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Irgoun

L’Irgoun (hĂ©breu : ŚŚšŚ’Ś•ŚŸ, « organisation »), de son nom complet Irgoun ZvaĂŻ (ou TzvaĂŻ) Leoumi (hĂ©breu : ŚŚšŚ’Ś•ŚŸ ŚŠŚ‘ŚŚ™ ŚœŚŚ•ŚžŚ™, « Organisation militaire nationale »), parfois abrĂ©gĂ© en I.Z.L., acronyme lui-mĂȘme lexicalisĂ© en Etzel (hĂ©breu : ŚŚŠŚŽŚœ), est une organisation armĂ©e de la droite sioniste en Palestine mandataire, nĂ©e en 1931 d’une scission de la Haganah, et dirigĂ©e Ă  partir de 1943 par Menahem Begin.

Irgoun
Etzel
Image illustrative de l’article Irgoun
Devise : Seulement ainsi

Idéologie Sionisme révisionniste
Objectifs Indépendance de l'Etat d'Israël
Fondation
Date de formation 1931
Pays d'origine Palestine mandataire
Fondé par Avraham Tehomi
Actions
Mode opératoire Lutte armée contre les miliciens nationalistes arabes, contre les Britanniques puis contre les fascistes et les nazis
Zone d'opération Palestine mandataire
Période d'activité 1931-1948
Organisation
Chefs principaux Vladimir Jabotinsky, Avraham Tehomi, Menahem Begin
Branche politique Parti révisionniste
Groupe relié Lehi, Betar, Palmah, Haganah, Mahal (Israël)
RĂ©pression
Considéré comme terroriste par Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Guerre d'indépendance d'israel
Un logo de l’Irgoun : un fusil brandi devant une carte des territoires revendiquĂ©s par l’organisation : le Mandat du Royaume-Uni avant 1920 correspondant aujourd'hui Ă  IsraĂ«l (sans le Golan), aux territoires palestiniens, et Ă  la Jordanie.

IdĂ©ologiquement, elle s’affirme comme proche du parti de la droite nationaliste, le parti rĂ©visionniste, surtout Ă  partir de 1937, et a pour objectif la fondation d’un grand État juif sur les deux rives du fleuve Jourdain, sur toute l'Ă©tendue du mandat initial donnĂ© Ă  la Grande-Bretagne par la SociĂ©tĂ© des Nations en 1920 (territoires actuels de l'État d'IsraĂ«l, des territoires palestiniens et de la Jordanie).

AprĂšs la proclamation de l’État d’IsraĂ«l par David Benn Gourion le 14 mai 1948 Ă  Tel Aviv, la plupart des Ă©lĂ©ments de l’I.Z.L. furent intĂ©grĂ©s dans l'armĂ©e rĂ©guliĂšre, aprĂšs l'ordonnance prise par le jeune gouvernement israĂ©lien en date du crĂ©ant Tsahal et devant rĂ©unir et intĂ©grer les anciens membres de la Haganah, du Palmach, de l'Irgoun et du Lehi (qui est une scission de l'Irgoun nĂ©e Ă  la fin de l'annĂ©e 1940/1941).

Les anciens membres de l’Irgoun ont majoritairement fondĂ© fin 1948 le parti HĂ©rout (« LibertĂ© »), qui est la matrice de l’actuel Likoud, parti de la droite israĂ©lienne.

La formation de la Haganah (1920)

Manifestation antisioniste Ă  la Porte de Damas, Ă  JĂ©rusalem, le .

La Haganah est un groupe d’autodĂ©fense juive formĂ© en 1920 Ă  JĂ©rusalem par des militants sionistes, pour la plupart de tendance laĂŻque et socialiste, Ă  la suite des Ă©meutes anti-sionistes menĂ©es par les populations arabes.

Vladimir Jabotinsky, sioniste de droite et futur inspirateur de l’Irgoun, y a jouĂ© un certain rĂŽle en organisant des groupes d’auto-dĂ©fense Ă  JĂ©rusalem[1] - [2], mais ce sont les partis de gauche, en particulier le Hapoel HatzaĂŻr et le Achdut Ha’avoda, qui prennent la jeune organisation en main. En , elle est placĂ©e sous contrĂŽle de la Histadrout, la fĂ©dĂ©ration des syndicats de la gauche sioniste[3]. L’organisation s’étend rapidement Ă  l’ensemble du Yichouv (communautĂ© juive au sein de la Palestine mandataire), surtout aprĂšs les Ă©meutes de 1921.

Assez vite, des militants sionistes intĂšgrent l’organisation. La Haganah et la Histadrout sont ainsi des organisations « unitaires », qui regroupent les diffĂ©rents partis de gauche (en particulier le Hapoel HatzaĂŻr et le Achdut Ha’avoda).

Les Britanniques ne reconnaissent pas cette structure de défense juive mais ils la tolÚrent.

La Haganah organise gardes et patrouilles autour des fermes collectivistes, des fermes coopératives et agglomérations juives, alors que de 1921 à 1929 la situation sécuritaire est assez calme, et la Haganah est alors peu active.

La scission de la Haganah (1931)

Destructions aprĂšs les Ă©meutes d’HĂ©bron.

Entre 1929 et 1931, se produit une sĂ©rie d’émeutes nationalistes arabes anti-juives, qui font des dizaines de morts. Ces Ă©meutes ont deux consĂ©quences : la volontĂ© de faire de la Haganah l’organisation commune du Yichouv, mais aussi sa scission.

L'unité

Les Ă©meutes font d’abord ressortir le besoin pour le Yichouv d’avoir une organisation de dĂ©fense commune, qui ne soit pas seulement l'Ă©manation des partis de gauche. La Haganah ne peut donc plus ĂȘtre seulement l’émanation de la Histadrout.

AprĂšs deux annĂ©es de nĂ©gociations entre partis, la direction de la Haganah passe en 1931 de la Histadrout Ă  l’Agence juive (exĂ©cutif sioniste en Palestine). L’Agence juive est en effet une organisation officiellement non-partisane, regroupant gauche et droite. Mais comme elle est dominĂ©e par la gauche, la droite a exigĂ© un droit de regard. Un comitĂ© paritaire est donc crĂ©Ă©. C’est l’organe de supervision politique de la Haganah, constituĂ© Ă  parts Ă©gales de six membres politiques : trois reprĂ©sentant la « gauche » (dont Eliyahou Golomb et Dov Hoz (en)) et trois reprĂ©sentant la « droite » (dont Saadya Shoshani et Yissaschar Sidkov).

Mais ce changement et ce paritarisme sont plus symboliques que pratiques : les mĂȘmes hommes, plutĂŽt Ă  gauche, restent aux commandes. La direction de gauche, socialiste qui tenait la Histadrout, a en effet fusionnĂ© au sein du MapaĂŻ, en 1930. Le MapaĂŻ a alors pris la direction de l’Agence juive et de l’Organisation sioniste mondiale, en alliance avec les centristes libĂ©raux (sionistes gĂ©nĂ©raux). David Ben Gourion a dirigĂ© la Histadrut de 1921 Ă  1935 (et donc la Haganah jusqu’en 1931). C’est lui qui prend la direction de l’Agence juive de 1935 Ă  1948 et, par voie de consĂ©quence, de la Haganah.

La scission

Avraham Tehomi, crĂ©ateur et dirigeant de l’Irgoun, de 1931 Ă  1937.

Les Ă©meutes arabes de 1929 provoquent des divergences au sein de la Haganah. Yosef Hecht, chef de la Haganah, est limogĂ© par David Ben Gourion, responsable de la Histadrout, l’autoritĂ© de tutelle de la Haganah, et ce malgrĂ© le soutien de ses officiers, parmi lesquels Avraham Tehomi[4], Ă  l’époque commandant adjoint du district de JĂ©rusalem.

AprĂšs les Ă©meutes, toujours en 1929, Avraham Tehomi est nommĂ© commandant de la zone de JĂ©rusalem, mais la tension augmente entre bon nombre d’officiers de la Haganah et les politiques de la Histadrout[4]. Beaucoup considĂšrent en effet qu’ils sont « bridĂ©s » par les consignes politiques restrictives.

La Haganah avait en effet dĂ©veloppĂ©, largement Ă  la demande de la Histadrout, une doctrine d’utilisation de la force armĂ©e, baptisĂ©e la Havlaga (« retenue »)[5] :

  • pour la dĂ©fense, lors d’une attaque arabe ;
  • pour des reprĂ©sailles, mais ciblĂ©es sur d’anciens attaquants identifiĂ©s.

Bien souvent, les attaquants ne pouvaient ĂȘtre identifiĂ©s, et un courant est apparu au sein de l’organisation, prĂŽnant des reprĂ©sailles contre les populations « soutenant » les attaquants, c’est-Ă -dire potentiellement contre tout Arabe palestinien. « Contrairement Ă  l’esprit pacifiste qui — ostensiblement — prĂ©valait au sein de la communautĂ© juive en Palestine et influençait le climat de la Haganah Ă  l’époque, ce groupe Ă©tait imprĂ©gnĂ© d’un fort esprit "militariste" »[6].

En plus des divergences tactiques, l'Ă©lĂ©ment responsable de la scission fut la suspension d'Avraham Tehomi aprĂšs des attaques de celui-ci en contre les « JĂ©suites socialistes anglais, qui manifestent la plus vive sympathie pour les « malheurs » des Arabes, mais ferment les yeux devant les saloperies dont ils se rendent coupables aux Indes, en Égypte et en d’autres pays ». Ces mots sont interprĂ©tĂ©s comme une attaque en rĂšgle contre le socialisme en gĂ©nĂ©ral et le mouvement ouvrier juif en particulier[7], lequel dirige Ă  l’époque la Haganah Ă  travers la Histadrout.

« Avraham Tehomi fut suspendu. En (annĂ©e du passage de la Haganah sous le contrĂŽle de l’Agence juive), aprĂšs de longues tractations, lui et dix-neuf officiers qui s’étaient solidarisĂ©s avec lui, remirent leur dĂ©mission. Autour de ce noyau, il fonda quelques semaines plus tard »[4] une nouvelle organisation.

Celle-ci prit le nom de Haganah Beth (Haganah « B »), avant de se renommer « Haganah Le'umit » (« Haganah nationale »). Rapidement, un autre nom commença Ă  ĂȘtre utilisĂ© : Irgoun ZvaĂŻ Leoumi (« Organisation militaire nationale »), parfois Irgoun Beth (« organisation B »). L'appellation Irgoun ZvaĂŻ Leoumi est exclusivement utilisĂ©e Ă  partir d'avril 1937.

En pratique, le refus de la Havlagah n’a guĂšre de consĂ©quences, les attaques arabes s’étant arrĂȘtĂ©es avant la scission. Mais la Haganah n’est dĂ©sormais plus la seule structure de dĂ©fense en lice dans le camp sioniste.

La « Haganah nationale » ou Irgoun n’est pas officiellement une organisation de droite, mais les sympathisants du Parti rĂ©visionniste (le parti de la droite sioniste) y sont nombreux. Vladimir Jabotinsky, leur chef, entre d’ailleurs au « ComitĂ© de tutelle » (un comitĂ© de supervision politique) de la nouvelle organisation en 1933, au cĂŽtĂ© des sionistes religieux du Mizrahi , des sionistes gĂ©nĂ©raux (centristes) et du petit « Parti de l’État juif ». À cette date, VladiĂčmir Jabotinsky est encore trĂšs rĂ©ticent, et a beaucoup hĂ©sitĂ© Ă  soutenir la « Haganah nationale », prĂ©fĂ©rant voir les Britanniques soutenir l’intĂ©gration de forces juives au sein de l’armĂ©e britannique ou de la police mandataire pour en faire un rempart contre les Arabes palestiniens.

