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Cassis (fruit)

Le cassis (prononcé [ka.sis] ou parfois [ka.si]), est le fruit du cassissier (Ribes nigrum) (souvent aussi nommé cassis comme le fruit)[1]. Cet arbrisseau de la famille des Grossulariacées, originaire de l'Europe septentrionale et du nord de l'Asie, pousse spontanément dans les régions montagneuses et froides de la zone paléoarctique[2].

Le cassissier a commencĂ© Ă  ĂȘtre cultivĂ© en France au XVIIIe siĂšcle, aprĂšs la publication de plusieurs Ă©crits de l’abbĂ© Bailly ventant ce « trĂšs-excellent Elixir de vie qui entretient la santĂ© » et guĂ©rit de nombreuses maladies. Sa rĂ©putation mĂ©dicinale poussa nombre de Français Ă  planter un pied dans son jardin. À partir du XIXe siĂšcle, c’est l’attrait provoquĂ© par deux boissons Ă  base de cassis, le blanc-cassis (appelĂ© plus tard le kir) et la crĂšme de cassis, qui assura la demande nĂ©cessaire au dĂ©veloppement Ă  grande Ă©chelle de la production française de cassis.

De nos jours, aprĂšs avoir Ă©tĂ© utilisĂ© pour ses propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales, le cassis est utilisĂ© en alimentation oĂč il exprime au mieux toutes ses saveurs, en grains, en purĂ©e ou en coulis dans les crumbles, tartes, charlottes, mousses, glaces et sorbets. Son emploi le plus frĂ©quent reste la confection de confiture, gelĂ©e ou sirop. L’industrie agroalimentaire l’utilise en confiture, compote, mousse, glace et sorbet, dans les produits lactĂ©s et les petits pots pour jeunes enfants, en confiserie etc. Sans oublier la crĂšme de cassis qui constitue la plus grande part de la rĂ©colte française. Les parfumeurs de Grasse utilisent aussi l'huile essentielle tirĂ©e du bourgeon[3].

Le cassis a parmi les petits fruits rouges (avec la myrtille, la groseille, la cerise griotte etc.), les teneurs les plus élevées en polyphénols et les activités antioxydantes les plus importantes.

Les plus gros producteurs sont dans l’ordre, la Russie, la Pologne, le Royaume-Uni et la France.

Description

Une grappe de cassis

Les cassis sont des baies le plus souvent noires formant des grappes, pulpeuses, Ă  la peau lisse, fortement aromatiques, surmontĂ©es des restes des calices des fleurs dont ils sont issus. La saveur acidulĂ©e est extrĂȘmement sucrĂ©e et trĂšs aromatique. Les petits pĂ©pins ne sont pas dĂ©sagrĂ©ables Ă  la mastication, en revanche selon les variĂ©tĂ©s, la « peau » peut ĂȘtre un peu ferme[3].

Le cassis est utilisĂ© principalement par les industries de transformation (liqueur, sirop, gelĂ©e, parfum). Son jus aigrelet est Ă©pais, tirant sur le violet. Il est riche en tanins, en arĂŽmes et en flavonoĂŻdes (de 100 Ă  300 mg/100 g).

Histoire

Aucun Ă©crit ne permet d'affirmer que le cassisier Ă©tait connu des anciens Grecs et Romains, ainsi que de tout le Moyen Âge français[4] - [5]. Toutefois le latiniste Jacques AndrĂ©, spĂ©cialiste du nom des plantes dans la Rome antique[6] reconnait le cassissier dans la plante du nom de cinobastos, dans l’Histoire naturelle 24, 121 de Pline, un vĂ©gĂ©tal qui « porte une grappe noire dans les grains de laquelle se trouve un nerf »[7]. Mais cette hypothĂšse se heurte Ă  deux obstacles: la carte de l’aire d’origine de Ribes nigrum Ă©tablie avec prĂ©caution par Meusel et JĂ€ger.[8] s’étend trĂšs au nord de la GrĂšce et le cassis n'a pas Ă©tĂ© introduit en GrĂšce, mĂȘme Ă  l'Ă©poque moderne[9].

