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Bataille de Bir Hakeim

La bataille de Bir Hakeim, du nom d'un point d'eau désaffecté au milieu du désert de Libye, au sud de Tobrouk, est une bataille de la Seconde Guerre mondiale, qui se déroule du 27 mai au durant la guerre du désert.

Bataille de Bir Hakeim
Description de cette image, également commentée ci-après
Légionnaires français attaquant une position ennemie à Bir Hakeim.
Informations générales
Date 27 mai 1942 - 11 juin 1942
Lieu Bir-Hakeim (Libye italienne)
Issue Victoire tactique germano-italienne
Victoire stratégique française (France libre)
Forces en présence
3 723 hommes[1]45 000 hommes[2]
Pertes
140 tués
229 blessés
814 prisonniers
53 canons
50 véhicules
110 avions
3 300 tuĂ©s, blessĂ©s ou disparus
845 prisonniers
51 chars détruits
49 avions détruits
+ de 100 véhicules divers détruits

Seconde Guerre mondiale

Batailles

Campagne d'Afrique du Nord

Guerre du DĂ©sert


Débarquement allié en Afrique du Nord


Campagne de Tunisie

CoordonnĂ©es 31° 35′ 38″ nord, 23° 28′ 47″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Libye
(Voir situation sur carte : Libye)
Bataille de Bir Hakeim

Pendant ces seize jours, la 1re brigade (future 1re division française libre) du général Kœnig, dont les deux tiers des effectifs sont issus des colonies, résiste aux attaques des armées motorisées italiennes et allemandes (le Deutsches Afrikakorps), plus nombreuses et commandées par le général Erwin Rommel. Le répit ainsi gagné par les Français libres permet aux Britanniques, alors en mauvaise posture, de se replier, puis de remporter une victoire stratégique lors de la première bataille d'El Alamein en .

Bir Hakeim est la première contribution militaire importante des Forces françaises libres. Elle est pour beaucoup dans la reconnaissance politique par les Alliés du Comité national de la France combattante.

Situation en Libye au milieu de 1942

Au début de 1942, après sa déroute dans l'ouest de la Cyrénaïque, la 8e armée britannique fait face aux troupes germano-italiennes en Libye, autour de la place forte de Tobrouk. En mai 1942, l'offensive allemande en Libye est relancée avec pour but la prise du canal de Suez. Cette offensive sera menée à bien jusqu'à la bataille de Bir Hakeim qui ruinera les ambitions de Rommel au Moyen-Orient. L'offensive débute sous de bons augures, le général Kesselring et son corps aérien, revenus du front de l'Est, ont lancé l'opération Herkules visant à s'emparer de Malte.

Malte, qui entravait le ravitaillement de l'Afrikakorps, est neutralisée par les bombardiers opérant à partir des bases de Sicile. De plus, des hommes-grenouilles italiens ont mis hors de combat deux cuirassés britanniques, ainsi qu'un cargo de la Royal Navy, en rade d'Alexandrie. Le ravitaillement et les renforts germano-italiens s'améliorent alors que les Britanniques sont contraints d'envoyer des troupes en Asie du Sud-Est pour contrer les Japonais (voir campagne de Birmanie notamment).

Pour prĂ©parer cette offensive, Rommel peut compter sur de multiples sources de renseignements sur la situation de l'ennemi. L'Abwehr rĂ©ussit Ă  percer les codes britanniques et peut dĂ©chiffrer les messages transmis aux attachĂ©s militaires amĂ©ricains qui regorgent de prĂ©cisions sur le dispositif militaire britannique. Il infiltre Ă©galement un espion au Caire, Johannes Eppler (en) et, Ă  ceci, s'ajoutent les moyens de surveillance radiotĂ©lĂ©graphiques de la compagnie d'Ă©coute (Horchabteilung). Certes, Rommel ne dispose pour cette offensive que de 90 000 hommes et 575 panzers face aux 100 000 hommes et 994 chars britanniques, mais il possède l'initiative et ses troupes sont plus mobiles et plus aguerries, en particulier pour combattre dans le dĂ©sert (il manquera en rĂ©alitĂ© dramatiquement de pĂ©trole). Il choisit d'envelopper la ligne de front britannique par le sud et de remonter ensuite au nord de manière Ă  sĂ©parer en deux la 8e armĂ©e britannique du gĂ©nĂ©ral Ritchie. Le , Erwin Rommel lance son offensive, avec laquelle il espère atteindre le canal de Suez.

Avec son aile gauche, composée des 10e et 21e corps italiens (divisions Sabratha (it), Trento, Brescia et Pavia) renforcés par la 15e brigade allemande d'infanterie, il déclenche une attaque frontale sur Gazala par la route côtière, en direction de Tobrouk, espérant ainsi y fixer l’essentiel des forces du Commonwealth. Mais, simultanément, il lance vers le sud ses cinq meilleures divisions (la 15e Panzerdivision, la 21e Panzerdivision, la 90e Leichte Afrika Division allemande, la division blindée Ariete et la division motorisée Trieste), en un mouvement tournant destiné à contourner la ligne fortifiée nord-sud des Britanniques, de façon à remonter ensuite vers le nord pour prendre à revers le gros des forces britanniques et les détruire dans la poche ainsi créée. Il espère ensuite une chute rapide de Tobrouk, pour pouvoir foncer sur l'Égypte. Le général Ritchie, commandant la 8e armée britannique, convaincu que les Allemands attaqueront directement Tobrouk, a déployé le gros de ses forces face aux deux divisions italiennes, avec quatre divisions et deux brigades. Le flanc sud n'est couvert que par deux divisions et trois brigades dont la 1re brigade française libre. Le piège semble pouvoir se refermer sur la 8e armée.

La 1re brigade française libre

La 1re brigade française libre commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral KĹ“nig, est une unitĂ© assez hĂ©tĂ©rogène, formĂ©e au grĂ© des ralliements successifs, composĂ©e de 3 700 hommes, dont les deux tiers sont issus des colonies[3] et territoires outre-mer (comme les Tamarii volontaires tahitiens du Bataillon du Pacifique), que le gĂ©nĂ©ral Yves Gras, ancien de la 1re division française libre, dĂ©crit comme des « Français venus de tous les horizons, volontaires, Ă©trangers, tirailleurs coloniaux, Noirs d'AEF, Pacifiens, Indochinois, Malgaches, Nord-Africains, Libanais, PondichĂ©riens, la 1re brigade apparaĂ®t comme une Ă©tonnante synthèse de la France et de son empire »[4].

  • Commandant la 1re BFL : gĂ©nĂ©ral KĹ“nig
Le village de Bir Hakeim en 1990.

