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Massada

Massada (Ă©crit avec ss ou avec s, vient de l'hĂ©breu ŚžŚŠŚ“Ś”, metsada, « forteresse ») est un site constituĂ© de plusieurs palais et de fortifications antiques perchĂ©s sur un socle de calcaire, situĂ© en IsraĂ«l au sommet d’une montagne isolĂ©e sur la pente est du dĂ©sert de JudĂ©e.

Massada
Image illustrative de l’article Massada
Vue aérienne de Massada.
Localisation
Pays Drapeau d’IsraĂ«l IsraĂ«l
Judée
CoordonnĂ©es 31° 18â€Č 56″ nord, 35° 21â€Č 13″ est
Géolocalisation sur la carte : Israël
(Voir situation sur carte : Israël)
Massada
Massada
Massada *
Pays Drapeau d’IsraĂ«l IsraĂ«l
Subdivision RĂ©gion de Tamar
Type Culturel
CritĂšres (iii) (iv) (vi)
Superficie 276 ha
Zone tampon 28 965 ha
Numéro
d’identification
1040
Zone géographique Europe et Amérique du Nord **
AnnĂ©e d’inscription 2001 (25e session)
Image illustrative de l’article Massada
* Descriptif officiel UNESCO
** Classification UNESCO

Les falaises du cĂŽtĂ© est, qui surplombent la mer Morte, sont hautes d’environ 450 mĂštres ; Ă  l'ouest elles dominent la vallĂ©e d'une centaine de mĂštres. L’accĂšs pĂ©destre au site est difficile. Il s'agit d'une mesa, plateau pratiquement plat qui s'Ă©tend sur une quinzaine d'hectares flanquĂ© de falaises abruptes. Il a la forme d’un triangle d’environ 600 mĂštres sur 300. Une muraille de pierres blanches, d'une hauteur de 5,3 mĂštres pour une Ă©paisseur de 3,6 mĂštres, Ă©tait Ă©quipĂ©e de 37 tours hautes de 22 mĂštres d'oĂč l'on pouvait passer dans des habitations construites sur toute la face intĂ©rieure du mur. L'enceinte courait sur une longueur de 1 300 mĂštres et verrouillait le sommet du plateau. La forteresse comprenait un palais tournĂ© vers le nord, situĂ© sous les remparts de la citadelle. Le mur du palais Ă©tait haut et solide ; il Ă©tait flanquĂ© aux angles de quatre tours de 26,6 mĂštres de haut. À l'intĂ©rieur, la disposition des appartements, des portiques et des bains tĂ©moignait du luxe et de la variĂ©tĂ© des styles ; partout s'Ă©levaient des colonnes monolithes : les murs et le pavĂ© des appartements Ă©taient revĂȘtus de mosaĂŻques aux couleurs variĂ©es. Au palais, HĂ©rode avait fait ajouter dans la forteresse, des entrepĂŽts, des citernes en grand nombre alimentĂ©es Ă  dos d'animaux, des casernes et une armurerie. Deux chemins, Ă©troits et sinueux, s’élevaient depuis les flancs jusqu’aux portes fortifiĂ©es du site.

Histoire

À l’origine, Massada ou Masada Ă©tait une simple garnison fortifiĂ©e par les premiers princes hasmonĂ©ens. Selon Flavius JosĂšphe, un historiographe juif du Ier siĂšcle, HĂ©rode le Grand amĂ©nagea la forteresse en trois Ă©tapes successives de travaux, entre 37 et 15 av. J.-C. comme refuge contre d’éventuelles rĂ©voltes intĂ©rieures et menaces d’invasion Ă©gyptienne. En 66, au dĂ©but de la Grande RĂ©volte contre les Romains, un groupe de rebelles juifs, les Sicaires du parti nommĂ© zĂ©lotes, prirent Massada Ă  la garnison romaine qui y Ă©tait stationnĂ©e. En 70, ils furent rejoints par d’autres Juifs et leurs familles expulsĂ©s de JĂ©rusalem lorsque la ville fut prise par les Romains.

SiĂšge de Massada

Pendant les trois années suivantes, ils utilisÚrent Massada comme base pour se défendre contre les Romains.

Les restes d'un des huit camps romains, situé versant ouest.

