Wilhelm Faupel
Wilhelm Faupel (Lindenbusch, province de SilĂ©sie, 1873 â Berlin, 1945) Ă©tait un militaire, haut fonctionnaire et diplomate allemand, serviteur dĂ©vouĂ© du rĂ©gime nazi.
Wilhelm Faupel | ||
Faupel pendant la PremiĂšre Guerre mondiale | ||
Naissance | Lindenbusch, province de Silésie |
|
---|---|---|
DĂ©cĂšs | (Ă 71 ans) Berlin |
|
Allégeance | Reich allemand ; |
|
Arme | Armée de terre | |
Grade | Generalleutnant | |
AnnĂ©es de service | Mars 1892 â mai 1945 | |
Conflits | Révolte des Boxers (1900) ; Révolte des Héréros (1904) ; PremiÚre Guerre mondiale ; Engagement dans les Corps francs (1918-1920). |
|
Distinctions | Pour le MĂ©rite | |
Autres fonctions | Instructeur militaire en Argentine (1911-1913 et 1921-1926) et au PĂ©rou (1927-1931) ; PrĂ©sident de lâInstitut IbĂ©ro-amĂ©ricain (1934-1945) ; PrĂ©sident de la SociĂ©tĂ© germano-espagnole (DSG) ; |
|
Famille | Edith Faupel-Fleischauer (Ă©pouse) | |
Ayant optĂ© pour la carriĂšre militaire, mais peu enclin Ă la vie de garnison, il accepta plusieurs affectations outremer, notamment en Chine, oĂč il joua un rĂŽle dans la rĂ©pression de la rĂ©volte des Boxers, et dans le Sud-Ouest africain allemand, oĂč il participa sans Ă©tat dâĂąme au gĂ©nocide contre le peuple hĂ©rĂ©ro en 1904. AprĂšs une destination comme instructeur militaire en Argentine, il sâengagea dans la PremiĂšre Guerre mondiale, prit part Ă lâinvasion de la Belgique et, vers la fin de la guerre, fut lâun des commandants de lâoffensive (rĂ©ussie) du Chemin des Dames, ce qui lui valut la prestigieuse mĂ©daille militaire Pour le MĂ©rite.
AprĂšs la dĂ©faite allemande, il prit la tĂȘte dâun corps franc silĂ©sien, et Ă ce titre sâemploya non seulement Ă sĂ©curiser les confins orientaux du Reich, mais aussi Ă rĂ©primer la tentative rĂ©volutionnaire communiste de 1918-1919, en particulier les Conseils de BaviĂšre en 1919. Bien quâayant participĂ© avec sa troupe au putsch manquĂ© de Kapp en 1920, câest nĂ©anmoins Ă lui et Ă ses camarades que la rĂ©publique fit appel peu aprĂšs pour mater la rĂ©bellion ouvriĂšre de la Ruhr.
Sa carriĂšre Ă©tant compromise en Allemagne, il sâen alla occuper un poste dâinstructeur militaire, dâabord et Ă nouveau en Argentine (1921-1926), puis au PĂ©rou, oĂč, aprĂšs adoption de la nationalitĂ© pĂ©ruvienne, il fut nommĂ© par le prĂ©sident LeguĂa au poste de chef dâĂ©tat-major des armĂ©es (1927-1931). Son but avouĂ© Ă©tait de supplanter les instructeurs français, prĂ©sents de longue date, par des Allemands, et au-delĂ , de tisser un rĂ©seau de liens avec les officiers locaux comme moyen de restaurer la place de lâAllemagne dans le monde.
Revenu au pays, il fonda ou devint membre de diverses associations et cercles de rĂ©flexion dâextrĂȘme droite, ce qui lui permit, grĂące au tissu de relations personnelles ainsi crĂ©Ă©, de se voir dĂ©signĂ© en 1934, aprĂšs lâarrivĂ©e au pouvoir de Hitler, Ă la tĂȘte de lâInstitut IbĂ©ro-amĂ©ricain, institution berlinoise dâĂ©tudes et dâĂ©changes, qui lui servit Ă faire de la culture un outil de propagande et dâinfluence dans le monde hispanique au service de la politique extĂ©rieure du rĂ©gime nazi, au dĂ©triment notamment des Ătats-Unis. DĂ©signĂ© ambassadeur dâAllemagne auprĂšs du gouvernement franquiste en , au dĂ©but de la guerre d'Espagne, il sâemploya Ă mettre en Ćuvre cette politique par lâimportation massive de produits culturels allemands et de matĂ©riel de propagande national-socialiste, tout en favorisant ostensiblement la fraction radicale de la Phalange, plus affine Ă lâAllemagne nazie. Cependant, ses ingĂ©rences et maniĂšres peu diplomatiques finirent par dĂ©terminer son rappel en Allemagne. En tant que prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© germano-espagnole (DSG), il se mit Ă©galement en devoir dâassurer les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques allemands en Espagne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il tenta par son entregent dâamener lâEspagne Ă entrer en guerre aux cĂŽtĂ©s de lâAxe, mais en vain. De façon gĂ©nĂ©rale, le bilan de ses efforts dâinfluençage en Espagne et en AmĂ©rique latine reste mitigĂ©.
Haut dignitaire et zĂ©lateur notoire du rĂ©gime nazi, il se donna la mort Ă Berlin en , Ă lâapproche des troupes soviĂ©tiques.
Biographie
Origines et débuts dans la carriÚre militaire
Wilhelm Faupel[note 1] vint au monde en 1873 Ă Lindenbusch, dans l'arrondissement de Liegnitz (de) en province de SilĂ©sie. Originaire dâune famille de mĂ©decins, il est donc issu de la moyenne bourgeoisie et de lâintelligentsia. Ses origines rĂ©gionales silĂ©siennes Ă©taient dâailleurs appelĂ©es Ă jouer un rĂŽle de premier plan dans la suite de sa vie, puisque nombre des membres des diffĂ©rents rĂ©seaux dâinfluence dont il allait faire partie Ă partir de 1918 avaient des liens avec la SilĂ©sie[1].
Ayant choisi la carriĂšre militaire, il connut la trajectoire typique du militaire de carriĂšre et de lâhomme dĂ©vouĂ© Ă lâarmĂ©e dĂšs le jeune Ăąge. En , câest-Ă -dire Ă lâĂąge de 18 ans, il fut versĂ© comme Ă©lĂšve-officier (Fahnenjunker) dans le 5e rĂ©giment d'artillerie de campagne Ă Sagan et promu lieutenant dĂšs lâannĂ©e suivante. Il est transfĂ©rĂ© dans le 41e rĂ©giment d'artillerie de campagne le 1er octobre 1899. Cherchant sans doute Ă Ă©chapper Ă la morne vie de garnison, Ă la perte de sens, Ă lâanonymat et Ă la massification de lâarmĂ©e, Faupel demanda Ă prendre part aux missions militaires dâunitĂ©s allemandes Ă lâĂ©tranger, de sorte que dans un premier temps â avant lâĂ©clatement de la PremiĂšre Guerre mondiale, puis sous la rĂ©publique de Weimar â, sa carriĂšre se dĂ©roula en majeure partie en dehors des frontiĂšres de lâEmpire allemand[2]. Faupel Ă©tait polyglotte, avait un large Ă©ventail de centres dâintĂ©rĂȘt, et nâeut apparemment aucun mal Ă sâacquĂ©rir une formation supĂ©rieure, sans pour autant toutefois se dĂ©partir des mĂȘmes schĂ©mas de pensĂ©e militaires. Avide dâaction, ne pouvant attendre que la guerre soit parvenue jusquâen Allemagne, Faupel semble avoir cherchĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment les occasions de « faire ses preuves dans le combat »[3].
Affectation en Asie (1900-1901)
Ses premiĂšres destinations Ă lâĂ©tranger ne se situaient pas dans le cadre de guerres conventionnelles, mais dans celui de la rĂ©pression de rĂ©voltes, au service de lâimpĂ©rialisme allemand. Faupel ayant suivi une formation dâinterprĂšte allemand-russe, câest Ă ce titre quâil reçut en 1900 sa premiĂšre affectation Ă lâĂ©tranger, Ă savoir en Chine, oĂč en tant quâofficier de la Compagnie sanitaire est-asiatique il avait pour mission, lors de la rĂ©pression de la rĂ©volte des Boxers, dâassurer les liaisons avec les troupes dâintervention russes[3].
En 1901, Ă lâissue de lâintervention militaire en Chine, Faupel, Ă©levĂ© entre-temps au rang de lieutenant (Oberleutnant), fut missionnĂ©, aux cĂŽtĂ©s de deux autres officiers et de cinq soldats, dâaccomplir un voyage de reconnaissance Ă travers lâAsie. Ă lâautomne de cette annĂ©e, il entreprit donc un pĂ©riple de deux mois Ă travers la Mongolie et la SibĂ©rie, jusquâau lac BaĂŻkal[3].
Revenu en Allemagne, il sâinscrivit Ă lâAcadĂ©mie militaire, puis poursuivit des Ă©tudes au sĂ©minaire oriental de lâuniversitĂ© FrĂ©dĂ©ric-Guillaume de Berlin et Ă lâInstitut gĂ©odĂ©sique de Prusse Ă Potsdam, oĂč il prĂ©para un nouveau voyage dâexploration en Mongolie et au Tibet, projet que la guerre russo-japonaise de 1904 fit capoter, le camp russe refusant dâautoriser le transit de cette expĂ©dition militaire[3].
Participation aux guerres coloniales dans le Sud-Ouest africain (1904-1908)
En 1904, son projet dâexpĂ©dition en Mongolie annulĂ©, Faupel se porta volontaire, en guise de substitut, pour combattre dans la colonie allemande du Sud-Ouest africain, oĂč les Hereros et les Namas (les « Hottentots ») sâĂ©taient soulevĂ©s contre la puissance coloniale. Ă cet instant, des comptes rendus circonstanciĂ©s Ă©taient dĂ©jĂ parvenus en Allemagne dĂ©crivant la cruautĂ© des combats, de sorte que quiconque se portait volontaire pour une telle mission devait en rĂšgle gĂ©nĂ©rale ĂȘtre dĂ»ment informĂ© sur ce dans quoi il sâengageait. Ă la mi-, Faupel prit du service dans la Troupe de protection (« Schutztruppe ») dans le Sud-Ouest africain, câest-Ă -dire au moment oĂč les combats contre les Hereros touchaient Ă leur fin et oĂč les survivants de cette peuplade Ă©taient refoulĂ©s en direction du dĂ©sert sis dans lâest de la colonie, c'est-Ă -dire vers le Sandveld (littĂ©r. Champ de sable)[4].
Si certes la plupart de ces actions dâextermination avaient eu lieu avant lâarrivĂ©e de Faupel, il reste que la « mort surveillĂ©e » des refoulĂ©s allait se prolonger sur plusieurs mois encore. Faupel du reste nâa jamais dissimulĂ© sa participation Ă la rĂ©pression de la rĂ©volte, Ă©voquant postĂ©rieurement ses « nombreuses patrouilles Ă cheval », lesquelles avaient gĂ©nĂ©ralement pour but dâempĂȘcher de petits groupes dâHereros venus du Sandveld de se rendre aux points dâeau situĂ©s plus Ă lâouest. Lesdites patrouilles avaient pour consigne dâabattre tout Herero, armĂ© ou non. Finalement, les survivants allaient, sur instruction du sous-secrĂ©taire dâĂtat de lâoffice colonial du Reich, Friedrich von Lindequist, ĂȘtre dĂ©portĂ©s par la troupe de protection vers le Nord du territoire[5] - [note 2].
Faupel resta jusquâen 1907 dans le Sud-Ouest africain allemand, câest-Ă -dire un peu plus de deux annĂ©es, avec le rang, vers la fin de son sĂ©jour, de capitaine (Hauptmann) dans lâĂ©tat-major. Faupel nâa pas tentĂ©, ni Ă ce moment-lĂ , ni plus tard, de justifier son action par quelque idĂ©ologie raciale. Outre sa participation aux campagnes dâanĂ©antissement contre les insurgĂ©s, il accomplit des tĂąches au titre dâofficier arpenteur, faisant des expĂ©riences de photogrammĂ©trie, technique alors de tout rĂ©cent avĂšnement. Sa mission dans le Sud-Ouest africain accomplie, Faupel entreprit un long pĂ©riple par lâAfrique du Sud, la RhodĂ©sie, lâAfrique orientale portugaise et allemande, et la mĂȘme annĂ©e regagna, en traversant lâAsie Mineure ottomane, lâAllemagne, oĂč il fut destinĂ© comme officier dâĂ©tat-major au 4e corps dâarmĂ©e Ă Magdebourg, que commandait Hindenburg[6].
En 1909, il Ă©pousa Edith Fleischauer, originaire de sa ville de garnison et de 17 ans sa cadette. Bien quâelle ait suivi son mari en AmĂ©rique du Sud et obtenu un titre universitaire au PĂ©rou, son nom nâapparaĂźt pas, ou Ă peine, dans les archives avant lâentrĂ©e du couple Faupel Ă lâInstitut ibĂ©ro-amĂ©ricain ; Ă partir de lĂ cependant, elle allait faire partie intĂ©grante, en tant que co-organisatrice Ă lâInstitut, de lâentourage immĂ©diat de son mari[7].
Instructeur militaire en Argentine (1911-1913)
En 1910, Faupel, entre-temps nommĂ© chef de batterie Ă Allenstein (actuelle Olsztyn, dans le nord-est de la Pologne), se vit proposer de se joindre Ă un groupe dâofficiers allemands appelĂ©s en Argentine pour y exercer comme conseillers militaires. La vive impression que les campagnes napolĂ©oniennes avaient provoquĂ©es en outremer avait conduit les armĂ©es latino-amĂ©ricaines Ă se mouler depuis de longues annĂ©es sur le modĂšle français ; cependant, la guerre franco-prussienne de 1870-1871 avait eu pour effet dâĂ©mousser considĂ©rablement le mythe napolĂ©onien et de provoquer dans le tropisme Ă©tranger des armĂ©es latino-amĂ©ricaines un changement de paradigme, qui allait prĂ©valoir jusque dans la dĂ©cennie 1930. Certes, les conseillers militaires français ne furent pas complĂštement Ă©vincĂ©s dâAmĂ©rique latine, gardant notamment au PĂ©rou et au BrĂ©sil une solide position, mais un processus de substitution de personnel fut engagĂ©, dont au premier chef lâEmpire allemand sut faire son profit[7].
De 1911 Ă 1913, Faupel travailla Ă lâAcadĂ©mie militaire de Buenos Aires comme enseignant en tactique et service dâĂ©tat-major. DĂšs ce moment au plus tard commence Ă se dessiner la mise en place dâune sĂ©rie de rĂ©seaux dâinfluence, en partie internationaux, auxquels Faupel appartenait et quâil sâappliquera par la suite, en sa qualitĂ© de prĂ©sident de lâInstitut ibĂ©ro-amĂ©ricain (sigle allemand IAI), Ă exploiter. Quelques officiers argentins qui avaient suivi avant 1914 une formation en Allemagne allaient constituer le socle dâune tendance « germanophile » au sein de lâarmĂ©e argentine et acquĂ©rir un poids politique spĂ©cifique dans le pays[8].
Au dĂ©but des annĂ©es 1930, une sĂ©rie dâauteurs militaires nationalistes, dĂ©sireux de collecter des donnĂ©es sur sa biographie, vinrent le visiter ; les Ă©pisodes relatĂ©s par eux, qui apparemment remontent pour partie Ă des entretiens ou Ă des correspondances avec le Generalmajor en disponibilitĂ© Faupel, permettent de dĂ©terminer comment Faupel entendait se profiler pour le monde extĂ©rieur. Les Ă©vĂ©nements Ă©voquĂ©s par ces auteurs sont des variations sur un thĂšme dont la topologie tendait vers la construction de lâimage contemporaine du « hĂ©ros » allemand, dont les Ă©lĂ©ments constitutifs sont la solitude, la force, la dĂ©termination, des qualitĂ©s de commandement persuasives, et la disposition Ă sâĂ©lever au-dessus de la « masse » afin de lui servir dâexemple[8].
PremiĂšre Guerre mondiale
Revenu en Allemagne et rĂ©intĂ©grĂ© dans les rangs de lâarmĂ©e allemande, Faupel fit mouvement, aprĂšs lâĂ©clatement de la PremiĂšre Guerre mondiale, sur la Belgique et la France au sein de la division du Grand-DuchĂ© de Hesse. Il fut finalement promu au rang dâofficier dâĂ©tat-major gĂ©nĂ©ral[9].
Fin , la percĂ©e au dĂ©part du Chemin des Dames, Ă 120 km au nord-est de Paris, conçue Ă lâorigine comme une manĆuvre de diversion, eut pour rĂ©sultat inopinĂ© que les positions françaises furent culbutĂ©es par suite dâun pilonnage massif avec des obus contenant des gaz de combat. Pourtant, en raison de difficultĂ©s dâapprovisionnement et Ă cause dâune lassitude croissante chez les soldats, les attaquants allemands ne furent pas en mesure dâexploiter pleinement leur avantage. Faupel avait en sa qualitĂ© de chef dâĂ©tat-major du 8e Corps de rĂ©serve coorganisĂ© dans une mesure dĂ©terminante la conquĂȘte du Chemin des Dames, et se vit octroyer, en rĂ©compense de son rĂŽle dans la prĂ©paration de cette offensive, une distinction rare et prestigieuse, qui revĂȘtira pour lui une grande importance, quand il sâagira aprĂšs 1918 non seulement dâassurer sa carriĂšre, mais aussi de façonner la lĂ©gende autour de sa personne : lâordre frĂ©dĂ©ricien Pour le MĂ©rite, ultĂ©rieurement rehaussĂ© encore de lauriers. Il y a lieu de noter que seuls 680 militaires allemands engagĂ©s dans la guerre reçurent ladite rĂ©compense, voire â avec lâajout de lauriers â pas plus dâune bonne centaine[10]. Ă la perte de confiance, dont lâarmĂ©e souffrait dans de larges secteurs de lâopinion publique allemande Ă la suite de la dĂ©faite et des expĂ©riences dĂ©sastreuses de la guerre, sâopposait la considĂ©ration croissante dont jouissaient auprĂšs des autres parties de la population, orientĂ©es Ă droite, les « hĂ©ros de la guerre ». Les rĂ©cipiendaires de Pour le MĂ©rite, nettement surreprĂ©sentĂ©s parmi les fondateurs des futurs corps francs, se voyaient comme les fers de lance de la contre-rĂ©volution et Ă©taient considĂ©rĂ©s comme tels par la population[11] - [12].
