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État juif

L’État juif est le terme utilisĂ© par l'ONU dans sa rĂ©solution du 29 novembre 1947 pour dĂ©signer un des deux États Ă  crĂ©er en Palestine, terme repris par l’État d’IsraĂ«l pour se qualifier dans sa dĂ©claration d’indĂ©pendance, l'autre Ă©tant l'État arabe.

Theodor Herzl se penchant sur le balcon de l'hĂŽtel des Trois Rois Ă  BĂąle, en Suisse, peut-ĂȘtre lors de la sixiĂšme confĂ©rence sioniste.

Cette notion se traduit au niveau symbolique par la date apposĂ©e sur la dĂ©claration mĂȘme (le 5 iyar 5708 du calendrier hĂ©braĂŻque et non le du calendrier grĂ©gorien) et, au niveau pratique, par de nombreuses institutions et lois dont celle du retour, votĂ©e par la Knesset le et Ă©nonçant que « Tout Juif a le droit de venir dans ce pays en tant que oleh »[1].

Elle a suscitĂ© de nombreux dĂ©bats internes et externes Ă  la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne. Dans les premiĂšres dĂ©cennies suivant la crĂ©ation de l’État d’IsraĂ«l et du fait de la complexitĂ© du fait juif, la question s’est posĂ©e de savoir si l’« Ă‰tat juif Â» devait ĂȘtre un État laĂŻc dont les membres se trouvent ĂȘtre d’ascendance juive ou un État dont la constitution se conformerait aux prescriptions du judaĂŻsme. Plus rĂ©cemment et dans un autre contexte, la notion est rĂ©apparue lors des nĂ©gociations entre IsraĂ©liens et Palestiniens, avec pour enjeu la reconnaissance par ces derniers du droit pour les Juifs de rĂ©sider sur cette aire gĂ©ographique parce que Juifs, puis en 2018 lors de la discussion de la loi IsraĂ«l, État-nation du peuple juif.

Fondation du sionisme : Der Judenstaat

En 1896, ThĂ©odor Herzl publie un ouvrage souvent considĂ©rĂ© comme fondateur du sionisme et intitulĂ© Der Judenstaat. Traduit en français, ce titre aurait dĂ» devenir L'État des Juifs mais Herzl semble lui avoir prĂ©fĂ©rĂ© celui de L'État juif[2] et il est Ă©galement traduit par The Jewish State en anglais.

Fondation de l'État d'IsraĂ«l comme État juif

DĂšs la fin du XIXe siĂšcle, un courant important au sein des communautĂ©s juives mondiales, le sionisme, revendique l'auto-dĂ©termination et la fondation d'un État juif en Palestine. En 1917, les Britanniques, par l'intermĂ©diaire de la DĂ©claration Balfour annoncent leur soutien officiel au projet. Ils sont suivis en 1923 par la SociĂ©tĂ© des Nations qui leur donne un mandat en Palestine pour y favoriser l'immigration juive et la mise en place d'un « foyer national juif »[3].

La population arabe de Palestine s'oppose toutefois Ă  ce projet avec une violence croissante qui finit par le mettre en pĂ©ril Ă  la veille de la Seconde Guerre mondiale avec la proclamation du Livre blanc de 1939 qui limite drastiquement l'immigration juive et qui promet la crĂ©ation d'un État arabe indĂ©pendant avant 10 ans. En rĂ©ponse, en 1941, lors de la ConfĂ©rence de Biltmore, le mouvement sioniste rĂ©clame un État sur toute la Palestine.

À la suite du drame de la Shoah au cours de la Seconde Guerre mondiale et de la rĂ©volte juive en Palestine oĂč les Juifs entrent en insurrection contre les Britanniques qui finissent par abandonner leur Mandat, l'ONU vote le 29 novembre 1947 le Plan de partage de la Palestine qui demande la crĂ©ation d'un État juif et d'un État arabe tout en faisant de JĂ©rusalem et de ses environs un corpus separatum sous juridiction internationale[4].

Le 14 mai 1948, le Mandat britannique s'achĂšve officiellement et IsraĂ«l dĂ©clare son indĂ©pendance[5] pour proclamer la naissance de « l'État juif dans le pays d'IsraĂ«l, qui portera le nom d'État d'IsraĂ«l ». La dĂ©claration d'indĂ©pendance ne dĂ©finit toutefois pas en quoi consiste un État juif ni quelles seront ses frontiĂšres et n'a pas valeur de loi fondamentale pour l'État d'IsraĂ«l.