En 72, un lĂ©gat, le gĂ©nĂ©ral commandant l’armĂ©e romaine de JudĂ©e, Lucius Flavius Silva, marcha sur Massada avec la LĂ©gion X Fretensis et six cohortes auxiliaires pour faire le siĂšge de la forteresse. Les lĂ©gionnaires construisirent un mur d’encerclement (mur de circonvallation de trois kilomĂštres de long), puis Ă©rigĂšrent huit camps et enfin une gigantesque rampe d'accĂšs de 100 m de haut contre la face ouest du plateau, avec des milliers de tonnes de pierres, de terre battue et de troncs d’arbres : un exploit technique. Flavius JosĂšphe ne signale aucune tentative importante de contre-attaque des Sicaires pendant la construction. Les Sicaires Ă©taient sĂ»rs que la forteresse serait imprenable, car ils possĂ©daient les armes prises Ă  l’ancienne garnison romaine, de l'eau en quantitĂ© dans des citernes creusĂ©es dans la falaise (des canaux reliant les citernes creusĂ©es sous HĂ©rode alimentaient un systĂšme d'irrigation complexe permettant la culture de vignes, d'oliviers donnant une huile trĂšs fine, de fruits — dattes, grenades — et de cĂ©rĂ©ales)[1] et beaucoup de vivres dans les entrepĂŽts de la forteresse. On raconte aussi que lors de la construction de cette rampe, les Romains utilisĂšrent des prisonniers hĂ©breux afin d'Ă©viter les attaques des Sicaires, ceux-ci ne pouvant se rĂ©soudre Ă  tuer leurs frĂšres pour leur survie. La forteresse avait Ă©tĂ© conçue pour soutenir un long siĂšge. Environ 8 000 Romains encerclaient un millier de rebelles. La gĂ©ographie des lieux, le dĂ©sert, rendaient impossible toute fuite.

La rampe fut achevĂ©e au printemps 73, aprĂšs environ sept mois de siĂšge, ce qui permit aux Romains d’enfoncer la muraille de la forteresse avec un bĂ©lier montĂ© sur une tour mobile. Mais quand les lĂ©gionnaires pĂ©nĂ©trĂšrent dans la forteresse le [2], ils dĂ©couvrirent que les dĂ©fenseurs avaient mis le feu Ă  tous les bĂątiments, Ă  l’exception des entrepĂŽts de nourriture, et qu’ils s’étaient suicidĂ©s en masse plutĂŽt que d'affronter une capture ou une dĂ©faite certaine. Les entrepĂŽts avaient probablement Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s pour montrer que les dĂ©fenseurs avaient gardĂ© la capacitĂ© de vivre et de choisir l’heure de leur mort. Le rĂ©cit du suicide collectif semble avoir Ă©tĂ© rapportĂ© Ă  Flavius JosĂšphe par deux femmes qui ont Ă©chappĂ© au suicide en se cachant dans une citerne avec leurs cinq enfants.

Flavius JosĂšphe dĂ©crit les Sicaires comme des fanatiques violents et ne fait pas un portrait flatteur de ces hommes. Il reconstruit le discours du chef, Elazar ben Ya’ir (dont un sur l’immortalitĂ© de l’ñme), expliquant les motivations de ce suicide collectif, mais, en tant que Juif, il reste perplexe devant un tel acte.

Remise en cause et survivance du mythe

À la suite des rĂ©centes dĂ©couvertes archĂ©ologiques, certains historiens ne croient plus qu’un suicide en masse ait Ă©tĂ© organisĂ© Ă  Massada, bien qu’ils admettent gĂ©nĂ©ralement que les dĂ©fenseurs de Massada ont mis le feu aux bĂątiments quand les murailles ont Ă©tĂ© enfoncĂ©es, et qu'il est vraisemblable que beaucoup d’entre eux se sont tuĂ©s. NĂ©anmoins, le siĂšge de Massada est devenu un rĂ©cit populaire illustrant l’hĂ©roĂŻsme face Ă  l’oppression, et les dĂ©tails les plus douteux du comportement des Sicaires sont dĂ©sormais souvent relativisĂ©s.

