂ©es lors de l'Ă©vacuation des prisons Ă  la suite de l'invasion allemande de l'Ă©tĂ© 1941. Parmi les officiers polonais internĂ©s par l'ArmĂ©e rouge et abattus par le NKVD en 1940 lors du massacre de KatyƄ, on comptait 500 Ă  600 Juifs.

Destruction de la vieille synagogue de style Renaissance de Przemyƛlu (Przemysl) en 1941 - prĂ©cĂ©demment profanĂ©e et dĂ©truite en 1746 puis dĂ©mantelĂ©e en 1956 ; aujourd'hui, un parking la remplace.

En Lituanie occupĂ©e par les SoviĂ©tiques des milliers de Juifs polonais furent arrĂȘtĂ©s et dĂ©portĂ©s en juin 1941 vers les goulags du Kazakhstan et de SibĂ©rie[30].

Seul un petit nombre de Juifs polonais (6 000) a Ă©tĂ© autorisĂ© par les soviĂ©tiques Ă  rejoindre l’armĂ©e de WƂadysƂaw Anders et quitter le territoire de l’URSS, dont le futur premier ministre d’IsraĂ«l, Menahem Begin. Alors que ce DeuxiĂšme Corps de l'ArmĂ©e polonaise stationnait dans la zone du mandat anglais en Palestine, 2 972 hommes soit 67 % des soldats juifs dĂ©sertĂšrent et rejoignirent l’Irgoun. Des Polonais dont des Juifs dĂ©portĂ©s purent Ă©galement se faire engager dans l'armĂ©e populaire polonaise du gĂ©nĂ©ral Berling.

Les juifs polonais sous occupation allemande : la Shoah

Carte de la Pologne occupée lors de la Seconde Guerre mondiale, indiquant les principaux ghettos, les camps de concentration et d'extermination répartis sur le pays.

Le temps des ghettos

Principaux ghettos en Pologne et Europe de l’Est

DĂšs le dĂ©but de l'occupation, les Allemands ont comme objectif de regrouper les Juifs dans des ghettos en vue de leur dĂ©portation ultĂ©rieure dans des rĂ©serves juives[28]. Les entreprises juives sont confisquĂ©es et offertes Ă  des industriels allemands ou des Allemands ethniques. Les Juifs ne peuvent emporter dans les ghettos que peu de leurs biens[31]. Le ghetto de Varsovie fut le plus important des ghettos crĂ©Ă©s avec 380 000 rĂ©sidents, le second est le ghetto de ƁódĆș qui compta jusqu'Ă  160 000 personnes. Des ghettos moins importants sont crĂ©Ă©s assez rapidement dans toute la Pologne comme BiaƂystok, Częstochowa, Kielce, Cracovie, Lublin, Siedlce, LwĂłw et Radom. Les Juifs doivent quitter leurs habitations pour s'entasser souvent dans le quartier le plus pauvre de la ville[32].

Ghetto de Grodno, novembre 1941

Dans les territoires occidentaux de la Pologne annexés par le Reich, les SS ont cherché à expulser les Juifs. Cent mille Juifs ont ainsi été déportés de territoires annexés vers l'Est de la Pologne en 1939-1940. Beaucoup se sont installés dans le ghetto de Varsovie. Les habitants des ghettos sont isolés du reste de la population. Ainsi, dans le ghetto de Varsovie, les Allemands isolent le ghetto du reste du monde le en construisant un mur aux frais des Juifs sous prétexte "d'isoler les maladies contagieuses véhiculées par ces derniers".

Dans les grands ghettos, les Juifs connaissent un sous ravitaillement chronique et des débuts d'épidémie. La situation est « moins terrible »[28] dans les villes et les petites bourgades. Les ghettos sont dirigés par des JudenrÀte ou conseils juifs qui servent de courroie de transmission entre les Allemands et la population du ghetto. Ce sont eux qui doivent choisir les Juifs à déporter[33].

Juifs de SępĂłlno Krajenskie (SępĂłlna KrajeƄskiego) arrĂȘtĂ©s par les Allemands et pensant se rendre en Palestine, automne 1939. En fait, tous les Juifs de SępĂłlno seront assassinĂ©s dans le camp d'internement de Radzim,

AprĂšs l'invasion de l'URSS en , la situation change. Dans un premier temps, la Pologne apparaĂźt, comme un lieu de transit des Juifs de l'Ouest avant leur dĂ©portation vers le territoire soviĂ©tique oĂč ils seraient exterminĂ©s par le travail dans des camps[34]. Mais, Ă  cause des retards pris dans l'invasion de l'URSS, il devient vite Ă©vident que les Juifs de Pologne ne pourront pas ĂȘtre dĂ©portĂ©s rapidement vers l'Est. Hans Frank commence alors Ă  planifier la destruction d'une partie des Juifs polonais. Lors de l'opĂ©ration Barbarossa, le massacre de Jedwabne est perpĂ©trĂ© par la seule population polonaise. Entre 300 (selon l'Institut national du souvenir[35]) et 1 600 (selon Jan T. Gross) Juifs sont torturĂ©s et mis Ă  mort par une partie des habitants de ce village.