La Haganah, qui est certes dirigĂ©e et dominĂ©e par la gauche, n’est cependant pas une organisation recrutant seulement Ă  gauche car des militants de droite et surtout du centre (sionistes gĂ©nĂ©raux) y sont restĂ©s.

La nouvelle organisation est au dĂ©part peu importante, trĂšs concentrĂ©e Ă  JĂ©rusalem, l’ancienne zone contrĂŽlĂ©e par Avraham Tehomi. « Les personnalitĂ©s dominantes ont Ă©tĂ© David Raziel, Avraham Stern, Hillel Kook et Hayim Shalom Halevi. Au fil des ans, les rangs de l’Irgoun se sont accrus avec l’arrivĂ©e de nouvelles jeunes recrues, en particulier du mouvement de jeunesse Betar, mais aussi du Maccabi, une organisation sportive non partisane. De nouvelles branches ont Ă©tĂ© mises en place dans tout le pays (Tel-Aviv, HaĂŻfa et Safed), et l’Irgoun est devenu un mouvement national »[8].

La Grande RĂ©volte arabe (1935-1939)

Bus juif protégé avec des grilles contre les jets de pierres ou de grenades.
Deux Ghaffir (Police auxiliaire juive), membres du Notrim.

La Haganah nationale, ou Irgoun a une faible activitĂ© de 1931 Ă  1935, du fait de l’absence de conflit ouvert avec la population et les militants nationalistes arabes palestiniens. En 1933, elle est estimĂ©e Ă  « 300 hommes, pour la plupart des jeunes sans expĂ©rience militaire, souvent obligĂ©s de s’entraĂźner avec des armes en bois »[9]. Par ailleurs, « la Histadrout a boycottĂ© les membres de l’Irgoun, qui Ă©taient [souvent] employĂ©s dans la construction ou l’établissement de routes, et les a empĂȘchĂ© de trouver un emploi »[10].

Mais de la fin 1935 Ă  1939, les Arabes palestiniens se rĂ©voltent contre la puissance mandataire britannique et l’implantation sioniste (la population juive est passĂ©e de 80 000 en 1918 Ă  175 000 en 1931 et 420 000 environ en 1936). Plusieurs centaines de Juifs sont tuĂ©s au cours de la pĂ©riode.

Ce soulÚvement a trois conséquences majeures pour les organisations armées :

  1. le renforcement militaire de la Haganah : celle-ci se montre assez efficace pour bloquer les attaques arabes, sĂ©curiser les points isolĂ©s, et lancer des raids de reprĂ©sailles contre les militants nationalistes arabes. Elle attire de nouveaux adhĂ©rents et compte bientĂŽt des dizaines de milliers de membres (dont seulement une minoritĂ© sont des combattants stricto sensu). Elle coopĂšre Ă©galement de façon quasi ouverte avec les Britanniques qui s’appuient largement sur elle et sur ses rĂ©seaux de renseignements dans la rĂ©pression du nationalisme arabe palestinien. Les Britanniques arment et entraĂźnent Ă©galement plusieurs unitĂ©s composĂ©es de Juifs comme le Notrim (« les gardes »), une police auxiliaire juive qui comprend environ 3 000 hommes, ou les Special Night Squads (« escadrons de nuits spĂ©ciaux ») dirigĂ©s par le major britannique Orde Charles Wingate, un sympathisant sioniste ;
  2. la scission de la Haganah nationale : devant la montĂ©e en puissance de la Haganah, mĂȘme « limitĂ©e » par la Havlagah, une partie de la Haganah nationale ou Irgoun dĂ©cide de rallier la Haganah originelle pour offrir un front commun aux attaques arabes. À partir de 1936, Avraham Tehomi engage des nĂ©gociations en ce sens. Il est convoquĂ© Ă  Paris par Vladimir Jabotinsky, qui exige de lui un ralliement officiel au sionisme rĂ©visionnisme (ce que l’Irgoun n’avait jamais fait) et Ă  son autoritĂ© politique. Avraham Tehomi dĂ©clare accepter, mais passe finalement Ă  la Haganah originelle en avec 40 % de ses troupes (1 300 hommes). Le « ComitĂ© de tutelle » politique Ă©clate. Les partis autres que le Parti rĂ©visionniste le quittent. La Haganah est renforcĂ©e, tant politiquement qu’en nombre de combattants ;
  3. la radicalisation de l’Irgoun : aprĂšs la scission d'avril 1937, la Haganah nationale n’utilise plus que le nom d’Irgoun ZvaĂŻ Leumi (IZL). Ayant rompu avec les sionistes gĂ©nĂ©raux et les sionistes religieux, l’organisation devient alors clairement l’aile militaire du mouvement rĂ©visionniste, mais avec une puissance bien moindre que celle de la Haganah.

MalgrĂ© ce rattachement idĂ©ologique clair, l’influence de Valdimir Jabotinsky au sein de l’organisation est plus thĂ©orique que rĂ©elle car il n’a plus le droit de pĂ©nĂ©trer en Palestine depuis 1929, par dĂ©cison administrative prise par l'administration britannique.

Objectifs politiques

Un logo de l'Irgoun avec le territoire revendiqué - détail d'une plaque commémorative.

La Haganah beth crĂ©Ă©e en 1931 Ă©tait essentiellement une organisation militante, avec des objectifs opĂ©rationnels immĂ©diats, mais sans idĂ©ologie ni buts politiques trĂšs structurĂ©s. AprĂšs le dĂ©part d' Avraham TĂ©homi et de ses partisans, l’Irgoun s’aligne trĂšs rapidement et dĂ©finitivement sur les objectifs politiques du sionisme rĂ©visionniste : construction d’un État juif en Eretz Israel (la « terre d’IsraĂ«l »), libĂ©ralisme politique et Ă©conomique, et enfin immigration juive maximale.

La Palestine mandataire officieuse, de 1920 (conférence San Remo) à 1922.
La Palestine mandataire aprÚs ratification du Mandat britannique par la Société des Nations, avec à l'ouest du Jourdain la Palestine, ouverte à l'immigration juive et à l'est la Transjordanie.

En matiĂšre de construction de l’État juif, les diffĂ©rences d’avec la gauche sont faibles, et se rĂ©sument essentiellement Ă  l’affirmation ouverte ou non de l’objectif final. L’Organisation sioniste mondiale, dominĂ©e par la gauche en alliance avec les centristes, a prĂ©fĂ©rĂ© mĂ©nager les Britanniques, et rester Ă  ce titre officiellement centrĂ©e sur l’objectif d’un « Foyer national juif » ne tranchant pas la question de l’indĂ©pendance ou de l’autonomie sous mandat britannique. L’indĂ©pendance ne sera revendiquĂ©e officiellement qu’en mai 1942, Ă  la confĂ©rence de Biltmore. La droite rĂ©visionniste et l’Irgoun, au contraire, prĂ©fĂšrent insister immĂ©diatement sur l’indĂ©pendance ; ils la rĂ©clament donc Ă  terme (mais pas forcĂ©ment immĂ©diatement, selon l’approche prudente de Vladimir Jabotinsky) . Finalement, au-delĂ  des diffĂ©rences de prĂ©sentation, l’objectif est le mĂȘme que celui des autres organisations sionistes : le dĂ©part des Britanniques et la crĂ©ation de l'État juif. AprĂšs la confĂ©rence de Biltmore de , ces diffĂ©rences disparaissent, les uns comme les autres rĂ©clamant une indĂ©pendance Ă  brĂšve Ă©chĂ©ance.

Concernant la question territoriale, les principes sont Ă©galement assez similaires, mais les divergences pratiques sont plus importantes. La gauche comme la droite rĂ©clament un État juif sur l’ensemble d’Eretz IsraĂ«l. Cependant, dans la tradition juive, les frontiĂšres de la « terre d’IsraĂ«l » ne sont pas clairement dĂ©finies, en particulier Ă  l’Est. En 1920, les Britanniques crĂ©ent une entitĂ© administrative nommĂ©e « Palestine », qui englobe la future Palestine mandataire ainsi que l’actuelle Jordanie. Ce territoire est alors acceptĂ© par la gauche et la droite comme incarnant la « terre d’IsraĂ«l ». DĂšs 1921, les Britanniques en dĂ©tachent l’émirat de Transjordanie (qui est l'actue royaume hachĂ©mite de Jordanie), soulevant les protestations de la droite et de la gauche sioniste. Cette derniĂšre se rĂ©sout cependant au partage, quand la droite sioniste continue Ă  le refuser. Elle revendiquera encore officiellement la Jordanie bien aprĂšs la crĂ©ation de l’État d’IsraĂ«l. Le logo historique de l’Irgoun reprĂ©sente donc une carte de la Palestine de 1920 (Transjordanie incluse) barrĂ©e d’un bras et d'un poing brandissant un fusil. Il en est de mĂȘme pour le logo d'origine du Betar, le mouvement des jeunes sionistes rĂ©visionnistes qui reprend Ă©galement la carte de la Palestine de 1920. La gauche sioniste, de son cĂŽtĂ©, admet la crĂ©ation de la Transjordanie, dĂ©cidĂ©e de façon unilatĂ©rale par les Britanniques, voire un nouveau partage de la Palestine de 1922, hypothĂšse Ă©voquĂ©e dĂšs 1937 par la commission Peel. L’accord thĂ©orique entre droite et gauche sur les frontiĂšres d’Eretz Israel se double donc d’une nette divergence sur les compromis acceptables en la matiĂšre.

Mais les diffĂ©rences sont toutefois faibles en matiĂšre de projet politique. L’Irgoun se veut fidĂšle Ă  l’idĂ©ologie libĂ©rale de Vladimir Jabotinsky : en faveur de la dĂ©mocratie parlementaire et du libĂ©ralisme Ă©conomique. Sur le premier plan, il n’y a pas de diffĂ©rence notable avec la gauche, bien que les deux parties s’accusent rĂ©guliĂšrement d’ĂȘtre anti-dĂ©mocratiques : la « dictature » de David Ben-Gourion est ainsi dĂ©noncĂ©e, et celui-ci accuse les rĂ©visionnistes de sympathies fascistes, qualifiant mĂȘme Vladimir Jabotinsky de « Vladimir Hitler »[11]. Au-delĂ  de ces violentes accusations, qui expriment de fortes tensions entre organisations, il n’existe pas de domination d’un courant fondamentalement hostile au pluralisme politique dans l’un ou l’autre camp. La gauche sioniste est globalement assez hostile au modĂšle soviĂ©tique, et Vladimir Jabotinsky, qui a des relations assez cordiales avec des rĂ©gimes dictatoriaux voire antisĂ©mites, comme les rĂ©gimes polonais[12] ou italien[13] (dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es trente), a toujours pris soin de rejeter les tentations fascistes qui existent au sein du mouvement rĂ©visionniste[13]. Cette aile fascisante s’est d’abord incarnĂ©e dans le groupe des Birionim du dĂ©but des annĂ©es 1930, et aprĂšs la disparition de ceux-ci en 1933, elle a continuĂ© Ă  exister Ă  travers certains militants, comme Avraham Stern, cadre de l’Irgoun de la seconde moitiĂ© des annĂ©es trente, et sympathisant des rĂ©gimes fascistes europĂ©ens.

Sur le plan Ă©conomique, les sionistes rĂ©visionnistes et l’Irgoun sont des libĂ©raux, trĂšs hostiles au socialisme prĂŽnĂ© par la gauche, mĂȘme si celle-ci, avec le temps, soutient Ă  compter des annĂ©es 1930 une Ă©conomie mixte mĂ©langeant secteur coopĂ©ratif (moshav, apparu Ă  compter de 1921 et kibboutz dont le premier avait Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1909), secteur public et secteur privĂ©.

