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Agoudat Israel

Agoudat Israel (en hĂ©breu : ŚŚ’Ś•Ś“ŚȘ Ś™Ś©ŚšŚŚœ , en français Union d’IsraĂ«l) est un parti politique juif fondĂ© en 1912 dans la ville polonaise de Katowice alors occupĂ©e par l'Empire allemand, comme bras politique du judaĂŻsme orthodoxe.

Agoudat Israel
Histoire
Fondation
Organisation
Président
Publication
Site web

Agoudat Israel existe de nos jours en tant que parti politique en Israël et en tant que mouvement international sous la dénomination World Agudath Israel (en). L'Agoudat s'oppose aux tendances laïques.

L'Agoudat Israel avant la crĂ©ation de l'État d'IsraĂ«l

Le parti Agoudat Israel est fondé en Pologne en par des dirigeants rabbiniques de Pologne, Lituanie, Russie et Allemagne pour défendre et promouvoir la halakha (loi juive) Le programme de ce parti du judaïsme orthodoxe est basé sur le respect des principes de la Torah et prÎne l'observance stricte de la loi religieuse[1]. Parmi ses fondateurs il y a le rabbin Hafetz Haïm, le rabbin Chaïm Ozer Grodzensky, le rabbin Haïm Soloveitchik ou encore le rabbin Abraham Mordechaj Alter.

Les raisons de la création

Lorsque le sionisme apparait au XIXe siĂšcle, la grande majoritĂ© des rabbins en Europe centrale s’y oppose violemment Ă  cause de son acceptation du savoir et de la culture occidentale.

À l'Ă©poque, il s’agit donc d’organiser les juifs religieux comme une force politique afin de lutter efficacement pour la prĂ©servation de leur mode de vie traditionnel, centrĂ© sur la communautĂ© et isolĂ© autant que possible de l’environnement non-religieux. Il s’agit Ă©galement de combattre les influences modernistes et toute tendence d'assimiliation au sein du judaĂŻsme[2].

La dĂ©cision de mettre en place un programme Ă©ducatif nationaliste laĂŻc prise lors du Ve congrĂšs sioniste est un facteur dĂ©terminant pour l'union des orthodoxes au sein de l’Agoudat. Le sionisme politique laĂŻc considĂšre le retour Ă  Sion comme une nouvelle dimension du peuple juif. Ce nationalisme devient non plus seulement un moyen d’avoir un foyer national, mais un idĂ©al en soi. L’Agoudat considĂšre que l’idĂ©al national ne peut pas remplacer l’idĂ©al religieux. Le rabbin HaĂŻm Soloveitchik de Brest (ou Brisk en yiddish) dĂ©clare : « MĂȘme si nous avons eu l’idĂ©e de pousser nos disciples Ă  construire ce pays, nous ne pouvons nous associer Ă  des dirigeants qui s’opposent Ă  la religion. »[3]

Bien qu'antisioniste au nom de l'orthodoxie juive qui ne prĂ©voit le retour Ă  Sion qu'avec la venue du Messie qui seul peut rĂ©tablir un État juif en Palestine, l'Agoudat sera amĂ©nĂ© Ă  modifier sa position aprĂšs l’avĂšnement du nazisme, la violence dĂ©clenchĂ©e par les Arabes de Palestine Ă  partir du milieu des annĂ©es 30, la Shoah et la crĂ©ation de l'État d'IsraĂ«l.

Orthodoxes et ultra-orthodoxes

Lors de la crĂ©ation de l’Agouda, trois courants principaux du judaĂŻsme orthodoxe se rĂ©unissent : les Juifs allemands, disciples du rabbin Samson RaphaĂ«l Hirsch, les Juifs d’obĂ©dience hassidique et les Juifs tenant des yeshivoth, les deux derniers groupes vivants essentiellement sur les anciennes terres de RĂ©publique des deux Nations (Pologne-Lituanie) au sein de laquelle les Juifs juissaient pendant des siĂšcles d'une grande autonomie culturelle et religieuse.

