Okhrana
LâOkhrana, officiellement « Otdeleniye po okhraneniou obchtchestvennoĂŻ bezopasnosti i poryadka » (en russe : ĐŃĐŽĐ”Đ»Đ”ĐœĐžĐ” ĐżĐŸ ĐŸŃ ŃĐ°ĐœĐ”ĐœĐžŃ ĐŸĐ±ŃĐ”ŃŃĐČĐ”ĐœĐœĐŸĐč Đ±Đ”Đ·ĐŸĐżĐ°ŃĐœĐŸŃŃĐž Đž ĐżĐŸŃŃĐŽĐșĐ° « Section de prĂ©servation de la sĂ©curitĂ© et de lâordre publics »), gĂ©nĂ©ralement abrĂ©gĂ© en Okhrannoye otdeleniye (en russe : ĐŃ ŃĐ°ĐœĐœĐŸĐ” ĐŸŃĐŽĐ”Đ»Đ”ĐœĐžĐ” « Section de sĂ©curitĂ© »), Ă©tait la police politique secrĂšte de lâEmpire russe Ă la fin du XIXe siĂšcle et au dĂ©but du XXe siĂšcle. Le nom russe commun pour cet organisme est Okhranka.
Nom officiel |
ĐŃĐŽŃŁĐ»Đ”ĐœŃĐ” ĐżĐŸ ĐŸŃ
ŃĐ°ĐœĐ”ĐœŃŃ ĐŸĐ±ŃĐ”ŃŃĐČĐ”ĐœĐœĐŸĐč Đ±Đ”Đ·ĐŸĐżĐ°ŃĐœĐŸŃŃĐž Đž ĐżĐŸŃŃĐŽĐșĐ° |
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Histoire de lâOkhrana
« Prototype de la police politique moderne » selon Victor Serge, lâOkhrana a Ă©tĂ© instaurĂ©e par une ordonnance prise le par lâempereur Alexandre III. Prenant la suite de la « TroisiĂšme section » du ministĂšre de lâIntĂ©rieur abolie en 1880, lâOkhrana fut crĂ©Ă©e afin de faire face Ă la menace rĂ©volutionnaire et anarchiste croissante[1], marquĂ©e par la recrudescence dâattentats politiques, et notamment par celui du 1er/ organisĂ© Ă Saint-PĂ©tersbourg par lâorganisation terroriste NarodnaĂŻa Volia (« la VolontĂ© du Peuple ») et ayant entrainĂ© la mort de lâempereur Alexandre II. Les mĂ©thodes de noyautage et de « provocation » de lâOkhrana allaient crĂ©er une situation de confusion gĂ©nĂ©ralisĂ©e, avec la multiplication des agents doubles, autant au sein de la police politique que de ses adversaires. Staline lui-mĂȘme aurait Ă©tĂ© selon certains[2] un agent double au service de lâOkhrana, bien que cette hypothĂšse ne soit Ă©tayĂ©e par aucune source[3]. Sous lâĂ©gide de SergueĂŻ Zoubatov, une politique de « socialisme policier » crĂ©ant des organisations « indĂ©pendantes » contrĂŽlĂ©es par des agents provocateurs, la Zoubatovchtchina, fut ainsi mise en place.
LâOkhrana a parfois suivi des intrigues compliquĂ©es. Par exemple, elle a tolĂ©rĂ© les activitĂ©s de LĂ©nine alors prĂ©sent clandestinement en Russie et en Finlande en 1906-1907, se refusant Ă lâarrĂȘter alors qu'elle savait parfaitement qui il Ă©tait et oĂč le trouver. Selon Jean-Jacques Marie, il y a deux raisons Ă cette attitude :
- dâune part, Guerassimov, le chef de lâOkhrana de Saint-PĂ©tersbourg, avait des indicateurs dans les sphĂšres dirigeantes bolchĂ©viques. Sâil avait arrĂȘtĂ© la direction bolchĂ©vique, une nouvelle direction se serait mise en place et lâOkhrana aurait dĂ» reprendre Ă zĂ©ro tout son travail dâenquĂȘte ;
- dâautre part, il voyait en LĂ©nine un ferment de division au sein du mouvement social-dĂ©mocrate russe. Il estimait que les querelles internes devaient ĂȘtre encouragĂ©es au sein du POSDR et que lâactivitĂ© de LĂ©nine dans ce sens compensait lâinconvĂ©nient de le laisser organiser sa faction rĂ©volutionnaire.