Comme pour les troupes, l'armement a diverses origines, et est assez hĂ©tĂ©roclite. Ainsi 63 chenillettes Bren Carrier, de nombreux camions et deux obusiers ont Ă©tĂ© fournis par les Britanniques. Mais la grande majoritĂ© de l'artillerie est d'origine française, rĂ©cupĂ©rĂ©e au Levant. On y trouve 54 canons de 75 (dont 30 utilisĂ©s en antichars), 14 de 47, 18 de 25. Les Britanniques ont aussi fourni 86 fusils antichars Boys de 13,9 mm et 18 canons antiaĂ©riens de 40 mm Bofors, mais la majeure partie de l'Ă©quipement de l'infanterie est française avec 44 mortiers de 81 ou de 60, 76 mitrailleuses Hotchkiss, dont 4 bi-tubes, 96 fusil-mitrailleurs 24/29 de DCA et 270 d’infanterie. La garnison dispose au dĂ©part de dix jours de ravitaillement et de vingt mille obus de 75.

Phases de la bataille

La position de Bir Hakeim, un réduit français libre

Dessin du camp retranché de Bir Hakeim, mai-juin 1942, dressé par Guy Chauliac (GC).

Parmi les points de résistance faisant face au sud, un est tenu par des Français libres.

Le général Bernard Saint-Hillier décrit ainsi la position de Bir Hakeim que les hommes de Kœnig vont devoir défendre :

« Simple croisement de pistes dans un désert aride, caillouteux et nu que balaient les vents de sable, Bir Hakeim est vu de partout. Le champ de bataille se caractérise en effet par une absence totale de couverts et d'obstacles naturels. La position englobe une légère ondulation sud-nord, que jalonne un ancien poste méhariste, sans valeur défensive, et, près d'un point coté 186, les deux mamelles, qui sont les déblais de deux anciennes citernes. À l'est de l'ondulation, une grande cuvette inclinée vers le nord.
Kœnig divise le point d'appui en trois secteurs, défendus par trois des bataillons. Le 2e bataillon de la 13e DBLE tenant la façade est. Le 3e en réserve, forme plusieurs groupes mobiles dotés de véhicules et de canons de 75 ou de 25 portés, disponibles pour mener des reconnaissances parfois lointaines à l’extérieur du réduit.
Le système défensif emploie massivement les mines. Le commandant Vincent, de la brigade FFL, décrit ainsi les défenses de Bir Hakeim : Pour donner de la profondeur à ce système défensif relativement linéaire, un marais de mines, c'est-à-dire une surface très grande faiblement minée, précède la position. Les branches nord et nord-est de ce marais s'étendent jusqu'aux centres de résistance voisins. À hauteur du Trigh-el-Abd, elles sont reliées par une bande minée. Le triangle ainsi déterminé sur le terrain, qui est baptisé zone du V, est surveillé par des patrouilles motorisées de la brigade FFL. »

Le dispositif défensif initial est mis en place par le général de Larminat puis par le général Kœnig qui, ayant fait la Première Guerre mondiale, ordonnent à leurs hommes de creuser au pic et à la barre à mines dans le sol de roche dure des abris à un mètre de profondeur, la vie souterraine avec armes, personnel et véhicules s'y organisant[10].

L'assaut italien

Dans la nuit du , Rommel, devançant l’offensive planifiée par les Britanniques, passe le premier à l’attaque. Les 15e et 21e divisions blindées, ainsi que la 90e division légère de l’Afrika Korps et les deux divisions du 20e corps d’armée italien, la blindée Ariete et la motorisée Trieste, lancent le large mouvement de contournement prévu, au sud de Bir Hakeim. Les unités blindées britanniques, surprises, résistent de façon improvisée et désordonnée aux Germano-Italiens qui leur infligent des pertes considérables, mais ces derniers subissent aussi des pertes importantes. À la nouvelle des premiers mouvements ennemis, Kœnig fait prendre à ses hommes leurs dispositions pour le combat.

Le , Ă  9 h, Rommel donne l'ordre au gĂ©nĂ©ral Stefanis, commandant de la division blindĂ©e italienne Ariete, d'attaquer Bir Hakeim par le sud-est. Les unitĂ©s de cette division, Ă  savoir le 132e rĂ©giment de chars (it) Ă©quipĂ© de M13/40, le 8e rĂ©giment de bersagliers (tirailleurs) et le 132e rĂ©giment d'artillerie, abordent la position française Ă  revers, en deux vagues successives, Ă  partir de 9 h 30. Les bersagliers qui tentent de dĂ©barquer de leurs camions pour soutenir la charge blindĂ©e sont contraints au repli en raison du tir de barrage de l'artillerie française. Sans aucun appui, les blindĂ©s chargent et tentent de traverser le marais de mines. Six d'entre eux parviennent Ă  s'infiltrer Ă  l'intĂ©rieur de la position française, malgrĂ© les mines et les tirs antichars. Ils sont dĂ©truits Ă  bout portant par les canons de 75 mm commandĂ©s par le sergent Walter Grand et leurs Ă©quipages sont capturĂ©s. Croyant la situation dĂ©sespĂ©rĂ©e, le capitaine Morel, chef de la 5e compagnie, dĂ©cide de brĂ»ler son fanion et ses documents.

Les chars restants tentent alors de dĂ©border la rĂ©sistance par le nord, mais ils tombent dans le champ de mines en V qui protège ce flanc. Les Italiens finissent par se regrouper et se replier. Ils laissent trente-deux blindĂ©s sur le terrain et quatre-vingt-onze prisonniers, dont le lieutenant-colonel Pasquale Prestisimone (it), commandant du 132e rĂ©giment de chars. La division Ariete a Ă©tĂ© rĂ©duite Ă  trente-trois chars en quarante-cinq minutes et doit cesser son attaque. Les Français, eux, n'ont que deux blessĂ©s, un camion et un canon dĂ©truits. Beaucoup de tirs des canons antichars ont lieu Ă  400, voire Ă  200 m, mais les lĂ©gionnaires n'ont pas perdu pied. La journĂ©e du se termine localement sur un Ă©chec pour les forces de l'Axe mais, plus au nord, la 3e brigade indienne est anĂ©antie et deux brigades britanniques, la 4e blindĂ©e et la 7e motorisĂ©e (en), bousculĂ©es, doivent se replier sur Bir-el-Gobi et El Adem (en), laissant Bir Hakeim isolĂ©. Durant les journĂ©es du 28 et du 29, la Royal Air Force bombarde les alentours et la position de Bir Hakeim, s'en prenant aux carcasses de chars italiens. Le gĂ©nĂ©ral KĹ“nig envoie un dĂ©tachement, sous les ordres du capitaine de Lamaze, pour incendier ces Ă©paves, afin de diminuer le risque de mĂ©prises. Le groupement essaie vainement de prendre contact avec la 150e brigade britannique (en), installĂ©e plus au nord, mais l’artillerie italienne l'oblige Ă  y renoncer, non sans que le dĂ©tachement français ait dĂ©truit sept automitrailleuses ennemies. Le , c’est le groupe mobile du capitaine de SairignĂ© qui dĂ©truit trois chars allemands. Saint-Hillier raconte le :

« Dans notre point d'appui, aucun renseignement ne parvient sur la situation générale, nous savons seulement que la 3e brigade indienne fut écrasée le 27 mai, par 44 chars suivis de nombreuses autres troupes et que la 4e brigade blindée et la 7e brigade motorisée britannique se sont repliées sur Bir-el-Gobi et El-Adem. Nous sommes en grande partie isolés du reste de l'armée britannique… »

Le lendemain, 30 mai, et le jour suivant, un calme relatif revient à Bir Hakeim, où ne se produit qu’une infiltration ennemie dans les champs de mines.