Le temps de l'extermination

Chaussures de victimes de l'opération Reinhard, mortes dans le camp de Majdanek, Lublin (Pologne)

En , la Galicie orientale, auparavant annexĂ©e par l'URSS est rattachĂ©e au Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne. Les fusillades de Juifs se multiplient et deviennent mĂȘme systĂ©matiques Ă  partir du mois d'octobre. Les nazis prĂ©fĂšrent cependant se tourner vers des points fixes d'extermination comme les camions Ă  gaz ou les chambres Ă  gaz. La densitĂ© relativement Ă©levĂ©e par rapport Ă  l'URSS de voies ferrĂ©es permet d'envisager le rassemblement des Juifs en un petit nombre de points d'extermination[34]. Le premier centre d'extermination, Chelmno, commence Ă  fonctionner en . 200 000 Juifs, venus pour la plupart des territoires annexĂ©s du nord de la Pologne y sont assassinĂ©s. Belzec, qui sert de centre d'extermination pour les Juifs de Galicie, est en fonction de la mi- jusqu'en dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e. 400 000 Juifs polonais y trouvent la mort. En , Ă  la suite de la ConfĂ©rence de Wannsee, les nazis commencent la construction de Sobibor. Le camp de mort immĂ©diate commence Ă  fonctionner en . On y assassine aussi les Juifs venus d'Europe de l'Ouest, de Slovaquie ou d'URSS[34], soit environ 250 000 personnes tuĂ©es entre et . Treblinka commence Ă  fonctionner en . 900 000 Juifs polonais y trouvent la mort.

En , commence l'aktion Reinhard qui a comme objectif d'exterminer tous les Juifs du Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne. Le , l’évacuation massive du ghetto de Varsovie commence. Elle se poursuivra durant 52 jours jusqu’au , le temps pour 300 000 personnes d’ĂȘtre dĂ©portĂ©es en train jusqu’au camp d’extermination de Treblinka. Les dĂ©portations furent organisĂ©es par 50 soldats SS, 200 soldats de Lituanie du bataillon Schutzmannschaften et 200 ukrainiens. Les employĂ©s du Judenrat, incluent la « police » du ghetto (en rĂ©alitĂ© une organisation juive crĂ©Ă©e de toutes piĂšces par les SS et censĂ©e faire rĂ©gner l'ordre dans les quartiers dĂ©vastĂ©s par la faim et les maladies). Les plus jeunes adultes du ghetto de Varsovie dont les membres de l'Ć»ZW tentĂšrent de s'opposer aux Allemands. Ils voulaient mourir en combattant et "le peuple juif" dĂ©clara la guerre au Reich allemand. Ils se rapprochĂšrent de la rĂ©sistance polonaise qui leur refusa les armes qu'ils demandaient.

Liquidation du ghetto de BiaƂystok (Lublin), 15–20 aoĂ»t 1943

En 1942, la main d’Ɠuvre juive est encore tolĂ©rĂ©e quand elle travaille Ă  l'effort d’armement. En 1943, les ghettos sont vidĂ©s de ce qu'il reste de population. Les nazis sont alors surpris par la rĂ©sistance des ghettos : soulĂšvement du ghetto de Varsovie en avril-, attentat contre un cafĂ© menĂ© par les rĂ©sistants juifs Ă  Cracovie en [36], rĂ©voltes des derniers Juifs des ghettos de Mazowiecki et de BiaƂystok , rĂ©volte des sonderkommandos Ă  Treblinka en et de Sobibor en octobre de la mĂȘme annĂ©e. À la fin du mois d'octobre les nazis organisent l'Aktion Erntefest pour assassiner les derniers Juifs de la rĂ©gion de Lublin en particulier dans les camps de travail comme celui de MaĂŻdanek. En 1944, les nazis calculent qu'il ne reste plus que 200 000 Juifs en Pologne. Auschwitz ne sert Ă  tuer les Juifs polonais que lorsque les autres camps de mort immĂ©diate ont fermĂ©[36]. Trois cent mille Juifs polonais y sont assassinĂ©s, dont notamment ceux du ghetto de ƁódĆș.

  • DĂ©portation des enfants du ghetto de Lodz vers le camp d'extermination de Chelmno, septembre 1943
    DĂ©portation des enfants du ghetto de Lodz vers le camp d'extermination de Chelmno,
  • Cadavres de victimes de dĂ©portation sur le chemin menant au camp d'extermination de Kulmhof (Chelmno), 5-12 septembre 1942
    Cadavres de victimes de déportation sur le chemin menant au camp d'extermination de Kulmhof (Chelmno), 5-
  • ExĂ©cution d'enfants et femmes juifs dĂ©nudĂ©s dans une fosse par un einsatzgruppe Ă  ZdoƂbunĂłw (Pologne), aujourd'hui Zdolbouniv (Ukraine), 14 octobre 1942
    ExĂ©cution d'enfants et femmes juifs dĂ©nudĂ©s dans une fosse par un einsatzgruppe Ă  ZdoƂbunĂłw (Pologne), aujourd'hui Zdolbouniv (Ukraine),
  • Photographie de Juifs abattus dans le ghetto de Varsovie en mai 1943, envoyĂ©e par J. Stroop Ă  H. Himmler sous le titre : « Il n'y a plus de quartier juif Ă  Varsovie ! »
    Photographie de Juifs abattus dans le ghetto de Varsovie en , envoyée par J. Stroop à H. Himmler sous le titre : « Il n'y a plus de quartier juif à Varsovie ! »
  • RĂ©sistants juifs Ă  la libĂ©ration du ghetto de Vilnius en juillet 1944 : Abba Kovner, Vitka Kempner, Pascha Reichmann.
    Résistants juifs à la libération du ghetto de Vilnius en : Abba Kovner, Vitka Kempner, Pascha Reichmann.