Lors du congrĂšs fondateur de Katowice de 1911, le grand rabbin HaĂŻm Soloveitchik de Brest dĂ©clara : « Il ne s’agit pas d’unifier mais de s’unir. ».

Instance dirigeante du mouvement

Le parti est centrĂ© autour d’un Conseil des sages de la Torah, assemblĂ©e de plusieurs rabbins constituant l’instance dirigeante du mouvement. Le Conseil est composĂ© des plus grands rabbins reprĂ©sentants les courants qui ont crĂ©Ă© le parti. Ce conseil n’est pas Ă©lu et il y a deux façons pour devenir membre du conseil : la cooptation et la nomination. Dans le premier cas, les membres du Conseil choisissent eux-mĂȘmes un nouveau membre parmi les rabbins de haut rangs. Dans le cas de la nomination, c'est une structure membre de l'Agoudat, par exemple une communautĂ© hassidique, qui dĂ©signe son reprĂ©sentant, en pratique il s'agit presque toujours de son chef. Ainsi, la distribution s’opĂšre sur un mode quasi aristocratique qui rappelle l’influence respective des dynasties ashkĂ©nazes. Pendant longtemps, la langue yiddish est la langue usitĂ©e dans les dĂ©bats[4].

À certaines Ă©poques, les dĂ©cisions de l'Agoudat sont influencĂ©es par des rabbins prestigieux extĂ©rieurs aux structures du parti, comme c'est le cas du rabbin Avrohom Yeshaya Karelitz dans les annĂ©es 1940–1950.

L’influence des Ă©lus du parti est subordonnĂ©e au conseil des sages.

L'Agoudat Israel au sein de l'État polonais

Lorsque l'Etat polonais se reconstruit à la fin de la PremiÚre Guerre mondiale à l'intérieur de ses frontiÚres d'avant les partages de ce pays en XVIIIe siÚcle, l'Agoudat Israël devient l'un des partis juifs les plus influents et participe activement à la vie politique du pays. Le parti participe aux élections et des députés d'Agoudat siÚgent au Parlement polonais.

Le parti obtient son plus grand succÚs électoral grùce à la coalition électorale, le Bloc des Minorités Nationales. Ses militants les plus connus sont : le rabbin Chaim Ozer Grodzinski, le rabbin Yitzhak-Meir Levin, le rabbin Meir Shapiro, Aleksander Zusia Friedman (en) Aaron Lewin (pl), Herman Kirszbaum (pl), Jankiel Trockenheim (pl), Lejb Mincberg (pl) ou encore Uszer Mendelsohn (pl). Les députés du parti juif orthodoxe Agoudat Israël siégent au Parlement polonais avec leur kippa[5].

L'État polonais accorde aux Juifs l'Ă©galitĂ© de droits et une autonomie culturelle[6]. Le rĂ©seau des heders est reformĂ© et le rĂ©seau d'Ă©coles religieuses pour filles, Beit Yaakov, se dĂ©veloppe. CrĂ©Ă© par Sarah Schenirer, une vĂ©ritable pionniĂšre dans l’éducation juive orthodoxe, Beit Yaakov ne possĂšde qu'une seule Ă©cole en 1917, mais en 1925, il en a dĂ©jĂ  54[7].

L'Agoudat Israel en Palestine mandataire

En 1912, une branche de l’Agoudat est crĂ©Ă©e en Palestine mandataire au sein de l'ancien Yichouv, sous l'impulsion des rabbins Yosef ChaĂŻm Sonnenfeld et Yizhok Yerouham Diskin. Les religieux traditionalistes installĂ©s dans le pays depuis des siĂšcles nourrissent un fort ressentiment envers des sionistes qui commencent Ă  arriver en Palestine Ă  compter de la fin du XIXe siĂšcle et qu'ils perçoivent comme une menace pour leur mode de vie ancestral.

