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Histoire de la culture de l'arachide

L'Histoire de la culture de l'arachide est marquée par l'utilisation de cette plante, à partir de la fin du XIXe siècle, notamment pour sa transformation en huile, en savon et en beurre de cacahuètes. L'Afrique occidentale et l'Inde voient son exportation augmenter dans le dernier tiers du XIXe siècle, après les tentatives infructueuses de développer sa culture dès le début du Second Empire pour des raisons géopolitique. Les rivalités européennes dans la colonisation de l'Afrique et de l'Inde, scandées par des politiques militaires puis protectionnistes, ont poussé le progrès agronomique et technique, en particulier après le percement du canal de Suez, qui a donné l'avantage à l'Inde, puis le déploiement du chemin de fer, qui a entraîné une monoculture en Afrique de l'Ouest, sur fond de maladie de l'arachidier en Inde. Ce progrès agronomique s'est ensuite accéléré avec l'indépendance des pays producteurs, au cours de la seconde partie du XXe siècle, la transformation de l'arachide en huile étant de plus en plus liée à sa culture.

Les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles

Les origines américaines

Pieds d'arachide

L'arachide semble avoir été d’abord domestiquée dans la plaine du Gran Chaco qui inclut les vallées des fleuves Paraná et Paraguay, point de départ d’une diffusion dans tout le continent américain. Quand les Européens arrivèrent dans le Nouveau Monde, ils la trouvèrent aussi bien en Amérique centrale qu’au Brésil. Le conquistador Francisco Hernández la signale au Mexique en précisant toutefois qu’« autrefois on ne la trouvait qu’en Haiti »[1]. Dans une chronique espagnole de 1569, à propos du Pérou, il est fait état qu’on a trouvé en grand nombre des pousses et des graines d'arachide dans les tombes précolombiennes[2].

L’extension de sa zone de culture a entrainé l’apparition de nombreux cultivars qui peuvent être classés en deux grands groupes[1] :

  1. un de type brésilien, que les Portugais répandirent en Europe, en Afrique et en Asie par les routes de l’Atlantique
  2. un autre de type péruvien que les Espagnols exportèrent vers l’Asie orientale, par le Pacifique.

Parmi les différences, notons que le type brésilien comporte généralement deux graines, et le péruvien trois.

L’explorateur et écrivain portugais, G. Soares de Souza (pt) (1540-1591) qui devint maitre d’une plantation de canne à sucre après 1565 au Brésil, décrivit ainsi le plante :

« Les plantes ont des feuilles semblables à celles des haricots espagnols avec des branches étendues sur le sol. Chacune produit de nombreuses amendões [grosses amandes] qui poussent à l’extrémité des racines et elles ont la taille d’un gland, ont une coque de la même grosseur et dureté, mais elle est blanche et fripée, et porte à l’intérieur trois ou quatre amendões qui ont l’aspect de pignons avec une peau, mais plus gros. Elles ont une teinte grise et un goût qui rappelle celui des pignons. Mangées crues, elles ont le goût de pois chiches mais on les consomme grillées ou bouillies avec la peau, comme les châtaignes, grillées sans la peau elles sont encore meilleures »

— (Tratado Descriptivo do Brasil em 1587[1])

L’auteur ne s’était pas aperçu que les fruits ne naissaient pas à l’extrémité des racines mais au bout d’une hampe florale qui plongeait ensuite dans la terre et y fructifiait.

Jean de Léry (1536-1613), pasteur, grand voyageur et écrivain français décrit cette plante sous le nom de « manoki » comme une culture de la région de Rio. Au XVIIe siècle, le père Charles Plumier (1646-1704), un botaniste et voyageur-naturaliste français, la signale aux Antilles. Dans Nova plantarum americanarum genera (1703), il la décrit sous le nom de Arachidna quadrofolia[3] qu'on appelait « pois de terre » ou « pistache de terre » aux Antilles[1].

Au XVIe siècle, le Portugais plantèrent des arachides au Portugal où elle réussirent à se fixer au sud, dans les terres de l’Algarve et les rivages sablonneux du Bas-Alentejo. Ils l’introduisirent aussi en Afrique. Elle n’eut pas de difficulté à être adaptée car certaines populations cultivaient déjà une fabacées produisant des fruits sous terre : le pois bambara (Voandzeia subterranea Thouars). L’arachide américaine demandait les mêmes soins mais était plus productive[1].

Dans de nombreuses régions d’Afrique, l’arachide avec sa richesse en lipide (49 %) et en protéine (23 %), constitue la base de l’alimentation humaine. C’est seulement à la fin du XIXe siècle qu’elle est devenue une matière première très importante pour l’extraction de l’huile.

En Asie, les navigateurs portugais introduisent l'arachide dans la province de Madras en Inde, où elle fut cultivée comme une denrée, avant de donner lieu à un commerce d'exportation[4]. D'Inde, l'arachide s'est répandue progressivement en Birmanie, dans les pays de la péninsule indochinoise et jusqu'en Chine. Vers le Sud, elle a gagné les Indes néerlandaises et fut importée en Australie, vraisemblablement par des coolies chinois[4].

Le XIXe siècle

Il faut attendre les techniques de transformation de la seconde partie du XVIIIe siècle pour que l’huile soit utilisée dans l’alimentation[5]. Dans les départements du nord de la France, la production de colza prend son essor entre les années 1750 et 1850[5]. La majorité de l’huile, produite par les moulins du Tordoir est exportée vers la région parisienne ou l’étranger[5]. Mais ensuite, les huiles d'arachide se font une place croissante sur le marché.

Les débuts modestes des cultivateurs indiens

La culture de l'arachide est constatée dans l'État du Tamil Nadu en 1800 par le botaniste anglais Francis Buchanan-Hamilton (1762-1829)[6], qui a fait de nombreux voyages en Asie, il entre dans le Service médical du Bengale en 1794, fonction qu’il conserve jusqu’en 1815. Il observe un assolement avec une autre plante, le curcuma dans la région de Mysore[6].

Avant 1850, environ 1 000 hectares seulement Ă©taient impliquĂ©s dans la culture d'arachide en Inde, dans la rĂ©gion de Madras dans le sud de l'Inde[7]. Mais dès 1851, elle fait l'objet d'une exploitation commerciale[6]. Cette surface a doublĂ© la dĂ©cennie suivante[7] et la progression sera ainsi très lente jusqu'aux annĂ©es 1860.

En 1857, les exportations d'arachide de Pondicherry vers la France ne dépassent pas 2,2 millions de francs mais c'est 4 fois plus, soit 8,4 millions de francs dès 1883, puis 12,9 millions de francs en 1991[6].

Années 1820-1830, des Bordelais et Marseillais sur la côte d'Afrique

Dakar en 1850.

L'arachide est ensuite introduite au Sénégal par les Bordelais. Lors de son arrivée au Sénégal en 1822, à quinze ans, le jeune Jean Louis Hubert Prom travaille pour le commerçant Potin installé à Gorée et époux d'une signare. Les négociants bordelais présents à Saint-Louis (Sénégal) dominent le marché sénégalais de l'arachide des deux premiers tiers du XIXe siècle[8], encore très réduit, même si dès 1830, B. Devès et H. Maurel importent à Bordeaux des cargaisons d'arachides. Maurel & Prom fondée en 1831, sera suivie sur ce marché en 1866 par Maurel Frères et, trois ans plus tard, par la maison Devès et Chaumet[8]. Le gouverneur, le baron Roger, successeur de Julien Schmaltz, encourage déjà l'arachide, « la pistache de terre », mais sans grands résultats.

Statue du général Faidherbe, gouverneur du Sénégal et partisan de l'arachide.

Le tout début de l'histoire de l'huilerie marseillaise a lieu avec l'arrivée, entre 1825 et 1835, des premières cargaisons oléagineuses - essentiellement des arachides venues du Sénégal - à une époque où Marseille ne fabrique encore que de l'huile d'olive. Dès 1833, Benjamin Jaubert, un négociant d'origine marseillaise, venu de France avec sa femme, s'est installé à Gorée, où il a soumis un mémoire à la chambre de commerce de Marseille pour la promotion de la culture de l'arachide. Il envoie en France quelques tonnes d'arachides en 1837[9] - [10], sans grands résultats non plus.

Les Américains et Anglais en Gambie vers 1830

La culture de l'arachide à une certaine échelle commence avant 1830 en Sénégambie[11], pour se protéger des mauvaises récoltes de millet, avec une culture plus résistante à la sècheresse[11]. Les premières exportations, timides, de Sénégambie en Europe sont notées en 1830[11]. L'huile de palme est utilisée comme lubrifiant mécanique dans les chemins de fer, pour les produits pharmaceutiques, puis pour les résidus donnés comme nourriture au bétail[12]. Ils répondent par la suite aux besoins de la production de savons, quand des campagnes pour relever les standards d'hygiène feront leur apparition[11]. L'arachide du Sahel, arrivant à Marseille, va alors rivaliser avec les palmistes du golfe de Guinée arrivant à Liverpool.

Utilisant les infrastructures locales existantes, les commerçants Wolof mettent en place un système de transport permettant à la production sa première expansion[11]. Les Américains sont les plus importants importateurs de cette première décennie de commerce maritime puis se replient sur leur propre production, protégée dès 1842 par des droits de douane[11]. C'est la France qui prend le relais mais se heurte à une taxe destinée à protéger l'huile d'olive, abolie en 1840[11], sans pour autant que le commerce s'emballe dans les années 1840. Les Français visent d'abord la Guinée-Bissau, la Guinée et le nord de la Sierra Leone. Le reste de la Sierra Leone et le Liberia seront courtisés moins rapidement en raison de conditions climatiques moins adaptées[11].

Les années 1840, des postes militaires et les six hectares de Rousseau-Chazelles

Entre 1838 et 1842, malgré les avis plus que réticents des Chambres de Commerce, la France fait en Afrique occidentale une apparition aussi autoritaire qu'inattendue, en créant trois postes militaires, à Grand Bassam et Assinie sur la Côte d'Or, et au Gabon[13], alors que sa présence à Saint-Louis (Sénégal) est encore très modeste. La raison est avant tout la crainte, politique, d'être distancée par la Grande-Bretagne. Ces comptoirs fortifiés furent un échec aussi bien économique que stratégique[13].

C'est dans ce contexte qu'en 1840 la France abolit une taxe contre l'importation d'olĂ©agineux, qui Ă©tait destinĂ©e Ă  protĂ©ger l'huile d'olive[11]. La mĂŞme annĂ©e, le chimiste parisien Rousseau-Chazelles[14], reprĂ©sentant de la chambre de commerce de Rouen, met en valeur la richesse en huile de l'arachide en plantant six hectares Ă  proximitĂ© de Rufisque. En 1841, le brick ZĂ©nith transporte 70 tonnes de graines de son exploitation jusqu'Ă  Rouen, tandis que le planteur Gasconi expĂ©die 70 quintaux d'arachides Ă©grenĂ©s Ă  Marseille.

Maurel & Prom s'intĂ©resse, lui aussi dès 1841, Ă  la commercialisation de l'arachide en France[15], mais n'arme que 58 navires vers l'Afrique en 40 ans, entre 1836 et 1875[15].

Peu après, en 1844, le gouverneur Édouard Bouët-Willaumez, anticipant sur l'abolition de l'esclavage en France en 1848[15], interdit les « engagés libres » en Afrique et fait recenser les esclaves[15], mécontentant les premiers planteurs qui menacent de s'installer ailleurs[15], mais sans créer plus de problèmes. En Gambie, l'exploitation arachidière produit dès 1848 un système de travailleurs migrant appelés strange farmers, venus de l'intérieur des terres[11], qui restent environ trois ans sur les plantations, puis repartent avec des biens acquis, ce qui contribue à l'abolition effective de l'esclavage[11].

Plus tard, les militaires français et gouverneurs du Sénégal, Auguste-Léopold Protet (1850 à 1854) et son successeur Louis Faidherbe (de 1851 à 1865), encourageront la culture de l'arachide, jugée la plus adaptée au milieu naturel très sec[16], dans le cadre d'un système économique colonial qui prétend rompre avec l'esclavage.

La première zone touchée a été le Cayor, proche de l'océan, où la production ne décolle qu'en 1867[14], et d'abord très modestement, après s'être heurtée à de fortes résistances des populations locales, en particulier lors de l'installation du télégraphe. En 1867, les exportations d'arachide de l'AOF sont encore 90 fois moins élevées qu'en 1937.

Exportations d'arachides du Sénégal
Années18401850186718851900191019161930193219371940
QuantitĂ© (en tonnes)0,725008 50045 000140 000227 000124 000509 000191 000688 000423 000[14]

En 1851 les premiers « savons de Marseille » blancs

En 1851, le roi Sodji de Porto-Novo signe un traité de commerce et d'amitié avec la France pour développer l'exportation d'huile de palme[17]. Il fait planter de nouvelles palmeraies au nord de Porto-Novo, sur les conseils des négociants afro-brésiliens qui tirent bénéfice des Traites négrières, réprimée par le British African Squadron, et sont en lien avec des négociants français[18]. Il veut protéger son commerce d'huile de palme et fait planter de nouvelles palmeraies au nord de Porto-Novo, dont les savonneries marseillaises seront le débouché.

En 1835 encore, Marseille ne comptait que quatre huileries de graines[8] mais en 1851 ou 1852, la fabrication marseillaise fut révolutionnée par l'invention d'un nouveau savon qui n'allait pas tarder à éclipser complètement le savon bleu marbré : le savon blanc cuit (ou « liquidé ») contenant plus d'eau que le marbré et fabriqué selon un autre procédé[19]. Ces premiers « savons blancs » sont fabriqués à partir des sous-produits des oléagineux, par opposition aux « savons verts » à base d'olive[8]. Les huiles de palmiste et de coprah, puis de palmistes, peuvnt ainsi remplacer l'huile d'olive à plus grande échelle.

En 1863, Marseille abrite déjà 16 fabriques de savon blanc pour 36 fabriques de savon traditionnel. En 1870, c'est déjà 42 usines triturant les graines d'oléagineux et un marché en plein essor. Résultat, pour l'ensemble de la France, les importations de graines oléagineuses sont multipliées par 175 entre 1835 et 1870[8].

Au milieu des annĂ©es 1850, la quasi-totalitĂ© des arachides importĂ©es en France venait du Royaume du Cayor[14], en tonnages encore rĂ©duits. En 1853, l'abbĂ© Boilat note que Rufisque fournit GorĂ©e en cuirs et en arachide. Le pont de Leydar, sur la rive gauche du fleuve SĂ©nĂ©gal, est construit après la dĂ©fense acharnĂ©e, le 21 avril 1855, de la tour de Leybar par treize hommes aux ordres du sergent Brunier du 4e RIM. Ce pont est jugĂ© crucial pour promouvoir le commerce entre Saint-Louis (SĂ©nĂ©gal) et le Royaume du Cayor, en raccourcissant une piste dangereuse[14]. Les ânes, les bĹ“ufs et les chameaux ont Ă©tĂ© utilisĂ©s aux stades les plus prĂ©coces du dĂ©veloppement de l'Ă©conomie de l'arachide. Le chameau pouvait porter 300 Ă  350 kg sur 30 km, la distance moyenne voyagĂ©e quotidiennement, comparĂ© Ă  100-110 kg pour l'âne et 250-350 kg pour le bĹ“uf[14].

Le sésame indien victime du décret de 1861 après l’expansion des années 1850

Le sésame indien, des graines oléagineuses utilisées en savonnerie et en huilerie, est concurrent de la culture de l'arachide au cours des années 1850, qui le voient transiter par le comptoir important conservé par la France, à Pondichéry, au milieu de la partie indienne de l'Empire colonial britannique. Lors de la Révolution de 1848, l'abolition de l'esclavage amène la France à diversifier ses approvisionnements, afin de moins dépendre de ses ex-comptoirs africains et antillais, où l'esclavage est désormais interdit et doit être combattu.

La France représente 75 à 80 % des exportations de Pondichéry dans les années 1850. Elles s’élèvent à plus de 9 millions de francs en moyenne entre 1846 et 1849, puis dépassent les 12 millions entre 1850 et 1854 et les 18 millions entre 1855 et 1859, avec un point haut en 1957[20]. Les exportations de sésame de la région de Cocanada, vers la France, via Pondichéry, connaissent un formidable essor grâce à l’allègement des droits de douane français à partir de 1848[20]. En 1857, la meilleure année pour le commerce de Pondichéry vers l’Europe, les expéditions de sésame à destination des ports français pèsent 46,5 % des envois en France, avec 14 millions de francs, devant l’indigo (24,2 %) et les cotonnades (14,9 %), les arachides (7,3 %), le café (2,4 %) et l’huile de coco (1,9 %)[20]. La France représente dans cette décennie 75 à 80 % des exportations de Pondichéry[20].

Mais les expéditions de sésame de Pondichéry vers la France s’effondrent à zéro quelques années après le décret du [20], qui supprime, à la demande des importateurs marseillais, l’obligation de les transporter en droiture, ce qui permet donc les embarquements de sésame à destination de la France dans les ports anglo-indiens, où le sésame sera par ailleurs concurrencé par l’arachide un peu plus tard[20]. En attendant, il faut parer aux effets du décret du et la France se met à importer plus d'arachide d'Afrique.

Le commerce arachidier promu par l'impérialisme des années 1860

En 1860 commence, dans la politique africaine française, une période où prédomine selon les historiens, l' « impérialisme libre-échangiste d'origine locale »[13]. Les commerçants sont « peu à peu amenés à souhaiter l'intervention de l'État » car ils redoutent la concurrence anglaise à Lagos. En 1862-63, la maison de négoce s'enhardit. Elle a été fondée par Louis Théodore Victor Régis, l'un des premiers à importer des arachides à Marseille, en commerçant avec la Gambie, la Guinée et le Gabon, et en disposant de comptoirs à Whydah, au Dahomey, au Mozambique, sur la Côte d'Ivoire, en Angola, au Togo et au Nigeria puis promoteur du quartier de Noailles (Marseille).