Bilan

Henryk Wolinski, juriste et soldat polonais de l'Armia Krajowa, cofondateur de ƻegota, qui a caché 25 juifs à son domicile et en a aidé 290 autres

La communautĂ© juive polonaise a Ă©tĂ© quasiment anĂ©antie lors de la Shoah. Sur les 6 millions de Juifs tuĂ©s pendant la guerre, prĂšs de la moitiĂ© sont originaires de Pologne (environ 2,7 millions d'aprĂšs le dictionnaire de la Shoah[37]). Ils disparaissent notamment dans les camps d'extermination nazis, meurent de faim dans les ghettos[38] ou fusillĂ©s par les groupes d'extermination nazis baptisĂ©s Einsatzgruppen qui ont Ă©tĂ© particuliĂšrement actifs en 1941. TrĂšs peu des Juifs ont survĂ©cu en Pologne mĂȘme. Ceux qui sont restĂ©s en vie avaient pu fuir en URSS, hors de portĂ©e de nazis.

MalgrĂ© le comportement hostile aux Juifs d'une partie de sa population, comme dans nombre d'autres pays occupĂ©s, la Pologne est le pays qui compte le plus grand nombre de Justes parmi les nations[39], titre dĂ©cernĂ© par le musĂ©e de Yad Vashem, grĂące notamment aux actions du colonel Henryk WoliƄski, du lieutenant-colonel Henryk IwaƄski ou de l'enseignante Krystyna Adolnhowa. Il est vrai que le nombre d’israĂ©lites y Ă©tait beaucoup plus important que partout ailleurs en Europe. Le gouvernement polonais en exil a Ă©tĂ© le premier Ă  diffuser (en ) des informations sur les camps d’extermination nazis Ă  la suite des rapports de Jan Karski (supra) et de Witold Pilecki, membres de l'Armia Krajowa[40]. Le gouvernement polonais en exil est le seul gouvernement Ă  avoir mis en place une cellule de rĂ©sistance (Ć»egota) dont l’objectif unique Ă©tait d’aider les Juifs en Pologne occupĂ©e.

En 2007, RadosƂaw Sikorski, ministre des Affaires Ă©trangĂšres de 2007 Ă  2014, dĂ©clare au cours d'une interview d'Adar Primor, du journal israĂ©lien Haaretz, que « l'Holocauste qui a eu lieu sur notre sol a Ă©tĂ© menĂ© contre notre volontĂ© par quelqu'un d'autre »[41]. Selon un reprĂ©sentant du CongrĂšs Juif Mondial, ces dĂ©clarations de Sikorski « ont dĂ©montrĂ© un mĂ©pris des conclusions des historiens polonais qui avaient dĂ©couvert des preuves considĂ©rables de la participation locale dans la destruction des Juifs polonais »[42].

La période de la République populaire (1945-1989)

L'aprĂšs-guerre

Entre 40 000 et 100 000 Juifs polonais survĂ©curent Ă  l’Holocauste en se cachant ou en rejoignant des groupes de rĂ©sistants polonais et soviĂ©tiques. Cinquante mille Ă  170 000 autres furent rapatriĂ©s d’Union soviĂ©tique et 20 000 Ă  40 000 d’Allemagne et des pays voisins. À l'Ă©tĂ© 1946 le nombre maximum de Juifs en Pologne atteint 240 000 personnes[1], principalement dans les villes : Varsovie, ƁódĆș, Cracovie et WrocƂaw.

Plaque commémorative sur la tombe des victimes du pogrom de Kielce de 1946

Juste aprĂšs la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs commencĂšrent Ă  Ă©migrer de Pologne, sans opposition du gouvernement. Ce phĂ©nomĂšne fut encore accĂ©lĂ©rĂ© par le renouveau de violences dirigĂ©es contre les Juifs, en particulier le pogrom de Kielce en 1946, le refus du rĂ©gime communiste de restituer les biens confisquĂ©s aux Juifs avant guerre et le souhait de quitter les communautĂ©s dĂ©truites par l’Holocauste pour entamer une nouvelle vie en Palestine mandataire. Cent mille Ă  cent vingt mille Juifs quittent ainsi la Pologne entre 1945 et 1948. Leur dĂ©part Ă©tait en grande partie organisĂ© par des activistes sionistes en Pologne comme Adolf Berman et Icchak Cukierman avec la protection d’une organisation semi-clandestine Berihah. Cette derniĂšre Ă©tait Ă©galement impliquĂ©e dans l’organisation de l’émigration des Juifs de Roumanie, Hongrie, TchĂ©coslovaquie et de Yougoslavie estimĂ©e au total (Pologne incluse) Ă  250 000 personnes. Une seconde vague d’émigration aura lieu entre 1957 et 1959 lors de la libĂ©ralisation du rĂ©gime communiste et concernera environ 50 000 personnes.

