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Anabaptisme

L'anabaptisme est le nom donné à un ensemble de courants chrétiens apparus au début du XVIe siècle, issus de la Réforme radicale et apparus concurremment à différents endroits de Suisse, des Pays-Bas et du Saint-Empire germanique, sous le nom de Täufer (baptistes) ou Wiedertäufer (re-baptisants/-seurs). Ces courants mettent l'accent sur les communautés de convertis et le baptême des croyants adultes.

Le terme, issu du grec ecclésiastique ἀνά βαπτίζειν / aná baptízein, signifiant « baptiser à nouveau » est un sobriquet donné par leurs détracteurs à ces « re-baptiseurs ». Les principaux groupes anabaptistes historiques sont les huttérites, les mennonites et les « Frères suisses ». Le mouvement se perpétue également au travers des mouvements Amish et les Frères de Schwarzenau (en).

Histoire

Confession de Schleitheim imprimée en 1550, exposée dans la salle anabaptiste du musée d’histoire locale de Schleitheim, Suisse.
Diffusion de l'anabaptisme 1525-1550.

Provenant à l'origine des adversaires de ce courant de pensée, l'anabaptisme est le nom donné à différents courants issus de la Réforme radicale et apparus concurremment à différents endroits de Suisse, des Pays-Bas et du Saint-Empire germanique[1].

Ces courants ont généralement en commun de mettre l'accent sur les communautés de convertis et de pratiquer le baptême des croyants adultes[2] après leur profession de foi, se distinguant ainsi de la Réforme luthérienne et calviniste par le refus du baptême des enfants[3], qu’ils ne reconnaissent pas[4]. Leur proposition d'être à nouveau baptisés adulte à ceux qui avaient été baptisés enfants par d’autres confessions, leur vaut le sobriquet d’« anabaptiste », c’est-à-dire « rebaptiseur »[5]

Frères suisses

Le mouvement des Schweizer Brüder (ou « Frères suisses ») commence le 21 janvier 1525 dans la maison de Felix Manz à Zollikon en Suisse, quand Conrad Grebel a réuni un groupe de chrétiens convaincus de l'importance du baptême du croyant, rejetant ainsi le baptême des enfants. Grebel a ainsi exercé le premier baptême du croyant[6]. Cette date est considérée par certains comme celle de la fondation de l'anabaptisme moderne, alors que d'autres anabaptistes soutiennent qu'il n'a jamais été refondé et qu'il n'est que la continuation des groupes anabaptistes primitifs cités plus haut.

La Confession de Schleitheim est publiée en 1527 par les Frères suisses, un groupe d’anabaptistes, dont Michael Sattler à Schleitheim qui résume la foi chrétienne en 7 points[7].

Dans les faits, de petites communautés de croyants sont réunies dans des conventicules, le plus souvent clandestins, afin de lire la Bible. Les chefs des communautés sont des laïcs qui officient en habit civil. La discipline est importante pour maintenir une pureté éthique et doctrinale.

La progression de l'anabaptisme en Europe centrale est un véritable problème pour les autorités religieuses catholiques ou protestantes en place, puisqu'il incite les personnes à ne pas faire baptiser leur enfant avant leur prise de conscience, ce qui risque de les priver du salut selon la doctrine catholique ou protestante traditionnelle[8]. Par ailleurs, sur le plan politico-religieux, les anabaptistes refusent la soumission de la religion au prince[9]. Ils ne s'engagent pas dans l'armée.

Les sociétés anabaptistes sont pacifistes et opposées à la guerre[10]. Face à l’opposition qu'inspire l’absence de baptême chez les autres chrétiens, les anabaptistes se déplacent dans les campagnes. Entre 1525 et 1529, il y a 29 sociétés anabaptistes à Zurich et 10 à Schaffhouse. Les anabaptistes ont été très violemment persécutés dans les cantons de Zurich et de Berne. Certains émigrent aux États-Unis. D'autres se réfugient dans les hauteurs du Jura[11].

Huttérisme

L'huttérisme a ses origines dans la fondation d'une communauté anabaptiste en 1528 à Austerlitz (Moravie) par Jacob Hutter[12].

Dissidences

En 1521, Thomas Müntzer, alors pasteur luthérien, rompt avec Luther alors qu'il réside à Prague. Avec Nicholas Storch, ils prêchent les idées anabaptistes en Bohême et en Silésie, tout en prônant une réforme plus radicale des institutions sociales. Les idées de Müntzer et de Storch remettent en cause la propriété privée du sol, rencontrant beaucoup de succès parmi les paysans. Müntzer rêve de fonder une sorte de « théocratie anarcho-communiste » en Allemagne[13] - [14]. Il est fait prisonnier au cours d'une déroute de son armée et est exécuté. La guerre des Paysans allemands ou « guerre des gueux » s'éteint en 1525, noyée dans le sang[15].

