Yoma (traité)
Le traitĂ© Yoma (judĂ©o-aramĂ©en : ŚŚŚŚ « le jour »), appelĂ© Yom Hakippourim dans la Tossefta et Kippourim par Sherira Gaon, est le cinquiĂšme de lâordre MoĂ«d dans la Mishna et les Talmuds. Il traite de Yom Kippour et particuliĂšrement du rite de ce jour Ă lâĂ©poque du second Temple.
Objet du traité
Le culte Ă lâĂ©poque du second Temple
Le traitĂ© dĂ©crit le rite du yoma rabba (judĂ©o-aramĂ©en : ŚŚŚŚ ŚšŚŚ « grand jour »), ainsi quâon appelait Yom Kippour Ă lâĂ©poque du Second Temple[1].
Ce rite suit les ordonnances prescrites dans LĂ©vitique 16:2-28 : aprĂšs sâĂȘtre lavĂ©, le Grand-prĂȘtre revĂȘt une tunique de lin et pĂ©nĂštre dans le sanctuaire pour y offrir un taureau en expiatoire et un bĂ©lier en holocauste, ainsi que deux boucs et un bĂ©lier au nom de lâassemblĂ©e des IsraĂ©lites[2]. Il amĂšne le taureau, tire au sort pour les deux boucs, destinant lâun Ă ĂȘtre offert en expiation Ă Dieu et lâautre Ă ĂȘtre envoyĂ© Ă Azazel chargĂ© des fautes du peuple. Il offre son taureau expiatoire et lâencens de maniĂšre Ă obscurcir la piĂšce oĂč se trouve lâArche[3]. Il asperge sept fois le propitiatoire, immole le bouc expiatoire et agit de mĂȘme avec le sang de l'animal, afin de purifier le sanctuaire des souillures du peuple. Il agit de mĂȘme avec lâautel pour purifier le Tabernacle[4]. Il charge le bouc vivant des fautes et le fait envoyer dans le dĂ©sert[5]. Il poursuit, aprĂšs sâĂȘtre lavĂ©, son office tandis que la personne chargĂ©e de conduire le bouc Ă©missaire dans le dĂ©sert et celle qui fait brĂ»ler la peau, la chair et la fiente des offrandes expiatoires doivent demeurer hors du camp jusquâau soir, car ils sont en Ă©tat dâimpuretĂ© rituelle[6]. Le traitĂ© ne sâattarde en revanche pas sur les offrandes supplĂ©mentaires du jour[7] ; en revanche, il digresse Ă plusieurs reprises sur le culte du Temple lors des jours ordinaires.
Il nâest, Ă lâĂ©poque oĂč il est dĂ©crit plus pratiquĂ© depuis environ 150 ans mais repose sur des tĂ©moignages et traditions contemporains, parfois contradictoires[8].
Des temps agités
Plusieurs tĂ©moignages font Ă©tat du dĂ©sordre qui rĂšgne dans le judaĂŻsme Ă la fin de lâĂ©poque du Second Temple.
Une dispute rĂšgne entre SadducĂ©ens, Pharisiens et dâautres factions (de lâavis de tous, cette discorde a causĂ© la destruction du second Temple[9]) ; les personnes dĂ©signĂ©es comme Grand-prĂȘtre sont souvent inaptes Ă assurer leurs tĂąches ou enclins Ă diverger de la norme pharisienne, ce qui entraĂźne une guidance et une surveillance constante de la part de ces derniers afin de sâassurer de la tenue du rite selon leurs prescriptions[10]. Les Grands-prĂȘtres, mourant souvent dans lâannĂ©e qui suit leur nomination pour nâavoir pas accompli correctement le rite, sont si nombreux Ă se succĂ©der[11] que la salle oĂč on les loge, auparavant appelĂ©e « salle du bois », est connue Ă lâĂ©poque de la Mishna comme la « salle du ParhĂ©drin » car le Grand PrĂȘtre est, Ă lâinstar dâun parhedrion (officier du roi), remplacĂ© tous les douze mois[12].