En 1922 est crĂ©Ă© la Poale Agoudat Israel (PAI), Ă  l’origine une branche ouvriĂšre de l’Agoudat qui finira par devenir autonome. Tout en critiquant son cĂŽtĂ© trop laĂŻque, la PAI prend des positions plus ouvertes sur le sionisme et crĂ©Ă© des kibboutz et des mochav sur le modĂšle des sionistes socialistes[8].

Le premier congrĂšs mondial de la Agoudat IsraĂ«l se tient Ă  Vienne en 1923 au cours duquel le projet du Daf Yomi (Ă©tude quotidienne d’une page du Talmud) du rabbin Meir Shapiro est adoptĂ© Ă  l'unanimitĂ©[9].

Cependant, le conflit politique entre l’Agoudat de Palestine et le Yichouv sioniste est de plus en plus aiguĂ«. L'un des dirigeants locaux de l’Agoudat, Jacob IsraĂ«l de Haan ira jusqu'Ă  prĂ©coniser l'alliance avec les Arabes palestiniens contre les sionistes. Il sera assassinĂ© en 1924 par la Haganah, une organisation paramilitaire d'autodĂ©fense juive.

L'ancien Yichouv palestinien refuse tout rapport avec le nouveau grand-rabbinat de Palestine du rabbin Abraham Isaac Kook, mis en place par les institutions sionistes et le pouvoir britannique en Palestine mandataire en 1921. Un réseau de tribunaux rabbiniques spécifique et indépendant du grand-rabbinat est donc négocié avec les Britanniques, sous la direction du rabbin Sonnenfeld.

En 1938, l’Agoudat de Palestine connait une scission. Des communautĂ©s ultra-orthodoxes surtout des États-Unis et de JĂ©rusalem se regrouppent alors au sein de l’Edah haHaredit qui existe jusqu'Ă  nos jours, et demeure toujours hostile au sionisme. Le mouvement Neturei Karta de MĂ©a ShĂ©arim, qui fait Ă©galement scission de l’Agoudat de Palestine est encore plus antisioniste.

Des politiques hostiles aux juifs et la pression sur le judaĂŻsme europĂ©en devient trĂšs forte et la direction de l’Agoudat dĂ©cide d’augmenter l’émigration vers la Palestine. Pour cela, elle accepte une collaboration limitĂ©e avec les sionistes car c'est l’Agence juive, une organisation sioniste, qui a le monopole de la distribution des certificats d’immigration pour la Palestine mandataire attribuĂ©s par les Britanniques.

En 1937, alors que les Ă©meutes arabes se poursuivent en Palestine, le 3e CongrĂšs Mondial de l'Agoudat IsraĂ«l se tient Ă  Marienbad. Les dĂ©bats se concluent par un appel aux Juifs du monde Ă  participer Ă  la construction du pays juif selon l’esprit de la Torah. Toujours opposĂ© au rapprochement avec les sionistes, certains rabbins et les communautĂ©s qu'ils dirigent quittent l'Agoudat en 1938 pour fonder Edah Haredit.

À partir de 1939–1940, des Juifs orthodoxes qui arrivent en catastrophe d’Europe orienteront l’Agoudat dans un sens plus modĂ©rĂ© vis-Ă -vis du sionisme.

L'Agoudat dans l'État d'IsraĂ«l

AprĂšs la Shoah, le monde de la Torah est totalement anĂ©anti ainsi que les communautĂ©s juives d’Europe. La branche palestinienne, puis israĂ©lienne, de l'Agoudat Israel devient dominante, mĂȘme si aujourd’hui, certains des rabbins dĂ©cisionnaires du parti sont toujours basĂ©s hors d’IsraĂ«l, principalement aux États-Unis. Les yĂ©chivot (Ă©coles talmudiques) sont remises sur pied, grĂące au soutien du ComitĂ© de sauvetage des rabbins d’AmĂ©rique, branche exĂ©cutive de l’Agoudat IsraĂ«l.