Proclamation de l'État d'IsraĂ«l comme État-nation du peuple juif

Le 19 juillet 2018, le Parlement israĂ©lien a adoptĂ© une loi proclamant IsraĂ«l comme « Ă‰tat-nation du peuple juif Â», avec l'hĂ©breu comme seule langue officielle et JĂ©rusalem unifiĂ©e comme capitale. Les implantations juives sur le territoire israĂ©lien sont considĂ©rĂ©es comme relevant de l'intĂ©rĂȘt national[6].

DĂ©finitions de l'État juif

Pour Theodor Herzl, l'État des Juifs est un État pour les Juifs : « Les Juifs qui le veulent auront leur État »[7]. Il rejette absolument l'idĂ©e de thĂ©ocratie : « Finirons-nous par avoir une thĂ©ocratie ? Non, vraiment. La foi nous unit, la science nous donne la libertĂ©. [...] Nous garderons nos prĂȘtres dans l'enceinte de leurs temples de mĂȘme que nous garderons notre armĂ©e professionnelle dans l'enceinte de ses casernes. »[8]

Le caractĂšre juif de l'État d'IsraĂ«l est fondĂ© sur deux types de lois : le droit de tout Juif Ă  s'Ă©tablir en IsraĂ«l (loi du Retour)[Note 1] et l'adoption, par l'État d'IsraĂ«l, de lois permettant le respect des prescriptions religieuses. Ainsi, le Dictionnaire encyclopĂ©dique du judaisme[9] dĂ©finit le caractĂšre juif de l'État d'IsraĂ«l : « On promulgua des lois qui garantissaient le respect des lois alimentaires, l'observance du chabbat et des fĂȘtes religieuses dans tous les secteurs de la vie publique. Le jour du chabbat et les jours de fĂȘte, le travail ne peut continuer que dans les usines, les industries et les services qui touchent Ă  la santĂ© et Ă  la sĂ©curitĂ©[...]. Les tribunaux rabbiniques exercent une juridiction exclusive dans le domaine du statut personnel des individus, mariage et divorce Ă©tant rĂ©glĂ©s par la Halakha pour la population juive. [...] Du point de vue civile et religieux, et par rapport Ă  la loi du retour, on dĂ©finit par principe mais de maniĂšre Ă©quivoque le statut de Juif en se rĂ©fĂ©rant Ă  la Halakha : est donc juif toute personne nĂ©e de mĂšre juive ou convertie au judaĂŻsme. [...] Un systĂšme d'Ă©ducation religieuse reconnue par l'Ă©tatisme et rĂ©gi par les rĂšgles de l'orthodoxie cohabite avec le systĂšme scolaire national. [...] »

Ces deux faces du caractĂšre juif de l'État d'IsraĂ«l se retrouvent en tout ou partie dans les dĂ©finitions qu'en ont donnĂ©es quelques ouvrages :