Ă lâintention de son lectorat hispanophone, Faupel fit paraĂźtre en 1934, peu aprĂšs sa nomination Ă la tĂȘte de lâIAI, dans sa revue militaire publiĂ©e Ă compte dâauteur EjĂ©rcito, Marina, AviaciĂłn, disponible dans nombre de clubs dâofficiers en AmĂ©rique latine, un article non signĂ© Ă propos des titulaires de Pour le MĂ©rite ; cet article, dans lequel il Ă©tait soulignĂ© que ce groupe Ă©tait le rĂ©sultat dâune sĂ©lection trĂšs stricte opĂ©rĂ©e parmi les meilleurs, tĂ©moigne dâune vision de soi Ă©litiste par quoi les dĂ©corĂ©s se croyaient fondĂ©s Ă revendiquer une position sociale particuliĂšre. Implicitement Ă©tait aussi mise en avant la thĂšse de la « victoire manquĂ©e », selon laquelle la guerre aurait Ă©tĂ© gagnĂ©e si tous avaient fait preuve du mĂȘme « hĂ©roĂŻsme »[13].
Faupel se choisit pour symbole la figure de saint Georges, qui terrassa le dragon. Lâeffigie du saint orna dâabord les affiches de recrutement de son corps franc, puis, devenu prĂ©sident de lâIAI, le gĂ©nĂ©ral Faupel fit placer une statue de saint Georges dans les locaux de lâInstitut, Ă un endroit bien en vue. Par lĂ , le « hĂ©ros de la grande guerre » entendait Ă©lever son combat contre la rĂ©volution de 1918 au rang du sacrĂ©[14].
Corps francs et putsch de Kapp (mars 1920)
Alors quâĂ©clatait la rĂ©volution de novembre 1918 et que se constituaient des conseils dâouvriers et de soldats, Faupel, officier dâĂ©tat-major gĂ©nĂ©ral et affectĂ© dĂ©sormais dans le service de dĂ©mobilisation, sâil sâappliquait Ă organiser le rapatriement de la section dâarmĂ©e C, participait dans le mĂȘme temps, et cela apparemment de bonne heure, aux discussions ayant cours alors dans les cercles dâofficiers et portant sur la façon dâendiguer le pĂ©ril rĂ©volutionnaire[15]. Le , Faupel se vit confier, en tant que reprĂ©sentant de lâĂ©tat-major gĂ©nĂ©ral en Belgique occupĂ©e, la mission de recevoir les dĂ©lĂ©guĂ©s des conseils de soldats (SoldatenrĂ€te), qui sâĂ©taient entre-temps formĂ©s jusquâau sein du Haut Commandement de lâarmĂ©e, et dâobtenir quâils se soumettent volontairement Ă lâancienne discipline militaire. Les revendications des soldats portaient dans un premier temps sur lâabolition de lâobligation de saluer, sur une participation au pouvoir de commandement, sur un droit de contrĂŽle Ă exercer sur les officiers, et sur une garantie quant Ă dâĂ©ventuelles mesures susceptibles dâĂȘtre prises contre la rĂ©volution en cours. Faupel parvint Ă les persuader de renoncer Ă leurs desseins, en reprĂ©sentant aux dĂ©lĂ©guĂ©s que toute obstruction au rapatriement de lâarmĂ©e Ă©quivaudrait Ă mettre en jeu le sort de 4 Ă 5 millions de soldats allemands encore stationnĂ©s outre-Rhin et donc exposĂ©s aux attaques des puissances occidentales. Peu aprĂšs, Faupel prit lâinitiative, toujours en qualitĂ© dâofficier dâĂ©tat-major gĂ©nĂ©ral, de couper court Ă la propagation du mouvement des Conseils vers les troupes au front, en mettant sur pied lui-mĂȘme des conseils de soldats. Cependant, le Haut Commandement rĂ©agit en prĂ©cisant plus avant lâinstruction donnĂ©e par Faupel, en ce sens que la formation de conseils de soldats dans lâarmĂ©e en campagne aurait Ă ĂȘtre confiĂ©e Ă des officiers restĂ©s fidĂšles Ă lâEmpereur[16]. Plus tard, Faupel devra faire face au reproche dâavoir favorisĂ© par lâinstruction susmentionnĂ©e la prise en mains rĂ©volutionnaire des unitĂ©s combattantes[17].
AussitĂŽt aprĂšs lâArmistice de , Faupel gagna Berlin, qui Ă©tait dĂ©jĂ en proie Ă des troubles rĂ©volutionnaires. Afin dâĂ©viter une prise du pouvoir par les rĂ©volutionnaires de gauche, des sociaux-dĂ©mocrates modĂ©rĂ©s donnĂšrent le jour Ă un « Groupe de dĂ©fense rĂ©publicain des soldats » (Republikanische Soldatenwehr), dont Faupel fut sollicitĂ© de prendre la direction militaire aux cĂŽtĂ©s dâun petit nombre dâautres officiers. Il nâĂ©chappait Ă personne que le but premier de ce groupe dâofficiers Ă©tait de mettre au pas ces conseils de soldats et de restaurer lâautoritĂ© de lâancien corps dâofficiers. Ă la faveur des soubresauts du moment, Faupel devint mĂȘme les 6 et , pendant une bonne journĂ©e, commandant en chef de Berlin par intĂ©rim, aprĂšs que le titulaire de cette fonction eut Ă©tĂ© retenu prisonnier dans le Marstall (de) par des insurgĂ©s[18].
Une dizaine de jours plus tard, Faupel sâen retourna dans sa province natale de SilĂ©sie, dont les frontiĂšres extĂ©rieures Ă©taient devenues instables Ă la suite de la restauration de lâĂtat polonais et de la crĂ©ation de la TchĂ©coslovaquie. LâarmĂ©e allemande se trouvant sur le point de se disloquer, des unitĂ©s paramilitaires, appelĂ©es « Corps francs » (Freikorps ou Freiwilligenkorps), voyaient le jour partout en Allemagne. Faupel mit sur pied son propre corps franc Ă Görlitz, dans la province de Basse-SilĂ©sie, raison pour laquelle cette unitĂ© fut nommĂ©e tour Ă tour de son nom ou de celui de la ville dâorigine[18]. Le corps franc Görlitz Ă©tait une troupe professionnellement organisĂ©e, Ă lâaide de laquelle Faupel sâengagea dans nombre de zones de combat contre la rĂ©volution. La principale action de ce corps franc fut sa participation Ă la destruction de la rĂ©publique social-rĂ©volutionnaire des conseils de BaviĂšre. Dâautres interventions eurent lieu Ă Dresde, Magdebourg et Berlin. Les unitĂ©s de Faupel se chargĂšrent en outre de missions de sauvegarde des frontiĂšres avec la Pologne et sur le front tchĂšque[19]. Quant aux effectifs du corps franc Görlitz (ou corps franc Faupel), les donnĂ©es sont variables ; il aurait comptĂ© jusquâĂ 3 000 soldats, mais en moyenne une centaine dâofficiers et 1 400 hommes[20], ce qui le range parmi les corps francs de taille moyenne. Il aurait, du moins dans sa phase de crĂ©ation, bĂ©nĂ©ficiĂ© de financements surtout de la part de grands propriĂ©taires terriens des environs de Görlitz, ville faisant office, entre deux interventions, de ville de cantonnement de lâunitĂ©.
Câest dans cette ville aussi que Faupel organisa avec sa troupe paramilitaire, pourtant nominalement dĂ©jĂ subordonnĂ©e Ă la Reichswehr et donc dĂ©mantelĂ©e en tant que telle, lâantenne locale du coup dâĂtat tentĂ© par Kapp en . Lors de la prise de contrĂŽle de Görlitz par les forces de Faupel, un certain nombre de civils dĂ©sarmĂ©s furent exĂ©cutĂ©s ou griĂšvement blessĂ©s. Escomptant un succĂšs rapide, les putschistes mirent de la nĂ©gligence Ă mener leur coup de force sur place et se retrouvĂšrent bientĂŽt dans la dĂ©fensive Ă Görlitz[21]. Au reste, Faupel ne se borna pas Ă lâorganisation dâun corps franc, mais contribua aussi Ă fonder dâautres associations de dĂ©fense extralĂ©gales[22].
Peu aprĂšs, la Ruhr Ă©tait en proie aux agitations communistes. Pour y faire face, la Reichswehr fit appel principalement aux corps francs ayant participĂ© Ă la rĂ©cente tentative de putsch. Dans le cadre de cette campagne, Faupel se hissa pour un bref laps de temps au poste de commandant dâune brigade et dirigea, en plus de son propre corps franc, deux autres encore, naguĂšre tous impliquĂ©s dans le putsch de Kapp en SilĂ©sie. Cependant, ces unitĂ©s paramilitaires, sâĂ©tant montrĂ©es difficilement maniables et devenant inutiles au fur et Ă mesure que la rĂ©publique se consolidait, se trouvaient devant la perspective imminente du dĂ©mantĂšlement. Le corps franc Görlitz fut intĂ©grĂ© dĂ©finitivement dans la Reichswehr et perdit son autonomie. Toutefois, Faupel continuera dâentretenir des liens avec les membres de son corps franc jusque trĂšs avant dans la dĂ©cennie 1930, le futur Generalmajor Faupel allant en effet trĂŽner comme un patriarche au-dessus de ses « anciens », se tenant au courant de la trajectoire militaire des officiers parmi eux, et considĂ©rant ceux-ci jusque vers la fin des annĂ©es 1930 comme ses clients, de qui il sâattachait Ă favoriser lâascension[23].
RĂ©affectation en Argentine (1921-1926)
Vu sa participation au Putsch de Kapp, les perspectives professionnelles de Faupel apparaissaient dĂ©sormais compromises en Allemagne, raison pour laquelle il se mit en quĂȘte dâun nouveau champ dâactivitĂ©. En 1921, il se rendit Ă nouveau en AmĂ©rique du Sud, pour y solliciter une nouvelle nomination comme instructeur militaire. Parvenu finalement Ă ses fins grĂące Ă son entregent sur place, il sut cette fois se faire reconnaĂźtre comme chef des conseillers militaires allemands alors en poste en Argentine. Afin de dissimuler que lâAllemagne commettait par ce type d'activitĂ©s une violation du traitĂ© de Versailles, la plupart des officiers embauchĂ©s gagnaient lâArgentine officiellement via Danzig, qui avait Ă©tĂ© dĂ©tachĂ© du Reich[22].
En Argentine, Faupel travaillait pour lâinspecteur des armĂ©es, JosĂ© FĂ©lix Uriburu, comme son assistant personnel. Le gĂ©nĂ©ral Uriburu figurait parmi les « germanophiles » les plus Ă©minents de lâarmĂ©e argentine, et avait, pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, obtenu que lâArgentine soit restĂ©e neutre. Faupel dĂ©finissait dans les termes suivants son rĂŽle dâinstructeur militaire en Argentine : « Ma mission principale consistait Ă y affaiblir lâinfluence française et Ă renforcer lâidĂ©ologie allemande » (Meine Hauptaufgabe war, dort den französischen Einfluss zu schwĂ€chen und die deutsche Ideologie zu krĂ€ftigen[24]). La plupart des officiers ayant appartenu au groupe de conseillers militaires autour de Faupel seront appelĂ©s Ă faire carriĂšre sous le TroisiĂšme Reich[25].
Vers cette Ă©poque, Faupel prĂȘta allĂ©geance Ă la constitution de Weimar, laquelle « du reste doit absolument ĂȘtre reconnue comme fondement de la reconstruction », et notifia par la mĂȘme occasion sa prise de distance vis-Ă -vis des vertus traditionnelles prussiennes (PreuĂentum), indiquant que « la Prusse a rempli sa mission historique » et que « la Prusse sâest fondue dans lâAllemagne » (PreuĂen ist in Deutschland aufgegangen[26]). Ce nationalisme Ă tendance pangermanique semble avoir reflĂ©tĂ© lâĂ©tat dâesprit rĂ©gnant alors dans la communautĂ© allemande dâArgentine. En 1926, la Reichswehr, comme signe sans doute de ce quâelle faisait grand cas des services rendus par Faupel en Argentine, le promut en son absence au grade de Generalmajor[27], et ce en dĂ©pit des rĂ©ticences dâEbert. Cependant, lâinitiative de cette distinction honorifique ne venait pas dâAllemagne, mais de la communautĂ© allemande de Buenos Aires, ce qui met en lumiĂšre la position trĂšs en vue quâil y occupait. Plus particuliĂšrement, câĂ©taient les reprĂ©sentants du monde Ă©conomique allemand en Argentine qui sâĂ©taient depuis 1925 employĂ©s Ă obtenir la promotion de Faupel au rang de gĂ©nĂ©ral, ce qui nâest pas sans rapport avec le fait que grĂące Ă lâinteraction bien huilĂ©e entre instructeurs militaires allemands et reprĂ©sentants de firmes allemandes Ă lâĂ©tranger, des Ă©quipements allemands purent ĂȘtre importĂ©s en Argentine pour un montant total, Ă lâorĂ©e de lâannĂ©e 1932, de 45 millions de Reichsmarks[28]. Juan PerĂłn a laissĂ© transparaĂźtre aprĂšs sa chute quâil aurait fait partie Ă Buenos Aires des disciples de Faupel[29]. Certes, il nâest pas exclu que PerĂłn ait lancĂ© cette affirmation dans le seul but dâirriter lâopinion publique amĂ©ricaine, compte tenu que diplomates et journalistes amĂ©ricains sâĂ©taient laissĂ© aller Ă affirmer que lâarmĂ©e argentine sâĂ©tait tenue jusquâĂ la fin de la guerre Ă lâombre de Faupel, lieu commun ressassĂ© notamment par lâadversaire de PerĂłn Spruille Braden en 1946[30].
En 1926, son contrat rempli, Faupel quitta lâArgentine, aprĂšs qu'Uriburu eut quelques mois auparavant dĂ©missionnĂ© de son poste en guise de protestation contre les coupes dans le budgĂ©t militaire opĂ©rĂ©es par le gouvernement dâAlvear. Vu que son pouvoir dâinfluence Ă©tait Ă©troitement tributaire dâUriburu, Faupel dut sâaviser alors des limites posĂ©es dĂ©sormais Ă son action et signifia assez rudement son dĂ©part Ă la direction de lâarmĂ©e argentine[31].
Inspecteur gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e pĂ©ruvienne (1927-1931)
La rĂ©putation que Faupel avait dĂ©sormais acquise en AmĂ©rique du Sud lui permit de briguer et dâobtenir en 1927 le poste dâinspecteur gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e pĂ©ruvienne, fonction qui correspondait grosso modo Ă celle de chef dâĂ©tat-major. Les instructeurs militaires Ă©trangers en activitĂ© au PĂ©rou avaient Ă©tĂ© jusque-lĂ recrutĂ©s quasi exclusivement en France, et en particulier, depuis 1897, le gĂ©nĂ©ral français Paul ClĂ©ment sâĂ©tait trouvĂ© presque sans interruption dans le pays et figurait par lĂ comme le formateur de plusieurs gĂ©nĂ©rations dâofficiers pĂ©ruviens. En 1924, aprĂšs un scandale, la commission militaire française, Ă lâexception de ClĂ©ment, quitta le PĂ©rou, tandis quâon Ă©choua ensuite Ă embaucher une nouvelle Ă©quipe dâinstructeurs venus de France. Alors que le ministre de la Guerre FermĂn MĂĄlaga (es) prĂ©conisait lâembauche dâofficiers amĂ©ricains, le prĂ©sident Augusto LeguĂa se laissa convaincre lors dâun entretien avec lâambassadeur d'Allemagne de nommer inspecteur des armĂ©es le gĂ©nĂ©ral Faupel, qui sĂ©journait alors dans le pays. La condition posĂ©e par Faupel au gouvernement pĂ©ruvien, portant que les autres officiers Ă©trangers devaient ĂȘtre originaires de la seule Allemagne, fut acceptĂ©e. Faupel adopta dans la foulĂ©e la nationalitĂ© pĂ©ruvienne, afin dâĂ©pargner Ă lâAllemagne dâĂ©ventuelles contrariĂ©tĂ©s diplomatiques[32].
Cependant, et malgrĂ© les apparences, la position de Faupel se rĂ©vĂ©la ĂȘtre des plus instables, car LeguĂa, prĂ©sident en fonction, qui gouvernait de façon dictatoriale, avait sciemment fait appel Ă un Ă©tranger pour ledit poste pour ne pas devoir le confier Ă un adversaire potentiel issu du pays, les « francophiles », qui reprĂ©sentaient une notable partie du corps dâofficiers, appartenant en effet aux secteurs de lâĂ©lite pĂ©ruvienne dĂ©sireux dâĂ©carter LeguĂa du pouvoir. En outre, en sa qualitĂ© dâimmigrĂ©, Faupel nâavait guĂšre dâassise locale[32]. En se choisissant Faupel comme chef dâĂ©tat-major, LeguĂa pouvait ĂȘtre certain quâil ne tenterait pas de coup dâĂtat militaire, encore quâil lâait fait Ă©troitement surveiller[33], compte tenu que Faupel de son cĂŽtĂ© pouvait, Ă travers une professionnalisation Ă marche forcĂ©e de lâarmĂ©e pĂ©ruvienne, devenir indirectement un danger pour le rĂ©gime, en contribuant Ă la formation dâune nouvelle Ă©lite au sein des forces armĂ©es susceptible dâacquĂ©rir Ă un certain moment les moyens intellectuels et politiques nĂ©cessaires Ă renverser le prĂ©sident en place[34]. Faupel pour sa part se fit un observateur attentif de la situation politique de son pays dâaccueil et restait en quĂȘte dâalliĂ©s Ă long terme pour lâEmpire allemand, Ă lâeffet de quoi, assez singuliĂšrement, il proposa dans une confĂ©rence prononcĂ©e en 1931 aprĂšs son retour en Allemagne dâavoir recours Ă lâAPRA (acronyme dâAlliance populaire rĂ©volutionnaire amĂ©ricaine), laquelle, dâaprĂšs ses vues, sâapparentait Ă la NSDAP par une combinaison de nationalisme et de socialisme et pourrait constituer Ă lâavenir, comme mouvement de masse dynamique, un contrepoids important aux Ătats-Unis, conception qui prĂ©sageait les futures tentatives de Faupel dâinstrumentaliser au bĂ©nĂ©fice du Reich allemand lâanti-amĂ©ricanisme de beaucoup de Latino-AmĂ©ricains, y compris de militants indigĂ©nistes[34].