En 1947 lors de l’enquĂȘte du ComitĂ© spĂ©cial des Nations unies sur la Palestine concernant la crĂ©ation d’un État juif, l'Agoudat Israel accepte de ne pas prendre position contre celui-ci, mais ne le soutient pas. Dans une lettre solennelle, le fondateur de l’Etat israĂ©lien, David Ben Gourion s'engage Ă  ce qu'aucune atteinte ne soit portĂ©e aux droits dont les religieux jouissaient dans le Yichouv, la communautĂ© juive de la Palestine mandataire. Cette lettre, signĂ©e par les dirigeants sionistes au gouvernement est qualifiĂ©e de "lettre du statu quo". Ainsi, les questions d’état civil continuent Ă  ĂȘtre traitĂ©es par les tribunaux rabbiniques selon la halakha (la loi juive), le shabbat et les jours de fĂȘte sont des jours chĂŽmĂ©s, les cantines des services publics et de l’armĂ©e sont strictement casher, etc.[10] En 1950, l’État exonĂšre les ultra-orthodoxes du service militaire.. La lettre du statu quo et l’exemption du service militaire sont encore aujourd’hui la base de l’actuelle politique israĂ©lienne vis-Ă -vis des ultra-orthodoxes juifs.

MalgrĂ© son hostilitĂ© au sionisme, l’Agoudat Israel participe Ă  toutes les Ă©lections parlementaires d’IsraĂ«l, seul ou en coalition.Le partenaire privilĂ©giĂ© de ces coalitions est jusqu’aux annĂ©es 1980 le Poale Agoudat Israel, puis le parti Degel HaTorah. Cette derniĂšre alliance est connue sous la dĂ©nomination du Yahadut Hatorah (JudaĂŻsme unifiĂ© de la Torah). La participation aux Ă©lections est pragmatique et relativement peu idĂ©ologique. Le soutien de l’Agoudat Israel au gouvernement en formation (de gauche ou de droite) est conditionnĂ© par le soutien matĂ©riel de l'État Ă  ses Ă©coles religieuses et autres institutions communautaires du mouvement. Le parti joue de sa position souvent essentielle Ă  la survie de la majoritĂ© gouvernementale pour faire passer des lois renforçant le respect des lois juives en gĂ©nĂ©ral et du shabbat et de la casher en particulier.

La période 1948-1952

Pendant cette pĂ©riode, le parti participe Ă  la coalition gouvernementale avec le Parti travailliste: le MapaĂŻ. Ses centres d’intĂ©rĂȘts sont essentiellement religieux et c’est Ă  ce titre qu’il obtint en 1950 l’exemption du service militaire pour les Ă©tudiants des yeshivot, ceux-ci sont Ă  l’époque peu nombreux. Mais leur augmentation numĂ©rique rapide finira par crĂ©er des tensions importantes avec la sociĂ©tĂ© civile israĂ©lienne qui ne comprend pas toujours ce « privilĂšge ».

L’alliance avec les travaillistes est rompue en 1952 Ă  cause de l’insistance de ceux-ci sur le service militaire des jeunes filles. Pour les haredim, toute domination autre que celle du pĂšre ou du mari sur la femme est inacceptable. Un des dirigeants haredi dĂ©clarera que mĂȘme si la conscription avait pour but de faire rĂ©citer des psaumes aux conscrites, elle devrait ĂȘtre combattue parce qu’elle dĂ©rogerait Ă  cette rĂšgle.

La période 1952-1977

Ensuite le parti passe dans l’opposition. Elle est radicale sur le plan idĂ©ologique mais beaucoup moins sur le plan politique.

D’un point de vue idĂ©ologique, le public haredi de l’époque a dĂ©veloppĂ© une hostilitĂ© viscĂ©rale aux socialistes athĂ©es. Dans le milieu haredi, l’accĂšs aux mĂ©dias modernes est faible et les rumeurs s’y rĂ©pandent rapidement. Deux gĂ©nĂ©rations de haredim grandirent avec des histoires horrifiantes parfois vraies, parfois fausses sur des textes sacrĂ©s profanĂ©s, des garçons et des filles prenant leurs douches en commun dans les kibboutz, des enfants religieux Ă©levĂ©s de force dans le systĂšme Ă©ducatif laĂŻque.