Reçu au Palais des Tuileries par Napoléon III, Victor Régis demande la première intervention militaire française à terre et la création de l'éphémère protectorat de Porto-Novo, pour le roi Sodji de Xogbonou, qui était alors sous pression et les bombardements des Britanniques pour mettre fin à l'esclavage, un « premier signe que les puissances européennes ne toléreraient plus longtemps les petits royaumes africains »[13]. Mais ce n'est qu'à partir de 1867 que la culture de l'arachide décolle en Afrique.

L'offensive politique et militaire du Second Empire

Les questions de sécurité du commerce de l'arachide sont utilisées pour justifier l'occupation française du Cayor[15], qui en 1856 a pour damel Birima Ngoné Latyr Fall, demi-frère de Lat Dior. Les Européens lui demandent la permission d'installer le télégraphe Saint-Louis-Dakar. Il refuse d'abord, puis accepte, croyant qu'ainsi les Européens l'aideront face aux musulmans du Ndiambour qui exigent son départ. À sa mort en 1859, le conseil des grands électeurs élit un nouveau damel, Macodou Coumba Yandé Mbarrou que Louis Faidherbe décidera plus tard de chasser. Louis Faidherbe perd la bataille de Gattyes contre les Tiédos de Macodou mais gagne un mois après la bataille de Kouré. Les français en profitent pour annexer quelques provinces.

Puis Lat Dior écrase Madiodio, le damel suivant, allié aux Français, à la bataille de Coki en 1861. Il envoie des émissaires aux royaumes voisins jusqu'au royaume du Trarza en Mauritanie appelés à lutter contre la pénétration des français, qui craignent un soulèvement général.

La production arachidière était encore statistiquement faible en 1861, tout juste suffisante pour servir de base à un engagement politique, dont a découlé l'asservissement du Cayor[15]. À partir de 1861, une série d'invasions colonialistes françaises y entraîne la déposition des damel du Cayor, considérés comme hostiles à la France et l'installation de ceux qui ne sont pas opposés à cette politique[15]. Parmi eux, Lat Dior, désormais considéré comme un héros sénégalais[15], qui refuse l'implantation de la culture de l'arachide, car il estime que cela donnerait aux Français de nouvelles chances d'imposer leur domination et de rester au Sénégal.

Lat Dior reprend le damelship en [15]. Pour regagner la souveraineté perdue, il tentera de saboter le projet de chemin de fer, mais dans une période où les marchands au Sénégal craignent la concurrence en provenance d'Inde sur le marché français[15]. Lat Dior finit par céder en 1879[15], via un traité donnant aux Français le droit de construire le chemin de fer Dakar-Saint-Louis, en échange de respecter l'indépendance du royaume et de l'aider contre les intrus[15]. Lat Dior accepta de fournir un bassin de main-d'œuvre dans lequel les Français pourraient puiser s'ils avaient besoin de cheminots[15].

Maurel et Prom construit un quai Ă  Rufisque en 1865

En 1865, les bordelais de Maurel & Prom construisent un quai Ă  Rufisque[15], par lequel 900 tonnes d'arachide sont exportĂ©es contre 1 690 tonnes Ă  Saint-Louis (SĂ©nĂ©gal)[15]. Ce port a l'avantage d'ĂŞtre accessible sans avoir Ă  franchir de rivière[15], mĂŞme si demeure le passage dangereux du « Ravin des voleurs »[15], entre Thiès et Pout, aux confins du SĂ©nĂ©gal près de la frontière mauritanienne, au pays des Nones, oĂą pas moins d'une trentaine d'assassinats sont recensĂ©s entre 1862 et 1863[21], ce qui a motivĂ© l'installation d'un poste militaire d'une quinzaine d'hommes Ă  Pout en 1863[21], Ă  une Ă©poque oĂą la colonisation espère dĂ©velopper des cultures de coton[21] pour profiter de ses cours Ă©levĂ©s en pĂ©riode de Guerre de SĂ©cession amĂ©ricaine. Dès 1867, Rufisque exporte six fois plus d'arachide qu'en 1865, soit 5 488 tonnes[15], loin devant les 3 172 tonnes de Saint-Louis[15], emportant haut la main la compĂ©tition entre les deux ports. La tendance s'accĂ©lère avec 4 000 tonnes exportĂ©es au premier semestre 1868, soit deux-tiers de ce qui avait Ă©tĂ© fait l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente[15].

Charles-Auguste Verminck s'implante en Guinée et au Sierra Leone

Le nĂ©gociant marseillais Charles-Auguste Verminck lance son entreprise de nĂ©goce en 1845, Ă  18 ans, par laquelle il s'implante en Sierra Leone[22] et se fait aussi, deux dĂ©cennies plus tard, fabricant d’huiles d’arachide Ă  Marseille, Ă  partir de 1862[15].

Charles-Auguste Verminck reprend l’huilerie Rocca en 1869, puis en 1877 les actifs africains du négociant et banquier marseillais Jean-Baptiste Pastré dans la future Guinée[15]. Il a entre une douzaine et une trentaine de voiliers, dès le début des années 1870[15] puis investit dans des vapeurs. En 1876, le gouverneur Brière de L'Isle observe que sous son influence les Maures sont devenus plus marchands que guerriers[15]. En 1879, Charles-Auguste Verminck finance l'expédition de Marius Moustier pour découvrir les sources du Niger, aux confins de la future Guinée et de la Sierra Leone, puis fonde deux ans après la Compagnie du Sénégal et de la Côte occidentale d'Afrique, en 1881, une société anonyme au capital de quinze millions de francs, permise par la loi de 1867, basée à Paris, qui reçoit des suventions de Léon Gambetta[15].

Cours du Niger en Afrique.
Cours du Niger en Afrique

À son apogée, la Compagnie du Sénégal et de la Côte occidentale d'Afrique est active dans les Rivières du Sud, le Rio Nunez (Bel Air et Boké), le Rio Pongo (à Guéméyire), même si les pays colonisateurs ne disposaient encore que de traités précaires avec les souverains locaux[15], et fait tourner à Marseille quatre huileries, dont deux en location[15]. La compagnie a deux agences à Manchester et Liverpool, qui effectuent les achats de marchandises auprès de la première puissance industrielle textile, échangés ensuite sur la Côte occidentale d’Afrique, où elle dispose de neuf agences, dix-huit sous-comptoirs, 80 salariés européens et 300 africains[15].

Les États-Unis redécouvrent l'arachide pendant la Guerre de Sécession

Brevet du beurre d'arachide

Durant la guerre de SĂ©cession, qui a Ă©clatĂ© en 1861, l'arachide a nourri les soldats des deux camps, pour allier aux pĂ©nuries de ravitaillement, de cĂ©rĂ©ales et de viande. Dès 1865, Ă  la fin de la guerre de SĂ©cession, l'arachide prit de l'extension dans les États du Sud-Est des États-Unis. De 4 000 tonnes, en 1868, la production passa Ă  22 000 tonnes en 1873. Mais dans l’esprit de beaucoup, elle Ă©tait la nourriture des pauvres, et avant l’invention des Ă©quipements mĂ©canisĂ©s, vers 1900, la culture de l’arachide Ă©tait jugĂ©e très coĂ»teuse.

Les conséquences de l'ouverture du canal de Suez

L'arachide est dynamisée par les transformations structurelles qui affectent le marché des oléagineux, dans le courant des années 1880-1890[23]. À partir de 1869, les arachides décortiquées d'Inde arrivent de la côte de Coromandel[23] par vapeurs, en passant par le canal de Suez, qui vient d'ouvrir. Dans les années qui suivent la mise en service de nouveaux navires plus grands et plus puissants et le boom de la navigation à vapeur entre Marseille et l'Inde contribue à marginaliser le marché ouest-africain dans l'approvisionnement des industries marseillaises en arachides[23]. Ces huileries vont réorienter leurs circuits d'approvisionnement au profit d'un produit, l'huile de palme, ou d'une origine, l'arachide des Indes, devenus plus compétitifs, dans un marché qui vit une « véritable mondialisation »[23].

Au secours des colonies françaises, les privilèges douaniers

Pour s'adapter à la concurrence asiatique provoquée par l'ouverture du canal de Suez en 1869, le Second Empire de Napoléon III va mettre en place des protections douanières l'année de son ouverture, qui seront ensuite contestées mais finalement maintenues sous la IIIe République, lors de batailles parlementaires qui voient la victoire des importateurs de l'empire colonial sur les représentantes des moulins à huile traditionnels.

Les olives provençales sont les perdantes du dispositif douanier instauré en 1869.

Le dĂ©veloppement du secteur huilier s'est accĂ©lĂ©rĂ© ainsi Ă  nouveau sous la IIIe RĂ©publique, les importations de graines olĂ©agineuses passant de 180 000 tonnes Ă  600 000 tonnes au cours des annĂ©es 1870-1914, grâce Ă  un dispositif votĂ© en 1869, Ă  la fin du Second Empire, contestĂ©e par les producteurs français, puis dĂ©finitivement acquis en 1910[8].

En dĂ©cidant de taxer la matière première des huiles Ă©trangères Ă  des taux Ă©levĂ©s - par exemple de 15 Ă  18,60 francs aux cent kilos pour les huiles de colza et de 6 Ă  9,60 francs pour les huiles d'arachide - mais en dispensant de ces taxes les produits de l'Empire colonial, la Chambre des dĂ©putĂ©s française donna Ă  ces derniers un avantage international, et par la mĂŞme occasion raison aux importateurs plutĂ´t qu'aux moulins Ă  huile d'olive traditionnels situĂ©s dans l'arrière-pays provençal[8]. Ce privilège d'importation stimula surtout les arrivages d'arachide en provenance d'Afrique, devenue la « graine leader » de l'industrie huilière marseillaise et reprĂ©sentant en 1914 environ 45 % des importations totales de graines olĂ©agineuses du port[8].

L'arachide des Indes anglaises passe par Pondichéry et Marseille

Aux environs de 1878, l'essor des exportations d’arachides décortiquées vers Marseille sauve la place commerciale de Pondichéry du marasme[24]. Après une troisième occupation anglaise en 1793-1814, les Français ont repris le contrôle total de Pondichéry en 1816, mais avec interdiction d'y posséder fortification et garnison. Cette enclave française dans un pays désormais entièrement dominé par les Britanniques[25] sert d'escale vers la péninsule indochinoise où se focalise l'intérêt de la France en Asie[26].

Pour les arachides produites dans les territoires anglais voisins, Pondichéry permet de contourner les droits de douane français institués lors de l'ouverture du canal de Suez en 1869[7] - [27]. L'arachide vient des plantations autour de Panruti, Tanjore et Madurai[24], et va « monopoliser les exportations » du comptoir français jusqu'à la crise agricole de 1895[24].

Les valeurs expédiées passent de 8,4 millions de francs en 1882 à 12,9 millions de francs en 1891, Marseille étant l’unique débouché jusqu’en 1896, pour ses huileries et savonneries[24]. L’afflux à Pondichéry des arachides cultivées en Inde stimule aussi l’huilerie industrielle locale[24], dont la production est exportée à l'île Maurice, à Singapour, et surtout vers les ports de Birmanie[24].

Le territoire de Pondichéry après 1816

Face à cette concurrence indienne, seuls les producteurs africains d'huile de palme trouvent encore un débouché important dans l'industrie marseillaise des corps gras, pour le graissage, les bougies et certaines qualités de savons[23]. Cette grande réorganisation a des répercussions importantes sur l'économie ouest-africaine[23]. La culture de l'arachide, auparavant progressivement étendue du Sénégal jusqu'à la Sierra Leone[23], se rétracte peu à peu sur le Sénégal et la Gambie[23], tandis que les entrepreneurs marseillais se replient sur la production de palmistes ou d'huile de palme du littoral dahoméen et du delta du Niger[23].

Palmier Ă  huile (Elaeis guineensis).

Vers 1870, l'huile de palme constitue la principale exportation du Ghana et du Nigeria[12]. En 1885, William Lever, qui emballe des morceaux de savon dans la boutique de son père du Lancashire depuis 1867, fabrique à Liverpool à échelle industrielle du savon à base d'huile de palme importé d'Afrique de l'Ouest[28]. Sa fabrique de savon Lever Brothers est devenue par la suite la multinationale Unilever.

Entre 1880 et 1890, les arachidiers de Sénégal, Gambie, Guinée et Serra Leone abandonnent de force un quart du marché de la cité phocéenne : leur part dans les expéditions d'oléagineux ouest-africains vers Marseille tombe de 83 % à 57 %[23], tandis que celle du rivage dahoméen, zone agricole de l'huile de palme, progresse de 11 % à 34 %, pour même atteindre 56 % en 1895[23].

CĂ´tĂ© anglais les frères William et James Lever, qui ont fondĂ© une savonnerie en 1885 Ă  Warrington s'associent Ă  un chimiste de Bolton, William Hough Watson, pour inventer un savon Ă  base d'huile de palme, dont ils vendent 450 tonnes par semaine trois ans après[29]. Au dĂ©but du siècle suivant, ils vont s'approvisionner dans le Bassin du Congo, via leur filiale Huileries du Congo Belge (HCB), en utilisant du travail forcĂ©[30] - [31] - [32] - [33].

L'expansion des cultures du Tamil Nadu et la double récolte

Le succès commercial de PondichĂ©ry stimule un peu plus les cultures des rĂ©gions proches, dans l'Empire colonial anglais.En 1895, environ 70 000 hectares ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© semĂ©s avec des arachides surtout autour de la ville d'Arcot municipalitĂ© du district de Vellore, de l'État du Tamil Nadu, en Inde, qui est aussi celui de Madras[7]. Cette rĂ©gion reprĂ©sentait dĂ©jĂ  la moitiĂ© de la production de l'État du Tamil Nadu en 1889[6]. Le port de Pondicherry, adjacent Ă  cette zone est en plein boum depuis le mois de : le commerce de l'arachide est le plus important des chefs-lieux français en Inde et l'administration juge qu'il est surprenant de voir comment ce district peut produire une quantitĂ© si immense de cacahouètes[7].

Un homme d'affaires local, Govindaiyer (1851-1905)[34] - [7] a joué un rôle significatif dans la promotion de la culture d'arachides dans toutes les terres proches de Madras, en introduisant la double récolte et l'extraction de l'huile, puis aussi dans la région de Saurashtra, de l'État de Gujarat, cette fois sur la côte ouest de l'Inde[7].

Cependant, la métropole anglo-indienne de Madras, mieux reliée par le train aux centres de production arachidiers du sud du Coromandel que Pondichéry se dote en plus d’un port en eau profonde à la fin des années 1870[20]. Les échanges maritimes avec Madras pèsent plus de 10 % du commerce d’Inde en Inde de Pondichéry sous le Second Empire, puis tombent à 1,2 % en 1882[20]. Pondichéry tente de réagir et se dote à partir de 1879 d’un médiocre embranchement sur la ligne ferroviaire Madras-Tuticorin, ligne qui supplante les petits caboteurs et draine vers Madras les produits qui transitant auparavant par Pondichéry[20].

Le krach de 1883 et l'insurrection qui le suit

Cette concurrence du nord de l'Europe s'ajoute à celle de l'arachide venue d'Inde, depuis que les armateurs ont investi dans le sillage de l'ouverture en 1869 du canal de Suez. La baisse des prix de l'huile contribue à la crise qui frappe l’économie occidentale au début des années 1880[15], sur fond de dépression aggravée par la crise financière causée par la faillite de l'Union Générale.

En , la Compagnie du Sénégal et de la Côte occidentale d'Afrique de Charles-Auguste Verminck revend une partie de ses actifs africain à l'United African Company, anglaise[35], ancêtre d'Unilever, car elle est affaiblie par cette guerre des prix et par la vive concurrence des maisons anglaises actives depuis la Sierra Leone.

La crise affecte en particulier le commerce mondial[15]. L’Europe importe moins de produits africains, considĂ©rĂ©s comme un certain luxe. Les achats d’arachides par la France sont presque divisĂ©s par trois : 12 000 tonnes en 1883 puis 4 650 tonnes en 1885[15]. Entre et , la baisse de la valeur des produits africains est estimĂ©e Ă  50 %[15], une chute qui ne sera rĂ©Ă©ditĂ©e qu'Ă  partir de 1927, quatre dĂ©cennies plus tard. La crise accompagne un appauvrissement des sols, en particulier Ă  cause du faible usage des engrais car les paysans ne sont plus stimulĂ©s par les prix d’achat[15]. Les exportations s’interrompent mĂŞme dans « le Bas de CĂ´te » – la GuinĂ©e – de 1892 Ă  1897[15]. En manque de rĂ©coltes, confrontĂ© Ă  la ruine, les nĂ©gociants sont aux abois. La CSCOA est confrontĂ©e Ă  l’insĂ©curitĂ© des routes du commerce[15] : plusieurs souverains africains s’insurgent contre la pĂ©nĂ©tration française, comme Mamadou Lamine DramĂ©[15], entre le Bondou et la Gambie, qui attaque le fort de Bakel le , mais est vaincu par le roi Moussa Molo, alliĂ© aux Français, puis tuĂ© par les Français Ă  la bataille de Toubacouta en dĂ©cembre 1887, Ă  la frontière avec la Gambie, tandis que Joseph Gallieni entre Ă  Tombouctou en .

  • Les trois tentatives de soulèvement de Mamadou Lamine DramĂ©
  • 1886
    1886
  • 1886-1887
    1886-1887
  • 1887
    1887

.