Mais fin 1907, la pression policiĂšre se renforça et LĂ©nine repartit en exil avant dâĂȘtre arrĂȘtĂ©[4] - [5]Le bureau parisien de lâOkhrana est Ă lâorigine de la rĂ©daction et de la diffusion des Protocoles des Sages de Sion, faux antisĂ©mite largement rĂ©utilisĂ© par la suite, et alors destinĂ© Ă justifier et relancer les pogroms[6].
Le recours aux agents provocateurs
Lâutilisation dâagents provocateurs, câest-Ă -dire le recrutement par lâOkhrana de militants rĂ©volutionnaires chargĂ©s de la renseigner au sein mĂȘme des organisations rĂ©volutionnaires, prit une ampleur considĂ©rable Ă partir de la rĂ©volution de 1905. Victor Serge mentionne la dĂ©couverte au siĂšge de lâOkhrana de Saint-PĂ©tersbourg dâune armoire Ă fiches contenant 35 000 noms de personnes ayant travaillĂ© pour la police au sein de toutes les organisations anti-tsaristes, socialistes-rĂ©volutionnaires, bolchĂ©viks, menchĂ©viks, anarchistes, etc.[7] Les officiers chargĂ©s du recrutement et du suivi de ces agents disposaient de vĂ©ritables manuels. Le principe de la provocation consistait Ă laisser se dĂ©velopper un mouvement de maniĂšre Ă le liquider plus complĂštement par la suite. Il convenait dâapprocher les rĂ©volutionnaires de caractĂšre faible, vivant dans la misĂšre ou bien encore blessĂ©s dans leur amour-propre par les querelles intestines des partis. Lâofficier recruteur devait alors alterner la psychologie et la menace de maniĂšre Ă faire basculer sa recrue potentielle. Le nouveau collaborateur de lâOkhrana touchait ensuite rĂ©guliĂšrement de lâargent, en fonction de lâimportance des renseignements quâil pouvait apporter. Il ne devait en rien changer son mode de vie et ses activitĂ©s pour ne pas attirer lâattention de ses camarades. La police sâefforçait de le prĂ©server lors des vagues dâarrestations, veillant Ă toujours laisser en libertĂ©, en mĂȘme temps que ses agents provocateurs, quelques militants authentiques pour ne pas donner lâalarme. Afin de faire monter un agent dans une organisation, la police arrĂȘtait un militant placĂ© juste au-dessus.
LâOkhrana parvint Ă faire plusieurs recrues de choix, notamment le membre du comitĂ© central et dĂ©putĂ© bolchĂ©vik Ă la Douma Roman Malinovski ou lâimprimeur clandestin du Bund, Yisrael Kaplinsky en place durant onze annĂ©es. Au sein du parti socialiste rĂ©volutionnaire, Ă lâĂ©poque oĂč il procĂ©dait Ă des attentats terroristes contre les hauts-fonctionnaires et les ministres tsaristes, le chef de lâorganisation de combat lui-mĂȘme, Evno Azev, travaillait pour la police. Pour ne pas dĂ©voiler son agent, lâOkhrana laissa faire dĂ©libĂ©rĂ©ment plusieurs assassinats, dont ceux du ministre Viatcheslav Plehve et du grand-duc Serge. Il fut nĂ©anmoins dĂ©masquĂ© en 1908. Autre collaborateur de lâOkhrana dĂ©masquĂ© puis exĂ©cutĂ© par les SR (les membres du parti socialiste rĂ©volutionnaire), le pope Gapon, lâune des figures marquantes de la premiĂšre phase de la rĂ©volution de 1905. Si certains agents provocateurs ne furent dĂ©masquĂ©s quâaprĂšs la rĂ©volution de 1917, la suspicion empoisonna la vie des organisations rĂ©volutionnaires pendant des annĂ©es et des militants furent soupçonnĂ©s Ă tort dâĂȘtre vendus Ă la police pour leur plus grand malheur. Inversement, certains rĂ©volutionnaires tentĂšrent dâinfiltrer lâOkhrana en se faisant dĂ©libĂ©rĂ©ment recruter comme agents provocateurs. Sans grand succĂšs.