Pour ceux qui dĂ©cidĂšrent de rester en Pologne, la reconstruction d’une vie juive y sera organisĂ©e entre 1944 et 1950 par le ComitĂ© central des juifs polonais (Centralny Komitet Ć»ydĂłw Polskich, CKĆ»P) dirigĂ© par un ancien activiste du Bund, Szloma Herszenhorn. Le CKĆ»P fournissait des services dans les domaines lĂ©gal, de l’éducation, social, culturel et de la propagande. Une communautĂ© religieuse juive, couvrant le pays entier et menĂ©e par Dawid Kahane, qui faisait office de grand rabbin des forces armĂ©es polonaises, fonctionna de 1945 Ă  1948 avant d’ĂȘtre intĂ©grĂ©e par le CKĆ»P. Onze partis juifs indĂ©pendants (dont huit dĂ©clarĂ©s) existĂšrent dans le pays jusqu’à leur dissolution en 1949.

Un certain nombre de Juifs polonais participĂšrent Ă  la mise en place du rĂ©gime communiste amenant Ă  la crĂ©ation de la RĂ©publique populaire de Pologne. Beaucoup d’entre eux occupĂšrent des postes importants au bureau politique du Parti ouvrier unifiĂ© polonais (comme Jakub Berman - responsable de la sĂ©curitĂ© ou Hilary Minc – responsable de l’établissement d’une Ă©conomie de type communiste) ainsi que de l’appareil de sĂ©curitĂ© Urząd BezpieczeƄstwa (UB) et dans les domaines de la diplomatie/espionnage (comme Marcel Reich-Ranicki). AprĂšs 1956, pendant la dĂ©stalinisation en Pologne sous le rĂ©gime de WƂadysƂaw GomuƂka certains officiers de l’Urząd BezpieczeƄstwa (UB) dont Roman Romkowski (alias Natan Grunsapau-Kikiel), Jacek RĂłĆŒaƄski (alias Jozef Goldberg), et Anatol Fejgin seront poursuivis pour "abus de pouvoir" comportant des actes de torture sur des Polonais anti-communistes (dont Witold Pilecki). Ils furent condamnĂ©s Ă  de lourdes peines de prison. Un agent de l’UB, JĂłzef ƚwiatƂo, (alias Izak Fleichfarb), aprĂšs ĂȘtre passĂ© Ă  l’Ouest en 1953 communiqua sur Radio Free Europe les mĂ©thodes employĂ©es par l’UB, ce qui entraĂźnera sa dissolution en 1954.

Quelques institutions culturelles juives sont (re)crĂ©Ă©es Ă  cette pĂ©riode dont le ThĂ©Ăątre national yiddish en 1950 et dirigĂ© par Ida KamiƄska, l’Institut de l’histoire juive, une acadĂ©mie spĂ©cialisĂ©e dans la recherche historique et culturelle sur les Juifs de Pologne ou le journal en yiddish FoƂks Sztyme (pl) (Ś€ÖżŚÖžŚœŚ§ŚĄ Ś©Ś˜Ś™ŚžŚą, La Voix du peuple).

1967-1989

Le , jour de la fin de la guerre des Six Jours entre IsraĂ«l et les pays arabes, la Pologne rompt ses relations diplomatiques avec IsraĂ«l. Mais, les États arabes Ă©tant considĂ©rĂ©s par beaucoup de Juifs polonais comme des États satellites du rĂ©gime de Leonid Brejnev, beaucoup de Juifs Polonais soutiendront les IsraĂ©liens. En 1967, la trĂšs grande majoritĂ© des 40 000 Juifs rĂ©sidents en Pologne sont parfaitement intĂ©grĂ©s dans la sociĂ©tĂ© locale. MalgrĂ© cela, ils furent l’annĂ©e suivante la cible d’une campagne menĂ©e par le pouvoir central assimilant des origines juives Ă  des sympathies sionistes et donc Ă  une trahison envers le pays.

En , des manifestations d'Ă©tudiants Ă  Varsovie (Mars 1968) fournissent une excuse au gouvernement GomuƂka pour canaliser les sentiments anti-gouvernementaux sur une autre cible. Ainsi, le chef de la sĂ©curitĂ© MieczysƂaw Moczar, utilisa la situation comme prĂ©texte pour lancer une campagne de presse antisĂ©mite (bien qu’officiellement, seul le sionisme soit attaquĂ©). Cette campagne antisĂ©mite soutenue par le parti et le gouvernement entraĂźnera l’éviction des Juifs du Parti ouvrier unifiĂ© polonais et des postes d’enseignants dans les lycĂ©es et les universitĂ©s. À cause de la pression, politique et policiĂšre, quelque 25 000 Juifs vont Ă©migrer entre 1968 et 1970. La campagne qui visait plus particuliĂšrement les Juifs ayant exercĂ© de hautes fonctions pendant la pĂ©riode stalinienne, y atteignit l’ensemble des Juifs, quel que soit leur milieu.

