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Yom Kippour

Yom Kippour (en hĂ©breu : Ś™Ś•Ś Ś”Ś›Ś™Ś€Ś•ŚšŚ™Ś Yom Hakippourim, « le jour des propitiations »), Ă©galement appelĂ© le Jour du Grand Pardon, est un jour saint du judaĂŻsme.

Yom Kippour
Jour de l’Expiation par Isidor Kaufmann (av. 1907).
Jour de l’Expiation par Isidor Kaufmann (av. 1907).

Nom officiel hĂ©breu : Ś™Ś•Ś Ś”Ś›Ś™Ś€Ś•ŚšŚ™Ś (Yom HaKippourim)
Autre(s) nom(s) le Jour du Grand Pardon
Observé par le judaïsme rabbinique, le judaïsme karaïte et le samaritanisme
Type biblique (historique/religieux)
Signification Jour d’expiation des pĂ©chĂ©s.
Commence 9 tishri au coucher du soleil
Finit 10 tishri aprĂšs la sortie des Ă©toiles
Date le 10 tishri
Date 2023 Coucher de soleil, 24 septembre
tombée de la nuit, 25 septembre
Observances ChĂŽmage, priĂšres et mortification

FixĂ© au dixiĂšme jour du premier mois de l’annĂ©e juive civile, il est observĂ© au temps des temples de JĂ©rusalem par un chĂŽmage complet, un jeĂ»ne et un rituel Ă©laborĂ© au cours duquel un bouc chargĂ© des fautes d’IsraĂ«l est envoyĂ© dans le dĂ©sert tandis que le grand-prĂȘtre d’IsraĂ«l pĂ©nĂštre pour la seule fois de l’annĂ©e dans le saint des saints afin d’y rencontrer Dieu. AprĂšs la destruction des temples, seul le souvenir de ce rituel subsiste dans la liturgie ; la loi juive appuie en revanche sur le chĂŽmage et diverses privations outre le jeĂ»ne pour rĂ©aliser au mieux la « mortification des esprits » dĂ©crĂ©tĂ©e par la Bible. Les rabbins rapportent que Dieu signe en ce jour le destin du peuple juif pour l’annĂ©e Ă  venir, et rappellent Ă  la suite des prophĂštes que ce jour expie seulement les fautes commises envers Dieu mais non envers autrui ; ils enseignent de surcroĂźt qu’il est, en dĂ©pit de sa solennitĂ© et de son austĂ©ritĂ©, l’un des jours les plus attendus et joyeux du calendrier juif.

Yom Kippour a donc lieu en septembre ou en octobre dans le calendrier grĂ©gorien selon les annĂ©es. Devenu au fil du temps le point culminant d’une pĂ©riode pĂ©nitentielle d’au moins dix jours, il est marquĂ© par un chĂŽmage et un jeĂ»ne complets, ainsi qu’une longue priĂšre rĂ©partie en cinq offices, et enrichie de nombreuses compositions liturgiques dĂ©clamĂ©es par un chantre souvent recrutĂ© pour l’occasion. Le jour se manifeste dans toute sa solennitĂ©, oĂč il est observĂ© par la majoritĂ© de la population juive Ă  divers degrĂ©s, y compris parmi les non-observants.

Yom Hakippourim dans les sources juives

Dans la Bible hébraïque

L’envoi du bouc à Azazel (gravure de W.J. Webb).

Lorsque MoĂŻse reçoit sur le mont SinaĂŻ les tables de la loi, un jour par an, « Ă©minemment saint devant Dieu » est prĂ©vu pour la purification de l’autel de l’encens, situĂ© derriĂšre le voile dans le saint des saints. Aaron doit recouvrir les cornes de cet autel avec le sang des offrandes expiatoires de propitiation (Exode 30:1-10). Cependant MoĂŻse doit redescendre en hĂąte car son peuple a, en son absence, Ă©rigĂ© un veau d’or (Exode 32:7-15).

Lors de l’inauguration du Tabernacle, les deux fils aĂźnĂ©s d’Aaron meurent, faute d’avoir respectĂ© les instructions concernant l’encens (LĂ©vitique 10:1-3). AprĂšs leur mort, Dieu prescrit un nouveau rituel de propitiation des fautes dans le sanctuaire, chargĂ© de purifier non seulement le sanctuaire mais aussi le peuple. Il comporte, outre les offrandes, l’envoi dans le dĂ©sert d’un bouc chargĂ© de toutes les fautes d’IsraĂ«l (LĂ©vitique 16:1-28). Ce rituel est fixĂ© au « dixiĂšme jour du septiĂšme mois » et dĂ©fini comme un shabbat shabbaton (« shabbat solennel »), jour annuel de chĂŽmage gĂ©nĂ©ralisĂ© et de mortification des Ăąmes pour toutes les gĂ©nĂ©rations (LĂ©vitique 16:29-34).

Ces prescriptions, Ă  observer du soir du neuviĂšme jour au soir du dixiĂšme jour du mois, sont rappelĂ©es plus loin ; il est ajoutĂ© que quiconque n’observerait pas le chĂŽmage ou la mortification, s’expose Ă  ĂȘtre retranchĂ© du peuple (LĂ©vitique 23:26-32).

C’est aussi Ă  la fin de ce jour qu’il est prescrit de faire retentir dans tout le pays le son du chofar au terme de sept cycles de sept ans afin de marquer la cinquantiĂšme annĂ©e du jubilĂ©, oĂč les habitants du pays recouvrent leur libertĂ© et leurs biens (LĂ©vitique 25:9-10).

Peut-ĂȘtre est-ce ce jour, avec ses pratiques et ses offrandes (Nombres 29:7-11), qu’évoque IsaĂŻe pour proclamer que Dieu demande avant tout des dispositions Ă©thiques saines et traduites en actes (IsaĂŻe 58:1-8). Le prophĂšte ne mentionne cependant pas Yom Kippour nommĂ©ment et il n’apparaĂźt plus dans la Bible de façon explicite. ÉzĂ©chiel indique bien recevoir des visions au commencement de l’annĂ©e, le dix du mois (soit le dixiĂšme jour du septiĂšme mois selon l’exĂ©gĂšse rabbinique[1]) mais il ne mentionne ni le jeĂ»ne ni le rite (ÉzĂ©chiel 40:1) ; il prophĂ©tise d’autre part qu’aprĂšs la reconstruction du Temple, deux jours seront consacrĂ©s Ă  la purification du sanctuaire et Ă  la propitiation des fautes au moyen du sang d’un taureau expiatoire mais ils ont lieu au premier et au septiĂšme jour du premier mois (ÉzĂ©chiel 45:18-20). Yom Kippour ne coĂŻncide pas non plus avec les jeĂ»nes de Zacharie (Zacharie 7:1-5) ni avec celui d’Ezra et NĂ©hĂ©mie (NĂ©hĂ©mie 9:1), bien que Roch Hachana et Souccot qui ont respectivement lieu avant et aprĂšs Yom Kippour soient mentionnĂ©s (NĂ©hĂ©mie chap. 8 & 9).