Quant à l’eau, elle menace de manquer à la suite de l’arrivée de six cent vingt soldats indiens assoiffés, capturés puis abandonnés par les forces de l’Axe en pleine offensive, et de la présence de deux cent quarante-trois prisonniers. Le groupement mobile du capitaine Lamaze, à la demande de la 7e division blindée britannique, se charge de colmater la brèche ouverte la veille par les blindés de l’Axe dans le champ de mines. Soutenus par le colonel Amilakvari, les légionnaires sont surpris par l’adversaire, mais réussissent à se replier, grâce à l’intervention des Bren Carriers de la 9e compagnie Messmer.

Le , les cinquante camions de ravitaillement de la 101e compagnie automobile du capitaine Dulau parviennent Ă  Bir Hakeim, avec leur cargaison d'eau. En repartant, le convoi rĂ©cupère les blessĂ©s graves et les bouches inutiles, Indiens et prisonniers ennemis. Un raid menĂ© par le colonel Amilakvari, destinĂ© Ă  nettoyer les alentours avec les groupes mobiles Messmer, de Roux et de SairignĂ©, permet de dĂ©truire cinq chars ennemis et un atelier allemand de rĂ©paration de blindĂ©s. Le bilan de la brigade FFL, du au dĂ©part du convoi, est de quarante-et-un chars dĂ©truits, 98 prisonniers allemands et 145 Italiens pour deux morts et quatre blessĂ©s. Ce mĂŞme , les Allemands sont forcĂ©s de reculer temporairement vers l'ouest, Ă  la suite d'une contre-offensive de la 150e brigade britannique, mais celle-ci est mise en pièces et, dès le lendemain, l'encerclement de Bir Hakeim est de nouveau en place.

Le siège

Les succès de Rommel au nord, où les combats font rage, ont cependant affaibli les forces de l’Axe, car les Britanniques ont mis en œuvre leur supériorité numérique en chars. De plus, la résistance française à Bir Hakeim rend risqué le mouvement de contournement projeté par Rommel, malgré les coups portés aux Britanniques, comme la destruction le 1er juin de leur 150e brigade d’infanterie (en). Les divisions de l’Afrika Korps ne peuvent laisser subsister sur leurs arrières la menace d’une brigade alliée qui vient de prouver sa valeur. Rommel doit interrompre son avance, jusqu’à ce qu’il ait réduit le point d’appui français. Après avoir renforcé les divisions italiennes avec des troupes de l’Afrika Korps pour appuyer leur attaque, et fait bombarder à plusieurs reprises, le 1er juin, le camp retranché français, Rommel envoie contre cette place la division motorisée Trieste, la 90e division légère allemande et 3 régiments blindés de reconnaissance de la division Pavia. Elles arrivent le 2 juin.

Le Generaloberst Erwin Rommel et le General Fritz Bayerlein dans le véhicule de commandement à Bir Hakeim.

La garnison de Bir Hakeim repère l’approche des unitĂ©s ennemies Ă  8 h du matin, les premières formations allemandes progressant vers le sud, tandis que les Italiens s’avancent au nord. Deux officiers italiens se prĂ©sentent, Ă  10 h 30 du matin devant les lignes du 2e bataillon, et demandent la reddition du camp retranchĂ©. Le gĂ©nĂ©ral KĹ“nig rejette leur ultimatum. Du 2 au 10 juin, un duel d'artillerie a lieu, plus de 40 000 obus de gros calibre sont tirĂ©s (allant du calibre 105 au 220 mm) et une grande quantitĂ© de bombes est larguĂ©e. Les Français, eux, tireront 42 000 obus de 75 mm. La position est aussi continuellement pilonnĂ©e par les aviations allemande et italienne. Les Stukas allemands effectueront plus de vingt sorties de bombardement sur Bir Hakeim. L'armĂ©e britannique est incapable de soutenir la dĂ©fense des Français, Ă  l'exception d'une attaque, vite enrayĂ©e, le 2 juin, contre la division Ariete. L'isolement de KĹ“nig est presque total.

La 21e Panzerdivision avance.

Le 3 juin, Rommel envoie un message Ă©crit de sa main au gĂ©nĂ©ral KĹ“nig : « Aux troupes de Bir Hakeim. Toute rĂ©sistance prolongĂ©e signifie une effusion de sang inutile. Vous subirez le mĂŞme sort que les deux brigades anglaises de Got-el-Oualeb qui ont Ă©tĂ© dĂ©truites avant-hier. Nous cessons le combat si vous hissez des drapeaux blancs et si vous vous dirigez vers nous, sans armes. » La seule rĂ©ponse de la brigade FFL sera une salve de canon du 1er rĂ©giment d'artillerie qui dĂ©truira quelques camions allemands. Les 3 et 4 juin 1942, tous les assauts germano-italiens sont repoussĂ©s alors qu'ils sont prĂ©cĂ©dĂ©s de tirs de canons de 105 mm et de bombardements. Le gĂ©nĂ©ral Rommel raconte : « Une invitation Ă  se rendre, portĂ©e aux assiĂ©gĂ©s par nos parlementaires, ayant Ă©tĂ© repoussĂ©e, l'attaque fut lancĂ©e vers midi, menĂ©e du nord-ouest par la division motorisĂ©e Trieste, et du sud-est par la 90e division motorisĂ©e allemande, contre les fortifications, les positions et les champs de mines Ă©tablis par les troupes françaises. La bataille de juin commença par une prĂ©paration d'artillerie ; elle devait se poursuivre pendant dix jours durant et avec une violence peu commune. Pendant cette pĂ©riode, j'assumai moi-mĂŞme, Ă  plusieurs reprises, le commandement des troupes assaillantes. Sur le théâtre des opĂ©rations africaines, j'ai rarement vu combat plus acharnĂ©. » Von Mellenthin, un des autres gĂ©nĂ©raux allemands de l'Afrikakorps, dĂ©clarera plus tard « n'avoir jamais affrontĂ©, au cours de toute la guerre du dĂ©sert, une dĂ©fense aussi acharnĂ©e et hĂ©roĂŻque ».