Pour accĂ©der Ă  la rivière de Kataco (dans le Rio Nunez), la CSCOA de Charles-Auguste Verminck nĂ©gocie avec le roi des Nalous en une redevance annuelle en marchandises[15]. Aux cĂ´tĂ©s des sociĂ©tĂ©s françaises Blanchard et Colin, et face aux anglaises Paterson & Zochonis et Randall & Fischer, la CSCOA fait partie des leaders commerciaux dans la future GuinĂ©e[15], grâce Ă  28 points de traite et une quarantaine d’employĂ©s europĂ©ens en 1886[15], alors que le premier reprĂ©sentant officiel de la France ne s’installe Ă  Conakry qu’en 1885[15]. Si Charles-Auguste Verminck a tentĂ© le premier Ă  Marseille l'intĂ©gration vers les lieux de production de l'arachide, il est ensuite suivi par les Ă©tablissements Rocca-Tassy-de Roux, fondĂ©s en 1890, pour crĂ©er la plus importante des huileries marseillaises[8] qui en 1896 font travailler 1800 ouvriers et qui s'installent en 1907 aux Aygalades pour produire la marque VĂ©gĂ©taline.

La concurrence des oléagineux venus d'Europe du Nord

L'arachide affronte ensuite l'apparition, dans les années 1880-1890, d'une puissante industrie huilière dans le nord de l'Europe, avec le colza, aux Pays-Bas, mais surtout en Allemagne, où Harbourg, près de Hambourg, mais aussi Francfort et Mannheim font figure de principales places huilières pour les firmes de négoce, comme la Verein Deutscher Œl Fabrien, de Mannheim[8]. L'industrie des oléagineux du port de Hambourg est particulièrement compétitive : grâce à plusieurs maisons implantées au Dahomey et au Nigeria : - Volber & Bröhm, Gödelt, etc[23]. Elle tire profit de l'affaiblissement de la filière de l'arachide lors de la crise de l'Union générale.

Au moment oĂą le Dahomey (futur BĂ©nin) devient le principal partenaire des Ă©changes entre Marseille et l'Afrique de l'Ouest, les importations Ă  Hambourg d'huile de palme et de palmiste sont multipliĂ©es par sept entre 1880 et 1890, passant de 10 000 Ă  près de 70 000 tonnes[23], ce qui exacerbe la concurrence franco-allemande[23] et fragilise l'approvisionnement de certaines savonneries et usines qui utilisent cette huile pour la fabrication de la bougie[23]. L'arachide est Ă  la fois concurrencĂ© par un produit devenu moins cher par son abondance, et bĂ©nĂ©ficiaire du fait que ce dernier est captĂ© par l'Europe du Nord.

Le brevet américain sur le beurre de cacahuètes

En 1884, le beurre de cacahuètes est breveté par un pharmacien canadien, le Montréalais Marcellus Gilmore Edson[36] - [37]. Six ans plus tard, en 1890, dans le cadre d'une expérience, un médecin américain, George A. Bayle Jr., moulut des arachides en vue d'obtenir une pâte qui servirait de substitut alimentaire riche en protéines pour les personnes n'ayant pas de bonnes dents. Vers la même période, John Harvey Kellogg à Battle Creek, dans le Michigan, créa un beurre de cacahuètes comme source végétarienne de protéines. Son frère Will Keith Kellogg créa peu après la Sanitas Nut Company qui commercialisa ce produit. Les frères Kellogg obtinrent en 1895 le brevet de cette invention[38], même s'ils n'ont pas inventé le beurre de cacahuètes. D'abord consommé aux États-Unis et au Canada, il ne sera introduit sur le marché mondial qu'en 1904. En France, il faudra attendre les alentours de 1960 sa première diffusion de la marque Dakatine, qui vient de la contraction de Dakar et tartine[39]. Les Grands Moulins de Strasbourg, qui possédaient les Huileries alsaciennes, ont eu l'idée, à leur tour, de torréfier et broyer les graines cassées ou de mauvais calibres afin d'obtenir une pâte brute non sucrée.

La maladie de l'arachidier décime les plantations indiennes en 1895-1897

En 1889 encore, les arachides affluent Ă  PondichĂ©ry, de prĂ©fĂ©rence aux ports britanniques rivaux de Cuddalore et Porto-Novo, pourtant plus proches des lieux de culture. Jusqu'en 1888, Madras n'en exporte directement que quelques dizaines de milliers de bales[40]. Mais le port de Cuddalore, situĂ© Ă  20 km seulement de PondichĂ©ry commence ensuite Ă  le concurrencer Ă  la faveur de la maladie de l'arachidier, qui prend de l'ampleur Ă  la fin des annĂ©es 1880.

Vers 1885, les arachides commencent à être atteintes d'une sorte de dégénérescence[27], aggravée par l'usure des sols et des prix de vente peu incitatifs. S'y ajoutent les lois protectionnistes des années 1890 en Europe. Deux ans avant la promulgation de « l’Indian Act » par l'Angleterre, la Chambre des députés français vote la loi du [20], à l’instigation de Jules Méline, qui rétablit le protectionnisme[20]. Les colonies importent désormais en franchise les marchandises françaises, mais doivent appliquer aux produits étrangers les tarifs auxquels ils sont soumis à leur entrée en France : elles ne bénéficient du tarif de faveur que pour leurs propres exportations en France[20]. Plusieurs colonies échappent CEPENDANT à ce nouveau régime, en raison de traités internationaux ou de leur isolement, en particulier celle de l’Inde, pour éviter de pousser la population à l’émigration vers le territoire colonial britannique, tout proche.

Alors que les surfaces cultivĂ©es ont atteint en 1895, un total imposant de 140 000 hectares[7], cette maladie de l'arachidier apparait de plus en plus difficile Ă  combattre, et la production est divisĂ©e par deux en 1897, puis par trois en deux ans[7].

L'état de santé des arachides ne fit qu'empirer à tel point que les exportations étaient devenues pratiquement impossibles au début de la période 1897-1899[27]. Une nouvelle variété est introduite, importée du Mozambique grâce à un négociant de Pondichéry[6], à qui on donne le nom de « Coromandel »[6] - [7], et dès 1902, la surface cultivée est redevenue celle de 1895[7].

Les exportations d'arachides venues depuis la côte de Coromandel augmentent rapidement et leurs volumes atteignaient 1,6 million de balles en 1902 puis 2,1 millions de balles 3,4 millions en 1909[27], mais celles de Pondichéry sont désormais victimes de la concurrence des ports anglais de Cuddalore et Portonovo[27], d'autant que l'État français préfère ne pas trop investir dans la modernisation du port[40] ni même dans la voie de chemin de fer censée relier Pondichéry à Cuddalore.

Pour les arachides exportées par Pondichéry les volumes ne dépassent plus 0,8 million de bales en 1909 et 1,2 million en 1912[27]. Pour briser cette concurrence, la succursale de Pondichéry de la Banque de l’Indochine, à partir de 1910, envoya des agents dans les principaux centres voisins pour reprendre les exportations d'arachides[27]. Les montants des opérations de la succursale effectuent ainsi une remontée spectaculaire en 1913[27] - [41].

En 1912, environ 84 % des exportations d'arachide de Pondichéry vont à Marseille, contre 7 % à Trieste et 4 % à Anvers. Pondichéry subit alors une forte concurrence de Cuddalore, Madras, Bombay, et Porto Novo[41]. Des usines sont ouvertes au Bengale, à Calcultta et ailleurs, pour la décortication, car la plus grande partie des arachides voyage ainsi[41].

L'apport de l'agronome Carver, pour la jachère dans le Sud des États-Unis

En 1896, l'américain George Washington Carver, futur pionnier en chimie agricole, est embauché par le Tuskegee Institute en Alabama à la demande de Booker T. Washington (1856-1915) et qui est spécialisé en botanique. Il devient directeur de recherche. Intervenant notamment auprès des fermiers du sud des États-Unis, région où la culture répétée du coton avait épuisé les sols, il préconise l'utilisation d'un complément azoté avec la culture de légumineuses, comme des arachides. Ainsi, la récolte de coton est améliorée et les nouvelles cultures permettent d'améliorer les revenus des agriculteurs. Il développe un système de formation agricole en Alabama ainsi qu'un laboratoire de recherche et encourage les agriculteurs américains à ne plus se limiter à la culture du coton, qui épuisait le sol, mais à alterner avec l’arachide. De nombreux agriculteurs ont suivi son conseil. Un monument à la mémoire de Carver se dresse à Dothan (Alabama). De même, il s'intéresse à l'utilisation de la patate douce et de la noix de pécan.

Festival Hall de l'Exposition universelle de 1904.

Pour améliorer la commercialisation de ces nouvelles cultures, Carver diversifie leurs usages ; ainsi l'arachide connaît 300 utilisations différentes, allant de la colle à l'encre d'imprimerie, mais il n'est pas l'inventeur du beurre de cacahuètes contrairement à ce que rapporte une légende. Plusieurs brevets sont déposés bien avant. Selon le US National Peanut Board, le beurre de cacahuètes a fait sa première apparition dans le monde à l'exposition universelle de Saint-Louis, où il a gagné la faveur des consommateurs, soulignant ainsi l'énorme potentiel de cette pâte à tartiner, qui demeure cependant pendant longtemps très peu consommée en Europe.

Pendant la Première Guerre mondiale, l'arachide s'est ainsi répandue dans les États du Sud pour remplacer le coton détruit par l'anthonome. L'arachide y est alors cultivée en rotation, principalement avec le coton, le tabac et le maïs[42]. Elle est devenue la première culture commerciale du sud des États-Unis. La commune d’Enterprise en a érigé un en souvenir de l’anthonome, puisque c’est en raison des ravages causés par cet insecte que les agriculteurs ont adopté la culture de l’arachide.

Les exportations du Sénégal sextuplent en vingt ans grâce au rail

Dans un contexte d’autosubsistance, jusque-là marqué par la culture du riz et du mil[43], entre 1895 et 1914, l'arachide prend une importance croissante dans le commerce extérieur de l'Afrique de l'Ouest française (AOF), aidé aussi par la croissance du chemin de fer sénégalais.

Dans un premier temps ce fut le nord, avec la ligne du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis mise en service en 1885 et qui contribua à une expansion de la production au Cayor, puis dans le Baol occidental[8]. Avant cette ligne, les coûts de transport élevés constituaient une entrave[44] pour les cultures loin des rivières. Le rail et la détermination des marabouts vont permettre une rapide extension des superficies cultivées[44].

Le chemin de fer Dakar-Saint-Louis

À mesure que le réseau de transport s'étend vers le sud et ses nouvelles zones agricoles, la recherche des moyens de transport plus efficaces que par des animaux s'intensifie pour les zones de production d'arachides non accessibles aux canoés[15]. Le chemin de fer Dakar-Saint-Louis, solde une longue lutte entre les dirigeants sénégalais et les Français, pour qui les zones stratégiques de l’ouest du Soudan étaient essentielles à la création d'un grand empire commercial analogue à celui de l'Inde pour les Anglais[15]. Dès 1858, le projet du gouverneur Faidherbe de construire trois postes de caravane entre Saint-Louis et Gorée est approuvé à Paris[15]. En 1859, il informa les dirigeants des royaumes wolof de Bawol, Siin et Saloum que d'anciens traités accordaient à la France le droit d'établir des postes de traite côtiers, de construire des structures permanentes et de ne payer que 3 % de la taxe à l'exportation[15]. En 1886, un an après l'entrée en service du chemin de fer, son principal opposant, Lat Dior est tué avec bon nombre de ses partisans[45].

L'activité commerciale s'est déplacée vers le sud avec le chemin de fer. Les paysans se sont installés le long du rail, notamment à Louga, à Ndande et dans les centres commerciaux du Cayor[15]. Thiès est devenu un entrepôt animé[15]. Dans la seconde moitié des années 1880, les marchands se sont rassemblés « massivement autour des gares, en gardant un œil sur la prochaine récolte d'arachides et ont considérablement bénéficié des facilités de l'administration coloniale »[15]. La culture de l'arachide s'étend à nouveau au début des années 1890, malgré le point bas du cycle de ses prix. Le , l'administrateur de Thiès signala que six à sept trains spéciaux par jour étaient en service[15].

La convention de protectorat de 1891

Le succès de la ligne du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis a incité à l'ouverture en 1888 du tronçon Kayes-Bafoulabé de la future ligne Dakar-Niger. Cependant, la convention de protectorat sur la partie sud du Sénégal actuel ne sera signée qu'en 1891 par la France, pour sa colonisation, après l'avoir divisée en deux entités : le Saloum oriental et le Saloum occidental[43].

L'administrateur Ernest Noirot parle de « côtes intérieures »[44] : chaque nouveau tronçon ferroviaire entraine la création de nouveaux villages sur un rayon de plusieurs kilomètres[44]. Leurs paysans peuvent produire d’importantes quantités sans trop se soucier des coûts du transport, désormais réduits[44]. Noirot estime que si les négociants achetaient leurs arachides contre espèces, les cultivateurs développeraient certainement leurs cultures[46]. En , il devient administrateur du Fouta-Djalon, dans l'actuelle Guinée.

Le système colonial instaure l’impôt régional[43], payé en numéraire, qui oblige les habitants à cultiver de l’arachide pour avoir de l’argent[43]. Pour tirer profit des revenus monétaires, les confréries musulmanes vont contribuer aux déplacements des travailleurs et de leurs familles[43].

La gare primitive de Saint-Louis en 1905

L'expansion de la culture d'arachide vers l'est se poursuit dans la rĂ©gion de Yangyang (Linguère), après ĂŞtre devenue prĂ©pondĂ©rante sur vingt Ă  trente kilomètres de part et d'autre de la voie ferrĂ©e (1892-1893), dans le Baol occidental, rĂ©gion la plus productive, oĂą les cultivateurs pouvaient livrer de 300 Ă  500 tonnes d'arachides par kilomètre de rail[8].

L'essor de commerçants sénégalais

Jusqu'au début du XXe siècle, les autorités coloniales ont encouragé l'essor de commerçants sénégalais, qui ont développé l'arachide dans les campagnes, en particulier la bourgeoisie sénégalaise de Saint-Louis, qui a joué un très grand rôle dans la mise en valeur de ce premier territoire colonial[47]. La traite est alors le domaine presque exclusif de Sénégalais installés le long de la voie ferrée et dans le Cap-Vert[47]. Ces familles commerçantes :

  • Ă  Rufisque, Mamadou Bousso, AllĂ© Gaye et Amadou Wade ;
  • Ă  Tivaouane, Abdou N'Diaye ; Ă  Pire, Mamadou Hane et Moussa Niang ;
  • Ă  MekkĂ©, Mourad N'Daw et Madoune Diop ; Ă  KeUe, Bafa Gaye et Momar N'Dir ;
  • Ă  N'Dande, Gora Guèye et N'DakhatĂ© Gaye ;
  • Ă  KĂ©bĂ©mer, Boubacar, Detoubab Seek et Doudou Gaye ;
  • Ă  GuĂ©oul, Cheikh Diop et Sidi M'Baye ;
  • Ă  Louga, Mamadou CissĂ©, Samba Siga et Momar Gaye[47].

Mais Ă  partir de 1900, l'empire colonial liquide cette première bourgeoisie pĂ©riphĂ©rique au profit direct des maisons coloniales ou de leurs nouveaux agents subalternes[47], sans pour autant accĂ©lĂ©rer une croissance dĂ©jĂ  bien lancĂ©e. Vers 1900, nombre de Bordelais et de mĂ©tis se reconvertissent Ă  l'arachide. Beaucoup se dĂ©placent vers le Cayor[47]. Jusqu'en 1900, le Cayor est restĂ© le centre de gravitĂ© de l'arachide, avec 74 % de la production (31 000 tonnes en moyenne)[44], malgrĂ© des sols sablonneux[44]. Puis la culture s'Ă©tend vers le Baol et le Saloum[44].

L'expansion a surtout eu lieu avant 1900, mais se poursuit après, sur fond de spĂ©culation sur le cours de l'action CFAO (entreprise), cotĂ©e en Bourse : de 51 600 tonnes d'arachide exportĂ©es en 1895, le SĂ©nĂ©gal passe Ă  140 000 tonnes en 1900, puis 224 000 tonnes en 1909 et mĂŞme 303 000 tonnes en 1914[47], avant de revenir Ă  275 000 tonnes en 1918[44]. En 1913, en pleine bulle boursière, l'action CFAO plait aux investisseurs qui l'appellent « Afrique »[48].

Alors que la Banque du Sénégal, fondée en 1854, avance l'argent aux maisons de commerce et que l'absence de droits de douane joue depuis 1869 son rôle de stimulant commercial[8], le rail facilite l'arrivée des grands négociants.

L'expansion de l'arachide du SĂ©nĂ©gal permet aussi Ă  Georges Lesieur de crĂ©er en 1908 son entreprise, avec trois autres anciens collaborateurs de la sociĂ©tĂ© Desmarais Frères, spĂ©cialisĂ©e dans l'Ă©puration d'huiles vĂ©gĂ©tales pour l'Ă©clairage et qui s'est progressivement orientĂ©e vers le pĂ©trole pour l'Ă©clairage. Sa première huilerie Ă  Coudekerque-Branche est mise en service en 1910, et spĂ©cialisĂ©e dans le traitement des graines d'arachide importĂ©es, le dĂ©clin de la culture du lin dans la rĂ©gion ayant entraĂ®nĂ© une pĂ©nurie de graines locales. L'usine compte 300 employĂ©s en 1914.