Ce silence prophĂ©tique a conduit Ă  des spĂ©culations diverses : l’une d’elles, basĂ©e sur la version grecque d’ÉzĂ©chiel (qui ne lit pas le « septiĂšme jour du premier mois » mais le « premier jour du septiĂšme mois »[2]) et de l’apparente tendance de ce prophĂšte Ă  faire commencer le mois au dixiĂšme jour (EzĂ©chiel 40:1), dĂ©duit que ces versets d’ÉzĂ©chiel constitueraient la premiĂšre trace du jour des propitiations et que les versets apparaissant comme antĂ©rieurs dans la Bible auraient Ă©tĂ© ultĂ©rieurement rĂ©digĂ©s[3]. La tradition rabbinique laisse entendre quant Ă  elle, fĂ»t-ce allusivement, que ce culte aurait bien eu lieu Ă  l’époque de l’arche de l’alliance[4].
Tous s’accordent cependant pour reconnaĂźtre Ă  ce jour une importance centrale Ă  l’époque du second Temple[3].

« MoĂŻse rassembla le peuple le lendemain de Yom Kippour »[5]. À Yom Kippour, MoĂŻse avait obtenu le pardon des pĂ©chĂ©s des Juifs. Il l'a fait en priant pour que Dieu leur pardonne pour l'amour de Son Nom, qui inclut le nom d'Israel. Le lendemain de Yom Kippour est connu sous le nom de « Nom de Dieu ». Le pardon des pĂ©chĂ©s fait que le nom de Dieu soit glorifiĂ© et rĂ©vĂ©lĂ©[6]. C’est aussi pourquoi, le premier ordre que MoĂŻse a donnĂ© aux Juifs aprĂšs Yom Kippour Ă©tait de construire le Tabernacle, Ă  condition qu’ils ne fassent aucun travail pour le Tabernacle le Shabbat. Comme le Tabernacle, Shabbat rĂ©vĂšle la piĂ©tĂ© mais Shabbat est Ă  un niveau supĂ©rieur au Tabernacle car « Shabbat » est le nom de Dieu lui-mĂȘme[7]. Ainsi, l'observance du Shabbat prime sur la construction du Tabernacle. MoĂŻse rassembla toute la communautĂ© israĂ©lite : le bĂątiment principal du Tabernacle est nĂ© de l'unitĂ©, lorsque le Tzaddik rĂ©unit tout le monde[8].

« Le jeûne est le véhicule permettant d'assujettir ses désirs physiques à ses désirs spirituels pour Dieu »[9] : en jeûnant à Yom Kippour, le pénitent parvient à une révélation de sainteté - car ce jour-là seulement, le Kohen Gadol pourrait entrer dans le Saint des Saints et à partir de là attirer la sainteté sur la nation juive[10].

Dans les livres de la période du second Temple

Conformément à la tradition du Jour des Expiations (Yom Kippourim) dans Lévitique 16:22, et comme décrit dans le Talmud babylonien (Yoma 67b), un bouc émissaire est jeté du mont Azazel dans l'abßme, à Azael qui apparaßt ici comme un démon cornu et griffu des montagnes. Illustration d'un Mahzor édité en Allemagne, entre 1370 et 1400.

L’importance et la centralitĂ© de Yom Kippour dans la vie juive Ă  l’époque du Second Temple sont attestĂ©es par divers auteurs et ouvrages juifs de l’époque dont Philon d’Alexandrie qui, dĂ©crivant le jour des propitiations Ă  son public hellĂ©nisĂ©, explique qu’il est suivi par tous, y compris « ceux qui ne font rien de religieux le reste du temps »[11].

Le Djebel Montar, lieu probable d’oĂč l’on jetait le bouc Ă  l’époque du Second Temple.

La Mishna y consacre un traitĂ© entier, intitulĂ© Yoma (« le jour »). Y sont dĂ©crits les prĂ©paratifs et le rite lui-mĂȘme, tel qu’il avait cours avant la destruction du second Temple, prĂšs de deux siĂšcles avant la rĂ©daction du traitĂ©[12]. Ce rite est, dans les grandes lignes, similaire Ă  ce que prescrit la Bible mais le bouc Ă©missaire est jetĂ© d’une falaise escarpĂ©e, plutĂŽt que livrĂ© Ă  son sort dans le dĂ©sert[13] (Flavius JosĂšphe diverge sur ce point[14]). Les formules prononcĂ©es par le Grand-prĂȘtre lors des confessions[12] ne se trouvent pas non plus dans la Bible, de mĂȘme que sa priĂšre pour le peuple aprĂšs avoir allumĂ© l’encens[15] et sa lecture des passages de la Torah se rapportant au rituel (LĂ©vitique 16 & 23:26-32, ainsi que Nombres 29:7-11, rĂ©citĂ© de mĂ©moire)[16].

Les fondements de l’observance ont Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©s : le commandement de s’affliger le corps Ă©tant mentionnĂ© Ă  cinq reprises dans la Torah (LĂ©vitique 16:29, LĂ©vitique 16:31, LĂ©vitique 23:27, LĂ©vitique 23:32, Nombres 29:7), les sages en ont tirĂ© cinq rĂšgles de mortification — abstention de nourriture et de boisson mais aussi de baignade, d’onction et de rapports sexuels[17]. De ces abstentions, seuls les deux premiĂšres sont explicitement mentionnĂ©es dans le corps du texte de sorte qu’elles seules sont passibles de karet en cas d’enfreinte dĂ©libĂ©rĂ©e (il en va de mĂȘme pour le travail). Les docteurs de la Mishna statuent aussi de ce qui est considĂ©rĂ© comme une enfreinte, considĂ©rant par exemple que la prise de mets ou boissons impropres Ă  la consommation n’en remplit pas les conditions. De plus, le « shabbat des shabbats » Ă©tant assimilable en tout point au chabbat Ă  l’exception du chĂątiment pour les transgressions volontaires (le karet divin pour Yom Kippour, la mise Ă  mort par un tribunal rabbinique pour le chabbat)[18], les rabbins dĂ©crĂštent que lorsque la prĂ©servation d’une vie est en jeu, tous les statuts de Yom Kippour sont annulĂ©s, ce qui en dispense les malades et les enfants (bien qu’il soit recommandĂ© de les « Ă©duquer » au jeĂ»ne avant d’avoir atteint l’ñge de maturitĂ©)[19].

