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Habitat lorrain

L’habitat lorrain dont l’aire s’étend au-delĂ  de la rĂ©gion lorraine se dĂ©finit dans les grandes lignes par la prĂ©dominance du village-rue composĂ© de maisons blocs plus ou moins jointives. L’organisation interne de la maison unifaĂźtiĂšre se fait par des travĂ©es souvent profondes perpendiculaires Ă  la rue. La cuisine dans la travĂ©e habitation occupe une place centrale comme lieu de vie spontanĂ© et comme espace distributeur vers les autres piĂšces. La maison d’esprit lorrain offre gĂ©nĂ©ralement le mur gouttereau cĂŽtĂ© rue de sorte que les ouvertures permettent de lire la façade travĂ©e par travĂ©e.

Village-rue lorrain, Saint-Louis, Moselle
La rue du Faubourg aux Bulles, avec tas de fumier sur usoir, (Chiny, Lorraine belge).
Habitat dispersé et maison-chalet au col du Brabant, Vosges.
Façade de maison lorraine dont on remarque les travées habitation à droite et grange au centre, Gerbépal, Vosges.

Son trait distinctif visible pour tout un chacun est le frontage public beaucoup plus large que dans les autres rĂ©gions historiques de l’Europe occidentale. De fait, le terrain privĂ© entre la limite de propriĂ©tĂ© et la façade de la maison est minuscule alors que le domaine public ou plutĂŽt communal occupe l’essentiel de l’espace entre deux riverains en vis-Ă -vis. Chaque propriĂ©taire riverain obtient nĂ©anmoins un droit d’usage ou usuaire[1] - [2] pour l’utilisation de la parcelle communale devant sa maison : cet usuaire prend localement le nom d’usoir pour dĂ©signer Ă  la fois l’espace concernĂ© et la libertĂ© d’en jouir Ă  des fins personnelles. Un autre trait distinctif de l’habitat lorrain historique fut longtemps l’emploi de la tuile canal[3] pour la couverture des versants asymĂ©triques et peu inclinĂ©s des toits[4]; cela fait de la Lorraine un Ăźlot de la tuile canal au nord de la France puisqu’elle est gĂ©nĂ©ralement plutĂŽt rĂ©pandue dans les rĂ©gions mĂ©diterranĂ©ennes[3]. Ceci Ă©tant, la tuile mĂ©canique a remplacĂ© Ă  tort ou Ă  raison la tuile canal traditionnelle Ă  partir de la fin du XIXe siĂšcle.

Le schĂ©ma lorrain basique rĂ©sumĂ© ci-dessus par l’alignement, les travĂ©es modulables et le mur gouttereau face Ă  la rue ne rĂ©siste toutefois pas aux contraintes du relief et de la fertilitĂ© des sols, ni ne peut s’affranchir des influences architecturales des aires culturelles et historiques limitrophes. La Lorraine se caractĂ©rise en effet par sa vocation de terre de transition[5] entre le monde roman Ă  l’ouest et la sphĂšre germanique Ă  l’est[6] - [7]. Pour cerner l’habitat lorrain dans sa pluralitĂ© et apprendre Ă  dĂ©chiffrer le bĂąti rural lorrain, et ainsi s’orienter plus facilement Ă  l’intĂ©rieur de l’aire architecturale lorraine, il suffira d’observer les variantes souvent flagrantes du modĂšle de base parmi lesquelles on retiendra surtout l’abandon de la mitoyennetĂ©, le choix du pignon sur rue, la prĂ©fĂ©rence pour un toit plus inclinĂ© avec ou sans croupe, l’extension par un appentis sur le frontage public, l’orientation divergente des travĂ©es, la prĂ©fĂ©rence pour la tuile Ă©caille de type alsacien[3] - [8] ou les bardeaux des zones montagneuses[9] - [10] ou bien encore la construction en pan de bois[11].

Outre l'architecture vernaculaire de la Lorraine fortement marquée par sa ruralité et son attachement profond aux traditions locales, quelques particularités souvent d'origine historiques émergent dans l'habitat urbain lorrain bien que, dans les grandes lignes, il faut reconnaßtre que la maison du citadin s'intÚgre à une aire architecturale beaucoup plus vaste au nord de la France.


Habitat lorrain avant le XVIIe siĂšcle

Précocité de la linéarité et du gouttereau sur rue

Comme l’habitat rural lorrain est souvent ramenĂ© Ă  la maison unifaĂźtiĂšre Ă  structure longitudinale, perpendiculaire Ă  la rue et quasi systĂ©matiquement jointive, la tentation d’y voir un modĂšle historique plurisĂ©culaire est trĂšs grande. Les historiens de l’architecture ne peuvent pas remonter plus loin que le XVIe siĂšcle, pĂ©riode pour laquelle il reste quelques anciennes maisons et en particulier une trentaine de villages par colonisation agraire en Lorraine du Nord-Est construit entre 1504 et 1630. La maison bloc antĂ©rieure au XVIIe siĂšcle hĂ©berge plusieurs gĂ©nĂ©rations mais le phĂ©nomĂšne se poursuit jusqu’au XIXe siĂšcle[12].

De fait, le cataclysme de la guerre de Trente Ans ayant ravagé[13] les régions françaises qui appartenaient à cette époque au Saint-Empire romain germanique fait figure de tournant historique dans de nombreux domaines[6] - [7]. Pour le bùti rural, les destructions massives des villages pillés, incendiés et parfois disparus ont provoqué une recolonisation colossale des terres pour restaurer les maisons abandonnées et pour en construire de nouvelles.

Ceci Ă©tant, l’évĂ©nement charniĂšre de la guerre de Trente Ans n’a pas provoquĂ© un bouleversement complet des habitudes architecturales mais plutĂŽt une gĂ©nĂ©ralisation ou un perfectionnement presque excessif du village-rue Ă  partir du XVIIe siĂšcle. L’hypothĂšse d’une « romanisation » des terres germanophones Ă  l’est de la frontiĂšre linguistique du XVIIe siĂšcle a Ă©tĂ© avancĂ©e pour expliquer le recul des maisons Ă  pan de bois en Moselle : des colons venus du royaume de France se sont en effet installĂ©s dans des villages du nord-est de la Lorraine qui avaient besoin d'ĂȘtre repeuplĂ©s[6], sachant que ces individus provenaient de rĂ©gions oĂč la pierre de construction Ă©tait la norme.

L’historien spĂ©cialiste de la Lorraine, Guy Cabourdin, a mis en avant la raretĂ© du gros fermier aisĂ© en Lorraine centrale par opposition Ă  la gĂ©nĂ©ralisation de la petite et la moyenne propriĂ©tĂ©. Un laboureur, donc au sens local le propriĂ©taire le mieux placĂ© dans la hiĂ©rarchie sociale du village, se dĂ©finit par le nombre de charrue, de jours de terre, de fauchĂ©es de prĂ©s et au nombre de travĂ©es dans la maison. Le laboureur moyen possĂšde une charrue ou une demi-charrue, maximum 50 jours de terre (environ 10 ha), dix fauchĂ©es de prĂ©s, une chĂšneviĂšre et une maison Ă  deux travĂ©es. Entre 8 et 12 ha sont nĂ©cessaires Ă  cette Ă©poque pour vivre correctement quand on est une famille de 5 personnes[14]. Le laboureur aisĂ© se reconnaĂźt par consĂ©quent par sa maison Ă  trois travĂ©es, ses terres plus importantes entre autres.

Au XVIe siĂšcle, l’influence de la ville sur la campagne croĂźt de plus en plus. En Lorraine, le noble campagnard vivant au milieu de la population paysanne n’est pas une tradition. Il possĂšde certes des fiefs ruraux dont il est le seigneur mais il n’y habite pas en dehors des visites temporaires : ce sont en effet les fermiers qui cultivent la terre[14]. Les citadins qui se sont enrichis ont Ă©tĂ© Ă©galement acquis des biens dans les campagnes de sorte qu’il n’est pas incongru de penser que les modes architecturales urbaines ont pu influencer le bĂąti rural.

AprĂšs la guerre de Trente Ans qui engendre une croissance dĂ©mographique et le retour Ă  une prospĂ©ritĂ© stable qui aura tout de mĂȘme nĂ©cessitĂ© plus de trois dĂ©cennies, les villages sont en phase de reconstruction et repeuplement : l’ancien bĂąti peut ĂȘtre repris ou occupĂ© par des nouveaux colons, les espaces encore vides sont occupĂ©s et la jointivitĂ© se gĂ©nĂ©ralise[12] - [n 1].

Les villages de colonisation de type agraire[15] construits ex nihilo principalement en Lorraine du Nord-Est Ă  partir du XVIe siĂšcle reproduisent logiquement le schĂ©ma global des villages prĂ©existants Ă  la seule diffĂ©rence prĂšs qu’ils appliquent Ă  la lettre la rĂšgle de l’équitĂ© et de l’égalitĂ© entre tous les membres de la communautĂ© villageoise[15]. Les lots Ă©gaux sur lesquels la maison sera bĂątie avec son mur gouttereau parallĂšle Ă  la rue sont tirĂ©s au sort. La rue est extrĂȘmement large entre les rangĂ©es de maisons. Les unitĂ©s de mesure Ă©tant diffĂ©rentes entre la Lorraine romane et la Lorraine germanophone, la mitoyennetĂ© et la construction en profondeur se sont quasiment imposĂ©es d’elles-mĂȘmes en Lorraine romane puisque la largeur du terrain n’excĂ©dait pas 6 toises lorraines, soit environ 17 m pour le laboureur.

La parcelle d’un laboureur dans un village de colonisation en terres romanes faisait par consĂ©quent 17 m de largeur et 150 Ă  200 m de profondeur. La ferme bĂątie sur ce terrain atteignait une surface de 250 Ă  400 m2. Le lot d’un manouvrier faisait environ 3 toises, soit 70 Ă  100 m de profondeur. En Lorraine germanophone, donc dans le bailliage d'Allemagne, la mitoyennetĂ© n’est pas encore systĂ©matique car la surface des lots est multipliĂ©e par quatre ; la largeur d’un lot s’élĂšve Ă  68 m.

Les exemplaires de maisons bĂąties avant le conflit europĂ©en de 1618-1648 convergent vers un modĂšle trĂšs proche de la maison du village-rue actuelle : il est de plan rectangulaire avec le mur gouttereau cĂŽtĂ© rue. La division en travĂ©es ou « rains » existe dĂ©jĂ  et il s’agit d’une maison bloc. La seule grande divergence est la mitoyennetĂ©. Si les maisons Ă©taient jointives, elles l’étaient par deux tout au plus[12]. Donc l’un des deux pignons Ă©tait percĂ© d’ouvertures comme c’est toujours le cas avec la maison des Vosges grĂ©seuses non jointive aujourd’hui. La mitoyennetĂ© par deux maisons pignon contre pignon rappelle Ă©galement le schĂ©ma de la maison Ă  appentis (Schopphus) d’Alsace bossue dĂ©crite plus bas. Pour les maisons de manouvriers, la maison se composait au deux tiers de la grange et de l’étable qui enserre la partie habitation plus rĂ©duite.

Construction en bois massif empilé

Maison mediévale des Hautes-Vosges selon EugÚne Viollet-le-Duc, planche 43 bis.
Par comparaison avec le modÚle vosgien ci-dessus, exemple de décoration de pignon double sur un stabbur du Telemark, NorvÚge.

L’architecte lunĂ©villois Charles-Augustin Piroux Ă©voque au XIXe siĂšcle dans son ouvrage consacrĂ© Ă  la prĂ©vention des incendies dans l’habitat lorrain l’existence de 130 maisons forestiĂšres dans le pays de la VĂŽge, et particuliĂšrement les environs de Darney[16]. Il s’agit de bĂątisses en rondins empilĂ©s assemblĂ©s par enture Ă  mi-bois en T aux angles de l’édifice. Une fois terminĂ©es, les grumes sont revĂȘtues de terre. Il n’est pas exclu que ce type d’assemblage en bois massif remonte au Moyen Âge[17]pour les rĂ©gions trĂšs boisĂ©es Ă  l’écart des voies de communication majeures. De mĂȘme, rien n’interdit de penser Ă  une influence des artisans immigrĂ©s venus des pays des moyennes montagnes d’Europe centrale oĂč la construction en rondins Ă©tait trĂšs rĂ©pandue.

Non loin de Darney plus Ă  l'est et plus en altitude, EugĂšne Viollet-le-Duc dĂ©crit et propose un croquis de la maison en rondins empilĂ©s des montagnes vosgiennes dans le secteur de GĂ©rardmer dans son Dictionnaire raisonnĂ© de l’architecture française du XIe au XVIe siĂšcle. Il brosse le portrait de cette maison-chalet en ces termes:

« En nous rapprochant des bords du Rhin, dans les provinces de l'Est, dans les montagnes des Vosges, prĂšs des petits lacs de GĂ©rardmer et de Retournemer, on voit encore des habitations de paysans qui prĂ©sentent tous les caractĂšres de la construction de bois par empilage. Basses, larges, bien faites pour rĂ©sister aux ouragans et pour supporter les neiges, elles ont un aspect robuste. Presque toujours ces maisons se composent de trois piĂšces Ă  rez-de-chaussĂ©e et de quatre piĂšces sous comble. Le plan A d'une de ces maisons, prise au niveau du rez-de-chaussĂ©e, prĂ©sente en B la salle d'entrĂ©e, de laquelle on passe ou dans la grande salle C, ou dans l'arriĂšre-piĂšce D qui possĂšde l'unique escalier montant au premier Ă©tage sous comble. C'est dans la salle C, Ă©clairĂ©e par les deux bouts, que se rĂ©unit toute la maisonnĂ©e pour les repas et la veillĂ©e. C'est aussi dans cette piĂšce que se prĂ©parent les aliments. Une grande cheminĂ©e avec pieds-droits, contre-cƓur, manteau et tuyau en maçonnerie, traverse la toiture. C'est la seule partie du bĂątiment qui, avec les socles, ne soit pas en bois. La couverture est faite ou en tuiles, ou en grĂšs schisteux, ou en lames minces de grĂšs; de plus elle est chargĂ©e de pierres. Les maisons s'Ă©lĂšvent sur un soubassement de 1 m de hauteur environ, formĂ© de gros blocs de grĂšs. Un pan de bois composĂ© de troncs d'arbres assez grossiĂšrement Ă©quarris sĂ©pare la masure dans sa longueur par le milieu, et supporte l'extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure des chevrons[18] »

D'un cÎté, on reconnaßt trÚs bien le caractÚre montagnard de cette bùtisse avec la surreprésentation du bois dans la construction, la disposition sur la pente face à la vallée et l'allure de chalet avec un large toit moyennement incliné et alourdi par des pierres comme dans les Alpes. De l'autre, le dessin peut surprendre un Haut-Vosgien contemporain à cause de la décoration du pignon qui rappelle davantage la maison norvégienne voire l'isba russe: on reconnaßt clairement le motif ornemental croisé au-dessus du pignon et le protomé à l'extrémité de la panne faßtiÚre qui traverse en saillie la croisée des deux chevrons extérieurs. Cet ornement double au sommet du pignon se retrouve dans les bùtiments principaux ou annexes des fermes norvégiennes jusqu'au XIXe siÚcle de maniÚre courante. Les chevrons ou planches de rive croisés ornent encore de nombreux bùtiments de Scandinavie à l'heure actuelle. Ceci étant, le croquis n'est pas assez précis pour déterminer de maniÚre univoque quel animal protecteur a été choisi dans cette maison-chalet vosgienne. Le protomé semble représenter un chat à cause des oreilles pointues alors que l'extrémité des poutres de rive croisées évoquent davantage le poisson ou le serpent. Autant les deux derniers animaux font partie des emblÚmes trÚs fréquents en Europe du Nord, autant le chat paraßt bizarre dans le contexte vosgien.