L'accélération de 1909 et les sociétés de prévoyance

Certains administrateurs coloniaux avaient prédit dès 1908 que l'achèvement de la gare de Diourbel en 1909 ferait du Baol l’un des cercles les plus importants[15] du Sénégal. Mais dès 1903, en prévision du futur chemin de fer, des entreprises commerciales tels que Maurel et Prom, Maurel Frères et Pascal et Buhan se sont précipitées à l’intérieur du pays à Bambey et dans les cantons de Fandène à l’est de Thiès et de Ndandol. entre Khombole et Bambey. En , l'administrateur de Thiès observe que « la demande de concessions foncières dans les différents villages, en particulier autour de Bambey, montre clairement que les marchands sont de plus en plus déterminés à s'installer ».

Les rapports de 1903 disent que « des caravanes de chameaux conduites par les Maures couvrent le pays ». Les chameaux sont mis à disposition des marchands pour les transporter à Thiès, Tivaouane et même à Rufisque[15].

Nombre d'ânes et de chameaux en Cayor et Baol en 1904

Royaume du Cayor 1885 ânes 376 chameaux
Est du Baol 2674 ânes 753 chameaux
Ouest du Baol 2865 ânes 765 chameaux

Et de fait, comme prĂ©vu, la production s'envole, sur le modèle de l'achèvement du chemin de fer Dakar-Saint-Louis en 1885[15]. Les rapports Ă©conomiques pour 1909 montrent que les exportations d'arachide ont bondi de 144 139 tonnes en 1908 Ă  224 326 tonnes en 1909, plus de 50 % en un an. Elles reprĂ©sentent dĂ©sormais les trois quarts des exportations du SĂ©nĂ©gal[15].

Le centre de recherches agronomiques de Bambey, spĂ©cialisĂ© dans l'arachide, est ouvert en 1912, afin de sĂ©lectionner les espèces les plus adaptĂ©es Ă  chaque rĂ©gion[49]. Il a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© par la fondation en 1909 de la première sociĂ©tĂ© de prĂ©voyance Ă  Diourbel[49], qui lance un programme de forage de puits peu après sa crĂ©ation. Il y aura huit sociĂ©tĂ©s de prĂ©voyance de ce type en 1935, disposant d'un stock global de 30 000 tonnes de semences sĂ©lectionnĂ©es[49].

Une nouvelle expansion eut lieu en 1912, année du passage de Thiès-Kayes à Saalum. Cette année-là, Adam, directeur du Service de l'agriculture, se plaignait des dangers de se concentrer sur les arachides et de négliger le mil et d'autres cultures vivrières[15].

Les exportations d'arachides de la rĂ©gion du Saloum sont passĂ©es de 26 000 tonnes en 1906 Ă  54 434 tonnes en 1912[15]. La production a presque doublĂ© de nouveau en 1914, avec 100 000 tonnes environ exportĂ©es et put dĂ©passer le Cayor et le Baol pendant la Première Guerre mondiale[15]. Les 200 000 tonnes seront atteintes juste avant la Grande DĂ©pression causĂ©e par le krach de 1929, soit un nouveau doublement[15]. Sur 280 000 tonnes de cacahuètes exportĂ©es par le SĂ©nĂ©gal en 1914, le Cayor produit 55 000 tonnes, le Baol 75 000 tonnes et le Saloum, 100 000 tonnes[15].

Le vieillissement du chemin de fer : ânes, chameaux et camions prennent le relais

Entre 1914 et 1925, le matĂ©riel ferroviaire s'est dĂ©tĂ©riorĂ© le long du Dakar-Saint-Louis et n'a pas Ă©tĂ© remplacĂ© et en 1922 les marchands sont furieux « de constater que leurs arachides n'ont pas Ă©tĂ© expĂ©diĂ©es avant que les pluies de la saison ne viennent gâcher les produits ». L'administration assiste au « spectacle dĂ©plorable des caravanes de chameaux venant au secours du chemin de fer »[15]. Entre 1912 et 1926, le nombre d'ânes du Baol est passĂ© de 1 507 Ă  8 204, ceux du Cayor de 9 400 Ă  13 478[15]. Des ventes record d'ânes sont signalĂ©es Ă  Louga, Kajoor, Diourbel et Kaolack en 1926[15]. En 1924, Dakar sera reliĂ©e Ă  Rufisque par une route empierrĂ©e[44]. Pour transporter l'arachide plus rapidement et plus efficacement que les chameaux et les ânes, le SĂ©nĂ©gal a commencĂ© Ă  importer des voitures et camions moins chers construits aux États-Unis lorsqu'ils sont devenus disponibles vers 1925[15]. Après 1925, les matĂ©riaux utilisĂ©s sur les rails ont de plus Ă©tĂ© remplacĂ©s massivement[15]. L'articulation des rĂ©seaux ferroviaire et routier permet l’intĂ©gration des zones de production[44], les axes Dakar/Saint-Louis et Dakar/Kaolack Ă©tant dĂ©jĂ  les plus pratiquĂ©s par les caravanes[44].

Le XXe siècle

La végétaline et les huileries des ports au tournant du siècle

Au tournant du XXe siècle, l'huilerie allemande a percé sur les marchés de la mer du Nord et de l'Europe centrale, ce qui a fait temporairement chuter les exportations de Marseille[8]. L'huilerie marseillaise s'est ensuite imposée grâce aux beurres végétaux, aux huiles d'arachide, et à ses huiles mélangées arachide-olive, dites huiles « fines », pas trop fruitées et bon marché, qui représentaient en 1904 les deux tiers de la consommation française, et rayonnaient grâce aux tarifs préférentiels, ne variant pas proportionnellement à la distance parcourue, institués par le chemin de fer à la fin des années 1870[8].

  • Ă€ Marseille, le lancement de la VĂ©gĂ©taline par les huileries Rocca, Tassy & de Roux au tournant du siècle va stimuler les dĂ©bouchĂ©s de la culture de l'arachide. Dès 1896, elles emploient 1800 ouvriers[50] et lancent la marque VĂ©gĂ©taline, la première faite de beurres vĂ©gĂ©taux[50], Ă  base de graine de coco ou d'huile de coprah totalement hydrogĂ©nĂ©e, pour Ă©lever la tempĂ©rature de fusion de nimporte quelle huile et d'obtenir ainsi un produit plus dur Ă  tempĂ©rature ambiante. La marque reçoit le Grand Prix de l'Exposition Universelle de Paris de 1900[50] et un brevet est dĂ©posĂ© le . Rocca, Tassy & de Roux est rapidement imitĂ©e par d'autres industriels : Magnan frères, les Établissements Verminck, Darier de Rouffio, Établissements Roberty, ou la sociĂ©tĂ© Coco Provence[50]. Les marques se multiplient : Cocose, OrĂ©ose, BeurrĂ©ose, Beuriette, Coco fruitine, Coco Provence Les Cocogène, Cocolina, etc. Les deux tiers de la production sont exportĂ©s vers l'Angleterre, les Pays-Bas, la Scandinavie, l'Allemagne et le Danemark[50]. Rocca, Tassy & de Roux exploite trois usines Ă  Marseille et son patron Emilien Rocca en construit une Ă  Hambourg en 1902 et une autre Ă  Genève en 1908, un an avant de nouveaux brevet permettant d'utiliser aussi l'huile d'arachide[50].
Un bâtiment de Port Sunlight, près de Liverpool.
  • Bordeaux, qui constitue au dĂ©but du XXe siècle le deuxième pĂ´le huilier d'importance en France, spĂ©cialisĂ© dans le nĂ©goce des graines olĂ©agineuses - essentiellement l'arachide originaire d'Afrique de l'Ouest[8]. L'huilerie Ă©tait aussi prĂ©sente : Ă  la veille de la Première Guerre mondiale, trois usines importantes assuraient l'essentiel de la production bordelaise - soit 200 000 kilos par jour- : la Grande Huilerie Bordelaise, l'Huilerie Franco-coloniale et CalvĂ©-Delft[8], issue de la fusion en 1897 de Delft et de CalvĂ©, sociĂ©tĂ© fondĂ©e par Emmanuel et Georges CalvĂ©, et futur composante d'Unilever[51], lorsque la fusion les unira Ă  Lever Brothers, sociĂ©tĂ© de William Lever, qui vers 1900-1910 a dĂ©jĂ  rachetĂ© la plupart de ses concurrents britanniques et investi dans l'usine Lever, près de Liverpool, en Angleterre, renommĂ© Port Sunlight. Les usines bordelaises d'huiles d'arachide exportaient dès avant la Première Guerre mondiale, avec un total de 29,847 quintaux en 1913, dont 9,704 quintaux aux États-Unis (environ un tiers), et 5,852 au Danemark (environ 18 %), la deuxième destination[52].

Les autres pôles français étaient :

  • Lille, qui travaille 60 000 tonnes d'olĂ©agineux en graines en 1898, mais pas d'arachide, car venues essentiellement de Russie et des Indes[8] ;
  • Le Havre, qui abrite depuis la fin du XIXe siècle les Ă©tablissements Desmarais (10 000 kilos d'huiles par jour), qui se lancent aussi dans le pĂ©trole, et dont les « crèmes Rufisque Â» ont une très bonne rĂ©putation[53]. Le Havre compte aussi l'Huilerie de l'Ouest, propriĂ©tĂ© de la famille Deutsch de la Meurthe (60 000 kilos de graines par jour), alimentĂ©s d'arachide venues du SĂ©nĂ©gal, des Indes et d'AmĂ©rique du Nord[8] ;
  • Ă€ Dunkerque se trouvent l'Huilerie Marchand, fondĂ©e en 1845, et l'Huilerie Lavergne, fondĂ©e en 1870[8].

L'entre-deux guerres

Les États-Unis ont augmentĂ© leur production d'arachide pendant la Première Guerre mondiale, en raison des besoins du marchĂ© europĂ©en et des dĂ©gâts causĂ©s par le Bollwee-Will aux producteurs de coton. La production arachidière est passĂ©e de 343 600 tonnes sur 422 000 hectares en 1916 Ă  523 847 tonnes sur 745 601 hectares en 1917[54]. Le commerce se durcit après la guerre, suite aux pĂ©nuries : la loi de interdit l'exportation hors de France des tourteaux d'arachides en coques.

L'Inde assure la moitié des exportations mondiales au début du siècle

Les annĂ©es 1920 et 1930 voient les Ă©changes se spĂ©cialiser autour d'empires coloniaux : l'industrie huilière française se bâtit sur l'arachide sĂ©nĂ©galaise, les industries hollandaises et anglaises sur le coprah et le palmiste, tandis que le soja chinois s'exporte vers l'Allemagne et les États-Unis[55]. Dès le dĂ©but du XXe siècle, l'Inde Ă©tait devenue leader planĂ©taire du colza (près de 60 % des exportations mondiales[55]), mĂŞme si l'Europe connaĂ®t la culture du colza depuis au mois 1850[55] : d'importantes surfaces y sont consacrĂ©es (90 000 hectares en France, 140 000 hectares en Roumanie, 180 000 hectares en Allemagne[55]). Mais la culture du colza a ensuite rĂ©gressĂ© en Europe, oĂą elle occupe Ă  peine 100 000 hectares en 1933, tandis que les provinces britanniques indiennes deviennent les principales rĂ©gions productrices de colza[55].

L'Inde devient aussi, au début du XXe siècle, leader pour les échanges d'arachide (50 % des exportations mondiales, le Sénégal en assurant 36 %)[55], grâce à la nouvelle variété qui a été implantée après le ravage de ses plantations par une maladie entre 1885 et 1895. Ensuite, le rôle des producteurs asiatiques d'oléagineux décline[55]. Les exportations indiennes d'arachide et de colza baissent, ce sera surtout pour l'arachide après la surproduction mondiale de 1927-1928, qui écrase les cours mondiaux dès 1927. La Chine exporte de moins en moins de soja et de colza, tandis que les exportations africaines augmentent leur part de marché[55]. En France, l'essentiel de l'approvisionnement vient des colonies, grâce à l'arachide, et la production de colza régresse jusqu'en 1942[55].

La montée des huileries dans le tiers monde, d'abord au Sénégal

Une carte du Sénégal de Guillaume Delisle (1770)

Dans les années 1920, l'arachide domine la production et les échanges mondiaux d'oléagineux[55]. En équivalent huile, la production d'arachide représente 50 % environ de la production mondiale des trois graines[55], et un pourcentage un peu inférieur des échanges. Jusqu'en 1938, l'arachide est la graine oléagineuse essentielle, le colza servant de recours[55]. L'utilisation du tourteau, notamment dans l'alimentation animale n'est alors pas encore très répandue. Les agronomes ne parlent pas encore d'oléo-protéagineux comme le soja, qui pèsera à la fin du XXe siècle 90 % des échanges en volume des trois graines (soja, colza et arachide)[55], grâce aux États-Unis. Mais il n'apparaît dans les statistiques agricoles américaines qu'en 1924[55].

La Première Guerre mondiale fait monter les cours de l'arachide mais aussi de l'huile de palme du Dahomey. La production repart, malgré les ponctions opérées par l'armée française sur la main d'œuvre du Sénégal[56]. L'inflation en Europe dope les prix de vente mais affaiblit le franc français et le franc CFA, dont la valeur plus faible rend moins chers les produits venus du Sénégal. Le transport est plus cher, les salaires en Métropole montent, le charbon n'arrive plus en Afrique. La filière arachide décide alors de transformer son produit sur place, en utilisant les coques pour produire de l'électricité.

Les premiers projets d'usine de transformation de l'arachide naissent juste avant ou pendant la Première Guerre mondiale. M. de Chessin, ingénieur-Frigoriste de retour des États-Unis part au Sénégal construire un abattoir à Lyndiane[57]. En 1912, De Chessin appelé à Lindiane près de Kaolack, pour des travaux concernant l'huilerie et les Salins du Saloum[58] - [59]. Un autre projet, en à Dakar, de Jean-Louis Turbé, futur président de la Chambre de Commerce de 1924 à 1946, ne commencera à fonctionner qu'en 1924. Elle sera reprise, en 1938, par le danois Viggo Qvistgaard-Petersen, qui l'agrandit considérablement[60].

Ă€ la fin de la guerre, en quelques mois, une hausse de 150 % du charbon, Ă  un prix prohibitif de 117,50 francs met en situation dĂ©licate la Compagnie africaine d'Ă©lectricitĂ©. D'autres combustibles sont envisagĂ©s. Le , le prĂ©sident du Conseil d'administration, Prom, propose l'utilisation des coques d'arachides pour la centrale Ă©lectrique[61]. Sur un consommation totale de 6 000 000 kWh pour l'AOF, le SĂ©nĂ©gal utilise Ă  lui seul 4 millions de kWh[61]. Dakar passe de 840 000 kWh en 1923 Ă  3 540 000 kWh en 1930, soit une consommation multipliĂ©e par 4 en 7 ans[61].

Dès 1920, apparait la première usine, à Diourbel, où un ingénieur mécanicien et cinéaste, M. Girard s'est installé pour faire du décorticage la glace au cercle de Diourbel. En 1920, il chète une presse pour faire de l'huile, en association avec le commerçant Cangran pour former en , la Société Electrique et Industrielle du Baol (SEIB). Le moteur servant à faire tourner l'usine donne également de l'électricité. À la demande de l'Administrateur de Diourbel, le courant électrique est dispensé à toute la ville.

En 1920 aussi, l'ingĂ©nieur E.R. Gaudart et V.Q. Petersen fondent l'Huilerie ouest-africaine (H.O.A.), qui dĂ©marre en Ă  Kaolack, proche de l'embouchure du fleuve et aura aussi l'huilerie HOA Ă  Dakar. Gaudard, industriel Ă  Kaolack, est Ă  cette ocasion autorisĂ© Ă  poser sur le domaine public une canalisation destinĂ©e Ă  amener Ă  ses usines l'eau pompĂ©e dans le Saloum, Ă  60 centimètres sous le niveau du sol.Kaolack a ainsi son usine en 1921, après Diourbel, et avant Ziguinchor et Louga, observe aussi l'historien Jean Suret-Canale[62]

L'augmentation du prix des frets pendant la Première Guerre mondiale, « dans de notables proportions Â», conduit "quelques maisons de commerce Ă  installer des usines de dĂ©corticage de l'arachide dans les ports, Ă  Rufisque, Dakar, Kaolack, Saboya et Ziguinchor, observe en 1924 le journal La Vie technique et industrielle. Ces usines ont besoin de courant Ă©lectrique. L'annĂ©e 1927, celle du krach, voit la mise en service de la SociĂ©tĂ© Électrique et Industrielle du Baol (SEIB) et de la SociĂ©tĂ© Électrique et Industrielle de Casamance (SEIC) qui assurent respectivement l’alimentation de Diourbel et de Ziguinchor[63], alors que Saint-Louis, Louga et Kaolack doivent ĂŞtre alimentĂ©es depuis 1925 par la Compagnie Africaine d’ÉlectricitĂ©, succĂ©dant au Groupe Carpot de Bordeaux.

Ă€ Louga l'Ă©clairage Ă©lectrique devait ĂŞtre donnĂ© dans les premiers jours de [64], tandis qu'Ă  Diourbel, l'huilerie traite une moyenne de trois tonnes de graines par jour, soit seulement environ 400 tonnes d'huile par an. L'usine Ă©lectrique de Louga n'est en fait installĂ©e qu'en 1929. En 1931, le docteur Decomis, qui y dĂ©tient une fabrique de glace, achète le matĂ©riel d'huilerie de la maison Peyrissac, installĂ©e Ă  Saint-Louis, pour fonder « l'Huilerie du Cayor Â» Ă  Louga et Ă  Dakar, car il pense qu'il est plus rentable d'exporter l'huile que l'arachide dĂ©cortiquĂ©e. Cette implantation a provoquĂ© un afflux de population rurale vers Louga[65], qui polarise un certain nombre de sièges des « opĂ©rations » de ramassage de graines d’arachide[65]. Le gros de la main-d’œuvre, 350 Ă  400 travailleurs, est recrutĂ© localement, Ă  l’interieur de la ville ou dans les villages autour de Louga, et mĂŞme dans le Djolof[65].