Les autres abstentions Ă©tant le fruit de dĂ©ductions rabbiniques, elles sont soumises Ă  leur discrĂ©tion ; toutefois, ceux-ci refusent l’opinion clĂ©mente de Rabbi Eliezer, qui permet au roi de se laver la figure pour des raisons de prestige, et Ă  la jeune mariĂ©e pour qu’elle ne soit pas dĂ©senviĂ©e par son jeune mari[20].

En dĂ©pit de toutes ces manifestations d’affliction et de sa haute solennitĂ©, Yom Kippour semble avoir Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un jour joyeux, Ă  l’exception notable de la secte qui prenait pour base docrinale le Livre des JubilĂ©s : selon son calendrier, Yom Kippour marquait le deuil pour la faute des enfants de Jacob qui avaient vendu Joseph et menti Ă  leur pĂšre[21] (ce calendrier entraĂźnait par ailleurs ses adhĂ©rents Ă  observer Yom Kippour Ă  une date diffĂ©rente du reste du monde juif[22]). Les docteurs de la Mishna enseignaient en revanche que le pĂ©chĂ© qui avait entraĂźnĂ© le besoin d’expiation, Ă©tait celui du Veau d’or et que Yom Kippour marquait le jour oĂč MoĂŻse Ă©tait redescendu du SinaĂŻ avec les secondes Tables de la Loi, qui entĂ©rinaient le pardon divin[23]. Philon d'Alexandrie Ă©crit que le jeĂ»ne, loin d’affliger l’homme, le libĂšre des contingences matĂ©rielles et qu’en ce niveau de spiritualitĂ© supĂ©rieur rĂ©side la joie du jour[11], Ben Sira dĂ©crit en termes majestueux le Grand-prĂȘtre d’IsraĂ«l accomplissant le rite du jour[24], et Rabban Shimon ben Gamliel rapporte avec nostalgie les fastes de ce jour et du 15 av, oĂč les jeunes filles cĂ©libataires se rendaient dans les vignes, dansant en rondes en attendant d’ĂȘtre choisies par leur futur mari[25].

Revenant Ă  l’ordre du jour, la tradition rabbinique enseigne que la chute du Temple et la cessation des offrandes qui en rĂ©sulte, n’ont pas entraĂźnĂ© la fin de Yom Kippour : Rabbi Akiva s’appuie sur EzĂ©chiel 36:25 et JĂ©rĂ©mie 17:13, pour affirmer que le pardon divin est, pour ainsi dire, automatiquement accordĂ© en ce jour, et il est enseignĂ© ailleurs que le jour peut assurer la propitiation des fautes par sa vertu propre[26]. Cependant, le message des prophĂštes a reçu un fort retentissement Ă  travers la JudĂ©e : une rĂ©flexion approfondie des Sages sur les rĂŽles respectifs du jour, des offrandes et du bouc Ă©missaire[27] parvient Ă  la conclusion — partagĂ©e par les auteurs du Livre des JubilĂ©s[28] et du Siracide[29] — qu’une participation humaine est requise pour la propitiation des fautes, sous la forme d’un processus de « retour » Ă  Dieu, la teshouva, qui constitue le but vĂ©ritable des manifestations d’affliction[26] - [30]. La Mishna enseigne de surcroĂźt que ni la teshouva ni mĂȘme le jour, ne sont pleinement efficaces face aux fautes particuliĂšrement graves, comme la dĂ©sĂ©cration du nom divin. D’autre part, Rabbi ElĂ©azar ben Azaria (en) tire de LĂ©vitique 16:30 que le pardon divin n’a pas cours pour les fautes commises envers autrui si le fauteur n’a pas apaisĂ© auparavant la ou les personnes lĂ©sĂ©es[30].

Observances

Observances générales

Yom Kippour est le jour de la repentance, considĂ©rĂ© comme Ă©tant le jour le plus saint et le plus solennel de l’annĂ©e juive. Son thĂšme central est le pardon et la rĂ©conciliation.

LĂ©vitique 16:30 : « Car en ce jour on fera l’expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiĂ©s de tous vos pĂ©chĂ©s devant l’Éternel ».
LĂ©vitique 16:31 : « Ce sera pour vous un shabbat shabbaton, et vous affligerez vos Ăąmes. C’est une loi perpĂ©tuelle ».

Du verset 16:31, les Sages ont dĂ©duit qu’il fallait respecter les interdictions du Shabbat (par exemple, ne pas travailler, ni allumer de feu, ne pas Ă©crire ni toucher l’électricitĂ©). Quant Ă  l’affliction des Ăąmes, elle est rĂ©alisĂ©e selon la mishna Yoma 8:1, par l’interdiction de nourriture, de baignade, d’utilisation de cosmĂ©tiques, du port de la « sandale » (c’est-Ă -dire de semelles de cuir) et de l’intimitĂ© conjugale.

L’abstention totale de nourriture et de boisson commence gĂ©nĂ©ralement une demi-heure avant le coucher de soleil (ce qui s’appelle « tossefet (ajout) Yom Kippour »), afin de limiter le risque de manger pendant la fĂȘte par inadvertance. Elle termine aprĂšs le coucher du soleil de la nuit suivante.

Bien que le jeĂ»ne soit obligatoire pour tout individu sain ĂągĂ© de plus de 12 ans pour les femmes, 13 pour les hommes (bat ou bar mitsva), y compris les femmes enceintes, il est spĂ©cifiquement interdit, en vertu du pikkouah nefesh, de jeĂ»ner pour toute personne qui pourrait s’en porter mal, particuliĂšrement les diabĂ©tiques et les personnes devant prendre des mĂ©dicaments. Les femmes qui viennent d’accoucher dans les trois derniers jours sont Ă©galement exemptĂ©es.

L’observance de Yom Kippour varie lĂ©gĂšrement selon les communautĂ©s. Les Juifs sĂ©farades l’appellent « le jeĂ»ne blanc », et se revĂȘtiront de blanc, afin de symboliser leur dĂ©sir « blanc » (puretĂ©) de se libĂ©rer des pĂ©chĂ©s lors de cette journĂ©e[31]. Leur liturgie comporte des musiques assez joyeuses, surtout par rapport Ă  leurs frĂšres ashkĂ©nazes qui, tout en reconnaissant la joie originelle de ce jour, auront une attitude plus solennelle, accentuant la remĂ©moration des disparus et des martyrs.

