Ghetto de Kielce
Le ghetto de Kielce (polonais : getto w Kielcach, allemand : Ghetto von Kielce) était un ghetto pour les Juifs créé en 1941 par les autorités allemandes nazies dans la ville de Kielce, en Pologne occupée.
Ghetto de Kielce | ||
Pierre commémorative dédiée aux victimes du ghetto | ||
Présentation | ||
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Type | Ghetto | |
Gestion | ||
Date de création | ||
Créé par | Schutzstaffel | |
Géré par | Judenrat | |
Date de fermeture | ||
Victimes | ||
Type de détenus | Juifs | |
Morts | 25 000 Juifs polonais | |
Géographie | ||
Pays | Pologne | |
Région | Voïvodie de Kielce | |
Localité | Kielce | |
Coordonnées | 50° 52′ 23″ nord, 20° 37′ 54″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Pologne
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Avant 1939, la ville était la capitale de la voïvodie de Kielce au sein de la deuxième République polonaise. Après l'invasion allemande de l'Union soviétique, l'Allemagne nazie a incorporé la ville dans le Distrikt Radom du territoire semi-colonial du gouvernement général[1].
La liquidation du ghetto s'est déroulé en , plus de 21 000 victimes (hommes, femmes et enfants) y ont été déportées vers le camp d'extermination de Treblinka et plusieurs milliers d'autres tuées par balles dans les zones locales[2].
Histoire
Environ 24 000 juifs vivent dans la ville, soit un tiers de la population totale. La Kehilla exploitait deux synagogues, une maison d'apprentissage beth midrash, un mikveh, le cimetière avec ohalim, un orphelinat, une maison de retraite, trois écoles élémentaires, deux écoles secondaires, un collège talmudique et une grande bibliothèque Tarbut de 10 000 volumes. Il existe également de nombreuses organisations et sociétés, dont deux clubs sportifs. Néanmoins, la crise économique des années 1930 a incité de nombreux jeunes Juifs à émigrer avant le début de la guerre, principalement en Amérique[1].
Kielce est occupée le par l'armée allemande après avoir été bombardé par la Luftwaffe[1]. Comme dans toutes les autres villes occupées, des actions anti-juives mises en place par la Gestapo ont lieu immédiatement : pillages, expropriations, travail forcé ainsi que tueries[3]. Rapidement est installé un Judenrat avec à sa tête Moshe (Moses) Pelc, parlant couramment l'allemand. Il sera déporté à Auschwitz pour refus de collaboration avec les SS (commandé par le SS und Polizeiführer Fritz Katzmann[4]) et remplacé par Hermann Lévy[5] que les SS exécuteront . Le , tous les Juifs reçoivent l'ordre de porter une étoile de David sur leurs vêtements extérieurs. La Grande Synagogue est vidée et transformée en entrepôt avec une cellule de rétention[6]. En , les maisons de prière juive sont strictement interdites[7] - [8].
Entre le début de la guerre en et , la population juive de Kielce passe de 18 000[9] à 25 400[1], car de nombreux juifs des zones polonaises annexées par l'Allemagne nazie ont été forcés à se déplacer à Kielce, sous l'escorte de l'Ordnungspolizei. En raison d'une épidémie de typhus éclatant au début de 1940, une nouvelle clinique a ouvert ses portes[7].
En , Hans Drechsel, 36 ans, est nommé maire (Stadthauptmann) de Kielce. Celui-ci avait déjà réussi à mettre en place un ghetto accueillant 12 000 Juifs dans la ville occupée de Piotrków Trybunalski, à 98 km de Kielce[10].
Création du ghetto
Le est constitué le ghetto de Kielce. Les Juifs des villages environnants sont forcés d'y entrer. Une barrière de bois combinée avec du barbelé entoure le ghetto, divisé en deux parties : le grand ghetto avec les rues Orla, Piotrkowska, Nowowarszawska, Pocieszki et Radomska, et le petit ghetto, un triangle formé par la place Saint Wojciech et les rues Bodzentynska et Radomska[1]. Le ghetto se compose de 500 appartements prévus pour 15 000 personnes, mais en fait 27 000 juifs y sont installés[11]. La situation y est difficile, surtout lorsque le arrivent encore 1 004 juifs de Vienne. Les portes du ghetto sont fermées le , gardés par 85 membres de la police du ghetto juif[7].
La ration de nourriture est officiellement de 130 grammes de pain par personne tous les deux jours. La majeure partie des juifs est obligée de vendre ses biens pour manger. Mais comme les gens ne possèdent plus rien après quelques mois, la famine se répand rapidement dans le ghetto et la mort fait des ravages. Les seuls à se nourrir suffisamment, voire en abondance, sont les membres du Judenrat et de la police juive. Malgré les menaces de sévères punitions (1 942 « contrebandiers » seront fusillés) le trafic et la contrebande deviennent le principal moyen de survie et la majorité des Juifs y ont recours[12]. Après l'arrivée des Juifs de Vienne, Poznań, Łódź, et de la voïvodie de Kielce, les prix de denrées alimentaires grimpent en flèche. La surpopulation sévère, la faim endémique et les épidémies de typhus épidémique ont coûté la vie à 4 000 personnes avant la mi-1942.