Quant aux bĂ©nĂ©fices Ă long terme des missions militaires conduites par Faupel en Argentine et au PĂ©rou, on peut relever que les sociĂ©tĂ©s nationalistes locales qui dâune maniĂšre ou dâune autre avaient profitĂ© de transferts venus dâautres pays et cultures, semblent avoir de façon gĂ©nĂ©rale, au terme de ce processus de transfert, rĂ©pudiĂ© la provenance Ă©trangĂšre des innovations quâils sâĂ©taient appropriĂ©es. Ă titre dâexemple, câest Ă peine si les influences allemandes transparaissent dans les Memorias du ministre argentin de la Guerre publiĂ©es Ă la mĂȘme Ă©poque[35].
Retour en Allemagne : fondation et gestion dâassociations dâextrĂȘme droite
En 1929, la situation de Faupel au PĂ©rou Ă©tait devenue intenable. En raison du soupçon qui pesait sur une partie des officiers pĂ©ruviens pris en charge par des instructeurs allemands dâavoir Ă©tĂ© mĂȘlĂ©s Ă une tentative de putsch, les Allemands Ă©taient tombĂ©s en disgrĂące, et Faupel dut dĂ©missionner de son poste dâinspecteur gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e pĂ©ruvienne. Le prĂ©sident LeguĂa fut renversĂ© peu aprĂšs, et les subsĂ©quents troubles politiques amenĂšrent Faupel Ă quitter le pays[36].
SitĂŽt aprĂšs son arrivĂ©e Ă Berlin, Faupel fut pressenti pour aider Tchang KaĂŻ-chek Ă rĂ©organiser le ministĂšre chinois de la Guerre ; il sâagissait, outre de moderniser les forces armĂ©es, de mettre Ă©galement en place une industrie dâarmement nationale. Dans lâhypothĂšse oĂč des considĂ©rations de politique extĂ©rieure nâeussent pas conduit les autoritĂ©s allemandes Ă renoncer Ă ce plan, Faupel serait devenu non pas directeur de lâIAI, mais lâun des plus importants adversaires de Mao TsĂ©-toung[37]. En guise de substitut, Faupel restĂ© Ă Berlin sâattacha Ă sâintroduire dans les cercles nationalistes dâĂ©lite dĂ©sireux dâinstaurer un Ătat autoritaire et dâavoir une part dĂ©terminante dans la future Ă©dification de celui-ci. Deux organisations en particulier seront amenĂ©es Ă jouer un rĂŽle important dans la trajectoire de Faupel avant son ascension au poste de directeur de lâIAI ; ce sont : le Volksbund fĂŒr Arbeitsdienst (littĂ©r. Ligue populaire pour le service de travail) et la Gesellschaft zum Studium des Faschismus (littĂ©r. SociĂ©tĂ© pour lâĂ©tude du fascisme)[37].
Volksbund fĂŒr Arbeitsdienst
Le Volksbund fĂŒr Arbeitsdienst (VBA, ultĂ©rieurement Reichsbund fĂŒr Arbeitsdienst), fondĂ© en 1930, Ă©tait lâun des divers groupements qui rĂ©clamaient lâinstauration dâun service national du travail et qui par cette revendication adressĂ©e aux pouvoirs publics composaient un authentique mouvement social ambitionnant de contribuer substantiellement Ă soulager le chĂŽmage en Allemagne. En peu de temps, Faupel parvint Ă prendre la tĂȘte du Volksbund fĂŒr Arbeitsdienst, lequel, en tant que lâune des associations extĂ©rieurement sans lien avec aucun parti politique et se revendiquant comme tel, Ă©tait en concurrence avec les organisations subordonnĂ©es Ă lâun ou lâautre parti. Pourtant, nonobstant sa prĂ©tention dâĆuvrer « sur une base strictement neutre du point de vue Ă©conomique et politique », le VBA ne put sâempĂȘcher de se muer en rĂ©ceptacle dâun grand nombre dâassociations de droite, voire dâextrĂȘme droite. Lâobjectif poursuivi par le VBA ainsi que par nombre dâautres organisations de cette mouvance Ă©tait de mettre les chĂŽmeurs au travail contre une faible rĂ©munĂ©ration, de les encadrer dans une organisation, et, dans la mesure du possible, de les rassembler dans leurs propres camps de travail, oĂč lâon pourrait aprĂšs endoctrinement les transformer en temps voulu en une troupe docile au service de partis de droite[38] - [39]. Les thĂšmes rĂ©currents et les motifs dâagitation du VBA Ă©taient entre autres la bonification des sols et la « relĂšve des Polonais » (Polenablösung), cette derniĂšre initiative ayant pour but dâĂ©vincer de lâagriculture allemande les travailleurs migrants polonais par lâaction des membres des services de travail allemands. Le VBA enregistrait dâimportants succĂšs dans le recrutement dâaffiliĂ©s, ce qui lui permit, en sâappuyant sur le rĂ©seau ainsi constituĂ©, de sâimposer comme plaque tournante tant des diffĂ©rents projets des agences de travail, en majoritĂ© montĂ©s et financĂ©s par des acteurs privĂ©s, que des camps de travail, dispersĂ©s sur lâensemble du territoire du Reich allemand, et de coordonner sur place le travail des Arbeitsdienste, la plupart du temps sous la forme de camps de travail[40]. AprĂšs la prise de pouvoir de Hitler, la partie du mouvement des Arbeitsdienste subordonnĂ©e au NSDAP fut en mesure, sous Konstantin Hierl, de faire aboutir ses visĂ©es monopolistiques en absorbant ou en Ă©cartant les associations concurrentes, par suite de quoi le VBA perdit sa raison dâĂȘtre et disparut[41].
De mĂȘme, Faupel rĂ©ussit sans peine Ă sâinfiltrer dans les clubs des Ă©lites conservatrices, de mĂȘme que dans les cercles oĂč lâon sâemployait Ă prĂ©parer intellectuellement la future dictature. Ainsi se mirent en place graduellement, au fil des diffĂ©rentes Ă©tapes de sa biographie, les diffĂ©rentes piĂšces dâun rĂ©seau de relations, auquel il sera plus tard redevable de sa nomination comme directeur de lâInstitut IbĂ©ro-amĂ©ricain (IAI). Dans ce rĂ©seau figuraient en surnombre des personnes ayant des liens Ă©troits avec la SilĂ©sie. Ăgalement surreprĂ©sentĂ©s Ă©taient des personnages ayant quelque attache avec les colonies ou ayant sĂ©journĂ© longuement en AmĂ©rique latine. Un troisiĂšme Ă©lĂ©ment de connivence enfin procĂ©dait des diverses associations de droite oĂč Faupel avait dĂ©ployĂ© une activitĂ©[42].
Gesellschaft zum Studium des Faschismus
Cependant, la plus importante des associations auxquelles Faupel avait adhĂ©rĂ© avant 1934 Ă©tait la Gesellschaft zum Studium des Faschismus (la GSF), fondĂ© Ă lâorigine, Ă lâinstar dâautres organisations, dans lâintention de fĂ©dĂ©rer les chefs de file des principales forces anti-rĂ©publicaines situĂ©es sur la droite de lâĂ©chiquier politique, initiatives qui du reste allaient toutes se rĂ©vĂ©ler vaines. En revanche, la crĂ©ation dâun pur cercle de rĂ©flexion tel que la GSF, projet moins ambitieux certes mais dâautant mieux ciblĂ©, prĂ©sentait une sĂ©rie dâavantages. La dĂ©nomination de SociĂ©tĂ© pour lâĂ©tude du Fascisme, dâallure programmatique, dĂ©notait que la GSF se proposait dâĂ©tudier en profondeur les expĂ©riences politiques de la dictature mussolinienne ; toutefois, fidĂšle Ă sa vocation de centre dâĂ©tudes, elle avait soin, quand elle analysait un exemple Ă©tranger, de toujours sây livrer en discussion libre ; elle se gardait de vouloir figer ses membres sur des positions unitaires quant aux possibles transpositions du fascisme italien Ă la situation allemande, et admettait que des reprĂ©sentants de ligues de droite concurrentes et souvent controversĂ©es viennent se joindre aux dĂ©bats et associer leurs efforts Ă ceux de la GSF en vue dâun objectif commun[43].
Câest par une analyse des affiliations de la GSF, cercle dâĂ©lite trĂšs fermĂ© oĂč Faupel, en tant que coorganisateur, tenait un rĂŽle important, que lâon peut entrevoir les liens de Faupel avec les milieux oĂč sera bientĂŽt recrutĂ© le personnel dirigeant de la future dictature. Le but explicite de cette organisation consistait Ă juger de la transposabilitĂ© de pratiques politiques et dâidĂ©ologies dâun pays Ă un autre, et le futur prĂ©sident de lâIAI avait dĂ©jĂ une certaine expĂ©rience des voies Ă suivre quand il sâagissait de transfĂ©rer le corpus dâidĂ©es fasciste vers un autre univers culturel[44]. Si lâon tenait une dictature de droite pour souhaitable et son avĂšnement prochain pour assurĂ©, il apparaissait cohĂ©rent de dâabord se pencher en profondeur sur les expĂ©riences de rĂ©gimes totalitaires dĂ©jĂ existants, ce qui Ă©tait prĂ©cisĂ©ment la mission de la GSF, laquelle mission, selon les termes de son prĂ©sident, Ă©tait dâ« examiner les idĂ©es et les expĂ©riences pratiques du fascisme [italien] et de mettre les rĂ©sultats de ces recherches Ă la disposition des dirigeants de lâAllemagne Ă venir »[45]. Faupel faisait partie du cercle restreint interne du Conseil dâadministration de la GSF, chargĂ© de prĂ©parer les sĂ©ances. En outre, il appartenait Ă deux groupes de travail internes, dont la premiĂšre avait pour tĂąche dâĂ©laborer des « directives propres Ă lâĂ©limination du chĂŽmage dans lâĂtat corporatiste allemand », et dont la seconde Ă©tait vouĂ©e Ă lâorganisation du service obligatoire de travail[46].
Le nombre des affiliĂ©s rĂ©guliers Ă©tait plafonnĂ© Ă 100, restriction dâeffectif matĂ©rialisant le caractĂšre exclusif de la sociĂ©tĂ©. En revanche, le nombre des chercheurs associĂ©s (« Studienmitglieder »), dĂ©pourvus de tout pouvoir de dĂ©cision quant aux intĂ©rĂȘts propres de la sociĂ©tĂ©, nâĂ©tait pas limitĂ© et sâaccrut entre 1931 et 1933 dâenviron une centaine Ă 230. En 1933, sur les 330 membres de plein droit et membres de groupes de recherche, 91 Ă©taient des officiers dâactive ou dâanciens officiers de mĂ©tier, soit prĂšs du tiers, dont environ 10 % Ă©taient, comme Faupel, rĂ©cipiendaires de la mĂ©daille Pour le mĂ©rite. Les professions intellectuelles civiles (hauts fonctionnaires, professeurs dâuniversitĂ©, Ă©ditorialistes, Ă©diteurs, auteurs, avocats, artistes, fonctionnaires culturels) composaient, avec 165 membres, prĂšs de la moitiĂ© des effectifs de la sociĂ©tĂ©. On y relĂšve Ă©galement la prĂ©sence dâenviron 23 industriels et banquiers, et de 56 nobles[47]. Parmi les hauts fonctionnaires nationaux-socialistes affiliĂ©s Ă la sociĂ©tĂ©, on relĂšve les noms de Hermann Göring, Hans Frank (futur gouverneur gĂ©nĂ©ral de la Pologne occupĂ©e, et pour lâheure dĂ©putĂ© NSDAP au Reichstag pour Liegnitz, câest-Ă -dire pour le district dont Faupel Ă©tait originaire), Hans Lammers (entre 1933 et 1945 chef de la Chancellerie du Reich et ObergruppenfĂŒhrer de la SS) et Hermann von Raumer (1893-1977, ultĂ©rieurement secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Commission antikomintern, qui se voulait lâembryon dâune « internationale fasciste »)[48]. Enfin, y avait adhĂ©rĂ© Ă©galement le haut commandant de la SA pour le Nord-Est de lâAllemagne, Paul Schulz (de), responsable dâassassinats vĂ©miques (« Fememorde ») au dĂ©but des annĂ©es 1920, pour lesquels il avait Ă©tĂ© condamnĂ© Ă mort, mais ensuite remis en libertĂ© et hissĂ© au rang de martyr, puis plus tard lâun des principaux instigateurs de la terreur de rue de la SA[49]. Parmi les collaborateurs des groupes de recherche figuraient, outre quelques personnages engagĂ©s plus tard dans la politique latino-amĂ©ricaine, lâantisĂ©mite Johann von Leers, collaborateur depuis 1929 de la revue de Goebbels Der Angriff et auteur dâune profusion de libelles Ă haut tirage aussi violents que rudimentaires (tels que « Juden sehen dich an », oĂč Albert Einstein Ă©tait menacĂ© de la potence et oĂč Konrad Adenauer Ă©tait dĂ©clarĂ© israĂ©lite). Si la strate dirigeante de la NSDAP Ă©tait fortement reprĂ©sentĂ©e dans la GSF, les membres de celle-ci ne sauraient pour autant ĂȘtre vus dans leur totalitĂ© comme des prĂ©curseurs dâun futur gouvernement national-socialiste, attendu que quelques-uns dâentre eux, Ă©voluant dans lâentourage de von Papen ou de Schleicher, Ă©taient des exposants de la droite traditionnelle qui rĂ©flĂ©chissaient aux moyens de mettre au pas la NSDAP et prenaient Ă tĂąche de scinder du parti une certaine fraction et de coupler celle-ci, Ă lâexclusion des forces radicales agglutinĂ©es autour de Hitler et de la SS, aux autres forces de droite en vue dâun projet de futur gouvernement[50]. Au milieu de toutes ces forces de droite, Faupel se trouvait donc au sein dâun cercle de reprĂ©sentants particuliĂšrement actifs de lâextrĂȘme droite, dont plusieurs entrepreneurs et banquiers fortunĂ©s, des Ă©diteurs, des personnalitĂ©s de la presse, des politiques influents etc. Il est Ă©tabli que Faupel entretenait des contacts personnels avec de hauts reprĂ©sentants du rĂ©gime nazi[51].
Ă intervalle de deux Ă trois semaines, la GSF convoquait des sĂ©ances oĂč des membres prononçaient des confĂ©rences traitant de thĂ©orie fasciste et de techniques de domination, et Ă lâissue desquelles avaient lieu de copieux dĂ©bats, consignĂ©s par Ă©crit. De ces discussions, il appert que les membres de la GSF Ă©taient conscients des limites posĂ©es Ă une transposition des expĂ©riences italiennes Ă la rĂ©alitĂ© allemande[52].
La GSF subsista jusquâen 1934, avant de se dissoudre. Les chefs de file parmi ses membres soit se virent confier de hautes fonctions dans lâadministration nationale-socialiste, soit disparurent de la sphĂšre publique[52].
Ă la tĂȘte de lâInstitut ibĂ©ro-amĂ©ricain (1934-1945)
Dans sa fonction de prĂ©sident de lâInstitut ibĂ©ro-amĂ©ricain (sigle allemand IAI), Faupel se trouvait au centre des relations informelles entre lâAllemagne dâune part et lâAmĂ©rique latine et la pĂ©ninsule IbĂ©rique de lâautre, sphĂšre officieuse Ă©chappant Ă lâemprise de la politique extĂ©rieure officielle. Le parcours de Faupel est donc, Ă cet Ă©gard, du plus haut intĂ©rĂȘt, vu quâil sâĂ©vertuait Ă faire figure de coordinateur desdites relations et se rendait par lĂ indispensable au rĂ©gime nazi[53].
Contextualisation : importance du monde hispanique pour la politique extĂ©rieure de lâAllemagne nazie
JusquâĂ la PremiĂšre Guerre mondiale, les relations culturelles hispano-allemandes nâavaient Ă©tĂ© que faiblement institutionnalisĂ©es, au prorata des relations politiques entre les deux Ătats, alors fort limitĂ©es en raison du faible poids de lâEspagne dans le contexte international de lâĂ©poque. Cette situation changea avec la dĂ©faite de lâAllemagne dans la PremiĂšre Guerre mondiale, en particulier aprĂšs que les puissances victorieuses eurent interrompu leurs relations tant Ă©conomiques que scientifiques avec lâAllemagne. Le traitĂ© de Versailles dĂ©favorisa le commerce extĂ©rieur allemand par lâimposition de sanctions, Ă quoi sâajoutait le boycott international Ă lâencontre de la science allemande qui se prolongera sur prĂšs dâune dĂ©cennie. Afin de surmonter ces obstacles, lâAllemagne sâefforça dâintensifier sa politique extĂ©rieure culturelle, plus particuliĂšrement avec les Ătats restĂ©s neutres pendant la guerre, et entreprit dâinstitutionnaliser sa politique Ă©trangĂšre dans le domaine culturel[54].
LâEspagne, Ă©tant demeurĂ©e neutre pendant la guerre, occupa dĂ©sormais une position privilĂ©giĂ©e dans la politique culturelle extĂ©rieure de lâAllemagne, compte tenu aussi du rĂŽle que lâEspagne pouvait jouer au bĂ©nĂ©fice de lâAllemagne comme passerelle vers lâAmĂ©rique latine. En guise de principale stratĂ©gie en vue dâexercer une influence sur lâEspagne, lâAllemagne procĂ©da donc Ă une institutionnalisation de sa politique culturelle[54], ce qui se traduisit par une importante expansion du rĂ©seau scolaire allemand en Espagne, par la crĂ©ation de la Deutsche Wissenschaftliche Vermittlungsstelle (Office allemand de mĂ©diation scientifique) Ă Barcelone en 1923, et par la fondation, deux annĂ©es plus tard, de lâArbeitsstelle fĂŒr Deutsch-Spanische Wissenschaftbeziehungen (Bureau des relations scientifiques germano-espagnoles). Ces nouvelles officines allemandes Ă©tablirent des contacts avec la Junta para AmpliaciĂłn de Estudios (Commission dâextension des Ă©tudes, en abrĂ©gĂ© JAE), institution espagnole dâappui Ă la science, regroupant en son sein les personnalitĂ©s les plus progressistes du pays et qui prĂ©conisaient une europĂ©anisation de lâEspagne comme solution globale au sous-dĂ©veloppement scientifique et culturel chronique du pays[55]. Ă cet effet, la JAE mit sur pied un systĂšme de bourses pour effectuer des sĂ©jours dâĂ©tudes Ă lâĂ©tranger, en escomptant que les bĂ©nĂ©ficiaires sâapproprieraient de nouvelles mĂ©thodes et techniques et les mettraient Ă leur retour au profit des Ă©tablissements dâenseignement et de recherche espagnols. De lâensemble des chercheurs qui entre 1910 et 1934 reçurent une bourse de la JAE, prĂšs dâun quart se rendirent en Allemagne, et seule la France dĂ©passait lâAllemagne comme destination des universitaires espagnols. Dâautre part, lâAllemagne parvint Ă occuper une place considĂ©rable Ă lâExposition internationale de 1929 Ă Barcelone[55].