Au XIIe siĂšcle, Hildegarde de Bingen, haute figure spirituelle du XIIe siĂšcle, recommande l’herbe aux goutteux (De herba gicht) en onguent pour guĂ©rir la goutte (Le livre des subtilitĂ©s[10], chap. 153 De herba gicht). L’identification de cette plante avec le cassissier faite par certains sites web ou certains ouvrages de mĂ©decines naturelles est sujette Ă  caution puisque Hildegarde ne donne aucune indication sur la plante permettant de l’identifier et en l’absence de tout travail acadĂ©mique sur l'herba gicht s’appuyant sur d’autres sources du Moyen Âge, mieux vaut ne pas trop s’avancer.

Le cassissier[n 1] a commencĂ© Ă  ĂȘtre cultivĂ© en Russie au XIe siĂšcle dans les jardins des monastĂšres et les villes[11].

Grandes Heures d'Anne de Bretagne (vers 1503-1508). Parchemin enluminé par Jean Bourdichon (1457-1521). Piperi rotondi ; Ribes nigrum

Au XVIe siĂšcle, la mĂ©thode botanique s’organise, les illustrations botaniques connaissent un renouveau avec la gravure sur bois, et pour la premiĂšre fois apparaissent des inventaires de flores locales[12]. Au tout dĂ©but du XVIe siĂšcle (vers 1503-1508), en France, le cassissier est dessinĂ©, sous le nom de piperi rotondi, dans les marges historiĂ©es du Livre d’Heures par l’enlumineur Jean Bourdichon (1457-1521), Ɠuvrant pour Anne de Bretagne[13].

En 1571, le botaniste suisse de Bùle Gaspard Bauhin rapporte que le cassissier est cultivé comme fruit de table et en 1583, le botaniste et médecin malinois des Pays-Bas bourguignons, Rembert Dodoens, en donne la premiÚre description botanique[5].

En 1724, l’abbĂ© Pierre Bailly de Montaran, docteur de Sorbonne, publie une brochure sur « les propriĂ©tĂ©s admirables du cassis »[14]. À partir de 1747, suivront du mĂȘme auteur plusieurs Ă©ditions, du TraitĂ© du cassis[15] qui nous indique que « Le Cassis est un arbrisseau qui produit des Grapes comme les Groseillers, mais qui sont noirs ; et pour cet effet, on le nomme Groseiller noir ». Il guĂ©rit un nombre incroyable de maladies : les fiĂšvres, la migraine, les panaris, les nƓuds de la goutte et soulage des piqures de frelons, guĂȘpes, abeilles, de bĂȘtes venimeuses ou si on est mordu de chiens enragĂ©s, etc. La maniĂšre la plus commune de l’utiliser, c’est de mettre deux poignĂ©es de feuilles Ă  infuser dans un excellent vin blanc ou rouge pendant vingt-quatre heures, dans une bouteilles de verre. Il faut en boire une ou deux fois par jour. L’auteur donne aussi plusieurs recettes de ratafia et de liqueur pour utiliser les fruits. Ainsi, pour faire une liqueur de cassis, on met dans une bouteille des cassis, du sucre concassĂ© puis on remplit d’une eau-de-vie forte. Pour faire le ratafia « mettez dans une bouteilles moitiĂ© fruit, & la remplissez d’eau-de-vie,& l’exposerez pendant six semaines » puis on ajoute un syrop sucrĂ©. Finalement, « Tout ce qu’on peut dire du Cassis, c’est qu’il est un trĂšs-excellent Elixir de vie qui entretient la santĂ©, & qui fait que les personnes ĂągĂ©es paroissent plus jeunes qu’elles ne sont ». Ce sont les Ă©crits trĂšs valorisants de Pierre Bailly qui lanceront la culture du cassis en France[5].

Le cassis fut trÚs vite auréolé d'une solide réputation médicinale (vertus notamment stomachiques[n 2] et diurétiques[n 3]), les Français le considérÚrent au XVIIIe siÚcle comme une véritable panacée (contre les migraines, les fiÚvres et les rhumatismes) et beaucoup en plantÚrent un pied dans leur jardin.

Paul Constant met en vente un ratafia de cassis contre l’hydropisie et les morsures de serpent. L’historien de l’agriculture et de l’alimentation, Legrand d’Aussy, confirme que « le cassis n’est guĂšre cultivĂ© que depuis une quarantaine d’annĂ©es » dans Histoire de la vie privĂ©e des Français (1782)[5].

Le cassis est alors mis en culture dans l’ouest de la France et dans le val de Loire sous le nom de « cassetier des Poitevins » ou « poivrier ».