Observances dans le public laĂŻc

La « FĂȘte des Bicyclettes » en 2004 (Tel Aviv).

Yom Kippour est un jour si important qu’il est respectĂ© par une vaste majoritĂ© de Juifs laĂŻcs, quand bien mĂȘme ils n’observent pas strictement les autres cĂ©lĂ©brations. Beaucoup assisteront Ă  au moins un office synagogal, ce qui en multiplie l’affluence, et a entraĂźnĂ© une habitude d’acheter sa place Ă  la synagogue en ce jour, de crainte de ne pouvoir en trouver. Plus encore jeĂ»nent.

En IsraĂ«l, la non-observance publique (comme manger ou conduire un vĂ©hicule motorisĂ©) est tabou, au point que Yom Kippour y a reçu le surnom de « FĂȘte des Bicyclettes »[32], vu le nombre d’enfants qui roulent librement dans les rues sans crainte des voitures. On dĂ©nombre toutefois beaucoup d’accidents de vĂ©lo (242 en 2010[33]). Les programmes tĂ©lĂ©visĂ©s sont suspendus, il n’y a ni transport public, ni transport aĂ©rien, ni commerce ouvert (dans les rĂ©gions juives), comme la rue Dani'el Yanovski dĂ©serte ci-dessous, dans le quartier de Talpiot Ă  JĂ©rusalem, en 2011.

La veille de Yom Kippour

Famille orthodoxe réunie autour de la table à la veille du Yom Kippour, Tel Aviv, 1960

Également appelĂ© Erev Yom Kippour, le jour prĂ©cĂ©dant le Yom Kippour est une partie intĂ©grante de cette fĂȘte. Plus qu'un jour destinĂ© aux prĂ©paratifs, c'est un moment oĂč chacun doit pardonner Ă  son prochain, a fortiori manifester son amour, son amitiĂ© Ă  tous, quels qu'ils soient. En bref, c'est une pĂ©riode qui, combinĂ©e avec le Yom Kippour, veut rectifier les habitudes de l'Homme[34].

La Veille de Yom Kippour (La PriÚre), Yakub Weinles (en), fin XIXe-début XXe

Avant le début du jeûne de Kippour, il est de coutume de manger un grand repas festif appelé la seoudat hamafsÚqet (littéralement, « repas de séparation » ou « repas de clÎture »[31]) aprÚs la priÚre de min'ha précédant le jour de Kippour. On y consomme traditionnellement du couscous chez les Séfarades, des kreplach et du riz chez les Ashkénazes. Beaucoup ont également coutume de manger un autre repas riche en poisson avant celui-là.

Beaucoup de Juifs orthodoxes s’immergent Ă©galement dans un mikveh.

Les kapparot (hĂ©breu : Ś›Ś€ŚšŚ•ŚȘ, kapores selon la prononciation ashkĂ©naze) sont une cĂ©rĂ©monie traditionnelle, consistant Ă  faire tourner un poulet vivant au-dessus de sa tĂȘte en rĂ©citant une formule traditionnelle : « Voici mon double, voici mon remplaçant, voici mon expiation. Puisse cette poule ou ce coq aller jusqu’à la mort pendant que je m’engagerai et continuerai une vie heureuse, longue et paisible »[35]. Autrefois populaire, elle fut abondamment critiquĂ©e vers les XVe et XVIe siĂšcles, comme substitut mĂ©diocre des offrandes sacrificielles interdit au vu de l’absence de Temple fonctionnel, et n’est aujourd’hui pratiquĂ©e que par certaines franges des milieux religieux, principalement Hassidim. D’autres prĂ©fĂšrent remettre la contre-valeur d’un poulet Ă  une Ɠuvre caritative.

Offices de priĂšre

Feuillet de Seli'hot en hébreu du Turkestan chinois ; écriture carrée de style persan ; vocalisation suscrite de type babylonien ; découvert en 1908 dans les grottes de Dunhuang de la province de Gansu en Chine (actuellement à la BNF à Paris) et datant du VIIIe - IXe siÚcle.

Les hommes (et, chez les RĂ©formĂ©s, certaines femmes) se couvrent d’un tallit (chĂąle de priĂšre) pour les priĂšres du soir, Yom Kippour Ă©tant le seul office vespĂ©ral oĂč cette pratique est rĂ©alisĂ©e[36] Beaucoup d’hommes mariĂ©s portent Ă©galement un kittel, un vĂȘtement blanc ressemblant quelque peu Ă  un drap.

Les offices de priĂšre commencent par celui de « Kol Nidre », spĂ©cifique Ă  Yom Kippour, qui doit ĂȘtre rĂ©citĂ© avant le cou cher du soleil, et se poursuit avec l’office du soir (ma'ariv ou arvith), qui comporte un service de Seli'hot (demandes de pardon) et de viddouĂŻ (« confession »)[37] particuliĂšrement Ă©tendu.

Chaque Juif demande Ă  Dieu de pardonner ses propres fautes et celles de la communautĂ©, mais seulement celles commises Ă  l’encontre de Dieu Lui-mĂȘme. Les offenses commises Ă  l’encontre du prochain (considĂ©rĂ©es comme plus graves que celles envers Dieu) doivent ĂȘtre individuellement rĂ©parĂ©es, de prĂ©fĂ©rence avant Yom Kippour.

L’office du matin est prĂ©cĂ©dĂ© par des litanies et des seli'hot ; Ă  Yom Kippour, de nombreuses seli'hot sont entrelacĂ©es avec la liturgie habituelle. L’office de Moussaf[38] est, comme Ă  Rosh Hashana, particuliĂšrement enrichi de priĂšres et piyyoutim (poĂšme liturgique rĂ©citĂ© ou chantĂ©).

Le shamash souffle dans le shofar Ă  la fin de Yom Kippour Ă  la synagogue Ohel Moed Sephardi Ă  Tel Aviv, 1960

La Min’ha de Kippour est suivie d’un office Ă©galement spĂ©cifique Ă  Yom Kippour, la NeÊżila (« fermeture » -- des portes du ciel aux priĂšres). Yom Kippour se termine par la rĂ©citation du Shema IsraĂ«l, ou du Kaddish Titkabal (Kaddish complet), au cours duquel on sonne le shofar, qui marque la conclusion du jeĂ»ne. Les portes du Ciel se referment et plus aucune demande de pardon n’arrive Ă  Dieu.