Le Parita, un bateau d’immigrants illĂ©gaux affrĂ©tĂ© par le Betar en 1939[14].

Le point de vue et les pratiques de la gauche et de la droite sont assez proches en matiĂšre d’immigration. Devant l’insuffisance des permis d’immigrant accordĂ©s par les Britanniques par rapport aux demandes de Juifs dĂ©sireux de quitter l’Europe, les organisations sionistes de toutes obĂ©diences organisent Ă  partir de 1933 et l'arrivĂ©e d' Hitler au pouvoir et jusqu’à la crĂ©ation d’IsraĂ«l en mai 1948 l’immigration juive clandestine. Bien que l’Irgoun ait des moyens sensiblement plus restreints que ceux de la Haganah et de sa branche dĂ©diĂ©e, le Mossad Le'aliyah Bet (« institution pour la montĂ©e B »), l’Irgoun tente, seule ou avec des organisations politiquement proches (Betar, parti rĂ©visionniste), d’aider Ă  l’entrĂ©e en Palestine d’immigrants clandestins. C’est en particulier le rĂŽle d’Eliyahu Lankin, chargĂ© de l’immigration illĂ©gale Ă  la fin des annĂ©es 1930, Ă  la fois pour le Betar ou pour l’IZL, Ă  la tĂȘte d'une unitĂ© qui montre l’interpĂ©nĂ©tration des organisations sionistes rĂ©visionnistes en la matiĂšre[15].

Finalement, les principes politiques de l’Irgoun sont fidĂšles Ă  l’idĂ©ologie nationaliste et libĂ©rale de Vladimir Jabotinsky. Les diffĂ©rences avec la gauche sioniste portent en partie sur les principes (essentiellement la dĂ©fense de l’économie libĂ©rale), mais surtout sur les mĂ©thodes : contre les compromis territoriaux qu’envisage, souvent Ă  regret, la gauche, et pour une utilisation plus dĂ©cidĂ©e de la violence armĂ©e, y compris contre les Arabes palestinines . Ces diffĂ©rences sont compliquĂ©es par de vigoureuses oppositions de personnes et de conflits entre les structures dirigeantes des organisations de la gauche et de la droite sionistes.

Le plan d’évacuation du gouvernement polonais (1936-1937)

Avraham Stern, envoyĂ© spĂ©cial de l’Irgoun auprĂšs des autoritĂ©s polonaises.
Eliyahu Lankin, officier de l’IZL, participant au stage de 1939 organisĂ© par l’armĂ©e polonaise[15].

En 1936, le gouvernement polonais lance une campagne anti-juive de grande envergure. Le parti au pouvoir (OZON) interdit l’adhĂ©sion des Juifs en 1937. Le gouvernement pousse Ă  l’émigration juive, et indique mĂȘme officiellement en 1938 qu’il souhaite « une rĂ©duction substantielle du nombre des Juifs en Pologne »[16], par des dĂ©parts en masse vers la Palestine ou l’Afrique. Il prend contact avec le gouvernement français pour explorer, sans succĂšs, l’hypothĂšse d’un accueil des Juifs polonais Ă  Madagascar[17].

Vladimir Jabotinsky dĂ©cide alors d’engager le Parti rĂ©visionniste Ă  soutenir le gouvernement polonais. Il essaye de convaincre celui-ci que c’est vers la Palestine que les Juifs doivent ĂȘtre dirigĂ©s[12]. Le gouvernement le reçoit, et les deux parties s’affichent volontiers ensemble. L’objectif de Vladimir Jabotinsky est de trouver un alliĂ© pour faire pression sur le Royaume-Uni, dans le but d’augmenter le nombre des visas d’immigration que la puissance mandataire limite nettement depuis le dĂ©but des annĂ©es 1930 afin de calmer l’opposition des Arabes palestiniens.

Mais au-delĂ  des activitĂ©s politiques, la collaboration des rĂ©visionnistes avec la Pologne a Ă©galement un volet militaire. À la suite des entretiens d’ entre Vladimir Jabotinsky et le chef d'Ă©tat-major gĂ©nĂ©ral polonais, le marĂ©chal Rydz-Smigly et le ministre des affaires Ă©trangĂšres, le colonel Beck, un soutien concret est apportĂ© Ă  l’Irgoun. Avraham Stern est chargĂ© du dossier du cĂŽtĂ© de l’IZL, en tant qu’envoyĂ© spĂ©cial[18]. De l’argent est versĂ© par le gouvernement polonais en 1939. Cinq mille fusils sont livrĂ©s la mĂȘme annĂ©e[19]. Au printemps 1939, l’armĂ©e polonaise donne Ă  25 officiers de l’Irgoun « un stage d’entraĂźnement militaire et de sabotage »[18].

Si le rapprochement avec le rĂ©gime polonais a eu certains avantages pour l’Irgoun (armes et entraĂźnement), le coĂ»t politique est plus rude pour l’IZL et les rĂ©visionnistes, beaucoup de Juifs en Palestine mandataire et ailleurs n’acceptant pas les bons rapports avec un rĂ©gime qui ne cache pas son antisĂ©mitisme virulent, qui appelle ainsi au boycott des magasins juifs, qui est favorable au quota de Juifs dans les universitĂ©s (3 % maximum des entrants) et qui ne fait rien pour assurer la sĂ©curitĂ© des Juifs polonais, qui ont 79 morts entre 1935 et 1937[20], Ă  la suite de tueries diverses entre Polonais non juifs et Juifs Ă©tablis en Pologne .

L’Irgoun et la question de la violence

David Ratziel, chef de l’organisation de 1938 à 1941.
Shlomo Ben Yosef (en), pendu en 1938.

L’Irgoun a commencĂ© une campagne contre les Arabes palestiniens avant mĂȘme le dĂ©part d'Avraham Tehomi. Ainsi le , en rĂ©ponse Ă  l’assassinat de deux Juifs la veille, l’Irgoun tue deux ouvriers agricoles dans une orangeraie[21].

La gĂ©nĂ©ralisation des attaques contre les Arabes date cependant de 1937, aprĂšs le retour et le dĂ©part vers la Haganah d'Avraham Tehomi et de ses partisans. En 1936, Vladimir Jabotinsky joue d’ailleurs encore un rĂŽle modĂ©rateur, adjurant « ses partisans de faire preuve de retenue, aussi longtemps qu’il existera une chance de reconstituer une LĂ©gion juive avec le soutien du Royaume-Uni »[22].

Mais aprĂšs la scission de 1937, la modĂ©ration est remise en cause. Vladimir Jabotinsky Ă©crit Ă  la direction de l’IZL « si les troubles reprennent et s’accompagnent d’attaques contre des Juifs, ne vous retenez pas »[23]. À Alexandrie, en , il indique cependant Ă  ses troupes qu’il prĂ©fĂšre Ă©viter le terrorisme aveugle : « je ne vois nul hĂ©roĂŻsme Ă  tirer sur un fellah venu vendre ses lĂ©gumes Ă  Tel-Aviv, ni le bĂ©nĂ©fice politique que nous pourrions en tirer »[24].

La question de l’usage de la violence contre les Arabes palestiniens pour rĂ©pondre Ă  la montĂ©e des attaques contre les Juifs en Palestine mandataire agite l’organisation tout au long de l'annĂ©e 1937. Robert Bitker (ancien officier des armĂ©es blanches de la guerre civile russe) devient le nouveau responsable militaire de l’Irgoun aprĂšs , Ă  laquelle sont restĂ©s fidĂšles 1 700 combattants. Peu apprĂ©ciĂ© de ses hommes, il est remplacĂ© Ă  l’automne 1937 par Moshe Rosenberg. Hostile au terrorisme, celui-ci est rapidement remplacĂ© par David Ratziel en 1938. C’est ce dernier, qui n'est pas encore responsable national, mais seulement commandant de la zone de JĂ©rusalem, qui organise les premiĂšres reprĂ©sailles Ă  grande Ă©chelle de l’IZL, lors du « dimanche noir »[5], le , oĂč huit Arabes (six hommes et deux femmes) sont abattus[22].

Preuve de l’influence lointaine de Vladimir Jabotinsky, pourtant chef politique officieux de l’organisation, l’Irgoun s’est lancĂ© dans la violence contre les Arabes palestiniens sans son autorisation. Ces attaques valent Ă  l’Irgoun la rĂ©probation des instances officielles du Yichouv et de la Haganah, et la qualification d’organisation terroriste par les services de rĂ©pression britanniques. « Des dizaines de cadres du parti rĂ©visionniste et du Betar sont arrĂȘtĂ©s et placĂ©s en dĂ©tention administrative. Des tribunaux militaires sont instaurĂ©s et la possession illĂ©gale d’armes devient passible de la peine de mort. [
] L’Irgoun doit interrompre ses attaques fin 1937 »[25]. La dĂ©cision de Moshe Rosenberg est mal prise par beaucoup de membres de l’IZL[5] et explique pour une bonne part son remplacement par David Ratziel en 1938.

Le , un militant de l’Irgoun, Shlomo Ben Yosef (en), arrĂȘtĂ© aprĂšs un attentat en 1937, est pendu par les Britanniques (il avait « tirĂ© sur un autobus arabe lors de son passage. Aucun des passagers n’avait Ă©tĂ© blessĂ© »[26]). La rĂ©action de l’Irgoun est violente. Il est dĂ©cidĂ© de ne pas viser les Britanniques, pour ne pas pousser trop loin l’épreuve de force[27] avec les autoritĂ©s mandataires. Alors que la Grande RĂ©volte arabe se calmait, il est dĂ©cidĂ© de cibler la population arabe palestinienne : « il faut crĂ©er une situation oĂč la vie d’un Arabe ne vaudra pas plus que celle d’un rat. Comme ça, tout le monde comprendra que les Arabes sont de la merde, que nous sommes, nous et non eux, les vĂ©ritables maĂźtres du pays »[28]. Vladimir Jabotinsky approuve la nouvelle orientation, non sans dĂ©chirement[5]. Le bilan des reprĂ©sailles Ă  la mort de Ben Yosef est sanglant[29] :

  • cinq Arabes abattus le dans plusieurs attentats ;
  • le , deux bombes placĂ©es dans des bidons de lait explosent en plein marchĂ© arabe de HaĂŻfa. La foule attaque les Juifs et la police britannaique tire sur l'ensemble des prĂ©sents : vingt-et-un Arabes et six Juifs sont tuĂ©s dans l’attentat et l’émeute ;
  • une bombe placĂ©e dans la rue tue deux Arabes Ă  JĂ©rusalem le 6 juillet ;
  • une bombe placĂ©e dans la rue tue trois Arabes Ă  JĂ©rusalem le 8 juillet ;
  • une bombe placĂ©e dans le souk de la vieille ville de JĂ©rusalem tue dix Arabes le 15 juillet ;
  • une bombe placĂ©e dans le marchĂ© arabe de HaĂŻfa le fait quarante-cinq morts, selon le bilan britannique mais l’Irgoun pense que les Britanniques ont rĂ©duit le bilan pour calmer la foule arabe. Une enquĂȘte interne Ă  l’Irgoun donne 70 morts ;
  • le dernier gros attentat de la campagne de 1938 est commis le 26 aoĂ»t : un tonneau de dynamite, explosant dans le souk de Jaffa, fait vingt-quatre morts.

La campagne d’attentats commis par l'Irgoun entre juillet et octobre 1938 relance la violence des Arabes qui commettent des assassinats individuels en rĂ©action et le nombre de Juifs tuĂ©s pendant cette pĂ©riode augmente spectaculairement : cinquante par mois entre juillet et octobre, contre sept par mois au cours des neuf mois prĂ©cĂ©dents, alors que la Grande RĂ©volte arabe se calmait.