Un autre aspect dĂ©tonne par rapport Ă  la maison haute-vosgienne actuelle : la couverture. Les laves de grĂšs Ă©taient certes rĂ©pandues dans la VĂŽge voisine mais les maisons qui nous sont parvenues jusqu'au dĂ©but du XXe siĂšcle dans les Hautes-Vosges disposaient plutĂŽt d'un toit de bardeaux Ă  l'image des tavaillons jurassiens ou alpins. Le schiste et le grĂšs ne sont pas des roches particuliĂšrement prĂ©sentes dans les hautes vallĂ©es vosgiennes oĂč dominent les roches cristallines. Il Ă©tait plus facile pour un paysan haut-vosgien de se procurer et de travailler du sapin ou de l'Ă©picĂ©a pour fendre des bardeaux ou des "essins" que du grĂšs schisteux. Si es observations de Viollet-le-Duc sont exactes, les laves de grĂšs se seraient uniquement maintenues dans la zone relictuelle des forĂȘts de la VĂŽge aprĂšs avoir connu une aire d'extension plus vaste.

Le croquis des piĂšces pousse Ă  penser qu'il ne s'agit pas forcĂ©ment d'une maison d'habitation en fond de vallĂ©e mais plutĂŽt d'une « grange » sur les hauteurs, mais pas encore sur les hautes chaumes. La maison-bloc ne prĂ©sente pas de travĂ©e apparente : c'est une vraie maison-bloc. À l'instar des mayen valaisan, il pourrait davantage s'agir d'une grange de printemps oĂč monte une partie de la famille Ă  mi-hauteur avant l'estive sur les chaumes, endroit oĂč seuls les hommes et le gamin avaient le droit de monter. Ce n'est pas une marcairie sommaire des hautes chaumes car elle dispose d'une cheminĂ©e totalement maçonnĂ©e jusqu'au toit, caractĂ©ristique de la ferme vosgienne contemporaine.

Le pan de bois jusqu’au XVIe siùcle

Maison avec Ă©tages Ă  ossature en bois aux bains de PlombiĂšres, Balneum Plummers[19].

La faible reprĂ©sentativitĂ© des maisons Ă  pan de bois aujourd’hui ne doit pas ĂȘtre interprĂ©tĂ©e de maniĂšre hĂątive selon les derniers travaux de recherches universitaires qui combinent les sources Ă©crites, iconographiques et archĂ©ologiques modernes. Les guerres, qui ont dĂ©vastĂ© la Lorraine Ă  intervalles rĂ©guliers jusqu’au point culminant de la guerre de Trente Ans ne peuvent Ă  elles seules expliquer le passage d’une rĂ©elle architecture vernaculaire en bois dans les campagnes et mĂȘme les villes des XIIIe – XVIe siĂšcles de l’architecture en pierre des XVIIe – XVIIIe siĂšcles[17].

L’historien lorrain et ancien conservateur du MusĂ©e lorrain, Jacques Choux penche pour la thĂšse d’un repli du pan de bois Ă  l’intĂ©rieur du bĂątiment[20]. Le fait que pendant trĂšs longtemps la pierre n’est jamais Ă©tĂ© utilisĂ©e pour les parois intĂ©rieures de la maison lorraine et que le poutrage souvent apparent ait servi Ă  bien dĂ©limiter les travĂ©es semble corroborer cette thĂšse. Seule l’ossature bois externe aurait Ă©tĂ© remplacĂ©e au mitan du XVIe siĂšcle par des Ă©lĂ©vations maçonnĂ©es qui ont par ailleurs nĂ©cessitĂ© des techniques d’adaptation et de compensation que la littĂ©rature spĂ©cialisĂ©e dĂ©taille davantage[17].

En dehors du fait Ă©vident que les chaumiĂšres et les maisons Ă  pan de bois des villages ravagĂ©s et pillĂ©s n’ont pas laissĂ© de traces probantes dans le terrain, ni n’ont pas Ă©tĂ© reconstruites Ă  l’identique, d’autres arguments ont affectĂ© la pratique du pan de bois en Lorraine de la Meuse aux contreforts vosgiens. À partir du XVIIIe siĂšcle, la demande est trĂšs forte dans les communes pour limiter les risques d’incendie dus au bois; avant d’en arriver lĂ , il est fort probable que de nombreux incendies de grande ampleur ont eu lieu prĂ©cĂ©demment en provoquant une saturation dans la population ; les autoritĂ©s rĂ©gionales et locales ont fini par rĂ©clamer la limitation du bois de construction en extĂ©rieur voire par interdire l’utilisation des bardeaux comme couverture de toit dans les bourgs vosgiens oĂč les maisons sont bĂąties en pierres. C’est par exemple le cas Ă  BruyĂšres oĂč il faudra attendre la fin du XVIIIe siĂšcle pour que les pouvoirs publics locaux bannissent les bardeaux dans la ville et exigent qu’on les remplace par des tuiles. L’historien Henri Lepage donne l’exemple de BruyĂšres qui a connu quatre incendies en 1702, 1745, 1773 et 1779 ; le fait qu’à chaque fois la population du bourg a reposĂ© des bardeaux sur les toits jusqu’au gros incendie de 1779 prouvent que la tradition Ă©tait tenace ou que les moyens financiers manquaient tout simplement pour faire poser une couverture en tuiles. Car l’arrĂȘt du Conseil du duc Stanislas du prescrivait dĂ©jĂ  aux habitants de Lorraine de couvrir leur maison en tuiles ou autres matiĂšres non inflammables[21]. Un mĂ©moire dans le fonds de l’Intendance de Lorraine est citĂ© par Lepage pour l’illustrer :

« La ville est composĂ©e de 177 maisons, y compris celles de la nouvelle place. Toutes ces maisons, mĂȘme celles de la place[n 2], sont couvertes en bardeaux, les uns de chĂȘne, les autres de sapin ; un accident de feu est la chose du monde la plus Ă  redouter. La facilitĂ© effrayante avec laquelle l’incendie sec communiqueroit, le rendroit bientĂŽt gĂ©nĂ©ral ; cependant on n’a pris jusqu’à prĂ©sent aucune prĂ©caution pour Ă©viter un pareil malheur : il n’y a Ă  la ville ny eaux, ny sceaux, ny pompes Ă  feu[21] »

.

Le dernier argument en faveur de la pĂ©trification de l’habitat lorrain des campagnes et des petites villes est d’ordre Ă©conomique. La Lorraine a besoin de prĂ©server ses forĂȘts pour alimenter son industrie dĂ©voreuse de bois (verreries, forges, salines, mines) et parce qu’une bonne partie du bois flottĂ© vosgien est exportĂ© vers le nord et l’ouest. Une saline comme celle de Marsal peut engloutir en un an l’équivalent du quart de la consommation en bois de chauffage de la ville de Nancy[n 3].

Plusieurs chantiers de fouilles en Lorraine montrent la prĂ©sence indiscutable des constructions Ă  ossature de bois totale ou partielle comme celle Jean-Denis Laffite Ă  Vic-sur-Seille, une citĂ©-saline qui dĂ©pendait du temporel de la principautĂ© Ă©piscopale de Metz pendant le Saint-Empire romain germanique. Les travaux de fouilles mettent au jour plus d’un millĂ©naire de constructions les plus diverses : bĂątisses Ă  poteaux plantĂ©s, maisons en torchis sur solin avant l’arrivĂ©e des fondations maçonnĂ©es[22].

En Lorraine, il semble acquis que plusieurs façades gouttereaux des XVe – XVIe siĂšcles donnant sur la rue Ă©taient pourvues d’une ossature bois en encorbellement. Malheureusement, il existe peu de traces iconographiques pour le documenter. La gravure reprĂ©sentant les bains de PlombiĂšres dans les Vosges montre clairement des Ă©tages en encorbellement sur les maisons de chaque cĂŽtĂ© de la rue. Dans la mesure oĂč le bĂąti antĂ©rieur au XVIIe siĂšcle ne nous est pas parvenu jusqu’à nos jours, il ne reste que les travaux de fouilles de villages disparus comme Ă  Vallange, commune de Vitry-sur-Orne pour tenter de reconstituer la maison en pan de bois antĂ©rieure pour les Temps modernes.

Structure des villages

La structure du village lorrain est trÚs fréquemment de type village-rue, regroupant de part et d'autre d'une rue principale des maisons-fermes. Ce type de structure a été adopté aprÚs la guerre de Cent Ans, les villages ayant été détruits par la guerre. La forme du village facilite le déplacement, le transport des produits agricoles, et correspond à un usage économique et social des sols dont les prairies dévolues au bétail commencent à l'arriÚre des habitations alignées.

Dans les régions de la Lorraine traditionnellement dominées par l'activité viticole, le bùti se dote d'une cave voûtée semi-enterrée, avec un accÚs contre la façade, ce qui a pour effet de relever le niveau principal de l'habitation, créant un escalier à perron depuis la rue.

Caractéristiques des maisons rurales

CritÚres typologiques récurrents de l'habitat lorrain

Charpente lorraine.
a : homme-debout, poteau ; b : aisselier ; f : arbalétrier ; g : panne faßtiÚre ; i : contrefiche ; j : cheville.
adapté de : Claude Gérard, L'Architecture rurale française. Lorraine : corpus des genres, des types et des variantes, (coll. dir. par Jean Cuisenier), éd. Berger-Levrault, 1981 (ISBN 2-7013-0407-5), p. 73
Flamande sur une toiture en tuiles canal dans le nord de la Meuse
Travée étable de la maison rurale lorraine

La « maison lorraine » ou « habitation rurale de type lorrain » est dĂ©crite par les gĂ©ographes français de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle comme Ă©tant tout d’abord une Maison Bloc Ă  terre, abritant sous un mĂȘme toit les hommes, les bĂȘtes et les rĂ©coltes. Son dĂ©veloppement est en profondeur (pignons plus longs que gouttereaux). Elle a une toiture Ă  deux eaux, le faĂźtage Ă©tant parallĂšle Ă  la rue. Les versants sont de faible pente et couverts en tuiles creuses. Le bĂątiment est mitoyen, par ses pignons, avec deux autres maisons. La façade est mĂ©nagĂ©e dans le gouttereau sur rue. L’agencement intĂ©rieur est marquĂ© par des refends bas perpendiculaires au gouttereau façade, dĂ©limitant trois « rangs » (terme local) ou « travĂ©es » (terme savant), l’une pour le logement des humains, une autre pour celui du bĂ©tail, une troisiĂšme pour l’engrangement. À chaque « travĂ©e » correspond en façade une ouverture propre : une porte monumentale pour la grange, une porte plus basse pour l’étable, un portillon pour la cuisine. La travĂ©e de la grange, dĂ©plafonnĂ©e, communique avec le vaste grenier au-dessus des autres travĂ©es[23].

Suivant les diverses aires culturelles et géographiques de la région, on trouve les composants architecturaux récurrents que sont :

  • l'usoir ou parge, qui dĂ©termine, dans les zones Ă  dominante agricole, au-devant de la façade, un espace ample, utile au dĂ©pĂŽt d'outils agricoles, de fumier et de charrettes ;
  • la travĂ©e ou rang, division fonctionnelle d'une maison ;
  • le couloir ou corridor, entre la travĂ©e d'habitation et la travĂ©e d'exploitation, permettant l'accĂšs aux cours et bĂątiments arriĂšre ;
  • le poĂȘle ou belle chambre, salle principale donnant sur la rue ;
  • la flamande, puits de lumiĂšre frĂ©quemment ouvert Ă  travers la toiture pour Ă©clairer la cuisine, la maison en bande ne disposant pas d'ouvertures dans les pignons ;
  • l'alcĂŽve, renfoncement mĂ©nagĂ© dans une chambre pour y placer un ou plusieurs lits et qu'on pouvait fermer pendant la journĂ©e ;
  • la cheminĂ©e ou Ăątre[24].

Deux grands types de charpentes se rencontrent dans les fermes du village-rue lorrain[25] :

  • d'une part un alignement axial de poteaux portant la faĂźtiĂšre,
  • d'autre part deux alignements parallĂšles de poteaux portant des fermes Ă  poinçon.
  • village-rue en Meurthe-et-Moselle.
    village-rue en Meurthe-et-Moselle.
  • Meurthe-et-Moselle.
    Meurthe-et-Moselle.
  • Petite maison lorraine typique (Vosges).
    Petite maison lorraine typique (Vosges).
  • Ancienne ferme traditionnelle (Vosges).
    Ancienne ferme traditionnelle (Vosges).
  • Habitations en Meuse.
    Habitations en Meuse.
  • Meuse.
    Meuse.
  • Maison lorraine en Moselle.
    Maison lorraine en Moselle.
  • Maison Lorraine Ă  Hemmersdorf (Sarre).
    Maison Lorraine Ă  Hemmersdorf (Sarre).

Organisation intérieure et lecture des travées en façade

Maison de laboureur
Maison lorraine en largeur de laboureur.
Les quatre portes, dont trois piĂ©tonnes et une cochĂšre, indiquent quatre travĂ©es ou trois avec une Ă©table amĂ©nagĂ©e dans la gigantesque travĂ©e grange. À droite, l’étable est plus petite car ce laboureur accorde davantage d’importance Ă  la culture qu’à l’élevage. Il a d’ailleurs beaucoup de chevaux vu la taille de l’écurie sĂ©parĂ©e. L’étable ne fait pas la longueur de la travĂ©e. DerriĂšre, il y a le manĂšge Ă  chevaux. La grange permet de rentrer au moins deux voitures chargĂ©es car le vide de la grange Ă©levĂ©e donne sur les greniers sous le toit. Sa position est centrale car il faut alimenter les mangeoires de l’écurie et de l’étable de chaque cĂŽtĂ©. Des portes coulissantes devant ou des trappes au-dessus donnent accĂšs direct aux mangeoires. DerriĂšre l’écurie, cette maison dispose d’un fournil Ă  l’intĂ©rieur de la maison dans une piĂšce sĂ©parĂ©e. La porte d’entrĂ©e Ă  la travĂ©e habitation est gĂ©nĂ©ralement plus sophistiquĂ©e (un petit escalier, une niche avec une statuette, une sculpture ou un tympan par exemple) : elle donne sur un grand couloir qui traverse toute la maison pour accĂ©der au jardin sans traverser la moindre piĂšce. Les quatre fenĂȘtres indiquent qu’il y a des chambres Ă  l’étage Ă  cĂŽtĂ© du grenier. La cuisine est centrale et donne accĂšs Ă  la chambre du fond et Ă  la belle piĂšce. La cheminĂ©e Ă  l’ñtre chauffe la belle piĂšce grĂące Ă  une taque laquelle est souvent cachĂ©e par une armoire murale. À l’arriĂšre, il y a encore une porcherie attenante.
Maison de cultivateur
Maison rurale lorraine à deux travées.
La porte cochĂšre non cintrĂ©e et la porte piĂ©tonne indique la prĂ©sence de deux travĂ©es dans cette maison : travĂ©e habitation et travĂ©e mixte grange-Ă©table-Ă©curie. MalgrĂ© une surface plus rĂ©duite, le standing de vie demeure correct mais il faut recourir Ă  des stratĂ©gies de compensation: il y a une alcĂŽve dans la cuisine et la flamande Ă©claire cette piĂšce aveugle au centre de la travĂ©e. Il y a encore une chambre Ă  l'arriĂšre car le fournil est Ă  l'extĂ©rieur. L'armoire-taque chauffe la belle piĂšce Ă  l'avant. On voit sur la façade avant qu'il n'y a pas de fenĂȘtre Ă  l'Ă©tage. Donc l'espace de vie est au rez-de-chaussĂ©e. Le lit des parents est probablement dans la belle piĂšce. Ce cultivateur a une Ă©curie sĂ©parĂ©e de l'Ă©table, il ne dĂ©pend pas autant de l'attelage d'un laboureur comme le manouvrier. Voitures et animaux entrent par la mĂȘme porte cochĂšre puisque l'Ă©table est trĂšs loin Ă  l'arriĂšre et chacun sait que le tas de fumier se trouve sur l'usoir en Lorraine comme signe d'aisance calculĂ© au nombre de bĂȘtes. La porcherie est Ă  l'extĂ©rieur mais finalement ce type de maison conserve une certaine qualitĂ© de vie malgrĂ© la plus grande promiscuitĂ© par rapport Ă  la maison Ă  trois travĂ©es.
Maison de petit cultivateur
Maison rurale lorraine à 2 travées.
Les ouvertures sur la façade cĂŽtĂ© rue indiquent clairement qu'on affaire Ă  une maison Ă  deux travĂ©es. Le schĂ©ma est somme toute trĂšs classique avec une travĂ©e habitation plus que traditionnelle: de l'avant Ă  l'arriĂšre poĂȘle, cuisine distributrice, chambre de derriĂšre. Cette fois, la chambre du fond est destinĂ© au fournil avec une ouverture du four Ă  pain depuis l'intĂ©rieur de la maison. Ceci ne signifie pas qu'il n'y ait pas un atelier ou un cellier voire un lit d'appoint dans cette piĂšce. Comme pour les autres modĂšles le couloir transversal permet d'aller dans les deux travĂ©es et Ă  l'arriĂšre. Que ce cultivateur a peu de bĂ©tail se remarque au fait qu'il cumule Ă©table et Ă©curie au fond de la grange. Mais s'il a un cheval, c'est dĂ©jĂ  trĂšs bien en soi. La porte cochĂšre joue donc un rĂŽle central dans la vie quotidienne, il est fort probable qu'elle soit souvent ouverte pour l'aĂ©ration et la lumiĂšre car il n'y a pas de porte de sortie cĂŽtĂ© jardin, juste une petite fenĂȘtre pour Ă©clairer l'Ă©table qui doit ĂȘtre bien sombre pendant la mauvaise saison. La maison Ă©tant plus petite, le nombre de tĂȘtes de bĂ©tail moindre, l'espace d'engrangement dans les combles s'en trouve logiquement plus rĂ©duit.