Les dix-neuf communes de l'arrondissement de Dakar.

L'industrie savonnière ne sera dĂ©veloppĂ©e au SĂ©nĂ©gal que dix ans plus tard, en 1930, par la SociĂ©tĂ© des Huileries et Savonneries de l'Ouest Africain (HSOA). Le port de Dakar profite peu Ă  peu de l'exportation du Cayor et du Baol occidental et des projets d'extension vers les hydrocarbures, qui permettent d'utiliser des fĂ»ts dans les deux sens (au dĂ©part pour l'huile d'arachide, au retour pour l'essence) mais ne ravira dĂ©finitivement la première place Ă  Rufisque, le grand port de l'arachide (117 964 tonnes exportĂ©es en 1913) jusqu'Ă  la Première Guerre mondiale, que lors de la crise Ă©conomique des annĂ©es 1930[8].

Dès 1933, la production atteignait 7 Ă  8 tonnes par jour d'huile d'arachide sur le sol sĂ©nĂ©galais[66]. En moyenne, un quintal d'arachide dĂ©cortiquĂ©es Ă©quivalent Ă  141 kilos d'arachides en coques et fournissent, en huilerie, 45 kilos d'huile. Le poids en huile est donc infĂ©rieur Ă  un tiers du poids en coques[4].Si vers 1930, les exportations d'huile se chiffraient Ă  4 000 tonnes[67] en 1936, le SĂ©nĂ©gal compte six huileries dont la capacitĂ© de fabrication atteint 18 000 tonnes d'huile. Par ailleurs, entre 1930 et 1938, une demi-douzaine d'industries fonctionnent dans d'autres branches d'activitĂ©s : brasserie, biscuiterie, savonnerie, air liquide, sacs et emballages, mais Ă  partir de 1951 les dix usines pouvaient produire 150 000 tonnes d'huile et dès cette annĂ©e, la transformation sur place de la totalitĂ© de la production arachidière Ă©tait jugĂ©e « dĂ©sormais possible Â». Une dĂ©cennie après, lors de l'IndĂ©pendance, la production de Lesieur (entreprise) (73 100 tonnes d'huile brute et 83 200 tonnes de tourteaux) sera en 1963 nettement supĂ©rieure Ă  celle du Groupe Petersen (30 000 tonnes d'huile et 34 000 tonnes de tourteaux.

L'Inde et le Sénégal écrasent les prix dès 1927

Tour crénelée à ogives, partie intégrante de la maison de commerce créée au XIXe siècle à Saint-Louis du Sénégal.

Alors que les exportations de l'Afrique occidentale française ont quasiment doublĂ© de 1913 Ă  1928, passant de 240 000 tonnes Ă  430 000 tonnes, elles ne rattrapent pas celles de l'Inde qui totalisent plus de 700 000 tonnes au cours de cette mĂŞme annĂ©e 1928, une offre mondiale gigantesque qui pèse sur les cours avant mĂŞme que la demande ait flĂ©chi dans les pays consommateurs d'Europe[68]. RĂ©sultat, la crise qui dĂ©marre en 1927 est encore plus profonde que la prĂ©cĂ©dente, celle de 1883-1885. Sur le marchĂ©, le prix du quintal d'arachide Ă  Marseille s'est en effet encore plus effondrĂ© : 250 francs en 1927 puis 184 francs en 1929, et 105 francs en 1932 et mĂŞme 70 francs en 1933, une division par quatre en six ans[69]. Plus globalement, la baisse des prix des produits tropicaux est bien plus importante que celle des prix mondiaux, dont l'indice gĂ©nĂ©ral baisse de 50 % de 1931 Ă  1936[70], alors que les prix-or des six principaux produits vĂ©gĂ©taux de l'A.O.F. chutent eux de 70 %, 80 % et mĂŞme 90 % en 1934[70].

MalgrĂ© la baisse des prix, ou grâce Ă  elle, les exportations d'arachide au dĂ©part de Dakar sous forme d'huile commencent en 1927, contribuant Ă  l'optimisme, et atteignent un peu plus de 4 000 tonnes en 1930[62], contribuant Ă  inonder un marchĂ© mondial jusque-lĂ  fermement contrĂ´lĂ© par les industriels en Europe. Le Krach de 1929, qui a commencĂ© dès 1927 concernant l'arachide[69], ne provoque pas une correction immĂ©diate. Les surfaces arachidières continuent Ă  monter pour approcher 700 000 hectares en 1930 contre 425 000 hectares en 1919[44]. L'empire colonial est aidĂ© par la confrĂ©rie des Mourides qui ont construit une puissante idĂ©ologie fondĂ©e sur le travail, permettant la conquĂŞte de nouvelles terres[44]. La disparition en 1927 d'Ahmadou Bamba, fondateur de la confrĂ©rie des Mourides n'a fait que renforcer les dĂ©frichements[44], comme l’arrivĂ©e du rail Ă  MbackĂ© en 1931[44]. La chute brutale des exportations d'arachide en graine, de 520 000 tonnes en 1930 Ă  200 000 tonnes deux annĂ©es plus tard ne se produit que trois ans après la chute des cours[71] - [69].

Carte de l'Afrique-Occidentale française en 1936.

Le négoce traditionnel déstabilisé

Le Krach de l'arachide, dĂ©stabilise « l'appareil commercial de la traite Â» de l'arachide, dĂ©ployĂ© dans une tout autre perspective, dans les annĂ©es 1920, dans les moindres escales, avec l'usage du camion depuis 1925[47]. Il fragilise les plus influents et les plus anciens. Ainsi, Bordeaux perd son quasi-monopole du commerce de l'arachide avec le SĂ©nĂ©gal, au profit de grandes entreprises Ă©trangères ou provençales : la CFAO marseillaise, et la SociĂ©tĂ© Commerciale de l'Ouest Africain, forte d'une participation suisse, puis, après 1928, Unilever[8]. Ils bousculent, au sommet de la filière arachide, les traditionnels nĂ©gociants Maurel & Prom, Louis VĂ©zia (1851-1931), ou Charles Peyrissac[72], et ses comptoirs essaimĂ©s le long de la ligne Dakar, Thiès, Kayes, Bamako[70], oĂą l'arachide est Ă©changĂ© contre le riz d'Indochine, mais aussi sucre, thĂ© vert, alcools et quincaillerie[70]. Sa sociĂ©tĂ© rĂ©alisait, avant le krach de 1929, des taux de profit impressionnants : 115 % en 1922, 50 % en 1923, 62 % en 1924, 39 % en 1925[70], et a distribuĂ© des dividendes de 14 % de 1923 Ă  1926[70].

La loi protectionniste de 1933 et le soutien des prix, après la relance avortée de 1932

Dès , Lucien Maurel, vice-prĂ©sident de la section de l'Afrique occidentale de l’Union coloniale française, demande au gouvernement une baisse des tarifs ferroviaires, pour l'arachide. Ce dernier cède, tout en mettant en avant un soutien aux « petits planteurs Â», y compris par les crĂ©dits agricoles[68]. Puis le grand nĂ©gociant Charles Peyrissac souligne la gravitĂ© de la crise en rĂ©duisant en 1933 son capital de 50 Ă  25 millions de francs[70].

La loi du , dĂ©fendue par le ministre des colonies Albert Sarraut instaure alors un droit de douane de 20 francs par quintal d'arachide importĂ© en France[69], sur un cours mondial de 70 francs, soit près du tiers. Les colonies, territoire français, en sont dispensĂ©es. La recette de la taxe crĂ©Ă©e en 1933 sera affectĂ©e Ă  subventionner le prix d'achat de l'arachide aux paysans. Dans l'immĂ©diat, la revalorisation du prix de l'arachide est de 45 %[71]. L'effet n'est pas immĂ©diat : en 1934, les exportations d'huile d'arachide sĂ©nĂ©galaise retombent Ă  zĂ©ro. Puis l'Ă©norme machine procoloniale mise en place joue : alors que jusque lĂ  les exportations d'arachide en provenance d'ExtrĂŞme-Orient Ă©taient importantes, coĂŻncidaient avec des exportations africaines plus faibles car il existait une concurrence directe entre les deux origines. Mais ensuite, au cours de trois annĂ©es d'après-krach (1932, 1935 et 1937), les exportations d'arachide en provenance d'ExtrĂŞme-Orient et d'A.O.F. se dĂ©placent dans le mĂŞme sens[73]. Le rĂ©sultat de cette politique douanière agressive sera l'Ă©viction partielle des arachides indiennes au profit des arachides coloniales.

Par la circulaire du , le gouvernement avait dĂ©jĂ  voulu relancer et encadrer l'arachide du SĂ©nĂ©gal : les opĂ©rations de vente doivent avoir lieu dans 175 localitĂ©s dites « points de traite Â» ou « escales Â», situĂ©es sur la voie ferrĂ©e ou une route.

Malgré la crise, l'expansion via les défrichages et l'immigration au Saloum

Malgré la baisse des débouchés commerciaux et des prix, l'administration coloniale a relancé la production arachidière entre 1929 et 1946 dans la zone du Saloum, via une immigration massive, sur un vaste Front pionnier, des populations musulmanes wolof des confréries Mouride et Tidiane[43] : au fur et à mesure que la population augmente, la production d'arachide suit[74].

L'arachide vit alors un vĂ©ritable « boom Â» grâce au protectionnisme et Ă  la structuration de « coopĂ©ratives » de producteurs assurant progressivement des prĂŞts aux paysans et la distribution de semences[75].

Une mosaïque de peuples et de cultures s'installe sur de nouveaux territoires chaque année, toujours plus dans l'intérieur des terres, et fait que le Saloum oriental va représenter 57,9 % des exportations globales de la colonie du Sénégal entre 1929 et 1940[43]. Les rendements ont beau être faibles, les prix encore assez bas, les cultivateurs y remédient en augmentant massivement les surfaces cultives, en défrichant, peu importe l'usure des sols. D’importantes réserves forestières sont créées car le « dessèchements » du territoire provoqué par l'extension de l'arachide inquiète les services techniques de l’administration coloniale[75].

La production 1938-1939 remonte Ă  584 000 tonnes, mais cette expansion est fragile : celle de la campagne 1942-1943 retombera Ă  seulement 183 000 tonnes, trois fois moins, les sols se dessĂ©chant et l'exportation en France devenant impossible Ă  partir de 1943, avant de rebondir très partiellement en 1943-1944, Ă  environ 281 000 tonnes[76].

Le décret du 8 avril 1938, protégeant les huileries existantes

Les exportations reprennent dès 1936, surtout Ă  destination d'Afrique du Nord, oĂą des usines s'Ă©quipent pour le raffinage des huiles brutes[62]. En 1937, les exportations d'arachide de l'Afrique-Occidentale française dĂ©passent 5 000 tonnes, inquiĂ©tant pour la première fois les huiliers de la MĂ©tropole[62]. Ils obtiennent, par le dĂ©cret du , que le contingent d'huile admis en franchise de droits de douane dans la MĂ©tropole soit plafonnĂ© Ă  5 800 tonnes. Et surtout qu'il soit rĂ©servĂ© aux « antĂ©rioritaires Â» ayant exportĂ© avant 1938, pour dĂ©courager l'ouverture de nouvelles usines sur place[62]. L'un des principaux bĂ©nĂ©ficiaires Ă  Dakar est le danois Viggo Qvistgaard-Petersen, prĂ©sent aussi Ă  Rufisque, depuis une douzaine d'annĂ©es. En 1938, la valeur des produits arachidiers reprĂ©sente dĂ©jĂ  la moitiĂ© des exportations totales d'Afrique-Occidentale française. Le SĂ©nĂ©gal en a le quasi-monopole.

La guerre amène Ă  suspendre cette rĂ©glementation : le contingent est brutalement portĂ© Ă  45 000 tonnes, en raison des graves pĂ©nuries causĂ©es par le blocus maritime des navires anglais, bloquant l'arrivĂ©e de l'arachide Ă  Dunkerque. La situation ne se dĂ©bloquant pas, les huiliers sĂ©nĂ©galais se tournent vers le marchĂ© des colonies d'Afrique du Nord, qui subit une double pĂ©nurie : huiles de tables et carburants.

Pénuries et montée de l'Argentine et du Maghreb

Dès 1939, le cours de l'huile emprunte une pente ascendante raide qui ne culminera qu'en 1951[42]. De 1939 à 1944, sous l'effet de ces cours mondiaux très élevés, l'Argentine exporte des quantités importantes de décortiquées et d'huile pendant les années de guerre[42].

En Afrique du Nord, la pénurie de carburants causée par la Guerre immobilise tous les véhicules utilitaires et paralyse tout le Maghreb. L'huile d'arachide est utilisée comme carburant de remplacement, pour pallier la pénurie de gasoil pour les moteurs Diesel[62]. Rudolf Diesel, inventeur du moteur du même nom, a en effet assuré deux décennies plus tôt que sa technologie pouvait s'accommoder aussi de ce type de carburant, à titre provisoire.

Timbre en l'honneur de Rudolf Diesel, inventeur du moteur du mĂŞme nom, et du 100e de ses moteurs.

Ă€ partir de 1940, la pĂ©nurie de carburants Ă©tant plus sensible au Maghreb qu'ailleurs, l'huile d'arachide et l'alcool de vin fournirent les ersatz indispensables[77]. La question du carburant de synthèse en partant des matières grasses vĂ©gĂ©tales est très poussĂ©e sur place, observe un reportage du magazine Le Chasseur Français[78]. L'AlgĂ©rie est alors Ă  court de carburant, expliquera dans l'un de ses livres l'Ă©crivain Roger Frison-Roche[79], figure de la « Mission Transsaharienne Mory Â», qui rĂ©unit de mars Ă  pour 9 000 km aller-retour entre Alger et Cotonou, Ă  travers le dĂ©sert, avec 3 camions Berliet de la sociĂ©tĂ© des transports Mory. Alors que la pĂ©nurie de carburant est gĂ©nĂ©rale, l'objectif est de tester le remplacement du gasoil par de l’huile d’arachide produite en Afrique coloniale française, en allant se ravitailler « Ă  la source » et prouver du mĂŞme coup son efficacitĂ©, en l’utilisant comme carburant pour le trajet du retour[80]. Le veto Ă  l'exportation de l'huile d'arachide du Niger conduit finalement la mission au Dahomey pour y chercher de l'huile de palme.

Le lobbying des huiliers sénégalais auprès de Vichy

L'huile d'arachide, si précieuse pour les conserves, disparaît en métropole durant l'été 1940[81]. Les prix de l'huile s'envolent, sur fond de spéculation sur la mobilisation de nombreux travailleurs sénégalais lors des deux mois de la bataille de France (mai-).

MalgrĂ© ces prix soudain très rĂ©munĂ©rateurs, l'Ă©conomie coloniale reste le système « primitif et paresseux Â» dĂ©crit par le gĂ©ographe français Jean Dresch[82]. Le seul essor, timide, des industries, concerne les huileries du SĂ©nĂ©gal[82], mais sur fond d'administration locale dominĂ©e et d'isolement de l'AOF entre 1940 et 1943 : l'installation d'usines est en fait strictement contrĂ´lĂ©e par les grandes sociĂ©tĂ©s dĂ©jĂ  implantĂ©es au SĂ©nĂ©gal, qui tolèrent difficilement tout nouveau venu[82]. Seule la vieille CFAO (entreprise) peut mettre en route en 1940 son huilerie de Rufisque, approvisionnĂ©e par l'usine de dĂ©corticage de la sociĂ©tĂ© de Viggo Qvistgaard-Petersen, Ă©galement installĂ©e Ă  Rufisque entre 1935 et 1938[72]. Les autres industriels se heurtent Ă  des obstacles. Le projet de dĂ©localisation Ă  Dakar de l'usine Lesieur du Nord de la France, Ă©tranglĂ©e par le blocus de Dunkerque par les navires anglais est freinĂ©.

Pour protéger leurs marges bénéficiaires, ainsi gonflées en s'opposant à toute nouvelle concurrence, les huileries coloniales de Dakar font du lobbying auprès du régime de Vichy[82], dans le sillage des privilèges que leur avaient accordées la loi du et le décret du .

Pierre Boisson est nommé le [83] Haut-Commissaire de l'Afrique française pour le régime de Vichy et le restera jusqu'au . Ce fidèle du maréchal Pétain a bénéficié du patronage d'Albert Sarraut, personnalité dominante du parti colonial entre les deux guerres[84].

Dès , lors de la bataille de Dakar, il a repoussé le débarquement des forces alliées menées par le général de Gaulle et créé dans la foulée, en , la « Légion française des combattants d’Afrique Noire »[85], destinée aux seuls anciens combattants puis ouverte à tous les « Aoffiens ».

Carte des opérations du débarquement des alliés en novembre 1942 en Afrique du Nord.

Conscients que l'arachide raffinĂ© permet de pallier la pĂ©nurie de diĂ©sel, Maxime Weygand, depuis juin 1940 ministre de la Guerre de PĂ©tain, sollicite l'industriel Marcel Pion[82], afin qu'il crĂ©e Ă  Casablanca en « Les Huileries Soudanaises Â» qui doivent implanter une usine aussi Ă  Koulikoro (Mali), pour une capacitĂ© d'environ 1 150 tonnes annuelles d'huile d'arachide[82]. CrĂ©Ă©e le , avec un capital de 36 millions de francs CFA. La sociĂ©tĂ©, prĂ©sidĂ©e par Louis Glaser, doit recruter comme administrateur un pilier de la place de Dakar, le patron du Groupe Petersen[86].