Au dĂ©but de 1939, aprĂšs des informations sur une rĂ©vision de la politique du Royaume-Uni dans un sens pro-arabe (confirmĂ©e ensuite par le Livre Blanc), l’Irgoun relance ses actions. Ainsi sont tuĂ©s au hasard vingt-sept Arabes dans les rues de HaĂŻfa, Tel-Aviv et JĂ©rusalem, le , ce qui entraĂźne les fĂ©licitations de Vladimir Jabotinsky : « votre rĂ©ponse aux manifestations de victoire des ennemis de l’État juif a produit un effet Ă©norme et positif »[30].

Le bilan politique de ces actions semble finalement plutĂŽt nĂ©gatif. L’utilisation de la violence contre les Arabes est largement condamnĂ©e par le Yichouv et isole la droite nationaliste, l’Irgoun et Jabotinsky.

Liste des attentats attribuĂ©s Ă  l’Irgoun de 1936 Ă  1939

Pendant le soulĂšvement arabe de 1936-1939, les attentats de l’Irgoun ont fait environ 250 victimes parmi les Arabes. La liste ci-dessous est tirĂ©e de l’ouvrage d’Arie Perliger et Leonard Weinberg[31]. On note quelques diffĂ©rences de dĂ©tails avec les attentats rapportĂ©s par Marius Schattner. Sont tuĂ©s :

L’Irgoun mena au moins 60 opĂ©rations distinctes durant cette pĂ©riode[32].

Le Livre blanc de 1939

En , les Britanniques publient un troisiÚme Livre blanc sur la Palestine, réponse politique à la « Grande Révolte arabe en Palestine » qui avait commencée en 1936 et qui s'était soldée par la défaite des Arabes palestiniens.

Ce plan prĂ©voit la fin de l’immigration juive dans un dĂ©lai de 5 ans. D'ici cette date, elle sera limitĂ©e : on ne peut nier que la peur d’une immigration juive indĂ©finie est largement rĂ©pandue dans les rangs de la population arabe et que cette peur a rendu possible ces troubles . « L'immigration juive sera maintenue au cours des cinq prochaines annĂ©es pour autant que la capacitĂ© Ă©conomique d’absorption du pays le permettra, Ă  un taux qui portera la population juive Ă  environ le tiers de la population totale [
] Au terme de la pĂ©riode de cinq ans, aucune immigration juive ne sera plus autorisĂ©e, Ă  moins que les Arabes de Palestine ne soient disposĂ©s Ă  y consentir »[33].

Ce mĂȘme plan envisage (de façon vague) un État unitaire en Palestine Ă  la fin du mandat britannique, pour 1949, État Ă  majoritĂ© arabe : « Le gouvernement de Sa MajestĂ© [a le] dĂ©sir [
] de voir s’établir finalement un État de Palestine indĂ©pendant ». « Si, au terme de dix annĂ©es, il est avĂ©rĂ© que l’indĂ©pendance doive ĂȘtre ajournĂ©e, le gouvernement britannique consultera les habitants de Palestine et le Conseil de la SDN »[34].

Selon le Livre blanc, « Le gouvernement de Sa MajestĂ© dĂ©clare aujourd’hui sans Ă©quivoque qu’il n’est nullement dans ses intentions de transformer la Palestine en un État juif », ce qui pourrait mettre fin aux espoirs sionistes.

Jusqu’alors, le mouvement rĂ©visionniste avait critiquĂ© le mandat britannique, parce que pas assez favorable aux Juifs. Mais il restait un alliĂ© du Royaume-Uni et ne pratiquait pas de lutte armĂ©e contre la puissance mandataire. Le Livre blanc du 17 mai 1939 change totalement la situation. Cette nouvelle donne politique est doublĂ©e d’une nouvelle direction de l’organisation deuis 1938, David Ratziel, mais il est arrĂȘtĂ© par la police britannique en 1939.

« AprĂšs l’arrestation de David Ratziel, Hanoch Kalai, son adjoint, a Ă©tĂ© nommĂ© commandant en chef. Avraham Stern, qui Ă©tait alors en Pologne, est revenu en Palestine et est nommĂ© Ă  la tĂȘte du dĂ©partement de l’information. Les autres membres du quartier gĂ©nĂ©ral conservent leurs postes. Lors de la premiĂšre rĂ©union du quartier gĂ©nĂ©ral dirigĂ© par Hanoch Kalai, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de lancer un deuxiĂšme front contre les Britanniques, en reprĂ©sailles Ă  la publication du Livre blanc. ConformĂ©ment aux procĂ©dures de l’Irgoun, l'ancien commandant en prison - David Ratziel - n’a pas Ă©tĂ© consultĂ©, et n’a pas pris part au processus de dĂ©cision »[35]. De fait, « sous l’impulsion d'Avraham Stern qui a pris [
] une influence prĂ©pondĂ©rante sur l’organisation », des centraux tĂ©lĂ©phoniques sont attaquĂ©s, des bombes explosent Ă  la poste de JĂ©rusalem et Ă  la radio nationale. « Trois policiers britanniques et deux juifs, accusĂ©s de servir d’auxiliaires, sont assassinĂ©s »[36].

Le cessez-le-feu de l’Irgoun ( septembre 1939- fĂ©vrier 1944)

En Ă©clate la Seconde Guerre mondiale, entre l’Allemagne nazie d’un cĂŽtĂ© et l’alliance franco-britannique de l’autre.

« Le , l’état-major de l’Irgoun est convoquĂ© pour une session spĂ©ciale Ă  Tel-Aviv. Au cours de la rĂ©union, le CID (service de renseignement britannique), des enquĂȘteurs militaires et des policiers civils font irruption dans la piĂšce. L’ensemble de l’état-major a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© (Hanoch Kalai, Avraham Stern, Aharon Heichman), ainsi que Haim Lubinsky et Yashka Eliav, qui n’en sont pas membres. Les dĂ©tenus ont Ă©tĂ© d’abord emmenĂ©s au commissariat de police de Jaffa et plus tard Ă  la prison de JĂ©rusalem. Ils ont Ă©tĂ© coupĂ©s du monde extĂ©rieur et n’ont pas su que le lendemain de leur arrestation, les Allemands avaient envahi la Pologne et que la guerre avait Ă©clatĂ© »[35].

Vladimir Jabotinsky, dont l’influence sur l’Irgoun est devenue trĂšs thĂ©orique, pousse Ă  arrĂȘter les opĂ©rations armĂ©es, au nom de la prioritĂ© Ă  la lutte contre le nazisme. David Ratziel le soutient, « Avraham Stern et la majoritĂ© du commandement s’y opposent »[37]. Le , Ă  la demande de David Ratziel, Benyamin Zeroni, qui a pris la direction temporaire de l’organisation, publie un document par lequel il dĂ©clare que « dans le but d’investir un effort maximum pour aider le Royaume-Uni et ses alliĂ©s, l’Irgoun Zvai Le'umi a dĂ©cidĂ© de suspendre toutes les activitĂ©s offensives en Palestine »[35]. Un accord formel est finalement signĂ© par David Ratziel fin 1939 et les autoritĂ©s britanniques pour participer Ă  des actions offensives contre l'Allemagne nazie et ses alliĂ©s, en particulier dans le domaine du sabotage. David Ratziel est tuĂ© au combat en Irak, en , dans le cadre d'une opĂ©ration menĂ©e sous la direction des services secrets britanniques. Pour honorer cet accord, « le , aprĂšs beaucoup d’hĂ©sitations, [les Britanniques relĂąchent] Avraham Stern et les autres commandants de l’Irgoun. Ils vont le regretter »[37].

Vladimir Jabotinsky a approuvĂ© l’accord avec les autoritĂ©s britanniques. Il meurt d’une crise cardiaque aux États-Unis le . Avec lui disparaĂźt le chef charismatique de la droite nationaliste sioniste.

La scission du « groupe Stern » ( juillet 1940) et la création du Lehi

Avraham Stern, crĂ©ateur de l’Irgoun Tsvai Leumi beIsraĂ«l.

L’opposition Ă  la trĂȘve dĂ©cidĂ©e en septembre 1939 avait Ă©tĂ© majoritaire au sein du commandement de l’Irgoun. Avraham Stern (Yair) conteste ce choix de Vladimir Jabotinsky et de David Ratziel. Il considĂšre que la menace de disparition du « foyer national juif » prĂ©vue par les Britanniques par le Livre Blanc de 1939 (un État palestinien Ă  minoritĂ© arabe devait ĂȘtre crĂ©Ă© en 1949) est plus grave que le danger nazi.

Avraham Stern et le reste de l’état-major sont libĂ©rĂ©s par les Britanniques le , et rejoignent David Ratziel qui avait Ă©tĂ© libĂ©rĂ© dĂšs . L’affrontement des factions au sein de l'Irgoun est rapidement tendu et porte sur deux thĂ©matiques : l’opposition Ă  la trĂȘve, et la rupture d’avec le parti rĂ©visionniste dont est partisan Avraham Stern, qui trouve ce parti politique beaucoup trop modĂ©rĂ©. « ImmĂ©diatement aprĂšs leur libĂ©ration, l’état-major a tenu une rĂ©union orageuse Ă  Tel-Aviv. Le principal affrontement a eu lieu entre Avraham Stern (Yair) et David Ratziel [
]. Stern et ses camarades ont fait valoir que l’Irgoun devait sortir de sa dĂ©pendance Ă  l’égard du parti rĂ©visionniste, et dĂ©cider par elle-mĂȘme de son avenir politique. À leur avis, les dirigeants du mouvement rĂ©visionniste [
] [qui soutiennent la trĂȘve] entravent la lutte contre les Britanniques en raison de leur prĂ©occupation pour la survie de leur parti. [
] Avraham Stern a fait valoir que la lutte contre les Britanniques devrait se poursuivre, mĂȘme si le Royaume-Uni Ă©tait en guerre avec l’Allemagne. À son avis, aussi longtemps que les Britanniques dirigeront la Palestine, ils seraient les principaux ennemis et devraient ĂȘtre chassĂ©s du pays. Pour David Ratziel, au contraire, les Allemands Ă©taient les ennemis jurĂ©s du peuple juif [
 et] les Britanniques [des] alliĂ©s dans la guerre contre l’Allemagne. [
] Le , Avraham Stern fit sĂ©cession. [
] La scission a eu un effet dĂ©vastateur sur l’Irgoun et a Ă©tĂ© accompagnĂ©e par des rĂ©criminations mutuelles. Beaucoup d’officiers et de membres se retirĂšrent »[35].

L’organisation qu'Avraham Stern crĂ©e avec ses partisans s’appelle d’abord « Irgoun Tsvai Leumi beIsraĂ«l », plus tard renommĂ©e « Lohamei Herut IsraĂ«l » (« Combattants pour la libertĂ© d’IsraĂ«l ») ou Lehi. Les Britanniques l’appellent le « Stern gang » traduit en français par « groupe Stern ». L’organisation tente de prendre contact avec les Allemands, au nom de la diffĂ©rence entre l’« adversaire » (l’Allemagne), prĂ©fĂ©rable Ă  « l’ennemi » (les Britanniques qui empĂȘchent l’État juif)[38].