ModĂšle des Hautes-Vosges

Aspects généraux

ConformĂ©ment au schĂ©ma lorrain, la maison-bloc des Vosges granitiques comporte trois travĂ©es parallĂšles aux murs pignons : les rangs ou « rains » de l’habitation, de la stabulation et de l’engrangement. N’étant pas mitoyenne, elle a des ouvertures sur tous les cĂŽtĂ©s mais Ă  des degrĂ©s divers suivant son orientation et surtout la nature du terrain. Le modĂšle varie quelque peu suivant qu’il se trouve en fond de vallĂ©e ou Ă  mi-pente ou sur les hauteurs. A priori quelques aspects rĂ©currents se retrouvent dans tous les modĂšles.

CĂŽtĂ© ensoleillĂ©, la travĂ©e habitation longe tout le mur pignon avant ; l’accĂšs se fait sur le cĂŽtĂ© soit par la porte (en patois l’euhhe, prononcĂ© : [Ć“Ï‡]) qui ouvre sur un couloir qui mĂšne directement Ă  la cuisine centrale, soit par la porte cochĂšre (en patois la grande pouĂŽte) qui aboutit directement sur le « chairu » faisant fonction d’espace distributeur vers toutes les travĂ©es. La travĂ©e Ă©table est gĂ©nĂ©ralement placĂ©e du cĂŽtĂ© des intempĂ©ries et le long du chemin d’accĂšs communal. Si la maison est bĂątie dans la pente, l’étable est quasi enfouie dans le sol. À noter que dans les Vosges on ne dit pas dans le langage courant « Ă©table » mais « Ă©curie » y compris pour les vaches. Comme la partie engrangement se trouve au-dessus de l’étable, le mur pignon de ce cĂŽtĂ© se caractĂ©rise par son Ă©norme bardage ou essentage de planches pourvu d’une porte d’accĂšs au grenier avec ou sans passerelle pour y accĂ©der. Cette façade couverte de planches s’appelle localement une « ramĂ©e » (En patois ramaye ou ramĂšye). Toutes les maisons des Hautes-Vosges ne sont pas forcĂ©ment situĂ©es au droit. C’est pourquoi il se peut que le schĂ©ma classique du pignon habitĂ© face Ă  la vallĂ©e se retrouve de l’autre cĂŽtĂ© face Ă  la pente et la forĂȘt quand la ferme est construite sur l’envers.

À l’origine, le toit toujours Ă  deux pans trĂšs larges et peu inclinĂ©s Ă©tait couvert de bardeaux[3] appelĂ©s localement « essins » (en patois Ă©hhi, prononcĂ© : [eχÉȘ]) qui protĂ©geaient Ă©galement les murs soumis aux intempĂ©ries. La ramĂ©e qui recouvre toute la partie triangulaire supĂ©rieure du pignon rattache la maison des Vosges granitiques Ă  la famille des maisons montagnardes comme celles qu’on trouve dans le Doubs, le Jura et la Haute-Savoie. Le fait qu’elle offre au regard d’abord le mur pignon et non le mur gouttereau comme c’est le cas pour la maison du Plateau lorrain renforce ce profil de maison de moyenne montagne. En traversant la Lorraine du Nord au Sud, le voyageur sait qu’il a quittĂ© le Plateau lorrain, puis les Vosges grĂ©seuses quand il voit face Ă  lui les larges murs pignons des maisons de la montagne vosgienne. La plus forte reprĂ©sentation du bois comme matĂ©riau de construction dans l’habitat renforce l’impression d’entrer dans une autre zone architecturale tout en restant dans la mĂȘme aire culturelle lorraine.

Ramée de ferme vosgienne
Ramée de ferme vosgienne
Auberge du Vieux Chateleu
Essentage de la ferme comtoise
Essentage savoyard
Essentage du pignon arriĂšre en Haute-Savoie, Les Daudes
Ramée savoyarde
Essentage de planches gigantesques à Samoëns
Mis cĂŽte Ă  cĂŽte, les murs pignons essentĂ©s de planches ou couverts de planches verticales donnent un air de famille aux maisons de montagne de l’Est de la France.

La cohabitation avec les voisins n’était pas de mise. Au contraire, suivant la localisation de la maison, la vie des occupants prenait souvent un caractĂšre autarcique sans contact quotidien avec les voisins, notamment en hiver. Ceci Ă©tant, l’esprit de vallĂ©e ou de voisinage proche a jouĂ© un rĂŽle majeur dans la vie des Vosgiens comme on peut d’ailleurs le retrouver dans de nombreuses rĂ©gions montagneuses d’Europe centrale et septentrionale. L’entraide entre les fermes voisines mĂȘme au-delĂ  de km de distance s’imposait presque de soi pour faire face aux multiples tĂąches de la vie quotidienne nĂ©cessitant machines, outils et bĂȘtes.

Il est vain de fixer des rĂšgles gĂ©nĂ©rales pour l’orientation de la maison vosgienne. Chaque implantation dĂ©pend de la configuration du terrain et des conditions mĂ©tĂ©orologiques. Cela influent directement sur la prĂ©sence plus ou moins importante du bardage sur les murs plus exposĂ©s aux intempĂ©ries. S’il y a une pente, le mur pignon on sera toujours perpendiculaire Ă  la pente, travĂ©e habitation placĂ© au droit, travĂ©e Ă©table si l’orientation est vraiment dĂ©favorable.

L’entrĂ©e principale se fait toujours par le cĂŽtĂ© du mur gouttereau et cette façade doit ĂȘtre Ă  l’abri des vents et de la pluie. Les deux vent dĂ©sagrĂ©ables dans les Vosges sont la bise (en vosgien bĂźhe, prononcĂ© : [biːh]) et le vent dominant qui apporte la pluie (en vosgien vo dĂš pieuye, prononcĂ© : [vo dɛ pyĂžy], mot Ă  mot « vent de pluie »). C’est pourquoi les parties habitables des bĂątiments Ă©vitent autant que possible l’orientation au nord-nord-est et Ă  l’ouest voire sud-ouest. Les deux vents correspondent en fait aux deux zones climatiques majeures qui influent sur le temps dans la montagne vosgienne Ă  cheval entre le climat ocĂ©anique et le faciĂšs continental. Une quarantaine de jours apportent le climat d’Europe centrale avec les gelĂ©es et la neige pendant que le reste de l’annĂ©e les dĂ©pressions venant de l’ouest affectent fortement les conditions climatiques vosgiennes[n 4].

Extension et implantation

Implantation sur versant, vallée du Chajoux, La Bresse.

La ferme des Hautes-Vosges correspond grosso modo au relief des vallĂ©es glaciaires et des fonds de vallĂ©e plat plus larges que ceux des vallĂ©es voisines des Vosges grĂ©seuses trĂšs resserrĂ©es, souvent boisĂ©es et peu habitĂ©es (VallĂ©e en V). CĂŽtĂ© lorrain, elle monte plus en altitude mais s’arrĂȘte en dessous de 1 000 m. Au niveau des crĂȘtes, on trouve davantage des bĂątiments d’estive plus rudimentaires occupĂ©s uniquement Ă  la belle saison[26]. La forte majoritĂ© de ces granges d’altitude sont nĂ©anmoins du cĂŽtĂ© haut-rhinois.

La ferme des Hautes-Vosges est associĂ©e par commoditĂ© excessive au massif cristallin ; il convient de nuancer un peu car les fermes du type submontagnard dĂ©marrent dĂ©jĂ  en marge des zones cristallines comme dans la vallĂ©e de la Haute Moselle ou dans celle de la Cleurie oĂč on trouve des maisons de ce type organisĂ©es en hameau. Elles sont attestĂ©es aussi dans la vallĂ©e de la basse et moyenne Vologne, la vallĂ©e du NeunĂ© sur le pourtour grĂ©seux. À l’inverse, le massif cĂŽtĂ© Haut-Rhin est Ă©galement cristallin mais le type de maison n’est pas celui des Hautes-Vosges tout en restant lorrain d’esprit. Les fermes du type Vosges grĂ©seuses s’insĂšrent parfois dans les Vosges granitiques dans le fond des vallĂ©es par exemple. La maison de montagne s’intĂšgre davantage Ă  l’histoire des dĂ©frichement, acensements et essartages successifs dans les anciennes prĂ©vĂŽtĂ©s montagnardes d’Arches, BruyĂšres et Saint-DiĂ©[26] Elle rĂ©pond de facto Ă  une dynamique de mise en valeur des terres gagnĂ©es sur la forĂȘt, sur les pentes et les coteaux plus ou moins inclinĂ©s dans des rĂ©gions au climat trĂšs rude ou irrĂ©gulier sur l’annĂ©e[27]. L’organisation intĂ©rieure lui permet de vivre et de travailler dans la maison sans en sortir grĂące au chairu et grĂące Ă  sa grande capacitĂ© d’engrangement pour les longs hivers. La ferme principale peut ĂȘtre complĂ©tĂ©e par une grange, ferme identique mais de plus petite taille situĂ©e plus haut en altitude, et parfois aussi par une grange ou chalet sur une chaume au confort spartiate[26]. Cet exemple de lettre d’acensement en date du donne une idĂ©e du contexte d'Ă©rection de ces fermes isolĂ©es :

« Par cette lettre, il Ă©tait accordĂ© Ă  perpĂ©tuitĂ© Ă  Petit Jehan Perrin, de GĂ©rardmer, un terrain vague situĂ© Ă  Noirvoye, de la contenance de vingt charrĂ©es de foin, ce qui reprĂ©sente environ 8 ha. Le ruisseau formait limite d’un cĂŽtĂ©, les trois autres cĂŽtĂ©s se perdaient dans des feignes. Petit Jehan Perrin devait convertir le terrain, Ă  lui concĂ©dĂ©, en nature de prĂ©. Il pouvait y bĂątir une grange, c’est-Ă -dire une maison pour y loger son bĂ©tail et sa rĂ©colte de foin. De plus, il avait Ă  perpĂ©tuitĂ© Ă©galement le droit de conduire son bĂ©tail au pĂąturage dans la forĂȘt et la montagne avoisinantes[28]. »

C’est pourquoi, mĂȘme si ce n’est pas systĂ©matiquement le cas, c’est la maison sur la pente qui est choisie pour dĂ©crire ce modĂšle de maison traditionnel. Pour rĂ©sumer, la ferme montagnarde surplombe son terrain car elle est bĂątie dans la partie supĂ©rieure du domaine mais pas complĂštement tout en haut. Du fond de la vallĂ©e, on remarque la large façade blanchie Ă  la chaux surmontĂ©e de la ramĂ©e du pignon. La forĂȘt n’est pas loin derriĂšre. Le bĂątiment principal de la ferme est Ă  la croisĂ©e des deux axes vitaux pour la vie des hommes et des bĂȘtes : l’axe horizontal est formĂ© par la route ou jadis le chemin communal qui passe derriĂšre la maison et conduit jusqu’à la prochaine ferme en chapelet jusqu’au bois sommitaux. L’axe vertical est reprĂ©sentĂ© par la « mĂšre roye » (prononcĂ© : [mɛːr rɔy])[29] la rigole principale pour l’irrigation des prĂ©s et des champs. Elle alimente un maillage de petites rigoles, les « royottes », qui circulent dans le domaine jusqu’à ses extrĂ©mitĂ©s. De l’autre cĂŽtĂ© de la route se trouve le fumier et gĂ©nĂ©ralement tout en haut une source dont l’eau s’écoule en direction des bassins en grĂšs des Vosges dans le chairu de la maison. Pour une plus grande alimentation en eau, un droit d’eau a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© pour amener l’eau d’un ruisseau proche vers les rigoles aprĂšs avoir traversĂ© le tas de fumier entre-temps. À diffĂ©rents endroits du domaine, il y a des petits barrages pour mieux contrĂŽler l’arrivĂ©e de l’eau. Le plus souvent le jardin est placĂ© devant le mur pignon aprĂšs avoir surĂ©levĂ© le terrain pour qu’il soit d’aplomb : la terre dĂ©gagĂ©e Ă  l’arriĂšre pour enfouir la partie Ă©table est utilisĂ©e pour remblayer la partie avant sous le jardin. Une porte Ă  cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre de la cuisine cĂŽtĂ© pignon donne accĂšs Ă  ce jardin de type potager. Aux endroits secs, vers l’arriĂšre, le propriĂ©taire entretient Ă©galement des jardins ou « meix » avec des pommes de terre entre autres. La cabane du WC est placĂ©e Ă  l’extĂ©rieur du corps de la ferme au-dessus de la rigole principale. Celle-ci est donc alimentĂ©e par la source aprĂšs le passage dans les auges des fontaines, le droit d’eau et les eaux d’évacuation de la pierre Ă  eau de la cuisine (en patois pirĂŽve, pire d'ĂŽve prononcĂ© : [pÉȘr doːv])[30]. L’ensemble du terrain est fermĂ© par un muret de pierres sĂšches issues du dĂ©frichement. Il est le plus souvent envahi par la haie de buisson qui fournit le petit bois et les baies comestibles. Aux extrĂ©mitĂ©s du terrain ou dans les parties peu accessibles, le fermier a gardĂ© un petit bois pour le chauffage de la maison. Suivant le cas, il se peut qu’il y ait une « petite maison » Ă  cĂŽtĂ© de la ferme : c’est lĂ  qu’habitaient les parents dĂšs qu’ils cĂ©daient l’exploitation Ă  leur enfant. D’autres bĂątiments annexes complĂštent la maison principale.

Parties extérieures

Plan et façades de la maison de montagne des Vosges cristallines[31]
Un banc d'ùne pour fabriquer les bardeaux, exemplaire du Musée Soyotte.

La ferme montagnarde se caractĂ©rise par son utilisation du bois plus importante que dans les maisons du plateau. Le granite local n’a jamais Ă©tĂ© une pierre de taille avant l’arrivĂ©e des nouvelles technologies trĂšs rĂ©cemment. Il y a des siĂšcles le paysan vosgien ne possĂ©dait ni l’outillage ni le savoir-faire pour tailler du granite contrairement au grĂ© vosgien plus mallĂ©able que l’on savait dĂ©jĂ  travailler depuis longtemps pour l’architecture fortifiĂ©e ou religieuse. Ceci Ă©tant, il n’y a pas tant de grĂ©s que cela dans les Hautes-Vosges en dehors des rochers au sommet de quelques massifs en marge des Vosges granitiques. De plus, de grandes disparitĂ©s dans la qualitĂ© des couches de grĂ©s du buntsandstein font que la pierre est plus ou moins taillable. Le grĂ©s servait uniquement pour les montants, linteaux et les pieds droits des portes, les encadrements des fenĂȘtres et les chaĂźnes d’angle. Pour le reste, la maçonnerie en moellons de granite de formes diverses utilise le mortier de chaud pour les relier. Les murs de moellons mesurent environ 50 cm d’épaisseur ; ils montent jusqu’au toit cĂŽtĂ© gouttereau, jusqu’au plancher du grenier cĂŽtĂ© pignon habitation et jusqu’au plafond de l’écurie au pignon arriĂšre. À noter que la pierre est Ă©galement utilisĂ©e Ă  l’intĂ©rieur pour les deux murs latĂ©raux de la cuisine et la cheminĂ©e qui monte jusqu’au toit. S'il y a un four, il est bien sĂ»r construit en pierres ou briques rĂ©fractaires ; il dĂ©passe lĂ©gĂšrement du mur sous forme arrondie ou rectangulaire.