Propitiation et repentir
Les autres modalitĂ©s du jour, dont le jeĂ»ne et le chĂŽmage[13], ainsi que lâobtention de la propitiation des fautes, ne sont abordĂ©es quâau dernier chapitre. La propitiation des fautes est cependant au centre du jour et grĂšve fortement le rituel dĂ©crit. En effet, bien que sa rĂ©alisation incorrecte rende le Grand prĂȘtre passible de mort[14], il ne permet, sans teshouva (repentir) sincĂšre prĂ©alable, que le pardon de fautes lĂ©gĂšres commises envers Dieu[15].
Mishna
La Mishna comprend 61 mishnayot (articles), réparties en huit chapitres.
Premier chapitre
Le premier chapitre relate la semaine de la personne dĂ©signĂ©e comme Grand prĂȘtre alors quâon la prĂ©pare Ă rĂ©aliser son office Ă Yom Kippour.
IsolĂ© dans la salle du ParhĂ©drin aprĂšs que les prĂ©cautions ont Ă©tĂ© prises pour lui pourvoir un remplaçant ou une Ă©pouse en cas de besoin, le Grand prĂȘtre sâentraĂźne aux aspersions de sang, Ă brĂ»ler lâencens et Ă offrir la tĂȘte et la jambe. Des Anciens lui font rĂ©pĂ©ter le rituel et insistent pour quâil ne suive pas les coutumes des SadducĂ©ens. La veille de Yom Kippour, on restreint ses rations alimentaires car lâabus de nourriture pourrait entraĂźner de la somnolence. On stimule son attention en le faisant Ă©tudier ou en lui faisant la lecture dans divers Livres bibliques parmi les Ketouvim. Des jeunes prĂȘtres sâassurent par divers moyens quâil ne sâendort pas. La Mishna enseigne ensuite quâĂ Yom Kippour, les cendres sont ĂŽtĂ©es de lâautel plus tĂŽt quâĂ lâordinaire.
Second chapitre
Le second chapitre revient plus amplement sur le nettoyage des cendres et sur lâattribution des tĂąches et fonctions lors des jours ordinaires.
Les charges revenaient autrefois Ă ceux qui Ă©taient les plus rapides pour se rendre sur les lieux. Lâattribution par tirage au sort fut dĂ©cidĂ©e lorsquâun cohen en lice blessa un concurrent en le faisant involontairement chuter. Les cohanim se tiennent depuis en cercle et lâun dâeux, Ă©nonçant un nombre, compte le nombre de doigts levĂ©s (un doigt par cohen, Ă©ventuellement deux si lâon Ă©tait trop faible pour le maintenir) jusquâĂ ce quâil parvienne au cohen dĂ©signĂ© pour nettoyer les cendres, abattre lâanimal apportĂ© en offrande, procĂ©der Ă lâaspersion de sang, nettoyer lâautel intĂ©rieur (mizbea'h pnimi), le candĂ©labre (menora) et prĂ©senter les diverses parties de lâoffrande. Neuf Ă douze cohanim sont employĂ©s Ă lâoffrande perpĂ©tuelle, dix pour un bĂ©lier, vingt-quatre pour un taureau.
TroisiĂšme chapitre
AprĂšs avoir rappelĂ© comment le temps adĂ©quat pour lâabattage rituel (celui-ci ne pouvant se faire de nuit) Ă©tait dĂ©terminĂ© par observation de la luminositĂ© du jour, le troisiĂšme chapitre revient sur lâordre du jour.
Câ'est Ă ce moment quâon fait descendre le Grand prĂȘtre au bain rituel car nul ne peut assurer le culte ni pĂ©nĂ©trer dans la cour du Temple sâil ne sâest pas immergĂ© auparavant. Le Grand prĂȘtre doit sâimmerger cinq fois en ce jour et se laver dix fois (de lâeau chaude est ajoutĂ©e la veille Ă lâeau froide du bain rituel si le Grand prĂȘtre est de constitution fragile). Un drap de lin est Ă©tendu entre lui et lâassemblĂ©e lors de ses ablutions. AprĂšs la premiĂšre, il revĂȘt un habit cousu dâor, lave ses mains et ses pieds, abat lâoffrande perpĂ©tuelle du matin, procĂšde aux aspersions du sang de l'animal, pĂ©nĂštre dans lâenceinte pour faire brĂ»ler lâencens du matin, rallumer les bougies, offrir la tĂȘte, les organes, lâoblation et le vin.