Inversement, la culture espagnole allait faire lâobjet dâune plus grande diffusion en Allemagne, ce qui se reflĂ©ta notamment dans la fondation en 1930 de lâInstitut ibĂ©ro-amĂ©ricain de Berlin (Ibero-amerikanisches Institut, en abrĂ©gĂ© IAI), vouĂ© Ă cultiver les relations culturelles entre lâAllemagne et les anciennes colonies espagnoles, et lâannĂ©e suivante dans la fondation, Ă©galement Ă Berlin, de la SociĂ©tĂ© germano-espagnole (Deutsch-Spanische Gesellschaft, DSG). Cette derniĂšre se proposait dâapprofondir les relations culturelles et scientifiques entre les deux pays au moyen de confĂ©rences, dâexpositions, de dĂ©bats et dâautres Ă©vĂ©nements, Ă©tant entendu que le concept de « culture » Ă©tait dĂšs le dĂ©part imprĂ©gnĂ© des valeurs conservatrices et nationalistes des membres de la DSG[56]. Pour obtenir que les officiels et lâopinion publique latino-amĂ©ricains se rangent derriĂšre lâAllemagne, Faupel avait dĂšs 1931 expressĂ©ment recommandĂ© pour lâIAI un modĂšle institutionnel calquĂ© sur lâUnion panamĂ©ricaine, patronnĂ©e par les Ătats-Unis et dotĂ©e « de grands moyens financiers et dâimportants pouvoirs »[57].
Cependant, Ă partir de 1934, au contraire des annĂ©es antĂ©rieures, le nombre de bourses accordĂ©es par la JAE et destinĂ©es Ă des sĂ©jours en Allemagne commença Ă dĂ©croĂźtre [58]. AprĂšs la prise de pouvoir par les nazis, la politique culturelle extĂ©rieure allemande devait dĂ©sormais servir les intĂ©rĂȘts politiques et Ă©conomiques de lâAllemagne, lâactivitĂ© scientifique et culturelle se muant dĂšs lors en outil de propagande. Ă lâĂ©cole allemande de Madrid, le processus dâalignement sur les principes du nouveau rĂ©gime ne tarda pas Ă se mettre en route, et les autres collĂšges allemands en Espagne et au Portugal suivirent bientĂŽt, mettant leur activitĂ© Ă©ducative en conformitĂ© avec les fondements doctrinaux du TroisiĂšme Reich et Ă©purant notamment les collections de leurs bibliothĂšques. Le Centre allemand dâĂ©tudes et dâĂ©changes de Barcelone et le Centre dâĂ©change intellectuel germano-espagnol de Madrid perdirent leur autonomie et durent mettre leurs activitĂ©s au diapason des nouvelles orientations politiques[55].
Pendant la Guerre civile, la propagande nationale-socialiste assimilant le camp rĂ©publicain au bolchevisme, des militaires et techniciens allemands se portĂšrent au secours des insurgĂ©s. Lâobjectif principal de la politique extĂ©rieure des autoritĂ©s allemandes Ă©tait dâinfluer sur la configuration politique de la future Espagne « nationale ». Si pendant un temps plusieurs factions de la Phalange se sentaient des affinitĂ©s avec le nazisme, dâautres secteurs parmi ceux qui appuyaient Franco jugeaient prĂ©occupante la tentative de mainmise allemande. Il sâensuivit que les nazis non seulement durent rivaliser avec le fascisme italien, mais encore eurent Ă affronter la mĂ©fiance croissante de quelques-uns des groupes du camp insurgĂ©[59].
LâAllemagne chercha Ă Ă©tablir des relations avec des intellectuels et des reprĂ©sentants des professions libĂ©rales espagnoles du camp nationaliste, en privilĂ©giant ceux qui avaient auparavant eu des contacts avec la culture allemande, en particulier dâanciens boursiers de la JAE, pendant que les universitĂ©s de Salamanque, de SĂ©ville et de Valladolid Ă©taient encouragĂ©es Ă entretenir des relations avec les universitĂ©s allemandes. Cependant, celle de Salamanque faisait figure de partenaire privilĂ©giĂ©[60], la ville de Salamanque, emblĂ©matique du point de vue culturel, au mĂȘme titre que Munich ou Nuremberg dans lâimaginaire nazi, apparaissant comme le cadre idĂ©al aux efforts nazis pour gagner des allĂ©geances espagnoles. Cette considĂ©ration peut sans doute aider Ă expliquer pourquoi lâambassade dâAllemagne maintint son dĂ©partement de presse dans cette ville, mĂȘme aprĂšs que lâambassadeur eut suivi les services du chef de lâĂtat espagnol lors de leur transfert Ă Burgos Ă lâĂ©tĂ© 1939[61].
Pendant la Seconde Guerre mondiale, lâAllemagne disposait de plusieurs atouts pour exercer son influence sur la politique, la culture et la science espagnoles, Ă savoir : la forte dette consĂ©cutive Ă la contribution allemande Ă la victoire franquiste ; le soutien des Ă©lites universitaires germanophiles, plus particuliĂšrement dans les disciplines du droit, des sciences sociales, de la philosophie et des sciences de l'ingĂ©nieur ; et le contexte dâisolement intellectuel, lâautarcie et la nette orientation fasciste qui prĂ©valut dans les premiĂšres annĂ©es du franquisme. LâEspagne Ă©tait Ă cette Ă©poque largement tributaire de lâAllemagne et de lâItalie en matiĂšre scientifique et technologique[62]. Les Ă©coles allemandes furent maintenues, et le TroisiĂšme Reich allait investir jusquâĂ la fin de la Seconde Guerre mondiale de fortes sommes dâargent dans la construction ou la rĂ©novation de ses bĂątiments scolaires en Espagne[63].
La dĂ©pendance croissante de lâindustrie de guerre allemande vis-Ă -vis de certaines fournitures espagnoles (de tungstĂšne notamment) accentua encore lâintĂ©rĂȘt quâavait lâAllemagne Ă arrimer lâEspagne Ă lâAxe et Ă lâincorporer dans ses plans de redĂ©finition de lâespace Ă©conomique europĂ©en. En outre, lâEspagne gardait sa fonction de passerelle vers lâAmĂ©rique latine, oĂč la propagande allemande Ćuvrait Ă contrecarrer la position dominante des Ătats-Unis, en rĂ©sonance avec lâaspiration franquiste de renforcer lâimage de lâEspagne en AmĂ©rique latine Ă travers la doctrine de lâ« HispanitĂ© », lâunitĂ© spirituelle de la communautĂ© des peuples hispaniques[63].
PremiĂšre pĂ©riode comme prĂ©sident de lâIAI et missions de cet institut
Lorsque Faupel prit dĂ©but la direction de lâInstitut ibĂ©ro-amĂ©ricain (IAI), lâInstitut se trouvait officiellement sous la tutelle des ministĂšres de lâInstruction publique (Kultusministerium) du Reich et de Prusse. Depuis peu cependant, diverses organisations nationales-socialistes concurrentes, affichant des ambitions en matiĂšre de politique culturelle du Reich, dictaient de facto leurs consignes Ă lâInstitut, et le pouvoir de dĂ©cision dans le Kultusministerium Ă©tait en rĂ©alitĂ© secrĂštement dĂ©tenu, une fois le rĂ©gime nazi consolidĂ©, par la SS. En ce qui concerne les nominations au poste de directeur de lâIAI et la mise au point des futures directives pour sa mission, se considĂ©raient compĂ©tents Ă©galement, au mĂȘme titre que le Kultusministerium de Prusse, le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres (AuswĂ€rtiges Amt, ou AA), le ministĂšre de la Propagande, et lâOrganisation extĂ©rieure (Auslandsorganisation, AO) du NSDAP. Il est du reste probable que la pression du ministĂšre de la Propagande et de lâAO du NSDAP ait Ă©tĂ© dĂ©terminante dans la nomination de Faupel Ă la tĂȘte de lâIAI[64].
Ainsi, et grĂące aussi Ă des alliĂ©s dans les hautes instances de la dictature nazie, Faupel avait, pour lâorganisation de ses activitĂ©s, largement les mains libres, mais le budget de lâInstitut Ă©tait au dĂ©but extraordinairement faible, mĂȘme si le champ dâaction de lâIAI allait ĂȘtre amplifiĂ© par la mise Ă contribution dâautres organisations, nouvelles ou dĂ©jĂ existantes[65]. Faupel avait plusieurs confidents au sein de la direction de la NSDAP/AO, par quoi il Ă©tait assurĂ© de pouvoir utiliser le rĂ©seau de renseignement de lâAO en AmĂ©rique latine[66].
Dâautre part, la marge de manĆuvre de lâIAI Ă©tait conditionnĂ©e par lâimportance que la direction du rĂ©gime nazi accordait Ă la pĂ©ninsule IbĂ©rique et Ă lâAmĂ©rique latine. Hitler lui-mĂȘme ayant clairement laissĂ© entendre que les visĂ©es expansionnistes de son rĂ©gime Ă©taient orientĂ©es avant tout vers lâest, lâIAI se distinguait donc dâemblĂ©e des autres instituts par le peu de cas macropolitique que le gouvernement nazi faisait de son champ dâactivitĂ©, Ă savoir lâAmĂ©rique latine[67]. Pour Faupel, il sâagissait dĂšs lors concrĂštement de fortifier lâascendant allemand outre-mer tout le temps quâil faudra, jusquâĂ ce que la direction du rĂ©gime sâavise enfin dâexploiter matĂ©riellement lâinfluence ainsi acquise[68].
Faupel consacra sa premiĂšre pĂ©riode Ă la prĂ©sidence de lâIAI Ă augmenter les ressources de son institut et Ă affaiblir les institutions susceptibles de le concurrencer dans le domaine des relations germano-latinoamĂ©ricaines, tout en sâemparant des positions dĂ©cisives pour son propre compte. Concomitamment, Faupel intervenait Ă la fondation Alexander-von-Humboldt comme expert en affaires latino-amĂ©ricaines, auquel titre il acquit une influence dĂ©terminante sur lâoctroi des bourses de recherche Ă des Latino-AmĂ©ricains[69].
Progressivement, Faupel sâappropria la direction de la plupart des fĂ©dĂ©rations Ă©conomiques interĂ©tatiques ayant affaire avec lâEspagne et lâAmĂ©rique latine. Au moment oĂč Faupel devint directeur de lâIAI au printemps 1934, ces organisations interĂ©tatiques se trouvaient en cours de rĂ©organisation, processus au terme duquel elles se virent obligĂ©es de coopĂ©rer entre elles et aussi de se soumettre au FĂŒhrerprinzip. Quelques semaines auparavant, la NSDAP/AO avait obtenu que lesdites fĂ©dĂ©rations aient Ă choisir un de ses hommes de confiance comme membre de leur conseil dâadministration ; celui assignĂ© Ă lâIAI Ă©tait Eberhard von Jagwitz, qui avait fait partie en Argentine du groupe dâinstructeurs militaires autour de Faupel[70]. Si donc Faupel Ă©tait contraint de dĂ©lĂ©guer certaines missions, il pouvait nĂ©anmoins dans les questions de portĂ©e stratĂ©gique toujours se rĂ©server la prise de dĂ©cision[71].
Il semble que les industriels allemands intĂ©ressĂ©s se soient progressivement reposĂ©s sur lâInstitut et sur son prĂ©sident comme intermĂ©diaires entre eux et les dĂ©cideurs politiques outremer, ce qui faisait p. ex. quâau plus tard Ă partir de 1936, des reprĂ©sentants dâIG Farben en partance pour lâAmĂ©rique latine se faisaient munir de lettres de recommandation de Faupel. En outre, il Ă©tait habituel que Faupel accepte de piloter divers projets dâexportation ou dâinvestissement en AmĂ©rique latine[72]. LâIAI jouant de plus en plus le rĂŽle de point de chute pour personnalitĂ©s politiques latino-amĂ©ricaines de passage en Allemagne, une autre des activitĂ©s essentielles de Faupel consistait en la prise en charge de Latino-AmĂ©ricains qui voyageaient en Allemagne ou qui sây Ă©taient Ă©tablis. Ceux-ci se retrouvaient ainsi directement Ă portĂ©e de main de lâInstitut comme potentiels « multiplicateurs » de lâinfluence allemande outremer[71].
Chaque , depuis sa fondation et jusquâen 1942, lâIAI cĂ©lĂ©brait la fĂȘte de la Race (DĂa de la Raza, câest-Ă -dire de lâhispanitĂ©), Ă laquelle sâassociait aussi la DSG[73] - [74].
Sur le long terme, Faupel concevait sa politique Ă©trangĂšre culturelle comme outil devant permettre de restaurer la prĂ©sence allemande sur la scĂšne mondiale (« Weltgeltung »). En ce sens, des succĂšs de long terme dans lâobtention de « multiplicateurs » lui apparaissaient de loin plus souhaitables que des succĂšs dâestime propagandistes Ă court terme. Dans cette tĂąche, Faupel eut Ă affonter nombre dâobstacles systĂ©miques consĂ©cutifs Ă lâinstauration du systĂšme nazi, dont notamment le racisme, propre Ă repousser beaucoup dâadmirateurs Ă©trangers, en particulier quand eux-mĂȘmes en Ă©taient lâobjet, Faupel mettant alors tous ses soins Ă Ă©viter que le racisme consubstantiel au rĂ©gime puisse effaroucher ses « multiplicateurs ». Ainsi s'appliqua-t-il, par lâentremise du ministĂšre de la Propagande, de faire retirer de la circulation certains libelles, tels que ceux dâArnold Noldens (pseudonyme de Wilhelm Pferdekamp), dont lâun p. ex. portait le titre « Afrika beginnt hinter den PyrenĂ€en » (littĂ©r. LâAfrique commence derriĂšre les PyrĂ©nĂ©es)[75].
Les efforts visant Ă augmenter la diffusion de la langue allemande en outremer Ă©chouĂšrent par manque de moyens financiers. Estimant Ă juste titre que sans une hausse des compĂ©tences linguistiques rĂ©ciproques, les effets « multiplicateurs » resteraient en-dessous du rĂ©sultat escomptĂ©, Faupel prit de nombreuses initiatives en vue dâancrer lâespagnol comme matiĂšre dâenseignement dans les Ă©coles allemandes, initiatives qui se soldĂšrent toutes par Ă un Ă©chec[76].
Président de la Deutsch-Spanische Gesellschaft (février 1936)
Faupel prit aussi la direction de la Gesellschaft fĂŒr LĂ€nderkunde (littĂ©r. SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie politique), ensuite celle de la Deutsch-Spanische Gesellschaft (SociĂ©tĂ© germano-espagnole, en abrĂ©gĂ© DSG), puis Ă©galement de la Deutsch-Ibero-Amerikanische Gesellschaft (SociĂ©tĂ© germano-ibĂ©roamĂ©ricaine). Ces deux derniĂšres organisations allaient bientĂŽt se retrouver imbriquĂ©es dans le mĂȘme assemblage politique que celui dans lequel lâIAI avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© intĂ©grĂ©. Leur financement Ă©tait assumĂ© par la Vereinigung zwischenstaatlicher VerbĂ€nde und Einrichtungen (VzVE, littĂ©r. Union des fĂ©dĂ©rations et institutions interĂ©tatiques), laquelle dĂ©pendait financiĂšrement en premier lieu du Nachrichtenfonds (Fonds pour le renseignement) du ministĂšre de la Propagande, auquel vint plus tard se joindre comme bailleur de fonds, avec des montants plus Ă©levĂ©s, le Kuratorium der Adolf-Hitler-Spende der deutschen Wirtschaft (littĂ©r. Curatelle des donations Adolf-Hitler de lâĂ©conomie allemande), mais qui tomba bientĂŽt sous lâĂ©gide du SS-ObergruppenfĂŒhrer Werner Lorenz. En outre, Faupel se rĂ©servait le droit dâen choisir personnellement les membres[77], aussi quiconque dĂ©sirait adhĂ©rer Ă la Deutsch-Spanische Gesellschaft p. ex. devait en personne faire acte de candidature auprĂšs de Faupel[78].
Avant la Guerre civile espagnole, la DSG sâĂ©rigea en intermĂ©diaire entre dâune part les cercles phalangistes espagnols favorables Ă la cause du fascisme et du nazisme, et dâautre part les autoritĂ©s de lâĂtat et les instances du NSDAP en Allemagne[79]. Jusque-lĂ , les relations entre la NSDAP et la Phalange avaient Ă©tĂ© fort limitĂ©es[80], lâidĂ©ologie du dirigeant et fondateur de la Phalange JosĂ© Antonio Primo de Rivera sâapparentant plus au fascisme italien. Cependant, aprĂšs lâĂ©clatement de la Guerre civile, lâantagonisme interne au sein de la Phalange entre les « vieilles chemises » d'une part et les soutiens de Franco de l'autre Ă propos de la configuration politique du nouvel Ătat espagnol Ă construire, conduisit les premiĂšres Ă resserrer leurs liens avec la NSDAP[81] - [82]. Dans le mĂȘme temps, des Espagnols fuyant la zone rĂ©publicaine commençaient Ă affluer en Allemagne, rĂ©fugiĂ©s Ă qui Faupel, passĂ© prĂ©sident de la DSG en , prĂ©senta la DSG comme lâinstitution de rĂ©fĂ©rence oĂč trouver des moyens de subsistance dĂšs leur arrivĂ©e Ă Berlin. Ă la mi-, Faupel adressa au ministĂšre de la Propagande une requĂȘte de dĂ©blocage immĂ©diat dâun budget extraordinaire pour la prise en charge des rĂ©fugiĂ©s espagnols ayant fait appel Ă la DSG. Ătant donnĂ© quâune partie de ces Espagnols appartenait au monde universitaire, Faupel voulait employer ces ressources financiĂšres pour les rĂ©tribuer modestement pendant quelques mois pour les travaux scientifiques dont la DSG les missionnerait Ă titre transitoire. Faupel justifia sa demande comme un investissement dâavenir de la politique extĂ©rieure de lâAllemagne, arguant que « prĂ©cisĂ©ment dans la situation actuelle, nous devons nous efforcer de crĂ©er des obligations de gratitude, par notre bonne disposition Ă leur venir en aide, chez autant dâEspagnols dâidĂ©es patriotiques quâil est possible, jetant ainsi les bases dâune future construction de nos relations »[83]. Cette aide cependant fut refusĂ©e par la VzVE, laquelle, placĂ©e sous la tutelle des ministĂšres des Affaires Ă©trangĂšres (AuswĂ€rtiges Amt, ou AA) et de la Propagande, estimait prioritaire dâassigner les ressources Ă la reprĂ©sentation fraĂźchement crĂ©Ă©e de la Phalange en Allemagne. ConcrĂštement, la VzVE requit Faupel de prendre contact avec lâancien attachĂ© de lâambassade dâEspagne et actuel chef des phalangistes en Allemagne, Rogelio GarcĂa Castell, ainsi quâavec la Auslandsorganisation (AO) et lâAuĂenpolitisches Amt (APA, Office de la politique extĂ©rieure) du NSDAP pour convenir ensemble Ă quels Espagnols il y avait lieu dâapporter un soutien. Il sâensuit que dans la pĂ©riode se situant entre le dĂ©but de la Guerre civile et la reconnaissance du gouvernement de Franco par lâAllemagne nazie le , lâattention de la DGS allait, pour ce qui est de ses rapports avec lâEspagne, se focaliser sur la Phalange en Allemagne, en exĂ©cution des directives du parti nazi[84] - [85].