La scission d’avec l’Irgoun prend en pratique plusieurs mois, certains militants hĂ©sitant entre l’Irgoun (et sa politique de cessez-le-feu avec les Britanniques) et les partisans d'Avraham Stern. Le parcours de Yitzhak Shamir est ainsi rĂ©vĂ©lateur. En contact avec le groupe Stern dĂšs le dĂ©but, il « n’arrive pas Ă  prendre son parti. Pendant des mois, il oscillera entre les deux camps rivaux, sans s’engager ni dans l’un ni dans l’autre. Ce n’est qu’au printemps 1941 qu'Yitzhak Shamir rejoint le groupe Stern, aprĂšs l’échec des [
] premiĂšres tentatives de contact avec l’Axe »[39]. Hostile aux Britanniques, ne reculant pas devant la violence (il dirigeait la 8e compagnie de l’Irgoun de Tel-Aviv, et Ă©tait donc trĂšs impliquĂ© dans les attentats anti-arabes), mais pragmatique et peu intĂ©ressĂ© par les grands dĂ©bats idĂ©ologiques, il aurait Ă©tĂ© longtemps rebutĂ© par l’exaltation d'Avraham Stern. Marius Schattner note que « l’extrĂ©misme de YaĂŻr[40] le rebute ».

La nouvelle organisation attire au dĂ©part nombre de militants, car l’hostilitĂ© Ă  la nouvelle politique britannique Ă©tait grande au sein de l’Irgoun. Elle se livre Ă  des attentats contre les Britanniques ou des Juifs « collaborateurs », mais sans grand succĂšs. « Le groupe ne compte plus qu’une centaine de membres Ă  la fin de l’étĂ© 1941, contre plusieurs centaines en 1940. Presque tous les cadres, les uns aprĂšs les autres, ont abandonnĂ© un chef qui a fait les preuves d’une incapacitĂ© flagrante dans le domaine de l’action directe et dont la stratĂ©gie d’alliance avec l’Axe a failli sur toute la ligne »[41]. L’organisation est alors « en pleine dĂ©liquescence ». Le groupe Stern est finalement quasiment dĂ©mantelĂ© fin 1941- dĂ©but 1942 et entre en sommeil. Les responsables sont morts (Avraham Stern, tuĂ© par les Britanniques en 1941) ou en prison (Yitzhak Shamir).

La prise de fonction de Menahem Begin ( décembre 1943)

Menahem Begin en 1940,
lors de son arrestation par le NKVD russe, 3 ans avant son Ă©migration vers la Palestine.

C’est Yaakov Meridor (en) qui remplace David Ratziel aprùs la mort de celui-ci en .

Mais les temps sont difficiles pour l’Irgoun. L’organisation n’est pas un parti politique et elle n’existe que pour la lutte armĂ©e. Le cessez-le-feu dĂ©cidĂ© en septembre 1939 lui enlĂšve sa raison d’ĂȘtre. De plus, la scission avec le groupe Stern l’a affaibli : « À l’étĂ© 1943, le moral est tellement bas qu’il est question de dissoudre l’organisation »[42].

C’est Ă  cette date que l’ancien dirigeant du Betar de Pologne, Menahem Begin, qui vient de quitter l’armĂ©e polonaise fidĂšle au gouvernement de Londres, reprend la direction de l’Irgoun. « À mi-chemin entre Vladimir Jabotinsky et Avraham Stern, il entend poursuivre les objectifs traditionnels du mouvement sioniste rĂ©visionniste par une violence contrĂŽlĂ©e. Ce n’est pas tant l’Angleterre qu’il combat que le livre blanc »[42].

« En , Begin a Ă©tĂ© choisi en tant que commandant de l’Irgoun Zvai Le'umi en Eretz IsraĂ«l. Il a crĂ©Ă© un nouvel Ă©tat-major, qui comprenait Aryeh Ben Eliezer, Eliyahu Lankin et Shlomo Levi-Lev Ami (Levi Ă©tait le seul qui avait Ă©tĂ© membre du commandement prĂ©cĂ©dent). Lors de sa premiĂšre rĂ©union, l’état-major a adoptĂ© deux rĂ©solutions importantes : la premiĂšre Ă©tait que la lutte armĂ©e contre le gouvernement mandataire britannique devait ĂȘtre lancĂ©e sans dĂ©lai, et la seconde que l’Irgoun devait se dĂ©tacher du parti rĂ©visionniste et dĂ©terminer sa propre voie »[43]. Trois ans et demi aprĂšs, c’était le programme d'Avraham Stern qu’adoptait l’Irgoun, mais dans des circonstances diffĂ©rentes, la victoire alliĂ©e sur l’Allemagne devenant trĂšs probable. Ce rapprochement ne permet d’ailleurs pas de mettre fin Ă  la scission de juillet 1940, chaque organisation restant jalouse de son autonomie.

Reprise de la lutte armée contre les Britanniques ( février 1944)

En , l’Irgoun considĂšre que la guerre est maintenant gagnĂ©e par les AlliĂ©s, et que le problĂšme prioritaire redevient le projet britannique qui veut limiter les arrivĂ©es des Juifs en Palestine mandataire et reste favorable Ă  un futur État unitaire, Ă  la fin du mandat britannique. Le refus des Britanniques de laisser entrer en Palestine les Juifs, rescapĂ©s des camps de la mort, qui fuient l’Europe est particuliĂšrement critiquĂ© : « dans la nuit du 1er au , des affiches sont placardĂ©es dans les localitĂ©s juives de Palestine. [Elles proclament :] "il ne peut y avoir de trĂȘve entre le peuple hĂ©breu [
] et l’administration britannique en Palestine, qui livre nos frĂšres Ă  Hitler. Guerre au pouvoir britannique. Guerre jusqu’au bout !" »[44].

C’est la premiĂšre fois que les rĂ©visionnistes s’attaquent sĂ©rieusement aux Britanniques (Ă  part quelques attentats Ă  la mi 1939)[45]. La tentation existe depuis le dĂ©but des annĂ©es 1930 (voir Sionisme rĂ©visionniste : les Birionim), quand les Britanniques ont commencĂ© Ă  prendre leurs distances avec les projets sionistes et Ă  freiner l’immigration juive. Mais Vladimir Jabotinsky, puis la guerre, avaient empĂȘchĂ© le passage Ă  l’acte.

Le 12, puis le , des locaux de l’administration britannique sont visĂ©s sans faire de mort ni de blessĂ©. Le , cinq policiers et un membre de l’Irgoun sont tuĂ©s lors d’attaques contre des locaux abritant les services du CID (Central Intelligence Department, principal service de lutte contre les sionistes rĂ©visisonnistes et l'Irgoun). Le , la station de radio britannique installĂ©e Ă  Ramallah est attaquĂ©e et le , c'est le quartier gĂ©nĂ©ral de la police Ă  Tel-Aviv-Jaffa qui est pris pour cible[46]. MalgrĂ© une insatisfaction croissante de la population juive de Palestine contre la politique britannique, les attentats sont condamnĂ©s par les instances officielles du sionisme (l’agence juive, dirigĂ©e par David Ben Gourion et par la Histadrout), ainsi que par une partie des Juifs Ă©tablis depuis 1920.

" La saison " (novembre 1944- juillet 1945)

Un lieu d’internement secret de la Haganah, pendant « la saison ».
DĂ©tenus de l’IZL au camp de Gil Gil (Kenya), vers 1945.

DĂšs , David Ben Gourion menace de rĂ©primer les actions de l’Irgoun en se servant des commandos de la Haganah. Devant la montĂ©e des actions de l’IZL, il lance finalement le « la saison de la chasse aux terroristes », restĂ©e dans l’histoire sous le nom de « la saison ». Ce jour-lĂ , il fait adopter par la Histadrout un programme en quatre points qui prĂ©voit la collaboration avec les Britanniques dans la traque des « terroristes ».

L’Agence juive fournit aux services de rĂ©pression britanniques environ 700 noms de membres de l'Irgoun . « Des dizaines seront enlevĂ©s par les Ă©quipes spĂ©ciales de la Haganah et soumis Ă  des interrogatoires sĂ©vĂšres, accompagnĂ©s parfois de sĂ©vices. L’Irgoun et le Lehi devront interrompre leurs opĂ©rations jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est alors que Menahem Begin fait un choix capital « [
] en interdisant Ă  ses hommes de se livrer Ă  des reprĂ©sailles »[47].

La « saison » est un succĂšs pour la Haganah. Beaucoup de chefs et de militants de l’Irgoun sont en prison ou en camps d'internement , souvent envoyĂ©s en Afrique, comme en ÉrythrĂ©e ou au Kenya. Menahem Begin passe entre les mailles du filet. L’attitude britannique reste inflexible vis-Ă -vis des Juifs que les armĂ©es alliĂ©es libĂšrent de l’occupation nazie et qui dĂ©sirent se rendre en Palestine encore gĂ©rĂ©e par l'administration britannique. Toute entrĂ©e en Palestine leur reste interdite. La colĂšre grandit dans le Yichouv. La collaboration avec les Britanniques devient de plus en plus impopulaire, « y compris parmi ceux chargĂ©s de son exĂ©cution »[48]. La « saison » est ajournĂ©e Ă  compter de juillet 1945. L’Irgoun peut souffler et se rĂ©organiser[49].

Le Mouvement de rébellion hébraïque (octobre 1945- juillet 1946)

L’attentat contre l’Hîtel King David, le 22 juillet 1946.
« Bevingrad », la zone fortifiée britannique de Jérusalem, protégée contre les attentats.

« Le , Ben Gourion adresse de Paris un tĂ©lĂ©gramme ultra-secret au commandement de la Haganah en Palestine, lui enjoignant d’engager la lutte contre le pouvoir mandataire. La Haganah se voit confier une double mission : assurer manu militari le dĂ©barquement des immigrants clandestins en Palestine, perpĂ©trer des actes de sabotage calculĂ©s pour produire le maximum d’effet en causant un minimum de perte »[48].

D’ Ă  , la Haganah, le Lehi et l’Irgoun crĂ©ent le" Mouvement de RĂ©bellion hĂ©braĂŻque ", dirigĂ© par un « comitĂ© X » contrĂŽlĂ© par la Haganah.

L’entrĂ©e de la Haganah et de ses milliers de combattants (en particulier les 2 000 combattants d’élite du Palmach, crĂ©Ă© en 1941) donne une nouvelle ampleur Ă  la lutte. Les sabotages se multiplient. Le 1er novembre, la Haganah fait ainsi sauter la ligne de chemin de fer qui va de la frontiĂšre du Liban au Sud de la Palestine en 153 points diffĂ©rents.

Londres rĂ©agit en portant les effectifs de l’armĂ©e et de la police britannique Ă  plus de 80 000 hommes en ; ils seront plus de 100 000 en 1947, soit un soldat ou policier pour six juifs.

Le , dix policiers et militaires britanniques sont tuĂ©s dans une sĂ©rie de raids du Lehi et de l’Irgoun. Le , le Lehi tue sept parachutistes britanniques mais cet attentat est condamnĂ© par la Haganah.

Le 12 juin 1946, le gouvernement britannique refuse l’entrĂ©e de 100 000 rescapĂ©s juifs des camps de la mort , qui Ă©tait alors une recommandation de la commission anglo-amĂ©ricaine[50].

Dans les jours qui suivent, se multiplient les attentats. Le , l’Irgoun fait sauter Ă  JĂ©rusalem l’hĂŽtel King David qui abrite le secrĂ©tariat du haut commissariat britannique en Palestine et la direction du service rĂ©pressif britannique, le CID. On dĂ©nombre 91 victimes (28 Britanniques, 19 Juifs et 41 Arabes), la plupart civiles. L’attaque a Ă©tĂ© planifiĂ©e par le comitĂ© X, mais la Haganah demande finalement Ă  annuler l’opĂ©ration face Ă  la possibilitĂ© de nombreuses victimes civiles. L’Irgoun maintient l’opĂ©ration. L’attaque est menĂ©e par Yosef Avni, un membre du Betar, qui participera au massacre de Deir Yassin du , et Yisrael Levi. Un message tĂ©lĂ©phonique avertit le consulat gĂ©nĂ©ral de France, qui est situĂ© Ă  envrion 500 mĂštres de l'hĂŽtel ainsi que le journal Jerusalem Post 25 minutes avant l’explosion. Un autre message d’avertissement est donnĂ© Ă  l’hĂŽtel KIng David peu de temps avant l’explosion, ce que nieront longtemps les autoritĂ©s britanniques. L’Irgoun revendique immĂ©diatement l’attentat, en affirmant ne pas avoir eu l’intention de provoquer des morts. Menahem Begin relate cet Ă©pisode dans un livre autobiographique paru en 1978[51] - [52] - [53].