Au XIXe siĂšcle, le « blanc-cassis » (ou blanc-cass’) entre dans la littĂ©rature populaire avec les romans d’Émile Gaboriau. Dans les cafĂ©s de l’époque, le pichet de cassis est Ă  la libre disposition du consommateur qui avait pris l’habitude d’arroser le p’tit blanc d’une giclĂ©e de cassis pour arrondir des vins un peu « raides ». En 1841, aprĂšs un voyage Ă  Paris, oĂč il s'Ă©tonne de la renommĂ©e du ratafia de Neuilly, Auguste-Denis Lagoutte produit Ă  Dijon la premiĂšre liqueur de crĂšme de cassis, connue aujourd'hui dans plusieurs pays. Trois ans plus tard, la production atteint 250 hectolitres de liqueur. En 1880, le phylloxera dĂ©truit le vignoble et les vignerons plantent Ă  la place des cassis. L’appellation « Cassis de Dijon » (21 dĂ©cembre 1921) permet de protĂ©ger le produit de la concurrence, tout comme l’AOC « CrĂšme de cassis de Bourgogne » obtenue en 1997[3]. Le chanoine Kir, maire truculent de Dijon, Ă©lu une premiĂšre fois en 1945 et rĂ©Ă©lu jusqu’à sa mort, donna son nom au blanc-cassis (le kir), qu’il servait rĂ©guliĂšrement Ă  ses invitĂ©s[16].

Dans les annĂ©es 1980, les exploitations agricoles françaises en difficultĂ© cherchĂšrent Ă  se diversifier. Les Hautes CĂŽtes de Bourgogne ayant rĂ©ussi Ă  mĂ©caniser la rĂ©colte et l'entretien du cassis, d'autres rĂ©gions se mirent Ă  le planter. Un peu plus tard, en Bourgogne, ce furent en majoritĂ© des agriculteurs de la plaine de la SaĂŽne qui choisirent cette production. Les rendements de ces nouvelles plantations Ă©tant nettement supĂ©rieurs Ă  ceux des terrains peu profonds et caillouteux des Hautes CĂŽtes, les agriculteurs pionniers de l'Ă©volution de cette culture traditionnelle eurent de plus en plus de mal Ă  rentabiliser leur production. D'autre part la surface de la culture du cassis diminua au fil des annĂ©es au profit de celle de la vigne qui reprenait ses droits, propulsĂ©e par l'obtention des AOC « bourgogne hautes-cĂŽtes-de-nuits » et « bourgogne-hautes-cĂŽtes-de-beaune ». L'Ă©volution gĂ©nĂ©rale des structures agricoles fit que les petits champs de cassis en culture traditionnelle disparurent en mĂȘme temps que les « petits paysans ». Aujourd'hui, si le noir de Bourgogne n'a pas tout Ă  fait quittĂ© son berceau, il est allĂ© plus loin voir d'autres terroirs.

Le cassis était autrefois appelé le « commun » en patois bourguignon, ce qui a donné le nom de communard à un apéritif bourguignon.

En 2001, à Nuits-Saint-Georges, au sud de Dijon, s'est ouvert le Cassissium, premier musée mondial consacré à l'étude du cassis ; le musée jouxte la liquoristerie, Védrenne[17].

Le cassis est peu connu dans le sud de l’Europe. Et dans bien des pays, il est comparĂ© Ă  divers produits mĂ©dicinaux de gout fort ou de couleur sombre. En anglais, on l’a qualifiĂ© de « quinsy berry », la baie de l’angine de poitrine[5]. En France, sa consommation sous forme de l’apĂ©ritif kir ou de la crĂšme de cassis, l’a associĂ© aux saveurs douces des fruits rouges, comme la framboise et la mĂ»re, avec une note plus acide.

Production

L’organe statistique de la FAO (nommĂ© FAOSTAT), ne donne pas de valeurs de production pour le cassis seul mais regroupe les productions de cassis et groseilles. Les plus gros producteurs de cassis & groseilles pour 2021 sont dans l’ordre le Russie (474 400 tonnes), la Pologne (152 000 t), l’Ukraine (27 000 t), l’Allemagne (13 770 t), le Royaume-Uni (12 995 t) et la France (10 000 t)[18].

Selon une source britannique de 2018, les principaux pays producteurs de cassis sont l'Écosse, la Pologne, la Lituanie, la NorvĂšge, la France et la Nouvelle-ZĂ©lande[19].