On le mĂšne ensuite dans la salle des fourrures (lishkat haparva) oĂč, isolĂ© du public par un drap de lin, il sâimmerge une nouvelle fois et revĂȘt des habits de lin. On lui prĂ©sente ensuite un taureau prĂ©cisĂ©ment orientĂ© ; il impose ses deux mains sur lui, confessant ses fautes et celles de sa maison, selon une formule rituelle sâachevant sur le verset du LĂ©vitique 16:30. LâassemblĂ©e rĂ©pond alors « bĂ©ni soit le Nom dont la gloire du royaume est Ă jamais ». Il se dirige ensuite Ă lâest de la cour oĂč deux hauts dignitaires lâattendent ainsi que deux boucs et une urne avec deux goralot (lots pour effectuer le tirage au sort) ; Ben Gamla les avait faits dâor, alors quâils Ă©taient originellement en bois, et Ă©tait louĂ© pour cela.
Poursuivant son Ă©lan, la Mishna Ă©voque avec les mĂȘmes compliments Ben Kattina, Monobaz dâAdiabĂšne, sa mĂšre HĂ©lĂšne et Nicanor (probablement un parent des alabarques dâAlexandrie[16]) pour les amĂ©liorations quâils avaient apportĂ©es au Temple. Elle voue ensuite Ă lâopprobre les gens de la maison de Garmou pour nâavoir pas voulu enseigner comment prĂ©parer le pain de prĂ©sentation, ceux de la maison dâAvitnas pour nâavoir pas voulu enseigner la composition de lâencens, Hugros ben Levi pour nâavoir pas voulu enseigner comment chanter et Ben Kamtzar pour nâavoir pas voulu enseigner comment Ă©crire.
QuatriĂšme chapitre
Le quatriÚme chapitre décrit la propitiation de la caste sacerdotale, prérequis pour celle des simples Israélites. Le tirage au sort des boucs est effectué.
EncadrĂ© par les deux dignitaires, le Grand prĂȘtre tire les lots ; le dignitaire se trouvant du cĂŽtĂ© du bras qui tient le lot dĂ©signant le bouc expiatoire demande au Grand prĂȘtre de lever ce bras en annonçant « Ă Dieu ». Les dignitaires rĂ©pondent alors « bĂ©ni soit le Nom ⊠».
AprĂšs avoir marquĂ© le bouc Ă©missaire et le bouc expiatoire en attachant un ruban rouge Ă la tĂȘte du premier et Ă la gorge du second, le Grand prĂȘtre se dirige une seconde fois vers son taureau. Il lui impose ses mains et confesse une nouvelle fois ses fautes et celles de sa maison mais aussi celles de la maison dâAaron. LâassemblĂ©e rĂ©pond « bĂ©ni soit le Nom ⊠» et le taureau est immolĂ©. Son sang est recueilli et confiĂ© Ă un prĂȘtre qui le secoue afin quâil ne coagule pas le temps que le Grand prĂȘtre prenne les braises les plus brĂ»lantes de lâautel avec une pelle. En ce jour, il le fait, contrairement Ă lâhabitude avec une seule pelle lĂ©gĂšre et Ă long manche, dont lâor est chauffĂ© au rouge ; lâencens quâil offre est plus finement moulu et le chemin quâil prend est diffĂ©rent ainsi que lâustensile avec lequel il lave ses mains et le nombre de bĂ»chers.
CinquiĂšme chapitre
Le cinquiĂšme chapitre poursuit et conclut le rituel du jour dans le Temple.