Les modĂ©rĂ©s de l’Agence juive et de l’Organisation sioniste mondiale, en particulier HaĂŻm Weizmann, faisaient pression depuis quelques semaines pour arrĂȘter les actions armĂ©es. Les Britanniques avaient arrĂȘtĂ© de nombreux responsables de la Histadrout, de l’Agence juive (dont MoshĂ© Sharett, le chef de son dĂ©partement politique) et de la Haganah. L’attentat du King David et ses dizaines de morts sonnent le glas du « Mouvement de la rĂ©volte hĂ©braĂŻque ». Les modĂ©rĂ©s l’emportent. La Haganah condamne l’attentat et quitte le MRH. Le Lehi et l’Irgoun sont de nouveau isolĂ©s face aux Britanniques[54].

MĂȘme le Parti rĂ©visionniste, qui partage pourtant la mĂȘme idĂ©ologie nationaliste que l’Irgoun, prend parfois ses distances avec certaines actions de l’organisation.

Vers le partage de la Palestine (aoĂ»t 1946 – novembre 1947)

Projet de partage de la Palestine, refusĂ© par l’Irgoun.

Le Lehi et l’Irgoun n'ont pas beaucoup d’hommes : « 4 000 au plus pour l’IZL, dont un millier opĂ©rationnels, dix fois moins pour le Lehi, mais dĂ©barrassĂ©s des contraintes que leur imposait l’alliance avec la Haganah [qui ne voulait pas ou peu de morts], les dissidents n’en frapperont que plus fort »[55].

AprĂšs une pause faisant suite Ă  l’attentat contre l’hĂŽtel King David en juillet 1946, les deux organisations « relancent la guĂ©rilla urbaine en . Une centaine de membres des forces de sĂ©curitĂ© britanniques sont tuĂ©s ou blessĂ©s en six semaines [
]. le [
] l’Irgoun fait sauter une bombe Ă  l’ambassade britannique Ă  Rome »[55].

Menaces de l’Irgoun aprùs la condamnation au fouet d’un de ses membres.

Les actions se multiplient. En « , un commandant de l'armĂ©e britannique et trois sergents sont fouettĂ©s aprĂšs [
] que cette peine d’un autre Ăąge eut Ă©tĂ© infligĂ©e par ordre d’un tribunal militaire, Ă  un jeune membre de l’IZL. De crainte qu’un tel affront ne se rĂ©pĂšte, les autoritĂ©s renoncent aux chĂątiments corporels »[56]. Le , le groupe Stern fait sauter une camionnette bourrĂ©e d'explosifs dans la cour du commissariat central d'HaĂŻfa, faisant 6 morts et trente blessĂ©s[57].

Le samedi , « l’IZL lance seize opĂ©rations en un jour ». Douze militaires sont tuĂ©s au club des officiers de JĂ©rusalem[56].

Le mur de la prison d’Acre aprùs l’attaque de l’IZL.

Le , 34 combattants de l’IZL, sous le commandement de Dov Salomon et de Yehuda Apiryon, attaquent la prison d'Acre, principal centre d’internement britannique des militants armĂ©s. Trois assaillants sont tuĂ©s et cinq sont faits prisonniers aprĂšs la retraite (dont trois seront finalement exĂ©cutĂ©s le ), mais 28 prisonniers du Lehi et de l’Irgoun s’évadent, ainsi que 182 prisonniers arabes. L’ampleur de l’attaque et sa trĂšs bonne organisation sont une surprise pour les forces britanniques[58].

La rĂ©pression contre l'Irgoun et le Lehi est sĂ©vĂšre, mais « le marĂ©chal Montgomery, chef d’état-major impĂ©rial, n’obtiendra jamais carte blanche pour dĂ©sarmer le Yichouv et employer les mĂȘmes mĂ©thodes punitives qui avaient servi pour Ă©craser la rĂ©volte arabe en 1936 »[59].

« Les opĂ©rations contre les troupes d’occupation, de plus en plus audacieuses, rendent le pays ingouvernable (
). DĂ©semparĂ©, Bevin, [Ministre des Affaires Ă©trangĂšres britannique] dĂ©cide en de porter l’affaire devant l’ONU, non sans espĂ©rer un Ă©chec des Nations unies qui permettrait le retour en force de la Grande-Bretagne »[60].

Yaakov Weiss (en), de l’Irgoun, pendu le .
Les sergents britanniques, Clifford Martin et Marvin Paice, capturĂ©s par l’Irgoun le 12 juillet puis pendus le 30 juillet 1947.

Une commission spĂ©ciale de l’ONU relative Ă  la Palestine (initiales en anglais : U.N.S.C.O.P.) est formĂ©e, qui propose un plan de partage de la Palestine, finalement adoptĂ© par l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations unies le 29 novembre 1947. Par ce plan, un État juif est prĂ©vu pour ĂȘtre crĂ©Ă© Ă  la fin annoncĂ©e du mandat britannique fixĂ©e au 15 mai 1948 sur 55 % de l’ancienne Palestine, alors que la population juive reprĂ©sente 33 % de l'ensemble des habitants. Un État arabe est Ă©galement prĂ©vu pour 67 % de la population et la zone de JĂ©rusalem devrait ĂȘtre internationale, placĂ©e sous la responsabilitĂ© de l' O.N.U.

L’Agence juive et l’Organisation sioniste mondiale acceptent le plan mais l’Irgoun et le Lehi le refusent. L’IZL n’a cependant pas les moyens de s’y opposer et cesse officiellement ses opĂ©rations en , quand le plan de partage est adoptĂ© par l’UNSCOP et qu’elle le soumet Ă  l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations unies le 29 aoĂ»t 1947.

La derniĂšre phase des opĂ©rations de l’IZL ( – ) a coĂ»tĂ© la vie Ă  141 Britanniques et Ă  338 en tout entre 1944 et [61]. Ces chiffres sont des chiffres complets, qui incluent les victimes de la Haganah (assez peu nombreuses) et du Lehi. Mais l’Irgoun est responsable de la grande majoritĂ© des morts .

Une des derniĂšres actions de l’Irgoun a un grand retentissement en Angleterre oĂč des Ă©meutes antisĂ©mites visant des magasins et des synagogues Ă©clatent. Le , trois hommes de l’Irgoun ayant participĂ© Ă  l’opĂ©ration contre la prison d’Acre sont pendus. « Le lendemain, deux sergents britanniques pris en otage [depuis le 12 juillet] sont pendus dans un bois d’eucalyptus, prĂšs de Netanya. Une mine placĂ©e sous les pendus explosera quand un capitaine britannique viendra dĂ©tacher les corps [il est gravement blessĂ©]. Dans les heures qui suivent, cinq Juifs sont tuĂ©s par des policiers britanniques ivres de rage qui mitraillent des passants Ă  l’aveuglette ». Time to go (il est temps de partir) Ă©crit le Manchester Guardian[62] tandis qu'Ă  Londres, Manchester, Liverpool, Newcastle, Gatehead et Holyhead, on assiste Ă  des manifestations antisĂ©mites pouvant prendre la forme d'attaques de synagogues ou de magasins tenus par des juifs[63].

Du cĂŽtĂ© de l’Irgoun, ce sont les derniers militants exĂ©cutĂ©s. Il y en a eu huit en tout : Shlomo Ben Yosef (en) le , les sept autres[64] exĂ©cutĂ©s pendant les derniers affrontements, les et . À ces exĂ©cutions doivent s’ajouter les hommes morts au combat et le suicide en prison de Meir Feinstein (le ) aprĂšs sa condamnation Ă  mort.

Guerre civile en Palestine (dĂ©cembre 1947 – mai 1948)

Attentats contre les Arabes

Une attaque contre un centre commercial juif, le 2 décembre 1947.

Au lendemain du vote de partage, le , des attentats et des Ă©meutes anti-juives Ă©clatent en Palestine et au Proche-Orient. Des dizaines de civils juifs sont tuĂ©s. « Les Palestiniens [
] n’acceptent pas de perdre la moitiĂ© de leur patrie pour que l’Occident s’acquitte de sa dette morale envers les Juifs »[65].

Carte des zones juives au début de la guerre civile.

En reprĂ©sailles, l’IZL reprend ses attentats contre les Arabes, attentats qui avaient cessĂ© en 1939. Le , des membres de l’Irgoun jettent deux bombes dans une foule d’ouvriers arabes devant la raffinerie de HaĂŻfa. Six sont tuĂ©s. Trente-neuf travailleurs juifs sont alors tuĂ©s par les ouvriers arabes en reprĂ©sailles[66].

Bus calcinĂ© aprĂšs un attentat de l’Irgoun le . Sept Palestiniens sont tuĂ©s.

Le 7 janvier, Ă  un arrĂȘt de bus, Porte de Jaffa Ă  JĂ©rusalem, quatre membres de l’Irgoun lancent une bombe dans la foule arabe et tuent 17 personnes. Ils s’enfuient au moyen d’une voiture blindĂ©e volĂ©e aux Britanniques mais ils ont un accident et doivent continuer Ă  pied. Trois sont tuĂ©s par les Britanniques et le dernier, blessĂ©, est fait prisonnier[67].

Tandis que la Haganah travaille Ă  la constitution d’une armĂ©e solide, capable de vaincre les irrĂ©guliers arabes et les armĂ©es arabes rĂ©guliĂšres dont l’attaque est annoncĂ©e aprĂšs le dĂ©part des Britanniques (prĂ©vu le ), l’Irgoun, dont la taille est plus rĂ©duite, se livre essentiellement Ă  des attentats aveugles contre la population civile.

À partir d’avril, la Haganah se lance dans une sĂ©rie de contre-offensives de grande envergure contre les irrĂ©guliers arabes, en particulier l'OpĂ©ration Nahshon dans la rĂ©gion de JĂ©rusalem ou l’OpĂ©ration Yiftah dans la haute vallĂ©e du Jourdain[68], reprenant le contrĂŽle des voies de communications qui relient les zones juives entre elles ainsi que les villes mixtes.

Massacre de Deir Yassin

L’Irgoun accepte de coordonner ses actions avec la Haganah, mais dans une certaine mesure seulement.

On commence Ă  voir apparaĂźtre des unitĂ©s de plusieurs dizaines d’hommes de l’Irgoun opĂ©rant ensemble contre des villages arabes.

C’est dans ce cadre que se produit le massacre de Deir Yassin. Le 9 avril, des combattants de l’Irgoun et du Lehi attaquent le village, malgrĂ© l’accord de non-agression qu’il avait signĂ© avec ses voisins juifs. Mal entraĂźnĂ©s Ă  ce type de combat, les assaillants ont cinq tuĂ©s, 35 blessĂ©s et se retirent. Ils font alors appel au Palmach dont « une section [
] rĂ©duira sans problĂšme le principal noyau de rĂ©sistance. Vendredi midi, elle se retire, laissant le soin aux combattants de l’Irgoun et du groupe Stern de ratisser le village ». Une partie de la population est alors massacrĂ©e[69].