En Europe, les premiers pays producteurs de cassis (seul) sont la Pologne (131 000 t), le Royaume-Uni (12 000 t) et la France (7 000 t), selon le Centre d’étude et de ressources sur la diversification, consultĂ© en mai 2023[20]. La Russie avec 300 000 t apparait comme un des plus grand producteur hors Union EuropĂ©enne. La France compte 150 producteurs exploitant 2 000 hectares. Les principales rĂ©gions de production sont le Val de Loire (40 % des volumes), la Bourgogne, la Haute VallĂ©e du RhĂŽne et l'Oise.

En 2005, la production française a atteint 10 000 tonnes rĂ©coltĂ©es entre le 25 juin et le 25 juillet. Le Val de Loire produit le plus de cassis (5 000 tonnes), devant la Bourgogne (2 000 tonnes), l'Oise (1 600 tonnes) et la vallĂ©e du RhĂŽne (1 400 tonnes)

Deux variétés sont principalement cultivées en France :

  • le noir de Bourgogne (25 % de la prod. française - 2 000 Ă  2 500 tonnes) trĂšs cultivĂ© pour les liquoristes et la parfumerie
  • le black down (75 % de la prod. française, 7 500 Ă  8 000 tonnes)[21], trĂšs utilisĂ© en pĂątisserie, gros rendement, fruits trĂšs fermes, juteux, et bonnes qualitĂ©s organoleptiques.

Analyse nutritionnelle et des composés bioactifs

Cassis, cru
Valeur nutritionnelle moyenne
pour 100 g
Apport énergétique
Joules kJ
(Calories) ( kcal)
Principaux composants
Glucides 9,68 g
– Amidon 0 g
– Sucres 9,68 g
Fibres alimentaires 5,8 g
Protéines 1,33 g
Lipides 0,86 g
Eau 80,5 g
Cendres totales 0,88 g
Minéraux et oligo-éléments
Calcium 57,1 mg
Cuivre 0,093 mg
Fer 1,17 mg
Iode 0,0015 mg
Magnésium 23 mg
ManganĂšse 0,28 mg
Phosphore 53,5 mg
Potassium 330 mg
Sélénium 0,0011 mg
Sodium 2,5 mg
Zinc 0,28 mg
Vitamines
Provitamine A 0,10 mg
Vitamine B1 0,038 mg
Vitamine B2 0,038 mg
Vitamine B3 (ou PP) 0,3 mg
Vitamine B5 0,4 mg
Vitamine B6 0,073 mg
Vitamine B9 0,0082 mg
Vitamine B12 0 mg
Vitamine C 181 mg
Vitamine E 2,1 mg
Acides aminés
Acides gras
Acide linoléique 0,3 mg
Acide alpha-linolénique 0,15 mg

Source : table Ciqual[22]
Analyse nutritionnelle

D’aprĂšs la table Ciqual[22], la baie de cassis est essentiellement constituĂ©e d’eau (80,5 %) et de glucides (9,7 %) (voir la table ci-contre). Son intĂ©rĂȘt provient des micronutriments:, elle est trĂšs riche en vitamine C, sa teneur de 181 mg/100 g reprĂ©sente 226 % de l’Apport journalier recommandĂ© et une teneur de plus du double de celle du kiwi (81 mg/100 g).

L’aciditĂ© des fruits provient essentiellement de l’acide citrique (2,5 g/100 g), un peu par l’acide malique (250 mg) et l’acide quinique (30 mg)[3].

ComparĂ© Ă  d’autres petits fruits rouges, le cassis contient des teneurs plus Ă©levĂ©es en calcium, phosphore et potassium ainsi que des composĂ©s phĂ©noliques comme les anthocyanes.