Ayant dĂ©posĂ© deux poignĂ©es dâencens dans une louche, le Grand prĂȘtre traverse avec cette louche et la pelle de braises le sanctuaire pour arriver devant les rideaux sĂ©parant le sanctuaire du saint des saints (kodesh hakodashim ou devir). Puis, se dirigeant vers lâendroit oĂč se trouvait lâarche dans le saint des saints, il dĂ©pose la louche dâencens entre les deux pĂŽles de lâarche, sur la pierre dâassise (even shtiya). Il fait brĂ»ler lâencens avec les braises et, aprĂšs que la chambre s'est emplie de fumĂ©e, marche Ă reculons vers la salle extĂ©rieure oĂč il fait une brĂšve priĂšre.
Le Grand prĂȘtre retourne alors Ă lâendroit oĂč il se tenait avec le bol de sang du taureau, effectuant une aspersion vers le haut et sept vers le bas en effectuant un mouvement de fouet et en les dĂ©comptant (« un, un et un, un et deux, ⊠un et sept »). Il dĂ©pose le bol, abat le bouc expiatoire, recueille son sang dans un autre bol et retourne procĂ©der au mĂȘme rituel dâaspersion. DĂ©posant le bol de sang du bouc, il prend celui du taureau et en asperge de la mĂȘme maniĂšre le voile faisant face Ă lâarche de lâextĂ©rieur. Il vide alors ce qui reste de sang du taureau dans le bol du bouc pour se diriger vers lâautel dorĂ© (mizbea'h hazahav).
Il procĂšde Ă la purification de cet autel avec le mĂ©lange de sangs, en lâenduisant dâabord et en lâaspergeant ensuite selon le rituel dĂ©crit. Les restes de sang sont jetĂ©s Ă la base occidentale de lâautel des offrandes oĂč ils se mĂ©langent Ă ceux des autres offrandes, dĂ©versĂ©es Ă la base mĂ©ridionale de celui-ci ; de lĂ , ils sâĂ©coulent dans la vallĂ©e du Kidron oĂč ils sont vendus comme engrais aux jardiniers.
Ainsi sâachĂšve le rituel propre au jour dans le Temple (mais non la journĂ©e ni les tĂąches du Grand prĂȘtre). De lâavis de la majoritĂ© des rabbins de la Mishna, il doit obligatoirement ĂȘtre suivi selon lâordre prescrit.
SixiĂšme chapitre
Le sixiÚme chapitre est consacré aux ordonnances relatives au bouc envoyé à Azazel.
Celui-ci doit, idĂ©alement, ne prĂ©senter aucune diffĂ©rence avec le bouc qui aura Ă©tĂ© choisi pour lâoffrande expiatoire et avoir Ă©tĂ© achetĂ© en mĂȘme temps afin de ne pas influencer le tirage au sort. Si lâun des deux boucs meurt avant le tirage au sort, un autre doit ĂȘtre achetĂ© mais si câest aprĂšs, il faut racheter deux nouveaux boucs et recommencer la loterie. Si câest le bouc expiatoire qui meurt, le Grand prĂȘtre doit dĂ©clarer que celui que le sort dĂ©signera comme expiatoire prendra sa place et de mĂȘme pour le bouc Ă©missaire. Le bouc survivant est menĂ© au pĂąturage et ne peut ĂȘtre vendu que lorsquâil dĂ©veloppera un dĂ©faut le disqualifiant comme offrande ; lâargent de la vente doit lui-mĂȘme servir pour acquĂ©rir de quoi faire une offrande volontaire.
Le Grand prĂȘtre se rend prĂšs du bouc dĂ©signĂ© pour ĂȘtre envoyĂ© Ă Azazel. Il impose ses mains sur la tĂȘte du bouc, confessant les fautes dâIsraĂ«l selon une formule diffĂ©rente des prĂ©cĂ©dentes mais se concluant comme elles sur le verset du LĂ©vitique 16:30. Lorsquâil prononce le Nom divin, prĂȘtres et gens se trouvant dans la cour du Temple tombent en prosternation, rĂ©pondant immĂ©diatement « BĂ©ni soit le Nom ⊠».