Liquidation
Le sort des juifs ghettoïsés à travers la Pologne occupée est scellé à Wannsee au début de 1942, lorsque la solution finale a été finalisée. Avant la liquidation du ghetto, le Gestapo organise une Aktion contre les « officiers polonais et les communistes » au printemps 1942. De nombreux médecins et membres juifs de l'intelligentsia sont assassinés, d'autres arrêtés et déportés à Auschwitz. De ce fait, la Gestapo veut éliminer toutes les personnes susceptibles de prendre la tête d’une résistance dans le ghetto, pratique courante avant des actions de déportation à grande échelle[12].
La liquidation est effectuée en trois opérations étalées sur cinq jours (du 20 au [2]), dans le cadre de l'opération Reinhard, qui marque la phase la plus meurtrière de la Shoah en Pologne occupée. L'opération est dirigée par le SS-Hauptsturmführer Ernst Thomas et le Hauptmann Hans Geier. Le premier jour, entre 6000 et 7000 personnes, principalement des femmes et des enfants, sont rassemblés dans la rue Okrzei, puis déportés au camp d'extermination de Treblinka. Chaque Juif a le droit de prendre 20 kilos de bagages, mais surpris par la soudaineté de l’action, la majeure partie des gens rejoignent le point de rassemblement sans rien[12]. La sélection se déroule le : les personnes âgées, les invalides et les malades sont emmenés non loin et exécutées sur place, soit environ 500 personnes. Le , les SS se rendent à l’hôpital où ils forcent les médecins juifs à tuer des centaines de patients par les injections mortelles, puis tuent tous les autres patients. Entre 20 000 et 21 000 juifs sont envoyés à Treblinka dans des trains de l'Holocauste durant cette liquidation, et 1 200 tués sur place. À la fin de l'opération le , il ne reste que 2 000 personnes dans le ghetto[1].
Camps de travail
Les ouvriers qualifiés juifs survivants de la liquidation sont emprisonnés dans un camp spécial dans les rues Stolarska et Jasna[5]. Le Lagerälteste (« aîné » de camp) de ce camp est Gustav Spiegel, un juif allemand. Les prisonniers sont chargés de récupérer tous les biens et de nettoyer le ghetto[12]. Ils doivent de plus trier des vêtements provenant de Treblinka[13]. Le camp fonctionne jusqu'au printemps 1943, date à laquelle une partie des prisonniers est envoyée dans les camps de travail de Starachowice, Skarzysko-Kamienna, Pionki et Blizyn[2]. Quant à ceux qui restent, les SS commencent en par liquider tous les médecins juifs et leurs familles, puis le , un groupe de 45 enfants âgés de 15 mois à 15 ans[14].
Plusieurs entreprises de travail forcé sont créées dans la ville par les SS, notamment Hasag Granat Werke (rue Mlynarska) d'une main-d'œuvre active de 400 à 500 Juifs fabriquant des munitions et travaillant dans les carrières, opérant jusqu'en ; la Ludwigshütte (fonderie d'avant-guerre de Ludwików) d' une main-d'œuvre active 200 à 300 travailleurs opérant jusqu'en été 1944 ; l'usine de menuiserie Henryków — plus de 150 Juifs vont y être exterminés sur les 400 qui y sont employés — et divers ateliers pour l'économie de guerre allemande. Les Juifs travaillant dans ces usines étaient presque les seuls à avoir survécu à la liquidation du ghetto, pendant deux ans de plus[2]. La résistance clandestine juive, sous la direction de Dawid Barwiner (Bachwiener) et de Gerszon Lewkowicz, tente en vain de se procurer des armes. La production secrète d'armes et de munitions pour le soulèvement prévu échoue brusquement lorsque le chef de la police juive, Wahan Spiegl (Spiegel), informe la Gestapo du plan qui se prépare dans les ateliers de métallurgie allemands[1].
En , tous les camps sont fermés et les prisonniers évacués à Auschwitz, Czestochowa (Hasag Werke) et Buchenwald[15]. Pendant l’évacuation du camp de la Hasag Granat Werke, 28 juifs parviennent à s’échapper et à rejoindre les partisans ou à se cacher dans les villages environnants[12], accueillis par des sauveurs polonais locaux. Parmi les Juste Polonais ayant aidés les Juifs du ghetto de Kielce figure Bolesław Idzikowski[16] et la famille Śliwiński[17].
L'armée rouge atteint Kielce le [18]. La communauté juive autrefois dynamique de ville prospérant depuis le milieu des années 1800 est pratiquement anéantie[1] - [19].