Il y eut de graves consĂ©quences Ă  la suite des Ă©vĂšnements de mars 1968. La campagne antisĂ©mite laissa une trĂšs mauvaise image du pays Ă  l’étranger, en particulier aux États-Unis. Certains intellectuels polonais rĂ©voltĂ©s Ă  l’idĂ©e d’une campagne antisĂ©mite menĂ©e par l’État s’opposĂšrent. Certains individus Ă©tant passĂ©es Ă  l’Ouest Ă  cette pĂ©riode fondĂšrent des mouvements anti-communistes qui encouragĂšrent l’opposition en Pologne. En , pour les soixante ans de ces Ă©vĂ©nements, le prĂ©sident polonais Duda demanda pardon aux Juifs chassĂ©s Ă  cette occasion[43].

À la fin des annĂ©es 1970, certains militants d'origine juive Ă©taient engagĂ©s dans des groupes anticommunistes. Le plus connu d’entre eux, Adam Michnik (ultĂ©rieurement fondateur en 1989 de la Gazeta Wyborcza) Ă©tait Ă©galement membre fondateur du KOR (ComitĂ© de dĂ©fense des ouvriers). À la chute du communisme en Pologne en 1989, seuls 5 000 Ă  10 000 Juifs rĂ©sidaient encore dans le pays et la grande majoritĂ© ne prĂ©fĂ©rait pas faire Ă©tat de ses origines.

Depuis 1989

La fin de la censure communiste sur le sujet de l'antisémitisme

AprĂšs la chute du communisme en Pologne, la vie culturelle, sociale et religieuse juive connaĂźt un renouveau.

Certains évÚnements historiques, survenus en particulier durant la Seconde Guerre mondiale et la période communiste, longtemps occultés par la censure du régime, sont réévalués et publiquement débattus : par exemple le massacre de Jedwabne, le massacre de Koniuchy, le pogrom de Kielce ou la croix d'Auschwitz et plus généralement les relations entre juifs et chrétiens pendant la guerre, avec la contribution de certains Polonais aux exactions nazies.

Des crimes perpétrés contre des Juifs juste aprÚs la guerre ont également été rendus publics.

La loi de 2018 sur la dénomination des camps d'extermination nazis

Le 1er février 2018, à la suite du vote de la Chambre basse de la DiÚte de Pologne, le Sénat adopte une loi sur la Shoah[44] prévoyant « jusqu'à trois ans de prison ou une amende pour toute personne, citoyen polonais ou étranger, qui utiliserait le terme « camps de la mort polonais » pour qualifier les camps d'extermination installés par les nazis en Pologne occupée durant la Seconde Guerre mondiale ». Cette loi a pour objectif de « protéger la réputation de la République de Pologne et de la nation polonaise »[45].

En IsraĂ«l et dans la communautĂ© juive internationale, les rĂ©actions sont vives dĂšs que le projet de loi est prĂ©sentĂ© devant la DiĂšte[46], cette loi Ă©tant considĂ©rĂ©e comme une forme de nĂ©gationnisme : « le gouvernement israĂ©lien, Ă  l’instar de la diaspora juive, a reprochĂ© Ă  Varsovie de vouloir nier la participation de certains Polonais au gĂ©nocide des juifs, voire d'empĂȘcher des rescapĂ©s juifs de raconter leur expĂ©rience ou la mort de leurs proches. »[47], et encore plus aprĂšs le vote du SĂ©nat.

La loi est aussi critiquĂ©e dans les pays occidentaux, notamment les États-Unis et la France.

Elle est cependant promulguée le 6 février par le président de la République, Andrzej Duda, et entre en vigueur en mars.

Le 27 juin 2018, le gouvernement de Mateusz Morawiecki prend acte des rĂ©actions nĂ©gatives Ă  l'Ă©tranger et annonce que la loi va ĂȘtre amendĂ©e[48].

Une coutume pascale de Cracovie

À Cracovie, le lundi de PĂąques est marquĂ© par une coutume appelĂ©e « EmmaĂŒs », dont un Ă©lĂ©ment est la vente de figurines stylisĂ©es appelĂ©es « Le Juif avec une piĂšce (en) » : ces figurines ou figures sont supposĂ©es porter chance et fortune aux acheteurs et doivent ĂȘtre placĂ©es Ă  l'envers les jours de Shabath[49] - [50] - [51] - [52] - [53] - [54] - [55].

En juin 2021, la municipalitĂ© de Cracovie annonce son intention d'interdire la vente de ces figurines lors d'Ă©vĂ©nements publics, afin de combattre les « attitudes discriminatoires oĂč le ridicule, le mĂ©pris et la caricature portent les traces de l'antisĂ©mitisme »[56] - [57].