Composés bioactifs

D’aprĂšs la table du Phenol Explorer[23], les principaux composĂ©s bioactifs sont:

Composés phénoliques du cassis cru
en mg/100g MF cassis cru[23]
Anthocyane
Delphinidine 3-O-rutinoside:304,91 ; Cyanidine 3-O-rutinoside:160,78
Delphinidine 3-O-glucoside:86,68 ; Cyanidine 3-O-glucoside:25,07
Flavanols
(+)-catéchine:0,70 ; (-)-épicatéchine:0,47 ;
Flavonols
Quercetine 3-O-rutinoside:4,65 ; Myricetine 3-O-rutinoside:3,14
Acides phénoliques
acide 3-caffeoylquinique:4,30 ; glucose caffeoyl:2,79

Les anthocyanes (ou anthocyanosides) sont des pigments vĂ©gĂ©taux qui donnent aux cassis leur couleur foncĂ©e. Comme tous les composĂ©s phĂ©noliques, ils possĂšdent des groupes hydroxyles phĂ©noliques, Ar-OH, pouvant fournir aux radicaux libres des H capables de les neutraliser – ce sont donc des antioxydants. La teneur en anthocyanes totaux va de 1,81 Ă  5,48 mg eq cyanidine 3-O-glucoside/100 g et la teneur en polyphĂ©nols totaux va de 7,67 Ă  39,70 mg eq acide gallique/100 g (d’aprĂšs une Ă©tude amĂ©ricaine de Kowalski et al.[24], 2021). Une des utilisations de ses anthocyanes est le colorant alimentaire rouge E 163 III[3].

Le cassis contient aussi des flavonoïdes (flavanols et flavonols) qui ont aussi des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Parmi 10 cultivars de cassis testés par Kowalski et al., les cultivars 'Consort' et 'Tiben' ont respectivement la plus forte et la plus faible teneur en polyphénols totaux

Composés bioactifs de deux cultivars de cassis[24]
CultivarsAnthocyanes tot.
mg eq C3G/100 g mat frai
Polyphénols tot
mg eq AG/100 g mat fr
Capacité antioxydante tot
ÎŒmol eq Trolox/100 g mat fr
Consort4,21 ± 0,9839,70 ± 2,42438,85 ± 67,26
Tiben2,79 ± 1,247,67 ± 1,22225,93 ± 32,92

Rappelons que la capacité antioxydante peut varier en fonction de nombreux facteurs, non seulement en fonction du cultivar du fruit comme on vient de le voir, mais aussi des conditions de croissance, de la maturité au moment de la récolte, et du traitement aprÚs la récolte.

Étant donnĂ© ces grandes variations, la comparaison des petits fruits rouges entre eux demande de grandes prĂ©cautions mĂ©thodologiques. Une Ă©quipe polonaise autour de Borowiec et al.[25] a examinĂ© le profile polyphĂ©nolique et les activitĂ©s antioxydantes avec six tests diffĂ©rents (DPPH, ABTS, CUPRAC, FRAP, ORAC, HORAC) de six petits fruits rouges (la myrtille, le cassis, la groseille, la cerise griotte, la prune etc.).

Les teneurs en polyphénols et les activités antioxydantes les plus élevées (pour les tests DPPH, ABTS, CUPRAC, et FRAP) ont été établies pour le cassis, mais la myrtille (Vaccinium myrtillus) a également de bons scores en raison de sa composition en polyphénols et de son activité antioxydante.

L’activitĂ© anti-inflammatoire des fruits rouges a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e par la mesure de l’inhibition de l’enzyme cyclooxygĂ©nase (COX)[n 4]. La plus forte inhibition de COX-2 a Ă©tĂ© observĂ©e pour la griotte (Prunus cerasus), la myrtille, puis le cassis, la myrtille amĂ©ricaine (Vaccinium corymbosum), la groseille rouge (Ribes rubrum) et la prune (Prunus domestica).

L’activitĂ© anticholinestĂ©rase (qui empĂȘche la dĂ©gradation de l’acĂ©tylcholine[n 5]) des fruits rouges a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e par la mesure de l’inhibition de acĂ©tylcholinestĂ©rase. La plus forte activitĂ© anticholinestĂ©rase s’observe pour les myrtilles, puis le cassis, la groseille[25].

Utilisations

Pour l'alimentation

Bouteille de crĂšme de cassis

Le cassis est consommé frais associé dans une salade de petits fruits rouges et permet la réalisation de gelées, confitures, sorbets, crumbles, tartes (en association) ou de charlotte. On peut aussi le consommer de maniÚre liquide, avec la crÚme de cassis que l'on utilise pour faire les kirs, du nectar (trÚs apprécié en Bulgarie), des sirops, des liqueurs, de la purée ou du coulis.

Le cassis se conserve bien par la dessiccation et congélation, et peut constituer une réserve de fruits pour l'hiver.

La plus grande part de la récolte est destinée au produit phare bourguignon : la crÚme de cassis[3].