Une fois le gros-Ɠuvre en pierres terminĂ©, la construction de la ferme dĂ©pend totalement du bois, essentiellement le chĂȘne et le sapin. Les parois intĂ©rieures en bois sont glissĂ©es dans des fentes dans les poutres horizontales et les grosses poutres de la charpente dĂ©limitent les trois travĂ©es. La grange avec son poutrage apparent occupe toute la surface de la maison, un peu moins du cĂŽtĂ© pignon habitĂ© oĂč se trouve parfois ce qu’on appelle une « chambre » mais qui peut trĂšs bien servir aussi de cellier, de sĂ©choir ou de piĂšces de rangement. De ce fait, la partie du mur pignon constituĂ© de planches directement clouĂ©es sur les poutres se limite Ă  la partie triangulaire supĂ©rieure du pignon Ă  l’avant alors qu’elle descend jusqu’à l’étable Ă  l’arriĂšre. Cette paroi extĂ©rieure faite de planches s’appelle la ramĂ©e en français rĂ©gional (ramaye, ramĂšye en patois). DestinĂ©e d’abord Ă  l’aĂ©ration indispensable du grenier pour Ă©viter l’échauffement du foin, c’est elle qui confĂšre un caractĂšre unique Ă  la maison vosgienne dans l’aire culturelle lorraine. La ramĂ©e peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e entiĂšrement en bardeaux ou essins, renforçant ainsi le caractĂšre montagnard du bĂątiment rustique. Il y a Ă©galement des bardeaux sur les murs de pierre en guise d’isolation quand ceux-ci sont souvent agressĂ©s par les vents, la pluie, la grĂȘle et la neige. Ils sont clouĂ©s sur une armature de lattes.

Le toit immense Ă©tait Ă  l’origine en bardeaux. La tuile mĂ©canique a remplacĂ© ce matĂ©riau jugĂ© dangereux Ă  cause du risque d’incendie. En outre, le fermier devait procĂ©der tous les printemps Ă  la rĂ©fection du toit pour remplacer les bardeaux dĂ©fectueux ou moisis. L’artisanat du bardage a quasi disparu dans les Vosges. D’autres rĂ©gions montagnardes europĂ©ennes ont rĂ©ussi Ă  maintenir les techniques de couverture traditionnelles comme dans les pays scandinaves, alpins, balkaniques ou carpatiques ; il est raisonnable de penser que la rĂ©introduction du bardage dans les Vosges pour la conservation du patrimoine architectural puisse ĂȘtre envisagĂ© avec sĂ©rĂ©nitĂ©. La demande est plus forte avec le regain d'intĂ©rĂȘt pour les techniques Ă©coresponsables et la conservation des maisons rĂ©gionales; certains artisans reprennent la fabrication de bardeaux[32].

Le schĂ©ma lorrain reste flagrant Ă  l’extĂ©rieur pour quelques aspects communs avec quelques spĂ©cificitĂ©s :

  • L’observateur postĂ© devant le mur gouttereau peut immĂ©diatement repĂ©rer les trois travĂ©es habitation, grange et Ă©curie grĂące aux portes et fenĂȘtres caractĂ©ristiques de chaque travĂ©e. Ceci Ă©tant, l’observateur ne se tient plus dans la rue en face de la maison mais dans la cour latĂ©rale.
  • Il y a un espace de vie et de travail devant le mur gouttereau comme l’usoir des villages du Plateau lorrain, mais cette fois on parle de « cour » et surtout le terrain appartient au propriĂ©taire de la ferme ; seul le chemin d’accĂšs et communal dans les hautes Vosges. La cour de tailles diverses est scindĂ©e en deux par la rigole qui se dirige vers la rigole principale. La partie longeant la maison fut souvent grossiĂšrement dallĂ©e ou stabilisĂ©e par un pavage de galets. La partie vers l’extĂ©rieur reste en terre battue plus ou moins entretenue. La cour ouverte donne accĂšs Ă  la route, au bĂątiment principal, aux bĂątiments annexes, au jardin clĂŽturĂ© et Ă  la pente menant aux prĂ©s en contrebas. En revanche contrairement au Plateau lorrain, le tas de fumier ne se trouve pas dans devant la maison mais plus en hauteur de l’autre cĂŽtĂ© du chemin communal.
  • La dĂ©coration spartiate de la maison se limite au contraste du grĂ©s rose des Vosges aux portes et aux fenĂȘtres avec les murs blanchĂątres ou grisĂątres des façades. Parfois le linteau de la porte d’entrĂ©e de la travĂ©e habitation comporte un bas-relief ou une inscription ou bien encore une niche. ComparĂ© aux maisons montagnardes d’autres rĂ©gions europĂ©ennes, il faut reconnaĂźtre que la ferme vosgienne se distingue par sa sobriĂ©tĂ© sur le plan ornemental Ă  l’instar des fermes apparentĂ©es de la façade est.

Travée habitation

Comme ailleurs en Lorraine, la travĂ©e habitation[33] se compose de trois piĂšces Ă  la base : belle piĂšce Ă  l’avant, cuisine au centre et chambre de derriĂšre. On nomme une chambre ou piĂšce en patois « une pĂŽle ». C’est pourquoi le « poĂȘle », bien que masculin en français rĂ©gional, dĂ©signe aussi la belle piĂšce de devant ou aujourd’hui « salon » ou « salle Ă  manger ».

La ferme vosgienne s’intĂšgre totalement au schĂ©ma de pensĂ©e lorrain par l’importance qu’elle accorde Ă  la cuisine : le visiteur pĂ©nĂštre d’abord dans la cuisine qui sert de sas aux autres piĂšces et travĂ©es. Alors qu’en Alsace voisine, on conduit spontanĂ©ment le visiteur dans la « Stube » (belle piĂšce ou salon), il faut avoir une raison ou un Ă©vĂšnement particulier pour qu’un Vosgien vous amĂšne tout de suite au poĂȘle. Jadis la famille vivait dans la cuisine. C’est un endroit de convivialitĂ©, de partage et de vie commune : on y mange, on s’y lave, on y fait ses devoirs etc. Le poĂȘle a une connotation plus sacralisĂ©e (fĂȘtes familiales, veillĂ©es funĂšbres, rĂ©ceptions, veillĂ©es entre autres) parce qu’il faut faire attention Ă  ne pas rayer les beaux meubles, il faut que le parquet brille par exemple. Dans certaines fermes, il y avait un lit dans le poĂȘle pour les parents. Cette mentalitĂ© est restĂ©e bien ancrĂ©e jusque dans les gĂ©nĂ©rations devenues parents dans les annĂ©es 1950-1960. Elle s’essouffle un peu aujourd’hui. La cuisine se caractĂ©rise par ses nombreuses portes qui mĂšnent en gros vers la cave, l’étage, les deux « pĂŽles » voisines et les travĂ©es adjacentes par le chairu. Souvent, il y a Ă©galement une porte Ă  cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre devant la pierre Ă  eau pour aller dans le potager.

Comme il n’y a pas eu d’eau courante pendant des siĂšcles, notamment pour les fermes des « hauts » trop Ă©loignĂ©es des rĂ©seaux de canalisation, on a cherchĂ© l’eau aux bassins dans le chairu et on travaillait sur la pierre Ă  eau en grĂšs des Vosges. Pour se laver, il fallait chauffer l’eau Ă  la cheminĂ©e ou plus tard sur le fourneau.

L’autre endroit central est le feu Ă  l’ñtre qui relie Ă  nouveau la ferme haut-vosgienne Ă  la grande famille des maisons de montagne comme pour le tuyĂ© des Comtois. Le feu Ă  l’ñtre chauffait, Ă©clairait et servait Ă  la cuisson des repas. Dans le mur d’enceinte, il y avait en-dessous de la cheminĂ©e sur le cĂŽtĂ© la porte en fonte du four Ă  pain. Le conduit de fumĂ©e (ou la chambre des fumĂ©es) en bois reposant Ă  l’origine sur deux grosses poutres de chĂȘne solidement posĂ©es sur les deux murs de refend de la cuisine montait jusqu’en haut du toit oĂč la cheminĂ©e terminait en forme pyramidale. Contrairement au val de Morteau dans le Doubs qui a su sauvegarder quelques tuyĂ©s, ce type de cheminĂ©e appartient au passĂ© dans les Vosges. Le passage Ă  la cheminĂ©e en pierre s’est fait progressivement et le gros appel d’air qui refroidissait la piĂšce en hiver a Ă©tĂ© stoppĂ© par un manteau de cheminĂ©e en pierre. Entre temps, les fourneaux en fonte ont de toute façon remplacĂ© le feu Ă  l’ñtre pour de nombreuses activitĂ©s. Pour se chauffer, on avait aussi un « boro » dans le poĂȘle, un fourneau circulaire qu’on alimentait depuis la cheminĂ©e cĂŽtĂ© cuisine. Comme sur le Plateau lorrain, le systĂšme de la taque permettait de chauffer indirectement la belle chambre de devant. Par consĂ©quent, deux piĂšces Ă©taient chauffĂ©es en hiver : la cuisine et le poĂȘle. Avec l’arrivĂ©e des fourneaux, la chambre de derriĂšre put ĂȘtre chauffĂ©e, c’est d’autant plus important que du coup la piĂšce faisait fonction de piĂšce-sĂ©choir pour les fromages et autres denrĂ©es Ă  conserver au sec tandis que le poĂȘle prenait de plus en plus le statut de piĂšce des grandes occasions. Il ne faut pas oublier la chambre du haut au-dessus de la cuisine qui est traversĂ©e par la cheminĂ©e et donc plus tempĂ©rĂ©e que les voisines. Mais tout est relatif. De plus, cette piĂšce au sol surĂ©levĂ© en raison de la cheminĂ©e Ă  l’ñtre et de la chambre des fumĂ©es ne servait pas toujours Ă  dormir mais Ă  stocker tout ce qui devait rester au sec dans des armoires par exemple.

À l’arriĂšre de la travĂ©e, la « chambre de derriĂšre » reste privative comparĂ©e Ă  la chambre de devant. Avec le temps, elle pouvait avoir une cheminĂ©e ou un fourneau. Du coup, elle gagna en importance et en intimitĂ©. On pouvait y trouver un lit en fonction du nombre d’enfants. Cette piĂšce est associĂ©e Ă  la mauvaise saison quand elle est chauffĂ©e : c’est lĂ  que les gens se retirent pour les soirĂ©es d’hiver oĂč on peut bavarder avec les voisins tout en vaquant Ă  des petites tĂąches ou en jouant aux cartes. En fonction de la taille de la maison, la chambre de derriĂšre peut conduire ensuite dans un atelier aux fonctions les plus diverses.

À l’étage de la travĂ©e habitation, les chambres sont des chambres Ă  coucher avec lit et armoires.

Chairu

Signe distinctif de la ferme de montagne vosgienne, le « chairu » (qu’on peut orthographier chĂ©ru, charri) se divise en chairu et petit chairu. La parentĂ© avec le charri comtois ne fait aucun doute mais il convient de prĂ©ciser que dans les Hautes Vosges le chairu n'est jamais ouvert comme c'est le cas en Franche-ComtĂ©. Le chairu est l’entrĂ©e de la travĂ©e grange et le petit chairu prĂ©cĂšde la travĂ©e Ă©table.

Sa vocation pratique s’explique par la nĂ©cessitĂ© vitale de se protĂ©ger des conditions climatiques plutĂŽt dĂ©gradĂ©es dans les hautes vallĂ©es vosgiennes. Avec une tempĂ©rature moyenne annuelle qui ne dĂ©passe pas 10° pour les fermes situĂ©es autour de 900 m d’altitude et des prĂ©cipitations annuelles qui dĂ©passent les 1 000 mm, il est aisĂ© de comprendre que le fermier de la montagne vosgienne a besoin d’un sas entre les travĂ©es de sa ferme et l’extĂ©rieur. Le chairu se trouve derriĂšre la porte cochĂšre souvent cintrĂ©e[34]. Il faut souvent ouvrir cette porte pour Ă©clairer le chairu. La diffĂ©rence avec l’avant-grange des maisons de la plaine rĂ©side dans le fait que les rĂ©coltes des maisons des hauts n’ont rien Ă  voir avec celles du Plateau ou des vallĂ©es de la Moselle ou de la Meuse. GĂ©nĂ©ralement, on rentre les foins au « soleil », le fenil en patois, par la « potiotte »[35], porte dans la ramĂ©e Ă  l'arriĂšre Ă  laquelle on accĂšde soit par une passerelle soit de plain-pied. Ceci Ă©tant, on peut y entrer les voitures s’il pleut par exemple. Le chairu atteint gĂ©nĂ©ralement une longueur de m et une profondeur de m. Son avantage est qu’il est trĂšs haut comme la grange Ă  m de hauteur. Il est dallĂ© avec des pierres de grĂšs ou de granit. Il faut le percevoir comme un lieu de vie intermĂ©diaire entre toutes les travĂ©es. On y fait souvent des va-et-vient dans la journĂ©e car c’est lui qui fait la jonction entre les rangs d’exploitation tout en donnant l’accĂšs Ă  la cuisine ou au couloir par une porte dans la cloison de bois. En entrant dans un chairu, on peut aussi avoir l’impression d’un bric-Ă -brac car les occupants y dĂ©posent facilement des tas de choses au quotidien. Tout ce qui sert ou va servir sous peu est par commoditĂ© stockĂ© dans le chairu. On y accroche, on y dĂ©pose, on y bricole quelque chose. On peut y trouver des tables, des chaises ; En fait, c’est un endroit qui se personnalise beaucoup en fonction des propriĂ©taires. C’est d’autant plus vrai dans les fermes rĂ©novĂ©es actuelles oĂč il a perdu sa vocation premiĂšre : les nouveaux occupants y voient un espace de libertĂ© bien pratique.

AppelĂ© plutĂŽt un « rĂ©crĂšye » (prononcĂ© : [rekrɛy] dans le pays de GĂ©rardmer, le petit chairu[36] dallĂ© comme le chairu principal est derriĂšre la « porte des bĂȘtes » sur la façade cĂŽtĂ© gouttereau et cour. Sa fonction de faire la transition entre la cour et l’étable. Il protĂšge les auges des bassins en grĂšs ou bois ou ciment (en patois un bĂšche[37], prononcĂ© : [bɛʃ]) qui se retrouvent du coup hors-gel. En continuant on arrive sur la porte de l’étable. Il arrive que les bassins dans certaines maisons soient dans une annexe juxtaposant la maison qu’on appelle une « rabaissĂ©e » et qui rappelle l’appentis de la maison Ă  Schopp de l’Alsace bossue ou de Moselle-Est. Une petite fenĂȘtre Ă  cĂŽtĂ© de la porte Ă©claire le petit chairu.

Travée grange

TrĂšs similaire dans son organisation interne avec la grange des maisons de la plaine, ce qui frappe le regard immĂ©diatement dans cette travĂ©e[38] c’est la hauteur des plafonds de bois et les Ă©normes poutres porteuses qui vont d’un seul Ă©lan jusqu’au toit. L’avant-grange se confond avec le chairu dans la ferme vosgienne, ce qui la distingue de sa parente dans la plaine. La grange (en patois bĂ©tĂšye, prononcĂ© : [betɛy]) a un sol en terre battue ou avec un plancher ; elle servait Ă  battre le blĂ©, Ă  introduire les voitures de foin et de paille pour les dĂ©charger directement vers le fenil et le grenier plus en hauteur. Sur le plan logistique, le fermier peut se dĂ©placer partout : par des trappes, ouvertures bĂ©antes ou cloisons coulissantes, il s’approvisionne en foin en faisant descendre du grenier et accĂšde aux mangeoires des vaches dans l’étable. En gros, la grange est un espace destinĂ© Ă  l’exploitation de la ferme oĂč les hommes se retrouvent souvent pour diverses tĂąches Ă  faire. L’arriĂšre-grange a un plafond plus bas, identique Ă  celui des chambres de l’habitation. Elle sert de lieu de stockage et de rangement.