De façon gĂ©nĂ©rale, la DSG dut mettre ses activitĂ©s progressivement au service des objectifs impĂ©riaux du national-socialisme, mais vit en mĂȘme temps se renforcer ses capacitĂ©s financiĂšres, Ă©tant placĂ©e dĂ©sormais sous perfusion de lâĂtat[86]. Durant cette pĂ©riode, la DSG se mit Ă produire, pour les besoins des autoritĂ©s nationales-socialistes, une sĂ©rie de rapports sur lâEspagne et ses relations internationales[87]. En revanche, dans ses relations avec la FET y de las JONS (le parti unique issu de la fusion de la Phalange avec les JONS), Faupel dĂ©daignera de prendre Ă©gard aux consignes des autoritĂ©s franquistes, ce qui aboutira finalement Ă sa destitution de son poste dâambassadeur[88].
Faupel revint Ă la tĂȘte de la DSG en , moment oĂč eurent lieu plusieurs changements importants dans la direction de la sociĂ©tĂ©, dont lâentrĂ©e dans le Conseil dâadministration de Johannes Bernhardt (de), directeur de la Hispano-Marokkanische Transport-Aktiengesellschaft (HISMA), et dâAnton Wahle, directeur de la Rohstoff- und Wareneinkaufsgesellschaft m.b.H (acronyme ROWAK, littĂ©r. SociĂ©tĂ© dâachat de matiĂšres premiĂšres et de marchandises SARL), entreprises sur lesquelles allait sâappuyer tout au long de la Guerre civile le systĂšme compensatoire dâĂ©change de biens rĂ©gissant les relations Ă©conomiques germano-espagnoles, et qui allaient exercer une façon de monopole commercial au service des intĂ©rĂȘts allemands. Par ailleurs, des reprĂ©sentants de lâAO du NSDAP et du ministĂšre de la Propagande furent intĂ©grĂ©s au comitĂ© de direction de la DSG[89].
Mission diplomatique à Salamanque (novembre 1936 - août 1937)
Ă lâĂ©clatement de la Guerre civile espagnole, le NSDAP crut lâheure venue de remplacer la diplomatie classique par une diplomatie nationale-socialiste. En dĂ©pit des mises en garde du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres (AA), qui craignait les imprĂ©visibles consĂ©quences dâune ingĂ©rence allemande dans un conflit international, Hitler dĂ©cida dâaider les gĂ©nĂ©raux rebelles, leur permettant ainsi dâobtenir leurs premiers succĂšs militaires. Au stade suivant, qui consista Ă commencer Ă nouer des relations diplomatiques avec les nationalistes, le NSDAP parvint, avec la nomination de Faupel comme chargĂ© dâaffaires allemand auprĂšs de Franco, Ă imposer son propre candidat. Cette nomination fut interprĂ©tĂ©e comme le signe tangible de ce que les diplomates traditionnels avaient Ă©tĂ© Ă©vincĂ©s par des personnalitĂ©s attitrĂ©es du NSDAP[90], et comme la victoire de lâoption du NSDAP de privilĂ©gier les relations avec la Phalange, au rebours des prĂ©fĂ©rences des Affaires Ă©trangĂšres pour Franco et son gouvernement[91].
Câest donc Faupel, rĂ©putĂ© ĂȘtre un expert en affaires hispaniques et pleinement dĂ©vouĂ© Ă la diffusion du national-socialisme, que Hitler chargea de diriger la lĂ©gation diplomatique allemande destinĂ©e Ă Ă©tablir le contact avec les insurgĂ©s. Faupel, que la presse espagnole dĂ©signa dâemblĂ©e par le titre dâambassadeur, alors quâen rĂ©alitĂ© il ne lâĂ©tait pas encore, vint accompagnĂ© dâun groupe choisi de collaborateurs appelĂ© Ă accomplir les tĂąches diplomatiques. Ce groupe se mit aussitĂŽt en contact avec la Phalange, escomptant sans doute, en raison dâune meilleure compĂ©nĂ©tration dâidĂ©es et dâune plus grande parentĂ© idĂ©ologique, une meilleure communication avec les phalangistes quâavec dâautres forces politiques de la droite traditionnelle[92].
Dans le mĂ©morandum intitulĂ© Denkschrift ĂŒber die Aufgaben eines Vierjahresplans Ă©laborĂ© par Hitler en Ă©tĂ© 1936, celui-ci dĂ©signait la « nĂ©cessitĂ© de repousser le pĂ©ril bolchĂ©vique » comme la considĂ©ration la plus importante de la politique allemande, Ă laquelle toutes les dĂ©cisions eussent Ă ĂȘtre subordonnĂ©es. Une remarque faite par Hitler devant Faupel en , peu avant son dĂ©part pour Salamanque, peut aider Ă cerner le rĂŽle que Hitler impartissait Ă lâEspagne dans son concept europĂ©en global et qui peut se rĂ©sumer comme suit : Faupel ne devait pas sâimmiscer dans les affaires intĂ©rieures espagnoles ; il lui Ă©tait indiffĂ©rent quel systĂšme politique â dictature militaire, Ătat autoritaire ou monarchie â Ă©mergerait de la Guerre civile ; son but exclusif Ă©tait dâobtenir quâĂ lâissue de la Guerre civile la politique extĂ©rieure de lâEspagne ne soit dĂ©terminĂ©e ni par Paris ou Londres, ni par Moscou, et quâĂ cette fin lâEspagne, dans la confrontation dĂ©finitive pour la rĂ©organisation de lâEurope, Ă laquelle il fallait assurĂ©ment sâattendre, lâEspagne ne se retrouve pas dans le camp des ennemis, mais au possible dans celui des amis de lâAllemagne[93] - [94] - [95] - [96].
Les instructions, qui furent communiquĂ©es Ă Faupel le par le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Neurath pour sa mission diplomatique, sâĂ©nonçaient ainsi que suit :
« [âŠ] En ce qui touche aux affaires militaires, le gĂ©n[Ă©ral] Faupel se mettra en communication avec le ministĂšre de la Guerre du Reich. Faupel ne devra pas sâoccuper dâaffaires militaires, mais devra Ă©videmment ĂȘtre tenu au fait de tout, y compris sur le plan militaire. Essentiellement, sa mission consiste Ă conseiller le gĂ©n[Ă©ral] Franco sur sa demande, Ă reprĂ©senter nos intĂ©rĂȘts auprĂšs de celui-ci, et Ă nous tenir informĂ©s du cours des Ă©vĂ©nements[97]. »
Par volontĂ© expresse de Hitler, Faupel fut dotĂ© pour sa mission en Espagne dâun groupe de spĂ©cialistes en matiĂšre de propagande et de presse issus du ministĂšre de la Propagande et de lâAuslandsorganisation (AO) du NSDAP[93] - [98]. Câest sur la base de ce groupe que fut constituĂ© en le dĂ©partement de presse de lâambassade dâAllemagne Ă Salamanque, dĂ©partement dont lâactivitĂ© visait Ă consolider les relations avec la Phalange et Ă fournir tout type de livres, pĂ©riodiques et films de propagande sur lâAllemagne et le national-socialisme. Dans ses efforts Ă influer sur la Phalange, le service de presse allemand allait se trouver engagĂ© dans une compĂ©tition Ăąpre et sournoise avec le dĂ©partement de propagande fasciste italien[93] - [99].
DĂšs son arrivĂ©e Ă Salamanque, dans la nuit du [100], le groupe de Faupel eut le loisir de sâinformer de premiĂšre main sur la situation rĂ©elle de la Phalange, puisque les principaux reprĂ©sentants de celle-ci sâĂ©taient eux aussi dĂ©placĂ©s Ă Salamanque, attendu que cette ville Ă©tait le siĂšge du quartier-gĂ©nĂ©ral de Franco, rĂ©cemment proclamĂ© chef de lâĂtat par les gĂ©nĂ©raux insurgĂ©s. LâĂ©quipe de Faupel dut sâĂȘtre rapidement avisĂ© des carences de ces phalangistes, dont en premier lieu lâabsence dâune propagande puissante et efficace, et sâattelĂšrent sur-le-champ Ă les assister sur ce chapitre. Cela aboutit, comme premier rĂ©sultat, Ă lâannonce de la crĂ©ation dĂ©but dâun bureau de propagande dirigĂ© par le chef phalangiste Hedilla lui-mĂȘme[101] - [102] - [103].
Les envoyĂ©s allemands supervisĂ©s par Faupel, sitĂŽt quâils eurent jaugĂ© la situation du camp nationaliste, et plus particuliĂšrement celle de la Phalange, entreprirent rĂ©solument de diffuser le national-socialisme en ayant recours Ă tous les moyens quâil Ă©tait permis aux ambassades dâemployer : des cours dâallemand Ă©taient organisĂ©s, des membres de la section fĂ©minine de la Phalange Ă©taient invitĂ©s Ă faire des sĂ©jours en Allemagne, un secours dâhiver sur le modĂšle de la Winterhilfe Ă©tait mis sur pied, etc.[104] En , lâAllemagne mit Ă la disposition de Radio Nacional de España (RNE) un puissant Ă©metteur et treize techniciens de maintenance. GrĂące Ă ces nouvelles installations, les Ă©missions de RNE pouvaient ĂȘtre captĂ©es sur la totalitĂ© de la zone rĂ©publicaine. Par la suite, Faupel se lamenta que les Espagnols aient pu dĂ©cider librement du contenu des programmes, du reste en accord avec les stipulations de lâaccord conclu entre lâambassade dâAllemagne et la Junte technique (Ă©bauche de gouvernement nationaliste) de Burgos Ă lâĂ©tĂ© 1937[105].
ParallĂšlement, Faupel expĂ©diait, de son ambassade Ă Salamanque, des rapports Ă lâAA Ă propos des lignes directrices quâavait Ă suivre la propagande culturelle dans lâEspagne nationaliste, soulignant entre autres lâabsolue nĂ©cessitĂ© de pourvoir lâambassade et les librairies espagnoles en traductions de littĂ©rature allemande, plus particuliĂšrement dans les domaines du droit du travail, de lâadministration publique, de la police, de lâhygiĂšne et de lâeugĂ©nisme, et de lui faire parvenir du matĂ©riel dâinformation sur les organisations nationales-socialistes, tels que lâArbeitsdienst (Service de travail), les Jeunesses hitlĂ©riennes, le Bund Deutscher MĂ€del (BDM, littĂ©r. Ligue des jeunes filles allemandes) etc., des revues spĂ©cialisĂ©es de mĂ©decine allemande, et aux fins de propagande, des cartes postales avec la photographie de Hitler et dâautres dirigeants allemands[106].
Il sâagissait de faire participer symboliquement le peuple espagnol aux valeurs du nazisme et du fascisme. Les ambassades allemande et italienne organisĂšrent plusieurs cĂ©lĂ©brations, desquelles, bien que conçues comme spectacles de propagande, il Ă©tait exigĂ© quâelles prĂ©sentent une sĂ©rie de qualitĂ©s « artistiques » et Ă©ducatives, de sorte Ă interpeller le public et obtenir son adhĂ©sion. Beaucoup de ces activitĂ©s de propagande consistaient en la commĂ©moration de faits et de dates marquants de lâhistoire rĂ©cente des mouvements fasciste et nazi, dont notamment lâascension de Hitler au pouvoir, lâanniversaire du FĂŒhrer, le jour du Travail allemand, lâanniversaire de la marche sur Rome, la conquĂȘte de lâĂthiopie, etc.[107] - [108] La premiĂšre de ces cĂ©lĂ©brations Ă prĂ©senter un caractĂšre proprement national-socialiste fut la commĂ©moration Ă Salamanque, le , de la montĂ©e au pouvoir de Hitler, cĂ©rĂ©monie a laquelle Faupel convia les principaux reprĂ©sentants des forces politiques alors prĂ©sentes Ă Salamanque[109].
Dâautre part, Faupel ne tint pas compte de la consigne pourtant univoque de son ministĂšre de tutelle de ne pas se mĂȘler de questions militaires[93]. Peu aprĂšs son arrivĂ©e en Espagne, Faupel avait transformĂ© son bureau en salle dâĂ©tat-major, oĂč les cartes militaires indiquant la ligne de front semblaient occuper sur les tables plus de place que les classeurs contenant la correspondance diplomatique. Le groupe de conseillers quâil avait demandĂ© de faire venir dâAllemagne Ă©taient Ă quelques exceptions prĂšs tous des officiers ayant Ă©tĂ© prĂ©cĂ©demment instructeurs militaires en AmĂ©rique latine[110]. Pourtant, Faupel â au titre de chargĂ© dâaffaires dâabord, dâambassadeur ensuite â nâavait aucun pouvoir dĂ©cisionnaire dans la nomination des commandants des troupes dâintervention allemandes, arrivĂ©s en Espagne dĂ©guisĂ©s en volontaires, ou des hauts commandants de la lĂ©gion Condor, qui quant Ă eux nâavaient eu dans leur carriĂšre passĂ©e que peu ou pas de relation avec Faupel. Le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Sperrle, sous les ordres de qui se trouvaient les unitĂ©s de la Luftwaffe, partageait certes avec Faupel essentiellement les mĂȘmes apprĂ©ciations sur la situation militaire, mais ne manquait pas Ă lâoccasion de rappeler Ă Faupel comment se prĂ©sentait la chaĂźne de commandement ; une lutte de pouvoir sâengagea alors entre les deux hommes. Quant au premier crime de guerre nazi, Ă savoir le bombardement aĂ©rien perpĂ©trĂ© par lâaviation allemande contre la ville basque de Guernica le , Faupel, sâil ne peut en ĂȘtre tenu pour responsable militairement, en Ă©tait assurĂ©ment co-responsable politiquement[111].
Peu aprĂšs sa premiĂšre entrevue avec Franco, Faupel sâadressa directement Ă Hitler pour le solliciter de dĂ©pĂȘcher une division allemande afin dâappuyer la « croisade espagnole ». Vers la mi-, il regagna Berlin porteur dâun rapport sur la situation en Espagne, et quelque temps aprĂšs, Hitler convoqua une confĂ©rence dans la chancellerie du Reich rĂ©unissant Göring, Blomberg (chef de la Wehrmacht), Fritsch, le colonel Warlimont (lâun des artisans de la lĂ©gion Condor), le colonel Hossbach et Faupel. Hormis ce dernier, tous se montraient favorables Ă ce que lâaide Ă lâEspagne demeure limitĂ©e, en consĂ©quence de quoi Hitler dĂ©cida que lâAllemagne nâenverrait pas dâhommes supplĂ©mentaires en Espagne, Ă lâexception de la relĂšve du personnel de la lĂ©gion Condor et dâune petite unitĂ© SS chargĂ©e dâentraĂźner les officiers de la police espagnole[112].
Se souciant aussi de la formation militaire de lâarmĂ©e nationaliste espagnole et de la Phalange, Faupel demanda dans un rapport que soient envoyĂ©s en Espagne comme formateurs trois militaires Ă la retraite, vĂ©tĂ©rans dâAmĂ©rique latine comme lui et sachant lâespagnol. LâentraĂźnement de la Phalange fut confiĂ© au commandant Walter von Issendorf et, en dĂ©pit de la mĂ©fiance que cela suscita dans lâarmĂ©e franquiste, dĂ©buta en [113].
Une autre requĂȘte de Faupel, faite en , portait sur la mise en place dâun commandement gĂ©nĂ©ral militaire conjoint germano-italien. Sans se prĂ©occuper de ce quâen penseraient les militaires allemands qui combattaient alors au service de Franco, Faupel suggĂ©ra de confier la direction de ce commandement Ă un colonel en retraite et ancien instructeur au Chili. Quoique ce plan ait Ă©tĂ© repoussĂ© par Berlin, les ingĂ©rences de Faupel ne tardĂšrent pas Ă lui valoir lâinimitiĂ© de Sperrle, commandant en chef de la legion Condor. Mais il eut aussi quelques succĂšs diplomatiques, p. ex. aprĂšs quâil eut reçu dĂ©but 1937 lâinstruction de Berlin dâentamer rapidement des pourparlers avec Burgos en vue de signer un ensemble dâaccords bilatĂ©raux propres Ă assurer un lien puissant entre lâEspagne et lâAllemagne dans les domaines Ă©conomique et politique[114]. Le premier rĂ©sultat de ses efforts, en date du , Ă©tait un protocole secret qui, sâil se bornait Ă dĂ©finir quelques lignes directrices gĂ©nĂ©rales, contenait aussi lâĂ©bauche du statut de « neutralitĂ© bienveillante » que lâAllemagne souhaitait assigner Ă lâEspagne dans lâĂ©ventualitĂ© dâun conflit armĂ© en Europe[115].
Dans cette phase de tĂątonnement politique, oĂč les fondements idĂ©ologiques du nouveau rĂ©gime espagnol restaient Ă dĂ©finir, les principes idĂ©ologiques et dâorganisation propagĂ©s par les publications nazies qui arrivaient en Espagne durant cette pĂ©riode â principes tels que le FĂŒhrerprinzip, le parti unique totalitaire, la rĂ©forme du systĂšme Ă©ducatif, le syndicalisme et le corporatisme â ont pu marquer de leur empreinte le « Nouvel Ordre » franquiste en gestation ; en particulier, les bases idĂ©ologiques du « syndicalisme vertical » franquiste ont pu ĂȘtre modulĂ©es, spĂ©cialement dans les premiĂšres annĂ©es du rĂ©gime, par le modĂšle des relations de travail dans lâAllemagne nazie tel quâincarnĂ© dans le Deutsche Arbeitsfront (DAF, littĂ©r. Front allemand du travail)[116].