Les archives de lâOkhrana
Lors de la rĂ©volution d'Octobre, les archives de lâOkhrana tombĂšrent entre les mains des bolcheviks. Pendant des annĂ©es, elles furent attentivement Ă©pluchĂ©es afin de dĂ©masquer les agents provocateurs dont certains qui exerçaient des fonctions importantes dans le nouveau rĂ©gime soviĂ©tique. Certains dâentre eux, craignant dâĂȘtre dĂ©couverts, se hĂątĂšrent de dĂ©truire les archives dont ils purent sâemparer sous prĂ©texte de protĂ©ger les rĂ©volutionnaires en cas de victoire de la contre-rĂ©volution. Victor Serge explique dans ses mĂ©moires comment il fut confrontĂ© Ă ce dilemme en 1919 : perdre des archives prĂ©cieuses ou risquer de les voir retomber entre les mains des Blancs. Il fut chargĂ© de prĂ©parer un chargement des dossiers les plus importants qui devaient ĂȘtre envoyĂ©s Ă Moscou ou ĂȘtre dĂ©truits en cas de nĂ©cessitĂ© lors de lâoffensive de Ioudenitch contre Saint-PĂ©tersbourg[8]. LâĂ©tude des papiers de lâOkhrana lui permit dâĂ©crire un livre intitulĂ© Les Coulisses dâune sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale (Ce que tout rĂ©volutionnaire devrait savoir sur la rĂ©pression), en 1925[9]. Dans les annĂ©es 60, Edward Ellis Smith, ancien membre de lâambassade des Ătats-Unis Ă Moscou lance la rumeur selon laquelle Staline lui-mĂȘme serait un agent de l'Orkhana, il prĂ©tend obtenir ces informations des archives mĂȘme de l'Orkhana.
PersonnalitĂ©s connues de lâOkhrana
- Yevno Azev, agent double de lâOkhrana qui parvint Ă prendre la tĂȘte de lâOrganisation de combat des SR
- Arkadi MikhaĂŻlovitch Harting
- Ivan Manassievitch-ManouĂŻlov
- Piotr Ratchkovski
Voir aussi
Articles connexes
- Opritchnik, une force investie de privilĂšges spĂ©ciaux de police qui rĂ©pandait la terreur sous le tsar Ivan le Terrible et peut ĂȘtre vue comme un prĂ©curseur de services secrets en Russie.
Bibliographie
- Maurice Laporte, Histoire de lâOkhrana : la police secrĂšte des Tsars, 1880-1917, Paris, Payot, 1935, In-8°, 245 p.
- Victor Serge, Les Coulisses dâune sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale (Ce que tout rĂ©volutionnaire devrait savoir sur la rĂ©pression), 1925. Repris dans MĂ©moires d'un rĂ©volutionnaire, coll. Bouquins, p.217.
- Hans Magnus Enzensberger, Les RĂȘveurs de lâabsolu, Paris, Ă©ditions ALLIA, 1998.
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
Notes et références
- Alexandre Sumpf, Okhrana : la police secrĂšte des Tsars, 1883-1917, Paris, Les Ăditions du Cerf, , 443 p. (ISBN 978-2-204-14520-6, OCLC 1351395216, SUDOC 265783879)
- Roman Brackman, Staline, agent du Tsar, Ă©d. de lâArchipel, Paris 2003.
- Robert O Paxton et Jean-Louis CrĂ©mieux-Brilhac, LâEurope au XXe siĂšcle,
- Jean-Jacques Marie, LĂ©nine, Balland, (ISBN 2-7158-1488-7), pp. 116-117.
- Will Eisner (trad. de l'anglais), Le Complots, l'histoire secrĂšte des protocoles des sages de Sion, Grasset, , 13 997 Ă©d., 143 p. (ISBN 2-246-68601-6)
- Jean-Jacques Marie, « En Ukraine, des pogroms dont lâOccident se lavait les mains », sur Le Monde diplomatique,
- Victor Serge, Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression, La Découverte, coll. « petite collection maspero » (ISBN 978-2-7071-0384-0 et 2-7071-0384-5), p. 12.
- Victor Serge, MĂ©moires dâun rĂ©volutionnaire, coll. « Bouquins », (ISBN 2-221-09250-3), p. 576.
- Jean-François Paillard, « Iossif Vissarionovitch (alias Staline), un agent double au service du tsar ? », sur Geo.fr, (consulté le )