D’un point de vue politique, l'Agoudat Israel n'est pas liĂ© Ă  la droite nationaliste reprĂ©sentĂ©e par le Herout, principal ancĂȘtre du Likoud. Au contraire, il monnaie ses voix au parlement selon ses intĂ©rĂȘts du moment. L'Agoudat Israel exerça principalement son influence de deux façons :

  • par le biais du Parti national religieux  (PNR). Celui-ci, reprĂ©sentant les sionistes religieux, est de toutes les coalitions avec les socialistes jusqu’en 1977 . Il a toujours un certain « complexe d’infĂ©rioritĂ© religieux Â» vis-Ă -vis des ultra-orthodoxes[11]. Ceux-ci et leurs rabbins exercent donc une certaine influence sur les positions religieuses du PNR , qui Ă  son tour influença l’attitude de la coalition au pouvoir dirigĂ©e par le MapaĂŻ jusqu’en 1977 ;
  • Ă  travers ses votes directs. Le MapaĂŻ et les autres partis de la coalition se sont parfois divisĂ©s sur certains sujets non-religieux. L’Agoudat monnaya ses votes sur des sujets laĂŻques qui ne l’intĂ©ressaient guĂšre en Ă©change d’avantages, en particulier des fonds pour ses institutions religieuses, ses Ă©coles, ses yeshivot


De 1960 Ă  1969, le Poale Agoudat Israel (PAI), jusqu’alors trĂšs liĂ© Ă  l'Agoudat Israel, mais plus nationaliste, participe au gouvernement israĂ©lien (avec le soutien de certains rabbins) contre le Conseil des sages de la Torah, l'instance dirigeante de l'Agoudat, ce qui est un traumatisme pour le monde haredi qui considĂ©rera cette rĂ©volte comme un sacrilĂšge. Des membres du PAI seront molestĂ©s et des permanences attaquĂ©es. Le responsable du PAI, Binyamin Mintz (en), lui-mĂȘme issu de la dynastie hassidique Gour, sera exclue des synagogues de sa communautĂ©. Pendant 9 ans, les relations seront rompues entre les deux partis frĂšres et ne reprendront vraiment qu’aprĂšs le dĂ©part du PAI du gouvernement.

Pendant cette pĂ©riode, l'Agoudat Israel obtient en gĂ©nĂ©ral 3 Ă  4 siĂšges quand il se prĂ©sentait seul, et le PAI seulement deux. Lorsqu’ils se prĂ©sentĂšrent ensemble, les deux partis eurent 5 Ă  6 siĂšges (4 Ă  5 % des voix). La capacitĂ© de l'Agoudat Israel Ă  attirer un Ă©lectorat non haredi reste donc faible.

Des conflits entre factions internes de l'Agoudat Israel surviennent souvent lors de la rĂ©partition des fonds obtenus du gouvernement : chaque groupe veut en effet une part aussi importante que possible pour ses institutions.

AprĂšs 1977

À partir de 1977, Menahem Begin et le Likoud arrivent au pouvoir. Bien que sioniste, la droite est plus conservatrice en matiĂšre de religion et les relations entre le gouvernement et les haredim s’amĂ©liorent. Menahem Begin, qui insiste beaucoup pour son respect pour les traditions religieuses, est trĂšs populaire dans le monde haredi. Son successeur, Yitzhak Shamir qui ne cache pas son manque d’intĂ©rĂȘt pour les choses de la religion, est perçu beaucoup moins bien. Encore aujourd’hui, Begin est sans doute le premier ministre qui aura laissĂ© le meilleur souvenir aux haredim.