  • StĂ©rĂ©otype antisĂ©mite : Porte-bonheur financiers vendus en Pologne
  • Vente de figurines reprĂ©sentant des juifs religieux lors de la fĂȘte d'EmmaĂŒs Ă  Cracovie. Le panneau indique :  « Quiconque ne prend pas un Juif d'EmmaĂŒs rencontrera un grave malheur » (2009)
    Vente de figurines reprĂ©sentant des juifs religieux lors de la fĂȘte d'EmmaĂŒs Ă  Cracovie. Le panneau indique : « Quiconque ne prend pas un Juif d'EmmaĂŒs rencontrera un grave malheur » (2009)
  • Portraits de Juifs avec un grosz (monnaie polonaise) (2013)
    Portraits de Juifs avec un grosz (monnaie polonaise) (2013)
  • Figurine vendue Ă  Cracovie, reprĂ©sentant un juif hassidique tenant une poignĂ©e de piĂšces d'or dans la main (2016)
    Figurine vendue à Cracovie, représentant un juif hassidique tenant une poignée de piÚces d'or dans la main (2016)
  • Figurine reprĂ©sentant un juif hassidique tenant une piĂšce d'or et dont le vĂȘtement est ostensiblement brodĂ© d'un dollar amĂ©ricain (2022)
    Figurine reprĂ©sentant un juif hassidique tenant une piĂšce d'or et dont le vĂȘtement est ostensiblement brodĂ© d'un dollar amĂ©ricain (2022)

Les commémorations de la Shoah

On recense de nombreuses commĂ©morations de l'Holocauste en Pologne Ă  partir des annĂ©es 2000. En , des dignitaires de Pologne, d'IsraĂ«l, des États-Unis d'AmĂ©rique et d'autres pays (dont le prince Hassan de Jordanie) se sont retrouvĂ©s dans la ville d'Oƛwięcim (site du camp d'Auschwitz) pour cĂ©lĂ©brer la rĂ©novation de la synagogue Chevra Lomdei Mishnayot et l'ouverture du Centre Juif d'Auschwitz. La synagogue (la seule de la ville Ă  ĂȘtre restĂ©e debout aprĂšs la guerre) et le centre culturel et Ă©ducatif adjacent permettent aux visiteurs de prier et d'en apprendre plus sur la communautĂ© juive d'Oƛwięcim avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette synagogue est Ă©galement le premier bien communal du pays Ă  avoir Ă©tĂ© restituĂ© Ă  la communautĂ© juive selon une loi de 1997. De plus, tous les ans en avril, se dĂ©roule la Marche des Vivants, reliant Auschwitz Ă  Birkenau Ă  la mĂ©moire des victimes de l'Holocauste qui attire des marcheurs de Pologne, d'IsraĂ«l et de bien d'autres pays.

Ronald S. Lauder, Président du WJC, s'exprimant sur le thÚme du Moyen-Orient, octobre 2013

Le gouvernement polonais a aussi financé la construction d'un Musée de l'Histoire des Juifs polonais (Polin) à Varsovie. Lors d'une cérémonie en , l'Allemagne a offert cinq millions d'euros pour la construction de ce musée, prévu alors pour 2009 ou 2010. L'ambassadeur d'Allemagne Michael H. Gerdts a déclaré à cette occasion que « le gouvernement fédéral veut ainsi apporter une nouvelle contribution aux réparations des souffrances incommensurables infligées dans ce pays aux Juifs, et donc à la Pologne en général, au nom des Allemands ». Ce musée a été construit dans l'ancien quartier juif de Varsovie, site du ghetto pendant la Shoah[58], en face de Monument aux héros du ghetto qui s'y dresse depuis 1946. Ce Musée de l'Histoire des Juifs polonais, officiellement inauguré le et ouvert au grand public en , retrace la longue histoire de la présence des Juifs en Pologne, trop souvent réduite à la période de la Seconde Guerre mondiale. Le musée abrite aussi un centre culturel trÚs actif.

Musée de l'histoire des Juifs polonais, Varsovie

Le ghetto de Varsovie aura bientĂŽt son musĂ©e aussi. Le gouvernement polonais a annoncĂ© la crĂ©ation d'un mĂ©morial, lĂ  oĂč les Allemands nazis avaient enfermĂ© prĂšs de 500.000 Juifs, morts plus tard de faim et de maladies ou exterminĂ©s dans les camps de concentration. L'un des lieux des pires atrocitĂ©s commises par la barbarie nazie. Le musĂ©e sera installĂ© dans un bĂątiment qui au temps du ghetto a servi d'hĂŽpital pour enfants. Il sera Ă©tabli en collaboration avec l'Institut historique juif. Le MusĂ©e sera dirigĂ© par Albert Stankowski, ancien employĂ© du MusĂ©e de l’Histoire des juifs polonais Polin qui est en outre membre de la Fondation pour la protection du patrimoine juif et crĂ©ateur du portail (en) Shtetl virtuel prĂ©sentant le patrimoine juif en Pologne. Le MusĂ©e doit ĂȘtre inaugurĂ© avant le , jour du 80e anniversaire de l’Insurrection du Ghetto de Varsovie.