Il donne ensuite le bouc Ă la personne qui le conduira Ă Azazel (cette personne nâest, en gĂ©nĂ©ral, pas choisie parmi les IsraĂ©lites) en empruntant une rampe surĂ©levĂ©e, construite du fait des Babyloniens qui avaient pour habitude de tirer ses poils[17]. Les aristocrates de JĂ©rusalem lâaccompagnent jusquâĂ la premiĂšre des dix Ă©tapes qui sĂ©parent la ville du prĂ©cipice. Les personnes prĂ©sentes Ă chaque relais lâencouragent et lâaccompagnent jusquâĂ la station suivante mais seuls la personne et le bouc vont jusquâau prĂ©cipice.
Elle attache alors le ruban rouge entre les cornes du bouc dâune part et Ă un lourd rocher de lâautre, avant de le pousser en arriĂšre ; le bouc nâest pas arrivĂ© Ă la moitiĂ© de sa chute que le rocher lâa dĂ©jĂ concassĂ©. La personne retourne alors Ă la derniĂšre Ă©tape oĂč elle demeure jusquâau soir, en Ă©tat dâimpuretĂ© rituelle. Pendant ce temps, les gens du Temple prĂ©viennent le Grand prĂȘtre que le bouc est arrivĂ© dans le dĂ©sert, en envoyant des signaux par le biais dâĂ©toffes, en Ă©valuant le temps de marche ou en voyant un ruban rouge placĂ© sur la porte du sanctuaire devenir miraculeusement blanc (dâaprĂšs IsaĂŻe 1:18).
Le Grand prĂȘtre se dirige alors vers le taureau et le bouc expiatoires qui reposent toujours sur lâautel des offrandes, en retire les parties sacrificielles, les dispose sur un plateau quâil fait griller sur lâautel. Il les rassemble ensuite et les fait porter Ă lâendroit oĂč ils seront brulĂ©s, hors de JĂ©rusalem. Les gens chargĂ©s de faire brĂ»ler ces parties doivent Ă©galement y demeurer jusquâau soir, en Ă©tat dâimpuretĂ© rituelle.
SeptiĂšme chapitre
Pendant quâon emmĂšne les parts sacrificielles Ă lâendroit oĂč elles seront brĂ»lĂ©es, dans un lieu Ă©loignĂ© du Temple, le Grand prĂȘtre vient lire les passages bibliques du jour, dans des habits de lin ou dans sa tunique blanche. Le hazzan (superviseur) de lâassemblĂ©e prend le rouleau de la Torah, le tend au maĂźtre de lâassemblĂ©e qui le passe au segan hacohanim (prĂ©posĂ© Ă la prĂȘtrise, sâassurant que tout est fait selon le rite) qui le donne au Grand prĂȘtre. Celui-ci se lĂšve pour lire les passages correspondants Ă LĂ©vitique 16 et 23:26-32. Il enroule ensuite le rouleau, le place dans son Ă©tui, rĂ©cite Nombres 29:7-11 de mĂ©moire et conclut par huit bĂ©nĂ©dictions.
Le Grand prĂȘtre procĂšde alors Ă de nouvelles ablutions et change de vĂȘtements, revĂȘtant ses habits dâor pour procĂ©der Ă lâoffrande perpĂ©tuelle de lâaprĂšs-midi. Il rĂ©alise ensuite dâautres ablutions, revĂȘtant une tunique de lin pour aller reprendre la louche et la pelle quâil a laissĂ©es dans le saint des saints. Il sâimmerge une fois de plus, remet des habits dâor pour faire brĂ»ler lâencens de lâaprĂšs-midi et raviver les flammes. Il se dĂ©shabille, revĂȘt ses habits ordinaires, rentre chez lui et convie ses amis Ă un grand festin pour avoir pu sortir sain et sauf du Temple.