  • Pour Élie Barnavi, le « rassemblement des exilĂ©s Â» qui marque les premiĂšres annĂ©es de l'État d'IsraĂ«l (et qui est actĂ© par la Loi du retour) est « conforme [...] Ă  la raison d'ĂȘtre de l'État "juif" Â»[10].
  • L'encyclopĂ©die Larousse dĂ©finit ainsi l'État juif[11] : « DĂšs le dĂ©part, IsraĂ«l s'est dĂ©fini comme un État juif, devant donc assurer, Ă  travers ses institutions, un projet de vie collective juive. MĂȘme si le contenu prĂ©cis de cette identitĂ© nationale n'a jamais Ă©tĂ© clairement dĂ©terminĂ©, le caractĂšre juif de l'État impliquait que le droit de la famille et l'espace public Ă©taient partiellement rĂ©gis par une lĂ©gislation d'origine religieuse. D'oĂč l'adoption d'une sĂ©rie de lois rĂ©glementant le respect du shabbat, la distribution de nourriture kasher dans les cantines publiques, l'Ă©levage et la commercialisation de porc
 et attribuant la gestion des mariages et des divorces aux seules autoritĂ©s religieuses[...].
    Deux mouvements contradictoires traversent la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne amenant les uns Ă  prĂŽner un État selon la Torah et les autres Ă  se faire les avocats d'un IsraĂ«l post-sioniste. Entre les deux pĂŽles il existe toutefois un vaste conglomĂ©rat « centriste » de personnes attachĂ©es Ă  la nature hybride de l'État d'IsraĂ«l comme État juif et dĂ©mocratique. La bipartition politique de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne (en particulier autour de la question dĂ©terminante du processus de paix) entretient une polarisation croissante entre un courant « normalisateur » (regroupant les laĂŻcs de toute obĂ©dience) et un courant « identitariste » (allant des ultraorthodoxes aux traditionalistes). »
  • L'Encyclopedia Britannica dĂ©finit l'État juif dans la continuitĂ© de l'ancien royaume de JudĂ©e[12] : « L'État d'IsraĂ«l est le premier État juif depuis deux millĂ©naires. Il symbolise pour les Juifs la restauration de leur patrie aprĂšs la dispersion de plusieurs siĂšcles qui avait suivi la chute du royaume hĂ©rodien au Ier siĂšcle de l'Ăšre commune. En tant que tel, il reste un foyer d'une large immigration juive et plus d'un tiers de la population juive mondiale y vit aujourd'hui. »
  • Quant Ă  Raymond Aron, il Ă©voque un point de rĂ©fĂ©rence pour les Juifs du monde entier, quelle que soit leur foi : « IsraĂ«l est un État juif qui a une signification particuliĂšre pour le destin collectif des Juifs : Sur le plan de l'histoire profane, l'État d'IsraĂ«l reprĂ©sente pour tous les Juifs un grand Ă©vĂ©nement. Il ne peut pas ne pas Ă©veiller en nous tous de sentiments forts. Un Juif, mĂȘme s'il a perdu la foi, ne peut pas ĂȘtre indiffĂ©rent au destin d'IsraĂ«l. »[13].

Le débat dans la communauté internationale

Le vote de 1947

Le partage et la crĂ©ation des deux États (État juif, État arabe et zone de JĂ©rusalem sous administration internationale), furent votĂ©s par l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies par 33 voix pour et 13 contre, avec 10 abstentions[14].

Ont votĂ© pour : États-Unis d’AmĂ©rique, Australie, Belgique, Bolivie, BrĂ©sil, RĂ©publique socialiste soviĂ©tique de BiĂ©lorussie, Canada, Costa Rica, Danemark, RĂ©publique dominicaine, Équateur, France, Guatemala, HaĂŻti, Islande, LibĂ©ria, Luxembourg, Pays-Bas, Nouvelle-ZĂ©lande, Nicaragua, NorvĂšge, Panama, Paraguay, PĂ©rou, Philippines, RĂ©publique populaire de Pologne, SuĂšde, TchĂ©coslovaquie, RĂ©publique socialiste soviĂ©tique d’Ukraine, Union sud-africaine, URSS, Uruguay et Venezuela.

Ont votĂ© contre : Afghanistan, Arabie saoudite, Cuba, Égypte, Empire d'Éthiopie, GrĂšce, Inde, Iran, Irak, Liban, Pakistan, Syrie, Turquie, et YĂ©men.

Se sont abstenus : Argentine, Chili, Chine, Colombie, Salvador, Honduras, Mexique, Royaume-Uni, Yougoslavie.

Le débat lié aux négociations israélo-palestiniennes

Le 12 octobre 2010 le gouvernement israĂ©lien s'est prononcĂ© en faveur d'un projet de loi qui exigerait en cas d'adoption que tout candidat Ă  la citoyennetĂ© israĂ©lienne promette loyautĂ© « Ă  l'État juif et dĂ©mocratique d'IsraĂ«l »[15]. SimultanĂ©ment, le gouvernement israĂ©lien exige comme condition prĂ©alable Ă  la reprise des nĂ©gociations de paix, que les Palestiniens reconnaissent IsraĂ«l, comme "État juif"[16]. Cela amĂšne les diffĂ©rentes diplomaties s'engageant dans la rĂ©solution du conflit israĂ©lo-palestinien Ă  se prononcer sur le sujet.