Les sections de la Torah spĂ©cifiquement lues en ce jour sont le chapitre 16 du LĂ©vitique le matin, et le chapitre 18 (parashat guilouĂŻ arayot[39]) l’aprĂšs-midi. Le Livre de Jonas est lu comme haftarah l’aprĂšs-midi.

Selon le noussakh (la « version », ashkĂ©naze, sĂ©farade, etc.) des priĂšres, certaines communautĂ©s prient du matin au soir sans interruption, tandis que d’autres intercalent une courte pause.

Observance dans le monde militaire

  • Soldats Ă  Yom Kippour
  • Office de Kippour en plein air pour des soldats juifs de l'armĂ©e allemande, 1870
    Office de Kippour en plein air pour des soldats juifs de l'armée allemande, 1870
  • Soldats juifs allemands Ă  l'office synagogal militaire, Kippour 1914
    Soldats juifs allemands Ă  l'office synagogal militaire, Kippour 1914
  • Soldats juifs allemands, dont le mĂ©decin militaire Max Scherk, rĂ©unis pour un office de Kippour en plein air dans une forĂȘt, lors de la PremiĂšre Guerre mondiale
    Soldats juifs allemands, dont le mĂ©decin militaire Max Scherk, rĂ©unis pour un office de Kippour en plein air dans une forĂȘt, lors de la PremiĂšre Guerre mondiale
  • Soldats juifs amĂ©ricains Ă  l'office de Kippour, Chaumont (France), 1917
    Soldats juifs américains à l'office de Kippour, Chaumont (France), 1917
  • Soldats juifs amĂ©ricains, leurs familles et le rabbin aumĂŽnier Julius Mark Ă  l'office de Kippour dans une salle d'exercices, aujourd'hui chapelle catholique, Ă  Great Lakes (Illinois), 1942 ou 1943
    Soldats juifs américains, leurs familles et le rabbin aumÎnier Julius Mark à l'office de Kippour dans une salle d'exercices, aujourd'hui chapelle catholique, à Great Lakes (Illinois), 1942 ou 1943
  • A gauche, Nathan Landman, rabbin aumĂŽnier de l'ArmĂ©e de l'air pour la France, l'Espagne et la Libye, examine le shofar et d'autres Ă©quipements religieux du grand jour avant de dĂ©coller de la base aĂ©rienne d'Evreux-Fauville (France) pour Tripoli (Libye), lors de la premiĂšre Ă©tape d'un circuit de 3 000 milles dans lequel il effectue huit services sur cinq bases avant de revenir Ă  Evreux pour Yom Kippour. À droite, le spĂ©cialiste des services d'aumĂŽnerie juive, David Cohen d'Everett (Massachusetts), septembre 1964
    A gauche, Nathan Landman, rabbin aumĂŽnier de l'ArmĂ©e de l'air pour la France, l'Espagne et la Libye, examine le shofar et d'autres Ă©quipements religieux du grand jour avant de dĂ©coller de la base aĂ©rienne d'Evreux-Fauville (France) pour Tripoli (Libye), lors de la premiĂšre Ă©tape d'un circuit de 3 000 milles dans lequel il effectue huit services sur cinq bases avant de revenir Ă  Evreux pour Yom Kippour. À droite, le spĂ©cialiste des services d'aumĂŽnerie juive, David Cohen d'Everett (Massachusetts),
  • Dans l'OcĂ©an Pacifique, le lieutenant et aumĂŽnier juif Yonina Creditor de Richmond (Virginie) conduit les priĂšres de Kippour pour les marins juifs amĂ©ricains Ă  bord du porte-avions USS George Washington (qui dĂ©fend l'intĂ©rĂȘt maritime collectif des États-Unis et de ses alliĂ©s et partenaires dans la rĂ©gion Asie-Pacifique) dans la chapelle du navire, septembre 2012
    Dans l'OcĂ©an Pacifique, le lieutenant et aumĂŽnier juif Yonina Creditor de Richmond (Virginie) conduit les priĂšres de Kippour pour les marins juifs amĂ©ricains Ă  bord du porte-avions USS George Washington (qui dĂ©fend l'intĂ©rĂȘt maritime collectif des États-Unis et de ses alliĂ©s et partenaires dans la rĂ©gion Asie-Pacifique) dans la chapelle du navire,

Expiation

« Livre de la vie », synagogue Renanim, Heichal Shlomo, siÚge du Jewish Heritage Museum à Jérusalem (Israël)

Pardon et viddouĂŻ (confession)

Juifs allemands faisant pénitence en se laissant fouetter dans la synagogue Hoogduitse à Amsterdam, la veille du Jour des Expiations ou de Yom Kippour (avant 1661)

D’aprĂšs le Talmud (Rosh Hashana 16b), Dieu ouvre trois livres le 1er Tishri ; l’un est pour les totalement justes, le second pour les totalement mĂ©chants, le troisiĂšme pour les [cas] intermĂ©diaires. Ceux-ci voient leur jugement en suspens jusqu’à Yom Kippour.

Selon MaĂŻmonide (Yad, Hilkhot Teshouva 3:4), « tout dĂ©pend si les mĂ©rites de l’homme dĂ©passent les dĂ©mĂ©rites portĂ©s sur son compte », il est donc dĂ©sirable de multiplier les bonnes actions avant le comput final au Jour de l’Expiation (que les Juifs de France appellent plus volontiers « Jour du Pardon »). Ceux qui sont jugĂ©s valables par Dieu entrent, selon la tradition, dans le Livre de la Vie, d’oĂč la priĂšre : « Fais-nous entrer dans le Livre de la Vie. » D’oĂč Ă©galement la salutation « Puisse cela terminer [pour vous par une] signature [pour une] bonne [annĂ©e] » (« Gmar 'Hatima Tova »), Ă  l’origine du « bonne annĂ©e ». Les lettres de vƓux Ă©crites entre Rosh Hashana et Yom Kippour se concluent souvent par ce souhait.

La confession (viddouĂŻ) du pĂ©nitent est un prĂ©requis « sine qua non » pour l’expiation qui se rĂ©alise sinon par des punitions et des afflictions. À Yom Kippour, chaque priĂšre (qu’elle soit individuelle et silencieuse, ou collective et bruyante) inclut un viddouĂŻ.