L'Agoudat rentre dans le gouvernement et participe Ă  beaucoup de ceux-ci depuis l’époque, mais pas Ă  tous.

l'Agoudat dĂ©veloppe ses actions dans 2 directions : la collecte de fonds et le respect des lois juives

L’obtention de fonds pour ses institutions est une prioritĂ© our le mouvement. Dans ce domaine, les gouvernements des annĂ©es 1980 et 1990 seront des gouvernements fastes pour l'Agoudat. L’Agoudat est nĂ©cessaire aux gouvernements Likoud jusqu’en 1983. Les deux partis qui animent les gouvernements d’unitĂ© nationale droite-gauche (1983-1990), le Parti travailliste et le Likoud, se disputent Ă©galement l’alliance avec les partis haredi pour les suites d’une inĂ©vitable rupture du gouvernement de coalition. Le versement des sommes atteint donc des montants inĂ©galĂ©s jusqu’alors. À partir de 1977, l’Agoudat prĂ©side la commission des finances de la Knesset et obtient ainsi un accĂšs aux fonds gouvernementaux, mais les versements se font par le biais des dĂ©putĂ©s religieux. Chaque dĂ©putĂ© privilĂ©gie la faction qu’il reprĂ©sente et les institutions religieuses qui en dĂ©pendent. Cette fonction de reprĂ©sentation et de collecte de fonds de l’Agoudat, au moins autant que des raisons idĂ©ologiques, explique assez largement les scissions suivantes : chaque faction veut avoir ses propres dĂ©putĂ©s.

S’il explique en partie l’éclatement de l’Agoudat, l’afflux de fonds gouvernementaux explique aussi la considĂ©rable croissance des institutions religieuses, en particulier en Ă©ducation, du monde haredi depuis 1977.

L’Agoudat obtient un durcissement considĂ©rable de la lĂ©gislation en la matiĂšre du respect des lois religieuses, ce qui est trĂšs mal vĂ©cu par les laĂŻques et entraĂźne des affrontements. La loi sur la vente de porc, les autopsies, l’avortement, le respect du shabbat, interdiction des vols d’El-Al, etc. Les analyses postĂ©rieures montrent que la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne contourne assez largement ces interdits. Au-delĂ  de la loi, sur ce point les haredim n’obtiennent pas un succĂšs aussi large que dans le domaine financier.

Les scissions des années 1980

Dans les années 1980, l'Agoudat connaßtra deux scissions.

Le Shas (Sfaradim Shomréi Torah ou Gardiens Sépharades de la Torah)

AprĂšs la crĂ©ation d'IsraĂ«l, les ultra-orthodoxes israĂ©liens essayent d'attirer Ă  eux des sĂ©farades. Certains sĂ©farades, surtout les jeunes Ă©levĂ©s dans le systĂšme Ă©ducatif religieux Ă  partir des annĂ©es 50, acceptent la mĂ©fiance de l'Agoudat Ă  l’égard de la modernitĂ© et rejoignent le parti, en constituant une nouvelle faction sĂ©farade. Celle-ci reste cependant tenue Ă  l’écart des dĂ©cisions centrales de l'Agoudat et finira par quitter le parti pour former sa propre formation en 1984 : le Shas[12].

Comme toutes les grandes dĂ©cisions chez les ultra-orthodoxes, la scission s’est faite par le rabbin ashkĂ©naze Eliezer Menahem Shakh[13]. Il est un des dirigeants de l'Agoudat, mais, il a des divergences croissantes avec certains hasidim, en particulier les hasidim Loubavitch. Ceux-ci ne sont pas formellement membres de l'Agoudat, mais ont une certaine influence sur celle-ci. Le durcissement des affrontements explique en partie l’attitude scissionniste du rabbin.

Degel HaTorah

La constitution du parti Degel HaTorah (BanniĂšre de la Torah) en 1988 est Ă©galement le fait du rabbin Eliezer Menahem Shach[13]. Elle regroupe les ashkĂ©nazes non-hassidim (les mitnagdim) qui s’estiment sous-reprĂ©sentĂ©s au sein de l'Agoudat. Elle exprime aussi le durcissement croissant des affrontements avec les Loubavitch, qui participeront fortement aux Ă©lections de 1988 aux cĂŽtĂ©s de l'Agoudat avant de revenir Ă  leur traditionnelle et relative indiffĂ©rence politique.

