Ancien (christianisme)
Un ancien est, dans le Nouveau Testament et dans les Ă©glises chrĂ©tiennes, un des responsables dâune Ă©glise locale.
Origine du terme
Le terme dĂ©signe dans le Nouveau Testament un responsable dâune Ă©glise chrĂ©tienne locale[1]. Câest ainsi quâa Ă©tĂ© traduit le terme grec presbuteros. Son emploi dans les premiĂšres Ă©glises palestiniennes vient de la tradition des synagogues qui Ă©taient administrĂ©es par un conseil dâanciens, impliquant dâemblĂ©e une certaine collĂ©gialitĂ©. Mais lâappellation âancienâ Ă©tait dĂ©jĂ bien connue dans lâAncien Testament et dans lâantiquitĂ© du Moyen-Orient, oĂč elle dĂ©signait ceux qui avaient pour fonction dâadministrer la justice et de diriger le peuple au niveau local, ou tribal ou Ă lâĂ©chelle de la nation. Plus tard, Ă lâĂ©poque romaine (Ă partir du Ier siĂšcle av. J.-C. et jusque 70 apr. J.-C.) le Grand SanhĂ©drin de JĂ©rusalem, qui gĂ©rait les affaires religieuses en JudĂ©e Ă©tait composĂ© de grands-prĂȘtres, mais aussi dâanciens choisis parmi le peuple. Il fallait avoir plus de trente ans pour prĂ©tendre Ă cette fonction.
Dans le Nouveau Testament, le terme ancien ne se distingue pas forcĂ©ment dâautres noms utilisĂ©s pour dĂ©signer les responsables de lâĂ©glise. En effet, lâancien y est aussi appelĂ© Ă©vĂȘque (episcopos), et sa charge inclut de âfaire paĂźtre lâEglise de Dieuâ (Actes des ApĂŽtres 20,28)[2]. Il est donc aussi âpasteurâ en ce sens. La premiĂšre Ă©glise chrĂ©tienne, en Palestine, sâest inspirĂ©e dâun modĂšle plutĂŽt collĂ©gial ou oligarchique courant dans la culture grĂ©co-romaine, sans relation hiĂ©rarchique a priori (sans exclure non plus la prĂ©Ă©minence de certains). Dans dâautres rĂ©gions, les Ă©glises se sont inspirĂ©es du modĂšle associatif qui existait Ă lâĂ©poque dans le monde grec, un rĂŽle plus important pouvait ĂȘtre attribuĂ© Ă un surveillant et chef de la synagogue (lâĂ©piscope). On voit donc ici la souplesse et lâadaptabilitĂ© des premiĂšres Ă©glises chrĂ©tiennes par rapport Ă leur environnement.
Qualifications et fonctions dâun ancien
Les qualifications nĂ©cessaires au ministĂšre dâancien sont indiquĂ©es dans trois textes du Nouveau Testament : 1 TimothĂ©e 3,1-7, Tite 1,5-9 et 1 Pierre 5,1-4[3]. Elles relĂšvent de la vie spirituelle (attachement Ă lâĂcriture, saintetĂ©âŠ) de lâĂ©thique personnelle (modĂ©ration, maĂźtrise de soi, patienceâŠ), de la vie familiale (monogamie et bonne tenue de la maison, hospitalitĂ©), de la rĂ©putation vis-Ă -vis de la sociĂ©tĂ©, mais aussi des nĂ©cessitĂ©s propres au ministĂšre : aptitude Ă enseigner les croyants pour enraciner dans l'Ăcriture leur foi au Christ, Ă les exhorter Ă tenir ferme et Ă progresser dans la mise en pratique de cet enseignement, et capacitĂ© Ă rĂ©sister aux dĂ©viances doctrinales en rĂ©futant les idĂ©es Ă©trangĂšres Ă l'Evangile[4].