Il s’agit d’une confession standardisĂ©e, courte ou longue (laquelle est omise lors de l’office de la NeÊżila). Toutes deux se dĂ©roulent selon l’ordre alphabĂ©tique, probablement afin de faciliter la mĂ©morisation[37].

À noter la confession pour le pĂ©chĂ© d’un « viddouĂŻ pĂš », une confession « de la bouche », qui ne va guĂšre plus loin que celle-ci, et n’atteint en tout cas pas le cƓur, en clair une confession peu sincĂšre.

RĂ©conciliation avec autrui

« Yom HaKippourim absout des pĂ©chĂ©s envers Dieu, mais pas des pĂ©chĂ©s envers son prochain Ă  moins que le pardon de l’offensĂ© ne soit obtenu. »

— Mishna Yoma 8:9

Pour cette raison, il est de coutume de résoudre les conflits et disputes au plus tard la veille du jeûne. Le processus commence lors de la période de dix jours entre Rosh Hashana et Yom Kippour. Les ùmes des disparus sont comprises dans la communauté de ceux auxquels on pardonne à Yom Kippour.

Les enfants des défunts, outre la cérémonie de Yizkor incluse dans la liturgie de Yom Kippour, auront coutume de faire une mention publique dans la synagogue de leurs parents disparus, et de faire des dons charitables en faveur de leur ùme.

Salutations

La salutation appropriĂ©e pour Yom Kippour est « G'mar Hatima Tova » (Puissiez-vous ĂȘtre scellĂ© dans le Livre de Vie), ou la version plus courte « G'mar Tov »[31].

Dates

Yom Kippour est observĂ© le dixiĂšme jour du mois de Tichri et comme les autres fĂȘtes, commence la veille. Selon le calendrier hĂ©braĂŻque, il a lieu aux dates suivantes :

Année juive Année civile Début au

coucher du soleil

Fin à la tombée

de la nuit

5782 2021 15 septembre 16 septembre
5783 2022 4 octobre 5 octobre
5784 2023 24 septembre 25 septembre
5785 2024 11 octobre 12 octobre
5786 2025 1er octobre 2 octobre
5787 2026 20 septembre 21 septembre
5788 2027 10 octobre 11 octobre
5789 2028 29 septembre 30 septembre
5790 2029 18 septembre 19 septembre
5791 2030 6 octobre 7 octobre

Rupture du jeûne

AprÚs 25 heures sans s'alimenter ni s'hydrater, les nutritionnistes et les traditionalistes conseillent de boire et manger léger et sucré[40]. Des boissons et des plats traditionnels permettent la rupture du jeûne de Yom Kippour, selon l'origine ethno-géographique des Juifs dans le monde, dont voici quelques exemples non-exhaustifs[41] - [42] - [43] - [44] :

Algérie

Les Juifs d'AlgĂ©rie confectionnent la mouna ou mona qu'ils consomment pour rompre le jeĂ»ne. Il s'agit d'une brioche en forme de dĂŽme ou de couronne, parfumĂ©e aux agrumes ou Ă  la fleur d’oranger avec du sucre perlĂ© pour embellir sa croĂ»te dorĂ©e, originaire d'Oran. Les Pieds-Noirs partagent Ă©videmment cette recette.

Allemagne

Les juifs d'Allemagne et Ă©galement d'Alsace consomment des zimtsterne (de), des petits gĂąteaux en forme d'Ă©toiles, glacĂ©s au sucre et aux saveurs de cannelle (de l'allemand Zimt « cannelle » et Sterne « Ă©toile »), d’amande, de clou de girofle et de zeste de citron. On retrouve les zimtsterne aussi lors des fĂȘtes de NoĂ«l en Allemagne et autres contrĂ©es germaniques. « Les Juifs orthodoxes les appellent des erste sternen – ou « premiĂšres Ă©toiles » – pour rappeler la nĂ©cessitĂ© d’apercevoir les premiers astres de la nuit avant la rupture du jeĂ»ne »[41].

Bulgarie, GrĂšce, Turquie

La (es) pepitada ou pipitada est la boisson commune pour les Juifs séfarades de Bulgarie, de GrÚce, de Turquie (et d'ailleurs)[45] qui rompent le jeûne. Il s'agit d'une boisson d'aspect laiteux (rappel du « jeûne blanc »), sorte de horchata espagnole, voire une soupe, fabriquée à partir des graines grillées et éventuellement d'un peu de pulpe de plusieurs espÚces de melon, souvent mélangés à de la vanille ou de l'eau de rose et généralement sucrée avec du miel[46] - [47] - [48] - [49] - [50] - [51].

Costa Rica

Pour rompre leur jeûne, les Juifs du Costa Rica voire du Nicaragua (tous deux en Amérique centrale) mangent du (en) gallopinto (plat de riz et haricots noirs, habituellement servi au petit-déjeuner dans ces pays) et des platanos maduros qui sont des bananes plantains frites, aux cÎtés d'un filet de saumon en saumure[52].

  • Gallo pinto (au premier plan)
    Gallo pinto (au premier plan)
  • platanos maduros
    platanos maduros

États-Unis

« Nora Rubel[53], qui enseigne Ă  l'UniversitĂ© de Rochester, Ă©crit qu'une copieuse rupture de jeĂ»ne semble ĂȘtre un artefact du dernier demi-siĂšcle ; le Guide pour la femme juive au foyer (Guide for the Jewish Homemaker) de 1964, par exemple, propose qu'« Ă  la maison, un repas lĂ©ger soit mangĂ© » »[54]. « Le repas d'aprĂšs-jeĂ»ne peut sembler plus important aujourd'hui car il unit les juifs pratiquants avec un nombre croissant d'autres qui ressentent un lien culturel, mais non religieux, avec leur tradition »[54]. Auparavant, les Juifs amĂ©ricains se contentaient d'un verre de jus de fruit, d'une tasse de cafĂ© ou de thĂ©, et d'une tranche ou deux de hallah beurrĂ©e mais de nos jours, au retour de la synagogue, ils rompent leur jeĂ»ne avec un repas constituĂ© de bagels, de (en) blintzes (sortes de grands blinis fourrĂ©s) tartinĂ©s de fromage Ă  la crĂšme, de saumon fumĂ© (lox) et d’accompagnements assortis, diverses salades dont celle de corrĂ©gone[55] - [56] - [57].

Bagel, crĂšme au fromage et saumon

Sur la table des Ashkenazes, peuvent se trouver également un lukshen kugel qui est une sorte d'omelette de pùtes frite servie sucrée ou salée[58] - [59], ainsi que des (en) rugelach d'origine polonaise (voir infra)[60].