Après-guerre
Après la guerre environ 150 juifs reviennent à Kielce. Ils s’installent dans une salle de leur ancienne « paroisse » en attendant de pouvoir partir en Palestine. En , ils sont accusés d’avoir commis un « meurtre rituel » sur un garçon polonais disparu. Le 1er juillet, une foule furieuse manifeste et gronde autour du bâtiment. Le , elle massacre 37 à 41 Juifs polonais (dont 17-21 restent non identifiés[20]) et 2 Polonais ethniques lors d'un pogrom, dont 11 tués par balle avec des fusils d'assaut militaires et 11 autres poignardés avec des baïonnettes, indiquant une implication directe des troupes staliniennes (selon les résultats officiels de l'Institut du Souvenir[18]). Il faut l’intervention de la troupe polonaise afin d'éviter un carnage plus grand. La police arrête environ 100 personnes dont beaucoup d’habitants de Józefów. Sept meneurs et assassins sont condamnés à mort. Le garçon absent est retrouvé peu après vivant dans un village voisin. Ce massacre n’est aujourd'hui pas encore élucidé[12].
En 2007, un monument commémorant la liquidation du ghetto et la destruction de la communauté juive de la ville est dévoilé à Kielce. Un monument en forme de menorah, à moitié enfoncé dans le sol, est conçu par l'artiste Marek Cecula, qui est également un survivant de la Shoah né à Kielce[21].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Kielce Ghetto » (voir la liste des auteurs).
- (pl) Marta Kubiszyn, Adam Dylewski, Justyna Filochowska, « Kielce », Virtual Shtetl, POLIN Museum of the History of Polish Jews, 2009–2016, p. 1–3
- Marta Kubiszyn, Zofia Sochańska, Ariana G. Lee, « Kielce » [archive du ], Virtual Shtetl, POLIN Museum of the History of Polish Jews, 2009–2015
- Prof. Krzysztof Urbański (trad. Yaacov Kotlicki), Zagada ludnosci zydowskiej Kielc : 1939–1945, , 76–116 p., « III: Ghetto »
- Rolf Jehke, Herdecke, « Distrikt Radom », Territoriale Veränderungen in Deutschland und deutsch verwalteten Gebieten 1874–1945,
- Sara Bender, « The Białystok and Kielce ghettos: a comparative study », United States Holocaust Memorial Museum
- Miłosz Gudra, « The synagogue (17 Warszawska Street) », History of Kielce, POLIN Museum of the History of Polish Jews,
- Chris Webb, « Kielce », Holocaust Historical Society,
- Felicja Karaj, Heaven or Hell? The Two Faces of the HASAG-Kielce Camp, vol. XXXII, Yad Vashem Studies, , 269–321 p. (OCLC 3953641)
- Wacław Wierzbieniec, « Kielce », Jews in Eastern Europe, YIVO Institute for Jewish Research,
- Markus Roth, Herrenmenschen : die deutschen Kreishauptleute im besetzten Polen; Karrierewege, Herrschaftspraxis und Nachgeschichte, Gœttingue, Wallstein Verlag, , 180, 197 (ISBN 978-3-8353-0477-2, lire en ligne)
- (de) Wolfgang Curilla, Der Judenmord in Polen und die deutsche Ordnungspolizei 1939–1945, Paderborn/München/Wien/Zürich, Verlag Ferdinand Schöningh, , 1035 p. (ISBN 978-3-506-77043-1, lire en ligne), p. 526
- « Le ghetto de Kielce », sur www.encyclopedie.bseditions.fr (consulté le )
- K. Bielawski & Bogdan Białek, « Cmentarz żydowski w Kielcach », Eugeniusz Fąfara, Gehenna ludności żydowskiej, Kirkuty. Jewish cemeteries in Poland,
- (pl) PAP, « 70 rocznica zamordowania 45 dzieci żydowskich w Kielcach », Portal historyczny Dzieje.pl. Polska Agencja Prasowa,
- (en) Jean Clair et Pierre Théberge, The 1930s : The Making of "the New Man", Ottawa, National Gallery of Canada, , 396 p. (ISBN 978-0-88884-853-6, lire en ligne), p. 106
- Krzysztof Urbański, The martyrdom and extermination of the Jews in Kielce during World War II, Kieleckie Towarzystwo Naukowe, (lire en ligne), p. 158
- Natalia Aleksiun, Ph.D., « The Śliwiński Family. Story of rescue », Recognized as the Righteous Among the Nations, POLIN Museum of the History of Polish Jews, Sprawiedliwi.org.pl (Polish Righteous), : « Leon Śliwiński was born 8 August 1929, David Friedman was born in 1932. The escape took place in April 1943. »
- Judge Andrzej Jankowski, OKBZH Kielce & Dr Leszek Bukowski, Institute of National Remembrance, Pogrom kielecki – oczami świadka, Warsaw, Dodatek specjalny Institute of National Remembrance (special issue). Niezalezna Gazeta Polska, (lire en ligne)« Leszek Bukowski & Andrzej Jankowski (ed.), Wokół pogromu kieleckiego, vol. II, with Foreword by Jan Żaryn, IPN: Warsaw 2008, pp. 166–171; (ISBN 8360464871). »
- Zięba, « The Ohel a Tzadik from Kielce », Jan Karski Society, (consulté le )
- Bukowski & Jankowski 2008, p. 171.
- (en) Congress, « World Jewish Congress », www.worldjewishcongress.org (consulté le )