La fonction dâun ancien est de veiller Ă la vie communautaire, Ă lâenseignement et Ă la marche gĂ©nĂ©rale de lâĂ©glise. On peut, selon Alfred Kuen[5], rassembler son domaine de compĂ©tence par quatre verbes : diriger la communautĂ©, veiller Ă lâintĂ©gritĂ© de la foi transmise par les apĂŽtres, nourrir les Ăąmes par lâenseignement de lâĂcriture, et soigner en aidant les membres en difficultĂ©. Dans le Nouveau Testament, la procĂ©dure liĂ©e Ă lâinstitution dâun ancien fait lâobjet de dĂ©bats et dĂ©pend de lâinterprĂ©tation dâun terme grec qui peut ĂȘtre traduit âĂ©lireâ ou âdĂ©signerâ, âinstituerâ.
Catholicisme
Dans le catholicisme, il y a une rĂ©partition tripartite et hiĂ©rarchique des fonctions entre ancien (ou prĂȘtre une autre traduction de presbuteros), Ă©vĂȘque et diacre[6].
Protestantisme
Dans le protestantisme, les églises luthériennes, presbytériennes et réformées, confient la direction des paroisses à un conseil presbytéral[7]. Le terme de "conseiller presbytéral" est le terme couramment utilisé en lieu et place du terme "ancien" dans les églises luthériennes, presbytériennes et réformées. Ces conseillers presbytéraux sont élus au suffrage universel par la communauté. Le conseil presbytéral, dont le pasteur est un membre, détient toute autorité sur l'organisation, les finances et la direction de la paroisse dans les domaines tant spirituels que matériels.
Tradition réformée
Dans la tradition protestante rĂ©formĂ©e, on distingue souvent plus nettement entre les ministĂšres dâanciens dĂ©diĂ©s Ă la parole et aux sacrement, qui relĂšvent plus dâun pasteur ordonnĂ©, et les ministĂšres dâanciens orientĂ©s vers la direction et lâadministration, pour lesquels des laĂŻcs sont instituĂ©s afin de partager ces responsabilitĂ©s avec le pasteur[8]. Cette structuration issue de la pensĂ©e par Calvin a nĂ©anmoins Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement discutĂ©e face Ă une vision plus collĂ©giale de la direction spirituelle[9] oĂč le la charge pastorale est elle-mĂȘme portĂ©es par tous les anciens.
Christianisme évangélique
Dans le christianisme Ă©vangĂ©lique, le ministĂšre dâancien est prĂ©sent dans certaines Ă©glises avec des fonctions semblables Ă celles du pasteur[10]. Pour d'autres, lâancien est un responsable laĂŻc de lâĂ©glise et membre de lâĂ©quipe qui entoure le pasteur. Dâautres Ă©glises fonctionnent sur un modĂšle similaire sans forcĂ©ment utiliser le terme 'ancien'.
Dans un certain nombre de communautĂ©s, l'Ă©glise est dirigĂ©e par un conseil dâanciens, avec une insistance trĂšs forte sur la collĂ©gialitĂ©[11]. Quand il y a un pasteur, celui-ci nâest que lâun des membres du conseil, sans autoritĂ© supĂ©rieure.
Dans la pratique, la procĂ©dure de choix et dâinstitution dâun ancien est variable selon les Ă©glises locales. La plupart des Ă©glises demandent toutefois Ă leurs membres de confirmer le choix d'un ancien par un vote (Ă bulletin secret ou Ă main levĂ©e), la sĂ©lection prĂ©alable se faisant soit par candidature spontanĂ©e, ou par cooptation du conseil d'anciens, ou encore par un vote initial des membres (p. ex. un vote libre visant Ă faire Ă©merger des candidats Ă la fonction)[12]. La reconnaissance d'un nouvel ancien peut aussi se conclure par une priĂšre solennelle oĂč les anciens posent leurs mains sur leur nouveau collĂšgue (imposition des mains) et prient pour lui en signe de solidaritĂ© et de reconnaissance (comme le laisse entendre 1 TimothĂ©e 4,14, ou encore la mise en place dâautres services ou ministĂšres dans les Actes des ApĂŽtres). La fonction d'ancien peut faire l'objet d'un mandat limitĂ© dans le temps ou non, selon les Ă©glises.