La Mishna dĂ©crit les quatre habits que portent les simples prĂȘtres lorsquâils officient (une tunique, un pantalon, un couvre-chef et une ceinture) contre les huit que porte le Grand prĂȘtre lors de son service (les mĂȘmes habits avec, en outre, le pectoral, lâĂ©phod, le manteau et la tiare) et lorsquâil doit consulter les Ourim et Thoummim ; il ne peut le faire quâĂ la demande dâun roi, dâun tribunal ou dâune personne de fonction publique.
HuitiĂšme chapitre
Le dernier chapitre de la Michna traite de rÚgles et principes relatifs au jour mais de portée plus générale.
Yom Kippour sâobserve non seulement par lâabstention de nourriture et boisson mais aussi par lâinterdiction de se baigner, de sâenduire dâhuile, du port de sandales (chaussures) et de rapports conjugaux. Le volume de nourriture interdit est celui dâune datte avec son noyau ; celui de liquide est de quoi remplir une joue ; qui a bu et mangĂ© en une fois (en ayant oubliĂ© quâil sâagit de Yom Kippour) nâest redevable que dâune et non deux offrandes expiatoires (si les aliments Ă©taient consommables) mais si cette personne a en outre effectuĂ© une activitĂ© interdite, elle est redevable de deux offrandes. Ces lois ne concernent pas les enfants qui nâont pas atteint la majoritĂ© religieuse (douze ans pour les filles, treize pour les garçons) mais on les y Ă©duque une Ă deux annĂ©es avant cet Ăąge ; une femme enceinte et un malade doivent ĂȘtre nourris jusquâĂ ce quâils puissent surmonter leur dĂ©faillance, de mĂȘme quâune personne saisie de boulmos (chute de tension extrĂȘme causĂ©e par lâabstention de nourriture[18]), mĂȘme avec des aliments impurs ; Matya ben Harash est dâavis que lâon peut aussi donner du foie dâun chien enragĂ© Ă la personne quâil a mordue car la prĂ©servation de la vie lâemporte, de mĂȘme sur le chabbat, quâil sâagisse ou non dâun Juif.
Les offrandes expiatoires et propitiatoires garantissent le pardon des fautes et Yom Kippour de mĂȘme si (et seulement si) la personne se repent. Le repentir efface les fautes lĂ©gĂšres et suspend le chĂątiment jusquâĂ ce quâadvienne Yom Kippour. Il est cependant inefficace si la personne ne compte pas sâĂ©loigner dĂ©finitivement du pĂ©chĂ©.
Yom Kippour ne permet par ailleurs que le pardon pour les fautes commises envers Dieu, non pour celles commises envers autrui ; en ce cas, son pardon est un prérequis obligatoire.
Tossefta
La Tossefta Yoma, compilation de traditions extra-mishnaĂŻques visant Ă expliquer et complĂ©menter la Mishna, est divisĂ©e en cinq chapitres. Elle comprend de nombreuses amplifications aggadiques, avec nombre dâanecdotes historiques et lĂ©gendaires et des maximes morales.
Ainsi, des dĂ©tails sont donnĂ©s sur les dons des bienfaiteurs au Temple et lâhistoire des portes de Nicanor, miraculeusement sauvĂ©es du naufrage lors de leur transport depuis Alexandrie[19]. La Tossefta prend aussi la dĂ©fense des personnes blĂąmĂ©es par la Mishna, arguant quâils auraient agi ainsi non pour leur prestige personnel mais pour Ă©viter que leur science ne soit utilisĂ©e Ă des fins idolĂątres ; le mot de la fin est donnĂ© Ă Ben AzzaĂŻ, qui dit : « ce qui est Ă toi, on te le donnera, par ton nom tu seras appelĂ© et Ă ta place tu seras assis. Rien nâest oubliĂ© devant le Lieu et nul ne peut prendre ce qui est prĂȘt pour son prochain[20] ». Rabbi Yosse raconte aussi avoir vu, lors de son passage Ă Rome, le voile du sanctuaire, encore entachĂ© des aspersions de sang rĂ©alisĂ©es lors des cĂ©rĂ©monies prĂ©cĂ©dentes[21].