L'anabaptisme n'en est pas mort pour autant. Le rêve caressé par Müntzer subsiste dans le cœur de certains. Ainsi Jan Matthijs et Jean de Leyde prennent la tête d'une insurrection pour établir une théocratie dans la ville de Münster. L'armée coalisée des princes ne tarde pas à mettre le siège devant la ville révoltée. Les assiégés, fanatisés par leur propre résistance, donnent libre cours à leur imagination religieuse : Jean de Leyde, par exemple, comme d'ailleurs David Joris (un autre chef anabaptiste pacifiste quant à lui), va jusqu'à se proclamer successeur de David et, à l'instar de ce roi, s'unit à plusieurs femmes.

Dans les années 1530, Melchior Hoffman fait des aller-retours réguliers entre Strasbourg et la Frise. Pensant que la fin du monde est proche en 1538, il s'empresse de (re)baptiser plus de trois cents personnes à Frise. Ses disciples vont jusqu'à Münster où Jean de Leyde gagne les élections et fonde un règne eschatologique du Christ.

Quand, en 1535, après une année de siège et de résistance opiniâtre, la ville est prise d'assaut, Jean de Leyde et ses lieutenants succombent sous la torture. Les anabaptistes dits « conquérants » sont traqués et poursuivis dans toute l'Allemagne et jusqu'en Suisse. Ceux d'entre eux qui en réchappent se rallient aux anabaptistes dits « pacifiques », communion strictement religieuse, mettant l'accent sur le baptême des adultes et sur l'inspiration personnelle dans l'interprétation de la Bible.

Le terme a ainsi pris historiquement un sens politique, car ce mouvement s'opposa au pouvoir politique et religieux en place en Rhénanie (révolte de Münster) et dans le canton de Berne au XVIe siècle[16] - [17].

Mennonisme

Équipe de louange, The Meeting Place à Winnipeg, Canadian Conference of Mennonite Brethren Churches.
Centre de musique du Goshen College Ă  Goshen (Indiana), Mennonite Church USA.

Le mennonisme a ses origines dans un groupe d’anabaptistes des Pays-Bas [18] - [19]. En 1537, Menno Simons, un ancien prêtre catholique de la Frise, est ordonné ancien par l’ancien Obbe Philips et devient dirigeant de la communauté[20]. En 1540, la publication de Fondation de la doctrine chrétienne, un livre théologique sur les croyances et pratiques anabaptistes, par Menno Simons aux Pays-Bas a donné naissance au mennonisme[21]. Cette publication et d'autres ont contribué à la formation du mennonisme, dont certaines doctrines inspireront plus tard aussi le christianisme évangélique[6]. En 1544, le terme « mennonite » est employé pour la première fois par un pasteur et servira à désigner les anabaptistes des Pays-Bas[22]. La Conférence mennonite mondiale est fondée lors de la première Conférence mennonite mondiale à Bâle, en Suisse, en 1925 pour célébrer les 400 ans de l'anabaptisme[23]. Selon un recensement de la dénomination publié en 2022, elle aurait 109 dénominations membres dans 59 pays, et 1,47 million de membres baptisés dans 10 300 églises [24].

Amish

Le mouvement Amish se formalise avec le pasteur anabaptiste de Sainte-Marie-aux-Mines Jakob Amman en 1693 avec des communautés de régions reculées de l'Oberland bernois et de la vallée de l'Emmental [25]. Il a plusieurs inquiétudes sur le relâchement doctrinal et le manque de rigueur dans la discipline qu'il croit notamment observer dans les communautés suisses. Faute d'accord, le schisme divise la communauté anabaptiste. Sur 69 pasteurs, 27 furent en faveur de Jakob Amman dont 20 en provenance d'Alsace et cinq du Palatinat. La grande majorité des anabaptistes alsaciens deviennent donc amish.

Frères de Schwarzenau

Les Brethren (les Frères) de Schwarzenau apparaissent dans le Palatinat allemand vers 1708, où Alexander Mack et ses partisans se baptisent dans la rivière Eder[26]. Appelés d'abord « Frères baptistes allemands », ils émigrent en Amérique du Nord où ils fondent différentes Églises, dont la principale est l’Église des Frères.