Ă€ partir du 6 juin, l'assaut proprement dit commence. Vers 11 heures, la 90e division motorisĂ©e envoie ses groupes d'assaut avec l'appui des pionniers du gĂ©nĂ©ral Kleemann, chevalier de la croix de fer, venant du front russe, pour essayer de dĂ©gager un passage Ă  travers le champ de mines. Les pionniers allemands rĂ©ussissent Ă  s'approcher Ă  800 m du fort après avoir rĂ©alisĂ© une brèche dans le champ de mines extĂ©rieur et, pendant la nuit, ils parviennent Ă  dĂ©gager plusieurs couloirs dĂ©minĂ©s Ă  travers le pĂ©rimètre intĂ©rieur, oĂą l'infanterie s'infiltre Ă  la faveur de l'obscuritĂ©. MalgrĂ© quelques timides attaques de la 7e brigade motorisĂ©e britannique contre la 90e division motorisĂ©e, l'encerclement est effectif au soir du 6. Au nord-ouest, l'attaque de la division Trieste piĂ©tine. Partout, les soldats français, terrĂ©s dans les trous individuels et les blockhaus, ripostent efficacement contre les tentatives de pĂ©nĂ©trations des troupes de l'Axe. MĂŞme si les champs de mines sont franchis Ă  plusieurs endroits, la prĂ©cision et la densitĂ© du tir qui bat ce terrain dĂ©couvert empĂŞchent toute exploitation des succès initiaux par les troupes allemandes. Les lĂ©gionnaires, bien retranchĂ©s, contre toute attente, malgrĂ© le pilonnage incessant, la faim et la soif qui commencent Ă  se faire sentir, refusent l'accès Ă  leur fort. La journĂ©e du 7, le scĂ©nario est le mĂŞme : les Allemands s'approchent encore de la position, mais le tir continu des Français les cloue au sol. La RAF intervient Ă  quatre reprises en mitraillant les forces engagĂ©es dans le champ de mines.

Un dernier convoi arrive dans la nuit, il est guidé par l'aspirant Bellec, qui est passé à travers les lignes allemandes pour aller du camp retranché au convoi. Un brouillard couvre leur arrivée mais couvre aussi les préparatifs de Rommel qui a fait venir du renfort (chars lourds, canons de 88, pionniers du colonel Hacker, etc.). Le matin du 8 juin, Rommel est fin prêt à lancer une nouvelle offensive. Il est impressionné par la résistance des Français, et écrit cela dans ses carnets : « Et pourtant, le lendemain, lorsque mes troupes repartirent, elles furent accueillies par un feu violent, dont l'intensité n'avait pas diminué depuis la veille. L'adversaire se terrait dans ses trous individuels, et restait invisible. Il me fallait Bir Hakeim, le sort de mon armée en dépendait. »

Il mène personnellement l'attaque au nord, approchant au maximum les pièces de 88 mm et de 50 mm pour effectuer des tirs tendus sur les fortifications françaises. La Luftwaffe intervient avec, entre autres, un raid de 42 Stukas qui touche le poste sanitaire de la brigade, tuant 17 blessĂ©s. MalgrĂ© les moyens engagĂ©s, les Français rĂ©sistent toujours. Le gĂ©nĂ©ral Saint-Hillier raconte : « L'Ă©quipe de pièce d'un canon de 75 est volatilisĂ©e par un coup de 88 frappant l'alvĂ©ole ; le lĂ©gionnaire survivant, la main arrachĂ©e, charge son 75 en s'aidant de son moignon, pointe son canon et touche le 88… » Au soir, seuls quelques endroits au nord du dispositif ont Ă©tĂ© entamĂ©s. Le gĂ©nĂ©ral KĹ“nig adresse un message Ă  ses hommes. Il a Ă©tĂ© informĂ© que le 10 juin serait le dernier jour Ă  tenir et qu'ils pourront abandonner la position Ă  l'ennemi le lendemain, les Britanniques ayant pu se rĂ©organiser durant le temps oĂą la 1re brigade française libre a bloquĂ© l'Afrikakorps. Voici son message : « Nous remplissons notre mission depuis quatorze nuits et quatorze jours. Je demande que ni les cadres ni la troupe ne se laissent aller Ă  la fatigue. Plus les jours passeront, plus ce sera dur : cela n'est pas pour faire peur Ă  la 1re brigade française libre. Que chacun bande ses Ă©nergies ! L'essentiel est de dĂ©truire l'ennemi chaque fois qu'il se prĂ©sente Ă  portĂ©e de tir ».

Pour le combat du lendemain, la brigade FFL, qui n'a pas Ă©tĂ© ravitaillĂ©e après les combats de la veille, ne dispose plus de munitions que pour la journĂ©e, et les rĂ©serves d'eau sont quasiment Ă©puisĂ©es. La RAF arrivera Ă  fournir un ravitaillement aĂ©rien de 170 litres en eau qui servira surtout pour les blessĂ©s. La nourriture manque aussi. Jusqu'Ă  9 h, le brouillard empĂŞche les combats de commencer et permet aux Ă©quipes tĂ©lĂ©phonistes du capitaine Renard de rĂ©tablir les lignes avec les Britanniques. Rommel, de son cĂ´tĂ©, a fait venir la 15e Panzerdivision. Dans la matinĂ©e, la situation est relativement calme, malgrĂ© quelques accrochages au nord-ouest entre le 66e rĂ©giment d'infanterie italien (appartenant Ă  la division Trieste) et les hommes du lieutenant Bourgoin qui se battent Ă  la grenade, et les bombardements d'artillerie et d'aviation sur le camp de la part des Allemands. Ă€ 13 h, 130 avions germano-italiens bombardent le cĂ´tĂ© nord du camp et l'infanterie allemande lance son attaque tout en Ă©tant couverte par la 15e Panzerdivision, qui bombarde elle aussi fortement les Français. La 9e compagnie du capitaine Messmer est enfoncĂ©e, ainsi que le centre tenu par la section de l'aspirant Morvan ; malgrĂ© tout, la situation est rĂ©tablie grâce Ă  une charge de Bren Carrier. L'artillerie continuera Ă  pilonner les Français jusqu'Ă  21 h, heure Ă  laquelle une nouvelle offensive est lancĂ©e mais de nouveau repoussĂ©e. Après cet ultime assaut de l'Afrikakorps, les Français prĂ©voient d'abandonner la position, qui n'est plus d'aucune utilitĂ© aux Britanniques.