Dans certaines fermes, surtout quand il n’existe pas de « petite maison » Ă  l’extĂ©rieur, l’arriĂšre-grange a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e en « appartement » des parents, soit une seule piĂšce dans le prolongement de la grange, soit deux piĂšces au fond de la grange et de l’étable. Ces piĂšces amĂ©nagĂ©es donnent sur le mur de pierres extĂ©rieur avec des fenĂȘtres, mais elles se trouvent du cĂŽtĂ© plus venteux et pluvieux du coup. Elles profitent de la chaleur naturelle transmise par l’étable sachant qu’une seule cloison de bois sĂ©pare les animaux des personnes de l’autre cĂŽtĂ©.

Travée étable

L’étable[39], nommĂ©e en fait l’écurie en français rĂ©gional et « staye » ou « stoye » en patois (prononcĂ© : [stay]), arrive aprĂšs le petit chairu. La porte ouvre sur l’allĂ©e oĂč se dĂ©place le fermier derriĂšre les vaches. Les crĂšches Ă©tant du cĂŽtĂ© de la grange centrale, la tĂȘte des bĂȘtes est orientĂ©e vers l’autre cĂŽtĂ©. Le rĂ©duit Ă  cochon qu’on nomme « ran » (prononcĂ© : [ran]) est sur la gauche de l’étable Ă  l’entrĂ©e.

Cet espace peut donner l’impression d’ĂȘtre Ă©touffant, mal aĂ©rĂ©, malodorant et exigu. À part quelques soupiraux rudimentaires, il n’est pas possible d’aĂ©rer l’étable de maniĂšre satisfaisante. Vu les habitudes actuelles, la lumiĂšre est trĂšs limitĂ©e mĂȘme quand il y a une fenĂȘtre dans le mur de derriĂšre. En fait, il vaut mieux laisser ouverte la porte de derriĂšre qui sert Ă  sortir les vaches ou la brouette de fumier. L’arrivĂ©e de l’électricitĂ© fera du bien dans cette travĂ©e. Il fait trĂšs chaud car tous les animaux des plus anciens aux plus jeunes sont entassĂ©s dans un espace proportionnellement rĂ©duit. Pour faciliter la circulation de l’air, des espĂšces de tuyaux en bois, en terre cuite ou en grĂšs sortent vers le mur pignon arriĂšre, parfois juste Ă  la hauteur du sol dehors car l’écurie est bien souvent enfouie dans la terre.

Les animaux vivent sur un plancher de madrier longeant la crĂšche Ă  droite et l’allĂ©e Ă  gauche. À la ferme du bas comme Ă  la chaume du marcaire sur les crĂȘtes, le principe de l’étable traditionnel est le mĂȘme : les poutres horizontales du haut et du bas (en patois « jovailles », prononcĂ© : [ʒɔvay] supportent et maintiennent les poteaux verticaux (en patois « bourrassons ») de chaque cĂŽtĂ© de la tĂȘte de la vache. Le collier en bois de la vache (la chnoye, prononcĂ© : [ʃnoy]) est fixĂ© aux bourrassons par des anneaux (en bois puis en mĂ©tal) qui glissent de haut en bas de telle sorte que la bĂȘte peut se coucher et se lever sans entrave.

L’outillage, les tabourets de traite (en patois kiboki, prononcĂ© : [kÉȘbokÉȘ] Ă  un pied et la brouette sont entreposĂ©s le long de l’allĂ©e qui ne fait que 1,50 m de large. Or, l’allĂ©e est l’espace oĂč se dĂ©placent bĂȘtes et hommes. Soit les vaches sortent dans les prĂ©s par l’arriĂšre, soit elles vont boire aux bassins des bĂȘtes dans le chairu vers l’avant. Le purin qui dĂ©gouline du plancher parvient Ă  une rigole en dessous du plancher de l’allĂ©e surĂ©levĂ©. Le fermier « fait la danse » tous les jours c’est-Ă -dire qu’il doit Ă©vacuer le fumier, faire partir le purin, dĂ©poser de la nouvelle paille et nettoyer l’allĂ©e Ă  grands coups de seau matin et soir, donc au moment des traites.

Dans l’étable, les perchoirs des poules sont accrochĂ©es au mur de derriĂšre.

Variantes régionales

La maison rurale lorraine subit les influences de ses voisins comme le bassin lorrain influe sur l'habitat des régions limitrophes. Les limites régionales ne correspondent pas du tout à une aire homogÚne de l'habitat traditionnel d'esprit lorrain : elle est clairement plus vaste que l'ancienne région administrative de Lorraine vers tous les points cardinaux, y compris cÎté belge[n 5] et sarrois[n 6].

Le modÚle de base demeure bien que des éléments architecturaux particuliers permettent de distinguer certaines sous-régions du bassin lorrain. Les variantes touchent particuliÚrement la toiture, la taille du bùti ou les annexes. La plus grande des différences touche le type de construction entre le mur en moellons ou pierres de taille d'un cÎté et le pan de bois de l'autre.

Maisons Ă  colombages

Trois zones géographiques de Lorraine comportent de nombreuses maisons à pans de bois et de constructions trÚs différentes :

  • Le dĂ©partement de la Meuse, prĂ©sente Ă  lui seul deux zones trĂšs distinctes[40] :
    • Dans le Barrois, au sud du dĂ©partement, notamment Ă  Bar-le-Duc, sont Ă©difiĂ©es des maisons au rez-de-chaussĂ©e de pierre blonde surmontĂ©es d'Ă©tages en encorbellement.
    • Plus au nord, l'Argonne propose autour de Beaulieu-en-Argonne des fermes Ă  l'architecture unique et plus rĂ©cente (XIXe siĂšcle) de fermes parĂ©es de bois.
  • L'Est de la Moselle, du Pays des Ă©tangs jusqu'au Vosges du Nord, prĂ©sente des architectures Ă  pans de bois de style germanique. En 2008, ce type de maison Ă©tait encore prĂ©sent dans environ 70 communes de l'Est mosellan, les plus anciennes datant de la fin du XVIIe siĂšcle (RĂ©ning, 1696) et les plus rĂ©centes ne dĂ©passant pas 1840 (Bisping)[41]. La « maison Ă  colombages francique » atteint en Lorraine sa limite extrĂȘme façade occidentale ; cette limite d'expansion correspond peu ou prou Ă  l'ancienne frontiĂšre linguistique mosellane entre les familles romanes et germaniques qui s'est dĂ©placĂ©e vers l'est aprĂšs la guerre de Trente Ans[42] - [43]. La limite est poreuse car il y a quelques maisons Ă  colombages dans la partie de l'aire romane qui Ă©tait anciennement germanophone, comme Ă  Bisping et Guermange par exemple. GrossiĂšrement, l'aire d'expansion de la maison Ă  pan de bois en Lorraine du nord-est s'arrĂȘte aux rĂ©gions de Saint-Avold, Bitche, Dieuze et Sarrebourg.

Pan de bois francique en Moselle

Dans les maisons Ă  colombages de l'aire germanique, donc pour la Moselle-Est, on distingue habituellement les ossatures des bĂątiments mĂ©diĂ©vaux avec des poteaux porteurs d’un seul Ă©lan jusqu’au toit (La technique des bois longs) des maisons Ă  pans de bois dont chaque Ă©tage est bĂąti de maniĂšre autonome comme assise Ă  l’étage suivant, c’est-Ă -dire que le poteau dĂ©limite un niveau (La technique des bois courts). Souvent l’étage supĂ©rieur est construit en encorbellement. Poteaux et entretoises sont soutenus par des dĂ©charges en V ou lĂ©gĂšrement incurvĂ©es. Dans tout le bassin germanique, le second modĂšle se rĂ©pand Ă  partir du dĂ©but du XVIIe siĂšcle. La technique de base ne change plus rĂ©ellement, les diffĂ©rences portent essentiellement sur l’ornementation et l’agencement des piĂšces de bois pour obtenir un motif global. Le pan de bois d’Allemagne du Nord est restĂ© sobre avec quelques maisons Ă  bois longs (Maison-halle). Le colombage de la zone alĂ©manique a atteint au fil des siĂšcles un degrĂ© Ă©levĂ© de sophistication dans la dĂ©coration. Le colombage de la zone francique aime jouer sur les effets dĂ©coratifs des poutres sans surcharger l’ensemble. Les maisons Ă  colombages qui existent encore en Moselle de nos jours remontent presque toutes au XVIIIe siĂšcle ; on les rattache au pan de bois francique rĂ©pandu dans l'Allemagne centrale. En raison du caractĂšre rural de cet habitat, on n’y trouve aucun oriel et aucun artifice particulier comme ce serait le cas dans les centres ville avec pignon sur rue.

« Maison du ClĂ©ment » Ă  Bisping, Belles-ForĂȘts, Moselle.

Si l'on prend comme exemple la maison du ClĂ©ment photographiĂ©e ci-contre Ă  droite et situĂ©e Ă  Belles-ForĂȘts, elle a Ă©tĂ© construite en 1750 selon le schĂ©ma de la maison-bloc lorraine Ă  trois travĂ©es[44]. Les divergences avec le modĂšle de base portent sur la travĂ©e habitation qui est scindĂ©e en deux parties de chaque cĂŽtĂ© du couloir transversal et sur le toit plus fortement inclinĂ© que les toits asymĂ©triques lorrains classiques. La couverture du toit avec les tuiles plates en queue de castor sur le versant avant et avec la tuile canal Ă  l'arriĂšre illustre trĂšs bien le caractĂšre de transition du pays de Belles-ForĂȘts entre l'aire romane et germanique. On atteint probablement Ă  Bisping l'extrĂȘme limite de la tuile Biberschwanz[44]. Ce modĂšle plus ancien que d'autres maisons Ă  colombage Ă  Bisping reprĂ©sente la technique de construction sans soubassement de pierres. Les poteaux corniers et porteurs sont directement posĂ©s sur des sabliĂšres Ă  mĂȘme le sol. Que cette technique ait le dĂ©faut de provoquer une lente dĂ©gradation des sabliĂšres avec le temps et de dĂ©stabiliser la structure s'est vĂ©rifiĂ© par une premiĂšre rĂ©fection en 1840 : le colombage a Ă©tĂ© dĂ©moli et remplacĂ© par un soubassement en pierre du cĂŽtĂ© de la travĂ©e habitation comme chacun peut le constater sur la photographie au fond. L'abandon du colombage au profit de la pierre a Ă©tĂ© une constante en Moselle jusqu'au XXIe siĂšcle ; la disparation des maisons Ă  colombages est inĂ©luctable si les associations de dĂ©fense du patrimoine rural n'arrivent pas Ă  enrayer le phĂ©nomĂšne et Ă  sauver les peu de maisons encore debout. Cette maison de Bisping a par exemple Ă©tĂ© agrandie par un appentis et une cour fermĂ©s par un bardage de planches au dĂ©but du XXe siĂšcle[44]. Le pignon cĂŽtĂ© Ă©table a Ă©tĂ© couvert de bardeaux pour le protĂ©ger des intempĂ©ries comme dans les maisons de montagne.

Si l’on fait abstraction de l’agrandissement ultĂ©rieur par un appentis en planches, la maison du ClĂ©ment de Bisping comporte trois travĂ©es dont une dĂ©doublĂ©e. La porte piĂ©tonne donne sur un couloir qui donne accĂšs Ă  deux chambres Ă  droite et Ă  la cuisine sur la gauche Ă  l’arriĂšre. Vu que l’accĂšs au poĂȘle ou Stube (prononcĂ© : [ʃtuːb]) Ă  l’avant n’est possible que par la cuisine, l’organisation de la vie dans la maison Ă  colombage est bien lorraine dans l’esprit. À l’étage au-dessus de la travĂ©e habitation, une seule piĂšce sert de chambre ; le reste de l’espace sert de grenier et de fenil au-dessus de la travĂ©e Ă©table avec le vide de la grange entre les deux.

Dans une maison Ă  colombage du XIXe siĂšcle du mĂȘme village mosellan, les trois travĂ©es sont maintenues mais cette fois les ouvertures sur la façade gouttereau montrent que la travĂ©e Ă©table se trouve au centre avec une porte des bĂȘtes qui jouxte la porte des hommes de la travĂ©e habitation sur la gauche. Au-dessus de l’étable Ă  l’étage, la fenĂȘtre indique qu’il y a encore une chambre en haut. Cette disposition se rencontre davantage dans les pays germaniques qu’en Lorraine romane, ce qui laisserait penser Ă  une influence de la zone germanophone dans ce secteur ou Ă  un occupant originaire des terres germanophones. À noter la « goulotte » en-dessous de la fenĂȘtre de la cuisine devant la pierre Ă  eau (en francique rhĂ©nan WĂ sserstĂ€n, prononcĂ© : [vĂ sserʃtɛːn]) qui permet l’écoulement des eaux de vaisselle ou de nettoyage. En observant la maison dite « Bonnert » Ă  Hellimer en Moselle[42] (Image 2 dans la galerie), on remarque Ă©galement par les ouvertures du mur gouttereau que la travĂ©e Ă©table se trouve au centre de la maison. Le modĂšle, rĂ©novĂ© en 2013 par une initiative privĂ©e, fait apparaĂźtre le mode de construction dominant au XVIIe siĂšcle avec l'absence de solin; les sabliĂšres infĂ©rieures ont Ă©tĂ© posĂ©es directement sur le sol. Une double sabliĂšre sĂ©pare les deux niveaux. L'ossature en bois a Ă©tĂ© comblĂ©e de torchis. L'organisation intĂ©rieure suit le schĂ©ma lorrain avec un couloir distributeur qui mĂšne Ă  la cuisine Ă  droite ou Ă  l'Ă©table Ă  gauche. De la cuisine, on accĂšde Ă  la belle piĂšce (Stube).

Les techniques de construction de l'ossature et les Ă©lĂ©ments dĂ©coratifs des maisons Ă  colombages mosellanes appartiennent Ă  un ensemble plus vaste du bassin germanique mĂ©ridionale dans lequel se trouve aussi le bassin alsacien. Les dĂ©corations sur poutres, charpente et portes (Ce sont gĂ©nĂ©ralement des symboles solaires comme les svastikas, cƓurs, poteaux corniers en spirale, rosaces, disques) remontent partout du XVIe au XVIIIe siĂšcle ainsi que les ornements gĂ©omĂ©triques dans l'ossature elle-mĂȘme avec des poteaux Ă  la fois fonctionnels et dĂ©coratifs suivant la maniĂšre dont ils sont agencĂ©s. On retrouve de ce fait du Sundgau Ă  la Moselle-Est des Mann en tous genres, des losanges, des croix de saint AndrĂ©, des potelets d'allĂšge de fenĂȘtres aux diverses formes et des motifs imbriquĂ©s ou cumulĂ©s[45].

Il n'existe pas de nombreux Ă©lĂ©ments ornementaux sculptĂ©s ou peints dans les quelques rares maisons restantes en Moselle en raison des vicissitudes du passĂ©, des dĂ©gradations du temps et des rĂ©novations successives qui n'ont peut-ĂȘtre pas forcĂ©ment restaurĂ© les peintures ou les sculptures sur bois. Elles ont probablement existĂ©; la rĂ©novation de la maison d'Hellimer a intĂ©grĂ© par exemple la rĂ©fection du poteau central au-dessus de la porte piĂ©tonne elle-mĂȘme sculptĂ©e : de haut en bas, on reconnaĂźt une croix, une niche avec statuette et une date de construction gravĂ©e. Concernant les ornements gĂ©omĂ©triques dans la charpente qui offre au regard un profil individualisĂ© de la maison, l'observation des cinq maisons de la galerie de photos ci-dessous fait ressortir deux ossatures simples sans fioritures avec de simples potelets sous les fenĂȘtres et un assemblage basique de poteaux, dĂ©charges et entretoises (Maisons nos 1 et 5). La maison de Kappelkinger (no 4) frappe par la part restreinte du colombage dans l'allure globale de la bĂątisse; dans ce cas aussi, l'ossature avec poteaux verticaux et dĂ©charges obliques (arbalĂ©triers) demeure trĂšs basique, mais chacun remarquera les deux losanges accolĂ©s sous l'allĂšge de la fenĂȘtre Ă  l'Ă©tage. TrĂšs frĂ©quents dans le Bas-Rhin et le Centre de l'Alsace, les losanges accolĂ©s dĂ©corent en gĂ©nĂ©ral les allĂšges de fenĂȘtre, les linteaux du portail d'entrĂ©e Ă  la cour intĂ©rieure, le portail d'une grange ou d'un hangar. Ils symbolisent la fĂ©conditĂ© et la source de vie et sont parfois dĂ©signĂ©s par le terme « mandorle » puisque la forme et la symbolique sont trĂšs apparentĂ©es.