Ainsi pour Alain JuppĂ©, ministre français des Affaires Ă©trangĂšres, « la mention d’un “État juif” peut poser problĂšme » car il y a des Arabes en IsraĂ«l et que notre vision des États « ne se rĂ©fĂšre pas Ă  l’appartenance Ă  une religion Â»[17]. Alain JuppĂ© ajoute, deux jours plus tard[18] : « La France a une position trĂšs claire qui rejoint Ă©videmment celle de l’Espagne et de l’ensemble de nos partenaires europĂ©ens : c’est qu’il n’y aura pas de solution au conflit du Proche-Orient sans reconnaissance de deux États-nations pour deux peuples. L’État-nation d’IsraĂ«l pour le peuple juif, l’État-nation de Palestine pour le peuple palestinien ». Cette dĂ©claration est saluĂ©e en IsraĂ«l comme un tournant positif de la diplomatie française[19]. Selon des officiels israĂ©liens, la responsable de la politique Ă©trangĂšre europĂ©enne, Catherine Ashton est, elle, catĂ©goriquement opposĂ©e Ă  toute mention d'IsraĂ«l en tant qu'État juif. Elle serait suivie dans cette voie par la Grande-Bretagne, Irlande, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, la SlovĂ©nie, l’Autriche et le Luxembourg. En revanche, cette notion serait acceptĂ©e par l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, l'Italie, la Roumanie, la Pologne et la RĂ©publique tchĂšque[20].

Cette position est critiquĂ©e par certains IsraĂ©liens souvent d'extrĂȘme-gauche comme Shlomo Sand et Uri Avnery et en France par Alain Gresh et la Ligue des droits de l'Homme sur trois points :

  1. Shlomo Sand considĂšre que cette dĂ©finition ethno-religieuse de l'État d'IsraĂ«l n'est pas acceptable car « le principe de l’État juif tend Ă  signifier que celui-ci est, avant tout, l’apanage historique des communautĂ©s juives dans le monde. Il suffit, en effet, qu’un Juif foule du pied le sol de l’État d’IsraĂ«l pour bĂ©nĂ©ficier automatiquement du droit d’en devenir citoyen »[21] - [Note 2]. Pour Alain Gresh[22], si la France acceptait cette dĂ©finition ethnique et religieuse de l'État d’IsraĂ«l, pourrait-elle continuer Ă  critiquer, comme elle le fait le gouvernement hongrois qui souhaite faire de la Hongrie l’État-nation des seuls Hongrois ou bien les nationalistes Serbes qui souhaitent faire de la Serbie l’État-nation des Serbes au risque de dĂ©lĂ©gitimer les minoritĂ©s croate et hongroise de Serbie[23].
  2. Pour Uri Avnery, le concept de nation juive est « vague » : « Quel pays reprĂ©sente l’ambassadeur juif du Royaume-Uni en IsraĂ«l ?»[24].
  3. La Ligue des droits de l'Homme craint que cela soit prĂ©texte Ă  un renouveau de l’antisĂ©mitisme[25]

Si les États-Unis poussent pour la reconnaissance d'IsraĂ«l comme État juif[26], d'autres membres europĂ©ens du Quartet s'opposent Ă  cette notion d'État juif ainsi, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres russe, SergueĂŻ Lavrov a refusĂ© de faire figurer dans le communiquĂ© la notion d'IsraĂ«l comme “État juif et dĂ©mocratique”[27].

Selon Le Canard enchaĂźnĂ©, en septembre 2011, Ă  son retour de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l’ONU, le prĂ©sident français, souhaitant clarifier la position du gouvernement français, aurait dĂ©clarĂ© : « Il est ridicule de parler d’un État juif. Ce serait comme dire que ce tableau est catholique. Il y a deux millions d’Arabes, en IsraĂ«l ». Plus officiellement, le prĂ©sident français Nicolas Sarkozy, interrogĂ© lors d'une interview en octobre 2011 sur l'exigence d'IsraĂ«l d'ĂȘtre reconnu comme un État juif, a rĂ©pondu : « Je dĂ©fends l'idĂ©e de deux États nations. Un État juif n'a pas de signification parce qu'un État n'est pas juif ou catholique. État du peuple juif, c'est une discussion qu'on peut avoir, mais État juif, ça n'a pas beaucoup de sens »[28]. Au sein de l'opposition socialiste, la position semble moins claire. Si Martine Aubry a fait des dĂ©clarations nĂ©gatives quant au caractĂšre juif d’IsraĂ«l, François Hollande, lui,ne s'est pas exprimĂ© sur le sujet[29].