L'Ă©vacuation

À 17 h, l'ordre d'évacuation arrive aux Français. Dans la nuit, le général Kœnig précise les détails de sa sortie. Il demande la protection de la RAF et fixe l'heure du départ au lendemain, vers 23 h. Il attend des Britanniques qu'ils préparent un point de recueil au sud-ouest de la position avec des moyens motorisés qui lui font défaut. Il faut néanmoins tenir encore le lendemain et, outre l'eau potable, la situation en munitions est critique avec quelque deux cents obus de 75 et sept cents de mortiers.

Au matin du 10 juin, le pilonnage de l'artillerie allemande reprend et, Ă  13 h, l'assaut est lancĂ© sur le secteur tenu par le bataillon de marche de l'Oubangui-Chari et du 3e bataillon de la LĂ©gion Ă©trangère. Il est prĂ©cĂ©dĂ© par une attaque de 100 Stuka qui dĂ©truisent de nombreux Ă©quipements et sèment la confusion dans les rangs français. Les chars de la 15e Panzer et ses grenadiers sont près de percer le dispositif français, mais une contre-attaque des lĂ©gionnaires de Messmer et des Bren Carrier du capitaine Lamaze, appuyĂ©e par les derniers obus de mortier, rĂ©tablit la situation. Une autre vague d'une centaine de bombardiers survient et l'attaque reprend. Mais, au bout de deux heures, les Allemands, dĂ©moralisĂ©s par le mordant de leurs adversaires, dĂ©cident de remettre leur assaut au lendemain, sans se douter que les Français sont Ă  court de munitions.

La position ayant tenu, la sortie prĂ©vue peut avoir lieu. Cependant, celle-ci ne va pas ĂŞtre sans difficultĂ©, compte tenu de la situation de la 1re brigade. Le matĂ©riel lourd intransportable est dĂ©truit la nuit venue et le 2e bataillon Ă©tranger se prĂ©pare Ă  foncer vers les Britanniques de la 7e brigade motorisĂ©e britannique, Ă  sept kilomètres de lĂ  au sud-ouest. Le dĂ©minage, effectuĂ© par les sapeurs, s'avère plus ardu que prĂ©vu, et c'est avec plus d'une heure et quart de retard que la 6e compagnie du capitaine Wagner sort du pĂ©rimètre. De plus, seul un couloir Ă©troit, et non la largeur prĂ©vue de 200 mètres, a Ă©tĂ© dĂ©minĂ©. Une fusĂ©e Ă©clairante dĂ©voile alors le mouvement des Français et ceux-ci, comprenant que la rĂ©action allemande ne va pas tarder, dĂ©cident alors de foncer, comptant sur la faible densitĂ© de mines pour limiter les pertes. Cela va se rĂ©vĂ©ler payant car, si de nombreux vĂ©hicules sautent, le 3e bataillon Ă©tranger et le bataillon du Pacifique rĂ©ussissent Ă©galement Ă  sortir. Plus qu'une attaque organisĂ©e, c'est une ruĂ©e des Français vers le sud-ouest. En petits groupes, motorisĂ©s ou non, ils neutralisent une Ă  une, sur leur passage, les trois lignes de dĂ©fense italo-allemandes. Se distingueront particulièrement les Bren Carrier du capitaine Jacques Beaudenom de Lamaze. Ce dernier sera tuĂ© en compagnie du capitaine Charles Bricogne, en continuant Ă  pied et Ă  la grenade pour rĂ©duire les nids de mitrailleuses. Le lieutenant Devez trouvera la mort dans le duel entre son Bren et un canon de 20 mm ennemi. D'autres, comme le capitaine commandant du 3e bataillon, seront capturĂ©s. Mais la plus grande partie de l'effectif de la brigade arrive Ă  traverser l'encerclement, derrière la charge des vĂ©hicules et des hommes d'Amilakvari. Celui-ci, en compagnie du gĂ©nĂ©ral KĹ“nig, arrive Ă  Gasr-el-Abid, après avoir risquĂ© la capture en traversant un campement ennemi. Les Britanniques voient les premiers Ă©lĂ©ments français sous la conduite de l'aspirant Jean Bellec vers quatre heures du matin. Vers 8 h du matin, la majeure partie des hommes de la brigade FFL a rĂ©ussi Ă  rejoindre la zone de recueil fixĂ©e par les Britanniques, en vĂ©hicule ou Ă  pied. Les patrouilles britanniques recueilleront encore de nombreux isolĂ©s et Ă©garĂ©s au cours de la journĂ©e.

Les Français libres évacuant Bir Hakeim.

La sortie est un succès complet et Rommel, ignorant que la position de Bir Hakeim a Ă©tĂ© dĂ©sertĂ©e pendant la nuit, lance un nouvel assaut au matin. Ses hommes n'y dĂ©couvriront que des cadavres ainsi que quelques blessĂ©s n'ayant pas rĂ©ussi Ă  fuir. La Luftwaffe, qui a Ă©puisĂ© son carburant au cours de 1 400 sorties au-dessus de Bir Hakeim, n'en a plus assez pour poursuivre et bombarder les colonnes FFL et britanniques qui s'Ă©chappent.

Rommel raconte :

« Le 11 juin 1942, la garnison française devait recevoir le coup de grâce. Malheureusement pour nous, les Français n'attendirent pas. En dĂ©pit des mesures de sĂ©curitĂ© que nous avions prises, ils rĂ©ussirent Ă  quitter la forteresse, commandĂ©s par leur chef, le gĂ©nĂ©ral KĹ“nig, et Ă  sauver une partie importante de leurs effectifs. Ă€ la faveur de l'obscuritĂ©, ils s'Ă©chappèrent vers l'ouest et rejoignirent la 7e brigade anglaise. Plus tard, on constata qu'Ă  l'endroit oĂą s'Ă©tait opĂ©rĂ©e cette sortie, l'encerclement n'avait pas Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© conformĂ©ment aux ordres reçus. Une fois de plus, la preuve Ă©tait faite qu'un chef français, dĂ©cidĂ© Ă  ne pas jeter le fusil après la mire Ă  la première occasion, peut rĂ©aliser des miracles, mĂŞme si la situation est apparemment dĂ©sespĂ©rĂ©e. Dans la matinĂ©e, je visitais la forteresse, théâtre de furieux combats ; nous avions attendu sa chute avec impatience. Les travaux de fortification autour de Bir Hakeim comprenaient, entre autres, 1 200 emplacements de combat, tant pour l'infanterie que pour les armes lourdes. »

Même L'Illustration, revue ultra-collaborationniste, dans son no 5180 du 20 juin 1942 (page 136), salue le courage des « Français dissidents » :

« Bir Hakeim, position britannique au sud de Tobrouk, est tombée le 11 juin. Le gros des efforts du général Rommel devant porter sur cette place, sa défense avait été confiée, en raison de son importance et du péril de sa situation, à des Français dissidents. Ceux-ci résistèrent héroïquement sous un feu d'enfer durant plus de dix jours. Les survivants ont été faits prisonniers. »

Bilan des combats de Bir Hakeim

Trois membres du 1er régiment d'artillerie qui se sont distingués à la bataille de Bir-Hakeim. Reconnaissables à l'ancre de l'armée coloniale, ils sont présentés à tort par l'office de la guerre américain comme des membres de la 13e demi-brigade de Légion étrangère. Ils sont respectivement originaires du Sénégal, de l'Afrique équatoriale et de Madagascar.