Dans ses dĂ©veloppements sur le repentir, la Tossefta ajoute certaines considĂ©rations absentes de la Mishna, notamment « qui fait mĂ©riter les autres, ne pourra transgresser afin que ses disciples nâhĂ©ritent pas du monde (Ă venir) tandis quâil descend au sheol ainsi quâil est dit (Psaumes 16:10) "car tu nâabandonneras pas mon Ăąme au sheol" mais qui entraĂźne les autres Ă la transgression ne pourra se repentir afin que ses disciples ne descendent pas au sheol tandis quâil hĂ©rite du monde, ainsi quâil est dit (Proverbes 28:17) "Un homme accablĂ© sous le poids dâun meurtre arrive, dans sa fuite, au bord de la fosse ; quâon ne lui tende pas la main !" »[22].
Guemarot de Babylone et de JĂ©rusalem
La Guemara des Sages de Babylone et celle des Sages de Galilée qui forment, avec la Mishna, le Talmud de Babylone et celui de Jérusalem respectivement, discutent et expliquent les mishnayot ; cependant, les discussions des Sages, qu'elles traitent de halakha (sujets légaux) ou de aggada (sujets non-légaux), excÚdent souvent le sujet de base et les Talmuds, en particulier celui de Babylone, sont riches en sentences, proverbes, histoires, légendes et autres interprétations.
Ainsi, outre le traitement du rituel de Yom Kippour, la Guemara de Babylone aborde le principe du pikkouah nefesh selon lequel la prĂ©servation dâune vie lâemporte sur tous les prĂ©ceptes et le chabbat, Ă lâexception du meurtre, de lâinceste et de lâidolĂątrie pour lesquels mieux vaut mourir que transgresser[23].
Perles de halakha
- Abaye a Ă©tabli la sĂ©quence du culte de lâautel en se basant sur la tradition et lâenseignement dâAbba SaĂŒl : le grand bĂ»cher prĂ©cĂšde le bĂ»cher secondaire (oĂč lâon fait offrande) de lâencens, le bĂ»cher secondaire de lâencens prĂ©cĂšde le placement des deux bĂ»ches, le placement des deux bĂ»ches prĂ©cĂšde le nettoyage des cendres de lâautel intĂ©rieur, le nettoyage des cendres de lâautel intĂ©rieur prĂ©cĂšde lâarrangement des cinq branches (du candĂ©labre), lâarrangement des cinq branches prĂ©cĂšde le (jet du) sang de lâoffrande perpĂ©tuelle, le sang de lâoffrande perpĂ©tuelle prĂ©cĂšde lâarrangement des deux (derniĂšres) branches ; lâarrangement des deux branches prĂ©cĂšde lâencens, lâencens prĂ©cĂšde le(brĂ»lement de)s membres, les membres (prĂ©cĂšdent) lâoblation de farine, lâoblation de farine les galettes, les galettes les libations, les libations les offrandes supplĂ©mentaires, les offrandes supplĂ©mentaires les bols (dâoliban) et les bols prĂ©cĂšdent lâoffrande perpĂ©tuelle de lâaprĂšs-midi, ainsi quâil est dit (LĂ©vitique 6:5) : « il (le cohen) y arrangera lâholocauste et fera fumer sur elle les graisses du rĂ©munĂ©ratoire » â sur elle, complĂšte toutes les offrandes[24]
- On peut sauter des passages lorsquâon lit (publiquement) dans les Livres prophĂ©tiques ; on ne le peut pas lorsquâon lit la Torah[25]