Position des pays arabes

Comme il est indiquĂ© plus haut, tous les pays arabes reprĂ©sentĂ©s Ă  l'ONU en 1947 ont votĂ© contre le plan de partage de la Palestine et donc contre la crĂ©ation de l'État juif. Il s'agit de l'Arabie saoudite, de l'Égypte, de l'Irak, du Liban, de la Syrie et du YĂ©men.

Autorité palestinienne

Selon MEMRI repris par des organes de presse[30], le prĂ©sident de l'AutoritĂ© palestinienne, Mahmoud Abbas aurait dĂ©clarĂ© le 23 octobre 2011 : « Je ne reconnaĂźtrai jamais la judaĂŻtĂ© de l'État [d'IsraĂ«l] et ne reconnaĂźtrai jamais un État juif. Â»

Le débat interne à la communauté juive

L’ambigĂŒitĂ© du terme Judenstaat nourrit un dĂ©bat permanent en IsraĂ«l sur le caractĂšre de l’État : doit-il ĂȘtre un État juif, fondĂ© sur la Bible, la loi et la culture juive, promouvant le judaĂŻsme dans l’éducation, appliquant l’observance de la cacheroute et du shabbat et dont la culture serait juive, ou bien l’État des Juifs, semblable Ă  la plupart des autres États, strictement laĂŻc mais avec cette particularitĂ© qu’il garantirait un asile aux Juifs, quel que soit leur degrĂ© d’observance religieuse ou d’affiliation culturelle ?
Ce dĂ©bat reflĂšte une division historique dans le sionisme et parmi les citoyens juifs d’IsraĂ«l, composĂ© d’une large frange de laĂŻcs, de minoritĂ©s traditionnelles ou orthodoxes et d’une grande majoritĂ© situĂ©e Ă  mi-chemin de ces deux pĂŽles.

Le sionisme laĂŻc, qui est le courant historiquement dominant et celui auquel adhĂ©rait Theodor Herzl, s’enracine dans le concept des Juifs en tant que peuple, et dans celui de la loi internationale telle que bĂątie sur l’auto-dĂ©termination des peuples Ă  travers la structure de nation-État.

Une partie de la communautĂ© juive qui ne se reconnaĂźt pas dans les thĂšses sionistes, estime que l'État d'IsraĂ«l doit abandonner son caractĂšre spĂ©cifiquement juif et mettre tous ses citoyens sur un pied d'Ă©galitĂ©, quelles que soient leurs origines ethniques ou religieuses.

Une autre raison en faveur du caractĂšre juif de l'État d'IsraĂ«l[Note 3] Ă©tait d’avoir un État oĂč les Juifs n’auraient rien Ă  craindre de l’antisĂ©mitisme et pourraient vivre en paix, bien qu’une telle raison ne soit pas obligatoire pour le droit Ă  l’auto-dĂ©termination et dĂšs lors subsidiaire dans la pensĂ©e sioniste laĂŻque.

Les sionistes religieux, qui considĂšrent que les croyances religieuses et les pratiques traditionnelles sont centrales dans la notion de peuple juif, considĂšrent que l’assimilation Ă  une « nation [laĂŻque] comme une autre Â» serait une oxymore, qui nuirait au peuple juif plus qu’elle ne l’aiderait. Leur but serait donc d’établir ce qu’ils considĂ©reraient comme un « authentique commonwealth juif » qui prĂ©serverait et encouragerait l’hĂ©ritage juif[31]. Établissant une analogie avec les Juifs de la diaspora qui se sont assimilĂ©s dans d’autres cultures et ont abandonnĂ© la culture juive, de grĂ© ou de force, les sionistes religieux soutiennent que la crĂ©ation d’un État d’IsraĂ«l laĂŻc ouvrirait la voie Ă  l’assimilation en masse des Juifs, et signerait l’anathĂšme de ce qu’ils considĂšrent comme les aspirations nationales juives. Le sionisme Ă©tant enracinĂ© dans le concept des Juifs comme nation, ils considĂšrent qu’IsraĂ«l a le devoir de promouvoir le judaĂŻsme, d’ĂȘtre le centre de la culture juive et de sa population, voire le seul reprĂ©sentant lĂ©gitime des Juifs dans le monde.