Du côté de l'Axe, les pertes sont les suivantes :

  • 3 300 hommes ont Ă©tĂ© tuĂ©s, blessĂ©s ou ont disparu, 272 ont Ă©tĂ© faits prisonniers (149 Italiens, 123 Allemands) ;
  • 52 chars et 11 automitrailleuses, ainsi que plusieurs dizaines de camions, ont Ă©tĂ© dĂ©truits[11] ;
  • La Luftwaffe a perdu sept avions du fait de la DCA et 42 Stukas abattus par la RAF.

Les pertes françaises, selon l'estimation citée par Koenig et confirmée par Pierre Messmer, sont comparativement beaucoup plus légères, avec

  • 99 tuĂ©s et 109 blessĂ©s, pendant le siège, et 41 tuĂ©s, 21 blessĂ©s et 763 disparus (dont 600 prisonniers), lors de la sortie[11] - [12] - [13]. Un Ă©tat rĂ©capitulatif de 1944 signale 683 prisonniers sur les 829 disparus initialement comptabilisĂ©s par les Français libres. LaissĂ©s sans eau pendant quatre jours, 22 sont morts après leur capture, un a perdu la vue, puis 118 ont disparu lors du torpillage du MV Nino Bixio[14] ;
  • en outre, pendant celle-ci, 40 canons de 75, 5 de 47, 8 Bofors et une cinquantaine de vĂ©hicules divers ont Ă©tĂ© perdus. Au total 2 619 hommes des FFL arriveront Ă  rejoindre les lignes britanniques, sur les 3 723 prĂ©sents au dĂ©part.

Conséquences stratégiques de Bir Hakeim

Sur le plan politique

Ce fait d'armes entraîne une nouvelle prise de conscience de la valeur et du courage des soldats français, très contestés depuis juin 1940.

  • Le gĂ©nĂ©ral britannique Ian Playfair (en) dit : « La dĂ©fense prolongĂ©e de la garnison française a jouĂ© un rĂ´le important dans le rĂ©tablissement des troupes britanniques en Égypte. Les Français libres ont, dès l'origine, gravement perturbĂ© l'offensive de Rommel. L'acheminement de ravitaillement de l'Afrikakorps en a Ă©tĂ© fortement troublĂ©. La concentration de plus en plus importante de l'Axe, pour percer cet abcès, a sauvĂ© la 8e armĂ©e britannique d'un dĂ©sastre. Les retards qu'a apportĂ©s la rĂ©sistance rĂ©solue des Français ont augmentĂ© les chances des Britanniques de se ressaisir et ont facilitĂ© la prĂ©paration d'une contre-attaque. Ă€ plus long terme, le ralentissement de la manĹ“uvre de Rommel a permis aux forces britanniques d'Ă©chapper Ă  l'anĂ©antissement prĂ©vu par l'Axe. C'est par lĂ  que l'on peut dire, sans exagĂ©ration, que Bir Hakeim a facilitĂ© le succès dĂ©fensif d'El-Alamein » ;
  • Le marĂ©chal Claude Auchinleck dĂ©clara le 12 juin 1942, Ă  propos de Bir Hakeim : « Les Nations unies se doivent d'ĂŞtre remplies d'admiration et de reconnaissance, Ă  l'Ă©gard de ces troupes françaises et de leur vaillant gĂ©nĂ©ral KĹ“nig »[15] ;
  • Winston Churchill est plus laconique : « En retardant de quinze jours l'offensive de Rommel, les Français libres de Bir Hakeim auront contribuĂ© Ă  sauvegarder le sort de l'Égypte et du canal de Suez » ;
  • Adolf Hitler rĂ©pond au journaliste Lutz Koch, de retour de Bir Hakeim : « Vous entendez, messieurs, ce que raconte Koch. C'est bien une nouvelle preuve de la thèse que j'ai toujours soutenue, Ă  savoir que les Français sont, après nous, les meilleurs soldats de toute l'Europe. La France sera toujours en situation, mĂŞme avec son taux de natalitĂ© actuel, de mettre sur pied une centaine de divisions. Il nous faudra absolument, après cette guerre, nouer une coalition capable de contenir militairement un pays capable d'accomplir des prouesses sur le plan militaire qui Ă©tonnent le monde comme Ă  Bir Hakeim »[16].

Entre-temps, Radio Berlin avait diffusé un communiqué : « Les Français blancs et de couleur, faits prisonniers à Bir Hakeim, n’appartenant pas à une armée régulière, subiront les lois de la guerre et seront exécutés ». Charles de Gaulle ripostait immédiatement sur la BBC : « Si l’armée allemande se déshonorait au point de tuer des soldats français faits prisonniers en combattant pour leur patrie, le général de Gaulle fait connaître qu’à son profond regret il se verrait obligé d’infliger le même sort aux prisonniers allemands tombés aux mains de ses troupes ». La même journée la radio de Berlin proclamait : « À propos des militaires français qui viennent d’être pris au cours des combats de Bir Hakeim, aucun malentendu n’est possible. Les soldats du général de Gaulle seront traités comme des soldats »[17].

Pour l'anecdote, Rommel, impressionné par la résistance française et s'apercevant que les prisonniers français mouraient de soif, donna l'ordre de leur attribuer une ration d'eau égale à celle que recevaient les soldats de l'Axe, ce sur quoi il fut en accord avec Mussolini qui avait exigé de ses troupes que les prisonniers français fussent bien traités. Charles de Gaulle, enfin, envoya un message au général Kœnig : « Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil ».

Sur le plan militaire : Bir Hakeim permet El Alamein

Le résultat le plus important de la bataille de Bir Hakeim, c’est le ralentissement de l’offensive allemande, grâce à la résistance de la garnison de Bir Hakeim, qui a bloqué pendant quatorze jours une part importante des blindés de Rommel sur la route du canal de Suez. Ce retard, qui permet à la 8e armée britannique de s'échapper vers El-Alamein et de s’y fortifier, a constitué un succès stratégique décisif.