Cette crĂ©ation se heurte immĂ©diatement Ă  l'opposition tenace de la sous-section « Huileries et Savonneries Â» du « Groupement professionnel de la production industrielle Ă  Dakar Â»[82], qui y voit une dangereuse concurrence pour les huiliers sĂ©nĂ©galais[82]. Le projet de Marcel Pion a pourtant l'accord oral de Pierre Boisson, qui l'a reçu Ă  Dakar en [82], mais ses services refusent ensuite de dĂ©livrer l'agrĂ©ment sous des prĂ©textes infondĂ©s[82]. Les obstacles se multiplient tout au long de l'annĂ©e 1942[82]. Les entreprises chargĂ©es de livrer les machines font traĂ®ner avec une Ă©tonnante mauvaise volontĂ©. Marcel Pion doit chercher d'autres fournisseurs[82]. En , il accuse le « Groupement professionnel Â» de tout mettre en Ĺ“uvre pour l'Ă©vincer du marchĂ©[82] et son usine n'ouvrira qu'Ă  la LibĂ©ration[87].

Le « ComitĂ© d’organisation des corps gras Â» du rĂ©gime de Vichy prĂ©voit aussi au printemps 1942, de « fermer les quatre huileries bordelaises Â», pourtant point fort de la ville dans le domaine alimentaire[88], en raison de la pĂ©nurie d’arachide causĂ©e par « la concurrence accrue des huileries coloniales Â» et, de manière plus temporaire, par la mobilisation de nombreux travailleurs sĂ©nĂ©galais lors des deux mois de la bataille de France (mai-). Une partie d'entre eux seront Ă  nouveau mobilisĂ©s par l'ArmĂ©e française de la LibĂ©ration, mais deux ans et demie plus tard, Ă  la toute fin 1942.

En zone occupĂ©e, le lobbying des huiliers sĂ©nĂ©galais joue moins. Lesieur (entreprise) Ă©tant Ă©tranglĂ©e par le blocus maritime britannique, les autoritĂ©s allemandes ont exigĂ© le transfert de son activitĂ© dunkerquoise Ă  Casablanca et Alger, pour sĂ©curiser l'importation l'huile sĂ©nĂ©galaise en Europe[89]. Mission confiĂ©e Ă  Jacques Lemaigre Dubreuil, prĂ©sident de l'entreprise depuis 1931 et de la « FĂ©dĂ©ration des contribuables Â» depuis 1935, qui a consacrĂ© sa carrière Ă  approvisionner l'usine Lesieur de Coudekerque-Branche, (Nord) en arachide de Rufisque. L'usine de Casablanca voit rapidement le jour en s'associant Ă  50 % avec la famille marcocaine Sebti, de Fès, dĂ©marche exceptionnelle Ă  l'Ă©poque[90]. Pour s'assurer l'accès Ă  la matière première, Lesieur (entreprise) a aussi pour mission 1941 de crĂ©er une usine moderne Ă  Dakar, pour un premier traitement des arachides, mais s'est heurtĂ© aux mĂŞmes obstacles, que l'industriel Pion, malgrĂ© le risque encouru : en 1945, « privĂ©e de l'essentiel de son appareil productif Â», Lesieur est « dans l'incapacitĂ© de reprendre ses fabrications en mĂ©tropole Â» mais cependant sauvĂ©e par ses Ă©tablissements africains[91]. Entre-temps, son PDG Jacques Lemaigre Dubreuil a changĂ© de camps et aidĂ© Ă  la prĂ©paration du dĂ©barquement des AlliĂ©s en Afrique du Nord (Maroc et AlgĂ©rie) du . Le retour en guerre de l’AOF aux cĂ´tĂ©s des AlliĂ©s impose le versement d’olĂ©agineux : la « bataille de l’arachide » est engagĂ©e en 1943 au SĂ©nĂ©gal, Ă  coups de rĂ©quisitions forcĂ©es[75].

Pendant ce temps, les usines dakaroises plus anciennes du Groupe Petersen dĂ©veloppent considĂ©rablement leurs installations[62]. La production (40 000 tonnes dès 1941) devient surtout destinĂ©e Ă  l'Afrique du Nord, car utilisĂ©e comme carburant de remplacement, pour pallier la pĂ©nurie de gasoil pour les moteurs Diesel[62], les tourteaux Ă©tant utilisĂ©s comme combustible, après un traitement. Ă€ partir de 1943, les besoins alliĂ©s en olĂ©agineux continuent Ă  stimuler la production[62].

  • L'Huilerie Lesieur-Afrique, enfin opĂ©rationnelle en 1943 est la plus moderne, reliĂ©e aux mĂ´les d'embarquement par un pipe-line, qui refoule directement l'huile aux navires-citernes, et surtout Ă©quipĂ©e de presses Ă  haut rendement, comme celles employĂ©es en mĂ©tropole. Simple rouage de Lesieur (entreprise), elle alimente en huile brute — sa seule production — les usines Lesieur d'Alger et de Casablanca, oĂą sont raffinĂ©es les 1 000 tonnes d'huile qu'un navire peut charger Ă  Dakar en quelques heures[62].
  • L'Huilerie Petersen est la plus grande d'un secteur qui occupe au total 4 000 ouvriers Ă  Dakar en 1948[62]. C'est aussi la plus ancienne. L'huilerie n'est que l'annexe d'un groupe spĂ©cialisĂ© dans la traite des arachides, qui constitue en 1947 un ensemble complet aux activitĂ©s variĂ©es[62], qui livre aussi bien 13 605 tonnes d'huile raffinĂ©e que 18 929 tonnes de tourteaux[62], mais produit aussi directement de l'huile de consommation courante, grâce Ă  ses propres installations de raffinage[62]. Elle traite accessoirement, d'autres olĂ©agineux tropicaux (palmistes, amandes de karitĂ©, ricin, cacao en fèves)[62]. Ses sous-produits alimentent une savonnerie d'une production annuelle de 2 700 Ă  3 000 tonnes, destinĂ©e pour moitiĂ© Ă  l'exportation[62] et la prĂ©paration d'aliments composĂ©s pour le bĂ©tail (Provendes). Dès 1944, l'huilerie Petersen est la plus importante d'AOF, avec plus de 1 000 ouvriers et 50 000 tonnes d'arachides en coques traitĂ©es[92]. Après la guerre, la capacitĂ© de production des huileries sĂ©nĂ©galaises avoisine 65 000 tonnes, dont 40 000 tonnes pour celles antĂ©rieures Ă  la guerre, 20 000 pour l'usine Lesieur-Afrique, plus moderne, et 5 000 pour divers petits Ă©tablissements travaillant pour le marchĂ© local[62]. L'empire de Petersen est prĂ©sent dans les huileries et savonneries, les sacs, vins et FĂ»ts mĂ©talliques[93].

Les grands choix structurels de l'après-guerre

Dans l'après-guerre monte une revendication nationalistes en Afrique francophone et anglophone, très marquée dans le secteur de l'arachide, massivement contrôlé par des capitaux européens. Les industriels coloniaux gagnent cependant sur toute la ligne : freins à la création de nouvelles usines malgré la pénurie européenne d'huile, salaires progressant moins que l'inflation, et poursuite d'une agriculture usant les sols.

Au Sénégal, la situation sociale est pourtant très tendue après le Massacre de Thiaroye, le : des gendarmes français tirent sur des tirailleurs sénégalais, qui manifestaient pour le paiement de leurs indemnités et pécule promis depuis des mois, causant plusieurs dizaines de morts, 70 selon les témoignages et les recherches les plus récents[94] - [95].

Le maintien des contingents d'huile en Afrique occidentale française

Les pénuries alimentaires pendant l'occupation de la France par l'Allemagne sont particulièrement vives concernant les produits gras. En 1944, le prix du beurre est cinq fois le tarif officiel et celui des œufs quatre fois. Après le débarquement américain de 1942, l'Afrique coloniale a cessé d'approvisionner, en 1943 et 1944, une Europe dominée par les Allemands. Par rétorsion, l'usine Lesieur (entreprise) de Dunkerque étant privée d'arachide, ils vont partiellement la démonter en 1943, pour la déplacer en Europe de l'Est[96].

La fin des importations d'arachide du Sénégal assèche les huileries de France, d'Allemagne, d'Italie, du Danemark et des Pays-Bas[4], qui n'ont ensuite pas réussi à s'en remettre : la consommation moyenne d'huile d'arachide passe de 3 kilos par personne et par an en 1938, à 2,2 kilos en 1951. Les rivalités au sein de la filière oléagineuse favorisent alors le développement des cultures comme le colza et le tournesol[5].

En effet, malgré la pénurie qui continue dans l'après-guerre, la politique de contingents de production d'huiles d'arachide, créée par le décret du , se poursuit, pour continuer à protéger les huiliers coloniaux, représentés par le Syndicat des Fabricants d'Huile d'A.O.F, qui refusent par ailleurs depuis 1944 de lâcher du lest sur les salaires, malgré leurs prix de vente élevés[97].

Cette politique est dénoncée par les huiliers métropolitains, auxquels se joignent peu à peu les huiliers de l'Afrique du Nord, inquiets pour leurs sources de matières premières, qui restent hors de prix.

  • Les huiliers mĂ©tropolitains dĂ©noncent l'archaĂŻsme et le rendement mĂ©diocre des huileries coloniales du SĂ©nĂ©gal, Ă©quipĂ©es uniquement pour l'extraction par pression, alors que seules les huileries mĂ©tropolitaines sont Ă©quipĂ©es pour l'extraction par solvant. En rĂ©ponse Ă  ces critiques, Ă  partir de 1947, la plupart des huileries du SĂ©nĂ©gal investissent aussi dans l'extraction par solvant. C'est le cas de Lesieur (entreprise), Petersen, l'Huilerie de Louga, l'Huilerie de Ziguinchor.
  • Les huiliers mĂ©tropolitains dĂ©noncent par ailleurs le coĂ»t des fĂ»ts Ă  renvoyer vides au SĂ©nĂ©gal ou de navires-citernes, dont le retour sur lest occasionne de gros frais et jugent que le transport en vrac des arachides vers l'Europe est plus Ă©conome. Ils critiquent la station de pompage de tanks mĂ©talliques de 3 000 tonnes de Petersen et ses associĂ©s[62], qui permet en effet en 1947 de charger les navires-citernes Ă  300 tonnes Ă  l'heure, durant la saison arachidière[62]. Du coup plusieurs huiliers menĂ©s aussi par Petersen ont crĂ©Ă© aussi en 1946 Ă  Dakar une usine de fĂ»ts, Ă  partir de tĂ´les importĂ©es, gĂ©rĂ©e par la sociĂ©tĂ© « FĂ»ts mĂ©talliques de l'Ouest Africain » (FUMOA), basĂ©e au 166, rue du Faubourg Saint-HonorĂ©, Paris (8e), dans laquelle sont associĂ©es la SociĂ©tĂ© Gallay et les Huileries Petersen, au capital de 15 millions de francs CFA et dirigĂ©e par Jean Launay (industriel), du Groupe Petersen[86], par ailleurs prĂ©sident du syndicat des huiliers d'AOF[75]. La production de 1947 (100 000 fĂ»ts) couvre les besoins des huiliers mais aussi des importateurs de produits pĂ©troliers, que la puissance coloniale souhaite encourager, en mĂ©canisant la culture des arachides, mĂŞme si les cours mondiaux attĂ©nuent leur hausse car les marchĂ©s se ferment[62].

Les dix huileries du Sénégal sont en 1947 aux mains des Européens[62]. Les quatre plus grosses sont :

Viennent ensuite les Huileries et Savon ouest africain (HSOA) produisant 3 205 tonnes d'huile brute)[62] et les huileries de l'intĂ©rieur, très dispersĂ©es, produisant Ă  elles toutes en 1947 seulement 1 016 tonnes[62], Ă  l'exception de L'Huilerie du Cayor, qui raffine 1 488 tonnes d'huile brute Ă  Louga, zone dĂ©jĂ  en dĂ©clin. La CFAO est installĂ©e Ă  Rufisque et la SEIB (SociĂ©tĂ© Électrique et Industrielle du Baol) Ă  Diourbel et la SEIC (SociĂ©tĂ© Électrique et Industrielle de Casamance) Ă  Ziguinchor[72]. Au sud du SĂ©nĂ©gal, dans les futurs pays sahĂ©liens, il n'existe que des huileries de faible capacitĂ©, destinĂ©es au marchĂ© local[62]: quatre ont une capacitĂ© cumulĂ©e de traiter 6 000 tonnes de graines d'arachide, sous-utilisĂ©e : en 1949, un contingent de 3.500 seulement leur a Ă©tĂ© attribuĂ©[62].

L'annĂ©e 1950 sera la dernière du dirigisme sur les contingents revenant aux huileries sĂ©nĂ©galaises. Lesieur - Afrique dispose alors d'un contingent de 70 000 tonnes[100]. Son rival local Viggo Qvistgaard-Petersen est dĂ©jĂ  derrière et ne pèsera pas plus de 30 000 tonnes en 1963, alors qu'il reprĂ©sentait en 1938 les deux tiers de l'huile produite dans la circonscription de Dakar.

Dès l'annĂ©e 1949, une saturation apparait sur le marchĂ© mĂ©tropolitain des corps gras, oĂą les huiliers ont dĂ©clinĂ©. Car la disette d'arachide de la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle l'Afrique coloniale a coupĂ©, en 1943 et 1944, les vivres Ă  l'Europe, a ravagĂ© les industries huilières de France, d'Allemagne, d'Italie, du Danemark et des Pays-Bas[4]. Sous l'effet des cours mondiaux très Ă©levĂ©s, l'Argentine a pris le relais mais en exportant entièrement de l'huile pour pallier le coĂ»t du fret causĂ© par la distance. Ses exportations culminent Ă  32 000 tonnes (Ă©quivalent huile) en 1944, deux fois plus qu'en 1942[4]. Les États-Unis aussi ont profitĂ© momentanĂ©ment de l'effet d'aubaine de ces cours très Ă©levĂ©s. De 1945 Ă  1948, le pourcentage des exportations argentines sous forme d'huile est montĂ©, jusqu'Ă  reprĂ©senter la totalitĂ© des ventes[4]. Ensuite, les exportations argentines en Europe ont disparu dès 1949, l'huile Ă©tant rendue Ă  la consommation intĂ©rieure[4], tandis que celle de l'Europe s'effondre, faute d'offre de remplacement : la consommation des 4 plus grands pays europĂ©ens a chutĂ© d'un tiers, tombant de 3 kilos par personne et par an en 1938, Ă  2,2 kilos en 1951, alors qu'elle est au contraire montĂ©e, sur la mĂŞme pĂ©riode, en AOF, Chine et Inde, de 1,7 Ă  2,2 kilos[4]. En 1938, la savonnerie française absorbait encore 40 000 tonnes de rĂ©sidus d'huile d'arachide. Ce chiffre divisĂ© par 4 treize ans plus tard[4].

Seule l'industrie huilière du Royaume-Uni, rivale de la France avant-guerre, a rĂ©sistĂ© Ă  ce bouleversement, avec une production 1951 comparable Ă  celle d'avant-guerre, qui absorbe 80 000 tonnes de graines.

Pénurie d'huile et isolement indien : les mutations du marché mondial

Le marché mondial s'est transformé sous l'effet de la pénurie d'huile d'arachide, car les prix élevés qui en découlent ont poussé nombre de pays à consommer d'autres produits, pour certains, ou investir dans des usines de triturage des graines pour d'autres.

Le mouvement pour l'IndĂ©pendance de l'Inde, qui a abouti le va de pair avec les projets ambitieux de la Commission du Plan quinquennal indien, qui vise Ă  conquĂ©rir l'ensemble des marchĂ©s de consommation des produits de première nĂ©cessitĂ©. Au dĂ©but des annĂ©es 1950, un recensement montre que l'Inde dispose dĂ©jĂ  de 1 125 huileries, de capacitĂ©s diverses rĂ©parties Ă  peu près toutes le long de la rĂ©gion arachidière, entre Bombay et Madras[101]. Le dĂ©veloppement industriel de l'Inde, en particulier le dĂ©veloppement de ces huileries[73], ainsi que l'augmentation des besoins alimentaires indiens[73], ont fait diminuer dans de fortes proportions, ses exportations d'arachide et de tourteaux car la politique agricole indienne s'oppose au maximum Ă  l'exportation de ces produits[73], obligeant l'Angleterre Ă  se tourner vers des plantations d'Afrique de l'Est ou du NigĂ©ria.

La part de l'arachide mondiale exportée sous forme d'huile est ainsi passée de 7 % à 45 % entre 1938 et 1951[4], proportion qui atteint 73 % pour l'Inde mais seulement 39 % pour l'Afrique-Occidentale française[4]. Celle-ci n'a fait que la moitié du chemin : elle exportait la quasi-totalité de ses arachides en coques en 1929 mais ce n'est plus que 6 % en 1951, une bonne part voyageant désormais décortiquée[4]. Mais l'AOF n'a pas encore la capacité huilière suffisante pour s'adapter à ce nouveau marché, tandis que ses clients industriels français, ex-rivaux, se sont effondrés.

En 1951, la production mondiale d'arachides en coques a pour la première fois dĂ©passĂ© 10 millions de tonnes, effectuĂ©e Ă  66,7 % en Asie[4], oĂą la part de la production exportĂ©e est cependant très faible : seulement 9 % pour l'Inde, premier producteur mondial[4]. L'autosuffisance indienne permet Ă  l'Afrique de continuer Ă  dominer ce nouveau marchĂ©, en exportant environ 220 000 tonnes (en Ă©quivalent huile), deux fois plus que les 110 000 tonnes de l'Asie et cinq fois plus que les 40 000 tonnes de l'AmĂ©rique du Nord[4]. Aux États-Unis, l'huile d'arachide, dĂ©sormais trop chère, a disparu de l'industrie alimentaire, remplacĂ©e par celle tirĂ©e du soja et du coton[4]. La production qui a survĂ©cu est exportĂ©e.