La presse et des historiens rapportent le nombre de 254 victimes civiles, « hommes, femmes et enfants (...) abattus Ă  la mitraillette et Ă  l'arme blanche », massacre « programmĂ© pour pousser les Palestiniens Ă  fuir massivement leurs villages et les abandonner aux colons juifs.(...) Le commando, aprĂšs avoir ordonnĂ© par haut-parleurs aux habitants de vider les lieux, a exterminĂ© tous ceux qui ne se conformaient pas Ă  leur injonction. AussitĂŽt connue dans le monde arabe, la nouvelle a plongĂ© l'opinion dans la consternation et la colĂšre (...) d'autant que Deir Yassine Ă©tait l'une de ces typiques bourgades palestiniennes qui entretenaient des relations de bonne intelligence avec les communautĂ©s juives voisines »[70]. D'autres historiens Ă©valuent en gĂ©nĂ©ral le massacre plutĂŽt entre 100 et 120 morts[71] - [72]. Mais, fortement mĂ©diatisĂ©, le massacre a eu plusieurs consĂ©quences. D’une part, il a dĂ©finitivement ancrĂ© l’image violente de l’Irgoun. D’autre part, « encore amplifiĂ© par la propagande arabe, [il] jettera des milliers puis des dizaines de milliers de Palestiniens sur les routes de l’exode »[73].

Menahem Begin niera tout massacre, parlant d’une « propagande mensongĂšre » : « ce ne fut pas ce qui s’est passĂ© Ă  Deir Yassin, mais bien ce qui a Ă©tĂ© inventĂ© [
] qui nous a aidĂ© Ă  nous ouvrir un chemin vers des victoires dĂ©cisives [
] Les Arabes pris de panique s’enfuirent aux cris de "Deir Yassin" »[74]. Les autoritĂ©s de l’Agence juive dĂ©noncent fermement le massacre, mais aucune poursuite judiciaire n’est entreprise.

L'Ă©chec de l'attaque sur Jaffa

Yigaël Yadin, entre 1949 et 1952.

La ville de Jaffa a Ă©tĂ© attribuĂ©e aux Arabes par le plan de partage mais se trouve au cƓur de l’État juif.

À la suite de la victoire de la Haganah Ă  HaĂŻfa, Jaffa est attaquĂ©e par l’Irgoun le 27 avril. Les forces de l’ArmĂ©e de libĂ©ration arabe rĂ©sistent aux assaillants.

À la suite des incidents de HaĂŻfa, les Britanniques, gĂ©nĂ©ralement passifs, ont cette fois dĂ©cidĂ© d’intervenir, et menacent les Juifs de reprĂ©sailles s’ils ne stoppent pas leur offensive.

Mais aprĂšs des rumeurs de renforcement de l’ArmĂ©e de libĂ©ration et d’intervention de la LĂ©gion arabe, Yigal Yadin (Haganah) prĂ©fĂšre lancer l’opĂ©ration Hametz visant Ă  encercler la ville.

Les Britanniques rĂ©agissent en bombardant les positions de l’Irgoun[75] ce qui met un terme Ă  l’offensive.

La ville ne tombera que le 13 mai Ă  la suite du dĂ©part des Britanniques. Dans la foulĂ©e, entre 50 000 et 60 000 Arabes supplĂ©mentaires se seront enfuis[76] - [77].

Actions contre les Britanniques

L’attentat anti-juif de la rue Ben Yehouda, le 22 fĂ©vrier 1948, cause des reprĂ©sailles de la part de l’Irgoun.

Pendant cette pĂ©riode qui va de la fin 1947 au (dĂ©part des Britanniques), l’IZL a aussi menĂ© des actions sporadiques contre les Britanniques.

Officiellement, ceux-ci se retirant, l’Irgoun avait cessĂ© ses actions. En pratique, considĂ©rant que les Britanniques penchaient plutĂŽt du cĂŽtĂ© arabe dans la guerre civile qui se dĂ©roulait sous leurs yeux entre Arabes et Juifs de Palestine, l’Irgoun mĂšne des actions de reprĂ©sailles ponctuelles.

Ainsi, le , l’Irgoun et le Lehi, lors de cinq incidents sĂ©parĂ©s, tuent dix Britanniques et en blessent gravement huit autres Ă  la suite d'un attentat arabe Ă  la voiture piĂ©gĂ©e rue Ben Yehuda Ă  JĂ©rusalem, qui coĂ»te la vie Ă  plus de 60 Juifs et dans lequel Ă©taient impliquĂ©s des dĂ©serteurs britanniques au service de Hadj Amin al-Husseini[78]. Il y aura, jusqu’au retrait des Britanniques, d’autres attentats de l’Irgoun contre ces derniers.

La disparition de l’Irgoun

Le 14 mai, l’indĂ©pendance d’IsraĂ«l est proclamĂ©e, et l’Agence juive se transforme en gouvernement provisoire. Les troupes Ă©trangĂšres (Ă©gyptiennes, transjordaniennes, irakiennes, syriennes et libanaises) pĂ©nĂštrent en Palestine. Les combats deviennent des combats d’infanterie classiques, oĂč les anciennes pratiques de guĂ©rilla urbaine et d’attentats n’ont plus cours. L’Irgoun accĂ©lĂšre son Ă©volution vers des structures plus larges, mieux adaptĂ©es au combat d’infanterie. Elle y obtient certains succĂšs, limitĂ©s par le manque de combattants.

Ainsi Ă  JĂ©rusalem, oĂč le 21 mai, une colonne Ă©gyptienne atteint BethlĂ©em aprĂšs avoir traversĂ© le NĂ©guev et ĂȘtre passĂ©e par Beersheba. Le 22 mai, elle mitraille les faubourgs sud de JĂ©rusalem[79]. « Des combats sanglants se dĂ©roulent [
] au sud, contre les forces combinĂ©s de la LĂ©gion[80] et de la 4e brigades Ă©gyptienne, pour le contrĂŽle du kibboutz Ramat-Rachel qui commande l’accĂšs de la nouvelle ville[81]. Cinq fois pris et repris, le kibboutz finira par rester aux mains des hommes de l’Irgoun »[82].

Le , les Forces de défense d'Israël (armée israélienne) sont officiellement créées et absorbent immédiatement la Haganah.

L'intégration de l'Irgoun au sein de Tsahal (1er juin 1948)

Menahem Begin, en vertu d’un accord signĂ© le avec l’Agence juive « s’est engagĂ© [pour] le Ă  mettre ses hommes et ses Ă©quipements Ă  la disposition de l’armĂ©e israĂ©lienne au sein de laquelle les membres de l’IZL (Irgoun) constituent leurs propres bataillons »[83]. Le Lehi rejoint aussi rapidement Tsahal( sauf pour le secteur de JĂ©rusalem, qui reste autonome.

L’Irgoun et le Lehi n’alignent Ă  cette date respectivement que 4 000 et 1 000 combattants[84]. D’autres auteurs, comme EfraĂŻm Karsh, donnent pour l’Irgoun des chiffres infĂ©rieurs, entre 2 000 et 4 000 hommes.

Relativement peu nombreux, les anciens membres de l’Irgoun sont aussi tenus en suspicion par le nouveau gouvernement de David Ben Gourion pour leurs activitĂ©s « terroristes » passĂ©es et leurs sympathies politiques de droite. La nouvelle armĂ©e israĂ©lienne est donc constituĂ©e essentiellement autour de l’ancienne Haganah.

La dissolution des bataillons de l'Irgoun (22 juin 1948)

L’Altalena incendiĂ© par les forces de Tsahal, le 22 juin 1948.

Les bataillons spĂ©cifiques de l’Irgoun ne durent que trois semaines. En effet, le gouvernement, et surtout David Ben Gourion, ne souhaitaient pas plus permettre Ă  des unitĂ©s « de droite » que « de gauche » de continuer Ă  exister au sein de l’armĂ©e (le Palmach, trĂšs Ă  gauche, sera aussi dissous).

Les unitĂ©s spĂ©cifiques issues de l’Irgoun sont dissoutes pendant la 1re trĂȘve israĂ©lo-arabe (11 juin – ), aprĂšs l’incident de l’Altalena, les 21 et 22 juin. Il s’agit d’une tentative des unitĂ©s de l’Irgoun au sein de Forces de dĂ©fense d'IsraĂ«l de se procurer des armes par elles-mĂȘmes grĂące Ă  l’Altalena, un bateau de l’organisation. Ben Gourion prend prĂ©texte de cette tentative pour dĂ©noncer une tentative factieuse, et faire donner l’assaut au bateau. Lors de celui-ci, il y a dix-huit morts : seize membres de l’Irgoun et deux soldats de Tsahal. « Au lendemain du , l’Irgoun a virtuellement cessĂ© d’exister comme force militaire autonome, sauf Ă  JĂ©rusalem. Ses bataillons ont Ă©tĂ© dissous dans l’armĂ©e et des mandats d’arrĂȘts ont Ă©tĂ© lancĂ©s contre plusieurs de ses chefs »[85]. Les membres des unitĂ©s dissoutes sont rĂ©partis dans les autres unitĂ©s de Tsahal.

Les derniers combats et l'opération Kedem (juillet 1948)

La Porte de Jaffa, un des axes de l'offensive Kedem.

L’Irgoun et le Lehi continuent Ă  exister jusqu’en septembre Ă  JĂ©rusalem, ville prĂ©vue par l’ONU pour ĂȘtre sĂ©parĂ©e d’IsraĂ«l et devenir une « zone internationale ». Les accords nationaux d’intĂ©gration de ces organisations Ă  Tsahal ne s’y appliquent donc pas.

Lors de la « guerre des Dix Jours » (9 juillet – ), aprĂšs la premiĂšre trĂȘve, l’Irgoun connaĂźt ses derniers combats, mais sans succĂšs. Le commandement israĂ©lien lance en effet l’opĂ©ration Kedem, qui visait Ă  prendre toute la ville de JĂ©rusalem, et surtout la vieille ville.

PrĂ©vue dans un premier temps pour ĂȘtre menĂ©e par l’Irgoun et le Lehi le 8 juillet, juste aprĂšs la premiĂšre trĂȘve, l’opĂ©ration Kedem est reportĂ©e par David Shaltiel, commandant de JĂ©rusalem. En effet, celui-ci met en doute leurs chances de succĂšs. Le 9 avril, ces groupes avaient en effet Ă©chouĂ© Ă  capturer le village mal dĂ©fendu de Deir Yassin sans l’aide de la Haganah.

Le plan d’attaque prĂ©voit que les forces de l’Irgoun, commandĂ©e par Yehouda Lapidot (« Nimrod »), doivent entrer par la porte Bab al Jedid (la Nouvelle Porte), le Lehi passant par le mur partant de Bab al Jedid et par la porte de Jaffa, enfin le bataillon Beit Hiron passant par le mont Sion[86].

La bataille est finalement prĂ©vue pour dĂ©buter au Shabbat, le vendredi 16 juillet Ă  20 h, un jour avant le second cessez-le-feu. Cependant l’organisation tourne mal et l’opĂ©ration est reportĂ©e Ă  23 h puis Ă  minuit, pour en fin de compte commencer Ă  2 h 30 du matin. L’Irgoun rĂ©ussit Ă  se frayer un chemin par la porte Bab al Jedid, mais les autres escouades Ă©chouent dans leurs objectifs. À 5 h 45, David Shaltiel est contraint d’ordonner la cessation des hostilitĂ©s et de replier ses troupes. Une nouvelle trĂȘve entre en vigueur le , et les combats cessent.

Dissolution des unités de l'Irgoun de Jérusalem (septembre 1948)

Folke Bernadotte. Son assassinat par le Lehi entraüne la dissolution de l’Irgoun.