Les losanges accolĂ©s dĂ©corent aussi la façade de la Cappel (maison no 3) sous les baies des fenĂȘtres. C’est dans cette maison que l’ornementation par la disposition des poteaux et dĂ©charges est la plus variĂ©e avec un panel de motifs qu’on retrouve partout en Alsace ou en Sarre voisines; on remarque des Mann d’angle et deux Halbmann : le Mann ressemble grossiĂšrement Ă  un K majuscule accolĂ© au poteau, soit d'un cĂŽtĂ© (le demi-Mann), soit des deux cĂŽtĂ©s (le Mann). On appelle cet effet dĂ©coratif de l'ossature « Mann » ou « homme » en français car on pourrait dire qu'il s'agit d'un homme qui Ă©carte les jambes et les bras de chaque cĂŽtĂ© du tronc que reprĂ©sente le poteau central. Les potelets sous les fenĂȘtres sont soit simples, soit obliques, soit en V. L’ensemble est cohĂ©rent et fidĂšle Ă  la tradition esthĂ©tique du colombage du groupe francique.

La ferme de Hellimer (maison no 2) possĂšde Ă©galement une façade homogĂšne qui est basĂ©e cette fois sur des motifs dĂ©coratifs plus recherchĂ©s et moins Ă©vidents Ă  rĂ©aliser pour le charpentier. En prenant de la distance pour observer la façade et notamment la travĂ©e habitation, le premier ressenti que la majoritĂ© des observateurs auront probablement provient de la prĂ©dominance de la croix de saint AndrĂ©. En se rapprochant, le motif en croix se cumule avec des formes angulaires. Cette ornement s'appelle dans les maisons Ă  colombages un losange croisĂ©. Ici, on en compte trois Ă  intervalles rĂ©guliers. Une croix de saint AndrĂ© simple dans l'allĂšge de fenĂȘtre supĂ©rieure et un champ carrĂ© vide sĂ©parent ces losanges croisĂ©s. Cette maison Ă  Hellimer propose Ă©galement un motif ornemental qu'on associe souvent en Alsace Ă  une certaine aisance des propriĂ©taires[45] : la chaise curule. Elle rappelle fortement la croix saint AndrĂ© stylisĂ©e avec deux demi-cercles tangents.  En regardant de plus prĂšs, il apparaĂźt clairement que ce ne sont pas des segments d'arc tangents, mais bien deux poteaux en spirale imbriquĂ©s l'un dans l'autre Ă  l'image de cette chaise romaine. Les losanges croisĂ©s symbolisent Ă©galement la fĂ©conditĂ©. Certains chercheurs font le lien avec les symboles runiques oĂč chaque lettre obtient un sens symbolique et divinatoire. La croix de saint AndrĂ© correspond par exemple Ă  la lettre « gibu » ou G qui reprĂ©sente le dĂ©sir et le souhait ardent[45]. Le losange croisĂ© symbolisait la mĂšre ou la matrice. Finalement, les motifs d'ornementation des maisons Ă  colombages de l'aire germanique convergent quasiment tous vers la mĂȘme symbolique : on affiche sur sa maison la volontĂ© de vivre heureux, d'avoir une famille, d'assurer une vie aisĂ©e Ă  l'abri des mauvais esprits et des dangers de l'extĂ©rieur. Le cycle solaire reprĂ©sentĂ© entre autres par les doubles spirales, les svastikas[46] et les croix de saint AndrĂ© se retrouve marquĂ© dans la façade pour annoncer Ă  tous au moment de la construction que les futurs propriĂ©taires ont l'intention de vivre en harmonie avec la nature, le rythme de saisons et les croyances locales. D'un autre cĂŽtĂ©, la recherche systĂ©matique d'une symbolique ne correspondrait pas Ă  la rĂ©alitĂ© prĂ©sente car les charpentiers du XXIe siĂšcle ne cherchent pas forcĂ©ment Ă  savoir quelle a pu ĂȘtre a symbolique mythologique d'un motif ornemental d'un pan de bois. Les habitudes architecturales et ornementales ont pris le dessus sur les croyances populaires millĂ©naires.

Pan de bois en Meuse

La maison Ă  pan de bois de Meuse appartient au groupe champenois tant pour l’esthĂ©tique gĂ©nĂ©rale que pour les techniques utilisĂ©es indĂ©pendamment des petites variations mineures. Quelques rares maisons ont Ă©tĂ© bĂąties en pan de bois du rez-de-chaussĂ©e Ă  l’étage comme une maison Ă  Senard avec son colombage trĂšs rectiligne[47] alors que la trĂšs forte majoritĂ© prĂ©sente un pan de bois Ă  l’étage sur un premier niveau en pierres de taille. C’est clairement le cas pour les bĂątisses dans les villages. Le pan de bois groupe champenois se caractĂ©rise par consĂ©quent davantage par sa forte reprĂ©sentation Ă  l’étage. Il en ressort d’un point de vue esthĂ©tique un jeu ornemental intĂ©ressant qui repose sur le contraste ou l’interaction entre la pierre en bas et le bois en haut.

La disposition ornementale des piĂšces de bois repose sur des motifs communs Ă  la « façade alĂ©mano-francique » au nord-est de la Lorraine : la croix de saint AndrĂ© prĂ©domine Ă  l’Ɠil nu et le losange apparaĂźt Ă©galement sous diverses formes. À Vigneulles-lĂšs-HattonchĂątel, un bĂątiment annexe en rĂ©fection fait apparaĂźtre une dĂ©coration en Ă©pi sur le pignon, Ă©lĂ©ment dĂ©coratif trĂšs peu rĂ©pandu en Alsace et en Moselle en dehors de quelques maisons archaĂŻsantes dans le Sundgau Ă  Blotzheim ou Koetzingue. Pourtant, ce motif ornemental en impose vraiment sur un pignon d’un point de vue esthĂ©tique. Comme on le trouve sur un domaine de manoir, on peut penser qu’il s’agit lĂ  d’abord de montrer la rĂ©ussite sociale. Globalement, la fonction dĂ©corative du pan de bois est moins marquĂ©e que dans le groupe germanique mĂ©ridional. Il rappelle davantage les colombages de l’Allemagne du Nord par leur verticalitĂ© prononcĂ©e et l’aspect gĂ©nĂ©ral en damier rĂ©gulier. On peut mĂȘme parler d’une rĂ©gularitĂ© excessive.

En Argonne lorraine, le pan de bois est construit sur un solin plus ou moins haut ; il est rĂ©alisĂ© en pierres, en briques ou en gaizes. La sabliĂšre infĂ©rieure dans laquelle sont fichĂ©s les potelets repose sur ce solin. Des paleçons ou palançons sot introduits dans une rainure ou des trous dans les potelets latĂ©raux afin de rĂ©aliser un clayonnage, le support du torchis confectionnĂ© avec de l’argile et de la paille[47]. Il n’est pas rare que le pan de bois soit recouvert d’un enduit ou d’un bardage de planches. Le torchis lui-mĂȘme peut Ă©galement ĂȘtre recouvert ou protĂ©gĂ© par un enduit Ă  base de chaux ou par un bardage de planches qu’on appelle localement le guindage (Comme sur la maison no 4 de la galerie). On peut de ce fait parler d’une caractĂ©ristique du pan de bois argonnais par rapport Ă  d’autres rĂ©gions limitrophes oĂč le pan de bois reste apparent[47].

La maison de Contrisson (no 3 dans la galerie ci-dessous) attire le regard par le contraste agrĂ©able Ă  l’Ɠil entre la pierre de taille jaunĂątre du rez-de-chaussĂ©e et le pan de bois marron clairement dominĂ© par la croix de saint AndrĂ© Ă©tirĂ©e : 18 croix sur les cĂŽtĂ©s et 24 sur la façade gouttereau longeant la rue. Deux autres croix de saint AndrĂ© plus classiques ornent l’allĂšge des fenĂȘtres. L’oblique n’est pas reprĂ©sentĂ©, l’ensemble repose uniquement sur l’alignement des sabliĂšres et les quatre poteaux.

La maison de Brizeaux (no 2) se distingue davantage par son avant-toit et ses belles contrefiches que par son pan de bois rudimentaire et vertical. La maison de Bar-le-Duc (no 1) s'enrichit par ses niveaux en encorbellement. La croix de saint AndrĂ© domine largement et on reconnaĂźt un Mann primitif dans l'allĂšge de fenĂȘtre. Dans les trois modĂšles de la galerie, on remarque le premier niveau en pierre.

  • En Meuse
  • Maison citadine Ă  Bar-le-Duc (1)
    Maison citadine Ă  Bar-le-Duc (1)
  • Maisons fleuries Ă  Brizeaux (2)
    Maisons fleuries Ă  Brizeaux (2)
  • Maison Ă  Contrisson (3)
    Maison Ă  Contrisson (3)
  • Grandchamp (Ardennes), pan de bois et guindage Ă  droite (4)
    Grandchamp (Ardennes), pan de bois et guindage Ă  droite (4)

Type de transition entre le plateau et la montagne

Ferme des Vosges gréseuses à demi-croupe, vallée de la Fave.
Ferme des Vosges gréseuses à demi-croupe, vallée de la Fave.
Ramée du pignon de maison à croupe des Vosges.

ImplantĂ©e dans tous les secteurs situĂ©s dans les Vosges grĂ©seuses avec une extension jusqu'au Warndt en Moselle, quelques vallĂ©es alsaciennes et les terres limitrophes en Allemagne et en Belgique, la maison rurale lorraine des rĂ©gions boisĂ©es de faible altitude prĂ©sentent toutes les caractĂ©ristiques majeures de l’habitat rural lorrain du modĂšle de base pour l'organisation des maisons en travĂ©es mais elle s'en Ă©carte largement pour quelques aspects majeurs comme la mitoyennetĂ©, l'usoir, la forme du toit ou l'usage de la ramĂ©e. Elle fait fonction de transition entre le modĂšle du village-rue strict sur le Plateau lorrain et le modĂšle dispersĂ© des Hautes-Vosges. Son caractĂšre transitoire s’exprime Ă©galement par sa localisation aux confins du domaine lorrain Ă  l’est sur une bande de territoire clairement influencĂ©e par l’aire alĂ©manique.

Longeant la cĂŽte grĂ©seuse de la Sarre au nord jusqu’au sillon vosgien au sud-ouest et la vallĂ©e de la Meurthe au sud-est, la zone d’extension de ce modĂšle transitoire traverse

Vu l’absence de contraintes agraires et la diminution des pratiques communautaires spĂ©cifiques aux finages du Plateau lorrain[48], la ferme dite des pays grĂ©seux n’a pas un aspect homogĂšne du nord au sud de la zone d’expansion. Chaque propriĂ©taire a le loisir d’amĂ©nager et de construire sa maison sur son terrain. Plusieurs facteurs entrent en jeu comme la fertilitĂ© des sols (plutĂŽt mĂ©diocre en raison du sous-sol grĂ©seux), la part de terres labourĂ©es ou cultivĂ©es dans l’exploitation, l’altitude et la surface des terres exploitĂ©es. La hiĂ©rarchie sociale est de facto moins prononcĂ©e dans les hameaux des Vosges grĂ©seuses. On parle davantage de polyculteurs assez indĂ©pendants qui possĂšdent plus de prairies que de terres labourĂ©es. Pour ces derniĂšres, la pomme de terre et les cĂ©rĂ©ales secondaires dominent largement[48].

Les différences entre le modÚle de base et ce type transitoire sont les suivantes[49] :

ModĂšle basique du plateau
Maison des pays gréseux façade est
  • Cour ouverte latĂ©rale (propriĂ©tĂ© privĂ©e)
  • Mur pignon face Ă  la rue si possible
  • Habitat dispersĂ© ou hameau lĂąche
  • bardage ou essentage des murs pignons
  • PossibilitĂ©s de bĂątiments annexes disposĂ©s en nĂ©buleuse (hangar, buanderie, fontaine, four
)
  • Paysans-ouvriers plus indĂ©pendants
  • Une Ă  cinq travĂ©es suivant les rĂ©gions
  • Emplacements plus libres, souvent pignon sur rue
  • Une ou deux demi-croupes, forte inclinaison[3]

 

Ce modĂšle que le premier regard permet de reconnaĂźtre grĂące Ă  la demi-croupe, Ă  la ramĂ©e et au pignon sur rue s'apparente trĂšs fortement aux types de maisons d'autres rĂ©gions comme la Franche-ComtĂ©, la Savoie ou dans la Suisse voisine. De prime abord, on ressent l'influence de l'aire culturelle alĂ©manique avec le choix du toit en demi-croupe, parfois mĂȘme en mini-croupe, trĂšs gĂ©nĂ©ralisĂ© en Bade-Wurtemberg, en Suisse, en Alsace et en terres comtoises. Le caractĂšre importĂ© de cette caractĂ©ristique du toit dans ce modĂšle se reconnaĂźt bien par le fait que les pans coupĂ©s en croupe Ă©taient dĂ©signĂ©es dans le langage populaire lorrain par le terme « allemandes »[50]. Le toit Ă  demi-croupe Ă©tait en fait Ă  l'origine un toit de chaume dont les derniers spĂ©cimens ont rĂ©sistĂ© plus longtemps dans le pays welche. En remplacement, les terres alĂ©mano-franciques ont adoptĂ© la tuile plate dite queue de castor tandis que la façade lorraine a adoptĂ© la tuile mĂ©canique. Tous les modĂšles n'ont pas forcĂ©ment une demi-croupe Ă  chaque pignon. Parfois, elle se trouve juste du cĂŽtĂ© de la travĂ©e habitation, partie visible de la rue. En patois vosgien de la montagne, cette petite croupe se nomme « creupe », « bĂ©dane » ou « rabattue »[51]. En dialecte alsacien et francique rhĂ©nan, on utilise le terme « WĂ lme » (prononcĂ© : [vĂ lmə])[52].

Appuyant son caractĂšre transitoire, le modĂšle des Vosges grĂ©seuses fait figure de maison des petites et moyennes altitudes dans les rĂ©gions montagneuse de la façade est de la France entre la maison de la plaine et la ferme-chalet de la montagne (Vosges, Doubs, Jura, Haute-Savoie). Sa taille est variable mais jamais trĂšs grande. Elle correspond majoritairement Ă  une exploitation axĂ©es sur des activitĂ©s sylvo-agro-pastorales. La forĂȘt jamais bien loin et l'Ă©levage couplĂ© Ă  l'activitĂ© fromagĂšre vont souvent de pair avec ce type de maison. La vallĂ©e de la Meurthe autour de Saint-DiĂ©-des-Vosges fait exception dans ce schĂ©ma car le fond de vallĂ©e alluvionnaire et les terres de grĂšs permien sont beaucoup plus fertiles que les zones purement grĂ©seuses comme dans les Vosges du Nord par exemple. Les corps de ferme dans la vallĂ©e de la Meurthe atteignent des dimensions impressionnantes puisqu'elles peuvent disposer de 5 travĂ©es et une capacitĂ© d'engrangement importante.

Le plus petit modĂšle Ă  trois petites travĂ©es peu larges (habitation, grange, Ă©table) comporte au rez-de-chaussĂ©e le poĂȘle et la cuisine et Ă  l'Ă©tage la chambre jouxtant le grenier au-dessus de la grange.

Le plus grand modĂšle trĂšs large et trĂšs haut prĂ©sente un mur gouttereau percĂ© de 4 portes dont une porte cochĂšre, deux portes des bĂȘtes et une porte des hommes donnant sur un couloir qui traverse toute la maison. La travĂ©e habitation est sĂ©parĂ©e des autres par ce couloir distributeur avec une organisation classique d'avant en arriĂšre : poĂȘle, cuisine et chambre de derriĂšre. La grange est enserrĂ©e par deux Ă©tables dont l'une est une Ă©curie. D'autres modĂšles prĂ©fĂšrent augmenter la surface habitable avec un rang d'habitation comportant six piĂšces au rez-de-chaussĂ©e agencĂ©es comme suit de chaque cĂŽtĂ© du couloir : cĂŽtĂ© pignon poĂȘle, chambre du milieu, chambre de derriĂšre et cĂŽtĂ© grange cuisine, chambre du milieu et chambre de derriĂšre. Il y a encore des chambres Ă  l'Ă©tage.