En Gambie 78 % de la production est exportée, et c'est 53 % en Afrique-Occidentale française, ou encore 41 % au Nigeria. L'AOF a assuré à elle seule 29 % des graines et 24 % des huiles exportées[4], malgré la contraction de la consommation en Europe. Si l'on ajoute les territoires anglais de la région, la Côte Occidentale d'Afrique a assuré, en 1951, 47 % des exportations mondiales (65 % des graines et 27 % de l'huile).

En 1951, le marché mondial de l'arachide semble se présenter sous la forme d'un monopsone, avec deux vendeurs : l'Afrique et l'Asie, et un seul acheteur : l'Europe occidentale[42]. L'Asie se taillant la part du lion avec 6,8 millions de tonnes (66,7 % du total)[42], devant l'Afrique (21,6 % du total), puis les États-Unis (7,4 % du total) et l'Amérique latine (4,0 %). L'Europe (0,2 %) et l'Australie (0,1 %) n'ont qu'une présence très marginale[42].

Mais les exportations d'arachides ne reprĂ©sentent plus qu'une toute petite partie de la production, aux environs de 150 000 tonnes, alors qu'elles Ă©taient passĂ©es de 100 000 tonnes en moyenne Ă  200.000, sur la courte pĂ©riode 1936-1938. L'Asie n'y participe quasiment plus, mĂŞme si l'Inde en possède le tiers des 21,5 millions d'acres ensemencĂ©es en arachides dans le monde[102].

Cette plante reste en 1951 la première source mondiale d'olĂ©agineux vĂ©gĂ©taux, devant le soja, le colza et le coprah[42] et a procurĂ© Ă  l'Ă©conomie mondiale 14 % de sa production d'olĂ©agineux vĂ©gĂ©taux, proportion assez stable depuis 17 ans en termes d'huile (15 % en 1934-1938)[42]. Au milieu des annĂ©es 1950, on constate que l'Afrique, seule ou presque, doit couvrir maintenant les besoins des pays importateurs[73].

Les inquiétudes sur l'usure des sols au Sénégal

Le conflit sur les effets nocifs de la production intensive d'arachides, en particulier l'usure des sols, les déplacements de population, et la question des cultures vivrières, s'intensifie après la guerre, sur fond de montée des revendications pour la décolonisation, tandis que l'échec des huiliers a relancer la consommation en Europe préoccupe.

La pĂ©riode de guerre avait coĂŻncidĂ© avec des annĂ©es de sĂ©cheresse, de mauvaises rĂ©coltes, et parfois de famines, sur fond de libĂ©ralisation du marchĂ© en 1943-1944 et d’alignement sur les cours mondiaux, suscitant des inquiĂ©tudes sur l’épuisement des terres du Nord et la « consommation rapide des terres neuves Â»[75], avec rĂ©trĂ©cissement de la durĂ©e des jachères[75], tandis que la rupture des approvisionnements en produits vivriers et manufacturĂ©s rĂ©duit les surfaces consacrĂ©es Ă  l’arachide aux dĂ©pens des cultures vivrières, devenues vitales[75].

La conservation des sols sénégalais devient, de 1944 à 1952, l’objet d’une vaste controverse[75]. Dès 1944, l'administration provisoire met en place un programme de rééquilibrage des cultures au profit des cultures vivrières[75]. Georges Aubert, de l'Office de la recherche scientifique coloniale, créé en 1942, et l’inspecteur général des Eaux et Forêts Pierre Bellouard, préconisent d’étendre la politique de classement des forêts et de privilégier les cultures d’arachide sous couvert forestier[75]. Dans le sillage des grandes études « environnementales » de l’entre-deux-guerres des colonies britanniques[75], les experts français s'opposent au modèle ouolof et mouride, jugé trop destructeur[75], et posent en modèle-type d’intensification agricole vertueuse l’agriculture des Sérères[75], la troisième ethnie du Sénégal, après les Wolofs et les Peuls, qui pèse un sixième de la population.

Mais dès , coup de barre dans l'autre sens : une « confĂ©rence de l’arachide Â» rassemblant industriels et administration[75] relève le prix de l’arachide de 3,50 francs Ă  6 francs le kilo[75] afin de « pousser le paysan Ă  faire de l’arachide au lieu des cultures vivrières ».

En , l’agronome RenĂ© Dumont, envoyĂ© au SĂ©nĂ©gal[75] par le Plan et les institutions de recherches mĂ©tropolitaines, plaide pour une rĂ©duction drastique de la culture de l’arachide qui « ne laisse derrière elle que le dĂ©sert Â»[75]. Pour lui, l'Ă©rosion des sols se voit d’abord dans la « prolĂ©tarisation » des paysans du Nord, parfois contraints de se faire ouvriers agricoles au sud. Mais la mission d’un autre agronome, Roland Portères, en mars-, clĂ´t cette controverse par l’affirmation d’un programme de modernisation de l’agriculture sĂ©nĂ©galaise[75]. Le rapport Portères plaide surtout pour le relèvement de la production » « par les fertilisants », « par les plantes de sĂ©lection », « la culture attelĂ©e », ou la mĂ©canisation. Il est suivi en 1952 par un nouveau système de prix garanti de l’arachide, paradoxalement au moment oĂą prend fin la pĂ©nurie en huiles vĂ©gĂ©tales[75].

Les agronomes n'obtiennent la modération de la culture de l'arachide que dans la région de Louga[103], où elle décline déjà, l'Huilerie du Cayor se repliant sur Dakar dès 1952. Ailleurs, l'État colonial suit au contraire une politique de nouveau Front pionnier, avec appel aux migrations de paysans, défrichages, conquêtes de nouvelles terres, selon l'habitude déjà prise dans la seconde partie des années 1930 lors de l’importation massive de riz d’Indochine et la venue de travailleurs saisonniers (navétanes) du Soudan français et de Guinée[75].

Ă€ partir de 1950, la forte production agricole dans le centre-ouest du SĂ©nĂ©gal va ĂŞtre accompagnĂ©e par une explosion dĂ©mographique autour de Kaffrine, Ă  50 km de Kaolack, dont le poids dĂ©mographique va susciter « la convoitise des hommes politiques de l’époque Â» comme Lamine Guèye et LĂ©opold SĂ©dar Senghor. Longtemps terre d'immigration, Kaffrine, deviendra plus tard, après l'IndĂ©pendance, une zone de dĂ©part vers d'autres cieux[74], sur fond d'urbanisation des terres agricoles et de taux de croissance « le plus important de toute la colonie Â» devenue indĂ©pendante[74].

Dans la partie mĂ©ridionale du SĂ©nĂ©gal, pour rĂ©agir Ă  l'essouflement des rĂ©coltes et Ă  la concurrence des zones anglaises, le Plan de Modernisation et d'Equipement fonde un centre de production mĂ©canisĂ©e de l'arachide, entre la Gambie et la GuinĂ©e portugaise : la « Compagnie GĂ©nĂ©rale des OlĂ©agineux Tropicaux »[102]. Par le dĂ©cret de , la MĂ©tropole s'engage Ă  acheter 225 000 tonnes d'huile par an Ă  l'AOF, soit plus que ses besoins[104], total qui est portĂ© en 1958 Ă  300 000 tonnes, le prix d'achat Ă©tant de plus relevĂ© de 2 Ă  3 francs par kilos[104], alors que le kilo est dĂ©jĂ  supĂ©rieur aux prix mondiaux de 15 % Ă  20 %[104], tandis qu'un fonds est crĂ©Ă© pour financer l'exportation de 50 000 tonnes[104].

En 1958, la production commercialisĂ©e d'arachide, au SĂ©nĂ©gal, a atteint le record (pour l'Ă©poque) de 830 000 tonnes[76], puis reste Ă©levĂ©s, Ă  720 000 tonnes d'arachides en coques, deux ans après. La proportion est alors de 1,8 tonne d'arachide rĂ©coltĂ©e par tonne de produits vivriers, comme en 1951[76]. Les cultivateurs Mourides se soucient principalement de l'arachide, aux dĂ©pens du mil et n'utilisent les terres dĂ©frichĂ©es que dans la proportion de 60 % de la superficie pour l'arachide, contre 40 % seulement pour le mil[76]. L'AOF est par ailleurs importatrice de 110 000 tonnes de riz par an[104].

Les fusions chez les huiliers, face à la montée de l'anticolonialisme

Dès 1951, les six principales huileries du SĂ©nĂ©gal produisent 70 000 tonnes d'huile, 80 000 tonnes de tourteaux et 10 000 tonnes de savon[99]. La plus forte expansion sera celle de Lesieur (entreprise), qui deviendra en 1958 le premier huilier du marchĂ© français, avec 125 millions de litres d’huile vendus contre 30 millions de litres en 1950[105], contribuant Ă  l'expansion du port de Dunkerque dans les annĂ©es 1950 et 1960, avec un agrandissement pour accueillier les navires citernes et les hydrocarbures.

Les huileries du Sénégal affrontent la montée de l'anticolonialisme au Sénégal. L'agitation est menée à Dakar dès : grève de 24 heures chez Petersen et Lesieur (entreprise), mais aussi dans les chantiers maritimes et à la Manutention africaine[72]. Les salaires des huileries ont en effet pris du retard sur les prix des biens importés, qui restent chers en raison du maintien du monopole de droit accordé aux grandes maisons de commerce sur la distribution de nombreux produits, ce qui ralentit la résorption des pénuries de guerre, causées par la spéculation dans le secteur commerce[106]. Les prix de l'huile ont fortement progressé depuis 1938 sans être jamais être rattrapés par le salaire moyen, dont le retard oscillera entre 40 % et 20 %, même si les décrets du code du travail, sur fond de hauts cours de l'huile, réduiront un peu dans les années 1950 l'écart creusé depuis 1939[106].

Face à cette montée de l'anticolonialisme au Sénégal, les groupes européens fusionnent[107]. Petersen se lie encore plus aux autres huiliers, via des contrats. Vers la fin des années 1950, le groupe Unipol (huilerie) nait du rapprochement entre les entreprises d'oléagineux marseillaises L'Huilerie Nouvelle et Rocca Tassy & De Roux[108].

Le groupe métropolitain Desmarais frères investit dans l'huilerie de Louga, fusionnée avec son usine du Havre- Graville pour donner naissance à la SODDEO (Société Desmarais Decomis de Produits Olaégineux)[109]. Également actionnaires, les Huileries Maurel obtiennent en 1954 la construction d'usine en Aquitaine, puis en 1957 la fermeture de celle de Louga. En 1959, le tout est récupéré par Lesieur (entreprise), devenu premier huilier français, avec 125 millions de litres[62], dont le PDG Jacques Lemaigre Dubreuil, a été assassiné à Casablanca le , après avoir signé en une série d'articles dans plusieurs journaux, parmi lesquels Le Monde, réclamant un calendrier « d'émancipation graduelle », vers l'indépendance, de certaines colonies.

Les nouveaux pays producteurs des années 1950

La production amĂ©ricaine d'arachide en coques est finalement revenue Ă  650 000 tonnes en 1950-1951, huit ans après la rĂ©colte record de 800 000 tonnes en 1943[42]. Sa valeur est tombĂ©e Ă  185 millions de dollars, soit un quart de moins que les 250 millions de dollars de 1948, tant Ă  cause de la diminution de la production que de la chute des prix[42].

Résultat, l'Amérique du Nord a suivant les années un commerce de l'arachide seulement très légèrement importateur ou exportateur, car sa production couvre tout juste ses besoins[42], tandis que les possibilités d'exportation de l'Amérique latine sont devenues minimes[42]. Le cinquième environ de la production américaine est consommé via le beurre de cacahuètes, produit par broyage des arachides torréfiées, auxquelles on ajoute du sel[42]. Ce qui est autant de moins à exporter. Cette situation fait que les deux Amériques ont peu d'influence sur le commerce mondial, et subissent la stabilisation des prix, d'autant que les États-Unis utilisent SURTOUT cette plante comme un complément au coton, en termes de jachère, pour de nombreuses fermes. La Géorgie est le premier État producteur; la plus de 100000 hectares en arachides à fin 1951. Avec l'Alabama et le Texas elle pèse 63 % de la superficie totale plantée en arachide aux États-Unis.

L'Inde consomme, elle aussi, l'essentiel de sa production d'arachide et ce sont d'autres zones de production qui émergent dans les années 1950.

Le doublement des surfaces cultivées au Niger entre 1954 et 1957

Dans l'après-guerre, le Niger devient le deuxième exportateur d'arachide d'Afrique-Occidentale française[110] et un producteur d'huile. Dès la campagne 1946-47, avec 30849 tonnes commercialisĂ©es, les records d'avant-guerre sont approchĂ©s, mais la rĂ©colte est ensuite divisĂ©e par trois lors d'un hivernage très difficile en 1950, avant un rebond en 1954. La garantie d'achat d'un contingent de produits arachidiers par la France, assortie de la fixation de prix garantis permettent ensuite de doubler les surfaces cultivĂ©es entre 1954 et 1957 puid d'atteindre 100 000 tonnes en 1957. Un producteur d'huile, la sociĂ©tĂ© des huileries du Niger, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1951 et raffine 7 000 tonnes d'arachides Ă  Matamèye, et en 1959 c'est la SIAM Ă  Magaria.

Le Nigéria en hausse et l'Inde qui se reprend

Dès 1947, le gouvernement britannique a en effet lancé un plan de culture des arachides dans l'Est africain, confiée à un organisme responsable devant le Ministre du Ravitaillement, qui envisage le défrichement de 3,21 millions d'acres en six ans et dont le coût a entraîné des critiques violentes de la part de l'opposition britannique[102]. Les difficultés à défricher et adopter des méthodes modernes de culture, obligèrent à réduire à 600.000 acres l'objectif de surface à défricher d'ici 1954[102], puis de le ramener plus modestement à 210.000[102].

Les projets de culture mécanique de l'Arachide au Tanganyika

Après la Seconde Guerre mondiale, l'empire colonial anglais perd le contrĂ´le sur l'Inde. Les Anglais tentent alors de dĂ©velopper la culture mĂ©canique de l'Arachide au Tanganyika, dans la partie orientale de l'Afrique. Soixante mille hectares sont ensemencĂ©s en arachide en 1947, puis neuf fois plus en 1949, pour avoir 500 000 hectares ensemencĂ©s en arachide, donnant environ 230 000 tonnes de graines[111], puis en 1952 environ 1,3 million d'hectares, produisant plus d'un million de graines dĂ©cortiquĂ©es[111]. Ces quantitĂ©s sont alors jugĂ©es nĂ©cessaire Ă  la Grande-Bretagne pour remplacer les Arachides de l'Inde qui n'arrivent plus en Europe[111].

Les résultats obtenus en 1948 montrent que la mise en œuvre de ce plan est loin de compte, en raison de la trop grande improvisation[111]. Les producteurs d'arachide ont utilisé des machines et des camions hétéroclites provenant principalement des surplus de guerre[111]. Et rien n'est encore mis au point, bien que plus de 7 millions de livres sterling aient déjà été dépensés en matériel et frais de personnel[111].

L'Inde et le Sahel investissent dans la recherche agronomique, face aux sècheresses

La création en 1979 en Inde du Directorate of Groundnut Research, à Junagadh sur un terrains de recherches de 18 ha, prêté par Gujarat Agricultural University a permis d'effectuer des progrès dans l'amélioration des cultures. Cet organisme dépend du Conseil indien de Recherche Agricole, au sein du Ministère de l'Agriculture de l'Inde.

Les autorités avaient mis en place un projet de recherche coordonnée sur les oléagineux (AICORPO) pour l'ensemble de l'Inde en 1967 afin de coordonner les recherches sur diverses cultures d'oléagineux en Inde. Par la suite, la récolte d’arachides a reçu le statut de Projet de recherche coordonnée sur l’arachide pour l’ensemble de l’Inde. Il a pour mission la mise au point de variétés à haut rendement présentant une résistance à la sécheresse, aux maladies et aux nuisibles, ainsi qu'aux température élevée, à la salinité et aux sols acides.

Les principales collections d'arachides sont conservĂ©es Ă  l'ICRISAT, basĂ© Ă  Patancheru (Hyderabad, Andhra Pradesh) en Inde. Il dispose de plusieurs centres rĂ©gionaux : Niamey (Niger), Nairobi (Kenya) et des bases de recherches : Bamako (Mali), Bulawayo (Zimbabwe). Sont conservĂ©es Ă  l'ICRISAT environ 12000 accessions) et 7 500 accessions Ă  l'USDA (United States Department of Agriculture) aux États-Unis. Les ressources gĂ©nĂ©tiques de l'arachide comprennent les variĂ©tĂ©s originaires des centres de diversitĂ©, les lignĂ©es pures sĂ©lectionnĂ©es mais aussi les dizaines d'espèces sauvages du genre Arachis. Leur caractĂ©risation et description, complĂ©tĂ©es par des donnĂ©es sur le comportement face aux maladies, aux insectes et Ă  la sĂ©cheresse a Ă©tĂ© standardisĂ©e grâce Ă  la collaboration entre l'InternationalBoard for Plant menetic Resources (IBPGR), les grands centres de regroupement des collĂ©ctions et l'ICRISAT

En Afrique, la production d’arachide, subit une baisse notable dans les années 1980 et 1990[112]. Les régions subsahéliennes ont vu leur pluviométríe chuter durant les vingt années de 1976 à 1996ref name =aracirad/>, ce qui a conduit les chercheurs de l'ISRA et du CIRAD, au Sénégal, et de I'ICRISAT, au Niger, à s'intéresser à l'adaptation à la sécheresse[113]. Deux formes de sécheresse sont distinguées :

  • un raccourcissement global de la saison des pluies utiles
  • un dĂ©ficit hydrique au cours de la saison des pluies.