En parfumerie

Dans les années 1950, les bourgeons couverts de glandes à essence étaient récupérés pour en extraire une huile essentielle trÚs riche en hydrocarbures monoterpéniques (87 %) et sesquiterpÚnes (7 %)[3].

Quand dans les annĂ©es 1970, les parfumeurs de Grasse s’intĂ©ressent aux bourgeons qui donnent une note herbacĂ©e et amĂšre, et exerce un effet fixateur qui fait durer l’odeur du parfum sur la peau. Les parfumeurs exigeant de la qualitĂ©, les arboriculteurs se spĂ©cialisent dans la culture des cassissiers pour leurs bourgeons.

Les bourgeons sont un produit onĂ©reux et l’essence de cassis est essentiellement utilisĂ©e en parfumerie de luxe. On la trouve dans les eaux fraĂźches et les parfums masculins Ă  odeur de conifĂšre.

La variĂ©tĂ© ‘Noir de Bourgogne’ est la plus cultivĂ©e pour cette utilisation, 70 % de la production des bourgeons est destinĂ©e Ă  l’industrie des parfums, 25 % Ă  l’industrie agroalimentaire comme exhausteur d’arĂŽme dans diverses prĂ©parations de fruits rouges et 5 % pour les laboratoires pharmaceutiques[3].

En phytothérapie

Le cassis aurait des proprietés anti-inflammatoires[26] En stimulant les cortico-surrénales et en inhibant le processus des inflammations, notamment sur les cellules mises en action par le systÚme immunitaire lors des réactions inflammatoires[27] - [28]. Il permet donc de lutter efficacement contre les douleurs de l'arthrose, mais surtout en traitement préventif pour limiter l'usure du cartilage.

Le cassis est un concentré de principes actifs :

  • anti-oxydant connu pour son activitĂ© apaisante au niveau des articulations.
  • calcium (60 mg pour 100 g) qui contribue aussi Ă  la santĂ© des os.
  • fer et vitamine C (il contient deux fois plus de vitamine C que le kiwi et trois fois plus que l’orange[29]), qui en font un excellent fortifiant anti-fatigue et anti-infectieux.
  • Il favorise l’élimination de l'acide urique. Il est donc conseillĂ© pour soulager les rhumatismes, la goutte, et l’arthrose, on trouve dans le commerce des prĂ©parations Ă  base de bourgeons et d'« harpagophytum ».
  • C'est un anti-diarrhĂ©ique indiquĂ© en cas de dysenterie.
  • DiurĂ©tique et dĂ©puratif puissant, il stimule la fonction hĂ©patique et la fonction rĂ©nale. Il est recommandĂ© en cas d’obĂ©sitĂ©.
  • Il est bĂ©nĂ©fique dans le cadre de troubles circulatoires et d’hypertension.
  • C'est un cicatrisant efficace, il accĂ©lĂšre la guĂ©rison des plaies, des furoncles, des abcĂšs et des piqĂ»res d'insectes (application externe).

Ses feuilles[30] sont trÚs utilisées en herboristerie, séchées et finement broyées, pour leurs propriétés antirhumatismales. C'est le bourgeon qui contient le plus de principes actifs[31] - [32], offrant un volume de substances équivalente à la galénique SIPF. La macération de bourgeons utilisée en gemmothérapie agissent sur tous les paramÚtres de l'inflammation[33].

Note sur l’échinococcose alvĂ©olaire

Si on rĂ©colte des cassis sauvages ou dans des jardins non clos, il faudra toujours laver soigneusement les fruits sous un courant d’eau. Dans beaucoup de rĂ©gions (sauf dans l’Ouest de la France) la faune carnassiĂšre sauvage (renard surtout) et les chiens peuvent laisser leurs dĂ©jections contaminĂ©es par les Ɠufs d’un petit ver parasite de 2–3 mm, l’Echinococcus multilocularis. Chez l’homme, ce ver en se dĂ©veloppant dĂ©clenche une pseudotumeur envahissante qui dĂ©bute dans le foie. TraitĂ©e trop tardivement, seule une ablation partielle du foie, peut sauver de l’évolution fatale.