Comme dans les autres modÚles, les parties décoratives et les aménagements mineurs varient en fonction de la localisation entre la Sarre allemande et les Vosges romanes.

Maisons Ă  appentis (Schopphus)

Maison à Schopp maçonné et demi-croupe, Phalsbourg, Moselle.
Maison Ă  Schopp, Danne-et-Quatre-Vents, Moselle.
Maison Ă  Schopp, Danne-et-Quatre-Vents,Moselle.

Ce modĂšle des terres germanophones de Lorraine et d’Alsace bossue est le plus facile Ă  reconnaĂźtre quand on traverse Ă  pied ou en voiture un village-rue typique et bien conservĂ© : tout le monde remarquera cette extension du toit devant les travĂ©es de la grange et de l’étable qu’on peut dĂ©signer par le terme d’appentis[53]. L’appentis prend des formes diverses mais la prĂ©sence du bois y est prĂ©dominante. Il correspond Ă  un espace utilitaire, couvert par la toiture mais pas forcĂ©ment clos, qui prend une partie du terrain de l’usoir. Quand les maisons sont mitoyennes par deux, les deux appentis se font face de telle sorte que l’intimitĂ© de chaque maison est davantage prĂ©servĂ©e que dans le modĂšle lorrain totalement ouvert. On parle de ce fait d’une « maison Ă  Schopp » ou en dialecte francique rhĂ©nan « Schopphus » (prononcĂ© : [ʃɔphus]) car le terme Schopp en francique rhĂ©nan et son Ă©quivalent Schopf en alĂ©manique, dĂ©signent un hangar[54] - [55] ou une remise dont la partie avant n’est pas fermĂ©e, cloisonnĂ©e ou maçonnĂ©e. Son but premier est de mettre Ă  l’abri le bois de chauffage, les voitures et l’outillage entre autres.

Les travaux des historiens Ă©mettent l'hypothĂšse que le Schopp aurait Ă©tĂ© introduit dans l'architecture locale par des immigrants suisses, soit probablement aprĂšs la guerre de Trente Ans. Mais il faut rester prudent car de nombreuses communautĂ©s de rĂ©fugiĂ©s huguenots de l'Alsace bossue mĂ©ridionale proviennent de France. Pour mieux comprendre la complexitĂ© du sujet, l'Alsace bossue est de confession protestante luthĂ©rienne avec jadis une forte prĂ©sence de la confession rĂ©formĂ©e et une minoritĂ© anabaptiste : ce fut en effet une terre d'accueil pour les exclus et les personnes victimes de persĂ©cution et discrimination en raison de leur confession religieuse dans les pays voisins majoritairement catholiques comme la Lorraine ducale ou le royaume de France[56]. On ne peut exclure une fusion de traditions culturelles et architecturales de diverses rĂ©gions europĂ©ennes. De mĂȘme, il faut tenir compte du fait que l'Alsace bossue tire son identitĂ© plurielle du fait qu'elle est de langue et substrat franciques tout en Ă©tant trĂšs influencĂ©e par la culture et la pensĂ©e alsacienne. Avant de passer en France, les terres de l'Alsace bossue actuelle appartenaient Ă  des Ă©tats souverains de princes allemands comme la maison de Nassau, les comtes de La Petite-Pierre ou les comtes palatins du Rhin entre autres, ce qui reprĂ©sente un aspect trĂšs spĂ©cifique de cette partie du Plateau lorrain et dans le contexte plus global de l'histoire du massif des Vosges.

En Lorraine, ce type de maison est ultra minoritaire car trĂšs localisĂ© dans l'est de la Moselle (arrondissements de Sarrebourg et Sarreguemines), en marge de la zone d'extension de l'habitat de l'Alsace Bossue. Cela s'explique par le fait que des villages aujourd'hui en Moselle appartenaient autrefois Ă  des seigneuries qui se retrouvent aujourd'hui majoritairement dans le Bas-Rhin. En gros, il apparaĂźt dans le pays de Phalsbourg partie est et nord. C'est un modĂšle hybride qu'il est difficile de rĂ©sumer par des normes communes Ă  l'exception de l'orientation du gouttereau donnant sur la rue, l'usoir et les trois travĂ©es classiques de l'habitat lorrain. L'intĂ©rieur peut ĂȘtre de conception plutĂŽt alsacienne ou influencĂ© davantage par la culture lorraine. Certains modĂšles ont la grange qui sĂ©pare l'habitation de l'Ă©table. Dans d'autres, on parvient directement Ă  l'Ă©table depuis la cuisine par un petit escalier intĂ©rieur, ce qui rappelle davantage l'agencement de la maison alsacienne. On reconnaĂźt Ă©galement l'influence alĂ©manique (alsacienne ou suisse) par une propension Ă  dĂ©corer la maison plus flagrante que chez les Lorrains. Le fleurissement y occupe une place importante et les encadrements de portes ou de fenĂȘtres sont davantage sculptĂ©es que dans la plaine lorraine ainsi que les pierres de fondation ou les bas-reliefs monumentaux au-dessus des linteaux de porte. D'aucuns remarqueront aussi un goĂ»t prononcĂ© pour la dĂ©coration de la porte de l'habitation.

En Lorraine, dans le pays de Phalsbourg, le modĂšle de base de l'Alsace bossue a engendrĂ© des variantes qui portent essentiellement sur l'appentis ou sur la toiture. L'appentis peut en effet maçonnĂ© partiellement ou totalement, Ă  l'avant ou Ă  l'arriĂšre de la maison, ou de chaque cĂŽtĂ© des murs gouttereaux. L'appentis peut apparaĂźtre dans des maisons non mitoyennes qui rappellent davantage le gros modĂšle des Vosges grĂ©seuses avec demi-croupe. À Danne-et-Quatre-Vents, oĂč ce type de maison est en train de disparaĂźtre depuis les annĂ©es 2000 Ă  la suite de rĂ©novation et modernisation de l'ancien bĂąti qui prĂ©fĂšrent enlever le Schopp, on voit que l'appentis totalement en bois est quasi fermĂ© Ă  l'exception d'une petite ouverture au centre du Schopp qu'on peut Ă©ventuellement fermer par une porte.

Les points communs entre le modĂšle lorrain basique et la maison Ă  appentis Ă©tant nombreux, on peut identifier le second modĂšle en soulignant surtout les divergences visuelles suivantes :

ModĂšle basique du plateau
  • Aucun appentis donnant sur la rue
  • Tuile canal, puis tuile mĂ©canique
  • MitoyennetĂ© trĂšs frĂ©quente
  • Escalier Ă  la porte piĂ©tonne trĂšs rare.
  • Demi-croupe du toit trĂšs rare
Maison Ă  appentis
  • Appentis devant la travĂ©e grange et Ă©table – Parfois appentis Ă©galement Ă  l’arriĂšre
  • tuile queue de castor, tuile mĂ©canique
  • Aucune mitoyennetĂ© ou bien par deux avec sĂ©paration entre chaque paire.
  • Deux-trois marches donnent accĂšs Ă  la porte travĂ©e habitation
  • Toit en demi-croupe possible
  • DĂ©tail d'un Schopp Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    DĂ©tail d'un Schopp Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
  • Ornement et niche de porte d'une maison Ă  Schopp Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    Ornement et niche de porte d'une maison Ă  Schopp Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
  • Niche avec statuette de la Vierge, maison Ă  Schopp Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    Niche avec statuette de la Vierge, maison Ă  Schopp Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
  • Vue en plongĂ©e dans le Schopp de la premiĂšre photo Ă  gauche.
    Vue en plongée dans le Schopp de la premiÚre photo à gauche.
  • Aspect d'une maison dont le Schopp a Ă©tĂ© enlevĂ©, Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    Aspect d'une maison dont le Schopp a été enlevé, Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
  • Autre exemple de Schopp dĂ©montĂ© sur le cĂŽtĂ© droit, Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    Autre exemple de Schopp démonté sur le cÎté droit, à Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
  • Exemple de maison Ă  Schopp rĂ©novĂ©e avec appartement dans l'ancienne travĂ©e grange-Ă©table, Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    Exemple de maison à Schopp rénovée avec appartement dans l'ancienne travée grange-étable, à Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
  • Autre exemple de Schopp dĂ©montĂ© sur la partie gauche, Ă  Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.
    Autre exemple de Schopp démonté sur la partie gauche, à Danne-et-Quatre-Vents, Lorraine.

Maisons de la VĂŽge orientale

Toit en laves de grĂšs, trait distinctif de la maison de la VĂŽge dans l'aire lorraine.
Chalot, à l'écomusée de Fougerolles, Haute-SaÎne.

Le terme « maison de la VĂŽge » ne signifie pas que tout le territoire de la VĂŽge soit concernĂ©. La VĂŽge a de toute façon des limites fluctuantes suivant les analystes tant sur le plan gĂ©ographique qu’historique. De fait, les variantes notables du modĂšle basique de la maison lorraine apparaissent frĂ©quemment aux confins du territoire lorrain sur une zone tampon faisant transition avec une autre aire culturelle, en l’occurrence la Bourgogne. La partie occidentale de la VĂŽge situĂ©e dans une zone calcaire coquillier[57] qui s’étend jusqu’à Sarreguemines le long de la cĂŽte grĂ©seuse prĂ©sente un habitat lorrain classique avec une majoritĂ© de villages-rue. Dans ce cas prĂ©cis, on ne peut nullement parler de maison de la VĂŽge.

La partie centrale et orientale de la VĂŽge s’intĂšgre dans les Vosges grĂ©seuses de par leur faciĂšs gĂ©ologique[57] mais pas trop pour le relief qui se rapproche davantage du plateau trĂšs boisĂ© entaillĂ© par l’érosion fluviatile[58]. Il n’empĂȘche que, comme dans le massif montagneux grĂ©seux, le sol peu fertile a davantage favorisĂ© une couverture forestiĂšre dense de faible peuplement. Au niveau des voies de communication et des vagues de peuplement mĂ©diĂ©vales, la VĂŽge fut Ă  la fois contournĂ©e et convoitĂ©e pour sa vocation industrielle et ses facteurs d’implantation favorables Ă  la verrerie, aux forges, aux carriĂšres et aux activitĂ©s sylvicoles au profit du duc de Lorraine. Les types de village et de maison s’expliquent par les acensements industriels autour desquels les hameaux Ă©clatĂ©s se sont progressivement formĂ©s. C’est dans ce secteur dans le dĂ©partement des Vosges au sud-ouest d'Épinal, situĂ© Ă  cheval sur la frontiĂšre rĂ©gionale entre Lorraine et Franche-ComtĂ© que l’on trouve un type de maison de pierre massive, en gĂ©nĂ©ral plus large que profonde, parfois mĂȘme trĂšs large. Il s’écarte du modĂšle de base lorrain peu ou prou pour les mĂȘmes raisons que pour la maison des pays grĂ©seux. Les seuls critĂšres divergents majeurs qui confĂšrent une identitĂ© propre Ă  ce type de maison est la couverture du toit en laves[3] - [59] et la place importante accordĂ©e au chalot (prononcĂ© : [ʃelɔ]) commun avec les Vosges saĂŽnoises, notamment le secteur de Fougerolles.

La zone d’extension des lauzes dĂ©bordent dans le dĂ©partement des Vosges en provenance de la Bourgogne et en Franche-ComtĂ©. Le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement de la Meuse explique dans sa brochure d’information Ă  l’intention des propriĂ©taires qui souhaitent rĂ©nover leur maison dans le respect des traditions locales que « les lauzes calcaires Ă©taient extraites dans la partie occidentale du dĂ©partement des Vosges et dans le Sud-meusien, Ă  la limite du dĂ©partement de la Haute-Marne. Il s'agit de plaques de calcaire bathonien appelĂ©es laves, naturellement dĂ©litĂ©es et Ă  peine Ă©quarries, extraites dans des carriĂšres appelĂ©es 'laviĂšres'. Elles Ă©taient posĂ©es sur le voligeage et calĂ©es avec un mortier de terre ('l'herbue') »[60].

Toutefois, la région de la VÎge aux portes de la Haute-SaÎne a longtemps opté pour des dalles de grÚs à Voltzia liasique pour la couverture des toits entre le XVIIIe et XXe siÚcles auxquelles le langage courant local donnait également le nom de « laves » extraites dans les laviÚres. En raison de la nature trÚs particuliÚre de cette roche, il était plus facile de le déliter en fonction des plans de stratification[47]. AprÚs avoir été équarries, les laves étaient posées sur un lit de) des « ételles » (planchettes de bois fendu) ou sur un voligeage en sapin.

Comme pour la maison du sillon vosgien, elle hĂ©berge des populations vaquant Ă  des activitĂ©s sylvo-agro-pastorales avec une part importante du travail en forĂȘt[58]. Moins Ă©levĂ©e en altitude que les Hautes-Vosges, la VĂŽge se distingue nĂ©anmoins par ses forĂȘts denses peu peuplĂ©es. Elle offre un lieu de travail pour les verriers ou les sagards, et elle est encore plus qu’ailleurs une terre d’accueil d’immigrants d’Europe centrale : pour le verre la BohĂšme, pour les forges et le travail de l’acier le Tyrol et la Styrie. Bien que romane de culture, elle intĂšgre des populations germanophones. L’agriculture reprĂ©sente pour la plupart des ressources complĂ©mentaires au mĂȘme titre que la dentelle ou la broderie. L’élevage y occupe une place dĂ©cisive[61]. Les acensements par l’autoritĂ© ducale visent les enclaves en pleine forĂȘt et contribuent Ă  fixer une population attirĂ©e par les emplois et les matiĂšres premiĂšres pour le verre et le travail de l’acier[58].

La maison de la VĂŽge, terre de transition entre l’aire lorraine et l’aire bourguignonne, rĂ©pond aux critĂšres des travĂ©es lorraines : habitation, grange et Ă©table. Les diffĂ©rences ne sont pas notables avec le modĂšle non mitoyen des Vosges grĂ©seuses.

Le plus petit modĂšle du manouvrier-vigneron comporte deux petites travĂ©es : habitation et exploitation. La premiĂšre est formĂ©e par la cuisine devant et le poĂȘle derriĂšre. La seconde prĂ©sente la grange cĂŽtĂ© rue et l’étable est juste derriĂšre.

Le modĂšle rĂ©current a trois travĂ©es classiques : habitation, grange et Ă©table. Les divergences portent sur la fontaine qui n’est pas intĂ©rieure mais adossĂ©e Ă  la maison cĂŽtĂ© Ă©table, sur le four cĂŽtĂ© pignon comme dans la maison haute-vosgienne ou bien en tant que bĂątiment sĂ©parĂ© nommĂ© « chambre Ă  four ». L’élĂ©ment distinctif est le « chĂ©lo » qui fait fonction de rĂ©serve Ă  grains. Pour compenser le manque de pente importante, la ferme de la VĂŽge comporte une passerelle en bois qui permet de monter Ă  la porte du grenier dans la ramĂ©e, dans le mur pignon arriĂšre.

À part le « chĂ©lo », le toit permet de bien distinguer la maison de la VĂŽge par rapport au reste du bassin. Il est en effet Ă  deux pans moyennement inclinĂ©s, a priori sans demi-croupe. La pierre est trĂšs reprĂ©sentĂ©e dans l’habitat de la VĂŽge notamment Ă  cause des laves en grĂšs sur le toit[62] qui demeure le trait distinctif de cet habitat confinĂ© dans la rĂ©gion de la VĂŽge.

ModĂšle basique du plateau

Maison de la VĂŽge orientale

  • Inclinaison du toit de moyenne Ă  forte.- Lauzes
  • Cour ouverte latĂ©rale (propriĂ©tĂ© privĂ©e)
  • Mur pignon face Ă  la rue si possible
  • Habitat dispersĂ© ou hameau lĂąche
  • bardage ou essentage du pignon cĂŽtĂ© Ă©table
  • bĂątiments annexes comme le chalot et la chambre Ă  four
  • Paysans-ouvriers ou ouvriers-paysans plus indĂ©pendants
  • Emplacements plus libres, souvent pignon sur rue

VallĂ©e de la Weiss et val d’Orbey

Habitat dispersé dans la vallée des Basses Huttes. On remarque la rampe d'accÚs au grenier à la premiÚre maison à gauche.