Les scissions : conséquences

L'Agoudat regroupe maintenant surtout les ultra-orthodoxes hassidim et ashkĂ©nazes. Le PAI, qui n’obtint qu’un siĂšge en 1977 et aucun en 1981, n’a ainsi plus d’expression autonome depuis 1988 et rejoint dĂšs lors entiĂšrement l'Agoudat.

Le Degel HaTorah regroupe surtout les ultra-orthodoxes non hassidim (« Lituaniens ») et ashkénazes. Cependant, en 1988, les hassidim Belz (en), non liés à l'Agoudat, décident de soutenir le parti.

Le Shas regroupe les ultra-orthodoxes non hassidim et sĂ©farades. Une particularitĂ© du Shas est qu’un de ses mentors spirituels, le seul aprĂšs la mort du rabbin Eliezer Menahem Shakh, soit un ancien grand rabbin d’IsraĂ«l, une institution sioniste. Son autre originalitĂ© est qu'il attire aussi un Ă©lectorat qui n’est pas ultra-orthodoxe mais plutĂŽt sioniste : des traditionalistes sĂ©farades.

Au-delĂ  de ces diffĂ©rences, les trois partis ont des approches assez similaires. Ils souhaitent que leurs institutions Ă©ducatives et religieuses soient aidĂ©es par l’État, et que celui-ci favorise la pratique religieuse juive.

Dans les annĂ©es 1990, l'Agoudat IsraĂ«l et le Degel HaTorah prĂ©sentent des listes communes (mais sans se rĂ©unifier) sous le nom de Yahadut Hatorah (JudaĂŻsme unifiĂ© de la Torah). Cette alliance est rompue en 2005 Ă  cause d’une divergence entre rabbins[14] - [15](faut-il accepter ou non des postes officiels ?) avant de se reformer.

Perception par l'opinion publique israélienne aujourd'hui

Trois points du programme des trois partis haredim sont aujourd’hui mal perçus par la majoritĂ© de l’opinion publique (selon les sondages) :

  • La volontĂ© d’imposer des rĂšgles religieuses au reste de la population juive. Il y a des divergences entre haredim (le rabbin Shakh y voyait peu d’avantages) mais il y a une tendance Ă  demander un renforcement du respect des lois religieuses, en particulier en matiĂšre de cacherout et de shabbat ;
  • La demande de fonds supplĂ©mentaires pour les Ă©coles et yeshivot ;
  • Le refus de laisser les jeunes ultra-orthodoxes (il y a des exceptions) faire leur service militaire, dans un pays oĂč la dĂ©fense est une prioritĂ©.

Ainsi, un parti comme le ShinouĂŻ, regroupant les partisans d’une plus grande laĂŻcitĂ©, a bĂąti son succĂšs Ă©lectoral sur la dĂ©nonciation des privilĂšges et des abus des partis religieux.

Mais une autre partie de la population considĂšre aussi ces partis comme les garants d’une fidĂ©litĂ© des institutions modernes de l’État Ă  la tradition juive.

Aujourd’hui, le rapport au sionisme laĂŻc est ambigu : c’est toujours officiellement le rejet (de temps en temps revient l’idĂ©e que la Shoah est une punition de Dieu contre le sionisme antireligieux). Mais en mĂȘme temps, il y a une participation de facto Ă©vidente de l’État. On a notĂ© aussi un rapprochement de fait avec les sionistes religieux : les partisans d’Agoudat ont montrĂ© une nette opposition au dĂ©mantĂšlement des colonies juives (gĂ©nĂ©ralement sionistes religieuses) de la bande de Gaza en 2005.

Le parti, proche de Benyamin Netanyahou, contribue à maintenir des subventions publiques pour les écoles religieuses ultraorthodoxes et les exemptions de service militaire accordées à leurs étudiants[16].

RĂ©sultats Ă©lectoraux

En Israël

Ci-dessous sont indiquĂ©s les rĂ©sultats Ă©lectoraux de l’Agoudat Israel et du Poale Agoudat Israel, qu’ils se soit prĂ©sentĂ©s coalisĂ©s ou indĂ©pendamment.