- « Sâil est pris dans un Ă©boulement (le chabbat) âŠ, on remue les dĂ©bris. Si on le trouve en vie, on nettoie le reste des dĂ©bris ». Si on le trouve en vie ?! Câest Ă©vident ! Non, il est nĂ©cessaire de le signaler (pour indiquer que câest le cas) mĂȘme pour prolonger la vie dâun instant seulement[26]
- Comment vĂ©rifie-t-on sâil est mort ou vivant ? Certains disent (la prĂ©sence de) sa respiration, dâautres (les battements) de son cĆur[26]
Perles dâaggada
- Que signifie (Psaumes 2:11) « rĂ©jouissez-vous avec tremblement » ? Rav Ada bar Matana a dit au nom de Rav : en un lieu de rĂ©jouissances, quâil y ait (aussi) de la crainte[27]
- Nul ne peut raconter une chose Ă son ami avant que celui-ci ne lâen ait priĂ© ⊠Si lâon raconte quelque chose Ă quelquâun, il ne peut le rĂ©pĂ©ter avant d'y ĂȘtre autorisĂ©[27]
- Lorsquâun pauvre se prĂ©sente devant le jugement (cĂ©leste) et quâon lui demande pourquoi il nâa pas Ă©tudiĂ©, sâil rĂ©pond que sa pauvretĂ© lâa obligĂ© Ă se consacrer Ă sa subsistance, on lui rappelle que Hillel fut plus pauvre que lui et quâil nâhĂ©sita pas Ă suivre les cours de Shemaya et Abtalion depuis le toit, en pleine pĂ©riode de tevet jusquâĂ ĂȘtre recouvert de trois coudĂ©es de neige. Lorsquâun riche rĂ©pond Ă la mĂȘme question en arguant que sa richesse lâa obligĂ© Ă se consacrer Ă ses affaires, on lui rappelle que Rabbi ElĂ©azar ben Harsoum fut plus riche que lui et quâil nâhĂ©sita pas Ă se dĂ©lester de ses richesses pour poursuivre son Ă©tude. Lorsquâun mĂ©chant rĂ©pond en arguant quâil eut fort Ă faire pour rĂ©frĂ©ner ses pulsions, on lui rĂ©pond que Joseph, constamment harcelĂ© par la femme de Potiphar, eut davantage Ă refrĂ©ner ses pulsions et prĂ©fĂ©ra les brimades[28]
Notes et références
- cf. T.B. Roch Hachana 21a
- LĂ©vitique 16:2-5
- LĂ©vitique 6-13
- LĂ©vitique 14-19
- LĂ©vitique 20-22
- LĂ©vitique 23-28
- Nombres 29:7-11
- cf. Mishna Yoma 3:6, 4:1, 4:5-6, âŠ
- T.J. Yoma 1:1 (38c) ; T.B. Yoma 9b
- Mishna Yoma 1:5
- T.B. Yoma 9a
- Rachi sur T.B. Yoma 8a
- LĂ©vitique 23:27-32
- cf. LĂ©vitique 16:2-3
- Mishna Yoma 8:6-7
- Heinrich GrĂ€tz, Die JĂŒdischen Ethnarchen oder Alabarchen in Alexandrien, in Monatsschrift fĂŒr die Geschischte und Wissenschaft des Judenthums, 1876
- Les poils du bouc selon Jewish Encyclopedia 1906, ceux de la personne selon le Bartenoura ad loc.
- cf. Rachi & Tiferet Israël ad loc.
- Tossefta Yoma (Ă©d. Lieberman) 2:4
- T. Yoma 2:5-7
- T. Yoma 3:8
- T. Yoma 4:10-11
- T.B. Yoma 83a-85b
- T.B. Yoma 33a & The complete Artscroll Machzor 1991, p. 269-270
- T.B. Yoma 69b
- T.B. Yoma 85a
- T.B. Yoma 4b
- T.B. Yoma 35b
Annexes
Liens externes
- (he)/(tmr) Mishna, Tossefta, Guemara babylonienne et jérusalémite du traité Yoma, sur le site snunit.
Bibliographie
- The complete Artscroll Machzor, Mahzor Hayim Yehezqel, New York, Mesorah Publications, (ISBN 0-89906-699-2)
- (en) Joseph Jacobs & Jacob Zallel Lauterbach, in Jewish Encyclopedia, Yoma, New York, Jewish Encyclopedia (Funk & Wagnalls), (lire en ligne)