Notes

  1. dans l’Europe centrale et en Russie, il existe diverses espĂšces proches de Ribes nigrum, comme Ribes dikuscha en Russie (du lac BaĂŻkal au Kamtchatka) ou Ribes ussuriense (de Mandchourie et CorĂ©e) qui ont pu ĂȘtre cultivĂ©es aussi, cf. Michel Chauvet, EncyclopĂ©die des plantes alimentaires
  2. Tisanes de feuilles séchées.
  3. Tisanes de bourgeons frais.
  4. l’enzyme COX-2 est gĂ©nĂ©ralement induite en rĂ©ponse Ă  une inflammation ou Ă  une blessure. Les mĂ©dicaments anti-inflammatoires non stĂ©roĂŻdiens (AINS) tels que l'ibuprofĂšne et l'aspirine agissent en inhibant l'activitĂ© de COX, rĂ©duisant ainsi la production de prostaglandines et attĂ©nuant l'inflammation et la douleur.
  5. l'inhibition de l'activitĂ© cholinestĂ©rase est une stratĂ©gie thĂ©rapeutique couramment utilisĂ©e dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer. L'activitĂ© anticholinestĂ©rase peut aider Ă  identifier les aliments qui peuvent avoir des effets bĂ©nĂ©fiques potentiels sur la santĂ© cognitive

Références

  1. Michel Roché, « Deux études sur la dérivation en -ier(e) », (consulté en ).
  2. Claire DorĂ© et Fabrice Varoquaux, Histoire et amĂ©lioration de cinquante plantes cultivĂ©es, Paris, Éditions Quae, , 812 p. (ISBN 978-2-7380-1215-9, BNF 40116495, prĂ©sentation en ligne), p. 199-206
  3. Nicolle Tonelli, François Gallouin, Des fruits et des graines comestibles du monde entier, Lavoisier,
  4. « Groseillier noir, Cassis (Candolle, 1882) », sur Pl@ntUse (consulté le )
  5. Michel Chauvet, Encyclopédie des plantes alimentaires, 707 espÚces du monde entier, 1700 dessins, Belin, , 878 p.
  6. Jacques André, Les noms des plantes dans la Rome antique, Les Belles Lettres, , 334 p.
  7. Pline l'Ancien, Histoire naturelle (traduit, présenté et annoté par Stéphane Schmitt), BibliothÚque de la Pléiade, nrf, Gallimard, , 2131 p.
  8. H. Meusel, E.J. JÀger, Vergleichende Chorologie der ZentraleuropÀischen Flora, Band III., Gustav Fischer Verlag, (lire en ligne)
  9. (en) Référence Plants of the World online (POWO) : Ribes nigrum L.
  10. Sainte Hildegarde de Bingen, Le livre des subtilitĂ©s des crĂ©atures et de diverses natures Physica, Éditions GrĂ©goriennes ; Édition du Kindle,
  11. Afonin, A.N.; S.L. Greene; N.I. Dzyubenko, A.N. Frolov (eds.)., Interactive Agricultural Ecological Atlas of Russia and Neighboring Countries. Economic Plants and their Diseases, Pests and Weeds, OnLine (РуссĐșĐžĐč,English),‎ (lire en ligne)
  12. Joëlle Magnin-Gonze, Histoire de la botaniqueéditeur= Delachaux et Niestlé, 2004, 2009
  13. Bourdichon, Jean (1457?-1521). Enlumineur, Horae ad usum Romanum, dites Grandes Heures d'Anne de Bretagne Bourdichon, Jean (1457?-1521). Enlumineur, parchemin, 1503-1508 (lire en ligne)
  14. BnF Data, « Pierre Bailly de Montaran (16..?-1775) », sur //data.bnf. (consulté le )
  15. Pierre Bailly de Montaran, TraitĂ© du cassis, contenant ses vertus & qualitĂ©, sa culture, sa composition, son usage et les effets merveilleux qu’il produit, dans une infinitĂ© de maladies et de maux, tant pour l’homme que pour les animaux, chez Prault pere, (lire en ligne)
  16. Guy Renaud, Histoire de moutarde, cassis et pain d’épice, Les Ă©ditions du bien public,
  17. (fr) Site du Cassissium de Nuits-Saint-Georges
  18. « Cassis et groseilles », sur FAOSTAT (consulté le )
  19. (en) « A History of Blackcurrants | The Blackcurrant Foundation », sur www.blackcurrantfoundation.co.uk (consulté le )
  20. « Cassis », sur CERD Centre d’étude et de ressources sur la diversification (consultĂ© le )
  21. source : Afidem 2006
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