Le 21 juin, Rommel s'empare de Tobrouk et de sa garnison britannique de 35 000 hommes (2e D.I. sud-africaine, 201e brigade de la garde, 32e brigade blindĂ©e et 29e brigade indienne) grâce au gĂ©nĂ©ral italien Navarini qui a menĂ© l'attaque Ă  l'aube du 20 juin avec 30 000 Germano-italiens. La garnison britannique, pourtant supĂ©rieure en nombre, a capitulĂ© dès le lendemain 21 juin Ă  9 h 40, après une journĂ©e d'assaut, sans mĂŞme dĂ©truire ses Ă©quipements. Si bien qu'en plus de ses 33 000 prisonniers, Rommel y a capturĂ© 2 000 vĂ©hicules, dont 30 chars, en Ă©tat de marche, 2 000 tonnes d'essence et 5 000 tonnes de vivres.

Sa poursuite de la 8e armĂ©e continue et Rommel s'empare encore de Marsa-Matruh, avant d'arriver devant El Alamein, Ă  160 km d'Alexandrie. Mais les divisions italiennes ne possèdent alors plus que 30 chars et les allemandes 58. Très affaiblies, elles ne parviendront pas Ă  percer cette nouvelle ligne de dĂ©fense. Les Britanniques, qui ont reçu le renfort de cinq divisions fraĂ®ches dont une blindĂ©e, vont tenir leurs positions malgrĂ© de lourdes pertes. Ainsi va ĂŞtre arrĂŞtĂ©, une fois pour toutes, l’Afrika Korps dans sa marche vers Alexandrie, Le Caire et le canal de Suez. Le 23 octobre 1942, Montgomery dĂ©clenchera une offensive qui rejettera les forces de l'Axe jusqu'en Tunisie, oĂą elles capituleront.

En 2013, l'historien Benoit Rondeau a remis en cause cette thèse et selon lui, si la résistance des FFL fut héroïque et qu'ils ont accompli un magnifique fait d'armes, d'autres facteurs expliquent également le rétablissement britannique sur El Alamein[18].

Hommages

Citations militaires

Plusieurs unités (1er bataillon de fusiliers-marins d'artillerie (DCA), 2e bataillon de légion étrangère - section de la 1re compagnie anti-chars, 1er régiment d'artillerie, bataillon de marche no 2 sont citées à l'ordre de l'Armée par le général de Gaulle[19].

Citation à l'ordre de l'Armée du bataillon de marche no 2

« Belle unité indigène constituée en Oubangui-Chari par le chef de bataillon de Roux dès le ralliement aux combats des troupes de l'AEF. Sous le commandement de cet officier supérieur, puis du chef de bataillon Amiel, encadrée par des militaires, fonctionnaires et colons de l'Oubangui animés d'un esprit magnifique, a pris une part glorieuse à toutes les actions militaires des Forces françaises libres dans le Moyen-Orient de mai 1941 à juin 1942. À Bir Hakeim, du 26 mai au , a défendu avec acharnement un des secteurs les plus violemment attaqués, a maintenu ses positions malgré des pertes très lourdes et a réussi finalement à percer les lignes ennemies et à ramener 60 % de ses effectifs, lorsque l'ordre de repli a été donné. Blancs et Noirs de l'Oubangui, étroitement unis, ont donné dans la campagne 1941-1942 un bel exemple de patriotisme et de valeur militaire. »

— Citation à l'ordre de l'Armée du bataillon de marche no 2, Charles de Gaulle

Mont Valérien

Un haut-relief du mémorial de la France combattante du mont Valérien évoque Bir Hakeim : « Du 27 mai au 10 juin 1942, en Libye, la 1re Brigade Française Libre du général Koenig défend la position de Bir Hakeim investie par les forces germano-italiennes, forçant par le glaive le barrage de fer et de feu qui l’encercle ».

Hommages de personnalités

Selon le général Saint-Hillier, dans un entretien en octobre 1991, « il fallut qu'un grain de sable enrayât l'avance italo-allemande, qui n'atteignit El-Alamein qu'après l'arrivée des divisions britanniques fraîches : le grain de sable s'appelait Bir Hakeim. »

Dans ses Mémoires de guerre, De Gaulle relate ainsi sa réaction lorsqu'il apprend, le 11 juin au soir, l'exploit de Kœnig et de sa brigade : « Je remercie le messager, le congédie, ferme la porte. Je suis seul. Oh ! cœur battant d’émotion, sanglots d’orgueil, larmes de joie ! ».

« Nous ne tenons pas Bir Hakeim pour Austerlitz. Mais, comme le premier combat de Jeanne d'Arc à Orléans, Bir Hakeim a été la preuve que la France n'était pas morte », dira André Malraux.

Pour Winston Churchill « L'exploit de la 1re brigade française libre, à Bir Hakeim, prolonge les plus nobles traditions de la France et ne manquera pas de faire vibrer les cœurs de tous vos compatriotes, bien plus, de tous les peuples libres. »

Cimetière militaire

Le premier cimetière militaire français de Bir Hakeim qui était situé sur les lieux même de la bataille, à une centaine de kilomètres au sud de Tobrouk, a été reconstitué à km au sud de Tobrouk en raison de déprédations et de profanations successives mais aussi des risques dus à la présence de nombreuses munitions non explosées. Seul le mausolée à la croix de Lorraine est resté dans le désert.

Les 182 corps des Français Libres morts pendant la bataille, à l’exception des corps rapatriés en France à la demande des familles, ont été transportés et ré-inhumés à Tobrouk où le cimetière d’origine a été intégralement reconstitué et où reposent aussi les quatre premiers soldats français tombés en Cyrénaïque, le 21 janvier 1941, et les six morts de l’opération de Koufra menée par le général Leclerc[20].

Musée

Le musée de Bir Hakeim est installé à côté du nouvel emplacement du cimetière.

Toponymie en France

Ce fait d'armes de la Seconde Guerre mondiale est commémoré dans la toponymie de nombreux lieux en France :

Durant la Seconde Guerre mondiale, le nom de Bir Hakeim a été porté par deux groupes de maquisards : le maquis Bir-Hakeim, groupe agissant dans plusieurs départements dans le Sud du Massif central, et le maquis de Bir Hacheim, en Charente.

Une promotion de l'École spéciale militaire de St. Cyr Coëtquidan porte le nom de « BIR HAKEIM ».