Articles connexes
Bibliographie
- La Nouvelle Bible Second, Société Biblique française, Villiers-le-Bel, 2002.
- FrĂ©dĂ©ric BUHLER, LâĂ©glise Locale : un manuel pratique, Ăditions Farel, Fontenay-sous-Bois, 1979.
- Timothy COLLISTER, âEldersâ, in ss dir. Rodney J. HUNTER, Dictionary of Pastoral Care and Counseling, Abingdon Press, Nashville, 1990, p. 348.
- Henri DâESPINE, Les Anciens, Conducteurs de lâĂglise, Cahiers ThĂ©ologiques de lâActualitĂ© Protestante no 7, Delachaux et NiestlĂ©, NeuchĂątel, 1946.
- David FOUNTAIN, âAuthority and Eldersâ, in Eroll HUISE, David FOUNTAIN, Herbert CARSON & al, The Ideal Church : Papers Read at the Carey Conference, Henry E. Walter and Carey Publications, Haywards Heath, 1972, p. 13-19.
- Alfred KUEN, Les ministĂšres dans lâĂ©glise, sĂ©rie Ekklesia, Cahiers EmmaĂŒs, Ă©ditions EmmaĂŒs, St Legier, 1983.
- Christopher MOODY, âPresbyterâ, in ss dir. Wesley CARR, New Dictionary of pastoral studies, Eedmans, Grand Rapids, 2002, p. 281.
- ss dir. A. WESTPHAL, « anciens », in ss dir. A. WESTPHAL Dictionnaire encyclopédique de la Bible, 3e édition 1973 (1932-1935), p. 48.
Notes et références
- Mal Couch, A Biblical Theology of the Church, Kregel Publications, USA, 1999, p. 86
- Sigurd Grindheim, Introducing Biblical Theology, Bloomsbury Publishing, UK, 2013, p. 198
- Mal Couch, A Biblical Theology of the Church, Kregel Publications, USA, 1999, p. 175
- Frederic Buhler, (LâĂ©glise Locale : un manuel pratique, Editions Farel, Fontenay-sous-Bois, 1979) et Alfred Kuen, (Les ministĂšres dans lâĂ©glise, sĂ©rie Ekklesia, Cahiers EmmaĂŒs, Ă©ditions EmmaĂŒs, St Legier, 1983) concordent sur cette description.
- Alfred Kuen, Les ministĂšres dans lâĂ©glise, sĂ©rie Ekklesia, Cahiers EmmaĂŒs, Ă©ditions EmmaĂŒs, St Legier, 1983
- William A. Dyrness, Veli-Matti KÀrkkÀinen, Global Dictionary of Theology: A Resource for the Worldwide Church, InterVarsity Press, USA, 2009, page 256
- Hans J. Hillerbrand, Encyclopedia of Protestantism: 4-volume Set, Routledge, Abingdon-on-Thames, 2016, p. 769
- Câest ainsi que le prĂ©sente T. Collister, Elders, in ss dir. Rodney J. HUNTER, Dictionary of Pastoral Care and Counseling, Abingdon Press, Nashville, 1990, p. 348.
- Voir par exemple Henri DâEspine Les Anciens, Conducteurs de lâĂglise, Cahiers ThĂ©ologiques de lâActualitĂ© Protestante N°7, Delachaux et NiestlĂ©, NeuchĂątel, 1946 ; ou encore David FOUNTAIN, âAuthority and Eldersâ, in Eroll HUISE, David FOUNTAIN, Herbert CARSON & al, The Ideal Church : Papers Read at the Carey Conference, Henry E. Walter and Carey Publications, Haywards Heath, 1972, p.13-19.
- Robert E. Johnson, A Global Introduction to Baptist Churches, Cambridge University Press, UK, 2010, p. 85
- Richard Alex Neff, ĂvangĂ©liques en rĂ©seau: Trajectoires identitaires entre la France et les Ătats-Unis, Editions L'Harmattan, France, 2016, p. 20
- Walter A. Elwell, Evangelical Dictionary of Theology, Baker Academic, USA, 2001, p. 370