Des initiatives privées se font un point honneur à marquer leur gratitude aux Justes polonais, comme avec le projet « Silent Hero Taxi »[59] et ses taxis londoniens mis gratuitement à la disposition des Justes de Varsovie par des descendants de survivants à travers l'action soutenue par l'association From the Depths[60] - [61] qui s'occupe également à interviewer des survivants et de sauveteurs dans des films de témoignage[62] - [63] - [64] - [59]. Toutefois, certaines de ses autres initiatives sont jugées abusives par Yad Vashem[65].

La communauté juive en Pologne aujourd'hui

Juifs polonais Ă  la Marche des Vivants, Auschwitz, 2000.

Selon le recensement de 2011[66], 7 508 habitants se dĂ©clarent juifs. Selon le dĂ©mographe Sergio DellaPergola, 4 500 Polonais se dĂ©claraient juifs en 2018 et 13 000 citoyens polonais seraient Ă©ligibles Ă  la loi du retour de l'État d'IsraĂ«l[67].

Selon le cinquiĂšme rapport (2015) concernant la situation des minoritĂ©s nationales et ethniques ainsi que des langues rĂ©gionales[68], la quasi-totalitĂ© d'entre eux parlent polonais ; pour les autres, 321 parlent hĂ©breu et 90 le yiddish Ă  la maison. Ces chiffres sont minorĂ©s du fait de sous-dĂ©clarations lors des recensements et certains spĂ©cialistes affirment qu'il y aurait en rĂ©alitĂ© entre 20 et 25 000 personnes conscientes de leur origine juive[69].

Livre d'Esther Ă  la synagogue Remah (nommĂ©e d'aprĂšs rabbi Moses Isserles (1525–1572)) Ă  Kazimierz, district de Cracovie

La vie religieuse juive connaĂźt un renouveau avec l'aide de la Fondation Ronald Lauder qui permet Ă  deux rabbins venus de l'Ă©tranger d'officier, la mise en place d'un petit rĂ©seau d'Ă©coles et de colonies de vacances ainsi que le soutien Ă  de nombreux pĂ©riodiques et Ă  l'Ă©dition de livres. En 1993, l'Union des communautĂ©s religieuses juives de Pologne est crĂ©Ă©e avec comme objectif l'organisation de la vie religieuse et culturelle des communautĂ©s polonaises. Huit communautĂ©s juives font partie de l’Union : Varsovie, WrocƂaw, Cracovie, Lodz, Szczecin, Katowice, Bielsko-BiaƂa et Legnica. Il existe bien des groupuscules parajudaĂŻques et des associations culturelles Ă  caractĂšre religieux. L’Union met tout en Ɠuvre pour maintenir et perpĂ©tuer la vie juive traditionnelle en organisant quotidiennement de vĂ©ritables offices, en offrant aux Juifs de Pologne tous les services communautaires classiques tels que cimetiĂšre, bain rituel, cantine cachĂšre et surtout en finançant un minimum de vie juive dans de petites communautĂ©s ainsi qu’un service d’aide sociale trĂšs actif.

En , s'est tenue la premiÚre assemblée de rabbins de Pologne en présence du grand rabbin ashkénaze d'Israël, Yona Metzger. De plus des centaines de Polonais retrouvent leurs origines juives. Certains sont les descendants d'"enfants cachés" qui ont survécu à la Shoah. D'autres découvrent qu'ils sont issus d'une famille juive assimilée, qui, sous le coup des campagnes antisémites du régime communiste, avait tiré un trait sur son identité[70].

Un programme d'études juives a été créé à l'université de Varsovie ainsi qu'à l'Université Jagellonne de Cracovie. Cracovie abrite aussi la fondation Judaica qui soutient un grand nombre de programmes culturels ou éducatifs sur des thématiques juives à destination des Polonais.

Depuis 1988, fin juin, début juillet dans l'ancien quartier juif de Kazimierz à Cracovie se déroule Festival de culture juive de Cracovie.

Boeing d'El Al à l'aéroport de Varsovie, 2011

Les liens avec Israël

La Pologne a Ă©tĂ© le premier pays du bloc communiste Ă  reconnaĂźtre l'existence de l'État d'IsraĂ«l en 1986 et Ă  reprendre les relations diplomatiques en 1990. Les relations gouvernementales entre la Pologne et IsraĂ«l se renforcent Ă  la suite des visites mutuelles des prĂ©sidents des deux États ou des ministres des Affaires Ă©trangĂšres.