Personnalités ayant participé à la bataille de Bir Hakeim

Sources et bibliographie

MĂ©moires
  • Jean-Pierre BĂ©nard, Bir-Hakim, Fondation de la France libre, Nouvelles Éditions latines, (lire en ligne) (première Ă©dition, Éditions de la Maison française, 1943).
  • Jean-Mathieu Boris (prĂ©f. Jean-Louis CrĂ©mieux-Brilhac), Combattant de la France libre, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 500), , 196 p. (ISBN 978-2-262-04188-5, OCLC 867764857, lire en ligne).
  • FĂ©lix de Grand'Combe, Bir Hakeim 26 mai - 10 juin 1942, PUF, (OCLC 902243436).
  • GĂ©nĂ©ral KĹ“nig :
    • Bir Hakeim, Nouveau Monde Ă©ditions, Paris, 2022. (ISBN 978-2-38094-310-8)
    • Bir Hakeim, 10 juin 1942, Éditions Robert Laffont, Paris, 1971 ;
    • Bir-Hakeim, Office français d'Ă©dition, 1945.
  • Pierre Messmer, « La bataille de Bir Hakeim », Espoir, revue de la Fondation Charles de Gaulle, Paris, septembre 1986.
  • Jacques Mordal, Bir-Hakeim, Ă©ditions Amiot-Dumont, 1962.
  • RaphaĂ«l Onana et Patrice Etoundi-M'Balla, Un homme blindĂ© Ă  Bir-Hakeim : rĂ©cit d'un sous-officier camerounais qui a fait la guerre de 39-45, Paris, Harmattan, , 267 p. (OCLC 609338592, lire en ligne).
  • MarĂ©chal Rommel, La Guerre sans haine, 2 tomes, Ă©ditions Amiot-Dumont, 1952-1953.
  • Daniel Rondeau et Roger StĂ©phane, Des hommes libres : histoire de la France libre par ceux qui l'ont faite, Paris, B. Grasset, (ISBN 978-2-246-49012-8), chap. 16 (« TĂ©moignages »), p. 243 et s..
  • Bernard Saint-Hillier, « La bataille de Bir-Hakeim », Revue de la France libre, no 259,‎ 3e trimestre 1987 (lire en ligne).
Ouvrages historiques
  • Erwan Bergot :
    • La LĂ©gion au combat, Narvik, Bir-Hakeim, Dièn Bièn Phu, Presses de la CitĂ©, 1975.
    • Bir-Hakeim, Presses de la CitĂ©, 1989.
  • François Broche :
    • Bir Hakeim, La France renaissante, Éditions Italiques, 2003 ;
    • Bir Hakeim, mai-juin 1942, Perrin, 2008, rĂ©Ă©d. coll. Tempus, 2012 ;
    • La cathĂ©drale des sables. Bir Hakeim, Belin, 2019.
  • Jean-Louis CrĂ©mieux-Brilhac, La France libre : de l'appel du 18 juin Ă  la LibĂ©ration, Paris, Gallimard, coll. « La Suite des Temps », , 969 p. (ISBN 978-2-07-073032-2).
  • GĂ©nĂ©ral Yves Gras, La 1ère DFL : les Français libres au combat, Paris, Presses de la Cite, coll. « Troupes de choc », , 449 p. (ISBN 978-2-258-01282-0).
  • Dominique Lormier, Rommel, la fin d'un mythe : biographie, Paris, Le Cherche Midi, coll. « Documents », , 184 p. (ISBN 978-2-7491-0108-8, OCLC 231975106).
  • Jacques Mordal, Bir-Hakeim, Ă©ditions Amiot-Dumont, 1962.
Filmographie
Émission radio

Notes et références

  1. François Broche, « Bir Hakeim, bataille de », dans François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole, Dictionnaire de la France libre, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , p. 159-161.
  2. R. G. Grant, 1001 Battles That Changed the Course of History, 2017, p. 833.
  3. Colonel Maurice Rives, TDC, no 692, 15 mars 1995, Benjamin Stora, éd. CNDP, 1995, L'armée d'Afrique : les oubliés de la libération, p. 43.
  4. Yves Gras, La 1re DFL - Les Français libres au combat, Presses de la Cité, 1983.
  5. Pierre Masson (1904-1983), saint-cyrien de la promotion « Metz et Strasbourg » (1922-1924), général de corps d'armée en 1959, commandant la 3e région militaire (Rennes) de 1958 à 1964 [lire en ligne].
  6. La 13e DBLE a été formée en 1940 comme demi-brigade de montagne, en majorité composée d'anciens républicains espagnols, et elle a connu cette même année, en compagnie des bataillons de chasseurs alpins, les grands froids de la bataille de Narvik (Norvège).
  7. Pierre Milza, Denis Peschanski, Joséfina Cuesta Bustillo, Exils et migration : Italiens et Espagnols en France, 1938-1946, L'Harmattan, 1994, 695 p. (ISBN 2738430538), p. 587.
  8. « The Regimental Association of the Inns of Court & City Yeomanry », magazine Vanguard, 1999.
  9. Jean-Pierre Bénard, Bir Hakim, Fondation de la France libre, Nouvelles éditions latines, 2002, 144 pages, quatrième de couverture.
  10. Jacques Roumeguère, Bir Hakeim, fort Vauban du désert, éd. à compte d'auteur, 2006, p. 4-13.
  11. François Broche, Bir Hakeim, Perrin, coll. « Tempus », , p. 158-160.
  12. 224 hommes ont été tués ou blessés grièvement durant la bataille, 41 tués (dont 15 officiers), 125 blessés et 813 disparus pendant la sortie, selon Bernard Saint-Hillier, « Bir Hakeim », Revue de la France libre, no 278,‎ 2e trimestre 1992 (lire en ligne).
  13. L'annuaire des anciens de la DFL recense 349 morts lors du siège et de la sortie (tués et disparus non retrouvés par la suite), version au 30 juin 2022
  14. Sur les prisonniers, on lira Jean-Marc Largeaud, « Note sur les prisonniers de Bir Hakeim », Fondation de la France libre, no 44,‎ , p. 6-7 (lire en ligne) [PDF].
  15. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, édition La Pléiade, p. 260.
  16. Dominique Lormier, La RĂ©sistance pour les nuls, EDI8, , 509 p. (ISBN 978-2-7021-4880-8, lire en ligne).
  17. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – L'Appel : 1940-1942 (t. I), éd. Plon, Paris, 1954 ; rééd. Pocket, 1999 (nouvelle édition 2007) 440 p. (texte intégral) (ISBN 2266095269 et 978-2-266-09526-6), p. 319.
  18. Benoît Rondeau, Afrikakorps : l'armée de Rommel, Tallandier, 2013, p. 123.
  19. Jean-Pierre Bénard, Fondation de la France libre, Bir Hakim : relation des combats qui se sont déroulés du 27 mai au 11 juin, Nel, 2008, p. 265.
  20. Erwan Bergot, Bir Hakeim, Presses de la cité, 2009.
  21. « Gilbert Chevillot », sur ordredelaliberation.fr (consulté le ).
  22. « André Salvat, compagnon de la Libération », lindependant.fr, 14 février 2017.

Voir aussi

Articles connexes

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