Kugel Yerushalmi

GrĂšce

Les Juifs grecs prĂ©parent toute une gamme de plats lors de Yom Kippour et l'un d'entre eux est une variante de l’avgolemono (en grec : Î±Ï…ÎłÎżÎ»Î­ÎŒÎżÎœÎż) appelĂ©e sopa de huevos y limon qui est un aliment de base lors de cette fĂȘte juive, consommĂ© avant ou aprĂšs le jeĂ»ne[52]. C'est une soupe blanche (rappel du « jeĂ»ne blanc ») Ă  l’Ɠuf et au citron, d'origine sĂ©farade, qui remonterait Ă  l'expulsion des Juifs de la PĂ©ninsule IbĂ©rique au XVe siĂšcle. On l'appelle avgolĂ©mono tarbiya ou beida bi-lemoune (Ɠuf au citron) en arabe et terbiye en turc ; dans la cuisine juive sĂ©farade, on l’appelle aussi agristada ou salsa blanco[61] et, dans la cuisine italienne, bagna brusca, brodettato ou brodo brusco[62]. L’avgolĂ©mono est Ă©galement largement utilisĂ©e dans la cuisine des Balkans[63].

Le gĂąteau sirupeux Ă  la semoule mĂȘlĂ©e d'amandes, de cannelle et de cardamome servi Ă  table aprĂšs le jeĂ»ne est le samali[64] et la boisson peut ĂȘtre une pepitada (voir supra)[47] - [48] - [51].

AssiettĂ©e d’avgolĂ©mono.

Irak

L'historien de la cuisine juive, (en) Gil Marks Ă©crit dans The World of Jewish Entertaining que pour rompre leur jeĂ»ne, les Juifs irakiens dĂ©gustent souvent des biscuits Ă  la cardamome oĂč la pĂąte a Ă©tĂ© humidifiĂ©e avec de l'eau de rose[43]. Ils peuvent boire du hariri, un lait parfumĂ© aussi Ă  la cardamome[52] Au moins Ă  Bagdad, on savoure des kakas (biscuits au carvi en forme d'anneau ) et des babas (biscuits farcis aux dattes)[52]. Comme les Juifs syriens, ceux d'Irak consomment le kaak (pluriel ka'a'him) (biscuit rond, en forme d'anneau, et croquant au sĂ©same, ressemblant Ă  un petit bagel)[49].

AprÚs cette entrée sucrée, certains se lancent dans un repas de viande complet, comme un plat de poulet farci au riz parfumé avec un mélange d'épices (dont la cardamome)[65], qui a cuit tout le long de Yom Kippour, habituellement servi le Shabath[52].

Gousses et graines de cardamome, une épice trÚs présente dans la cuisine irakienne.

Iran

Les Juifs iraniens sont friands d’une boisson Ă  la fin de Yom Kippour, qui s’appelle faloodeh seeb oĂč sont mĂ©langĂ©es des pommes rĂąpĂ©es et de l’eau de rose additionnĂ©e de miel[66] - [52]. « C’est une boisson rafraĂźchissante, qui Ă©tanche la soif et qui calme la faim. Cette recette peut s’accompagner d’alcool pour transformer la boisson en cocktail festif ».

Ils dégustent également une salade de yogourt nature mélangée à des concombres rùpés, assaisonnée de menthe, de sel et de poivre et servie avec du pain plat ou pita, que peut suivre une omelette aux oignons et herbes fraßches appelée kookooh sabzi et servie avec du yogourt[67] - [68].

Tartelettes de kookoo-sabzi

Italie

Pour la rupture du jeĂ»ne, les Juifs italiens prĂ©parent plusieurs mets dont le pesce al ‘Ebraica (poisson Ă  la juive) qui est un plat de poisson Ă  chair blanche, comme le corĂ©gone (famille du saumon) ou le flĂ©tan, cuisinĂ© avec du miel, des raisins et des pignons de pin. Ce plat est Ă©galement prĂ©sent sur les tables de fĂȘtes.

Un coregone
Un corégone

Il peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© ou suivi d'une bruscandole ou bruscandoli qui est une brioche (ou de la 'hallah sucrĂ©e), ou de gĂąteaux au miel servis avec une tasse de thĂ© au citron ou au miel, ou arrosĂ©s de vin rouge parfumĂ© aux Ă©pices (cannelle, sucre) dont la recette viendrait du PiĂ©mont, ou du vermouth sucrĂ©[43] - [69].

À Ferrare, il est d'usage que la communautĂ© juive interrompe le jeĂ»ne de Kippour avec un plat de citrouille, appelĂ©e barucca de baruch (bĂ©ni), rĂ©duite en purĂ©e, ou avec du dictinobis, sorte de beignet ou de donut au cĂ©drat ou au citron, dĂ©gustĂ© aussi Ă  Rome[70].

Un autre gĂąteau appelĂ© bocca di dama[71] est une gĂ©noise toscane[72] Ă  la poudre d'amande, trĂšs aĂ©rienne et parfumĂ©e Ă  la fleur d'oranger, au citron ou Ă  la vanille, que l'on retrouve Ă©galement sur les tables d'autres Juifs sĂ©farades tels ceux de Tunisie et du Maroc (notamment de Tanger). Un autre gĂąteau Ă  base de jaunes d'Ɠufs, originaire de la PĂ©ninsule IbĂ©rique, appelĂ© tocino de cielo, est consommĂ© Ă  la rupture de jeĂ»ne.

  • Verres de Vermouth et olives
    Verres de Vermouth et olives

Maroc

La harira est une soupe marocaine copieuse qui comprend habituellement des pois chiches, des lentilles, du riz ou des nouilles, de l’Ɠuf, des tomates et une variĂ©tĂ© d’autres lĂ©gumes – et aussi parfois de la viande, parsemĂ©e de coriandre[52]. Les Juifs sĂ©farades du Maroc la prĂ©parent pour Yom Kippour, accompagnĂ©e de thĂ© Ă  la menthe sucrĂ©, de cafĂ© ou de liqueur, quand les musulmans prĂ©parent la harira pour le Ramadan.

D'autres se tournent vers des plats traditionnels de Shabbat à la cuisson longue comme la dafina aux saveurs parfumées[52].