De nos jours, c'est sur cet Ă©peron rocheux que les officiers israĂ©liens de l'armĂ©e blindĂ©e viennent prĂȘter serment ou que les pilotes de chasse de Tsahal se voient solennellement remettre leur insigne et qu'a lieu la prestation de serment de diverses troupes de Tsahal, dont les parachutistes. C'est lĂ  qu'ils rĂ©pĂštent, avec leur promotion, les vers du cĂ©lĂšbre poĂšme Ă©pique composĂ© par Yitzhak Lamdan (en), Massada, publiĂ© en 1927, si cher aux pionniers du sionisme : « Non, la chaĂźne n'est pas rompue sur le sommet inspirĂ©. Plus jamais Massada ne tombera. »[3]

Masada est Ă©galement le nom d'un groupe de jazz crĂ©Ă© aux États-Unis par John Zorn, Joey Baron, Greg Cohen et Dave Douglas durant l'Ă©tĂ© 1993 Ă  l'occasion de la composition de la musique du film Thieves Quartet.

L'histoire du siÚge de Massada fut adaptée en 1981 sous forme de mini-série de la télévision américaine : Masada[4].

Le site aujourd’hui

Massada aujourd’hui. La partie supĂ©rieure des murets, au-dessus de la ligne noire est une reconstitution.
Vue générale. De gauche à droite : la forteresse de Massada, la rampe construite par les assaillants et l'un des camps romains.

Les fouilles

Le site de Massada a été identifié en 1842 et complÚtement fouillé de 1963 à 1965. Parmi les objets découverts se trouvaient six fragments bibliques de l'Ancien Testament. Des manuscrits avaient en effet été déposés dans des jarres rangées dans des grottes (un des indices en faveur de l'hypothÚse qu'un petit nombre d'Esséniens s'étaient réfugiés à Massada aprÚs la destruction de leur site de Qumrùn par les Romains en 68-70)[5], deux avaient été cachés dans des guenizot sous la synagogue et d'autres rassemblés par les Romains, aprÚs leur siÚge victorieux, dans une bùtisse dénommée la « casemate des rouleaux » située dans une petite cellule au sud de la synagogue[6]. L'équipe déterra aussi onze ostraka (tessons de céramique portant les noms de personnes).

Restauration et classement

Massada a Ă©tĂ© classĂ©e au patrimoine mondial par l’UNESCO en 2001. Forteresse perchĂ©e sur un socle de granit dominant le dĂ©sert, prĂšs de la mer Morte, Massada, avec ses ruines restaurĂ©es, est devenue un lieu de pĂšlerinage moderne pour les IsraĂ©liens et les touristes.

Sur les vestiges de murets court, d'un bout à l'autre du site, une large ligne noire sinueuse. Elle délimite les ruines originelles des ajouts contemporains, la plupart ayant été rehaussées de quelques rangées de pierres pour les rendre plus imposantes.

La synagogue de Massada est de nos jours, fréquentée par de nombreux pÚlerins.

Une Ă©glise byzantine en dolomite s’élĂšve quasiment au centre du site; ses murs sont d’une hauteur importante. Elle est dotĂ©e d’une abside Ă  l’extrĂ©mitĂ© orientale et d’un narthex Ă  l’ouest. À l’origine, le sol Ă©tait recouvert d’un pavement en mosaĂŻque. Des fragments subsistant des murs montrent qu’ils Ă©taient dĂ©corĂ©s de motifs en pierres colorĂ©es et tessons de poterie.

AccÚs depuis la vallée

Le téléphérique menant à la forteresse de Massada.

Un tĂ©lĂ©phĂ©rique sur le flanc est de la montagne prend maintenant en charge les touristes qui ne souhaitent pas emprunter le sentier du Serpent. La rampe romaine existe toujours sur le cĂŽtĂ© ouest et peut ĂȘtre gravie Ă  pied en une quinzaine de minutes, contre quarante par le chemin du Serpent.

Le « complexe de Massada »

La forteresse vue de l’est.

Certains évoquent de nos jours un « complexe de Massada » ou « complexe de la citadelle assiégée (en) » par analogie avec les événements de l'époque romaine, au cours desquels les défenseurs de cette forteresse isolée, entourée de troupes hostiles, préférÚrent le suicide à la reddition. L'expression désigne l'idée selon laquelle dans une perspective sioniste, Israël serait le dernier refuge à préserver à tout prix, source de comportements irrationnels[7].