Notes et références

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  2. Nombre de Juifs espagnols partent vers l'Empire ottoman, notamment vers Salonique.
  3. Moshe J. Rosman, « Compte-rendu du livre de Daniel Tollet, Histoire des Juifs en Pologne du XVIe siÚcle à nos jours », Revue de l'histoire des religions, tome 211, no 3, 1994. p. 366-370 disponible sur le site Persée
  4. Daniel Tollet, Histoire des Juifs en Pologne, Paris, PUF, 1992 (ISBN 978-2-13-044084-0).
  5. Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s : "Bogdan Chmelnitzki dirige le soulĂšvement cosaque contre la domination polonaise ; 100 000 Juifs sont tuĂ©s et des centaines de communautĂ©s juives sont dĂ©truites." Chronologie du judaĂŻsme 1618–1770 , CBS News. ConsultĂ© le 13 mai 2007. "Les paysans d'Ukraine se sont soulevĂ©s en 1648 sous un petit aristocrate Bogdan Chmielnicki. (...) On estime que 100 000 Juifs ont Ă©tĂ© massacrĂ©s et 300 de leurs communautĂ©s dĂ©truites". Oscar Reiss. Les Juifs en AmĂ©rique coloniale , McFarland & Company, 2004, (ISBN 0-7864-1730-7) , p. 98–99. Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s : "De plus, les Polonais devaient ĂȘtre parfaitement conscients du massacre des Juifs en 1768 et plus encore du fait des massacres beaucoup plus rĂ©pandus (environ 100 000 morts) des pogroms Chmielnicki antĂ©rieurs au siĂšcle prĂ©cĂ©dent." Manus I. Midlarsky. The Killing Trap: le gĂ©nocide au XXe siĂšcle , Cambridge University Press, 2005, (ISBN 0-521-81545-2) , p. 352. Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s : "... pas moins de 100 000 Juifs ont Ă©tĂ© assassinĂ©s dans toute l'Ukraine par les soldats cosaques de Bogdan Chmielnicki qui se dĂ©chaĂźnaient." Martin Gilbert, Holocaust Journey: Voyager Ă  la recherche du passĂ© , Columbia University Press, 1999, (ISBN 0-231-10965-2) , p. 219. Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s: "Une sĂ©rie de massacres perpĂ©trĂ©s par les cosaques ukrainiens sous la direction de Bogdan Chmielnicki a entraĂźnĂ© la mort de jusqu'Ă  100 000 Juifs et la destruction de peut-ĂȘtre 700 communautĂ©s entre 1648 et 1654 ..." Samuel Totten. Enseigner le gĂ©nocide: problĂšmes, approches et ressources , Ă©dition de l'Ăšre de l'information, 2004, (ISBN 1-59311-074-X) , p. 25. Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s : "En rĂ©ponse Ă  la prise de contrĂŽle par la Pologne d'une grande partie de l'Ukraine au dĂ©but du XVIIe siĂšcle, les paysans ukrainiens se sont mobilisĂ©s en tant que groupes de cavalerie, et ces" cosaques "lors du soulĂšvement de Chmielnicki en 1648 ont tuĂ© environ 100 000 Juifs." Cara Camcastle. Le cĂŽtĂ© le plus modĂ©rĂ© de Joseph De Maistre: points de vue sur la libertĂ© politique et l'Ă©conomie politique , McGill-Queen's Press, 2005, (ISBN 0-7735-2976-4), p. 26 Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s : «N'y a-t-il pas une diffĂ©rence de nature entre l'extermination par Hitler de trois millions de juifs polonais entre 1939 et 1945 parce qu'il voulait que chaque juif soit mort et le meurtre de masse de 1648–49 de 100 000 juifs polonais par le gĂ©nĂ©ral Bogdan Chmielnicki parce qu'il voulait mettre fin Ă  la domination polonaise dans l'Ukraine et Ă©tait prĂȘt Ă  utiliser le terrorisme cosaque pour tuer des Juifs dans le processus? " Colin Martin Tatz. Avec l'intention de dĂ©truire: RĂ©flexions sur le gĂ©nocide , Verso, 2003, (ISBN 1-85984-550-9) , p. 146. Sources estimant 100 000 Juifs tuĂ©s : "... massacrant environ cent mille juifs comme l'avait fait l'Ukrainien Bogdan Chmielnicki prĂšs de trois siĂšcles plus tĂŽt." Mosheh Weiss. Une brĂšve histoire du peuple juif , Rowman et Littlefield, 2004, (ISBN 0-7425-4402-8) , p. 193.
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  38. Commentaire sur les conclusions de l'IPN
  39. En proportion de la population, cependant, le record est détenu par l'Albanie.
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Articles connexes

Bibliographie

(par ordre chronologique)

en français

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en anglais

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  • POLIN : 1000-Year History of Polish Jews, Barbara Kirshenblatt-Gimblett (ed.) et Antony Polonsky (ed.), 2017, 432 pages, (ISBN 8393843456) (Ă©dition en polonais disponible en ligne)

en polonais

  • August Grabski, Andrzej RykaƂa, Witold Sienkiewicz, Jacek Wijaczka, Marcin WodziƄski, Hanna Zaremska, Andrzej Ć»bikowski, Jolanta Ć»yndul, Atlas historii Ć»ydĂłw polskich (Atlas d'histoire des Juifs polonais), Demart, 2009, 424 pages avec 166 cartes (ISBN 978-83-7427-453-1)

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Cartes

Histoire des Juifs polonais

La Seconde Guerre mondiale et la Shoah

Vie et organisation des Juifs polonais aujourd’hui

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