  • ThĂ© Ă  la menthe
    Thé à la menthe
  • Harira
    Harira

Mexique

Selon la rabbine Deborah Prinz[73], les crypto-Juifs qui vivaient au Mexique et en AmĂ©rique centrale au XVIIe siĂšcle, placĂ©s sous la surveillance des inquisiteurs espagnols, buvaient du chocolat « Ă  la fin du jeĂ»ne de Yom Kippour – en miroir avec ce que faisaient chaque jour les Mexicains, mais attendant que l’obscuritĂ© tombe pour le faire – et ce, pour ne pas Ă©veiller les soupçons sur leur judaĂŻsme secret »[41].

Pologne

À la table de rupture de jeĂ»ne (ou Ă  celle d'autres fĂȘtes), les Juifs polonais ou du monde ashkenaze peuvent servir du hareng[52]. Pour la partie sucrĂ©e, sont prĂ©sentĂ©s des (en) rugelach (yiddish : ŚšŚÖžŚ’ŚÖ·ŚœŚąŚš, rƍgaleáž” ) en forme de croissants fourrĂ©s Ă  la crĂšme ou au chocolat et/ou aux noisettes, Ă  la cannelle, aux fruits[60] - [74]... Certains d'entre eux savourent une tranche de babka sucrĂ©e ou kranz, accompagnĂ©e d'un verre de thĂ© au citron[49]. Ces gĂąteaux se retrouvent habituellement sur les Ă©tals israĂ©liens.

Syrie

Les Juifs originaires de Syrie dĂ©gustent le kaak (pluriel ka'a'him) (biscuit rond, en forme d'anneau croquant au sĂ©same)[49], le sambusak ou sambusek (petit gĂąteau en demi-lune ou triangulaire garni de fromage ou d'Ă©pinards ou de viande ou de houmous)[75] - [76] - [52] - que l'on retrouve frĂ©quemment sur les Ă©tals israĂ©liens -, et le jiben (casserole de lĂ©gumes et de fromage), au repas traditionnel suivant Yom Kippour[43]. Des fruits Ă  noyau comme les abricots secs et les prunes peuvent ĂȘtre mĂ©langĂ©s avec du riz et du bƓuf hachĂ© pour farcir l'intĂ©rieur de courgettes ;« les cerises aigres associĂ©es au tamarin font une sauce aigre-douce pour les boulettes de viande »[52].

Ils peuvent boire de l'eau d'abricot, rafraßchissante pour se réhydrater[52].

Grand sambusak au fromage bulgare et pesto, et saupoudré de zaatar

Tunisie

Les Juifs de Tunisie « cassent » leur jeûne avec une citronnade sucrée accompagnée de gùteaux comme un boulou nature ou au drÎÎ (sorgho), du bascoutou (génoise aérienne et parfumée à l'eau de fleur d'oranger), une bocca di dama (sorte de bascoutou à la poudre d'amande) originaire de Livourne[71], des croquants aux amandes, des cakes, et de confiture de coing au clou de girofle.

Ils font suivre ce moment par un bouillon de poulet ou de viande[77].

Turquie

Comme ceux de Bulgarie ou de GrÚce, les Juifs de Turquie sirotent aprÚs Kippour une boisson sucrée à base de graines de melon aromatisée à l'eau de rose, de vanille ou de citron (voire supra : la (es) pepitada)[47] - [48] - [50] - [49] - [78] - [79] - [51].

YĂ©men

Si le jachnoon et le melawach sont des pains cuits lentement pour devenir les mets traditionnels des familles juives yĂ©mĂ©nites lors des fĂȘtes et des repas de Shabbat, une variĂ©tĂ© « populaire de cette recette lors de Yom Kippour est la kubana ou (en) kubaneh, un pain riche au beurre qui peut ĂȘtre prĂ©parĂ© en parts individuelles ».

Kubaneh

Notes et références

  1. cf. T.B. Arakhin 12a.
  2. Version grecque d’ÉzĂ©chiel 45 et sa traduction en anglais.
  3. Jewish Encyclopedia 1906.
  4. Mishna Yoma 5:1-2.
  5. Rashi
  6. Likouté Moharane II
  7. Zohar II, 88b
  8. Likutey Halakhot I
  9. Zohar III, 68b
  10. Likutey Halakhot II
  11. Philon 1854, De Specialibus legibus I:186 & II:193-203.
  12. Mishna Yoma 3:8, 4:2, 6:1 & 6:2.
  13. Mishna Yoma 6:6.
  14. F. JosÚphe, « Antiquités judaïques, livre III, chap. 10, §3 »
  15. Mishna Yoma 5:1.
  16. Mishna Yoma 7:1.
  17. Mishna Yoma 8:1 ; cf. Sifra Aharei Mot, parasha 5, 8:3 & Emor, parasha 11, 14:4.
  18. Mishna Meguila 1:5.
  19. Mishna Yoma 8:5-7.
  20. Mishna Yoma 8:2-3 ; cf. Sifra Aharei Mot, parasha 5, 7:1-9.
  21. Jubilés 1913 34:17-20.
  22. Pesher Habacuc 11:4-8, cité in Encyclopedia Judaica 2008.
  23. Seder Olam Rabba (Ă©d. Leiner), chap. 6.
  24. Siracide 50:5-21.
  25. Mishna Taanit 4:8, cf. Jewish Encyclopedia 1906.
  26. Sifra (éd. Weiss), parashat Aharei Mot, parasha 5, chap. 8, §1 (V-8:1), ibid., parashat Emor XI-14:1.
  27. Mishna Shevouot 1:6.
  28. Jubilés 5:17-18.
  29. Siracide 34:26.
  30. Mishna Yoma 8:8-9.
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  34. http://www.divreinavon.com/pdf/ErevYomKippur.pdf Erev Yom Kippur - The purpose of the day as seen through Talmudic anecdotes (PDF)
  35. ModĂšle:Wex
  36. Le tallit n’est normalement portĂ© qu’au cours de la journĂ©e. Bien que cette pratique de Kippour ait fait l’objet de nombreuses interprĂ©tations plus ou moins rĂ©centes, la raison traditionnelle est qu’on porte le tallit afin d’honorer la PrĂ©sence Divine, particuliĂšrement prĂ©sente en ce jour.
  37. (en) Rabbi Daniel Fine, « A Relatable Translation of the Viduy Confession », sur aishcom (consulté le )
  38. PriĂšre additionnelle, supplĂ©mentaire rĂ©citĂ©e le Chabbat et les jours de fĂȘte. Elle remplace le sacrifice supplĂ©mentaire qui Ă©tait offert dans le Temple ces jours lĂ . voir LĂ©vitique 23 : 27 et Nombres 29,7.
  39. Ou guilouy arayot « dévoilement de la nudité » relatif aux relations sexuelles prohibées.
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Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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