Notes

  1. La loi du retour est un peu semblable à celles qui s'appliquent en Allemagne aux personnes de souche allemande. Voir Roger Comtet, « Jean-François Bourret, les Allemands de la Volga : histoire culturelle d'une minorité, 1763-1941 », sur Persée,
  2. Shlomo Sand fait allusion à la loi du retour qui permet à tout Juif de venir s'établir en Israël. Votée en 1950, elle a effectivement permis à de nombreux Juifs d'Europe, des pays arabes ou d'Union soviétique de s'établir en Israël.
  3. Cette raison est la premiĂšre avancĂ©e par Herzl : « Le monde rĂ©sonne des clameurs contre les Juifs, et ces cris ont rĂ©veillĂ© l'idĂ©e endormie. Â» (la restauration d'un État pour les Juifs). Voir The Jewish State

Références

  1. Le texte de la Loi du Retour (en)
  2. Richard Abitbol, « IsraĂ«l, État juif, État du peuple juif ou État du peuple israĂ©lien ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  3. (en) Martin Sicker, Reshaping Palestine: from Muhammad Ali to the British Mandate, 1831-1922, Greenwood Publishing Group, 1999, p. 164-165.
  4. « Résolution adoptée sur le rapport de la commission ad hoc chargée de la question palestinienne », sur Organisation des Nations Unies,
  5. dĂ©claration d'indĂ©pendance de l'État d'IsraĂ«l (sur Wikisource)
  6. « Compte-rendu d'ouvrage : Theodor Herzl, L'État des Juifs, Vienne, Max Breitenstein, Paris, La DĂ©couverte, 1989 », sur Institut europĂ©en en sciences des religions
  7. (en) The Jewish State by Theodor Herzl (en anglais) sur le Project Gutenberg
  8. sous la direction de Geoffrey Wigoder (trad. de l'anglais), Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, éditions du Cerf, , 1771 p. (ISBN 2-204-04541-1), page 558
  9. Élie Barnavi, Histoire universelle des Juifs, Hachette, 1992, page 254
  10. « Article Israël », sur Encyclopédie Larousse
  11. (en) « Article Israel, chapitre History »
  12. Alain Dieckhoff, « Raymond Aron - Essais sur la condition juive contemporaine. Textes réunis et annotés par Perrine Simon-Nahum. », sur Persée, Revue française de science politique, 1989, vol. 39, n° 6, pp. 907-909 (consulté le )
  13. « The Avalon Project at Yale Law School - United Nations General Assembly Resolution 181 », sur Yale Law School
  14. L'Express du 12 octobre 2010
  15. Libération, 12 octobre 2010
  16. ConfĂ©rence de presse du ministre d'État, ministre des Affaires Ă©trangĂšres et europĂ©ennes, Alain JuppĂ© 18 juillet 2011
  17. Alain JuppĂ© : "Pas de solution sans reconnaissance de deux États-nations", 20 juillet 2011
  18. J’lem greets French edict on Israel as Jewish state Jerusalem Post, le 27 juillet 2011
  19. Contentions Sarkozy Breaks a European Taboo on Jewish State
  20. Lettre ouverte de Shlomo Sand Ă  Alain JuppĂ© : IsraĂ«l ne peut ĂȘtre rĂ©duit Ă  un État juif
  21. http://iledere.parti-socialiste.fr/2011/05/07/un-seul-etat-pour-deux-reves/ Analyse plus complet d'Alain Gresh sur les problĂ©matique de L'État juif
  22. IsraĂ«l, État juif ? Doutes français, par Alain Gresh (Monde diplomatique)
  23. À propos de l'État Juif par Uri Avnery
  24. http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4457
  25. Le Quartet bute sur le statut juif ou non d'Israël, 26 septembre 2011
  26. (en) Barak Ravid, « Mideast Quartet talks failed due to disagreement over Israël as Jewish state », sur Haaretz,
  27. « France : «Un "État juif" n'a pas de signification» - Nicolas Sarkozy », AFP,
  28. http://fr.ejpress.org/article/42146
  29. (en) « Palestinian prez caught saying he will never recognize a ‘Jewish State’ of Israel », sur New York Daily News,
  30. Ahavat Israel

Bibliographie

  • Theodor Herzl (trad. Claude Klein), L'État des Juifs : de l'État des Juifs Ă  l'État d'IsraĂ«l, Paris, La DĂ©couverte, , 176 p. (ISBN 978-2-7071-5407-1)
  • Yoram Hazony (trad. de l'anglais par Claire Darmon), L'État juif : sionisme, postsionisme et destins d'IsraĂ«l, Paris/Tel-Aviv, Éditions de l'Ă©clat, , 478 p. (ISBN 978-2-84162-142-2, lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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