En Allemagne mĂȘme, la DSG formula en un certain nombre de propositions de collaboration avec la Phalange espagnole, moyennant lâassentiment du haut commandement de lâarmĂ©e franquiste. Les initiatives ainsi soumises Ă lâĂ©valuation de lâAA dĂ©notent une volontĂ© affirmĂ©e de faire connaĂźtre les organisations nationales-socialistes en Espagne, notamment en invitant de jeunes Espagnols Ă effectuer des sĂ©jours en Allemagne. LâAA conditionna son aide financiĂšre Ă la condition de ne pas entraver la victoire de la cause nationaliste et dâen rĂ©fĂ©rer aux autoritĂ©s espagnoles plutĂŽt quâaux seuls dirigeants phalangistes, directives auxquelles Faupel se soumit volontiers, car cela le plaçait, au titre dâambassadeur et en mĂȘme temps comme figure marquante de la DSG, dans le rĂŽle de mĂ©diateur clef de la stratĂ©gie de propagande et de prosĂ©lytisme national-socialiste en direction de lâEspagne. Pourtant, Ă lâencontre des directives de lâAA, lâambition de Faupel lâincita Ă se mettre en rapport direct avec les reprĂ©sentants de la Phalange en Espagne en se passant de lâapprobation des autoritĂ©s franquistes, ce qui finit par indisposer celles-ci[117]. Faupel en effet prĂ©fĂ©rait, pour mener Ă bien certaines rĂ©formes sociales jugĂ©es par lui indispensables (en particulier lâamĂ©lioration des conditions dâexistence des classes laborieuses), se reposer sur la Phalange plutĂŽt que sur Franco et les secteurs monarchistes, carlistes ou traditionalistes[118]. Selon Faupel, le phalangisme Ă©tait le plus qualifiĂ© pour servir, dans une Espagne appauvrie, de solution de rechange Ă lâ« internationalisme juif marxiste-lĂ©niniste ». Faupel avait sur la nĂ©cessaire rĂ©forme sociale en Espagne des conceptions plus rĂ©volutionnaires que les visions quâen avaient Franco et la plupart de ses militants, et regardait les traditionalistes comme des rĂ©actionnaires, en particulier du fait de leur catholicisme, dont Faupel se mĂ©fiait, autant quâil apprĂ©ciait le positionnement critique de la Phalange vis-Ă -vis de lâĂglise[119]. Aussi Faupel rĂ©digea-t-il rapidement pour le compte de la DSG un agenda dâinvitations Ă lâintention de phalangistes espagnols, dont un premier contingent de dix phalangistes, aussitĂŽt pris en charge en Allemagne par la DSG, qui avait su obtenir le consentement des organisations nazies concernĂ©es. Cependant, le dĂ©cret dâunification dâavril 1937, qui fondait le parti unique FET y de las JONS, entraĂźna la suspension de cette invitation[120].
MĂȘme aprĂšs le dĂ©cret dâunification, Faupel nâhĂ©sita pas Ă poursuivre la diffusion du national-socialisme, et ne cessa pas â au contraire de son successeur Von Stohrer (de) â dâassister aux commĂ©morations prescrites par le Parti nazi, oĂč il se laissait chaque fois accompagner dâautres orateurs, membres en vue du Parti[104]. Pas davantage, il ne mit fin Ă ses ingĂ©rences dans la politique intĂ©rieure franquiste et prodiguait continuellement ses conseils Ă Franco dans les questions sociales et de propagande, en lui proposant lâassistance de spĂ©cialistes allemands. Dans un de ses rapports, il soutint que « Franco ne pourrait rien faire de mieux que de mettre en pratique le plus tĂŽt possible quelques-unes des propositions de rĂ©forme dĂ©jĂ prĂ©parĂ©es, en partie avec lâaide allemande, par la Phalange »[121] - [122] - [note 3].
Le , Faupel adhĂ©ra au NSDAP, dâune part parce que lâambassadeur italien sâĂ©tait fait membre du parti fasciste, et dâautre part et surtout parce que le NSDAP/AO insista pour que leur diplomate en chef en Espagne Ă©tablisse un lien analogue avec le parti officiel[111].
En , Manuel Hedilla fut limogĂ© comme chef de la Phalange et condamnĂ© Ă mort par une cour martiale. Lorsque Hedilla fut Ă©crouĂ©, Issendorf, qui dirigeait lâentraĂźnement militaire de la Phalange, ainsi que dâautres instructeurs allemands, furent Ă©galement dĂ©tenus pour une brĂšve pĂ©riode. Faupel envoya un tĂ©lĂ©gramme Ă Berlin indiquant que la condamnation de Hedilla signifiait « la victoire des milieux positionnĂ©s contre la Phalange et contre la rĂ©alisation de la rĂ©forme sociale, qui exercent ces temps derniers une influence de plus en plus grande sur Franco »[123] - [122]. Faupel doutait de lâimpartialitĂ© du tribunal militaire, quâil croyait avoir Ă©tĂ© mis sous pression par Serrano Suñer, et prit position en faveur de Hedilla, insistant auprĂšs du gouvernement allemand pour quâil intervienne, mais en vain. Ces dĂ©marches de Faupel eurent pour effet de dĂ©tĂ©riorer plus avant encore les relations avec Franco, lequel eut soin dâalerter les fonctionnaires de lâAA sur le degrĂ© de compromission de leur ambassadeur[124] - [125].
Faupel, qui nâavait rien dâun militaire aristocrate ni dâun diplomate chevronnĂ©[126], ne tarda donc pas, en dĂ©pit de ses modestes succĂšs diplomatiques, Ă entrer en conflit avec le gouvernement franquiste. Ses interfĂ©rences dans les matiĂšres militaires et de politique intĂ©rieure espagnoles furent cause que ses relations avec Franco allĂšrent se dĂ©tĂ©riorant et quâil devint finalement persona non grata en Espagne nationaliste. Serrano SĂșñer, alors conseiller auprĂšs de Franco pour les questions en lien avec la Phalange, dĂ©nonça que Faupel apportait son appui aux Ă©lĂ©ments les plus radicaux de la Phalange[106] - [127]. AprĂšs 1945, devenu ministre de lâIntĂ©rieur de Franco, Serrano SĂșñer brossera un portrait assez peu flatteur de lâambassadeur allemand[111] - [128] ; il est vrai que Faupel adoptait volontiers des postures de consul. Ses critiques portaient surtout sur le caractĂšre du rĂ©gime franquiste, Faupel dĂ©tectant trĂšs tĂŽt dans lâentourage de Franco des tendances socialement conservatrices, monarchistes et rĂ©actionnaires, tendances qui, si elles devaient aboutir, feraient capoter la « rĂ©volution » de type fasciste quâil dĂ©sirait, rĂ©solument dirigĂ©e contre les forces de lâAncien RĂ©gime ; or, un retour aux conditions politiques dâavant lâinstauration de la rĂ©publique espagnole en 1931 eĂ»t Ă mettre sur ses gardes selon lui toute politique extĂ©rieure allemande prĂ©voyante. Non seulement, estimait Faupel, la victoire du camp nationaliste dans la Guerre civile devait ĂȘtre lâobjectif premier de la politique allemande, mais encore Ă©tait-il dans lâintĂ©rĂȘt de lâAllemagne que dans ce camp les forces adĂ©quates lâemportent et produisent une rĂ©volution fasciste ; Faupel jugeait ces forces incarnĂ©es dans la Phalange, laquelle nâĂ©tait cependant dans le camp insurgĂ© quâune faction parmi dâautres, dont les officiers rebelles redoutaient la concurrence. Forçant la portĂ©e de la permission donnĂ©e par Hitler de fournir une assistance militaire Ă la Phalange, Faupel sâĂ©tait cru habilitĂ© Ă procurer aux phalangistes une formation militaire. Mais quand au printemps 1937 le chef phalangiste Manuel Hedilla fut incarcĂ©rĂ© et condamnĂ© Ă mort sur lâaccusation probablement fausse dâavoir fomentĂ© une conspiration phalangiste contre Franco, Faupel fut soupçonnĂ© dâĂȘtre de connivence avec Hedilla, dâautant quâil intervint diplomatiquement pour empĂȘcher lâapplication du verdict. Cet incident, ainsi que la maniĂšre peu diplomatique de faire des remontrances au gouvernement franquiste, l'anticlĂ©ricalisme de nombre de ses dĂ©clarations, et les conflits croissants avec le commandement allemand de la lĂ©gion Condor, Ă quoi sâajoutaient son outrecuidance, son manque de retenue diplomatique envers Franco et ses prĂ©tentions devant la jeune gĂ©nĂ©ration dâofficiers de la Wehrmacht et envers le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, finirent dans le courant de lâannĂ©e 1937 par rendre inĂ©luctable son renvoi comme ambassadeur[129]. En outre, Faupel, mais aussi Sperrle, dâaccord sur ce point malgrĂ© les diffĂ©rends, se plaignait de façon rĂ©pĂ©tĂ©e auprĂšs de Franco de la lenteur avec laquelle se dĂ©roulaient les opĂ©rations militaires de son armĂ©e. Ă la suite de ces immixtions militaires et politiques, Franco entreprit plusieurs dĂ©marches Ă lâĂ©tĂ© 1937 devant le gouvernement allemand Ă lâeffet que ses hauts reprĂ©sentants militaire et diplomatique soient remplacĂ©s pour avoir outrepassĂ© leurs attributions[121] - [note 4].
Avant dâĂȘtre relevĂ© de ses fonctions, Faupel avait rĂ©clamĂ© le soutien de la DSG, qui dut lutter Ăąprement pour obtenir les ressources financiĂšres nĂ©cessaires Ă mener Ă bien quelques-uns de ses projets (lâun de ceux-ci consistant p. ex. Ă permettre fin Ă trois jeunes filles et un garçon phalangistes de visiter sur invitation de la DSG et sur proposition de Faupel plusieurs campements des HJ et du BDM)[130].
Enfin, vers la fin , sur les instances de Franco, Hitler fit limoger Faupel, en invoquant des raisons de santĂ©, et en Ă©cartant de son poste au mĂȘme moment, pour faire bonne mesure, son adversaire le gĂ©nĂ©ral Sperrle[131] - [132] - [133]. Dans leur requĂȘte de mise Ă pied de Faupel, les autoritĂ©s espagnoles lâavaient qualifiĂ© dâ« indĂ©sirable Ă tous Ă©gards ». Faupel fut remplacĂ© Ă la tĂȘte de lâambassade par Eberhard von Stohrer, diplomate de carriĂšre, qui allait sâentendre mieux avec Franco[121]. Stohrer ne pouvait, contrairement Ă Faupel, brandir des recommandations de membres influents du Parti nazi, mais avait pour lui ses antĂ©cĂ©dents dans la carriĂšre diplomatique ; avant le dĂ©but de la Guerre civile, il avait Ă©tĂ© nommĂ© au poste dâambassadeur Ă Madrid, mais avait Ă©tĂ© empĂȘchĂ© de prendre possession de sa fonction par lâĂ©clatement du conflit[134] - [135]. Une fois en poste, il se soucia peu de se plier Ă la kyrielle de cĂ©rĂ©monies publiques prĂ©vues par la lĂ©gation allemande ni nâassista aux fastueuses commĂ©morations et Ă©vĂ©nements culturels de lâautomne 1937, et quelques indices laissent penser quâil Ă©tait opposĂ© Ă ce que les membres de sa lĂ©gation sâadonnent aussi assidĂ»ment Ă ce type dâactivitĂ©[136]. Ă Serrano SĂșñer, le nouvel ambassadeur allemand apparaissait « aussi modĂ©rĂ© que courtois »[137].
AprĂšs que Faupel, revenu en Allemagne, se fut Ă nouveau trouvĂ© Ă la prĂ©sidence de la DSG, quelques changements eurent lieu dans la composition du ComitĂ© de direction de la sociĂ©tĂ©, notablement lâintĂ©gration (dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e ci-haut) comme membres attitrĂ©s de Johannes Bernhardt (de) et dâAnton Wahle, directeurs, respectivement, de la CompañĂa Hispano-MarroquĂ de Transportes Ltda. (HISMA) et de la Rohstoff- und Wareneinkaufsgesellschaft m.b.H. (ROWAK). En , Bernhardt, membre de lâAO du NSDAP, avait en qualitĂ© dâĂ©missaire de Franco transmis Ă Hitler sa demande dâaide militaire. Ă partir de 1937, la HISMA, dont la raison dâĂȘtre originelle lors de sa fondation en consistait Ă camoufler le transport par des avions allemands de troupes franquistes du Maroc vers lâEspagne, prit, Ă la faveur des bonnes relations entre Bernhardt et Franco, le caractĂšre dâune entreprise privĂ©e, acquĂ©rant dâimportants droits miniers en Espagne et organisant pour le compte de lâEspagne lâĂ©change « compensatoire » germano-espagnol de marchandises. En , quand il Ă©tait encore ambassadeur, Faupel avait fait comprendre Ă Franco que lâaide allemande pourrait ne plus arriver si les Espagnols cessaient de commercer par le biais du systĂšme de Bernhardt. AprĂšs le retour de Faupel Ă la tĂȘte de la DSG, celle-ci se mit Ă accepter en son sein les reprĂ©sentants les plus marquants des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques nazis en Espagne[138] - [139].
Son retour en Allemagne se traduisit par une recrudescence des activitĂ©s de la DSG et par une hausse du nombre dâEspagnols venant visiter lâAllemagne grĂące Ă sa mĂ©diation. Sur demande expresse de Faupel, la DSG transfĂ©ra son siĂšge vers les locaux de lâIAI et put depuis lors bĂ©nĂ©ficier de la collaboration des spĂ©cialistes de lâInstitut et par lĂ organiser des activitĂ©s culturelles plus ambitieuses, lesquelles, selon le rapport annuel 1938-1939, se rĂ©partissaient sur six catĂ©gories : confĂ©rences, rĂ©ceptions, galas de bienfaisance, expositions, assistance et appui, bourses, et travaux scientifiques. MalgrĂ© ses relations dĂ©tĂ©riorĂ©es avec Franco pendant son passage en Espagne, Faupel sâemploya encore Ă influencer le phalangisme, mais Ă prĂ©sent en meilleure intelligence avec les autoritĂ©s franquistes, probables futurs vainqueurs de la Guerre civile[140].
Un jalon important dans les relations culturelles entre lâEspagne et lâAllemagne fut la Convention sur la collaboration spirituelle et culturelle entre les deux Ătats, prĂ©parĂ©e par Faupel et signĂ©e Ă Burgos en , laquelle devait servir de cadre lĂ©gal pour les relations entre les deux pays et prĂ©voyait un large Ă©ventail de mesures dans les domaines Ă©ducatif et institutionnel, en plus de la diffusion de livres et de traductions. Cependant, la convention ne fut jamais ratifiĂ©e, en raison de lâopposition du Vatican et de la hiĂ©rarchie de lâĂglise catholique espagnole, qui considĂ©raient les infiltrations idĂ©ologiques nazies comme un pĂ©ril pour la foi des Espagnols, ce qui met en lumiĂšre les difficultĂ©s quâĂ©prouvait la dictature franquiste Ă maintenir un Ă©quilibre entre les diffĂ©rentes fractions qui la soutenaient. De plus, lâAA requit Faupel de freiner les nĂ©gociations jusquâĂ ce que la situation politique de Franco se soit stabilisĂ©e[123] - [141].
DeuxiĂšme pĂ©riode comme prĂ©sident de lâIAI (1938-1945)
Lorsque Faupel, Ă son retour en Allemagne, reprit la prĂ©sidence de lâIAI, les relations entre lâAllemagne et lâAmĂ©rique latine Ă©taient entrĂ©es en crise. En effet, les tentatives de coup dâĂtat dâinspiration fasciste menĂ©es au Chili et au BrĂ©sil avaient incitĂ© les pays voisins Ă prendre des mesures contre leur extrĂȘme droite. Dans le mĂȘme temps, ces pays manifestaient dĂ©sormais le souci dâhomogĂ©nĂ©iser leur population, caractĂ©risĂ©e jusque-lĂ par la diversitĂ© ethnique et par lâimmigration. La politique dâassimilation allait affecter aussi les communautĂ©s allemandes et avoir pour consĂ©quence une diminution sensible des activitĂ©s des organisations allemandes dâoutremer. De surcroĂźt, lâAO (service Ă©tranger) du NSDAP avait perdu une grande part de son crĂ©dit par ses interventions souvent peu diplomatiques et par des actions terroristes contre ses adversaires politiques. La marge de manĆuvre de la politique extĂ©rieure allemande sâen trouva, dĂšs avant le dĂ©clenchement de la Seconde Guerre mondiale, considĂ©rablement rĂ©duite[142].
En ce qui concerne lâEspagne, il sâagissait Ă prĂ©sent dâamener ce pays Ă consentir Ă une alliance avec lâAllemagne, dans la perspective de la guerre europĂ©enne en gestation, opĂ©ration de persuasion dans laquelle lâIAI serait appelĂ©e, en tant quâ« institution de mĂ©diation », Ă jouer un rĂŽle clef. Ă mesure que lâAmĂ©rique latine, pendant le prĂ©lude Ă la guerre et aprĂšs le dĂ©clenchement de celle-ci, tendait Ă se mettre hors de portĂ©e de la politique extĂ©rieure allemande, lâimportance de lâEspagne en contrepartie sâaccroissait. Ă la mi-, dans une lettre au ministre de lâInstruction publique Bernhard Rust, Faupel exposa comme suit les nouveaux axes forts de son action :
« La mission de lâInstitut doit ĂȘtre [âŠ] de soutenir la politique du FĂŒhrer sur la pĂ©ninsule IbĂ©rique dans le domaine culturel et Ă cet effet de rester en contact Ă©troit avec la jeunesse espagnole avide de rĂ©novation, qui sur le plan philosophique cherche auprĂšs de nous, davantage encore quâauprĂšs des Italiens, des points dâappui, du soutien et un modĂšle Ă suivre. La rupture actuellement en cours sur le plan social et philosophique en Espagne aura sur lâAmĂ©rique du Sud et sur lâAmĂ©rique Centrale de fortes rĂ©percussions, en partie dâores et dĂ©jĂ perceptibles[143]. »
La raison de lâintĂ©rĂȘt grandissant du gouvernement nazi pour lâEspagne Ă©tait gĂ©ostratĂ©gique, la pĂ©ninsule IbĂ©rique ayant, avec la dĂ©faite française de , pris une place centrale dans les prĂ©occupations militaires tant des puissances de lâAxe que de la Grande-Bretagne et des Ătats-Unis. En effet, le commandement allemand escomptait que lâentrĂ©e en guerre de lâEspagne et la subsĂ©quente conquĂȘte de Gibraltar pourraient affaiblir sensiblement la position de la Grande-Bretagne en MĂ©diterranĂ©e, d'autant plus que l'Allemagne craignait une contre-offensive alliĂ©e en Afrique du Nord. Or, aprĂšs que Franco eut rejetĂ© l'Ă©ventualitĂ© d'une entrĂ©e en guerre, en invoquant lâĂ©tat de faiblesse de lâEspagne consĂ©cutivement Ă la Guerre civile et le mauvais Ă©quipement de son armĂ©e, lâon rĂ©flĂ©chissait en Allemagne aux moyens dâentraĂźner nĂ©anmoins encore lâEspagne dans la guerre. Lâun des moyens envisagĂ©s Ă©tait un soutien subreptice aux opposants Ă Franco au sein de la Phalange, un autre Ă©tait de renforcer la DivisiĂłn Azul â corps de volontaires espagnols envoyĂ© combattre en Russie â suffisamment que pour en faire une force capable de renverser Franco et dâinstaller Ă sa place une Ă©lite de gouvernement prĂȘte Ă sâengager corps et Ăąme dans la cause de lâAxe. Du coup, les rĂ©seaux dâinfluence de Faupel en Espagne, sa connaissance des antagonismes intĂ©rieurs espagnols et le fonds documentaire de la bibliothĂšque de lâIAI Ă©taient redevenus des atouts majeurs. Entre-temps, lâInstitut avait continuĂ© de servir de principal lieu dâĂ©tape des combattants volontaires espagnols, qui Ă©taient susceptibles de faire office de « multiplicateurs », comme le souligna Faupel dans une lettre au ministĂšre de la SĂ©curitĂ© d'Ătat : « Dans leurs rangs se tiennent [...] des centaines dâuniversitaires, qui mettent rĂ©guliĂšrement Ă profit leurs aller-retour entre lâEspagne et le front de lâEst pour prendre le pouls de lâInstitut et collaborer avec lui »[144]. Ici encore, Faupel, peu intĂ©ressĂ© par des succĂšs Ă court terme, visait les rĂ©sultats sur la longue durĂ©e garantis par une influence subtile et permanente[145].