Il est coutumier que les soldats de l’armĂ©e israĂ©lienne viennent y prĂȘter le serment[7]: « Massada ne tombera pas une nouvelle fois »[8] (« Chenit Matzada lo tipol, Ś©Ś Ś™ŚȘ ŚžŚŠŚ“Ś” ŚœŚ ŚȘŚ™Ś€Ś•Śœ »).

Le « complexe de Massada » est fondamentalement une attitude pathologique qui Ă©voque le rapport israĂ©lien Ă  la faiblesse (comme le « syndrome de l’Holocauste » ou le « complexe de Samson »), c’est le sentiment d’ĂȘtre en permanence Ă  la portĂ©e d’une menace grave, menaçant son existence mĂȘme.

Ce complexe s’est dĂ©veloppĂ© en rĂ©action Ă  l’impuissance des Juifs de la diaspora, synthĂ©tisĂ©e par le gĂ©nocide des Juifs par les nazis, et en Ă©cho au mythe fondateur d’IsraĂ«l : un combat imposĂ© par un adversaire rĂ©solu, puissant, intraitable et visant sa destruction.

Le mythe de Massada combine de façon ambivalente une expression de puissance (prise en main de son destin, combat dans l’adversitĂ©, transformation de son environnement), un constat de faiblesse (la menace implacable, immĂ©diate et identitaire), et une image de la dĂ©termination fondamentaliste religieuse (conserver la terre jusqu'Ă  la mort). « Massada c’est Ă  la fois la tombe des premiers guerriers juifs, les ancĂȘtres de l’actuelle puissance israĂ©lienne, la religion juive constituĂ©e comme État, et l’image de l’insĂ©curitĂ© israĂ©lienne[9]. »

Les ruines de la Citadelle furent le lieu de prestation de serment des officiers de Tsahal jusqu'à la découverte de runes qui confortent la thÚse du meurtre collectif avec un seul suicide. Cette hypothÚse va dans le sens de la précédente (les pÚres de famille tuÚrent leur famille) dix personnes exécutent la communauté et les dix tirent au sort leur assassin qui sera le seul à se suicider. Au XXIe siÚcle Massada ne suscite plus guÚre d'engouement sioniste[7].

Astronomie

Notes et références

  1. (en) Jodi Magness, Masada. From Jewish Revolt to Modern Myth, Princeton University Press, , p. 65
  2. FĂ©lix-Marie Abel, GĂ©ographie de la Palestine: GĂ©ographie politique. Les villes, J. Gabalda et Cie, 1967.
  3. A.Louyot, « La forteresse du sionisme », sur l'express,
  4. « Masada (TV Mini-Series 1981) - IMDb » [vidéo], sur imdb.com (consulté le ).
  5. (en) Jodi Magness, Masada. From Jewish Revolt to Modern Myth, Princeton University Press, , p. 179
  6. (en) Emanuel Tov, « A Qumran Origin for the Masada Non-Biblical Texts? », Dead Sea Discoveries, vol. 7, no 1,‎ , p. 57-73
  7. Catherine Saliou, Le Proche-Orient : De Pompée à Muhammad, Ier s. av. J.-C. - VIIe s. apr. J.-C., Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-9286-4, présentation en ligne), L'atelier de l'historien, « De la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours », p. 536-538.
  8. « La forteresse du sionisme », L'Express, 28 août 2002.
  9. « Massada, la puissance et la faiblesse », sur Stratégie d'Israël, (consulté le ).

Bibliographie

Ouvrages

Articles

  • (en) Shaye J. D. Cohen, « Masada: Literary Tradition, Archaeological Remains, and the Credibility of Josephus », Journal of Jewish Studies, vol. 33, nos 1-2,‎ , p. 385-406 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Pierre Vidal-Naquet, « Flavius JosĂšphe et Masada », Revue historique, vol. 260, no 527,‎ , p. 3-21 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Pierre Vidal-Naquet, « De l’Atlantide Ă  Massada. RĂ©flexion sur querelle, mythe, histoire et politique », dans Lectures politiques des mythes littĂ©raires au XXe siĂšcle, Presses universitaires de Paris Nanterre, coll. « LittĂ©rature française », (ISBN 9782821826809, lire en ligne), p. 45–66

Filmographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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