Années1951195519591961196519691973197719811984198819921996199920032006
pourcentage 3,6 %4,7 %4,7 %5,6 %5,1 %5,0 %3,8 %4,7 %3,7 %1,7 %4,7 %(*)(*)(*)(*)(*)
SiĂšges 5666665542523333

Le PAI et l’Agoudat se prĂ©sentĂšrent sĂ©parĂ©ment en 1951 (1,6 % pour le PAI) ; en 1961 (1,9 % pour le PAI) ; en 1965 (1,8 % pour le PAI) ; en 1969 (1,9 % pour le PAI) et en 1977 (1,3 % pour le PAI)[17].

(*) depuis 1992, on ne peut donner les rĂ©sultats spĂ©cifiques de l’Agoudat : ses Ă©lus l’ont Ă©tĂ© sur une liste commune avec ceux de Degel HaTorah. L’alliance (rompue en 2005 et reconstituĂ©e au dĂ©but de 2006) s’appelle Yahadut Hatorah (JudaĂŻsme unifiĂ© de la Torah). Ses rĂ©sultats furent[18] :

  • 1992 : 3,3 % (2 siĂšges pour Degel HaTorah) ;
  • 1996 : 3,3 % (1 siĂšge pour Degel HaTorah) ;
  • 1999 : 3,7 % (2 siĂšges pour Degel HaTorah) ;
  • 2003 : 4,3 % (2 siĂšges pour Degel HaTorah) ;
  • 2006 : 4,7 % (2 siĂšges pour Degel HaTorah).

Notes et références

  1. Walter Laqueur : Le sionisme, t. II, p. 597 & suiv.Ă©d. Gallimard, Tel, 1994, (ISBN 2070739929)
  2. RafaƂ Ć»ebrowski, « Aguda », sur Ć»ydowski Instytut Historyczny im. Emanuela Ringelbluma
  3. Cité par Y. Friedner, Histoire des derniÚres générations.
  4. Myriam Charbit, « La revanche d’une identitĂ© ethno-religieuse en IsraĂ«l : La percĂ©e du parti Shas entre construction identitaire sĂ©farade-haredi et dynamiques clientĂ©listes », Science politique. UniversitĂ© Montesquieu - Bordeaux,‎ (lire en ligne)
  5. Nicolas Zomersztajn, « L'Émergence de candidats juifs orthodoxes aux Ă©lections communales », Regards, no 1032,‎
  6. Henri Minczeles, Une histoire des Juifs de Pologne, La Découverte, , « La Pologne et la minorité nationale juive », p. 205- 214
  7. Roman Romantsov, « Polityka oƛwiatowa wƂadz polskich wobec mniejszoƛci ĆŒydowskiej w II Rzeczpospolitej », Jewish Studies. Almanac, vol. 3, no 3,‎ (ISSN 2083-5574, lire en ligne)
  8. Laure Fourtage, « Les organisations juives d'aide sociale et l'insertion professionnelle dans l'immĂ©diat aprĂšs-guerre », Archives Juives, vol. 45,‎ , p. 10 - 26
  9. « Document unique : le Hafetz Haïm au congrÚs de la Agoudat Israël », sur chiourim.com,
  10. Ilan Greilsammer, « Israël : la laïcité en question », sur Centre Communautaire laïc juif David Susskind ASBL,
  11. D’aprĂšs Ilan Greilsammer (pt), un politologue israĂ©lien dans Ilan Greilsammer (pt), IsraĂ«l, les hommes en noir.
  12. « Le Shass, histoire d'un combat en faveur des juifs séfarades », sur lematin.ch,
  13. Yaacov Loupo, « Comment les sĂ©farades sont devenus ashkĂ©nazes et le restent au sein du courant ultra-orthodoxe en IsraĂ«l », LVC - CommunautĂ© SĂ©pharade UnifiĂ©e du QuĂ©bec,‎ (lire en ligne)
  14. « Les partis politiques en IsraĂ«l », 20 minutes,‎ (lire en ligne)
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