Si donc lâAmĂ©rique latine tendait depuis 1939 Ă sâĂ©loigner du champ de prĂ©occupation de lâAllemagne nazie, lâIAI sâefforçait de recueillir du moins la plus-value institutionnelle de lâessor conjoncturel des « Auslandswissenschaften » (Ă©tudes Ă©trangĂšres) induite par lâavancĂ©e de lâarmĂ©e allemande sur le vieux continent. Cependant, si lâIAI sut tirer parti de son savoir sur lâEspagne et le Portugal, il dut accepter le rĂŽle directeur des fonctionnaires du RSHA (sĂ»retĂ© dâĂtat), tels que lâOberfĂŒhrer SS Franz Six. Du reste, la rĂ©organisation de lâInstitut, projetĂ© en 1938-1939, fut conçue en lien direct avec la crĂ©ation de la facultĂ© dâĂtudes Ă©trangĂšres de lâuniversitĂ© de Berlin, encore que lâIAI ait pu garder son autonomie[146]. De mĂȘme, son implication dans le projet europĂ©en du gouvernement nazi et dans les plans dâamĂ©nagement imaginĂ©s par celui-ci pour de vastes territoires permit Ă©galement Ă lâIAI de ralentir sinon dâĂ©viter la perte dâimportance de lâinstitution[147]. Enfin, depuis le dĂ©clenchement de la guerre, lâIAI fournissait en matĂ©riel de propagande plusieurs ministĂšres, et ce en quantitĂ©s croissantes, plus particuliĂšrement Ă destination de lâAA, qui sâĂ©vertuait Ă mobiliser en AmĂ©rique latine, en faveur du TroisiĂšme Reich, les sentiments anti-amĂ©ricains et antisĂ©mites endĂ©miques. Des travaux et Ă©tudes rĂ©alisĂ©s dans ce cadre, dont le contenu sâest perdu, seuls les titres prĂ©servĂ©s permettent de se faire quelque idĂ©e ; on trouve entre autres les intitulĂ©s suivants : Imperialismus der USA (« ImpĂ©rialisme des Ătats-Unis »), Das Panama der Wallstreet (« le Panama de Wall street »), Mexico unter der Dollarherrschaft (« le Mexique sous la domination du dollar »), Italiener in den USA wie Neger behandelt (« les Italiens traitĂ©s comme des nĂšgres aux Ătats-Unis »), Die Juden in Ibero-Amerika (« les Juifs en IbĂ©ro-AmĂ©rique »), etc.[148]
Ă la suite du remaniement gouvernemental opĂ©rĂ© par Franco en , les factions fascistes de la Phalange avaient dĂ» cĂ©der une part de leur pouvoir aux secteurs catholiques et aux militaires qui sâopposaient Ă lâentrĂ©e en guerre de lâEspagne. En rĂ©action, la Phalange, consciente que seule une victoire de lâAxe lui permettrait dâasseoir sa position politique dans le pays, entreprit dâapprofondir ses relations avec Berlin, notamment par la fondation en de lâInstitut (phalangiste) dâĂ©tudes politiques (sigle IEP), dont les membres se mirent aussitĂŽt en contact avec les cercles nazis en vue dâĂ©changes culturels et scientifiques. Par la voie de leur revue officielle, la Revista de Estudios PolĂticos (es), ils faisaient connaĂźtre en Espagne lâidĂ©ologie et les lĂ©gislations fasciste et nationale-socialiste. DĂ©but 1941, Serrano SĂșñer crĂ©a lâAsociaciĂłn Hispano-Germana, qui reçut le soutien du ministĂšre allemand de la Propagande et de lâAA[73]. LâuniversitĂ© de Madrid pour sa part maintint pendant la Seconde Guerre mondiale dâintenses Ă©changes culturels et scientifiques avec lâAllemagne, souvent grĂące Ă lâappui financier allemand, tandis quâĂ©taient nombreux les cours de langue espagnole dans les universitĂ©s allemandes[149]. Les annĂ©es 1941-1942 Ă©taient marquĂ©es Ă©galement par des contacts soutenus entre la Section fĂ©minine (SF) de la FET y de las JONS et le BDM, la dirigeante de la SF, Pilar Primo de Rivera, ayant visitĂ© p. ex. jusquâĂ six fois lâAllemagne entre 1938 et 1943[150].
Ce nonobstant, le dĂ©roulement ultĂ©rieur de la guerre, peu favorable Ă lâAllemagne, entraĂźna un graduel refroidissement des relations entre ce pays et lâEspagne de Franco. Ă partir de lâautomne 1942, Espagne renonça progressivement Ă sa position de « non belligĂ©rance » au profit de la « neutralitĂ© », et Ă partir de lâĂ©tĂ© 1944, il y eut une interruption quasi-totale des contacts culturels avec lâAllemagne nazie. Certes, en encore, lâuniversitĂ© de Madrid dĂ©cerna le titre de docteur honoris causa au professeur catholique conservateur de lâuniversitĂ© de Munich, Karl Vossler, spĂ©cialiste de culture espagnole, qui dans un essai de 1929, intitulĂ© Die Bedeutung der spanischen Kultur fĂŒr Europa (littĂ©r. lâImportance de la culture espagnole pour lâEurope), avait plaidĂ© pour lâEspagne et son rĂŽle de phare moral de lâEurope[151].
Au dĂ©but de la guerre, Hitler nourrissant dâautres projets pour le Marstall (de), oĂč lâIAI Ă©tait hĂ©bergĂ©, Faupel dut se mettre en quĂȘte dâun autre site[152]. Les dĂ©marches que Faupel entreprit Ă cet effet mettent en Ă©vidence le sans-façon et la rondeur avec lesquels Faupel prenait bouche avec les haut placĂ©s de la SS lorsquâil avait une demande Ă faire aboutir. Faupel signala mĂȘme quâil avait menĂ©, depuis que le FĂŒhrer avait Ă©mis lâordre de relocalisation de lâIAI, des discussions « presque quotidiennement avec Heydrich et ses subordonnĂ©s »[153].
Bilan de la politique dâinfluence et de lâeffet « multiplicateur »
- En Argentine
En Argentine, le point culminant de lâinfluence allemande sur lâarmĂ©e locale semble devoir ĂȘtre situĂ© avant lâannĂ©e 1933. En effet, aprĂšs cette date se firent jour, au sein du corps dâofficiers, des rĂ©sistances contre une orientation trop marquĂ©e sur lâĂ©tranger, par suite desquelles le nombre des instructeurs allemands restĂ©s en Argentine continua de baisser dans la dĂ©cennie 1930. Dans le mĂȘme temps pourtant commença un afflux vers lâAllemagne de militaires argentins voulant y suivre une formation. Parmi les officiers ayant suivi un cursus en Allemagne avant 1933 et sâĂ©tant ensuite hissĂ©s Ă de hautes fonctions militaires et politiques, on peut citer Ă titre dâexemple les personnalitĂ©s suivantes :
- Basilio PertinĂ© (es) : aprĂšs la rĂ©bellion militaire (es) avortĂ©e de 1905, Ă laquelle il avait eu part, il fut envoyĂ© en Allemagne, oĂč il sĂ©journa plusieurs annĂ©es pour se former. De 1910 Ă 1918, il fut attachĂ© militaire en Allemagne et vĂ©cut la PremiĂšre Guerre mondiale en partie directement sur le front en qualitĂ© dâobservateur. En , il se rallia, avec quelque hĂ©sitation au dĂ©but, au coup dâĂtat dâUriburu, qui inaugura la pĂ©riode historique dite DĂ©cennie infĂąme. En , sous la prĂ©sidence de Justo, il assuma le poste de ministre de la Guerre. Il exerçait comme intendant de Buenos Aires en lâannĂ©e rĂ©volutionnaire 1943, et son entrĂ©e dans lâappareil dâĂtat du gouvernement putschiste inquiĂ©ta les Britanniques, qui le classaient comme sympathisant nazi[154].
- Enrique Mosconi : Ă son retour dâun sĂ©jour en Allemagne de 1905 Ă 1914, il accĂ©da au poste de directeur gĂ©nĂ©ral de la compagnie pĂ©troliĂšre publique Yacimientos PetrolĂferos Fiscales (YPF). Ardent avocat de la nationalisation du secteur de lâĂ©nergie, jugĂ© par lui stratĂ©gique, il fut destituĂ© au lendemain du putsch dâUriburu et incarcĂ©rĂ©, appartenant en effet Ă ceux parmi les dĂ©nommĂ©s germanophiles qui en 1930 restĂšrent fidĂšles au gouvernement constitutionnel[155].
- Enrique P. GonzĂĄlez (es) : ami dâenfance et confident de PerĂłn, il avait Ă©tĂ© formĂ© avant 1933 en Allemagne et devint sous la dictature dâUriburu chef de la police montĂ©e de Buenos Aires. Il fit partie des organisateurs du coup dâĂtat de septembre 1943 et fut de 1949 Ă 1950 sous PerĂłn Ă la tĂȘte de la Direction nationale des migrations et en mĂȘme temps du Conseil national de recherches techniques, et figura accessoirement comme un personnage clef dans lâinfiltration en Argentine dâanciens nazis en fuite[156].
- Juan Sanguinetti (es) : attachĂ© militaire intĂ©rimaire en Allemagne, il y prit en charge lâĂ©quipe olympique argentine. RĂ©putĂ© grand admirateur du rĂ©gime nazi, il fut candidat en 1944 au poste de ministre de la Guerre dans le gouvernement militaire, mais dut sâincliner devant PerĂłn. Il servit ce dernier de 1948 Ă 1950 comme commandant en chef de lâArmĂ©e de terre[157].
Dans la dĂ©cennie 1930, dans le mĂȘme temps oĂč lâarmee sâefforçait de reduire les effectifs dâinstructeurs militaires allemands dans le pays, le nombre des officiers argentins sĂ©journant en Allemagne augmentait parallĂšlement. Il a pu ĂȘtre dĂ©montrĂ© quâune partie de ceux-ci vint aprĂšs 1945 au secours des fugitifs nazis. Ainsi que le note lâhistorien Oliver Gliech, « en ce cas prĂ©cis, lâeffet âmultiplicateurâ a effectivement fonctionnĂ© en faveur du rĂ©gime nazi, quand mĂȘme ce ne fut quâaprĂšs son effondrement »[158].
- Au Chili
Le gouvernement de pays comme le Chili durent, compte tenu de leur opinion publique, prendre leurs distances vis-Ă -vis du TroisiĂšme Reich, sans pour autant encore mettre un terme aux contacts militaires et policiers. Si p. ex. les pourparlers sur la collaboration policiĂšre germano-latino-amĂ©ricaine avaient abouti Ă une impasse dans les annĂ©es 1930, les discussions furent poursuivies nĂ©anmoins de façon officieuse, en partie Ă lâinitiative des officiers de police concernĂ©s eux-mĂȘmes, qui sâadressĂšrent discrĂštement Ă un groupe rĂ©gional (Landesgruppe) du NSDAP/AO, lequel se faisait alors un devoir de faire suivre leur requĂȘte. Ainsi, en 1935, un groupe dâofficiers de police chiliens annonça son intention de visiter des unitĂ©s de police en Allemagne pour y Ă©tudier la formation professionnelle des policiers[159] - [note 5].
Mort
Vers la fin de la guerre, le personnel de lâInstitut sâĂ©tait amenuisĂ© Ă 12 employĂ©s, tandis quâune partie des rĂ©dacteurs avait rejoint lâarmĂ©e et quâune autre partie sâĂ©tait Ă©loignĂ©e de Berlin avant le dĂ©but des combats. Le commencĂšrent au-dessus de Lankwitz, dans la banlieue sud de Berlin, les attaques au sol dâavions de combat russes, et le lendemain, lâInstitut se trouvait Ă la portĂ©e des tirs dâartillerie soviĂ©tiques. Le bĂątiment principal subit plusieurs impacts, sans causer de dommage au fonds de la bibliothĂšque[160].
DĂ©but , le gĂ©nĂ©ral Faupel se serait, en mĂȘme temps que son Ă©pouse, donnĂ© la mort, soit dans leur villa de Potsdam-Babelsberg, soit Ă Berlin mĂȘme, sans que le lieu ait pu ĂȘtre Ă©tabli avec certitude. Quelques annĂ©es plus tard, sur instruction du Parquet de Potsdam, Faupel fut rayĂ© du registre des dĂ©cĂšs, dĂ©cision rare, dont les motivations et les circonstances nâont pu ĂȘtre dĂ©terminĂ©es. Une tombe du couple Faupel apparaĂźt introuvable. Il semblerait que les Russes ou les AmĂ©ricains aient ordonnĂ© une exhumation de la dĂ©pouille de Faupel aux fins dâidentification par son dentiste. Sur le prĂ©sumĂ© suicide des Faupel courent plusieurs versions, pour aucune desquelles des preuves suffisantes ne sont disponibles[161].
Le , lâIAI tomba aux mains de lâArmĂ©e rouge, qui entreprit de perquisitionner les locaux, en se limitant toutefois aux caves, sans toucher aux livres ni aux archives. Le directeur intĂ©rimaire de lâInstitut rĂ©ussit Ă faire croire au commandant russe que la bibliothĂšque Ă©tait la propriĂ©tĂ© dâun Ă©tranger[162].
Lorsque, fin , lâOffice of Strategic Services rĂ©digea sur ordre du ministĂšre amĂ©ricain de la Guerre un mĂ©morandum secret, oĂč Ă©taient Ă©numĂ©rĂ©es des propositions de mesures Ă prendre dans le cadre dâune future politique dâoccupation en Allemagne, lâIAI figurait nommĂ©ment dans la liste jointe en annexe des organisations Ă dissoudre. Bien quâil nâait pas Ă©tĂ© un dĂ©partement du NSDAP, lâinstitut fut rangĂ© par les auteurs du MĂ©morandum dans la catĂ©gorie des institutions qui « sont des produits de la pensĂ©e nazie et Ă©taient associĂ©es au nazisme dans la conscience publique ». Ce document est un parmi dâautres Ă exprimer la prĂ©occupation des Ătats-Unis quâavec la chute des puissances de lâAxe, la menace que faisaient peser les mouvements dâextrĂȘme droite sur le monde occidental et sur sa culture politique nâavait pas Ă©tĂ© totalement Ă©cartĂ©e. En particulier, lâIAI Ă©tait accusĂ© dâavoir jouĂ© un rĂŽle clef dans le processus de dĂ©-dĂ©mocratisation de lâAmĂ©rique latine[163].
Il apparaĂźt toutefois que le rĂŽle politique de lâIAI a Ă©tĂ© jusquâen 1945 fortement surestimĂ© par le camp anglo-amĂ©ricain, Ă©tant donnĂ© que lâInstitut nâexerçait pas dâinfluence directe sur la sphĂšre gouvernante des Ătats latino-amĂ©ricains, quâil nâinterfĂ©rait quâĂ la marge dans les activitĂ©s de leurs services secrets, et quâil nâavait prit part quâindirectement aux menĂ©es souterraines des nazis. Il est vrai que chez nombre de reprĂ©sentants des Ă©lites latino-amĂ©ricaines, qui se sentaient de plus en plus menacĂ©s par la mobilisation des classes populaires, le rĂ©gime nazi qui, comme principal adversaire de lâUnion soviĂ©tique, proposait la rĂ©plique la plus percutante Ă cette menace, acquit un poids dĂ©bordant les limites des diffĂ©rents Ătats. LâInstitut parvint certes Ă obtenir lâallĂ©geance de « multiplicateurs » latino-amĂ©ricains de vieille date, mais le racisme, la xĂ©nophobie et lâincapacitĂ© Ă se fondre dans une rĂ©alitĂ© culturelle Ă©trangĂšre, Ă©lĂ©ments propres au national-socialisme et que celui-ci ne pouvait abdiquer sans se renier, faisaient obstacle Ă la pĂ©rennisation de lâinfluence germanique. La « germanisation » de lâune ou lâautre institution latino-amĂ©ricaine isolĂ©e, voire lâinfiltration mentale de groupes entiers, comme p. ex. le corps des officiers argentins, est impuissant Ă expliquer la dĂ©rive de tel ou tel pays dâAmĂ©rique latine vers lâautoritarisme ; lâorigine des dictatures latino-amĂ©ricaines sont Ă chercher en AmĂ©rique latine elle-mĂȘme[164].
Notes et références
Notes
- On trouve parfois le nom de Faupel parĂ© de la particule nobiliaire von, notamment sous la plume de Juan PerĂłn, mais aussi de Guy Hermet ou dâAndrĂ©e Bachoud. Cette particule est apocryphe et son origine est Ă chercher chez les pamphlĂ©taires et dans lâhistoriographie britanniques. Cf. O. Gliech (2003), p. 167, note 75.