Des cultivars adaptés à l'une ou l'autre de ces formes de déficit hydrique ont été sélectionnésref name =aracirad/>.

Grâce à ces efforts, la production oléagineuse africaine est multipliée par 2,4 entre 1982 et 2007[112], mais reste cependant loin derrière l’évolution de la production mondiale[112], en raison ses difficultés rencontrées par plusieurs filières arachidières, notamment la sénégalaise, la plus exposée au déficit hydrique[112]. Au tournant des années 2010, l’importance de cette culture dans le Nord Nigeria et le Nord Cameroun, est désormais équivalente à celle de l'autre grand bassin arachidier africain, le Sénégal[112].

De nouvelles armes pour commercialiser l'arachide

À l'aube de l'indépendance du Sénégal, une loi du crée l'Office de commercialisation agricole (OCA), nationalisant de fait tout le commerce arachidier : il s'agit explicitement de « passer l’économie de traite à une économie moderne, rationnelle et planifiée d’inspiration socialiste et d’orientation coopérative »[114]. Cette nouvelle orientation constitue en effet une priorité nationale, car les paysans sénégalais ne cachent pas leur mécontentement à l'égard des pratiques commerciales et financières des Français et des Libanais, très présents dans ce secteur[115].

En , le président du Conseil du Sénégal, Mamadou Dia, prononce un discours sur « les politiques de développement et les diverses voies africaines du socialisme » à Dakar ; il prône le « rejet révolutionnaire des anciennes structures » et une « mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement » et revendique une sortie planifiée de l'économie arachidière[116]. Cette déclaration, à caractère souverainiste, heurte les intérêts français et inquiète les puissants marabouts qui interviennent dans le marché de l’arachide. Du coup, Léopold Sédar Senghor et ses amis députés décident de déposer une motion de censure contreson gouvernement[117].

La création de l'OCA, puis la mise en place parallèle de coopératives a porté un coup définitif à la formule traditionnelle du commerce colonial arachidier, car des « organismes stockeurs » — commerçants privés sénégalais, dont une dizaine très importants par le volume d' affaires, jouent désormais les intermédiaires entre les producteurs ruraux et cet Office de commercialisation, chargé de défendre leurs prix sur un marché mondial concurrentiel.

Les futurs collaborateurs du président Abdou Diouf, qui arrivera au pouvoir au début des années 1980, — parmi lesquels Pierre Babacar Kama, Abdoulaye Diop et Assane Masson Diop[118] — ont ainsi demandé aux patrons huiliers français de gérer la commercialisation à l’international et les Français ont accepté, puis ont souhaité reprendre des participations dans leurs industries[118], mais les huileries ont ensuite été rachetées par l’État.

Les réformes agronomiques

En 1964, pour prĂ©parer l’alignement du prix de l’arachide sĂ©nĂ©galaise sur les cours mondiaux, le gouvernement du SĂ©nĂ©gal, lance pour une durĂ©e de quatre ans (1964-1968) un projet d’amĂ©lioration d'un quart de la productivitĂ© arachidière, avec l’aide technique de la France, mis en Ĺ“uvre par la SociĂ©tĂ© d’assistance technique et de coopĂ©ration (Satec), dont le bilan sera mitigĂ©. InstallĂ©es Ă  Koumbidia et ThissĂ©-Kaymor/Sonkorong, les Ă©quipes d'agronomes font du Sine-Saloum un laboratoire « grandeur nature » des processus de vulgarisation agricole et technologique. Demi-succès seulement, l'initiative se heurte aux problèmes liĂ©s au fonctionnement du nouvel OCA (Office de commercialisation agricole) crĂ©Ă© par l'État. Les solutions techniques prĂ©conisĂ©es sont l’introduction des labours – de dĂ©but et de fin de cycle – pour la rĂ©gĂ©nĂ©ration des sols et la pratique d’assolements avec une sole fourragère facilitant l’introduction de la traction bovine. Les paysans, dans leur grande majoritĂ©, ont choisi des systèmes extensifs amĂ©liorĂ©s, dit « lĂ©gers Â» qui ne grèvent pas leur budget : utilisation de l’engrais limitĂ©e, tractions Ă©quine et asine. Mais les responsables du projet y voyaient surtout une Ă©tape vers une rĂ©forme « lourd Â» (fumure forte et traction bovine, supĂ©rieure Ă  celle du cheval, 90 % contre 35 %). Celle-ci se perd dans les pĂ©riodes de dĂ©but et de fin d’hivernage, critiques pour les paysans occupĂ©s Ă  chercher des semences, recruter des saisonniers, Ă  nettoyer les champs fraĂ®chement dĂ©frichĂ©s ou Ă  nĂ©gocier de nouveaux champs. Ă€ la fin de l’hivernage, la commercialisation et la fatigue des paysans et des animaux freinent la pratique du labour de fin de cycle. Les paysans marquent alors leur aversion pour tout ce qui implique un surcroĂ®t de travail car les labours de dĂ©but et de fin de cycle, le semis et le premier sarclage deviennent un goulot d’étranglement pour eux. Leur capacitĂ© d’adaptation s’oriente d’abord vers la conquĂŞte de nouveaux espaces : ils prĂ©fèrent migrer, dans le sillage des expĂ©riences de l'entre-deux guerres ou de l'immĂ©diat après-guerre.

La nationalisation au Sénégal

Au Sénégal, la nationalisation progressive du commerce de l'arachide fait suite à l'effondrement des prix, lors de leur libéralisation. Les industriels et négociants voient leur marges chuter ou disparatire. La nationalisation a ainsi mis un terme à partir de 1967 aux activités des « organismes stockeurs », d'autant que le marché métropolitain s'était, lui, concentré, autour d'un seul grand acheteur : en 1966, Lesieur (entreprise) pèse 75 % du marché français des huiles de marque dont 48 % pour la seule huile Lesieur, loin devant Huilor (13 %) et Salador, grâce au contrôle de sociétés huilières avec lesquelles il s'est lié dans les années 1950[91]. La nationalisation se poursuit par vagues successives, pour intégrer des cadres et ingénieurs des entreprises françaises. En septembre 1975, Lesieur Afrique Dakar est nationalisée pour devenir la Sonacos (Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal). À partir de 1981, l'usine Petersen à Dakar a été intégrée à la nouvelle huilerie de la SEIB (Société électronique et industrielle du Baol), équipée de la technologie la plus moderne et d'une capacité de traitement de 200000 tonnes d'arachide par an. Jusqu'à fin 1977, c'était une des plus importantes usines du pays[119]. Au Sénégal, la production et la transformation de l'arachide représentent cette année là 31 % du chiffre d'affaires industriel du pays.

Le conjonction de la libération des prix et de la sècheresse

En 1960, la subvention atteint encore près de 30 % du prix de l'arachide[71]. Dès 1966, le commerce de l'arachide est libéré. Jusque là, l'arachide sénégalaise et l'huile fabriquée au Sénégal avaient bénéficié d'un marché français protégé[72]. Cette fin du système des prix garantis à l'exportation est actée par l'Accord de Yaoundé, en 1968[71], associant les ex-colonies à la Communauté économique européenne, qui entraîne une chute du prix d'achat aux paysans de 21 à 17 FCFA/kg en 1968[71].

Les surfaces semées diminuent la campagne suivante, les ventes d'engrais et du matériel baissent fortement. Une politique de prix en accordéon sera pratiquée à partir de cette époque. Chaque fois que les Autorités diminuent le prix de l'arachide, l'effet désincitatif provoque une baisse des surfaces ensemencées[71]. L'inverse se produit quand le prix est augmenté[71]. Ces changements brusques de politique on un effet négatif à long terme sur la productivité, car ils créent un climat d'incertitude, défavorable aux investissements[71]

Ainsi, entre 1968 et 1975, la production sénégalaise résiste très mal à une série de sècheresses et revient aux niveaux d'avant l'indépendance, avant de rebondir à 1,4 million de tonnes en 1976[49]. Au contrecoup de la suppression des tarifs préférentiels accordés par la France s'ensuit la grande période de sécheresse (1969-1973) qui a considérablement désorganisé les systèmes de production et causé la chute brutale des tonnages d'arachides récoltés.

En 1968, un second projet pilote agronomique confiĂ© Ă  la SociĂ©tĂ© de dĂ©veloppement et de vulgarisation agricole (Sodeva), qui prend le relais de la Satec, mais dont les politiques se sont dĂ©sengagĂ©s. Objectif, une vĂ©ritable intensification, centrĂ©e sur le labour et la traction bovine, via une Ă©lite agricole encline Ă  s'y lancer, avec dix hectares au moins et disposant d’une paire de bĹ“ufs, mais cette politique n’a rĂ©ussi Ă  entraĂ®ner d'autres paysans et surtout fait renforcĂ© le poids des gros producteurs. De plus, deux chercheurs de l’Irat (Bambey) C. Charreau et R.Nicou ont dĂ©montrĂ© en 1971 que le labour d’enfouissement n’était pas d’une grande efficacitĂ© sur les sols lĂ©gers du SĂ©nĂ©gal. RĂ©sultat, en 1975-1976, sur les 72 273 exploitants du Sine-Saloum, seuls 183 ont pratiquĂ© le labour, sur 0,25 % de champs. Le bilan est aussi dĂ©cevant. Reboisement insignifiant, seules 11 % des surfaces dessouchĂ©es labourĂ©es en 1975 et doses moyennes d'engrais de 57 kg/ha, soit un peu plus du tiers de la dose prescrite, tandis que la nĂ©gligence d’autres thèmes comme le sarclage-binage, le soulevage suscite des regrets. L’agriculture sèche repose sur des fondements fragiles car il n’est pas rare d’avoir deux ou trois annĂ©es successives marquĂ©es par des dĂ©ficits pluviomĂ©triques. Que ceci se produise, que les prix aux producteurs subissent des fluctuations, occasionnant une incertitude du marchĂ©, et le système s’écroule. Pour les paysans faire un pari sur l’hivernage, c’est investir le moins possible, pour laisser faire la nature, selon la pratique du gnitatou bagane – proverbe wolof qui signifie « ratisser large pour avoir quelque chose ».

Le rendement de l'arachide du SĂ©nĂ©gal est de kg de gousses environ pour kg de graines semĂ©, alors que le mil peut obtenir jusqu’à 120 kg Ă  la rĂ©colte pour kg semĂ©. Le gnitatou bagane apparaĂ®t comme une manière de faire perdurer l’activitĂ© agricole dans la famille. Les chefs de concession dĂ©frichent pour assurer sa reproduction, mais Ă©galement pour permettre que demain les enfants puissent commencer l’agriculture avec un minimum de terres, car elles seront divisĂ©es par 10 ou 15, vingt ans plus tard. Les Wolof ne considèrent pas la terre comme un simple moyen de production mais comme un trait d’union entre gĂ©nĂ©rations.

Nouvelle sècheresse en 1982-1984 et désengagement de l'État

La sĂ©cheresse drastique qui frappe le SĂ©nĂ©gal entre 1982-1984, le dĂ©sengagement de l’État sur fond de crise financière internationale, la rĂ©duction de l’utilisation d’engrais, mais aussi la faible part des semences sĂ©lectionnĂ©es dans le capital semencier entraĂ®nent la « dĂ©sintĂ©gration Â» d’une bonne partie des « territoires de l’arachide » situĂ©s dans les anciennes zones de production (Royaume du Cayor et Royaume du Baol notamment). Le dĂ©but des annĂ©es 1980 est aussi marquĂ© par la suppression du Programme agricole et la faillite de l’Office national de commercialisation agricole pour le dĂ©veloppement (ONCAD), crĂ©Ă© le pour encadrer les Centres rĂ©gionaux d'assistance qui distribuent semences et matĂ©riels aux coopĂ©ratives, oĂą Mamadou Seck a Ă©tĂ© directeur des Études, plans et contrĂ´les. L'ONCAD Ă©tait en effet accusĂ© de bureaucratie[120].

Le rebond qui suit est limitĂ© par une contrainte spatiale car l’intĂ©gration de nouvelles terres devient de plus en plus difficile, ce qui souligne faiblesse globale des rendements, mĂŞme s'ils ont eu peu augmentĂ©. En 1987-1988, les surfaces cultivĂ©es ont baissĂ© d'un tiers en vingt ans et la production arachidière d'un cinquième. l’investir les dernières rĂ©serves foncières – forĂŞts classĂ©es de Pata et de MbĂ©guĂ© et grignoter beaucoup d’autres (au Saloum et au Fouladou). Le niveau de la production pendant les annĂ©es 1990 (626 000 tonnes) n’est pas loin de celui des annĂ©es 1940 (620 000 tonnes) car l’intensification de la productivitĂ© des surfaces, n’a pas Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans la culture de l’arachide.

Vers la privatisation de la Sonacos

L'industrie huilière sénégalaise connut un développement important et pendant des années, occupa la première place au classement annuel des industries sénégalaises, réalisé chaque année par la revue « Africa International » de Joël Decupper[118]. La Sonacos fut même appelée à renflouer le Trésor public sénégalais[118], la culture de l'arachide au Sénégal ayant atteint en haut de cycle un pic de 1,4 million de tonnes d’arachide par année[118]. Mais la filière arachide rencontre des difficultés et en mars 2005 la Sonacos est privatisée au profit d'un consortium mené par le groupe Advens.

Le , la société change de nom et devient Suneor – une combinaison de sunu (« notre » en wolof) et or[121] puis reprend le nom de Sonacos[122] lors de l'Assemblée générale des actionnaires du .

Le XXIe siècle

L'expansion des autres oléagineux pèse sur les prix

L'huile de palme est depuis 2010, la plus consommée dans le monde (25 % de la consommation mondiale en 2010), dépassant de peu l'huile de soja (24 %) et de loin celles de colza (12 %) et de tournesol (7 %)[123], grâce à des rendements à l'hectare dix fois plus élevés que ceux du soja. Ainsi, 100 kg de fruits donnent environ 22 kg d'huile[124].

En IndonĂ©sie et la Malaisie, les petits exploitants convertissent leurs rizières en palmeraies, et 3 millions de ces exploitations, reprĂ©sentant la moitiĂ© des cultures[125].

La Chine, premier producteur mondial, a dépassé l'Inde

La production mondiale d’arachides non décortiquées s’est élevée à 36 millions de tonnes en 2003[126]. Celle des deux plus grands producteurs, la Chine et l’Inde, en représentent 59 %.

Chez le nouveau leader mondial de l'arachide, la production commerciale a été dopée par les progrès agronomique tandis que celle de l'Inde reste plus traditionnelle et tournée vers l'autosuffisance villageoise.

Principaux pays producteurs
2003Superficie cultivéeRendementProduction
millions d’hectaresquintaux par hectaremillions de tonnes
Monde26,4613,4835,66
Chine5,1326,2413,45
Inde8,009,387,50
Nigeria2,809,642,70
États-Unis0,5335,401,88
Indonésie0,6820,161,38
Soudan1,906,321,20
Sénégal0,9010,000,90
Birmanie0,5812,700,73
Ghana0,3512,8570,45
Tchad0,489,3750,45
ViĂŞt Nam0,2416,650,40

Production en tonnes. Chiffres 2003-2004
Données de FAOSTAT (FAO)

Chine13 493 46238 %14 075 00039 %
Inde7 700 00022 %7 500 00021 %
Nigeria2 700 0008 %2 700 0007 %
États-Unis1 879 7505 %1 905 7005 %
IndonĂ©sie1 377 0004 %1 450 0004 %
Soudan1 200 0003 %1 200 0003 %
Birmanie710 0002 %715 0002 %
SĂ©nĂ©gal375 0001 %465 0001 %
Tchad450 0001 %450 0001 %
Ghana439 0001 %439 2001 %
ViĂŞt Nam404 3001 %421 0001 %
Argentine314 2851 %414 2851 %
RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo359 6401 %363 8501 %
Autres pays3 918 32512 %395106412 %
Total35 320 762100 %36 050 099100 %

Notes et références

  1. José E. Mendes Ferrão, Le voyage des plantes et les Grandes Découvertes (XVe – XVIIe siècles), Chandeigne, , 284 p.
  2. Pierre Germa, Depuis quand ? : le dictionnaire des inventions, p. 27
  3. Plumier, Charles, et Tournefort, Joseph Pitton de, Nova plantarum americanarum genera, Parisiis,apud Joannem Boudot, (lire en ligne)
  4. Tristan Gaston-Breton, Lesieur, Mémoire d’entreprises, Librairie académique Perrin, (lire en ligne)
  5. Histoire résumée par l'interprofession des semences et plants - GNIS -
  6. "The Rise and Fall of the Groundnut Industry" par Sarah Lamade, Ponypost, 12 décembre 2017
  7. "Peanut in India: History, Production, and Utilization" par Shankarappa Talawar Sustainable Human Ecosystems Laboratory, University of Georgia
  8. "Lesieur. Une marque dans l'histoire (1908-1998)", par Tristan Gaston-Breton, Librairie académique Perrin 1998
  9. "Évolution du commerce au Sénégal: 1820-1930", par Laurence Marfaing - 1991 - Page 62
  10. "Le Kajoor au XIXe siècle", par Mamadou DIOUF - Page 166 - 2014
  11. "Peanuts and Colonialism: Consequences of the commercialisation of peanuts in West Africa, 1830-1870", par George E. Brooks (1975), dans le "Journal of African History, et "The social history of Gambian rice production: an analysis of food security strategies", par Ann Arbour, thèse de 3e cycle, Michigan State University
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Notes

          Voir aussi

          Articles connexes

          Histoire des chemins de fer en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale

          Histoire du Sénégal

          Bibliographie

          Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

          • Ousmane Ahmed Mbaye, Les associations patriotiques en AOF durant la Seconde Guerre mondiale (juin 1940-octobre 1945) (thèse soutenue Ă  l'École des chartes), (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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