Dans le Haut-Rhin, deux types de maisons se cĂŽtoient dans les parties hautes du bassin-versant de la Weiss avec les affluents de l’Ur et de la BĂ©hine sans qu’il soit nĂ©cessaire de revenir sur le premier dĂ©jĂ  dĂ©crit plus haut. En fond de vallĂ©e, le village-rue plus ou moins lĂąche persiste pendant que les critĂšres de l’habitat lorrain fondamentaux sont respectĂ©s : mur gouttereau face Ă  la rue, organisation par travĂ©es, usoir, jardin Ă©tĂ© verger dans le prolongement de la parcelle vers l’arriĂšre jusqu’à la limite de la forĂȘt ou de la pente. Le toit est en revanche plus inclinĂ© que dans le village lorrain traditionnel et la proximitĂ© avec la culture alsacienne alĂ©manique fait apparaĂźtre la tuile Ă©caille.

Le second modĂšle prĂ©sente de nombreux caractĂšres spĂ©cifiques qui en font une ferme trĂšs localisĂ©e Ă  la vallĂ©e de la Weiss, laquelle s’apparente Ă  la fois Ă  la maison lorraine et Ă  la ferme des Hautes-Vosges de l’autre cĂŽtĂ© des crĂȘtes. Contrairement Ă  sa cousine cĂŽtĂ© vosgien, elle emprunte au modĂšle lorrain classique le fait qu’elle dĂ©veloppe la longue façade du mur gouttereau sur la rue et sur la vallĂ©e[63]. PerchĂ©e sur la pente, le voyageur qui passe sur la route tout en bas en fond de vallĂ©e voit effectivement une vaste demeure trĂšs allongĂ©e dont la façade laisse deviner un nombre trĂšs important de travĂ©es. ModĂšle en largeur, cette ferme offre une grande surface habitable et exploitable car elle a un Ă©tage dans la partie habitation dont le pignon est Ă©galement percĂ© de nombreuses fenĂȘtres. En comptant les deux murs gouttereaux et le pignon de la travĂ©e habitation, cela reprĂ©sente 17 fenĂȘtres possibles. La lecture du mur gouttereau avant fait ressortir une trĂšs large travĂ©e habitation, une grange, une Ă©table-Ă©curie et souvent une quatriĂšme travĂ©e hĂ©bergeant des remises, des ateliers, des celliers ou une autre Ă©table. ComparĂ© au modĂšle du plateau lorrain, cette façade est monumentale de sorte que l’on se doute que la ferme hĂ©berge plusieurs gĂ©nĂ©rations mais aussi les employĂ©s Ă  demeure.

Le caractĂšre montagnard s’exprime par l’utilisation de la pente et l’emplacement du bĂąti sur le terrain. La maison-bloc est, en effet, construite devant le chemin de desserte qui passe Ă  quelques mĂštres du mur gouttereau arriĂšre protĂ©gĂ© de la route par un talus arborĂ©[63]. De ce fait, la façade avant dĂ©bouche sur les prĂ©s et vergers sans que les occupants soient dĂ©rangĂ©s par les passages de personnes ou de vĂ©hicules sur la route derriĂšre. Cette position assure une fonction pratique en rĂ©alitĂ© car on utilise la diffĂ©rence de hauteur pour entrer plus facilement Ă  la grange et au grenier en construisant une rampe d’accĂšs parfois trĂšs haute jusqu’à la porte de la lucarne rampante ou le chien-assis dans le toit[63]. La partie supĂ©rieure des pignons est recouverte de bardeaux ou de planches pour aĂ©rer le grenier. Dans les hautes vallĂ©es, les prairies de fauche l’emportent de sorte qu’il faut un fort volume d’engrangement dans les fermes. Les hautes vallĂ©es pratiquent les activitĂ©s sylvo-pastorales avec une place importante accordĂ©e Ă  l’industrie laitiĂšre, notamment dans le val d’Orbey[63]. Le climat d’abri rendu possible par les hauts sommets des crĂȘtes qui prennent l’essentiel des prĂ©cipitations autorise une implantation des fermes sur les versants de l’adret oĂč l’on vit toute l’annĂ©e avec des activitĂ©s annexes nĂ©cessitant un atelier ou des remises. L’usoir disparaĂźt en montagne dans la pente ; Ă  la place, un chemin mĂšne sur la cour latĂ©rale qui permet de tourner autour de la maison et de se rendre Ă  la porte cochĂšre ou piĂ©tonne. Le potager est de l’autre cĂŽtĂ© non loin du pignon de la travĂ©e habitation[63]. Le toit est trĂšs inclinĂ© et la couleur bleutĂ©e des ardoises hexagonales de Belgique ou d'Angers[64] associĂ©e aux couleurs vives des portes et volets donne un cachet esthĂ©tique caractĂ©ristique Ă  la maison de la vallĂ©e de la Weiss. Les chambranles de fenĂȘtres et les encadrements de portes en grĂšs des Vosges contribuent aussi Ă  la cohĂ©rence ornementale du corps de bĂątiment.

Bilan des similitudes et divergences notoires :

ModĂšle basique du plateau

  • Mur gouttereau avant donnant sur la rue
  • Mur gouttereau arriĂšre donnant sur le jardin
  • Tuile canal, puis tuile mĂ©canique
  • MitoyennetĂ© trĂšs frĂ©quente
  • Aucune rampe d’accĂšs au grenier
  • Construction sur terrain plane (plaine, plateau)
  • Aucune ramĂ©e sur pignon
  • ModĂšle en profondeur plus frĂ©quent
  • Demi-croupe rare en plein village

Maison haute vallée de la Weiss

  • Mur gouttereau avant donnant sur le bas de la vallĂ©e
  • Mur gouttereau arriĂšre donnant sur la route
  • Ardoises ou tuile Ă©caille
  • Aucune mitoyennetĂ©
  • Rampe d’accĂšs au grenier depuis la route Ă  l’arriĂšre
  • Construction sur la pente des versants
  • RamĂ©e sur la partie supĂ©rieure des pignons
  • ModĂšle en largeur
  • Demi-croupe possible, mais pas gĂ©nĂ©ralisĂ©e

Maison de montagne cÎté lorrain

  • Mur pignon avant donnant sur la vallĂ©e
  • Mur pignon arriĂšre donnant sur la route de desserte
  • Bardeaux, puis tuiles mĂ©caniques
  • Aucune mitoyennetĂ©
  • AccĂšs au grenier directement depuis le chemin ou par une passerelle (pas de grande rampe)
  • Construction sur la pente des versants
  • Grande ramĂ©e sur les pignons et parfois les murs latĂ©raux
  • ModĂšle en largeur mais cĂŽtĂ© pignon
  • Pas de demi-croupe

La vallée de la Bruche et val de Villé

Ferme Ă  toit de chaume Ă  Belmont en 1906.
Village de Ranrupt avec maisons à 3 travées et demi-croupe.

Si l’aire culturelle historique romano-lorraine dĂ©borde Ă  l’Est les limites rĂ©gionales, donc au-delĂ  des cols du massif vosgien, il ne faut pas omettre de prĂ©ciser aussi que la culture alsacienne s’est progressivement introduite dans les hautes vallĂ©es alsaciennes welches Ă  plusieurs niveaux. Somme toute, le contact des Vosgiens avec les Alsaciens germanophones remonte dĂ©jĂ  au Moyen Âge avec des seigneurs habituĂ©s Ă  la diglossie et aux affaires politiques mĂȘlant des souverains de chaque cĂŽtĂ© des crĂȘtes (Dabo, Salm, Lorraine, RibeauvillĂ©, bailliage de VillĂ©, Munster, Murbach entre autres). Ensuite, le passage du canton de Schirmeck du dĂ©partement des Vosges Ă  l’Alsace remonte maintenant Ă  presque 150 ans avec la convention additionnelle signĂ©e le Ă  Paris[65] ; dix-huit communes des Vosges passent en Basse-Alsace dans la terre d’Empire d’Alsace-Lorraine[66]. À cela s’ajoute la particularitĂ© de l’enclave du Ban de la Roche, terre de refuge et d’accueil pour les protestants luthĂ©riens, rĂ©formĂ©s et anabaptistes restĂ©s majoritairement francophones aux portes des terres du temporel de l’évĂȘchĂ© de Strasbourg et du chapitre cathĂ©dral de Saint-DiĂ©. Le brassage des cultures, des langues et religions s’y exprime davantage que sur la façade lorraine : l’immigration suisse, alsacienne, franc-comtoise et française contribue Ă  une cohabitation qui ne peut qu’influencer les habitudes culturelles et artistiques.

Ceci Ă©tant posĂ©, le bĂąti de la vallĂ©e de la Bruche et du val de VillĂ© se lorrainise au fur et Ă  mesure que l’on s’approche des cols de Saales, du Donon, de Hantz ou d'Urbeis. Ces deux vallĂ©es dĂ©marrent Ă  l'est par une partie alsacienne et finissent Ă  l'ouest dans la sphĂšre d'influence vosgienne. Deux gros massifs Ă  cheval sur la frontiĂšre linguistique germano-romane enserrent la vallĂ©e de la Bruche : celui du Donon et celui du Champ du Feu. Vu le caractĂšre de moyenne montagne qui prĂ©domine dans le secteur, c’est le modĂšle non jointif avec demi-croupe flanquĂ©e d’une ramĂ©e sur le pignon qui caractĂ©rise l’habitat local. Cette variante des rĂ©gions collinĂ©ennes Ă©talĂ©e sur les pays grĂ©seux de Lorraine et dans la vallĂ©e moyenne de la Meurthe s’étend de l’autre cĂŽtĂ© en Alsace. Dans les hameaux, comme ci-contre Ă  Ranrupt, la mitoyennetĂ© rĂ©apparaĂźt mais pas de maniĂšre excessive. On y observe toujours les schĂ©mas des trois travĂ©es avec les ouvertures sur le mur gouttereau, soit perpendiculaire Ă  la rue, soit parallĂšles quand c’est le pignon qui donne sur la rue avec une cour latĂ©rale donnant sur les portes cochĂšre et piĂ©tonne. Toutes les variantes apparaissent de la plus simple au modĂšle Ă  un Ă©tage volumineux voire Ă  quatre travĂ©es.

La maison de la vallĂ©e de la Bruche, comme celle du val de VillĂ© voisin, se distingue du bassin lorrain outre-Vosges par le maintien du toit de chaume jusqu’au dĂ©but du XXe siĂšcle[n 7]. Le chaume est trĂšs adaptĂ© aux versants pentus (entre 35 45°) des toits Ă  demi-croupe comme on le retrouve encore en Allemagne du Nord, aux Pays-Bas, mais aussi en Normandie ou dans la BriĂšre. Dans ces rĂ©gions, la rĂ©introduction et la sauvegarde du chaume sont encouragĂ©es par les collectivitĂ©s locales. Ce n’est pas encore le cas dans le Bas-Rhin oĂč la tuile Ă©caille prĂ©domine longtemps sans grande concurrence. Le matĂ©riau chaume a disparu depuis 1910 quand la culture du seigle a Ă©tĂ© abandonnĂ©e[64].

Le cas particulier des maisons jumelles donne un cachet particulier Ă  l’habitat de cette vallĂ©e des Vosges alsaciennes. Il s’agit d’une maison non mitoyenne de type submontagnard Ă  demi-croupe avec toit de chaume puis de tuiles plates dont les travĂ©es sont coupĂ©es en deux dans le sens de la faĂźtiĂšre. Le bĂątiment abrite deux logements quasi symĂ©triques dos Ă  dos.

  • Grand-rue Ă  Maisonsgoutte
    Grand-rue Ă  Maisonsgoutte
  • TrĂšs gros modĂšle de la « maison vosgienne des pays grĂ©seux » Ă  Climont
    TrÚs gros modÚle de la « maison vosgienne des pays gréseux » à Climont
  • ModĂšle des pays grĂ©seux, rĂ©novĂ©, Ă  Fouchy
    ModÚle des pays gréseux, rénové, à Fouchy
  • Ferme ayant adaptĂ© l’entrĂ©e de grange Ă  Fouchy
    Ferme ayant adaptĂ© l’entrĂ©e de grange Ă  Fouchy
  • ModĂšle hybride vosgien-alsacien Ă  Bassemberg
    ModĂšle hybride vosgien-alsacien Ă  Bassemberg

Maisons fortes

Gérard Giuliato[67] situe l'apparition des maisons fortes entre 1250 et 1340, le plus souvent érigées par des chevaliers sous le contrÎle des princes. Ces derniers imposent des rÚgles de construction et en limitent le niveau de fortification. Comme en Normandie, les maisons fortes ont comme rÎle de renforcer les frontiÚres.

À proximitĂ© de la ville de Toul, il subsiste de nombreuses maisons fortes que l'on peut toujours contempler dĂ©nommĂ©es communĂ©ment « maisons fortes du Toulois ». Le plus souvent ces maisons fortes sont de forme carrĂ©e de quatre niveaux de hauteur, flanquĂ©es de quatre tours.

On peut citer, de maniĂšre non exhaustives, celles de Sexey-aux-Forges ou de Villey-Saint-Étienne ainsi que celles communĂ©ment appelĂ©es « chĂąteaux », de Boucq ou de Bouvron.

Notes et références

Notes

  1. Guy Cabourdin ne souscrit pas entiĂšrement Ă  cette thĂ©orie comme nous l’explique Jean Peltre dans son article sur la thĂšse de Cabourdin en 1975 : « Ces maisons sont jointives, au moins par rangĂ©es. Des crĂ©neaux restent libres, au moins provisoirement. Mais l'auteur ne croit pas Ă  l'engraissement progressif du village-rue, suggĂ©rĂ© pourtant par de multiples documents. ImpressionnĂ© par la frĂ©quence des « places maziĂšres » du milieu du XVe siĂšcle au milieu du XVIe siĂšcle, de 1598 Ă  1608 ensuite, tandis qu'elles sont exceptionnelles de 1560 Ă  1598 et de 1608 Ă  la guerre de Trente ans, il propose une autre hypothĂšse. Les crĂ©neaux libres seraient en rĂ©alitĂ© des places Ă  bĂątir anciennement occupĂ©es car village-rue et maisons en profondeur Ă©taient dĂ©jĂ  en place au milieu du Moyen Age. Aux wĂŒstungs du bas Moyen Age, consĂ©quences du dĂ©clin de la population et des activitĂ©s rurales, correspondraient donc les « places maziĂšres » des villages toujours debout. L'hypothĂšse est sĂ©duisante mais rien ne prouve une aussi grande anciennetĂ© du village-rue et de la maison bloc en profondeur qui ne sont d'ailleurs pas liĂ©s organiquement. »
  2. Si le mĂ©moire insiste par deux fois sur le paradoxe de la « nouvelle place » pour ce problĂšme c'est qu'elle vient juste d'ĂȘtre construite : il s'agit de la place Stanislas construite en lieu et place du pĂąquis oĂč se tenaient depuis des siĂšcles les foires aux bestiaux Ă  BruyĂšres. Il est Ă©tonnant que des bĂątiments urbains en pierres de taille aient reçu une couverture en bardeaux.
  3. Nancy comptait Ă  cette Ă©poque environ 35 000 habitants.
  4. Le « solaire » est un vent du sud et la « djosĂšne » ou « ardĂȘne » est un vent humide du nord-ouest ; les deux sont anecdotiques comparĂ©s aux influences ocĂ©aniques et continentales. Le « heutcherand » est le vent qui amĂšne la pluie, celui qui siffle par les portes, on parle Ă©galement tout simplement de « grand vent ».
  5. A minima en Lorraine belge.
  6. A minima dans l'ancienne excroissance géographique de lorraine qui allait de Vaudrevange jusqu'à Tholey, celle-ci fut cédée à la Prusse dans le cadre des traités de Paris (1814 et 1815).
  7. Pour voir une photo ancienne d’une maison avec toit de chaume dans la vallĂ©e de la Bruche voir par exemple la premiĂšre photographie sur : « Sauvegarde de la maison alsacienne : La toiture », sur ASMA, .

Références

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Voir aussi

Bibliographie

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Articles connexes

Lien externe

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