- Selon lâhistorien Oliver Gliech, la « radicalisation cumulative » des pratiques de guerre a indubitablement laissĂ© de profondes traces mentales chez les soldats de carriĂšre de la Troupe de protection. Lâaccoutumance Ă la violence extrĂȘme et une indiffĂ©rence croissante face Ă la souffrance des victimes sâĂ©taient dĂ©jĂ installĂ©es, avant mĂȘme que les pratiques dâanĂ©antissement de masse de la PremiĂšre Guerre mondiale aient fait se propager une telle mentalitĂ©, cf. O. Gliech (2003), p. 146. Gliech argue que Hitler pouvait donc dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1920 requĂ©rir publiquement lâusage de telles pratiques dans tout le Reich Ă lâencontre des Juifs et de la gauche, sans rencontrer de contradiction dans les milieux de droite. Ainsi dĂ©clara-t-il le devant le Berliner Nationalklub von 1919, association Ă©litaire de droite, de laquelle Faupel allait faire partie plus tard, vouloir « rĂ©soudre » la « quesion des marxistes et des Juifs » au moyen de camps de concentration. LâindiffĂ©rence affichĂ©e par lâopinion publique vis-Ă -vis de pratiques de domination quasi-totalitaires dans les colonies a sans aucun doute facilitĂ© lâadoption des mĂȘmes pratiques par des mouvements politiques Ă tendance totalitaire en Allemagne, cf. O. Gliech (2003), p. 147.
- En , aprĂšs la mort accidentelle de Mola, peut-ĂȘtre le seul rival politique de Franco dans le haut commandement nationaliste, Faupel communiqua Ă son ministĂšre que Franco se sentait soulagĂ© par la disparition de Mola. Câest le gĂ©nĂ©ral Fidel DĂĄvila, homme dâune loyautĂ© absolue Ă Franco, qui lui succĂ©da comme commandant militaire dans le Nord de lâEspagne. Cf. (es) Stanley G. Payne et JesĂșs Palacios, Franco. Una biografĂa personal y polĂtica, Barcelone, Espasa, , 813 p. (ISBN 978-84-670-0992-7), p. 226. Voir aussi : (en) Paul Preston, The Spanish Civil War. Reaction, Revolution and Revenge, Londres/Dublin, Harper Collins/William Collins, coll. « Harper Perennial (Ă©d. originale) », 2016 (rĂ©Ă©d. mise Ă jour de lâĂ©dition de 2006, mĂȘme Ă©diteur, elle-mĂȘme rĂ©Ă©d. de lâĂ©dition originale de 1986, paru chez weidenfeld & nicholson sous le titre « the spanish civil war 1936-1939) », 392 p. (ISBN 978-0-00-723207-9), p. 215.
- Faupel dĂ©clara Ă propos de Franco que « son savoir personnel et son expĂ©rience militaire nâĂ©taient pas adĂ©quats pour diriger des opĂ©rations de lâampleur actuelle », cf. S. G. Payne & J. Palacios (2014), p. 235.
- Ă signaler encore une autre figure quâil fut donnĂ© Ă Faupel de prendre sous son aile, Antonio MarĂa Aguirre y Gonzalo. AprĂšs une dĂ©cennie dans la carriĂšre diplomatique, dâabord comme secrĂ©taire de lĂ©gation Ă Riga (1930), puis comme secrĂ©taire au ministĂšre dâOutremer, qui Ă©tait hĂ©bergĂ© alors dans le palais de Santa Cruz Ă Madrid (1932), puis Ă partir de 1937 comme secrĂ©taire dans le cabinet diplomatique de Franco Ă Salamanque, enfin comme consul Ă Hendaye en 1943 â carriĂšre coupĂ©e seulement dâune brĂšve parenthĂšse comme attachĂ© commercial au ministĂšre de lâIndustrie et du Commerce Ă partir dâ â, Aguirre reçut, durant la premiĂšre phase de la DeuxiĂšme Guerre mondiale, de Ă , une affectation comme attachĂ© commercial Ă Berlin. Câest en cette qualitĂ© quâil faisait partie de la commission chargĂ©e de nĂ©gocier avec le gouvernement allemand le rĂšglement des dettes espagnoles contractĂ©es par Franco auprĂšs de Hitler pendant la Guerre civile aux mois de juin et Ă Burgos. Pendant cette mĂȘme pĂ©riode, et avec lâappui rĂ©solu de Faupel, Aguirre complĂ©ta sa formation en ajoutant Ă son doctorat en droit obtenu Ă Madrid un nouveau doctorat en sciences Ă©conomiques et politiques Ă lâuniversitĂ© FrĂ©dĂ©ric-Guillaume de Berlin. Eu Ă©gard Ă sa bonne connaissance de lâAllemagne, mais aussi au fait quâen dĂ©pit de son affectation Ă Berlin pendant la guerre, et Ă la diffĂ©rence dâautres membres espagnols du corps diplomatique, il ne faisait pas figure de personnalitĂ© directement compromise avec lâAxe, il fut choisi en 1951 pour assumer la charge de premier ambassadeur dâEspagne en Allemagne depuis la fin de la guerre. Cf. (es) Carlos Sanz DĂaz, « España y la repĂșblica federal de Alemania (1949-1966) : PolĂtica, econĂłmica y emigraciĂłn, entra la guerra frĂa y la distensiĂłn », Madrid, universitĂ© Complutense de Madrid / facultĂ© de GĂ©ographie et Histoire / Departamento de Historia ContemporĂĄnea, , p. 70-71 (thĂšse de doctorat, sous la direction de Juan Carlos Pereira Castañares).
Références
- O. Gliech (2003), p. 140-141.
- O. Gliech (2003), p. 141.
- O. Gliech (2003), p. 143.
- O. Gliech (2003), p. 143-144.
- O. Gliech (2003), p. 145.
- O. Gliech (2003), p. 147-148.
- O. Gliech (2003), p. 148.
- O. Gliech (2003), p. 149.
- O. Gliech (2003), p. 150.
- O. Gliech (2003), p. 150-151.
- O. Gliech (2003), p. 152-153.
- (de) Ernst von Salomon, Nahe Geschichte, Berlin, Rowohlt, , p. 97.
- O. Gliech (2003), p. 153.
- O. Gliech (2003), p. 153-154.
- O. Gliech (2003), p. 154.
- O. Gliech (2003), p. 154-155.
- O. Gliech (2003), p. 155-156.
- O. Gliech (2003), p. 156.
- O. Gliech (2003), p. 157.
- (de) Hanns Möller, Geschichte der Ritter des Ordens "Pour le mĂ©riteâ im Weltkrieg, Berlin, Bernard & Graefe, , p. 305.
- O. Gliech (2003), p. 158.
- O. Gliech (2003), p. 160.
- O. Gliech (2003), p. 159.
- O. Gliech (2003), p. 161.
- O. Gliech (2003), p. 164.
- Deutsche La Plata Zeitung, Ă©dition du 3 octobre 1922.
- O. Gliech (2003), p. 162.
- O. Gliech (2003), p. 163.
- (es) Juan Perón, Yo, Juan Domingo Perón, Barcelone, Planeta, coll. « Espejo del mundo », , 285 p. (ISBN 978-8432066023), p. 23.
- O. Gliech (2003), p. 167-168.
- O. Gliech (2003), p. 168.
- O. Gliech (2003), p. 169.
- O. Gliech (2003), p. 170.
- O. Gliech (2003), p. 172. Gliech se rĂ©fĂšre Ă (es) Luis Alberto SĂĄnchez (es), LeguĂa el Dictador, Lima, Pachacutec, , 192 p., p. 112-113.
- O. Gliech (2003), p. 173.
- O. Gliech (2003), p. 174.
- O. Gliech (2003), p. 176.
- O. Gliech (2003), p. 177-178.
- (es) Peter Dudek, Erziehung durch Arbeit : Arbeitslagerbewegung und freiwilliger Arbeitsdienst 1920-1935, Opladen, Westdeutscher Verlag, , 312 p. (ISBN 978-3531118864), p. 263 (rĂ©Ă©d. mĂȘme annĂ©e chez Springer Fachmedien, Wiesbaden).
- O. Gliech (2003), p. 178-179.
- O. Gliech (2003), p. 181-182.
- O. Gliech (2003), p. 182.
- O. Gliech (2003), p. 184-185.
- O. Gliech (2003), p. 185.
- O. Gliech (2003), p. 185-186.
- O. Gliech (2003), p. 187.
- O. Gliech (2003), p. 188-189.
- O. Gliech (2003), p. 190.
- O. Gliech (2003), p. 191.
- O. Gliech (2003), p. 192.
- O. Gliech (2003), p. 193.
- O. Gliech (2003), p. 194.
- O. Gliech (2003), p. 131.
- M. Janué i Miret (2015), p. 808.
- M. Janué i Miret (2015), p. 809.
- M. Janué i Miret (2015), p. 810.
- O. Gliech (2003), p. 195.
- M. Janué i Miret (2015), p. 810-811.
- M. Janué i Miret (2015), p. 812.
- M. Janué i Miret (2015), p. 812-813.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 214.
- M. Janué i Miret (2015), p. 817-818.
- M. Janué i Miret (2015), p. 818.
- O. Gliech (2003), p. 196-197.
- O. Gliech (2003), p. 198.
- O. Gliech (2003), p. 197.
- O. Gliech (2003), p. 199.
- O. Gliech (2003), p. 200.
- O. Gliech (2003), p. 200-201.
- O. Gliech (2003), p. 203-204.
- O. Gliech (2003), p. 205.
- O. Gliech (2003), p. 204.
- M. Janué i Miret (2015), p. 819.
- (de) Dawid Danilo Bartelt, Wilhelm Faupel. Generalstabsoffizier, MilitĂ€rberater, PrĂ€sident des Ibero-Amerikanischen Instituts (ouvrage collectif, Ă©ditĂ© par Reinhard Liehr, GĂŒnther Maihold et GĂŒnther Vollmer), Francfort, Bibliotheca Ibero-Americana / Vervuert, , 615 p. (ISBN 3-89354-589-1), « Rassismus als politische Inszenierung. Das Ibero-Amerikanische Institut und der DĂa de la Raza », p. 68
- O. Gliech (2003), p. 206.
- O. Gliech (2003), p. 206-207.
- O. Gliech (2003), p. 202.
- O. Gliech (2003), p. 202-203.
- M. Janué i Miret (2013), p. 2.
- K.-J. Ruhl (1975), p. 57.
- M. Janué i Miret (2013), p. 3.
- K.-J. Ruhl (1975), p. 12-15.
- Lettre de Faupel au ministÚre de la propagande du , citée par M. Janué i Miret (2013), p. 4.
- M. Janué i Miret (2013), p. 5.
- M. Janué i Miret (2015), p. 813.
- M. Janué i Miret (2015), p. 811-812.
- M. Janué i Miret (2013), p. 1.
- M. Janué i Miret (2015), p. 813-814.
- M. Janué i Miret (2015), p. 814.
- O. Gliech (2003), p. 208-209.
- M. Janué i Miret (2013), p. 5-6.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 215.
- M. Janué i Miret (2013), p. 6.
- (de) Walther L. Bernecker, 1936-1996 : 60 Jahre Spanischer BĂŒrgerkrieg vom 3. Juni 1996 - 26. Juni 1996 (ouvrage collectif Ă©ditĂ© par Heike Bilgenroth, Hajo Gevers, Markus Piccio, Sarah SchĂ€fer & Bettina Schröder), Göttingen, Duerkohp & Radicke, (lire en ligne), « Die internationale Dimension des Spanischen BĂŒrgerkrieges: Intervention und Nichtintervention », p. 8.
- (de) Hans-Henning Abendroth, Hitler in der spanischen Arena : Die deutsch-spanischen Beziehungen im Spannungsfeld der europĂ€ischen Interessenpolitik vom Ausbruch des BĂŒrgerkrieges bis zum Ausbruch des Weltkrieges 1936-1939, Paderborn, Schöningh, (ISBN 978-3506774323), p. 36.
- Ă. Viñas (2007), p. 363.
- O. Gliech (2003), p. 209.
- M. Merkes (1969), p. 249-252.
- M. Merkes (1969), p. 252-253.
- Journal El Adelanto, Ă©dition du lundi .
- B. Delgado Bueno (2014), p. 216.
- (es) JosĂ© Luis RodrĂguez JimĂ©nez, Historia de la Falange Española de las JONS, Madrid, Alianza Editorial, , 552 p. (ISBN 978-8420667508), p. 254.
- (es) Maximiano GarcĂa Venero, Falange en la guerra civil : la unificaciĂłn y Hedilla, Bordeaux, Ruedo IbĂ©rico, , 502 p., p. 272.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 221.
- M. Janué i Miret (2013), p. 6-7.
- M. Janué i Miret (2013), p. 12.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 218.
- (es) Ăngel Viñas, Franco, Hitler y el estallido de la guerra civil, Madrid, Alianza Editorial, coll. « Ensayo », , 608 p. (ISBN 978-8420667652), p. 183.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 219-220 & 222.
- O. Gliech (2003), p. 210.
- O. Gliech (2003), p. 211.
- M. Janué i Miret (2013), p. 7.
- M. Janué i Miret (2013), p. 7-8.
- M. Merkes (1969), p. 231-232.
- M. Janué i Miret (2013), p. 8.
- M. Janué i Miret (2015), p. 815.
- M. Janué i Miret (2013), p. 9-11.
- M. Merkes (1969), p. 121.
- M. Janué i Miret (2013), p. 11.
- M. Janué i Miret (2013), p. 11-12.
- M. Janué i Miret (2013), p. 14.
- M. Merkes (1969), p. 257.
- M. Janué i Miret (2013), p. 13.
- M. Janué i Miret (2013), p. 13-14.
- K.-J. Ruhl (1975), p. 15-26.
- Guy Hermet, la Guerre dâEspagne, Paris, Ăditions du Seuil, coll. « Points/Histoire », , 339 p. (ISBN 2-02-010646-9), p. 216.
- K.-J. Ruhl (1975), p. 57-58.
- (es) RamĂłn Serrano SĂșñer, Entre Hendaya y Gibraltar : Noticia y reflecciĂłn, frente a una leyenda, sobre nuestra polĂtica en dos guerras, Madrid, Ediciones y Publicaciones Españolas, , 496 p., p. 87 (rĂ©Ă©d. Nauta 1973, Planeta 2011. La pagination donnĂ©e ici se rapporte Ă lâĂ©dition Nauta). Voir aussi la traduction française du mĂȘme ouvrage (sous le titre Entre les PyrĂ©nĂ©es et Gibraltar), oĂč Serrano SĂșñer indique Ă la p. 47 que Faupel exaspĂšre Franco par « son intĂ©rĂȘt excessif et souvent importun » pour les affaires espagnoles (citĂ© par AndrĂ©e Bachoud, Franco, ou la rĂ©ussite d'un homme ordinaire, Paris, Fayard, , 530 p. (ISBN 978-2213027838), p. 157).
- O. Gliech (2003), p. 212-213.
- M. Janué i Miret (2013), p. 15.
- O. Gliech (2003), p. 214.
- H.-H. Abendroth (1973), p. 118.
- Ă. Viñas (2001), p. 457.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 225.
- Journal El Adelanto, Ă©dition du mercredi 3 novembre 1937.
- B. Delgado Bueno (2014), p. 226.
- A. Bachoud (1997), p. 175.
- M. Janué i Miret (2013), p. 17.
- W. L. Bernecker (1998), p. 12.
- M. Janué i Miret (2013), p. 19.
- M. Janué i Miret (2015), p. 817.
- O. Gliech (2003), p. 215-216.
- O. Gliech (2003), p. 216-217.
- O. Gliech (2003), p. 222-223.
- O. Gliech (2003), p. 218.
- O. Gliech (2003), p. 224-225.
- O. Gliech (2003), p. 226.
- O. Gliech (2003), p. 227-228.
- M. Janué i Miret (2015), p. 821.
- M. Janué i Miret (2015), p. 822.
- M. Janué i Miret (2015), p. 823.
- O. Gliech (2003), p. 219.
- O. Gliech (2003), p. 221.
- O. Gliech (2003), p. 237-238.
- O. Gliech (2003), p. 238.
- O. Gliech (2003), p. 240.
- O. Gliech (2003), p. 241.
- O. Gliech (2003), p. 241-242.
- O. Gliech (2003), p. 238-239.
- O. Gliech (2003), p. 242-243.
- O. Gliech (2003), p. 243.
- O. Gliech (2003), p. 245.
- O. Gliech (2003), p. 245-246.
- O. Gliech (2003), p. 247-249.
Bibliographie
- (de) Oliver Gliech, Ein Institut und sein General : Wilhelm Faupel und das Iberoamerikanische Institut in der Zeit des Nationalsozialismus (ouvrage collectif, Ă©ditĂ© par Reinhard Liehr, GĂŒnther Maihold et GĂŒnther Vollmer), Francfort, Bibliotheca Ibero-Americana / Vervuert, , 615 p. (ISBN 3-89354-589-1, lire en ligne), « Wilhelm Faupel. Generalstabsoffizier, MilitĂ€rberater, PrĂ€sident des Ibero-Amerikanischen Instituts », p. 131-279.
- (es) MariciĂł JanuĂ© i Miret, « Relaciones culturales en el «Nuevo orden» : la Alemania nazi y la España de Franco », Hispania, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones CientĂficas (CSIC)/Instituto de Historia, vol. LXXV, no 251,â , p. 805-832 (ISSN 0018-2141, lire en ligne).(JanuĂ© )
- (es) MariciĂł JanuĂ© i Miret, Falange : las culturas polĂticas del fascismo en la España de Franco (1936-1975), vol. II, Saragosse, InstituciĂłn Fernando el CatĂłlico (C.S.I.C.) / DiputaciĂłn de Zaragoza, coll. « Actas Historia », (ISBN 978-84-9911-216-9, lire en ligne), « La atracciĂłn del falangismo a la causa nacional-socialista por parte de la sociedad germano-española de BerlĂn durante la guerra civil española », p. 240-261 (ouvrage collectif, dirigĂ© par Miguel Angel Ruiz Carnicer).
- (es) Beatriz Delgado Bueno, « Las celebraciones nacionalsocialistas en Salamanca durante la Guerra Civil », Investigaciones HistĂłricas, Salamanque, universitĂ© de Valladolid, no 34,â , p. 211-240 (ISSN 0210-9425, lire en ligne).
- (de) Klaus-Jörg Ruhl, Spanien im Zweiten Weltkrieg : Franco, die Falange und das Dritte Reich, Hambourg, Hoffmann und Campe, coll. « Historische Perspektiven (vol. II) », , 414 p. (ISBN 978-3455091861, lire en ligne).