L'anabaptisme aujourd'hui

Parmi les groupes anabaptistes originaux encore présents, on retrouve principalement les amish, les Frères de Schwarzenau (en), les huttérites et les mennonites[27].

En 2018, il y aurait 2,13 millions d'anabaptistes baptisĂ©s dans 86 pays[28], en nette augmentation depuis 1990, oĂą l'on dĂ©nombrait alors 860 000 membres baptisĂ©s[29].

Notes et références

  1. voir (en) Andrea Strübind, « The Polygenesis of Anabaptism », dans Brian C. Brewer (éd.), T&T Clark Handbook of Anabaptism, T&T Clarck, (ISBN 978-0-567-68949-8), p. 13-32
  2. Sébastien Fath, Les Protestants, Le Cavalier Bleu, coll. « Idées reçues », (ISBN 978-2-84670-671-1, lire en ligne)
  3. Françoise Fischer-Naas, « Les Assemblées anabaptistes-mennonites de la Haute Vallée de la Bruche (1708-1870) », Revue d’Alsace, no 137,‎ , p. 461–472 (ISSN 0181-0448, DOI 10.4000/alsace.1295, lire en ligne, consulté le )
  4. Randall Herbert Balmer, Encyclopedia of Evangelicalism: Revised and expanded edition, Baylor University Press, USA, 2004, p. 23
  5. Sébastien Fath, Du ghetto au réseau : Le protestantisme évangélique en France (1800-2005), Labor et Fides, (ISBN 978-2-8309-1139-8), p. 71
  6. Olivier Favre, Les églises évangéliques de Suisse: origines et identités, Suisse, Labor et Fides, , p. 67.
  7. J. Philip Wogaman, Douglas M. Strong, Readings in Christian Ethics: A Historical Sourcebook, Westminster John Knox Press, USA, 1996, p. 141
  8. John Roth, James Stayer, A Companion to Anabaptism and Spiritualism, 1521-1700, BRILL, Leiden, 2007, p. 479, 482
  9. Olivier Favre, Les églises évangéliques de Suisse: origines et identités, Labor et Fides, Genève, 2006, p. 68-69
  10. Britannica, Anabaptist, britannica.com, USA, consulté le 5 novembre 2022
  11. Pierre-Yves Moeschler, « Les anabaptistes dans la montagne Jurassienne », Passé Simple,‎
  12. (en) Donald B. Kraybill, Concise Encyclopedia of Amish, Brethren, Hutterites, and Mennonites, USA, JHU Press, , p. 110.
  13. Thomas Müntzer, théologien de la révolution (Ernst Bloch)
  14. (en) The pursuit of the millennium : revolutionary millenarians and mystical anarchists of the Middle Ages, Londres, Maurice Temple Smith Ltd., 1970 ; Londres, Paladin, 1970 ; New York, Oxford University Press, 1970 ;rééd. augmentée Oxford University Press, 1992 (ISBN 0195004566) ; Londres, Pimlico, 1993 (ISBN 0712656642) (Norman Cohn)
  15. Sébastien Fath, « Anabaptisme, le soulèvement des convertis », Sciences humaines, no 280,‎ , p. 40-43 (lire en ligne)Accès payant.
  16. John Roth, James Stayer, A Companion to Anabaptism and Spiritualism, 1521-1700, BRILL, Leiden, 2007, p. 508, 219
  17. (en) This is my Heritage, Gospel Publishers, Church of God in Christ, Mennonite, , 136 p., p. 72.
  18. Kraybill 2010, p. 141.
  19. Mark Juergensmeyer, Wade Clark Roof, Encyclopedia of Global Religion, Volume 1, SAGE, USA, 2012, p. 129
  20. Erwin Fahlbusch, Geoffrey William Bromiley, The Encyclopedia of Christianity, Volume 3, Wm. B. Eerdmans Publishing, USA, 2003, p. 492
  21. Ed Hindson, Dan Mitchell, The Popular Encyclopedia of Church History, Harvest House Publishers, USA, 2013, p. 306
  22. William R. Estep, The Anabaptist Story: An Introduction to Sixteenth-Century Anabaptism, Wm. B. Eerdmans Publishing, USA, 1996, p. 170
  23. J. Gordon Melton, Martin Baumann, Religions of the World: A Comprehensive Encyclopedia of Beliefs and Practices, ABC-CLIO, USA, 2010, p. 1859
  24. (en) Mennonite World Conference, About MWC, mwc-cmm.org, Canada, consulté le 19 septembre 2022
  25. Robert Baecher, raisons et déroulement du schisme amish, une nouvelle perspective, in Lydie Hege et Christoph Wiebe Wiebe, Les Amish, origines et particularismes 1693-1993, actes du colloque international de Sainte-Marie aux Mines, 19-21 août 1993, Ingersheim, AFHAM, , 368 p. (ISBN 2-9509333-0-0), p. 40-53.
  26. Kraybill 2010, p. 97.
  27. Kraybill 2010, p. XIV.
  28. Mennonite World Conference, Carte & Statistiques, mwc-cmm.org, Canada, consulté le 5 décembre 2020.
  29. Laurent Gagnebin, Le Protestantisme, Paris, Flammarion, , p. 95.