Pendant cette seconde trĂȘve, le 16 septembre, Folke Bernadotte, mĂ©diateur des Nations unies, propose un nouveau plan de partage de la Palestine, dans lequel la Transjordanie annexerait les zones arabes comprenant le NĂ©guev, Ramla et Lydda. Ce plan prĂ©voit Ă©galement un État juif occupant l’entiĂšre GalilĂ©e, le passage de JĂ©rusalem sous contrĂŽle international et le rapatriement (ou dĂ©dommagement) des rĂ©fugiĂ©s. Le plan est refusĂ© par les IsraĂ©liens et par les Arabes.

Le lendemain, 17 septembre, Bernadotte et son adjoint, le colonel français AndrĂ© SĂ©rot, sont assassinĂ©s par un commando de trois membres du Lehi Ă  JĂ©rusalem, lequel considĂšre que ses positions sont trop pro-arabes[87]. En 24 heures, plus de 250 membres du Lehi sont interpelĂ©s dans tout le pays. À la suite de cet assassinat, le gouvernement fit interdire l'Irgoun et le Lehi par le Prevention of Terrorism Ordinance, le [88], bien qu’il sache que l'Irgoun n’a pas Ă©tĂ© mĂȘlĂ© au crime[89]. L’entreprise d’intĂ©gration du Lehi et de l’Irgoun Ă  Tsahal, largement entamĂ©e dĂšs le dĂ©but juin, renforcĂ©e pendant la premiĂšre trĂȘve, est donc achevĂ©e avec la seconde.

Le passage Ă  l'action politique

Menahem Begin accepte de se soumettre Ă  la loi du nouveau gouvernement provisoire. Prenant acte de la dissolution de l’Irgoun, il crĂ©e fin 1948 le parti HĂ©rout (« libertĂ© ») qui est dirigĂ© par des anciens de l’Irgoun et qui reprend l’essentiel de son idĂ©ologie. Ce parti se prĂ©sente lors des premiĂšres Ă©lections israĂ©liennes en janvier 1949.

Le Parti rĂ©visionniste, peu actif depuis la mort de Vladimir Jabotinsky en 1940, est Ă©galement absorbĂ© par le HĂ©rout. Mais ses dirigeants, parfois critiques des actions de l’Irgoun entre 1944 et 1948, sont tenus Ă  l’écart des postes clefs par Begin.

De 1949 Ă  1977, le HĂ©rout puis son successeur le Likoud restent cantonnĂ©s Ă  l’opposition. La droite arrive au pouvoir seulement en juin 1977,aprĂšs avoir remportĂ© les Ă©lections lĂ©gislatives.

Les annĂ©es 1950 sont particuliĂšrement tendues, l’opposition entre le Herout de Begin et le MapaĂŻ de Ben Gourion atteignant des sommets. Cette opposition frontale culmine lors du dĂ©bat sur les rĂ©parations allemandes et lors de l’affaire Kastner, des anciens membres des organisations armĂ©es (Irgoun et Lehi) revenant mĂȘme aux mĂ©thodes violentes de leurs anciennes organisations.

Les réparations allemandes

Konrad Adenauer en 1952.

Le Herout dĂ©nonce en des termes extrĂȘmement violents l’accord sur les rĂ©parations passĂ© avec l’Allemagne fĂ©dĂ©rale en 1952, qu’il considĂšre trahir la mĂ©moire des victimes du gĂ©nocide. Menahem Begin organise des manifestations violentes et est d’ailleurs exclu pour cela pendant quinze mois de la Knesset (entre 1952 et 1953). Certains militants radicaux du Herout tentent mĂȘme de commettre des attentats contre des « dons » allemands.

Le , un dĂ©mineur allemand est tuĂ© par un colis adressĂ© par la poste au chancelier allemand Konrad Adenauer. Quelques semaines plus tard, cinq IsraĂ©liens sont arrĂȘtĂ©s en France, dont Eliezer Sudit, un ancien membre de l’Irgoun. En 2006, celui-ci a affirmĂ© qu’il avait eu « une "rencontre secrĂšte" avec Begin, et avait suggĂ©rĂ© "une opĂ©ration qui secouerait le monde et prouverait que tous les IsraĂ©liens n’étaient pas prĂȘt Ă  accepter de l’argent en expiation du sang versĂ©" »[90]. « L’intention n’était pas de frapper Adenauer, mais d’alerter les mĂ©dias internationaux »[91]. L’implication de Begin dans l’attentat ne peut cependant ĂȘtre confirmĂ©e par une autre source et est mise en doute par ses anciens proches.

En , Petahia Shamir, chef du Betar israĂ©lien (l’organisation de jeunesse de la droite sioniste), est arrĂȘtĂ© pour avoir voulu faire sauter le Ramon, un cargo donnĂ© par l’Allemagne.

Vers la mĂȘme Ă©poque, Dov Shilansky, ancien de l’Irgoun, futur dĂ©putĂ© et ministre du Likoud, futur candidat du Likoud Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 1993 (il perd par 53 voix contre 66[92]), est arrĂȘtĂ© pour avoir voulu dĂ©poser une bombe au ministĂšre des affaires Ă©trangĂšres israĂ©lien.

L’implication de Begin n’est pas prouvĂ©e. Mais la gauche dĂ©nonce un retour aux mĂ©thodes « terroristes » de l’Irgoun, et le risque d’une guerre civile entre Juifs.

L’affaire IsraĂ«l Kastner

IsraĂ«l Kastner est un membre assez important du MapaĂŻ. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a menĂ© des nĂ©gociations avec le TroisiĂšme Reich, tentant d’échanger des Juifs europĂ©ens contre la fourniture de camions. Ces nĂ©gociations ont Ă©tĂ© des Ă©checs, mais un petit groupe de Juifs a pu ĂȘtre Ă©vacuĂ© par le « train Kastner ». Kastner a dĂ» choisir ceux qu’il Ă©vacuait, et donc aussi ceux qu’il n’évacuait pas. C’est sur cette base que Kastner est traĂźnĂ© en justice en 1953 par un proche du Herout. D’abord condamnĂ©, il est finalement blanchi le par la justice.

Mais le Herout a menĂ© une campagne trĂšs violente contre le MapaĂŻ, accusĂ© d’avoir trahi les Juifs d’Europe. Kastner est assassinĂ© le (avant son acquittement) par trois anciens sympathisants du Lehi. Compte tenu de sa campagne, le Herout est tenu pour au moins moralement responsable par une partie de l’opinion publique.

L'accession au pouvoir

Menahem Begin en 1978, aprĂšs son accession au pouvoir comme premier ministre.
MĂ©morial de l’IZL, Ă  Ramat Gan.
Musée de l'Irgoun à Tel-Aviv.

Le HĂ©rout des annĂ©es 1950 apparaĂźt Ă  beaucoup d’IsraĂ©liens comme un parti radical, ne parvenant pas Ă  rompre avec la culture politique hĂ©ritĂ©e de l’Irgoun. Les rĂ©sultats Ă©lectoraux restent donc modestes[93].

Année19491951195519591961
Score 11,5 %6,6 %12,5 %13,5 %13,8 %
SiĂšges 148151717

Dans les annĂ©es 1960, le discours devient plus policĂ©, surtout aprĂšs le dĂ©part du pouvoir de Ben Gourion en 1963, dont son biographe, Michel Bar-Zohar a pu Ă©crire qu’il « sait haĂŻr, avec tĂ©nacitĂ©, avec passion, jusqu’au bout. Sa haine contre les Etzel (Irgoun) et son chef, Begin, est tenace »[94].

En 1965, le Herout s’allie avec le parti LibĂ©ral israĂ©lien, hĂ©ritier des sionistes gĂ©nĂ©raux. Le vieux mouvement centriste, alliĂ© historique des socialistes, s’est dĂ©tachĂ© d’eux en 1955. Ensemble, le Herout et le parti LibĂ©ral forment la coalition Ă©lectorale Gahal. La prĂ©sence des libĂ©raux donne une image plus modĂ©rĂ©e Ă  la droite israĂ©lienne.

La nouvelle alliance obtient de bons rĂ©sultats Ă©lectoraux, et s’affirme comme la premiĂšre force d’opposition.

En 1967, c’est la guerre des Six Jours. Peu avant celle-ci, le Premier ministre socialiste, Levi Eshkol, qui n’a pas la mĂȘme hostilitĂ© pour Menahem Begin que David Ben Gourion, invite le Herout Ă  participer Ă  la coalition gouvernementale. Le Herout accepte, et reste au gouvernement jusqu’en 1970, obtenant ainsi une respectabilitĂ© nouvelle. Il quitte le gouvernement par hostilitĂ© au plan de paix amĂ©ricain, dit plan Rogers, que le gouvernement israĂ©lien n’avait pas rejetĂ©.

En juin 1977, le Likoud remporte les Ă©lections, et Menahem Begin devient premier ministre. ConformĂ©ment Ă  l’idĂ©ologie nationaliste traditionnelle du mouvement rĂ©visionniste depuis sa crĂ©ation en 1925, les hĂ©ritiers de l’Irgoun lancent un programme d’implantations juives de grande envergure Ă  JĂ©rusalem-Est, dans le Golan et dans les territoires palestiniens (Gaza et Cisjordanie) occupĂ©s aprĂšs la guerre des Six Jours, afin de faire coĂŻncider les frontiĂšres de l’État d’IsraĂ«l et celles voulues par les partisans politiques d’Eretz Israel. La Jordanie, dont la lĂ©gitimitĂ© en tant qu’État arabe implantĂ© sur la partie orientale d’Eretz Israel a Ă©tĂ© longtemps contestĂ©e par les partisans du " Grand IsraĂ«l ", n’est cependant Ă  ce stade plus remise en cause, impliquant une rĂ©vision de fait de la dĂ©finition territoriale d’Eretz Israel dĂ©fendue par l’Irgoun.

Annexes

Autour de l'Irgoun

Un attentat préparé par l'Irgoun est mentionné dans la version initiale de Tintin au pays de l'or noir parue en 1951 mais commencée en 1939. Il a été supprimé des versions ultérieures, mais est souvent montré à l'occasion des expositions Tintin en compagnie d'autres curiosités historiques. Dans l'album Tintin est confondu par des membres de l'Irgoun - quand ils l'aperçoivent à distance, prisonnier des Anglais- avec un de leurs dirigeants, Salomon Goldstein porteur comme lui d'une houppe. Ils décident de le faire libérer par la force mais les Arabes intéressés également par l'homme kidnappent à leur tour Tintin par erreur.

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

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  19. Seule une petite partie des fusils parvient en Palestine, du fait de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne.
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  28. DĂ©claration d’un responsable du parti rĂ©visionniste mentionnĂ©e dans Histoire de la droite israĂ©lienne, p. 173.
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  38. Selon la présentation que fait Nathan Yalin Mor de ses discussions avec Stern dans son livre, Israël, Israël, Histoire du Groupe Stern, 1940-1948, p. 91-92. Cité dans Palestine 47, un partage avorté.
  39. Shamir avait connaissance de ces tentatives, et ne semble pas s’y ĂȘtre opposĂ©. AprĂšs la guerre, il dĂ©clarera cependant qu’il n’y avait pas Ă©tĂ© favorable. En toute hypothĂšse, il n’était encore Ă  l’époque qu’un cadre intermĂ©diaire de la nouvelle organisation, sans poids dĂ©cisionnel marquĂ©.
  40. Yaïr était le pseudonyme de Avraham Stern dans la clandestinité. De façon révélatrice, ce pseudonyme venait du commandant de la place forte de Massada, au Ier siÚcle de notre Úre, qui préféra organiser son suicide et celui des défenseurs, plutÎt que de se rendre aux Romains.
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