Voir aussi

Recherche

  • Pierre-Olivier LĂ©chot, La RĂ©forme (1517-1564), Paris, Presses universitaires de France/Humensis, coll. « Que sais-je ? » (no 4077), (ISBN 978-2-7154-0580-6), chap. IV (« Le mouvement anabaptiste »), p. 62-70.
  • (en) Brian C. Brewer (Ă©d.), T&T Clark Handbook of Anabaptism, T&T Clarck, , 648 p. (ISBN 978-0-567-68949-8).
  • Neal Blough, Les rĂ©voltĂ©s de l'Évangile : Balthasar Hubmaier et les origines de l'anabaptisme, Paris, Cerf, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-204-11883-5).
  • Denis Kennel, De l'esprit au salut : Une anthropologie anabaptiste, Cerf, coll. « Patrimoines », (ISBN 978-2-204-11410-3).
  • (en) Kat Hill, Baptism, Brotherhood, and Belief in Reformation Germany : Anabaptism and Lutheranism, 1525-1585, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-104796-1).
  • (en) Gary K. Waite, Eradicating the Devil's Minions : Anabaptists and Witches in Reformation Europe, 1525-1600, University of Toronto Press, , 319 p. (ISBN 978-0-8020-9155-0).
  • (en) John Roth (Ă©d.) et James Stayer (Ă©d.), A Companion to Anabaptism and Spiritualism, 1521-1700, Leiden, BRILL, , 574 p. (ISBN 978-90-04-15402-5).
  • Lydie Hege et Lydie Christophe Wiebe, Les Amish. Origine et particularismes 1693-1993 : Actes du colloque international de Sainte-Marie-aux-Mines, 19-21 aoĂ»t 1993, Ingersheim,, Association française d'histoire anabaptiste-mennonite, .
  • Neal Blough (dir.), JĂ©sus-Christ aux marges de la RĂ©forme, DesclĂ©e, coll. « JĂ©sus et JĂ©sus-Christ » (no 54), (ISBN 978-2-7189-0790-1).
  • Claude Baecher, L'Affaire Sattler, Ă©ditions Sator, (ISBN 9782735002979).
  • (en) Norman Cohn (trad. Maurice Angeno), Les Fanatiques de l'Apocalypse : MillĂ©naristes rĂ©volutionnaires et anarchistes mystiques au Moyen Ă‚ge, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », (ISBN 2228132101), chap. XII (« Le millĂ©nium Ă©galitaire »).
  • Charles Mathiot & Roger Boigeol, Recherches historiques sur les Anabaptistes de l'ancienne principautĂ© de MontbĂ©liard, d'Alsace et du territoire de Belfort, Ă©ditions Le Phare, Flavion, 1969.

Essais

  • Stuart Murray, Radicalement chrĂ©tien, Angleterre, Excelsis, .
  • Patrice de Plunkett, Les ÉvangĂ©liques Ă  la conquĂŞte du monde, Perrin, France, 2009.
  • Jean SĂ©guy, Les AssemblĂ©es anabaptistes-mennonites de France, Mouton & Co, Paris et La Haye, 1977 (ISBN 2713200032).
  • « Les Anabaptistes mennonites d'Alsace », in Saisons d'Alsace no 76, librairie Istra, 1981.
  • (de) Host Erlach, Mein Reich ist nicht von dieser Welt, Im Selbstverlag Verfassers, 1993.
  • Arnold Snyder, Graines d'anabaptisme - ÉlĂ©ments fondamentaux de l'identitĂ© anabaptiste, Ă©ditions Mennonites, MontbĂ©liard, 2000 (ISBN 2904214615).

Romans

Bandes dessinées

  1. Tome 1, Joss Fritz, 2010
  2. Tome 2, Thomas MĂĽnzer, 2014
  3. Tome 3, Jan Van Leiden, 2017
  4. La Passion des Anabaptistes - L'Intégrale, 2017

Filmographie

Articles connexes

Liens externes


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